SEANCE DU 27 JUIN 2001
M. le président.
« Art. 64
septies
. - Après l'article L. 241-6 du code du travail, il
est inséré un article L. 241-6-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 241-6-1
. - I. - Les personnes titulaires d'un diplôme en
médecine ou d'un certificat ou d'un autre titre mentionné à l'article L. 4131-1
du code de la santé publique et ayant exercé au moins pendant cinq ans, peuvent
exercer la médecine du travail ou la médecine de prévention, à condition
d'avoir obtenu un titre en médecine de santé au travail et de prévention des
risques professionnels, à l'issue d'une formation spécifique, d'une durée de
deux ans, comprenant une partie théorique et une partie pratique en milieu de
travail.
« II. - Au titre de cette formation, chaque médecin peut bénéficier d'une
indemnité liée à l'abandon de son activité antérieure, d'une garantie de
rémunération pendant la période de formation et d'une prise en charge du coût
de celle-ci. Le financement de ces dispositions est assuré par des concours des
organismes de sécurité sociale et une participation des services médicaux.
« III. - Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du
présent article. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 93 est présenté par M. Gournac, au nom de la commission.
L'amendement n° 147 est déposé par Mme Beaudeau, MM. Fischer, Muzeau et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. Gournac, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 93.
M. Alain Gournac,
rapporteur.
L'article 64
septies
introduit par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture est le pendant de l'article 64
bis
A, qui
autorisait certains médecins à poursuivre leur exercice en médecine du travail
sans en avoir les titres. Il vise à instaurer une voie de formation parallèle
en médecine du travail pour les médecins généralistes.
Comme l'article 64
bis
A, cet article a été voté à la sauvette, sans
concertation et malgré l'opposition résolue des organismes représentatifs des
médecins du travail.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° 147.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Le présent article insère dans le code du travail un article L. 241-6-1 qui
permet aux médecins ayant exercé pendant au moins cinq ans de pratiquer la
médecine du travail ou la médecine de prévention, à condition d'avoir obtenu un
titre en médecine de santé au travail et de prévention des risques
professionnels à l'issue d'une formation spécifique de deux ans.
Son objet véritable est, on l'aura compris, de tenter de remédier à l'actuelle
carence en médecins du travail, que le Gouvernement évalue à quelques
centaines, mais qui s'élève plutôt à quelque 1 800 postes en équivalent temps
plein si l'on ajoute l'obligation d'activité en milieu de travail - dit
tiers-temps - aux visites médicales annuelles. Il constitue un moyen, que nous
jugeons tout à fait négatif, de reconvertir, par une formation parallèle à
celle de l'internat, des médecins généralistes en médecins du travail.
Chaque médecin du travail en exercice est chargé de de plus de 2 500 salariés
par an. La moyenne d'âge de ces médecins étant de cinquante-trois ans, les
départs à la retraite dans les dix prochaines années devraient accroître la
pénurie. Or ce secteur est régi par un
numerus clausus
prévoyant 200
recrutements par an.
La filière que tend à instaurer l'article 64
septies
relève donc en
tous points de l'état d'urgence et d'une volonté de régulation de la
démographie médicale louable sur le fond, mais on ne peut plus criticable sur
la forme.
Alors que le DES sanctionne quatre ans d'études spécialisées - ajoutées aux
cinq ans de tronc commun - l'article 64
septies
vise à mettre en place
une formation en deux ans dont ni la forme ni le fond et encore moins la durée
ne pourra, c'est évident, remplacer quatre années d'études approfondies. En
somme, je le dis très clairement, il s'agit véritablement de brader le DES de
médecine du travail !
La médecine du travail doit garder son caractère de discipline spécialisée.
C'est en effet une condition fondamentale de l'indépendance des médecins que de
proposer une véritable résistance à la division par origine de formation et de
conserver l'unicité du diplôme.
Au prétexte de juguler dans l'urgence le déficit en médecins du travail,
l'article 64
septies
risque fort de discréditer pour longtemps cette
profession, en dévalorisant ce diplôme d'expert, en le proposant sans grande
difficulté à tout « médecin en exercice » désireux de se reconvertir.
De même, on peut légitimement se demander ce qui garantira que ces médecins
reconvertis resteront médecins du travail et ne décideront pas, au bout de
quelque temps, les pressions patronales et les niveaux de salaires aidant, de
revenir à un exercice libéral de la médecine dite « de ville », évidemment plus
rentable et plus indépendante.
Gageons que brader ainsi le titre de spécialiste des risques professionnels
dévalorisera l'image de ces professionnels, discréditant l'avis des médecins du
travail.
Rappelons-nous que la santé des travailleurs dépend pour beaucoup du poids de
l'expertise des médecins du travail !
Je crois que nul d'entre nous n'a oublié le scandale de l'amiante et celui qui
se prépare touchant aux éthers de glycol, que le Gouvernement n'a pas encore
voulu interdire totalement.
Pour combler le déficit, la seule solution qui garantisse la compétence des
futurs médecins du travail est d'augmenter le nombre de postes aux concours
classique et européen. Quant au recours au concours européen, il ne peut et ne
doit qu'être temporaire, dans l'attente d'une augmentation significative du
nombre de places au concours de première année de médecine, qui permettrait de
combler le déficit de l'ensemble du corps médical.
Tels sont, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les motifs pour
lesquels nous vous proposons la suppression de l'article 64
septies.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement n° 147 ?
M. Alain Gournac,
rapporteur.
Monsieur le président, la commission estime qu'il est
satisfait par son amendement n° 93.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 93 et 147
?
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, la médecine du travail
enregistre une grave pénurie dans les recrutements, qui avoisine les 10 % des
effectifs nécessaires. Le Gouvernement a pourtant consenti le maximum d'efforts
en ouvrant 225 postes au concours de l'internat depuis quatre ans.
Cette difficulté n'est pas transitoire. La structure démographique est telle
que 3 000 des 6 500 médecins du travail aujourd'hui en activité partiront à la
retraite dans les dix ans à venir.
Dans ces conditions, il est clair que les dispositions utilisées jusqu'à
présent ne sont pas en mesure de fournir les effectifs nécessaires. A moyen
terme, le système devra trouver son équilibre dans une réforme d'ensemble des
études médicales ; mais d'ici là, nous devons, pour sortir de situations qui
deviennent localement ingérables, recourir à des mesures transitoires.
C'est pourquoi il est indispensable d'établir une passerelle pour la
conversion de médecins prescripteurs en médecins de prévention, moyennant une
formation de qualité.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 93 et 147, repoussés par le
Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 64
septies
est supprimé.
Article 64 octies