SEANCE DU 31 MAI 2001
M. le président.
« Art. 21. - I. - Après l'article 19
quater
de la loi n° 47-1775 du 10
septembre 1947 portant statut de la coopération, il est inséré un titre II
ter
intitulé : "La société coopérative d'intérêt collectif", comprenant
les articles 19
quinquies
à 19
quindecies
ainsi rédigés :
«
Art. 19
quinquies. - Les sociétés coopératives d'intérêt collectif
sont des sociétés anonymes ou des sociétés à responsabilité limitée à capital
variable régies, sous réserve des dispositions de la présente loi, par le code
de commerce.
« Elles ont pour objet la production ou la fourniture de biens et de services
d'intérêt collectif, qui présentent un caractère d'utilité sociale.
«
Art. 19
sexies. - Les tiers non sociétaires peuvent bénéficier des
produits et services de la société coopérative d'intérêt collectif.
«
Art. 19
septies. - Peuvent être associés d'une société coopérative
d'intérêt collectif :
« 1. Les salariés de la coopérative ;
« 2. Les personnes qui bénéficient habituellement à titre gratuit ou onéreux
des activités de la coopérative ;
« 3. Toute personne physique souhaitant participer bénévolement à son activité
;
« 4. Des collectivités publiques et leurs groupements ;
« 5. Toute personne physique ou morale qui contribue par tout autre moyen à
l'activité de la coopérative.
« La société coopérative d'intérêt collectif comprend au moins trois des
catégories d'associés mentionnées ci-dessus, parmi lesquelles figurent
obligatoirement celles figurant aux 1 et 2.
« Les statuts déterminent les conditions d'acquisition et de perte de la
qualité d'associé ainsi que les conditions dans lesquelles les salariés
pourront être tenus de demander leur admission en qualité d'associé.
« Les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent pas détenir
ensemble plus de 20 % du capital de chacune des sociétés coopératives d'intérêt
collectif.
«
Art. 19
octies. - Chaque associé dispose d'une voix à l'assemblée
générale ou, s'il y a lieu, dans le collège auquel il appartient.
« Les statuts peuvent prévoir que les associés sont répartis en fonction de
leur participation à l'activité de la coopérative ou de leur contribution à son
développement, en trois ou plusieurs collèges.
« Chaque collège dispose d'un nombre égal de voix à l'assemblée générale, à
moins que les statuts n'en disposent autrement.
« Dans ce cas, les statuts déterminent la répartition des associés dans chacun
des collèges et le nombre de leurs délégués à l'assemblée générale, ainsi que
le nombre de voix dont disposent ces délégués au sein de cette assemblée en
fonction de l'effectif des associés, sans toutefois qu'un collège puisse
détenir à lui seul plus de 50 % du total des droits de vote ou que sa part dans
le total des droits de vote puisse être inférieure à 10 % de ce total.
« Lorsque la part des droits de vote que détient l'un des collèges excède 50 %
ou est inférieure à 10 % du total des voix, le nombre de voix attribué à chaque
collège est, selon le cas, réduit ou augmenté à due proportion.
«
Art. 19
nonies. - Les statuts déterminent la dotation annuelle à une
réserve statutaire. Celle-ci ne peut être inférieure à 50 % des sommes
disponibles après dotation aux réserves légales en application de l'article
16.
« Le montant total de l'intérêt servi aux parts sociales ne peut excéder les
sommes disponibles après les dotations prévues au premier alinéa du présent
article.
« Les subventions, encouragements et autres moyens financiers versés à la
société par les collectivités publiques, leurs groupements et les associations
ne sont pas pris en compte pour le calcul de l'intérêt versé aux parts sociales
et, le cas échéant, des avantages ou intérêts servis en application des
articles 11 et 11
bis.
« L'article 15, les troisième et quatrième alinéas de l'article 16 et le
deuxième alinéa de l'article 18 ne sont pas applicables.
«
Art. 19
decies. - Les collectivités territoriales peuvent accorder
des subventions aux sociétés coopératives d'intérêt collectif en vue de
participer à leur développement dans des conditions fixées par décret en
Conseil d'Etat.
«
Art. 19
undecies. - Tout associé peut être nommé en qualité de
directeur ou de gérant, membre du conseil d'administration, du directoire ou du
conseil de surveillance, sans perdre, le cas échéant, le bénéfice de son
contrat de travail. Les dispositions des articles L. 225-22 et L. 225-85 du
code de commerce ne sont pas applicables aux sociétés coopératives d'intérêt
collectif.
«
Art. 19
duodecies. - La société coopérative d'intérêt collectif fait
procéder périodiquement à l'examen de sa situation financière et de sa gestion
dans des conditions fixées par décret.
«
Art. 19
terdecies. - Les sociétés coopératives d'intérêt collectif
doivent être agréées par décision administrative dans des conditions fixées par
décret en Conseil d'Etat.
«
Art. 19
quaterdecies. - La décision régulièrement prise par toute
société, quelle qu'en soit la forme, de modifier ses statuts pour les adapter
aux dispositions du présent titre n'entraîne pas la création d'une personne
morale nouvelle.
«
Art. 19
quindecies. - La société coopérative d'intérêt collectif est
éligible aux conventions, agréments et habilitations mentionnés à l'article L.
129-1, aux I et II de l'article L. 322-4-16, aux articles L. 322-4-16-3 et L.
322-4-18 du code du travail, au dernier alinéa de l'article L. 121-2, aux
articles L. 222-3, L. 344-2 à L. 344-6, L. 345-1 à L. 345-3 et au 2° de
l'article L. 313-4 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L.
851-1 du code de la sécurité sociale et à l'article 140 de la loi n° 98-657 du
29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
« Les agréments, habilitations et conventions mentionnés à l'alinéa ci-dessus,
ainsi que, s'il y a lieu, les aides et avantages financiers directs ou
indirects auxquels ils donnent droit, sont délivrés à la société coopérative
d'intérêt collectif ou conclues avec celle-ci, sous réserve de la conformité de
son objet statutaire et de ses règles d'organisation et de fonctionnement aux
conditions législatives et réglementaires requises.
« II. - Les titres II
ter
et II
quater
de la même loi deviennent
respectivement les titres II
quater
et II
quinquies
.
« III. - Les articles 19
quinquies
, 19
sexies
, 19
septies
, 19
octies
, 19
nonies
, 19
decies
, 19
undecies
et 19
duodecies
de la même loi deviennent respectivement
les articles 19
sexdecies
, 19
septdecies,
19
octodecies
,
19
novodecies,
19
vicies,
19
unvicies,
19
duovicies
et 19
tervicies.
« IV. - La même loi est ainsi modifiée :
« 1° Au premier alinéa de l'article 16, la référence : "19
nonies
" est
remplacée par la référence : "19
vicies
" ;
« 2° Au premier alinéa de l'article 19
nonies
, la référence : "19
septies
" est remplacée par la référence : "19
octodecies
" ;
« 3° A l'article 19
decies
, la référence : "19
septies
" est
remplacée par la référence : "19
octodecies
" ;
« 4° Au deuxième alinéa de l'article 19
duodecies
, la référence :
"titre II
ter
" est remplacée par la référence : "titre II
quater
".
« V. - Après l'article 28 de la même loi, il est inséré un article 28
bis
ainsi rédigé :
«
Art. 28
bis. - Les associations peuvent, dans les conditions fixées
ci-dessous, se transformer en société coopérative, régie notamment par la
présente loi, ayant une activité analogue. Cette transformation n'entraîne pas
la création d'une personne morale nouvelle.
« Les réserves et les fonds associatifs constitués antérieurement à la
transformation ne sont pas distribuables aux sociétaires ou incorporables au
capital.
« Les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 16 et
l'article 18 ne leur sont pas applicables.
« Les agréments, habilitations et conventions, ainsi que, s'il y a lieu, les
aides et avantages financiers directs ou indirects auxquels ils donnent droit,
sous réserve de la conformité de l'objet statutaire de la nouvelle société
coopérative et de ses règles d'organisation et de fonctionnement aux conditions
législatives et réglementaires requises, d'une part, ainsi que les conventions
d'apports associatifs, d'autre part, se poursuivent dans la société coopérative
issue de la transformation.
« VI. - Au premier alinéa de l'article L. 228-36 du code de commerce, les mots
: "et les sociétés anonymes coopératives" sont remplacés par les mots : "et les
sociétés coopératives constituées sous la forme de société anonyme ou de
société à responsabilité limitée". »
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Nous regrettons que ce dispositif important et complexe nous soit présenté au
débotté, sous la forme d'un article introduit par amendement à un texte portant
diverses mesures. Le Gouvernement nous a expliqué qu'il est parfois difficile
de trouver une opportunité pour faire passer une réforme dans un projet de loi,
ce que nous savons d'expérience. Il y a là, néanmoins, un problème
d'organisation auquel il faudrait remédier.
Cela dit, la réforme que nous propose M. Guy Hascoët est particulièrement
importante et intéressante. L'adoption de ce texte devrait permettre ainsi de
sécuriser des expérimentations conduites depuis un an avec le concours des
collectivités locales dans diverses régions, dans des secteurs aussi divers que
les crèches parentales ou la diffusion de produits du terroir.
Elle permet, en effet, de faire figurer dans notre droit la possibilité de
regrouper des institutions juridiques de nature différente. Cela nécessite la
réforme de la grande loi relative à la coopération, qui date de 1947, afin de
créer un statut coopératif d'intérêt collectif nouveau.
Les partenaires pourront être les salariés de la coopérative, les personnes
qui bénéficient à titre onéreux ou gratuit de ses activités, toute personne
physique participant bénévolement à son activité, toute personne physique ou
morale y contribuant et, enfin, les collectivités publiques et leurs
groupements à hauteur de 20 %.
Cette limite est utile en ce qu'elle évitera une participation trop importante
d'une commune, par exemple, nuisant à l'esprit même de la SCIC ainsi qu'une
prise de risques trop importante pour la collectivité. Il y a là véritablement
un partenariat permettant de mettre en commun ressources publiques et
ressources privées en faveur du développement local.
Ces coopératives d'intérêt collectif pourront rassembler différentes
catégories de sociétaires, usagers des services, salariés des coopératives,
bénévoles. Une telle évolution est aujourd'hui contrariée par le statut
général. Désormais, ces coopératives pourront produire des services d'utilité
sociale, bien adaptés à la demande locale, et participer à la création
d'emplois pour des publics souvent défavorisés ou délaissés par le marché du
travail.
Par ailleurs, le nouveau statut de société coopérative d'intérêt collectif
donnera aux financeurs publics et privés des garanties sur l'absence de
rémunération spéculative au-delà du service rendu.
Enfin, les dispositions qui nous sont soumises offrent aux associations la
liberté d'opter pour la forme coopérative en fonction de leur stratégie de
développement de manière simple et en sauvegardant le caractère impartageable
des fonds constitués antérieurement à la transformation.
Ce texte marque donc une étape importante dans les réponses que peuvent
apporter les coopératives aux attentes nouvelles de nos concitoyens. Il
constitue aussi la première évolution importante du statut coopératif depuis
1982.
Au total, la société coopérative d'intérêt collectif vient utilement compléter
les outils juridiques dont pourront disposer celles et ceux qui développent des
projets d'économie sociale et solidaire.
Le groupe socialiste du Sénat, madame la ministre, soutient donc pleinement
votre initiative. Il votera, par conséquent, contre l'amendement de suppression
de la commission.
M. le président.
Par amendement n° 43, M. Jean-Louis Lorrain, au nom de la commission des
affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Madame la ministre, si nous apprécions votre présence ce soir
à nos côtés, nous ne pouvons tout de même que déplorer l'absence de M.
Hascoët.
L'exposé qui va retenir votre attention quelques minutes ne signifie pas que
nous voulions balayer d'un revers de main cette proposition.
L'article 21 résulte d'un amendement déposé par le Gouvernement à l'Assemblée
nationale. Il vise à créer une nouvelle catégorie de sociétés coopératives, à
savoir les sociétés coopératives d'intérêt collectif, dites SCIC. Il procède,
pour ce faire, à une modification de grande ampleur du statut de la
coopération.
Cet article introduit douze nouveaux articles dans la loi du 10 septembre 1947
portant statut de la coopération ; qui en compte actuellement quarante-cinq.
En outre, ces sociétés coopératives d'intérêt collectif présentent des
caractéristiques particulières au regard du droit traditionnel de la
coopération.
Tout d'abord, les tiers non sociétaires pourraient bénéficier des produits et
des services des SCIC.
Par ailleurs, les associations régies par la loi de 1901 pourraient se
transformer en sociétés coopératives d'intérêt collectif sans qu'il soit
nécessaire de créer une nouvelle personne morale.
Un dispositif de cette importance soulève, à l'évidence, de nombreuses
interrogations. Votre commission en a principalement identifié quatre.
Première interrogation : le dispositif soumis à notre examen est-il cohérent
au regard des principes traditionnels du monde coopératif et des règles
générales posées par la loi du 10 septembre 1947 ? A cet égard, il aurait été
utile de pouvoir analyser en détail les expérimentations conduites par la
délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale
afin, le cas échéant, d'identifier les correctifs ou les aménagements
nécessaires.
Deuxième interrogation : comment s'effectuera l'articulation éventuelle de
cette nouvelle forme de société coopérative avec les coopératives agricoles ?
L'article 21 demeure muet sur ce point.
Troisième interrogation : comment cette nouvelle structure coopérative
cohabitera-t-elle avec le monde associatif ? La faculté ouverte aux
associations de se transformer en société coopérative d'intérêt collectif leur
permettra, certes, de résoudre les difficultés actuellement rencontrées par
certaines d'entre elles qui exercent des activités à caractère économique.
Toutefois, une telle possibilité ne pourrait-elle pas, par sa facilité même,
aboutir à vider de sa substance le mouvement associatif au profit du secteur
coopératif ?
Vous me permettrez également de relever que le dispositif de l'article 21 ne
prévoit aucune disposition relative aux associations régies par le droit local
d'Alsace-Moselle, auquel je suis particulièrement attaché. Ces associations
pourront-elles bénéficier des mêmes possibilités que celles qui sont offertes
aux associations de la loi de 1901 ?
Quatrième interrogation : quelles seront les relations de la société
coopérative d'intérêt collectif avec le secteur marchand dans le cadre du droit
français et européen de la concurrence ? La nouvelle structure des sociétés
coopératives d'intérêt collectif, qui, je vous le rappelle, pourront fournir
des produits ou des services à des tiers non sociétaires, ne risque-t-elle pas
de créer des effets pervers sur le marché concurrentiel des biens et services ?
Ne pourrait-elle pas être contestée dans son principe même, au nom du respect
des règles de la concurrence définies par le droit français et européen ? Ne
pourrait-elle pas, en outre, être détournée de son objet pour abriter des
activités purement commerciales ?
Compte tenu du nombre et de l'importance de ces questions, un examen plus
approfondi du dispositif proposé par l'article 21 apparaît donc indispensable.
Cet examen permettrait de garantir au mouvement coopératif qu'il disposera
bien, au terme du processus législatif, d'un outil véritablement efficace et
dont l'existence et la légitimité seront acceptées sans arrière-pensées par
l'ensemble de ses partenaires potentiels.
A l'occasion de l'examen de cet article, la commission des affaires sociales
aurait pu bénéficier, notamment, des conseils éclairés de la commission des
lois, dont la compétence en matière de droit de la coopération n'est plus à
démontrer, notamment depuis la loi du 12 juillet 1992 relative à la
modernisation des entreprises coopératives dont elle avait été saisie au
fond.
Compte tenu de la précipitation dont le Gouvernement fait preuve en cette
affaire, un tel examen approfondi s'avère aujourd'hui impossible.
Déposée sous forme d'amendement lors de la discussion générale, cette
importante réforme du statut de la coopération n'a par ailleurs pas été soumise
au Conseil d'Etat, ni même délibérée en Conseil des ministres.
De plus, le débat en première lecture à l'Assemblée nationale s'est limité à
un débat de procédure en raison de l'indignation soulevée, sur tous les bancs
par les conditions dans lesquelles l'Assemblée nationale a été saisie de cet
article 21.
Selon le Gouvernement, cette procédure « à la hussarde » s'expliquerait, se
justifierait même, d'une part, par l'encombrement actuel du calendrier
législatif, qui interdirait le dépôt et l'adoption dans un délai raisonnable
d'un projet de loi spécifique, et, d'autre part, par le fait que le dispositif
proposé est approuvé sans réserve par le mouvement coopératif.
De telles raisons traduisent une conception pour le moins particulière du
travail législatif, selon laquelle l'avis du Conseil d'Etat, les délibérations
en conseil des ministres et le travail de commission ne seraient que des étapes
rituelles dont le Gouvernement pourrait s'affranchir à sa convenance dès lors
qu'il s'est assuré de l'accord des principaux intéressés.
Par ailleurs, l'urgence invoquée ne saurait faire oublier la responsabilité du
Gouvernement, qui est maître de l'ordre du jour, de « l'encombrement législatif
» que l'on constate aujourd'hui. Gouverner, c'est choisir ! L'un des éléments
constitutifs de ce choix est, notamment, l'identification claire et précise des
priorités.
De tels procédés bafouent, selon nous, les droits les plus élémentaires du
Parlement, qui est ainsi réduit au rôle d'une simple chambre d'enregistrement,
dont le vote, considéré comme acquis, ne serait plus qu'une formalité.
De plus, les conditions dans lesquelles le Gouvernement a saisi le Parlement
exposent son amendement à de sérieux risques d'inconstitutionnalité.
En effet, le Conseil constitutionnel a déjà censuré des dispositions
introduites par voie d'amendement au motif que cet amendement était dépourvu de
tout lien avec le texte en discussion. Le Gouvernement pourrait, certes, arguer
de l'imprécision de l'intitulé du présent projet de loi pour affirmer qu'un
amendement visant les sociétés coopératives peut s'y rattacher.
A l'examen, et sauf à vouloir donner au terme « social » une acception
tellement large qu'elle pourrait embrasser tous les domaines du droit, ce lien
apparaît toutefois inexistant. La réforme proposée modifie en effet le statut
de la coopération et relève donc du droit des sociétés.
C'est d'ailleurs à ce titre que, en 1991, le projet de loi relatif à la
modernisation des entreprises coopératives, bien que déposé par le ministre des
affaires sociales de l'époque, avait été confié à la commission des lois, qui
est compétente en ce domaine.
Le Conseil constitutionnel a également censuré des amendements dépassant, par
leur objet ou par leur portée, les limites inhérentes à l'exercice du droit
d'amendement. Ai-je besoin de vous rappeler que, introduit à la faveur d'un
seul et même amendement, le présent article 21 crée une catégorie entièrement
nouvelle de sociétés coopératives et modifie, pour ce faire, la loi du 10
septembre 1947 portant statut de la coopération, en y introduisant, je le
répète, douze nouveaux articles ?
A l'évidence, un dispositif aussi important aurait dû faire l'objet d'un
projet de loi spécifique. Tant par son objet que par sa portée, l'amendement du
Gouvernement dépasse « les limites inhérentes à l'exercice du droit
d'amendement » telles qu'elles sont définies par la jurisprudence du conseil
constitutionnel.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission propose donc d'adopter un
amendement de suppression de cet article.
Cette proposition de suppression n'est nullement un acte d'hostilité à l'égard
du mouvement coopératif ou le rejet du principe même des sociétés coopératives
d'intérêt collectif. Elle n'est pas non plus la manifestation « épidermique »
d'une susceptibilité excessive.
Son adoption traduirait simplement la préoccupation du Sénat de fournir aux
mouvements coopératif et associatif toutes les garanties qui ne pourront être
établies qu'à l'issue d'un examen appronfondi du dispositif proposé par le
Gouvernement.
S'il était adopté, cet amendement de suppression serait également un moyen
d'obliger le Gouvernement à mieux prendre en compte, à l'avenir, les droits
élémentaires du Parlement et de l'inciter, par là même, à réviser sa conception
du travail législatif.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
La société coopérative
d'intérêt collectif présente des spécificités qui ne coïncident pas avec le
statut général de la coopération fixé par la loi du 10 septembre 1947.
Il en est ainsi de la finalité altruiste de cette nouvelle société
coopérative, qui se distingue d'une coopérative classique : son objet n'est pas
seulement la satisfaction de ses propres adhérents ou associés, mais celle d'un
plus large public dont elle vise à satisfaire les besoins.
Cette société coopérative d'intérêt collectif a pour trait distinctif
d'associer une multiplicité de partenaires dans le cadre d'une entreprise qui
se distingue clairement d'une société commerciale classique du fait de ses
finalités d'utilité sociale, notamment en raison de la nature des publics
concernés et des conditions dans lesquelles les activités sont exercées.
Cette société coopérative d'intérêt collectif doit être régie par des règles
spécifiques d'organisation et de fonctionnement visant, en particulier, à
intégrer « une nouvelle logique de partenariat entre usagers, bénévoles,
salariés et financeurs », donnant naissance à ce qu'il est convenu de désigner
sous le terme de « multisociétariat ». Il s'agit bien de donner les moyens
d'hybrider des ressources publiques et privées en faveur du développement
d'initiatives économiques et citoyennes dans le cadre de la construction d'une
économie plurielle.
L'institution d'un sociétariat organisé par collèges de sociétaires -
salariés, usagers, bénévoles, collectivités territoriales, financeurs -
respectant le principe « une personne, une voix », garantit à la fois une
gestion démocratique et l'efficacité de son fonctionnement et de son
organisation.
Le texte que présente le Gouvernement prévoit aussi la possibilité de
transformer une association en coopérative sans perte de la personnalité
morale. Le point commun entre l'association et la SCIC - la non-lucrativité -
est ainsi renforcé.
La légitimité du rôle des associations dans le champ de l'économie et de
l'utilité sociale n'est pas contestée, elle est reconnue par le législateur.
La société coopérative d'intérêt collectif n'a pas vocation à se substituer à
l'association pour la fourniture de biens et de services d'utilité sociale.
Elle a un caractère optionnel. La SCIC vient compléter les outils juridiques
dont pourront disposer celles et ceux qui développent des projets d'économie
sociale et solidaire.
Je ne suis pas en mesure, monsieur le rapporteur, de répondre à votre question
concernant la situation particulière de l'Alsace-Lorraine, mais je ne manquerai
pas de transmettre votre interrogation à mon collègue M. Hascouët.
Le travail de préparation de cette loi s'est effectué dans le cadre du conseil
supérieur de la coopération, structure mixte associant représentants de l'Etat
et représentants des mouvements coopératifs regroupés au sein du groupement
national de la coopération. Les représentants associatifs, la CPCA, la
conférence permanente des coordinations associatives, et le CNVA, le conseil
national de la vie associative, ont également rendu un avis favorable.
Cette disposition est particulièrement attendue par les acteurs de terrain qui
portent des initiatives au plan local, tant dans les villes qu'en milieu rural.
Une expérimentation conduite par la direction générale de l'emploi et de la
formation professionnelle, la délégation interministérielle à l'économie
sociale et la confédération générale des sociétés coopératives est en cours
depuis une année.
Elle porte sur une quinzaine d'associations exerçant des activités diverses
qui préfigurent le fonctionnement d'une société coopérative d'intérêt
collectif.
La SCIC est une réponse à des besoins non couverts par le marché et qui
concernent des populations en difficulté. Elle leur permettra d'accéder à des
services d'utilité sociale tout en développant une logique de
responsabilisation de ses partenaires, en rupture avec une logique
d'assistanat.
Les règles de fonctionnement de la SCIC sont le non-partage des réserves, les
décisions prises sur le mode « une personne, une voix », l'association des
usagers, bénévoles, salariés et financeurs. Elles offrent des garanties de
contrôle démocratique et de transparence. La gestion des SCIC sera
professionnalisée du fait du statut « commercial ».
L'adoption de ce nouvel outil juridique est une avancée importante pour
l'ensemble du secteur de l'économie sociale et solidaire.
C'est pourquoi, tout en entendant vos protestations légitimes sur la méthode,
mais en souhaitant que les considérations de fond finissent par l'emporter sur
les considérations de forme et permettent de ne pas décevoir ceux qui attendent
cette mesure, le Gouvernement est défavorable à cet amendement de
suppression.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 43, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 21 est supprimé.
Article 22