SEANCE DU 31 MAI 2001
M. le président.
La parole est à M. Lemaire.
M. Guy Lemaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique et de la
réforme de l'Etat.
Monsieur le ministre, manifestement, les choix passés de la majorité plurielle
commencent à compliquer sérieusement la vie du Gouvernement. Cela ne nous
importune pas trop mais le mécontentement, on le voit bien, gagne jour après
jour les différents syndicats de la fonction publique d'Etat, alors que les
négociations sur les 35 heures, promises depuis le mois de janvier, commencent
enfin.
Ces retards illustrent encore une fois le goût prononcé de ce gouvernement
pour le dirigisme, au détriment de la négociation et de la concertation avec
les partenaires sociaux.
Or ces discussions débutent sous de bien curieux auspices puisque l'Etat
refuse toute création d'emplois dans le cadre du passage aux 35 heures. Ainsi,
ce qui est valable pour les entreprises du secteur privé, pourtant soumises aux
contraintes concurrentielles du marché national et international, ne l'est pas
pour le premier employeur de France : l'Etat.
Où sont donc passées les grandes déclarations de l'ancien ministre des
affaires sociales sur les emplois qui seraient créés automatiquement grâce aux
35 heures,...
M. Henri Weber.
Trois cent cinquante mille !
M. Guy Lemaire.
... présentées comme la panacée dans la lutte contre le chômage ?
D'ores et déjà, les représentants de la fonction publique rejettent ce diktat
et les négociations s'annoncent donc très dures. Mais, heureusement, nous
pouvons être persuadés qu'il n'y aura jamais de blocage puisque, depuis
l'épisode du report du vote du projet de loi de modernisation sociale, nous
savons que le Gouvernement est capable de faire volte-face pour peu qu'un des
membres de la majorité, le parti communiste, le réclame avec insistance !
Ce constat, en tout cas, conforte la majorité sénatoriale dans les doutes et
les craintes exprimés à l'occasion de l'examen des lois sur la réduction
généralisée et autoritaire du temps de travail et sur le véritable coût
financier de cette dernière pour la collectivité nationale.
Pourtant, parallèlement, on constate des difficultés de recrutement de plus en
plus importantes au sein de certaines administrations, telles que l'éducation
nationale, pour faire face au nécessaire renouvellement des classes d'âge, dont
le coût financier ne sera pas non plus anodin.
Je voudrais donc savoir, monsieur le ministre, si vous confirmez ne pas
souhaiter créer d'emplois. Dans l'hypothèse inverse, comment comptez-vous
financer ce passage aux 35 heures promis ? Sera-ce par de nouveaux impôts ou
taxes, dans la création desquels le Gouvernement est passé maître, par une
nouvelle spoliation de la branche famille ou du Fonds de réserve pour les
retraites, qui finance déjà les 35 heures dans le secteur privé, ou par toute
autre solution que vous voudrez bien nous exposer ?
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Si j'ai bien
compris le sens de votre propos, monsieur le sénateur, vous soutenez les 35
heures tout en regrettant qu'elles ne permettent pas de créer suffisamment
d'emplois dans la fonction publique de l'Etat. Pourtant, il m'avait semblé que
ce n'était pas exactement la ligne que suivaient la plupart des membres de
l'opposition nationale, qui est majoritaire au Sénat.
M. Henri Weber.
Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis !
(Sourires sur les
travées socialistes.)
M. Ladislas Poniatowski.
Ce n'est pas la question !
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Le
Gouvernement, tout comme le législateur dans les domaines relevant de sa
compétence - je pense en particulier aux collectivités locales, pour lesquelles
le Sénat a adopté l'application des 35 heures à partir du 1er janvier prochain
-, a souhaité que, dès l'an prochain, tous les Français puissent bénéficier du
dispositif de réduction du temps de travail.
Je suis persuadé, monsieur le sénateur, que, avec d'autres, vous n'auriez pas
manqué de vous élever contre une différenciation telle qu'on aurait eu le droit
de travailler d'une certaine manière dans le privé et l'obligation de
travailler d'une autre manière dans le public. On peut, certes, critiquer la
démarche de la réduction du temps de travail, mais vous conviendrez que nous
sommes fondés à vouloir que s'applique un dispositif de même nature dans le
secteur public et dans le secteur privé.
Cela étant, vous devriez en convenir également, en termes d'emplois, on ne
peut pas raisonner de la même manière dans les entreprises privées et dans les
fonctions publiques, en particulier dans la fonction publique d'Etat.
Je vais employer là, monsieur le sénateur, un langage de vérité qui n'est
peut-être pas partagé, par exemple, par l'ensemble des organisations syndicales
auxquelles vous apportez votre soutien avec beaucoup de dynamisme.
(Sourires
sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Ivan Renar.
Travailleuses, travailleurs !
(Nouveaux sourires sur les mêmes
travées.)
M. Michel Sapin,
ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Dans le
privé, au cours des années de crise, nous avons assisté à des destructions
massives d'emplois, et ce gouvernement - c'est la première des tâches qu'il
s'est fixées - a dû ranimer l'économie, créer des mécanismes permettant de
faire en sorte que, dans le privé, ce qui avait été détruit soit reconstitué et
que de nouveaux emplois soient créés.
Dans le public, en particulier dans la fonction publique d'Etat, monsieur le
sénateur, le nombre des fonctionnaires est globalement resté le même ; cela est
parfois critiqué au sein de la majorité sénatoriale et certains vont même
jusqu'à regretter qu'il ait légèrement augmenté.
On ne peut donc pas poser dans les mêmes termes le débat sur l'emploi selon
qu'il s'agit du secteur public ou du secteur privé.
Le seul critère recevable, pour nous, est la satisfaction des usagers des
services publics, et c'est sous cet angle-là que la question de l'emploi est
abordée par chacun des ministres dans la préparation du projet de budget pour
2002.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Luc applaudit
également.)
REPORT DU VOTE DE LA LOI
DE MODERNISATION SOCIALE