SEANCE DU 31 MAI 2001
M. le président.
Par amendement n° 41, M. Jean-Louis Lorrain, au nom de la commission des
affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 19, un article
additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 122-1-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« 4° Remplacement d'un pharmacien titulaire d'officine dans les cas prévus aux
premier et troisième alinéas de l'article L. 5125-21 du code de la santé
publique ou remplacement d'un directeur de laboratoire d'analyses de biologie
médicale tel que prévu à l'article L. 6221-11 du même code. »
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Cet amendement vise à insérer à un endroit plus approprié
l'article 6
bis,
qui a été supprimé sur proposition de notre collègue
Alain Vasselle, rapporteur du titre II relatif au fonds de réserve des
retraites.
En effet, l'article 6
bis
avait été introduit par l'Assemblée nationale
dans le titre II, alors qu'il n'a aucun rapport avec le fonds de réserve des
retraites.
Votre commission propose de reprendre ici cet article dont l'objet est
d'autoriser les pharmaciens titulaires d'officine ou les directeurs de
laboratoire d'analyses médicales à recruter leur remplaçant temporaire dans le
cadre d'un contrat de travail à durée déterminée. Cette solution, qui met le
droit en conformité avec une pratique déjà largement répandue, répond au voeu
des professionnels concernés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 41, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 19.
Par amendement n° 45 rectifié, M. Charasse propose d'insérer, après l'article
19, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 58 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions
statutaires relatives à la fonction publique territoriale est complété par un
alinéa ainsi rédigé :
« En cas de congé de maladie, les modalités de contrôle applicables aux
fonctionnaires territoriaux sont applicables également aux agents sous contrat
de droit privé, avec toutes les conséquences qui en résultent. Le médecin
contrôleur agréé transmet son rapport simultanément à l'autorité territoriale
et, pour simple information, au médecin contrôleur de la sécurité sociale qui
ne peut remettre en cause l'avis du médecin contrôleur agréé. »
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Nous abordons un sujet très différent de ceux qui viennent d'être traités et
qui concerne le secteur des affaires sociales.
Aujourd'hui, dans les collectivités locales, nous employons des fonctionnaires
titulaires et des agents qui n'ont pas la qualité de fonctionnaire, à savoir
essentiellement des CES et des emplois-jeunes, et je ne parle pas des
contractuels occasionnels ou autres.
Or tous ces agents sont soumis aux mêmes règles, qui sont la continuité du
service public et le principe d'égalité.
Pourtant, lorsque nous souhaitons lutter contre les abus en matière, par
exemple, de congés de maladie, les situations divergent. S'il s'agit d'un
fonctionnaire territorial, nous pouvons saisir un médecin agréé, qui a la
possibilité de demander à l'agent de reprendre son travail si le congé de
maladie ne lui paraît pas justifié. En revanche, si c'est un CES ou un
emploi-jeune qui exagère un peu, il relève du médecin contrôleur de la sécurité
sociale, lequel ne peut pas être « actionné » par les maires. On a beau le
prévenir, il ne se dérange pas.
Il y a donc deux poids deux mesures, l'une des règles rigoureuses s'appliquant
dans le même service aux agents qui sont fonctionnaires et pas à ceux qui ne le
sont pas.
Mon amendement vise à régler ce problème en tenant compte du fait que, les
intéressés étant employés dans un service public, ce sont les règles du service
public qui doivent prévaloir.
Je propose donc que, pour ces agents qui n'ont pas la qualité de
fonctionnaire, le maire, le président du conseil général ou autre puisse faire
procéder aux vérifications par le médecin contrôleur agréé spécifique aux
collectivités locales, et que le médecin de la sécurité sociale soit simplement
informé, mais ne puisse pas remettre en cause l'avis de son confrère.
Nombre de collègues, m'a-t-on dit, pratiqueraient, en réalité, ainsi. Or, en
fait, leur commune n'a pas le droit de supporter les frais de visite du médecin
contrôleur. Ils pourraient donc avoir à subir un jour des contrôles de la
chambre régionale des comptes, qui pourraient leur créer un certain nombre de
difficultés. Il est donc préférable de régulariser les choses.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Nous aimerions connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Les agents sous contrat de
droit privé employés par les collectivités territoriales - qui, comme vous
l'avez rappelé, sont pour l'essentiel des CES et des emplois-jeunes - sont, en
pratique, tous régis par des corpus spécifiques de règles largement différentes
de celles qui sont appliquées aux fonctionnaires, qu'il s'agisse des conditions
d'emploi, des modes de rémunération ou des taux de cotisations.
Les modalités de contrôle en cas de congé de maladie n'en constituent qu'un
seul aspect, au demeurant non détachable du régime d'ensemble des prestations
d'assurance maladie de ces agents, qui sont globalement moins favorables que
celles qui sont appliquées, dans le cadre du statut général, aux
fonctionnaires.
La mesure proposée introduirait, en outre, une distorsion de traitement entre
salariés de droit privé relevant du régime général. C'est pourquoi le
Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
En fait, cet amendement a été rectifié après son examen en
commission, afin d'y préciser que les décisions prises dans ce cadre par les
médecins contrôleurs agréés s'imposent sans possibilité de recours aux médecins
contrôleurs de la sécurité sociale. En effet, les agents contractuels des
collectivités territoriales sont des salariés de droit privé. Ils sont donc
affiliés au régime général de sécurité sociale et relèvent normalement, en cas
de congé de maladie, du contrôle médical de la sécurité sociale.
Nous souscrivons à la nécessité de combattre les congés de maladie abusifs, et
nous en avons tous rencontrés. Toutefois, cet amendement serait susceptible
d'introduire une confusion préoccupante entre le statut et les normes
juridiques. En d'autres termes, le remède serait pire que le mal.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président.
L'amendement n° 45 rectifié est-il maintenu, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse.
Donc, il faut baisser les bras ! Dans les publics en question, des gens
abusent. Quand ils sont fonctionnaires, on peut réagir. Quand ils ne sont pas
fonctionnaires et qu'ils sont dans le même service, on ne peut pas réagir. Le
cas s'est présenté dans ma collectivité récemment. Je n'arrive pas à faire
contrôler une titulaire d'un contrat emploi-solidarité qui manifestement abuse.
Tout le monde trouve cela très bien.
Je ne vois pas - je le dis amicalement à M. le rapporteur - quelle confusion
cet amendement est susceptible d'introduire. Ces agents-là, même s'ils relèvent
du régime général de la sécurité sociale, sont dans un service public, mes
chers collègues. Je ne peux pas accepter que l'on dise : « ceux qui relèvent du
régime général... ». Les travailleurs du secteur privé qui relèvent du régime
général ne sont pas soumis aux règles de la fonction publique, notamment les
règles de continuité du service. Lorsqu'on est dans le même service, on doit
être soumis à un minimum de règles communes, de façon à relever du même
régime.
A partir du moment où l'on précise que la décision du médecin contrôleur
s'impose, il n'y a plus de problème. Le médecin de la sécurité sociale m'a
répondu : « Moi, monsieur, je ne viens pas à la demande ! ». Cela veut dire
que, quand le congé de maladie sera de six mois, huit mois ou un an, il
consentira peut-être à se déplacer ou à traiter la question par téléphone !
Par conséquent, je maintiens mon amendement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 45 rectifié.
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Je n'ai absolument pas été convaincu par les arguments produits à l'encontre
de cet amendement. On évoque des questions de statut. Or ce qui en cause, ce
n'est pas le statut, c'est le comportement face au service public.
M. Michel Charasse.
Voilà !
M. Michel Caldaguès.
Le service public appelle des comportements identiques, il est le même pour
tout le monde. D'ailleurs, on n'est pas obligé d'être agent du service
public.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
Cependant, à partir, du moment où l'on sollicite un tel emploi et où on
l'accepte, je ne vois pas pourquoi, dans les questions de comportement, il
devrait s'établir une différence légitime entre ceux qui sont titulaires, ceux
qui ne le sont pas et ceux qui relèvent d'un statut de droit privé. Je partage
donc l'avis de M. Charasse. Aussi, je voterai son amendement.
(M. Emmanuel Hamel applaudit.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 45 rectifié, repoussé par la commission et
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 19.
Par amendement n° 49 rectifié
bis
, MM. Domeizel, Chabroux, Dussaut,
Madrelle et les membres du groupe socialiste et apparentés, MM. Fischer, Muzeau
et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer,
après l'article 19, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, après l'article 61 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale,
un article ainsi rédigé :
«
Art. ...
- En l'absence de corps d'accueil permettant leur
détachement, des fonctionnaires territoriaux des cadres d'emplois de
sapeurs-pompiers professionnels peuvent être mis à la disposition de l'Etat ou
de l'Institut national d'études de la sécurité civile, dans le cadre de leurs
missions de défense et de sécurité civiles.
« Les services accomplis, y compris avant l'entrée en vigueur de la présente
loi, au bénéfice de l'Etat ou de l'Institut national d'études de la sécurité
civile, par les sapeurs-pompiers professionnels mis à disposition dans le cadre
du présent article, sont réputés avoir le caractère de services effectifs
réalisés dans leur cadre d'emploi.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions et la durée de la mise à
disposition prévue par le présent article. »
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
La loi du 26 janvier 1984 prévoit la mise à disposition dans la fonction
publique territoriale, mais pas entre les fonctions publiques, même si une
telle modalité a été autorisée de manière provisoire dans le cadre des
transferts de personnels des préfectures vers les services des collectivités
territoriales.
Cet amendement vise à donner une base légale à une situation de fait. En
effet, les rigidités statutaires engendrées par le principe de stricte
séparation des fonctions publiques conduisent à l'impossibilité de procéder à
des détachements de sapeurs-pompiers professionnels auprès des services de
l'Etat du fait de l'absence d'un corps d'accueil. Pour autant, les
fonctionnaires dont il s'agit assument des missions de sécurité civile qui
incombent à l'Etat, mais pour lesquelles il ne dispose pas d'un corps de
fonctionnaires spécifique.
Cette disposition permettra d'assurer une situation statutaire à près de
soixante-dix agents pour lesquels la Cour des comptes et le ministère du budget
exigent que soit trouvée une situation légale et réglementaire. Elle permettra
également de valider ces services comme des services effectifs en catégorie «
active » dans leur cadre d'emploi, notamment en ce qui concerne la liquidation
de leurs droits à retraite d'agent affilié à la CNRACL, la Caisse nationale de
retraites des agents des collectivités locales.
Cette mesure n'entraîne aucun coût budgétaire supplémentaire, car des
conventions financières entre l'Etat et les collectivités territoriales en
règlent déjà les modalités.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Cet amendement vise à régler le problème d'environ
soixante-dix fonctionnaires territoriaux des cadres d'emplois de
sapeurs-pompiers professionnels mis à disposition de l'Etat et de l'Institut
national d'études de la sécurité civile sans base légale. Il vise à leur
assurer la validation des services effectués.
Bien que cette question relève davantage de la commission des lois, je suis
amené, en tant que rapporteur, à émettre un avis favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement partage
les arguments qui viennent d'être exposés par M. Lagauche et par M. le
rapporteur. Aussi, il émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 49 rectifié
bis
, accepté par la
commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 19.
Par amendement n° 46, MM. Domeizel, Chabroux et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 19, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé, au sein de la Caisse nationale de retraites des agents des
collectivités locales, un fonds national de prévention des accidents du travail
et des maladies professionnelles dont relèvent les fonctionnaires des
collectivités et établissements mentionnés aux titres III et IV du statut
général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales.
« Le fonds a pour mission :
« - d'établir, au plan national, les statistiques des accidents du travail et
des maladies professionnelles constatés dans les collectivités et
établissements susvisés, en tenant compte de leurs causes et des circonstances
dans lesquelles ils sont survenus, de leur fréquence et de leurs effets,
« - de participer au financement, sous la forme d'avances ou de subventions,
des mesures de prévention arrêtées par les collectivités et établissements
susvisés et qui sont conformes au programme d'actions qu'il a préalablement
défini dans le cadre de la politique fixée par les autorités compétentes de
l'Etat, après avis et propositions du Conseil supérieur de la fonction publique
territoriale et du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière,
« - d'élaborer, à l'attention des collectivités et établissements précités,
des recommandations d'actions en matière de prévention.
« Pour l'accomplissement de ces missions, le fonds peut conclure convention
avec tout service ou organisme oeuvrant dans le domaine de la prévention des
accidents du travail et des maladies professionnelles.
« Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en
Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
La réflexion menée à partir des débats organisés sur l'initiative des pouvoirs
publics et des responsables des régimes sociaux au cours des dernières années a
mis en évidence que le maintien durable d'un haut niveau de protection sociale
passait par un développement de politiques publiques de prévention.
En matière de risques professionnels dans les fonctions publiques, des efforts
sont conduits aujourd'hui de façon isolée par certaines collectivités locales,
en l'absence d'une véritable politique nationale de prévention.
Dans le même temps, les dépenses d'indemnisation en matière d'invalidité ont
atteint un poids tout à fait considérable dans les charges des régimes sociaux
concernés. Le régime de retraites des agents des collectivités locales
n'échappe pas à ce phénomène regrettable, d'abord pour la santé et l'état
physique de ses fonctionnaires.
C'est pourquoi, afin de relayer la volonté des pouvoirs publics et de
contribuer efficacement à la maîtrise de ces dépenses, s'impose la création
d'un fonds national de prévention des risques professionnels dans les fonctions
publiques territoriale et hospitalière.
Ce fonds, dont la mission s'inscrirait dans le cadre de la politique définie
par les pouvoirs publics, pourrait notamment recueillir les données en matière
d'accidents de service et de maladies professionnelles dans ces deux fonctions
publiques, mais aussi étudier, financer et effectuer le suivi de certaines
actions de prévention à la demande des collectivités.
Comme pour la mutualité sociale agricole, qui est dotée, depuis l'an dernier,
d'un fonds national de prévention, il serait, par conséquent, particulièrement
judicieux et cohérent que la création de ce fonds puisse intervenir dans les
meilleurs délais.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Même si, je le précise d'emblée, la commission des affaires
sociales a donné un avis favorable sur cet amendement, la discussion qui s'est
déroulée ce matin en son sein a montré l'existence d'un certain nombre de
malentendus qu'il convient de dissiper.
Premièrement, la création d'un fonds national de prévention des accidents du
travail et des maladies professionnelles vient à la suite d'un long processus
de réflexion et d'analyse. Elle représente un véritable progrès pour les
fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.
Le Sénat est particulièrement bien placé pour prendre cette initiative. En
effet, nous ne pouvons passer sous silence le fait que notre excellent collègue
Claude Domeizel est, par ailleurs, président de la CNRACL. Il connaît donc ces
questions mieux que personne et il nous a indiqué que le président de
l'Association des maires de France partageait sa préoccupation.
M. Michel Charasse.
C'est exact !
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Deuxièmement, le fait qu'il s'agisse d'un fonds ne doit pas
nous induire en erreur : cette appellation vise à prévoir une entité autonome,
au sein de la caisse, tout comme les caisses du régime général disposent
également de fonds. Certes, le Sénat est plutôt « vacciné » s'agissant des
fonds de la protection sociale, mais celui-là semble être un bon fonds !
(Sourires.)
Troisièmement, il y aura des dépenses nouvelles, certes, mais elles seront
limitées, 50 millions de francs suffisant, et elles seront sources de futures
économies. Nous avons fustigé et nous fustigeons trop souvent l'insuffisance de
la prévention dans le domaine des accidents du travail comme dans celui de la
santé publique pour ne pas approuver la création de ce fonds national de
prévention.
Quatrièmement, créer ce fonds ne nous empêcherait pas de prendre d'autres
initiatives lors de l'élaboration de la loi de financement de la sécurité
sociale, s'agissant du fonds de l'allocation temporaire d'invalidité des agents
des collectivités locales.
Ce dernier pose véritablement problème : géré directement par la Caisse des
dépôts et consignations, ses réserves ont été ponctionnées de plusieurs
milliards de francs, sous tous les gouvernements, pour financer la CNRACL
elle-même et pour alimenter le fonds de compensation du congé de fin
d'activité. Ces pratiques critiquables ont été dénoncées en d'autres temps,
mais je crois que c'est là un autre débat.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales a
émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
A l'évidence, prévoir, en
s'appuyant sur un dispositif financier
ad hoc,
une démarche spécifique
en matière de prévention des accidents du travail et des maladies
professionnelles pour les métiers de la fonction publique territoriale et de la
fonction publique hospitalière est tout à fait fondé. Telle était, d'ailleurs,
la conclusion du rapport remis par Mme Joëlle Dusseau, professeur agrégé, à
l'issue de la mission qui lui avait été confiée par M. Zuccarelli.
Néanmoins, les modalités de financement de ce fonds devraient permettre de
créer des synergies entre les politiques conduites au plan national par la
CNRACL et, au plan local, par les collectivités ou établissements hospitaliers.
En outre, le mode de financement choisi devrait également permettre d'engendrer
des recettes pérennes.
Or des difficultés pourraient survenir avec un financement assuré à partir du
fonds de l'allocation temporaire d'invalidité des collectivités locales, dont
l'équilibre en gestion est fragile.
Par ailleurs, de nombreuses interrogations subsistent en ce qui concerne son
champ d'intervention éventuel et les modalités de sa gestion.
C'est pourquoi il semble que le dossier doive être analysé plus en profondeur,
afin que l'on puisse trouver des modes de financement et de gestion adaptés aux
compétences dont ce fonds serait doté.
Par conséquent, l'avis du Gouvernement est défavorable, même si, je le répète,
l'intention semble bonne.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 46, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 19.
Par amendement n° 53, MM. Domeizel, Chabroux et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 19, un article
additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 58 du code des pensions civiles et militaires de retraite est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La suspension prévue en raison de la perte de la nationalité française ne
s'applique pas aux veuves algériennes d'anciens fonctionnaires français dès
lors que n'ayant pas souscrit la déclaration récognitive de nationalité
française après l'accession à l'indépendance de l'Algérie, elles ont établi
leur domicile en France depuis le 1er janvier 1963 et y résident de manière
habituelle. »
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Les veuves algériennes d'anciens fonctionnaires relevant de la CNRACL sont
réputées avoir perdu la nationalité française au 1er janvier 1963 dès lors
qu'elles n'ont pas souscrit, après l'accession à l'indépendance de l'Algérie,
la déclaration récognitive de nationalité française.
Or la perte de la nationalité française est un motif de suspension du droit à
pension. Cependant, celles d'entre elles qui résidaient de manière habituelle
en France avant le 1er janvier 1963 ont obtenu une dérogation par un décret du
4 avril 1968, reconduit d'année en année jusqu'en 1991 par décrets non publiés
au
Journal officiel.
Cette dérogation a pris fin en 1992. Depuis lors, ces femmes se trouvent
privées de leurs droits à pension de réversion, faute d'avoir accompli à
l'époque les démarches leur permettant de se prévaloir de la nationalité
française.
Pour des raisons évidentes d'équité, il conviendrait de rétablir leur
situation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement est
défavorable à cet amendement.
Certes, l'accession à l'indépendance des territoires placés sous tutelle ou
protectorat de la France a conduit à une évolution du droit applicable aux
ressortissants des pays concernés. Elle s'est traduite par la perte de la
nationalité française pour ceux d'entre eux qui n'ont pas demandé à la
conserver.
Toutefois, alors que, dans d'autres pays européens, les pensions n'ont plus
été servies, le législateur a décidé, par l'article 71 de la loi du 26 décembre
1959, de maintenir les droits acquis par les intéressés, malgré la perte de la
nationalité française mais à des taux cristallisés à la date de
l'indépendance.
Dès lors, la prise en compte de nouveaux droits, comme la réversion pour les
veuves, n'est plus opérée.
En effet, le législateur avait prévu la possibilité de déroger
exceptionnellement à ces dispositions restrictives par décret et pour une durée
d'un an renouvelable, et les gouvernements successifs ont autorisé
l'acquisition de la nationalité française par déclaration jusqu'en 1990, ce qui
permettait la prise en compte de droits nouveaux tels que la réversion des
pensions au profit des ayants cause, notamment des veuves.
A compter de 1990, le Gouvernement n'a pas jugé nécessaire de renouveler une
dérogation qui devait rester exceptionnelle au vu de la loi de 1959 et qui est
tout de même demeurée ouverte pendant trente ans.
Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'adoption de cet
amendement.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Madame la ministre, je
suis tout à fait surpris des termes que vous venez d'employer.
En effet, vous avez parlé de territoires ayant été sous tutelle ou protectorat
de la France. Mais, que je sache, l'Algérie, c'était trois département français
!
M. Michel Charasse.
Oui !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je veux bien que l'on
trafique l'histoire - car c'est de cela qu'il s'agit - mais je n'admets pas que
l'on refuse l'extension ou le maintien d'une dérogation au profit de veuves
algériennes d'anciens fonctionnaires français.
Quand en finira-t-on avec un Etat mesquin qui, en permanence, essaie de
réduire quelques avantages qui ont été accordés à un nombre limité de personnes
?
Je crois que le Sénat s'honorerait en votant l'amendement n° 53.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53, accepté par la commission et repoussé par
le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 19.
Par amendement n° 54, MM. Domeizel, Chabroux et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 19, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l'article L. 212-1 du code de la sécurité sociale est
complété par une phrase ainsi rédigée : "Cette disposition est étendue, à
compter du 1er juillet 2001, aux retraités de la Caisse nationale de retraite
des agents des collectivités locales et du Fonds spécial des pensions des
ouvriers des établissements industriels de l'Etat, domiciliés dans les
départements d'outre-mer". »
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Depuis le 1er avril 1981, les prestations familiales dues aux retraités de la
métropole relevant de la CNRACL sont versées par les caisses d'allocations
familiales, sauf pour les retraités domiciliés dans les départements
d'outre-mer, en application de l'article L. 755-10 du code de la sécurité
sociale.
Il y a également lieu d'étendre le bénéfice de cette disposition aux retraités
du fonds spécial des pensions des ouvriers de l'Etat domiciliés dans les
DOM.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Cet amendement tend à étendre l'application du droit commun,
en l'occurrence en faisant verser par les caisses d'allocations familiales les
prestations familiales dues aux retraités de la CNRACL et du fonds spécial des
pensions des ouvriers de l'Etat qui résident dans les DOM.
La commission a émis un avis favorable sur cette mesure de simplification.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, accepté par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 19.
Par amendement n° 55, MM. Domeizel, Chabroux et les membres du groupe
socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 19, un article
additionnel ainsi rédigé :
« La loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux
personnes assurées contre certains risques est ainsi modifiée :
« A. - Après l'article 7, il est inséré un article ainsi rédigé :
«
Art. 7-1. -
Lorsque des assurés ou des adhérents sont garantis
collectivement dans les conditions prévues à l'article 2 de la présente loi,
dans le cadre d'un ou plusieurs contrats, conventions ou bulletins d'adhésion à
un règlement comportant la couverture des risques décès, incapacité de travail
et invalidité, la couverture du risque décès doit inclure une clause de
maintien de la garantie décès en cas d'incapacité de travail ou d'invalidité.
La résiliation ou le non-renouvellement du ou des contrats, conventions ou
bulletins d'adhésion à un règlement sont sans effet sur les prestations à
naître au titre du maintien de garantie en cas de survenance du décès avant le
terme de la période d'incapacité de travail ou d'invalidité telle que définie
dans le contrat, la convention ou le bulletin d'adhésion couvrant le risque
décès.
« Cet engagement doit être couvert à tout moment par des provisions
représentées par des actifs équivalents. »
« B. - Après l'article 29, il est inséré un article ainsi rédigé :
«
Art. 30. -
I. - Les dispositions de l'article 7-1 s'appliquent à
compter du 1er janvier 2002, y compris aux contrats, conventions ou bulletins
d'adhésion à des règlements souscrits antérieurement et toujours en vigueur à
cette date.
« II. - Par dérogation au second alinéa de l'article 7-1, pour les contrats,
conventions ou bulletins d'adhésion souscrits avant le 1er janvier 2002 et en
cours à cette date, les organismes mentionnés à l'article 1er peuvent répartir
sur une période transitoire de dix ans au plus la charge que représente le
provisionnement prévu au second alinéa de l'article 7-1 au titre des
incapacités et invalidités en cours au 31 décembre 2001. Cette charge est
répartie au moins linéairement sur chacun des exercices de la période
transitoire selon des modalités déterminées par avenant au contrat, à la
convention ou au bulletin d'adhésion, conclu au plus tard au 30 septembre
2002.
« III. - En cas de résiliation ou de non-renouvellement d'un contrat, d'une
convention ou d'un bulletin d'adhésion ne comportant pas d'engagement de
maintien de la couverture décès au 31 décembre 2001, l'organisme assureur
poursuit le maintien de cette couverture décès ; dans ce cas, une indemnité de
résiliation, égale à la différence entre le montant des provisions techniques à
constituer et le montant des provisions techniques effectivement constituées,
au titre des incapacités et invalidités en cours au 31 décembre 2001, est due
par le souscripteur.
« Toutefois, cette indemnité n'est pas exigible si l'organisme assureur ne
poursuit pas le maintien de cette couverture décès alors qu'un nouveau contrat,
une nouvelle convention ou un nouveau bulletin d'adhésion est souscrit en
remplacement du précédent et prévoit la reprise intégrale, par le nouvel
organisme assureur, des engagements relatifs au maintien de la garantie décès
du contrat, de la convention ou du bulletin d'adhésion initial ; dans ce cas,
la contre-valeur des provisions effectivement constituées au titre du maintien
de la garantie décès est transférée au nouvel organisme assureur.
« Un décret précise en tant que de besoin les modalités d'application du
présent article. »
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Les contrats de prévoyance complémentaire qui couvrent les risques décès,
incapacité de travail et invalidité comportent généralement une clause selon
laquelle la garantie décès est maintenue au profit des ayants droit des anciens
salariés bénéficiaires d'indemnités journalières complémentaires ou d'une rente
complémentaire d'invalidité. Ce maintien est assuré généralement sans
contrepartie de cotisations identifiée.
Depuis 1994, l'article L. 912-3 du code de la sécurité sociale fait obligation
aux entreprises de faire en sorte que, en cas de changement d'organisme
assureur, la garantie décès prévue dans le cadre des garanties collectives au
sens de l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale soit maintenue aux
personnes bénéficiaires de rentes d'incapacité de travail ou d'invalidité.
Il reste que de nombreux contrats passés avec des organismes assureurs
prévoient que, en cas de résiliation, quelle qu'en soit la cause - changement
d'organisme assureur mais également faillite de l'entreprise - cette garantie
n'est pas maintenue.
Par ailleurs, certains contrats ne couvrent pas le maintien de la garantie
décès en période d'incapacité ou d'invalidité.
Afin de sortir de cette situation, dans laquelle soit les entreprises courent
le risque de devoir prendre les prestations à leur charge en cas de changement
d'organisme assureur, soit les ayants droit des assurés qui décèdent sont
laissés sans couverture, il est proposé d'obliger l'ensemble des organismes
assureurs à garantir immédiatement et à couvrir par la constitution de
provisions techniques suffisantes les engagements nés du maintien de la
garantie décès aux personnes en incapacité ou en invalidité.
Ces dispositions s'appliquent immédiatement à tous les nouveaux contrats
souscrits à compter du 1er janvier 2002. Pour les contrats souscrits
antérieurement et non résiliés à cette date, les organismes assureurs
disposeront d'une période transitoire analogue à celle qui avait été prévue par
la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 pour les incapacités de travail et
invalidités en cours au 31 décembre 2001.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Cet amendement, qui prévoit le maintien de la garantie décès
en cas de changement d'organisme assureur, de faillite de l'entreprise ou de
période d'incapacité ou d'invalidité représente un véritable progrès pour les
bénéficiaires du contrat de prévoyance complémentaire.
La commission y est très favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement est
favorable, sur le principe, à une telle disposition.
Toutefois, je dois souligner que, si cet amendement était adopté, cela
imposerait aux organismes assureurs, en particulier aux mutuelles, de
constituer des provisions techniques suffisantes au titre des engagements nés
du maintien de la garantie décès aux personnes en incapacité ou en invalidité,
alors que le nouveau code de la mutualité impose déjà aux mutuelles des
exigences nouvelles en termes de provisionnement des engagements.
La nature des risques et le type de contrats touchés devraient cependant
limiter l'ampleur de cet effet, cette réforme concernant principalement les
institutions de prévoyance.
Sur cet amendement, le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55, accepté par la commission et pour lequel
le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 19.
Par amendement n° 70, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 19, un article
additionnel ainsi rédigé :
« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 861-1 du code de
la sécurité sociale, les mots : "révisé chaque année pour tenir compte de
l'évolution des prix" sont remplacés par les mots : "qui ne peut être inférieur
au seuil de pauvreté tel que défini par les organismes internationaux et indexé
sur l'évolution du salaire brut moyen". »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Monsieur le président, je souhaite que l'amendement n° 69 soit appelé par
priorité.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Favorable.
M. le président.
La priorité est ordonnée.
J'appelle donc l'amendement n° 69, présenté par MM. Muzeau, Fischer et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen et tendant à insérer, après
l'article 19, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article L. 861-2 du code de la sécurité
sociale, après les mots : "du revenu minimum d'insertion", sont insérés les
mots : ", de l'allocation spécifique de solidarité, de l'allocation adulte
handicapé, de l'allocation d'insertion, du minimum vieillesse et de
l'allocation parent isolé". »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau.
Cet amendement vise à faire bénéficier de la couverture maladie universelle
toutes les personnes percevant les minima sociaux.
Nous proposons donc que, outre les bénéficiaires du revenu minimum
d'insertion, les personnes titulaires de l'allocation spécifique de solidarité,
de l'allocation adulte handicapé, de l'allocation d'insertion, du minimum
vieillesse ou de l'allocation parent isolé puissent être couvertes par la
CMU.
Cette mesure permettrait à nombre de nos concitoyens qui vivent des situations
financiaires précaires de bénéficier d'un accès facilité à notre système de
santé.
Les enquêtes statistiques indiquent que près de 20 % des Français renoncent à
certains soins parce qu'ils n'ont pas les moyens d'avancer certains frais
médicaux. Nous souhaitons, par cet amendement, mettre tout en oeuvre pour
parvenir à une réelle égalité d'accès pour tous à notre système de santé.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Cet amendement vise à ouvrir le bénéfice de la CMU
complémentaire aux bénéficiaires des minima sociaux.
En effet, dans de nombreux cas, le montant de ces allocations est légèrement
supérieur au plafond des ressources ouvrant droit à la couverture
complémentaire d'assurance maladie, et leurs bénéficiaires en sont donc
actuellement exclus.
Nous n'aurons pas la cruauté de rappeler que le Sénat, lors des débats, avait
laissé présager les méfaits de ces effets de seuils. Ainsi, par exemple, le
plafond de ressources retenues au titre de la CMU s'élève à 3 600 francs par
mois pour une personne seule, alors que le montant mensuel de l'allocation pour
adultes handicapés atteint, lui, 3 645 francs.
Nous ne pouvons donc qu'être favorables à cette mesure. Il nous paraît
toutefois utile et intéressant, madame le ministre, d'entendre votre avis.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Le Gouvernement souscrit à
l'ambition des auteurs de l'amendement, qui est l'amélioration de la couverture
maladie de personnes dont les ressources sont modestes mais cependant
supérieures au plafond retenu pour la CMU. Tel est, en particulier, le cas des
titulaires de certains minima sociaux, notamment du minimum vieillesse et de
l'allocation aux adultes handicapés.
L'amendement proposé soulève cependant deux questions.
Il est tout d'abord permis de s'interroger sur la compatibilité de
l'amendement avec le respect du principe d'égalité. Est-il juste qu'à revenu
identique une personne ayant droit au minimum vieillesse du fait de son âge
bénéficie également de la CMU, alors qu'une autre personne, qui ne remplit pas
la condition d'âge, n'aura droit ni au minimum vieillesse ni à la CMU ?
Il convient également de souligner le coût pour le budget de l'Etat de cette
proposition. On dénombre environ 900 000 bénéficiaires du minimum vieillesse et
800 000 bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés, ayants droit
inclus. L'accès à la CMU des seuls titulaires de ces deux allocations
renchérirait donc, à terme, le coût de ce dispositif de plus de 3 milliards de
francs.
Ce coût excède les marges de manoeuvre aujourd'hui disponibles. C'est pourquoi
Mme Guigou avait proposé à l'Assemblée nationale, en première lecture, alors
qu'elle était déjà interrogée en des termes identiques sur l'accès des
titulaires des minima sociaux à la CMU, une démarche plus progressive.
Nombre des titulaires de ces allocations sont actuellement admis à la CMU en
tant qu'anciens bénéficiaires de l'aide médicale des départements. Ce droit
automatique à la CMU devait s'éteindre au 30 juin prochain. Mme la ministre de
l'emploi et de la solidarité a annoncé, devant l'Assemblée nationale, que les
anciens titulaires de l'aide médicale dont les ressources sont inférieures à 4
000 francs par mois pour une personne seule verraient leur droit à la CMU
prolongé jusqu'au 31 décembre 2001, dans l'attente d'un dispositif pérenne
complémentaire à la CMU, destiné à toutes les personnes dont les ressources
sont à peine supérieures au plafond de la CMU.
Cette mesure profitera tout particulièrement aux bénéficiaires des minima
sociaux visés par l'amendement.
Au bénéfice de ces explications, je demande à ses auteurs de bien vouloir le
retirer.
Par ailleurs, cet amendement tombe sous le coup de l'article 40, puisque
l'attribution de la CMU aux seuls titulaires de l'allocation aux adultes
handicapés et du minimum vieillesse représenterait un coût de plus de 4
milliards de francs, et le Gouvernement invoquera donc l'article 40 s'il est
maintenu.
M. le président.
Monsieur Muzeau, l'amendement est-il maintenu ?
M. Roland Muzeau.
Oui, monsieur le président.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Dans ces conditions,
j'invoque l'article 40 de la Constitution.
M. le président.
L'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Michel Charasse,
au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 69 n'est pas recevable.
Nous en revenons à l'amendement n° 70.
La parole est à M. Muzeau pour le présenter.
M. Roland Muzeau.
Dans le même esprit que pour l'amendement n° 69, nous souhaitons que les
assurés sociaux ne disposant que de faibles revenus puissent bénéficier du
dispositif de la CMU.
Nous proposons de fixer le seuil d'accès au niveau du seuil de pauvreté. Cette
mesure nous paraît d'autant plus réalisable que, grâce à l'amélioration de la
situation sociale, le nombre de bénéficiaires de la CMU n'est pas aussi élevé
que prévu. On pourrait donc assouplir les critères d'accès à ce dispositif.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
L'amendement vise à fixer au niveau du seuil de pauvreté, tel
que défini par des organismes internationaux, le niveau de ressources ouvrant
droit à la CMU complémentaire.
La rédaction s'avère très générale et trop imprécise pour que l'on puisse
envisager l'application concrète du dispositif. Ainsi, quels seraient les
organismes internationaux retenus comme référence pour déterminer, en France,
le niveau de seuil de pauvreté ?
En outre, le mode de revalorisation choisi, à savoir l'évolution du salaire
brut moyen, est dérogatoire par rapport à l'indicateur communément retenu en
matière de prestations sociales, à savoir l'évolution des prix.
Enfin, rien n'interdit au Gouvernement, dans le cadre du dispositif existant,
de retenir ce seuil de pauvreté lorsqu'il fixe par décret le plafond de
ressources ouvrant droit à la CMU complémentaire.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Les acrobaties -
acrobaties intellectuelles, bien sûr - auxquelles nous assistons avec ces deux
amendements du groupe communiste républicain et citoyen, assortis de la réponse
que Mme la ministre vient de faire, ne sont pas pour nous surprendre.
Mme la ministre nous annonce pour la fin de l'année des mesures qui
permettront de maintenir dans le dispositif de la CMU des personnes qui,
probablement, auraient dû en être écartées dès le 30 juin 2000 ; n'oublions
pas, en effet, que le délai a déjà été prorogé une première fois jusqu'à la fin
de l'année 2000. Maintenant, on nous renvoie à la fin de 2001, de façon que les
caisses primaires d'assurance maladie aient le temps de faire le tri et que les
radiations ne tombent qu'après la période électorale, au début de l'année
prochaine.
Si l'on avait suivi, à l'Assemblée nationale, les conclusions du rapport
Boulard - rapport demandé par le Gouvernement - si l'on avait suivi, au Sénat,
les préconisations de la commission des affaires sociales, qui ont été adoptées
par le Sénat, nous aurions un dispositif progressif permettant d'éviter les
effets de seuil et, éventuellement, de faire grimper progressivement la CMU en
fonction du niveau de revenus des personnes et de leurs besoins. Il ne serait
plus nécessaire de revenir sur ce problème à chaque instant.
Je rappelle que le niveau d'intervention pour la CMU a été augmenté au moins
une fois par le Gouvernement parce que le dispositif était vraiment trop juste
: pour 50 francs, des personnes se trouvaient écartées du bénéfice de la CMU,
ce qui est particulièrement inéquitable.
La commission va s'en tenir à l'avis qu'elle a émis tout à l'heure par la voix
de son rapporteur, mais je regrette, une fois de plus, que l'on n'ait pas suivi
le bon sens dans cette affaire et que l'on ait préféré un effet d'affichage,
bien sûr plus rapide, plus visible, au risque d'aboutir au dispositif que l'on
sait et qui a fait maintenant la preuve de sa nocivité.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 70 ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Comme pour l'amendement n°
69, le Gouvernement est conscient des problèmes soulevés, mais il entend les
résoudre par d'autres moyens.
En effet, les effets de seuil sont bien connus, mais il semble peu productif
de relever un seuil pour en supprimer les effets. C'est pourquoi Mme Guigou
avait proposé, lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, un
mécanisme de lissage.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est ce que nous
avions proposé !
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
De plus, sur le contenu
précis de cet amendement, la référence à un indice statistique paraît peu
opportune, compte tenu des limites de ces indicateurs. Les études récentes de
l'INSEE sur la pauvreté ont relevé, en effet, de fortes incertitudes, notamment
en ce qui concerne la mesure des revenus dans les enquêtes statistiques
réalisées auprès des ménages.
Par ailleurs, cette mesure, qui s'apparente à un relèvement du plafond de
ressources de 3 600 francs à 4 000 francs par mois pour une personne isolée,
représenterait un coût d'environ 3,5 milliards de francs.
C'est pourquoi je demanderai M. Muzeau, au nom du Gouvernement, comme Mme
Guigou l'avait fait en première lecture à l'Assemblée nationale, de retirer cet
amendement. A défaut, le Gouvernement lui opposera l'article 40 de la
Constitution.
M. le président.
Monsieur Muzeau, l'amendement n° 70 est-il maintenu ?
M. Roland Muzeau.
Oui, monsieur le président.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Dans ces conditions,
j'invoque l'article 40 de la Constitution.
M. le président.
L'article 40 est-il applicable ?
M. Michel Charasse,
au nom de la commission des finances.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 de la Constitution étant applicable, l'amendement n° 70 n'est pas
recevable.
Article 20