SEANCE DU 21 JUIN 2001


M. le président. « Art. 4. - Le premier alinéa de l'article 207-1 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Si, par la mort de l'un des époux, les conditions de vie du conjoint survivant se trouvent gravement amoindries, un devoir de secours peut être mis à la charge de la succession, sous la forme d'une pension alimentaire. Le délai pour le réclamer est d'un an à partir du décès et se prolonge, en cas de partage, jusqu'à son achèvement.
« Lorsque le conjoint a, durant le mariage, manqué gravement à ses devoirs envers le défunt, le juge pourra, à la demande de l'un des héritiers, décharger la succession de sa contribution à la pension alimentaire. »
Par amendement n° 7, M. About, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi cet article :
« I. - L'article 767 du code civil est remplacé par les dispositions suivantes :

« Paragraphe 4
« Du droit à pension

« Art. 767 . - La succession de l'époux prédécédé doit une pension à l'époux survivant qui est dans le besoin. Le délai pour la réclamer est d'un an à partir du décès ou du moment où les héritiers cessent d'acquitter les prestations qu'ils fournissaient auparavant au conjoint. Le délai se prolonge, en cas d'indivision, jusqu'à l'achèvement du partage.
« La pension est prélevée dans la limite des revenus de l'hérédité si la consistance de la succession le permet. Elle peut s'exécuter par la constitution ou le versement d'un capital.
« La pension est supportée par les héritiers et les légataires universels ou à titre universel proportionnellement à leur part successorale. En cas d'insuffisance, elle est supportée par les légataires particuliers proportionnellement à leur émolument, sauf application de l'article 927.
« Art. 767-1 . - Lorsque le conjoint a, durant le mariage, manqué gravement à ses devoirs envers le défunt, le juge pourra, à la demande de l'un de ses héritiers, décharger la succession de sa contribution à la pension alimentaire.
« II. - L'article 207-1 du même code est abrogé. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Cet amendement tend simplement à nous différencier de l'Assemblée nationale, qui souhaite créer une sorte de prestation compensatoire. Nous souhaitons, nous, que le droit de pension à l'époux ne soit accordé que lorsque le conjoint survivant se trouve dans le besoin et non lorsqu'il connaît un grave amoindrissement de ses conditions de vie.
Nous avons, en outre, mené une réflexion sur le point de départ du délai pour demander des aliments. Nous voulons éviter que, par un subterfuge, les héritiers n'empêchent le conjoint survivant de bénéficier du délai d'un an.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je comprends l'argumentation de la commission. Il est vrai que le texte proposé subordonne le droit de pension du conjoint à un état de besoin constaté. Telle est bien la difficulté.
Il est également vrai que, lorsque les conditions de vie du conjoint survivant sont gravement amoindries, la situation est également difficile.
J'aurais donc préféré qu'on en restât au texte de l'Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Nicolas About, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 7.
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole contre l'amendement.
Je m'exprime contre l'amendement afin de me réserver le droit d'intervenir de nouveau lors des explications de vote. Mais mon hostilité à l'égard de cet amendement est très conditionnelle.
Je souhaite simplement demander une explication, sans entraîner pour autant le Sénat dans une discussion de commission.
Je suis quelque peu perplexe. Sans doute n'ai-je pas suffisamment lu le rapport, à moins que je manque de perspicacité ! Dans un tel dispositif, quand intervient l'obligation alimentaire ? Dans l'esprit de la commission, une personne se trouve-t-elle dans le besoin avant ou après bénéfice de l'obligation alimentaire ?
M. Jean-Jacques Hyest. Elle n'existe plus !
M. Nicolas About, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. L'obligation alimentaire n'est pas nécessairement due par les mêmes personnes, c'est la différence, alors qu'en l'espèce les héritiers sont tenus de verser une telle pension au conjoint qui se trouve placé dans le besoin. Le délai mis en place vise les héritiers et non pas forcément ceux dont dépend l'obligation alimentaire.
Nous ne modifions nullement ladite obligation. Nous ne voulons pas non plus créer, en plus de cette obligation alimentaire, une véritable prestation compensatoire nouvelle. On en a déjà instauré une pour le conjoint divorcé. Si l'on se met à en créer une autre pour le conjoint survivant, que de pensions alimentaires et de complexités, d'autant que les prestations compensatoires adoptées voilà peu font aujourd'hui déjà l'objet de différentes décisions de justice !
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux. Même si je comprends votre souci de deuil, de temps nécessaire, permettez-moi d'ajouter qu'il y a un risque à prévoir un délai trop long, celui que ne soit pas pris en compte l'état de nécessité de plus en plus prenante du conjoint.
M. Nicolas About, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, rapporteur. Je me suis mal fait comprendre. Notre dispositif vise à protéger le conjoint survivant de manoeuvres éventuelles des héritiers.
Beaucoup d'héritiers pourraient être tentés d'inciter le conjoint à ne pas faire jouer son droit, en proposant de pourvoir à ses besoins. Au bout d'un an et un jour, le délai pour obtenir une pension étant dépassé ; le conjoint survivant n'aurait plus la possibilité de demander cette pension.
M. Jacques-Richard Delong. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delong.
M. Jacques-Richard Delong. Permettez à quelqu'un qui n'appartient pas à la commission compétente de poser une simple question. En effet, le terme utilisé par le rapporteur me semble un peu vague. Comment définir le besoin et à quel moment ?
M. Nicolas About, rapporteur. C'est le juge qui le fera !
M. Jacques-Richard Delong. Compte tenu de la rapidité de la justice, on pourra attendre longtemps !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?..
Je mets aux voix l'amendement n° 7, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.

Article 5