SEANCE DU 31 MAI 2001
M. le président.
Par amendement n° 82, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 12, un
article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle est complété
par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette rémunération est également due aux auteurs et aux éditeurs des oeuvres
fixées sur tout autre support, au titre de leur reproduction réalisée, dans les
conditions prévues au 2° de l'article L. 122-5, sur un support d'enregistrement
numérique. »
« II. - Dans l'article L. 311-2 du même code, les mots : "aux articles L.
214-1 et L. 311-1" sont remplacés par les mots : "à l'article L. 214-1 et au
premier alinéa de l'article L. 311-1".
« III. - Dans le premier alinéa de l'article L. 311-4 du même code, les mots :
"fixées sur des phonogrammes ou des vidéogrammes" sont supprimés.
« IV. - L'article L. 311-7 du même code est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« La rémunération pour copie privée des oeuvres visées au second alinéa de
l'article L. 311-1 bénéficie à parts égales aux auteurs et aux éditeurs. »
« V. - L'article L. 311-8 du même code est ainsi modifié :
«
I.
- Après le troisième alinéa (2°), est inséré un alinéa ainsi
rédigé :
« 2°
bis
Les éditeurs d'oeuvres publiées sur des supports numériques ;
»
«
II.
- Cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La commission mentionnée à l'article L. 311-5 peut également prévoir le
remboursement de la rémunération pour copie privée lorsque le support
d'enregistrement est acquis pour un usage professionnel. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Cet amendement pourrait être défendu sans doute plus brillamment par ma
collègue et amie Danièle Pourtaud puisqu'il reprend le texte d'une proposition
de loi qu'elle a présentée et que le Sénat a adoptée, avec l'avis favorable de
la commission des affaires culturelles, le 17 mai dernier, à la
quasi-unanimité, je crois en effet me souvenir que seul l'amiral de Gaulle et
un autre de nos collègues ont voté contre.
Comme vous le savez, depuis la loi de 1985, il existe une rémunération pour
copie privée de cassettes, mais cette rémunération va exclusivement aux
titulaires des droits sur les oeuvres fixées sur phonogramme ou sur
vidéogramme, autrement dit, pour l'essentiel, de la musique et des films.
Or, alors que la saisie des oeuvres écrites peut être aujourd'hui opérée selon
la même technique et que les auteurs des oeuvres écrites peuvent faire l'objet
de la même exploitation, voire du même pillage, ils n'ont pas droit à
rémunération pour copies privées lorsque leurs oeuvres sont pillées ou
utilisées abusivement.
Cet amendement vise donc simplement, comme la proposition de loi que j'ai déjà
mentionnée, à faire en sorte que les droits des auteurs soient les mêmes qu'il
s'agisse d'oeuvres audiovisuelles ou d'oeuvres écrites.
En proposant au Sénat cet amendement n° 82, je ne fais, au fond, que lui
demander de confirmer son vote du 17 mai dernier.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des affaires culturelles ?
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Il paraît
naturel de donner un avis favorable sur cet amendement, qui reprend en effet
une proposition de loi adoptée par le Sénat le 17 mai dernier.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Vous avez raison, monsieur
Charasse, de rappeler qu'à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi
déposée par Mme Danièle Pourtaud et l'ensemble du groupe socialiste, le 17 mai
dernier, la Haute Assemblée a voté, contre l'avis du Gouvernement, une telle
disposition.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation
culturelle, avait alors souligné que nous étions tout à fait sensibles à la
question de l'extension des bénéficiaires de la rémunération pour copie privée.
Il se trouve cependant que, au sein du Conseil supérieur de la propriété
littéraire et artistique, une commission spécialisée doit se consacrer aux
aspects juridiques et pratiques de cette question. Il convient, en effet, de
définir l'écrit numérique - c'est un point sur lequel on n'est pas encore
parvenu à s'entendre - puis d'apprécier les pratiques de copie privée de
l'écrit.
Le Gouvernement continue donc de penser qu'une modification législative sur ce
sujet est prématurée. Il souhaite qu'un travail de fond soit mené au sein du
Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique avant que soit
éventuellement envisagée une évolution législative. C'est pourquoi nous sommes
défavorables à cet amendement.
M. le président.
Monsieur Charasse, l'amendement est-il maintenu ?
M. Michel Charasse.
Oui, monsieur le président, et d'abord eu égard au vote du Sénat qui est déjà
intervenu.
Mais je le maintiens aussi parce que le législateur peut agir sans attendre
l'avis d'un comité Théodule. D'autant que le conseil supérieur en question - et
je remercie Mme Tasca de m'avoir informé personnellement de sa mise en place -
est entièrement livré au pouvoir des corporations : j'ai consulté la liste de
ses membres !
Par conséquent, je ne vois pas au nom de quoi nous attendrions l'avis d'un
organe corporatiste, dont les membres sont issus, pour une large part, des
sociétés d'auteurs - et l'on sait quels intérêts elles défendent ! - pour
savoir si l'on va rendre justice ou pas aux auteurs des oeuvres de l'écrit.
C'est quand même un peu fort !
Il s'agit d'une mesure d'équité, d'égalité et de justice. L'Assemblée
nationale doit, après le Sénat, prendre ses responsabilités. Si elle veut
suivre le Gouvernement, si elle pense qu'il faut attendre un avis corporatiste,
qu'elle le fasse ! Mais, de la part du Sénat, il serait indigne que, après
avoir adopté ces dispositions - en pleine connaissance de la position du
Gouvernement - il recule quinze jours après.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 82.
Mme Danièle Pourtaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Comme l'a rappelé Michel Charasse, cet amendement reprend effectivement une
proposition de loi que j'avais déposée, avec le soutien du groupe socialiste,
et qui a été adoptée par le Sénat.
Les objections du Gouvernement, qui nous a fait observer qu'un certain nombre
d'éléments d'information n'étaient peut-être pas encore disponibles, ont retenu
notre attention.
Il est vrai que cette proposition de loi visait surtout à souligner
l'injustice qui est créée à partir du moment où il a été décidé de faire
percevoir une taxe sur tous les supports numériques, et alors que l'on peut y
enregistrer des types d'oeuvres très diversifiés, beaucoup plus que les types
d'oeuvres qui sont enregistrées sur les cassettes analogiques. L'injustice
vient de ce que les bénéficiaires de cette taxe sont les mêmes que ceux qui
percevaient la taxe sur les cassettes analogiques.
Cela étant, nous sommes conscients de la nécessité d'avoir une meilleure
appréciation de l'ensemble du phénomène, en particulier des données
économiques. Pour ma part, sensible aux arguments du Gouvernement, je
m'abstiendrai sur cet amendement.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je veux simplement
apporter une précision qui apaisera peut-être l'inquiétude de M. Charasse.
Parmi les professionnels qui siègent au Conseil supérieur de la propriété
littéraire et artistique, dix seulement émanent de ce qu'il a appelé les «
corporations ». Je ne crois donc pas qu'on puisse présenter cette instance
comme étant l'expression des corporatismes.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Dix sur combien de
membres ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Sur un total de cinquante
membres, trente-deux sont des professionnels.
M. Michel Charasse.
Plus l'avocat de la SACEM, plus l'avocat de l'ADAMI, l'avocat de ceci,
l'avocat de cela. Il y a des faux nez !
(Sourires.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 82, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 12.
Par amendement n° 83, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste et
apparentés proposent d'insérer, après l'article 12, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Dans l'article 18 de la loi n° 97-283 du 27 mars 1997 portant transposition
dans le code de la propriété intellectuelle des directives du Conseil des
Communautés européennes n° 93/83 du 27 septembre 1993 et n° 93/98 du 29 octobre
1993, les mots : "cinq ans" sont remplacés par les mots : "six ans". »
La parole est à Mme Pourtaud.
Mme Danièle Pourtaud.
Cet amendement vise également à reprendre le contenu d'une proposition de loi
que j'avais déposée et que le Sénat a adoptée le 17 mai dernier à l'unanimité.
Il tend donc à combler un vide juridique.
En effet, depuis le 1er janvier 2001, aucun texte n'autorise plus la
perception de la rémunération équitable due aux artistes interprètes et aux
producteurs de phonogrammes du commerce par les discothèques et établissements
similaires qui les diffusent.
Permettez-moi de rappeler brièvement qu'en 1985, par dérogation au droit
exclusif reconnu par la loi dite « loi Lang » aux artistes interprètes et aux
producteurs de phonogrammes, le législateur avait prévu un régime de « licence
légale » applicable à certaines utilisations publiques des enregistrements déjà
commercialisés. Cette dérogation, sans laquelle chaque radio, chaque
discothèque, chaque magasin, chaque restaurant utilisant de la musique
d'ambiance aurait dû demander une autorisation pour chaque diffusion d'un
enregistrement, devait avoir pour contrepartie une rémunération équitable due
par les utilisateurs.
Malheureusement, le dispositif prévu à cet effet en 1985, et désormais codifié
aux articles L. 214-1 à L. 214-5 du code de la propriété intellectuelle, a
connu quelques difficultés d'application.
Si le législateur a fixé l'assiette, les modalités de perception et de
répartition de la rémunération équitable, il s'en est remis, pour la
détermination des barèmes et des modalités de versement, à la négociation entre
les parties intéressées.
Ces barèmes et modalités de versement doivent donc être établis par des
accords spécifiques à chaque branche d'activité entre les organisations
représentatives des ayants droit et des utilisateurs.
Ces « accords de branche » peuvent être conclus pour une durée de un an à cinq
ans. Ils peuvent aussi être étendus par arrêté du ministre de la culture.
A défaut de leur conclusion ou de leur renouvellement en temps utile, c'est à
une commission prévue par l'article L. 214-4 du code de la propriété
intellectuelle qu'il revient de fixer les barèmes et modalités de versement de
la rémunération équitable.
Mais, comme je le disais tout à l'heure, ce système n'a pas très bien
fonctionné.
Les parties en présence n'ont pas toujours réellement fait la preuve, surtout
dans certains secteurs, de leur volonté et de leurs capacités de
négociation.
Quant à la commission, elle n'a pas non plus parfaitement joué son rôle de «
filet de sécurité » et n'a pas veillé à ce que les barèmes soient fixés ou
renouvelés en temps utile, faute peut-être d'avoir été réunie quand il le
fallait. De plus, ses décisions ont fait l'objet d'actions contentieuses qui
ont contraint le législateur à intervenir par deux fois déjà, en 1993 et 1996,
pour assurer la continuité de la perception de la rémunération équitable.
C'est ainsi qu'une décision de la commission de 1996 relative aux discothèques
avait déjà été menacée d'annulation par un recours. Le Gouvernement avait alors
demandé au Parlement de valider cette décision par un amendement au projet de
loi transposant les directives « câble et satellite » et « durée des droits
d'auteur ». Afin de préserver le droit à rémunération des auteurs, la
commission des affaires culturelles avait accepté, en soutenant l'adoption de
l'article 18 de la loi du 27 mars 1997, de valider le barème applicable aux
discothèques, mais pour une durée limitée à cinq ans, du 1er janvier 1996 au
1er janvier 2001.
Malheureusement, au 1er janvier 2001, aucun accord n'était intervenu, et la
commission, qui ne semble d'ailleurs pas avoir été réunie, n'a pris aucune
décision.
Ce nouvel « accident de parcours » interdit donc de nouveau, depuis le début
de cette année, la perception de la redevance due par les discothèques.
Le Sénat a pris acte de la volonté du Gouvernement de veiller à un meilleur
fonctionnement du dispositif adopté en 1985 et de son souci de reconstituer la
commission chargée, à titre subsidiaire, de fixer les barèmes et les modalités
de versement de la rémunération équitable.
C'est pourquoi, outre qu'il accepte, pour préserver les droits des artistes et
des producteurs, de combler le vide juridique qui fait obstacle depuis le 1er
janvier 2001 à la perception de la rémunération équitable, l'amendement n° 83
tend à fixer aux parties en présence un délai de négociation à l'issue duquel
un nouveau barème devra avoir été déterminé.
Nous vous proposons donc, mes chers collègues, de prolonger d'une année,
jusqu'au 1er janvier 2002, l'application de l'article 18 de la loi du 27 mars
1997.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission des affaires culturelles ?
M. Jean-Paul Hugot,
rapporteur pour avis.
Les commissions des affaires sociales et des
affaires culturelles ne peuvent qu'être favorables à cet amendement, pour les
raisons qui ont été exposées à propos de l'amendement n° 82.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Madame Pourtaud, je vous
remercie de cette initiative. En effet, la reprise par un amendement d'une
proposition de loi que votre assemblée vient d'approuver permet d'atteindre
sans délai l'objectif que nous poursuivons.
Je vous confirme que la commission de fixation du barème des discothèques se
met en place, et je vous informe que les professionnels ont préparé un
protocole d'accord. La demande exprimée par le Sénat pour que les
professionnels se mettent au travail a donc bien été entendue, et je m'en
réjouis avec vous.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 83.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 83, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 12.
Article additionnel avant l'article 13