SEANCE DU 27 JUIN 2001
M. le président.
« Art. 64
bis
A. - A titre exceptionnel, les personnes titulaires d'un
diplôme français d'Etat de docteur en médecine ou d'un certificat ou autre
titre mentionné à l'article L. 4131-1 du code de la santé publique, exerçant, à
la date de promulgation de la présente loi, dans les services médicaux du
travail régis par le titre IV du livre II du code du travail ou dans les
services de médecine de prévention des administrations et établissements
publics de l'Etat visés à l'article 2 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, ou
dans les services de médecine préventive des collectivités et établissements
employant des agents régis par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et qui
ne possèdent pas les titres ou diplômes mentionnés à l'article R. 241-29 du
code du travail, sont autorisées à poursuivre leur exercice en tant que
respectivement médecin du travail ou médecin de prévention, à condition de :
« 1° Suivre un enseignement théorique conforme au programme de l'enseignement
dispensé au titre du diplôme d'études spécialisées de médecine du travail ;
« 2° Satisfaire à des épreuves de contrôle de connaissances au plus tard avant
la fin de l'année universitaire 2003-2004.
« Les médecins autorisés, dans le cadre du premier alinéa, à exercer en
qualité de médecins de médecine préventive ou de médecine professionnelle et
préventive, ne peuvent être admis à exercer en qualité de médecin du travail
qu'à l'issue d'une durée minimale de trois ans après avoir satisfait aux
épreuves de contrôle de connaissances mentionnées au 2°.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent
article. »
Sur l'article, la parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Les dernières statistiques dont nous disposons en matière d'accidents du
travail et de maladies professionnelles font état d'une hausse qui doit nous
alerter : 42 624 accidents du travail avec arrêt en 1999, soit une augmentation
de 6,47 %, et 717 accidents mortels, soit une hausse de 5 %. Quant au nombre de
maladies professionnelles déclarées et reconnues, il a progressé de 12 %, pour
atteindre exactement 17 421.
Dans un tel contexte, il est urgent d'agir, et c'est dans cette perspective
que les partenaires sociaux ont finalement signé l'accord interprofessionnel du
13 septembre 2000.
L'accord, si l'on se réfère à la dernière réunion du Conseil supérieur de
prévention des risques professionnels, ouvre la voie à une réforme structurelle
du système de prévention.
Certains chantiers relèvent des partenaires sociaux, telles l'élaboration de
codes de bonne pratique, la création de commissions locales paritaires et
d'observatoires régionaux, et l'implication des branches par les programmes
triennaux de prévention.
Je voudrais indiquer, sur ce point, que nous sommes sensibles à l'argument de
nombreux médecins du travail selon lequel nombre de métiers et de postes
présentant des risques sont transversaux sur plusieurs branches.
Il ne faudrait pas, dès lors, qu'une évaluation des risques par branche
aboutisse à des degrés de protection inégaux, et donc à une protection
déficiente pour certaines catégories. L'évaluation du risque doit être
a
priori
maximale. Nous sommes ici au coeur de la notion de protection de la
santé et de la sécurité des salariés, qui est d'ordre public social.
Des interventions du législateur et du pouvoir réglementaire sont également
nécessaires. Nous aurons sans doute à revenir sur la modulation de la
surveillance médicale des salariés, qui pourrait passer de douze à vingt-quatre
mois pour les salariés non soumis à une surveillance médicale spéciale.
Mais la question est trop sérieuse pour être traitée aussi rapidement, et des
négociations de branche sont au moins nécessaires avant que l'on nous présente
un projet de texte.
D'autres mesures concernant le fonctionnement de la médecine du travail
doivent aussi être mises en oeuvre : garantie de l'indépendance des médecins
par rapport aux employeurs, pluridisciplinarité des services, transparence de
la gestion grâce à un contrôle social plus motivé.
Il est notamment regrettable que les syndicats de salariés, certes mobilisés
dans les CHSCT, ne s'impliquent pas davantage dans les commissions de contrôle
interentreprises de médecine du travail.
La création d'un statut protecteur des salariés membres d'une commission de
contrôle, avec des crédits d'heures pour remplir leur mandat, serait sans doute
de nature à améliorer les choses. Nous appelons avec insistance l'attention du
Gouvernement sur ce point.
La création d'un délit d'entrave à l'indépendance du médecin semble également
nécessaire.
De manière plus globale, c'est tout le système de prévention qui doit être
renforcé et modernisé pour tenir compte des évolutions de ces dernières
années.
En effet, voilà quelques années, les accidents du travail qui survenaient
étaient souvent liés à la situation de précarité des salariés victimes et à
l'absence de formation au poste de travail.
Aujourd'hui, les choses ont heureusement évolué, mais nous nous trouvons
devant d'autres problèmes, l'amiante et les éthers de glycol étant les exemples
les plus médiatiques.
La toxicité des produits manipulés est maintenant mieux prise en compte, mais
des moyens doivent être dégagés pour continuer à étudier leurs conséquences.
Surtout, les médecins du travail doivent avoir la possibilité d'être
parfaitement informés et opérationnels sur le sujet, ce qui implique à la fois
formation permanente, pluridisciplinarité et garantie d'indépendance.
Dans l'immédiat, nous nous trouvons devant un problème dont la solution ne
souffre pas de retard : le déficit en médecins du travail est estimé à près de
2000, pour 6 500 médecins en activité. C'est considérable, et c'est un facteur
de danger immédiat pour les salariés. La prévention, notamment, ne peut être
assurée dans des conditions optimales.
Le Gouvernement nous propose donc d'adopter une première mesure d'urgence,
visant à permettre aux médecins exerçant dans les services médicaux du travail
sans avoir le diplôme de continuer à exercer leurs fonctions, à condition, bien
sûr, de suivre un enseignement théorique conforme au programme du diplôme
d'études supérieures de médecine du travail et de satisfaire à des épreuves de
contrôle des connaissances avant la fin de l'année universitaire 2003-2004.
La pénurie est aujourd'hui trop grave pour que nous puissions tergiverser. Au
demeurant, tel que rédigé, le texte assurera au final une égalité dans les
études entre médecins spécialisés et non spécialisés. Il apparaît aussi comme
une mesure de justice à l'égard des médecins qui exercent avec dévouement et
compétence dans les services médicaux du travail.
Toutefois, cette disposition ne peut être considérée que comme transitoire. Il
convient de mettre un terme à ce système, et donc de former et de recruter
désormais des médecins du travail en nombre suffisant et qui auront suivi dès
l'origine le cursus adéquat.
Comme nous l'indiquions, la complexité des modes de production et la toxicité
des produits exigent une augmentation des moyens et une réforme en profondeur
du système de prévention. A défaut, l'accord interprofessionnel et la volonté
gouvernementale ne parviendront pas à se concrétiser.
Nous ne ferons pas l'économie d'un vrai débat et d'un vrai texte de loi sur ce
sujet, qui a été trop longtemps laissé de côté. C'est dans cette perspective
que le groupe socialiste, qui souhaite le maintien de l'article, votera contre
l'amendement de suppression de la commission.
M. le président.
Par amendement n° 91, M. Gournac, au nom de la commission, propose de
supprimer l'article 64
bis
A.
La parole est à M. Gournac, rapporteur.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
L'Assemblée nationale a introduit, en deuxième lecture, un
article qui permet aux médecins exerçant dans les services médicaux du travail,
ou dans les services de médecine de prévention des administrations et
établissements publics de l'Etat, ou dans les services de médecine préventive
des collectivités locales, et qui ne possèdent pas les titres ou diplômes de
médecin du travail de poursuivre leur exercice en tant que médecins du travail
ou médecins de prévention, à condition de suivre un enseignement théorique
conforme au programme de l'enseignement dispensé au titre du diplôme d'études
spécialisées de médecine du travail et de satisfaire à des épreuves de contrôle
des connaissances au plus tard avant la fin de l'année universitaire
2003-2004.
C'est là une disposition importante, qui a été votée à la sauvette - j'y
insiste - sans concertation, et malgré l'opposition résolue exprimée par les
organisations représentatives des médecins du travail.
Aux yeux de la commission, la médecine du travail mérite une véritable
réforme, et non des mesures qui relèvent de l'expédient, adoptées à la va-vite
à quatre heures du matin.
C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Avant la réforme de la médecine du travail, le
Gouvernement propose de mettre en oeuvre une mesure d'urgence qui vise à
régulariser, en leur assurant une formation, la situation des médecins non
diplômés en médecine du travail que de nombreux services médicaux ont été
conduits à recruter pour assurer leur fonctionnement régulier.
C'est une mesure transitoire indispensable pour faire face à l'actuelle
pénurie en matière de recrutement de médecins du travail. Elle a fait l'objet,
le 18 mai dernier, d'une concertation préalable devant le Conseil supérieur de
la prévention des risques professionnels, où elle a reçu un accueil favorable.
(M. le rapporteur s'exclame.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 91.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'article 64
bis
A concerne les médecins généralistes qui, par une
disposition de la loi de 1998 portant diverses mesures d'ordre social, ont été
autorisés à exercer la médecine du travail.
Ces médecins, au nombre d'environ quatre cents, sont donc en activité au titre
de la médecine du travail depuis 1998 et ont, de ce fait, acquis dans ce
domaine une pratique et une expérience, certes insuffisantes, mais bel et bien
réelles.
Ne pas régulariser leur situation serait absurde. On ne peut décemment pas
permettre à ces praticiens d'exercer la médecine du travail pendant plusieurs
années et les laisser
ad vitam aeternam
dans un statut intermédiaire,
imprécis et temporaire. C'est d'autant plus vrai que cette mesure constituait
un élément positif - pour ne pas dire une bouée de sauvetage - pour des
pouvoirs publics confrontés alors, une fois de plus, à une importante pénurie
de médecins du travail.
Toutefois, ces médecins ne sauraient être dispensés d'une formation théorique
en médecine du travail qui, seule, permettra d'en faire des praticiens dotés
d'un savoir et d'une expérience à la hauteur des enjeux que représente la santé
au travail.
Il conviendra donc, madame la secrétaire d'Etat, de veiller attentivement à ce
que la formation que ces médecins suivront corresponde bien au niveau de
formation théorique exigé pour l'obtention du diplôme d'études supérieures, ou
DES, de médecine du travail, de même qu'il s'agira de prévoir, dans les décrets
d'application de l'article 64
bis
A, que les contrats liant les médecins
du travail en formation à leur employeur leur permettent de quitter les
services de santé au travail dudit employeur après formation et sans clause
restrictive particulière.
J'ajoute que cette régularisation des médecins dits « de 98 » doit conserver
son caractère exceptionnel - mais je vous ai entendue parler de système
transitoire, madame la secrétaire d'Etat - et qu'il serait difficilement
tolérable que le Gouvernement utilise trop souvent, à l'avenir, un tel
procédé.
Je conclurai en insistant, madame la secrétaire d'Etat, sur le fait que nous
serons tout particulièrement vigilants à la traduction réglementaire et à
l'encadrement juridique précis que recevra cet article 64
bis
A.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 91, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 64
bis
A est supprimé.
Article 64 bis