SEANCE DU 5 JUIN 2001
M. le président.
Par amendement n° 84, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
5, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 3 du code des marchés publics est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« ...° aux contrats qui ont pour objet des services récréatifs, culturels et
sportifs, des services d'éducation ainsi que des services de qualification et
d'insertion professionnelles, et qui assurent la mise en oeuvre des contrats de
ville et d'agglomération, des contrats éducatifs locaux, des contrats temps
libre, des contrats locaux de sécurité, des contrats jeunesse et sport ».
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cette année commémorative de la loi de 1901 multiplie les occasions de
rappeler la spécificité des relations entre l'Etat, les collectivités locales,
d'une part, et les associations, d'autre part, pour les qualifier, très
souvent, de partenariat, terme approprié, comme l'attestent les nombreux
projets communs, définis et menés de concert.
Pourtant, peu de textes reconnaissent ce partenariat, et nous espérons que cet
anniversaire permettra d'y remédier, comme le demande le Conseil national de la
vie associative, tant la contribution des associations est un enrichissement
pour la démocratie et les politiques publiques. Peu de textes, dis-je,
reconnaissent ce partenariat, à l'exception des politiques contractuelles où
est recommandée l'implication des acteurs de terrains, et plus particulièrement
des associations.
La collaboration des associations aux contrats éducatifs locaux, aux contrats
de ville et d'agglomération, aux contrats locaux de sécurité va dans le bon
sens eu égard au contenu de ces politiques, qu'il s'agisse d'aménager le temps
libre des enfants, avec des loisirs à la fois récréatifs et éducatifs
susceptibles, de donner à chacune et à chacun toutes ses chances à l'école, ou
de lutter contre les exclusions.
Le secteur associatif dispose non seulement de compétences, d'un savoir-faire,
mais aussi d'une éthique. On ne peut alors que s'étonner lorsqu'une
collectivité locale et une association, très impliquées dans un même projet,
voient des conventions passées pour sa réalisation mises en cause au motif que
le droit de la commande publique devrait s'appliquer.
On s'étonne, à plus forte raison, lorsque lesdites conventions font partie
d'un programme d'action défini dans un contrat de ville, ou autre.
Les exemples sont légion de conventions ainsi dénoncées, avec de fortes
disparités géographiques, ce qui a conduit le Conseil national de la vie
associative à demander une clarification à l'occasion de la réforme du code des
marchés publics.
Le nouveau code, tel que publié en mars dernier, prétend y procéder en plaçant
dans le champ du droit de la commande publique tous les contrats ayant pour
objet l'achat de travaux, fournitures et services.
Bien entendu, cette solution ne peut pas nous satisfaire, quand bien même une
procédure allégée serait prévue pour certains contrats portant sur des services
sociaux et sanitaires, des services récréatifs, culturels et sportifs, des
services d'éducation, de qualification et d'insertion professionnelles. En
effet, le droit de la commande publique, reposant sur le modèle du marché,
décline des principes qui sont parfois loin de faire émerger la meilleure
solution.
Quel critère, répondant au souci de dégager l'offre économiquement la plus
avantageuse, retiendra-t-on pour évaluer des projets culturels, sportifs à
forte teneur éducative ? Va-t-on considérer le nombre de bénéficiaires et, sous
l'angle quantitatif, vider le texte de son sens ?
Quid
du partenariat si l'anonymat et l'intangibilité des offres
s'appliquent avec rigueur lorsqu'il s'agit de désigner le prestataire de
services ?
Il y a plus : un refus, en grande partie partagé, de voir certains secteurs -
la culture, l'éducation populaire, le sport de proximité - très largement
soumis au marché.
Voilà pourquoi nous proposons d'exclure de l'application du code des marchés
publics les conventions conclues dans le cadre des politiques
contractuelles.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement a pour objet, comme l'a exposé notre
collègue Thierry Foucaud, d'exclure du champ d'application du code des marchés
publics les contrats assurant la mise en oeuvre de la politique contractuelle
entre l'Etat et les collectivités locales, notamment au titre des contrats de
ville ou des contrats locaux de sécurité.
La commission des finances s'est interrogée sur cet amendement et l'a trouvé
dangereux, car on envisagerait de déroger aux règles de mise en concurrence
dans un grand nombre de domaines. Ce serait largement contraire à la directive
européenne sur les prestations de services. Ce serait même un danger pour les
collectivités en question, qui pourraient se trouver soumises à différentes
pressions pour faire travailler telle ou telle équipe en fonction des affinités
des uns ou des autres.
En outre, cet amendement conduirait à modifier par une loi une disposition de
nature réglementaire du code des marchés publics.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Il émet le même avis que M. le rapporteur général.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 84.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Que la commission des finances du Sénat donne un avis défavorable sur cet
amendement n'est pas pour nous étonner, encore qu'elle soit censée bien
connaître la vie quotidienne des collectivités territoriales.
Nombre de collectivités territoriales impliquées dans la politique de la
ville, les contrats locaux de sécurité, sont engagées, de par la nature même du
contrat qui existe entre les communes, l'Etat sous différents aspects -
éducation nationale, police, DDE, notamment - et les autres partenaires, à
travailler avec des associations locales, et à faire participer les habitants à
diverses actions de la politique de la ville. Ainsi, il arrive que, dans une
banlieue difficile, soit créée une régie de quartier pour impliquer les
habitants dans l'entretien de ce dernier, ou que, pour la jeunesse, soit ouvert
un café musical, dont la gestion est confiée à une association d'éducation
populaire. Et je pourrais multiplier les exemples !
Par conséquent, je ne comprends pas que les conséquences de cet amendement en
matière d'économie sociale ne soient pas mesurées. Je crains, monsieur le
secrétaire d'Etat, que vous ne soyez en contradiction avec vos collègues
chargés de l'économie sociale et de la politique de la ville. Selon moi, il
vous faudrait donner un avis favorable à cet amendement.
En tout cas, pour ma part, je le voterai, parce que je veux mettre en
cohérence mon action d'élu local impliqué dans la politique de la ville
conduite dans les banlieues difficiles avec la législation nationale que nous
proposons.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je pensais pouvoir éviter un long débat et ne pas
reprendre celui, très riche, qui a eu lieu à l'Assemblée nationale, comme en
témoignent le compte rendu analytique et le compte rendu intégral des débats.
Mais M. Loridant m'incite à lui répondre, en complément de ce qu'a dit M. le
rapporteur général voilà un instant.
La disposition défendue par Mme Beaudeau, MM. Fourcaud, Loridant et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen modifierait directement le
code des marchés publics qui vient d'être publié. Il existe là une
contradiction, et vous reconnaîtrez au Gouvernement le droit de l'exprimer.
Au demeurant, l'article 30 du décret portant code des marchés publics exonère
de toute procédure de mise en concurrence les services énumérés par cet
amendement, ce qui rend celui-ci sans portée pratique. L'article 30 a été
spécifiquement conçu pour permettre le partenariat avec le monde associatif. Je
croyais inutile de le rappeler et je voulais laisser aux auteurs de
l'amendement l'esprit de celui-ci. L'amendement est déjà satisfait parce que le
Gouvernement y a pensé et l'a inclus sous la forme de l'article 30 du
décret.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 84, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 85, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la première phrase du deuxième alinéa (1°) de l'article 45 du code des
marchés publics, les mots : "et financières" sont remplacés par les mots :
"financières et sociales". »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps les
amendements n°s 86 et 87.
M. le président.
J'appelle donc également en discussion les amendements n°s 86 et 87, présentés
par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen.
L'amendement n° 86 a pour objet d'insérer, après l'article 5, un article
additionnel ainsi rédigé :
« La première phrase du deuxième alinéa (1°) de l'article 45 du code des
marchés publics est complétée par les mots : "pour les marchés de l'Etat
inférieur à 130 000 euros hors taxes, pour les marchés des collectivités
locales inférieurs à 200 000 euros hors taxes, des renseignements permettant
d'évaluer, le cas échéant, la politique sociale de l'entreprise candidate".
»
L'amendement n° 87 vise à insérer, après l'article 5, un article additionnel
ainsi rédigé :
« Le II de l'article 53 du code des marchés publics est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Pour les marchés publics dont le montant est inférieur à 200 000 euros hors
taxes pour les collectivités locales, à 130 000 euros hors taxes pour l'Etat,
la personne publique peut également se fonder sur des critères sociaux,
notamment la création d'emplois en faveur de publics en difficulté, la mise en
oeuvre d'actions de formation professionnelle, de mise à niveau et d'adaptation
à l'emploi. »
Veuillez poursuivre, monsieur Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Nous proposons d'introduire un régime fondamentalement différencié pour les
marchés non soumis au droit communautaire.
Souhaitant malgré tout que soient exposées ici les entraves du droit
communautaire à la prise en compte de critères sociaux dans les marchés
publics, notre amendement n° 85 ne fait aucune différence selon que le seuil
communautaire est franchi ou non.
Certes, le principe d'un régime différencié entre le droit de la commande
publique français et le droit communautaire complique un peu les choses, mais
il y a des précédents : il en est ainsi du principe de l'anonymat dans les
concours, maintenu, après les mobilisations des élus locaux attachés à
l'audition des candidats dans cette procédure, pour les marchés inférieurs à
200 000 euros.
Cette démarche et ses résultats nous conviennent. Nous espérons maintenir ou
introduire, autant que faire se peut, dans notre droit des dispositions à la
fois progressistes et conformes à notre tradition juridique, et en faire la
promotion au niveau des instances communautaires.
Ainsi, nous proposons d'autoriser l'utilisation de critères sociaux à la fois
pour la sélection des candidatures aux marchés publics et pour celle des
offres. De tels critères seraient une réelle incitation à l'adoption de bonnes
pratiques par les entreprises, qu'il s'agisse, par leur biais, de favoriser
l'insertion de publics en difficulté, avec la mise en place d'actions de
formation, ou l'emploi de chômeurs longue durée, ou de sanctionner les
licenciements pour convenance boursière.
Eu égard à la place qu'occupent les marchés publics dans l'économie - près de
115 milliards de francs par an - une telle incitation n'aurait rien de
virtuel.
De tels critères permettraient de conférer à l'achat public d'autres fins, par
exemple la promotion de l'emploi et de la formation, que la seule satisfaction
des besoins de la collectivité. C'est loin d'être une ineptie.
Au titre de la sélection des candidatures, nous souhaitons que le comportement
social des entreprises candidates puisse être apprécié.
Actuellement, il n'existe qu'une seule disposition de cette nature :
l'élimination des candidats condamnés pour travail clandestin, ce qui est tout
de même la moindre des choses, un minimum très en deçà des attentes des
citoyens.
Les élus s'engagent pourtant volontiers, et parfois massivement, dans des
opérations visant à faire prévaloir des considérations sociales dans leurs
consommations. Je ne rappellerai ni le boycott de Danone ni d'autres
exemples.
Ainsi, une opération de promotion du commerce équitable, comme « De l'éthique
sur l'étiquette », soutenue par plus de cent quatre-vingts tête de listes lors
des dernières municipales, a donné lieu à l'adoption d'une motion en faveur
d'un achat public éthique dans plus de cent vingt-sept communes. Il était
notamment prévu dans la motion que la mairie souhaitait recevoir des
informations relatives à l'origine des produits et aux conditions de travail
dans lesquelles ils avaient été fabriqués. Or c'est illégal, s'il en résulte
l'élimination de candidats.
Quant à la sélection des offres en fonction de critères sociaux, le droit de
la commande publique l'interdit.
De telles considérations peuvent intervenir au titre des conditions
d'exécution du marché, ce qui est nettement moins contraignant et peu
incitatif.
Il en était déjà ainsi avant la publication du nouveau code des marchés
publics en vertu d'une jurisprudence du Conseil d'Etat interdisant le recours
au critère du mieux-disant social, et donc la sélection de l'offre en fonction
du projet social qu'elle portait.
L'intérêt des élus locaux pour le critère du mieux-disant social dans
l'analyse des offres est pourtant très soutenu, ainsi qu'en témoigne une étude
menée, en 1996, à la demande de l'Association des maires de France et dont les
résultats sont disponibles sur le site de l'association.
On y lit que le régime de la clause du mieux-disant social doit être amélioré
pour que cette clause devienne un critère à part entière. C'est exactement ce
que permet l'amendement n° 87.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 85, 86 et 87 ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En ce qui concerne l'amendement n° 85, je me suis
interrogé sur la signification exacte de l'expression « capacités sociales ».
Je ne suis d'ailleurs pas sûr de toujours pouvoir l'interpréter comme M.
Foucaud. Je me suis donc dit que cette notion était sans doute assez
contingente, difficile à inscrire en tant que telle dans la loi. D'où un avis
défavorable de la commission.
Quant à l'amendement n° 86, il se réfère, lui aussi, à une notion, à mon avis,
assez floue pour un texte normatif. Qu'est-ce en effet que « la politique
sociale de l'entreprise candidate », et qui va l'apprécier ? Selon quelle norme
? Selon quels critères ? Cela semble être un chemin incertain. D'où encore un
avis défavorable de la commission des finances.
Enfin, l'amendement n° 87, tend, comme les précédents, à modifier par la loi
une disposition de nature réglementaire, puisque comprise dans le code des
marchés publics.
Il indique, très probablement pour des raisons d'affichage, des critères
facultatifs. Or, dans le texte du code des marchés publics, il existe une liste
de critères que l'on peut considérer comme non exhaustive. Dans ces conditions,
pour apprécier le mieux-disant, il me semble que la commission d'appel d'offres
ou la personne responsable du marché dispose déjà de toute une palette
d'éléments d'appréciation. On voit donc mal ce qu'apportent les critères
purement facultatifs qu'il est proposé d'ajouter ici au texte.
Il sera intéressant de connaître l'avis du Gouvernement, mais, que quel que
soit cet avis, je ne pense pas que la commission puisse exprimer un avis
favorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je veux d'abord remercier M. le rapporteur général du
grand cas qu'il fait de l'avis du Gouvernement ; il vient en effet d'indiquer
que, quel que soit cet avis, il avait d'ores et déjà décidé d'appeler à voter
contre l'amendement n° 87.
(Sourires.)
Plus sérieusement, je dirai à M. Foucaud que les types
d'actions qu'il a appelées de ses voeux tout à l'heure, après M. Loridant, sont
d'ores et déjà autorisées par l'article 14 du décret, qui permet de faire
référence aux différents choix en matière sociale ou internationale - le
commerce équitable, par exemple. Les collectivités qui le souhaitent
l'appliquent déjà.
Par conséquent, les amendements présentés sont, en fait, déjà satisfaits.
Aussi leurs auteurs pourraient-ils peut-être les retirer, car rarement
convergence aura été plus grande entre la volonté du Gouvernement et celle
d'une partie au moins du corps législatif.
M. le président.
Monsieur Foucaud, les amendements n°s 85, 86 et 87 sont-ils maintenus ?
M. Thierry Foucaud.
Je serais tenté de les retirer, car je fais confiance à M. le secrétaire
d'Etat. Malheureusement, je dois constater que des entreprises d'insertion de
niveau national viennent nous expliquer que le mieux-disant social n'est pas
pris en compte.
J'ai dit que l'Association des maires de France souhaitait que le critère
social devienne un critère à part entière. Aujourd'hui, il n'est pas encore
pris en considération.
Je ne veux pas revenir sur le caractère quelque peu honteux que prend le mot «
social » dans la bouche de M. le rapporteur général, qui confond argent et
social. S'il sait où nous voulons aller, nous savons, nous aussi, où il veut
aller en matière de marchés publics.
Nous, nous voulons que l'on puisse prendre en considération, au niveau des
collectivités, des entreprises qui emploie des personnes en difficulté sociale,
des personnes qui relèvent de l'insertion, des personnes qui relèvent d'un
certain nombre de politiques mises en place par le gouvernement actuel et qui
font que le nombre de chômeurs diminue, qu'un certain nombre d'inégalités se
réduisent. Notre propos et celui de M. le rapporteur général sont donc
complètement contradictoires.
Cela étant, en attendant de rediscuter peut-être avec toutes ces entreprises
d'insertion, avec toutes ces associations, je suis au regret de dire à M. le
secrétaire d'Etat que je maintiens les amendements.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 85.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Je souhaite vous dire amicalement, monsieur le secrétaire d'Etat, que la
question qu'ont posée M. Foucaud et ses collègues et qui, d'ailleurs, a été
débattue assez longuement en commission des finances traduit, en fait, la
méconnaissance qui est la nôtre des nouvelles règles du code des marchés
publics telles qu'elles découlent du décret du 7 mars.
C'est, je crois, la semaine dernière que j'ai demandé à celle ou à celui de
vos collègues qui représentait le Gouvernement à ce même banc de prier le
Gouvernement de bien vouloir diffuser très vite, notamment auprès des élus
locaux, parce que le texte doit entrer en vigueur le 8 septembre prochain une
espèce de petit vade-mecum expliquant les règles qui changent. Car le passage
du moins-disant au mieux-disant est tout de même une mini-révolution !
C'est vrai aussi que l'expression « mieux-disant », comme vous l'avez dit,
monsieur le secrétaire d'Etat, comme l'a dit M. le rapporteur général, comme
l'a dit aussi M. Foucaud, peut donner lieu à des interprétations diverses.
Je ne suis d'ailleurs pas sûr que l'exemple choisi des entreprises d'insertion
soit le meilleur, parce que les entreprises d'insertion ont du mal à participer
à la concurrence dans la mesure où elles sont subventionnées. Donc elles
poseraient de toute façon un problème.
Cela étant, le mieux-disant, dans son acception la plus large, peut conduire
désormais, me semble-t-il, en application du nouveau texte, à choisir telle
entreprise plutôt que telle autre parce qu'elle est dans tel secteur, parce
qu'il y a des risques de chômage, parce qu'elle a un plan de charge
insuffisant, etc.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, on se dispensera de ces longs débats, si
le Gouvernement accepte comme je l'en supplie depuis plusieurs semaines, de
faire un petit commentaire adressé à tous les maires, présidents de conseils
généraux, présidents de conseils régionaux, bref, à tous ceux qui passent les
marchés publics, de façon à ce qu'ils sachent exactement quelles sont les
nouvelles règles.
Cela étant dit, bien entendu, comme je partage l'avis de M. le secrétaire
d'Etat sur ce sujet - je signale d'ailleurs à M. Foucaud que
l'Actualité
juridique
du mois dernier ou de la semaine dernière a publié un grand
article sur le nouveau code des marchés, en particulier sur la notion de
mieux-disant -, je ne voterai pas l'amendement n° 85.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 85, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 86, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 87, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 88, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
5, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 136 du code des marchés publics, il est inséré un article
additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ... -
Les informations sur l'exécution des marchés soldés dans
l'année ou en cours d'exécution font l'objet d'un rapport récapitulatif annuel
communiqué à l'assemblée délibérante de la collectivité ou de l'établissement,
à l'occasion de la présentation du budget. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement vise à réintroduire dans le nouveau code des marchés publics
une obligation d'information à l'égard de tous les élus des assemblées
délibérantes. Cette absence d'obligation comporte en effet un risque de recul
du droit des élus, notamment de ceux de l'opposition, à être informés des
décisions de la collectivité.
D'où la nécessité de conserver dans notre droit la communication périodique de
l'état de l'exécution des marchés publics.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaiterait entendre l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cette
disposition. Il en comprend la finalité, il en partage certainement aussi la
philosophie, mais il estime qu'elle relève plutôt des règles que se fixe chaque
collectivité locale.
Ainsi, il serait opportun que le règlement intérieur d'une commune - toute
commune de plus de 20 000 habitants doit édicter un règlement intérieur -
puisse comprendre des dispositions de ce type visant à la transparence et à
l'information. Encore une fois, cela ressortit à l'organisation de chaque
collectivité et à la vie démocratique de chacune d'elles.
M. le président.
Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission partage l'avis défavorable du
Gouvernement.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 88.
M. Thierry Foucaud.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous dites que c'est au règlement intérieur de
prévoir que l'opposition doit être informée de façon transparente. Mais si la
majorité ne veut pas informer l'opposition de manière régulière, le règlement
intérieur sera tel qu'il ne le permettra pas.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Foucaud, le règlement intérieur doit être,
d'abord, élaboré dans les six mois qui suivent l'élection de l'assemblée
délibérante et, ensuite, soumis au contrôle de légalité. Par conséquent, il ne
peut pas comprendre de disposition qui serait contraire à la transparence et à
l'approche équilibrée par les élus de toutes tendances de l'information qui est
nécessaire à l'exercice de leur mandat.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je suis quelque peu étonnée de l'opposition tant de M. le rapporteur général
que de M. le secrétaire d'Etat. Il s'agit en effet d'une mesure de transparence
tout à fait intéressante, en liaison avec la notion de bilan que nous avons
évoquée tout à l'heure.
C'est vrai, le conseil municipal est consulté pour chaque marché, mais pas
pour son attribution, car la commission d'attribution est souveraine.
L'assemblée municipale ne délibère que pour autoriser le maire à signer le
marché. Le conseil municipal ne prend pas toujours le soin de discuter
longuement de la décision prise d'autoriser la signature dudit marché.
D'ailleurs, si certains marchés avaient été mieux exposés devant l'assemblée
délibérante, ils n'auraient pas suivi le chemin que l'on sait.
En outre, la connaissance de ce tableau annuel et les conclusions qui
pourraient en être tirées, en liaison avec le budget, constitueraient un
élément complémentaire favorisant un meilleur jugement de la politique
financière du conseil municipal. Ce recensement à froid, si je puis dire,
pourrait conduire à procéder à des enquêtes sur le marché lui-même, certes,
mais aussi sur les conditions de son exécution. C'est un autre problème, mais
tout aussi important.
Ce bilan annuel des marchés peut être un facteur de transparence : il
permettrait une prise de conscience et une information de chaque citoyen.
La transparence et la vigilance y gagneraient, sans pour autant modifier les
règles applicables à la passation des marchés. Une vision d'ensemble serait
plus aisée. Je ne comprends donc pas le refus qui nous est opposé ce soir.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 88, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 5 bis