SEANCE DU 12 JUIN 2001


M. le président. La parole est à M. Natali, auteur de la question n° 1096, adressée à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Paul Natali. Je souhaite tout d'abord remercier M. le ministre délégué à la santé de s'être déplacé personnellement pour répondre à cette question qui est quand même préoccupante. Elle porte sur la situation de l'hôpital de Bastia.
Comme vous le savez, les personnels de ce centre hospitalier ont entamé solidairement, une grève le 14 mai dernier. Ce mouvement social est pleinement justifié et reçoit le soutien de la population de Haute-Corse, tant il est vrai que notre département est profondément défavorisé du point de vue de la qualité des soins par rapport à d'autres.
L'hôpital Falconaja de Bastia a été obsolète dès sa livraison dans les années quatre-vingt et il faudrait aujourd'hui 180 millions de francs pour y réaliser les seules mesures d'urgence, comme les mises aux normes électriques en matière d'incendie.
Je sais que la promesse a été faite la semaine dernière d'envoyer une équipe de techniciens pour faire évaluer ce plan d'investissement. Mais combien de temps cela va-t-il encore prendre ? On ne peut plus se permettre d'attendre, ne serait-ce que pour des questions de sécurité.
Quant à l'antenne médicale d'urgence de Calvi, sur laquelle j'avais déjà attiré l'attention du Gouvernement il y a plus de deux ans, elle est à peine l'équivalent d'un dispensaire de campagne, alors que la Balagne accueille jusqu'à 170 000 personnes l'été ! Des promesses de nouvelles structures pour 2003 seront-elles tenues dans le temps lorsqu'on sait les retards pris ?
A l'hôpital de Bastia, certains postes ne sont pas pourvus depuis plusieurs mois, comme celui de directeur du service économique, ce qui nuit au suivi interne des dossiers. Les travaux nécessaires à l'installation du nouveau scanner n'ont pu être lancés. De même, la restructuration des urgences, qui devait avoir lieu cette année, est reportée à 2002. Cet été, en plein afflux touristique, l'hôpital devra donc fonctionner avec le vieux scanner, qui tombe en panne régulièrement.
Il est indispensable de pourvoir les postes vacants rapidement pour remédier aux dysfonctionnements administratifs de l'hôpital.
Enfin, monsieur le ministre, je tiens à vous rappeler que quatre-vingts postes ont été accordés pour 2001 à l'hôpital d'Ajaccio. L'hôpital de Bastia fonctionne en sous-effectif flagrant. Il est indispensable d'accroître ses moyens en personnels et ses moyens financiers pour qu'enfin la Haute-Corse ne soit plus le parent pauvre de la santé. Or, pour l'instant, aucune création de postes non médicaux n'a été proposée, malgré les promesses qui avaient été faites dans la deuxième partie du protocole du 14 mars 2000.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir me faire savoir si vous comptez prendre des mesures plus significatives que celles qui ont été accordées jusqu'à présent et qui sont gravement insuffisantes.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé. Monsieur le sénateur, je souhaite vous apporter plusieurs éléments de réponse témoignant de notre volonté de résoudre les difficultés que connaît le centre hospitalier de Bastia.
Premièrement, il convient de rappeler que ce centre est considéré par nous comme le pôle hospitalier de référence de la Haute-Corse, et j'entends bien ne pas le laisser dans la situation que vous avez décrite, car je ne veux pas aller jusqu'à parler d'abandon.
Deuxièmement, la situation de l'établissement pour l'exercice 2000 nous a déjà conduits à prendre des décisions permettant le rétablissement de la situation financière. Un crédit pluriannuel de 11,5 millions de francs a été alloué afin de faire face au remboursement d'un emprunt de trésorerie de 50 millions de francs. Cela a permis un assainissement de la situation financière de l'établissement.
Un protocole financier a fait l'objet d'un suivi régulier. Ce protocole a été signé entre l'hôpital, l'agence régionale de l'hospitalisation et la trésorerie générale, et, durant le même exercice 2000, la création de 32 postes a été autorisée. Encore faut-il, bien sûr, trouver les candidats !
Troisièmement, dès le début du conflit, l'agence régionale de l'hospitalisation a pris un certain nombre de décisions répondant aux revendications posées.
Mais, avant d'aborder ces différentes mesures, je voudrais saisir l'occasion pour déplorer - le mot est faible ! - certains débordements qui ont eu lieu : démontage de matériel, confiscation des outils de travail du personnel administratif, expulsion de l'équipe de direction, occupation des locaux de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales... Ces agissements nuisent incontestablement à l'image de l'hôpital et auraient pu, pour certains, porter atteinte aux conditions de sécurité.
Nous prenons, bien sûr, en considération les attentes exprimées par les personnels, et l'ARH a déjà pris des mesures importantes. Mais, encore une fois, je déplore les méthodes employées.
L'ARH participe à la résorption de l'emploi précaire. Elle a pris en charge le surcoût financier correspondant à l'intégration de quatorze agents dans la fonction publique hospitalière. Elle a demandé la signature d'un protocole entre la direction de l'établissement et les organisations syndicales relatif à la situation des CDD recrutés en 2000 et 2001. Je rappelle à cet égard que 2001 marque la fin du plan pluriannuel 1999-2001, qui a permis à 150 agents de l'établissement d'intégrer la fonction publique hospitalière. Ce n'est pas rien !
L'ARH a également permis le renforcement de l'équipe médicale. Un poste supplémentaire de praticien hospitalier de médecine doit être créé par transformation d'un poste d'assistant dans cette même discipline. Les CHU de Marseille et de Nice ont été saisis d'une demande pour trouver des médecins susceptibles d'apporter une aide immédiate ou d'occuper les postes libérés par les démissions. Encore faut-il, là aussi, trouver des candidats !
L'ARH a pris en compte des besoins prioritaires en personnels de l'antenne médicale d'urgence, l'AMU, de Calvi par la création d'un poste de manipulateur en radiologie.
Sur le plan de l'entretien et de la maintenance, l'abondement budgétaire a été de 0,5 million de francs, ce qui va permettre d'accélérer les travaux. Cela représente une augmentation de 15 % du budget qui était dédié à ces travaux.
L'ensemble des mesures précitées représentent une masse financière totale de 2,8 millions de francs.
En quatrième lieu, il faut rappeler l'accélération de la politique de modernisation et de mise en sécurité de l'établissement.
Pour cela, la direction de l'établissement doit finaliser le projet d'établissement pour septembre 2001 et élaborer très rapidement le plan pluriannuel d'investissements.
Une aide à l'investissement pour la prise en charge des surcoûts d'exploitation sera accordée à l'établissement, permettant ainsi de finaliser plus rapidement - nous l'espérons - un certain nombre de travaux concernant notamment la sécurité - vous en avez parlé, monsieur le sénateur - l'installation d'équipements lourds, le scanner en particulier, et l'acquisition d'équipements médicaux.
Par ailleurs, des expertises complémentaires - vous y avez également fait allusion - seront conduites sur site afin d'évaluer la situation du patrimoine et les priorités d'investissement en termes d'équipements, de mises aux normes et de sécurité.
Enfin, l'agence régionale de l'hospitalisation mettra en place un comité de suivi qui permettra de s'assurer du respect du calendrier et de l'état d'avancement des différents dossiers.
Cette énumération, certes longue, dont on voudra bien m'excuser, vous montre, monsieur le sénateur, à quel point nous sommes déterminés, et moi le premier, à permettre la modernisation du centre hospitalier de Bastia et à conforter son rôle au bénéfice des populations de la Corse.
M. Paul Natali. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Natali.
M. Paul Natali. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Les problèmes que vous avez évoqués sont bien ceux qui préoccupent aujourd'hui le personnel. Vous devez savoir qu'une nouvelle manifestation est prévue demain.
Quand on arrive dans l'établissement, on s'aperçoit de son état de dégradation : les ascenseurs fonctionnent mal, le personnel est là avec des bandeaux « En grève ».
Des mesures urgentes sont à prendre. Je ne sais pas lesquelles. M. le préfet, avec qui je m'en suis entretenu, m'a dit que cela dépendait maintenant du directeur régional de l'agence régionale de l'hospitalisation.
En fait, il n'y a eu ni discussions ni concertation avec l'ensemble du personnel. J'ai l'impression qu'il y a une fracture entre ce personnel et l'administration hospitalière régionale. Il semble que quelque chose fonctionne mal.
C'est vrai, le personnel, qui n'arrête pas de se révolter, a causé énormément de dégâts. Mais la population le soutient.
Il est urgent de trancher, même si je ne sais pas de quelle façon. En tout cas, monsieur le ministre, il vous appartient d'informer le personnel des mesures que vous avez énumérées ici, de lui dire que tout cela fait partie d'un programme et que ce programme sera engagé rapidement. Je crois que c'est ce qu'il attend aujourd'hui.
Vous l'avez dit, vos services ont pu constater l'état de totale dégradation de l'établissement. Il est tout de même regrettable qu'on ait laissé traîner les choses pendant une vingtaine d'années, ce qui explique l'état dans lequel il se trouve aujourd'hui. C'est ce qui préoccupe beaucoup la population.

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