SEANCE DU 30 OCTOBRE 2001
M. le président.
L'article 31 A a été supprimé par l'Assemblée nationale.
L'amendement, n° 9, présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rétablir l'article 31 A dans la rédaction suivante :
« I. - Après le premier alinéa de l'article L. 211-8 du code des juridictions
financières, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'examen de la gestion porte sur la régularité des actes de gestion, sur
l'économie des moyens mis en oeuvre et sur l'évaluation des résultats atteints
par rapport aux objectifs fixés par l'assemblée délibérante ou par l'organe
délibérant sans que ces objectifs, dont la définition relève de la
responsabilité exclusive des élus ou des délégués intercommunaux, puissent
eux-mêmes faire l'objet d'observations. »
« II. - En conséquence, le début du dernier alinéa du même article est ainsi
rédigé :
« La chambre régionale des comptes peut également...
(le reste sans
changement).
»
Le sous-amendement n° 20, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le I de l'amendement n° 9 pour insérer un alinéa
après le premier alinéa de l'article L. 211-8 du code des juridictions
financières, après le mot : "régularité", insérer les mots : "administrative et
financière" et après le mot : "relève", insérer les mots : ", conformément au
principe de séparation des pouvoirs,". »
Le sous-amendement n° 25, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau,
Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM.
Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme
Terrade, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le I de l'amendement n° 9 pour compléter l'article
L. 211-8 du code des juridictions financières, supprimer les mots : "sans que
ces objectifs, dont la définition relève de la responsabilité exclusive des
élus ou des délégués intercommunaux, puissent eux-mêmes faire l'objet
d'observations". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 9.
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Donner une définition législative de l'examen de la gestion
locale n'est pas simple. Et pourtant, la nécessité d'une telle définition est
largement reconnue.
M. Michel Charasse.
Absolument !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Elle a d'ailleurs fait l'objet d'une proposition dans le
rapport de la commission pour l'avenir de la décentralisation présidée par M.
Pierre Mauroy.
Dans un souci de conciliation, et afin de favoriser un accord entre les deux
assemblées, la commission vous propose, mes chers collègues, de ne conserver
que l'essentiel du dispositif que nous avons adopté en première lecture.
Ainsi, l'examen de la gestion aurait un triple objet : vérifier la régularité
des actes de gestion, examiner l'économie des moyens mis en oeuvre et évaluer
les résultats atteints par rapport aux objectifs fixés sans cependant que ces
objectifs puissent faire l'objet d'observations.
M. le président.
La parole est à M. Charasse, pour présenter le sous-amendement n° 20.
M. Michel Charasse.
Ce sous-amendement présente, de mon point de vue, une utilité en tant qu'il
peut amener Mme le secrétaire d'Etat à apporter des précisions qui me
conduiront peut-être à le retirer.
M. le rapporteur a bien expliqué la difficulté à laquelle s'était heurtée la
commission des lois en cherchant à définir sur quoi devait porter l'examen de
la gestion, difficulté qui est également à l'origine du dépôt d'un
sous-amendement par nos collègues du groupe communiste républicain et
citoyen.
D'un côté, il ne faut pas donner le sentiment que l'on veut restreindre le
champ d'investigation des juridictions, mais d'un autre côté, il est légitime
de vouloir qu'elles respectent les règles qui s'imposent à elles.
Mes chers collègues, nous n'aurions pas ce débat sur le contrôle de
l'opportunité des décisions des assemblées locales s'il était clair, une bonne
fois pour toutes, que les chambres des comptes doivent respecter le principe de
la séparation des pouvoirs, comme n'importe quelle autre juridiction, et
qu'elles ne peuvent pas, par leur appréciation, aux termes de la Déclaration
des droits de l'homme de 1789 et de la loi des 16 et 24 août 1790, s'immiscer
dans le fonctionnement des autorités administratives.
A la limite, on aurait pu se contenter d'un texte beaucoup plus simple : «
L'examen de la gestion s'effectue dans le respect du principe de la séparation
des pouvoirs, tel qu'il est défini par la Déclaration des droit de l'homme et
du citoyen de 1789 et par la loi des 16 et 24 août 1790. » Hormis cet obstacle,
certes majeur, le champ des investigations pourrait être infini.
Comme ce n'est pas cette solution qu'a retenue la commission des lois - je ne
le lui reproche pas, d'ailleurs - je propos d'ajouter une précision mineure et
une précision majeure.
La précision mineure consiste à dire qu'il s'agit de la régularité
administrative et financière.
Quant à la précision majeure, c'est le fait de mentionner que la définition
des objectifs fixés relève de la responsabilité des élus, « conformément au
principe de la séparation des pouvoirs ».
Si Mme le secrétaire d'Etat me dit : « Cela va de soi, ce n'est pas la peine
de l'écrire », je suis prêt à retirer mon sous-amendement. Mais dans ce cas, je
lui demanderai, comme je l'ai déjà demandé à certains de ses prédécesseurs,
quelle sera la sanction applicable si une chambre régionale des comptes
contrevient à la séparation des pouvoirs et déclare, par exemple, que la
construction de la halle des sports à tel endroit était une idiotie ou que la
décision de construire telle piscine était une stupidité, dans la mesure où le
nouveau code pénal a supprimé toute sanction pour violation de la séparation
des pouvoirs.
Bref, je souhaite, d'abord, que Mme le secrétaire d'Etat confirme que le
principe de la séparation des pouvoirs s'applique bien à ces juridictions, même
si elles n'existaient pas en 1789 et ensuite, qu'elle précise, comme l'a fait
Mme le garde des sceaux en ce qui concerne les magistrats de l'ordre
judiciaire, que, s'agissant des magistrats des juridictions financières, la
violation de la séparation des pouvoirs est une faute disciplinaire, qui, de ce
fait, relève de l'instance disciplinaire.
Si j'obtiens ces assurances, je ne serai pas plus royaliste que le roi, étant
entendu que nos débats seront lus à la Cour des comptes et ailleurs, et que Mme
le secrétaire d'Etat pourra éventuellement rappeler par écrit les règles qui
s'imposent à tous les citoyens de la République investis d'une mission quelle
qu'elle soit.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, pour défendre le sous-amendement n° 25.
Mme Nicole Borvo.
Evidemment, nous n'avons pas la même optique.
M. Michel Charasse.
C'est parce que vous agissez en fonction de la presse !
Mme Nicole Borvo.
Pas du tout !
La nouvelle version que la commission nous propose est certes meilleure que
l'ancienne, mais elle continue à poser un problème.
Bien entendu, il n'appartient pas au juge de se prononcer sur la décision même
de construire une piscine.
En revanche, il est important qu'il puisse étudier sérieusement le dossier et
faire des remarques sur les conditions dans lesquelles cette décision a été
prise et sur la manière dont le besoin a été identifié.
Ainsi, la construction d'une piscine très onéreuse parce que le projet aura
été mal étudié pose un problème évident d'utilisation de l'argent public et
doit entrer dans le champ de compétences des magistrats financiers
(Exclamations sur diverses travées.)
M. Michel Charasse.
Et si le suffrage universel est d'un avis contraire ? C'est effrayant !
M. Jacques Mahéas.
Vous voulez être sous tutelle !
M. Jean Chérioux.
Ce n'est pas croyable !
Mme Nicole Borvo.
Nous proposons donc de supprimer la fin de la phrase du texte présenté par la
commission pour l'article L. 211-8 du code des juridictions financières.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 20 et 25 ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
S'agissant du sous-amendement n° 20, il est évident que le
principe de la séparation des pouvoirs est fondamental. Dès lors, dans l'esprit
de la commission, il paraît inutile d'alourdir la définition de l'examen de la
gestion pour le rappeler.
Toutefois, nous serons aussi intéressés que M. Charasse par la position
qu'exprimera Mme la secrétaire d'Etat à ce sujet.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 25, je ne puis y être favorable, car
la commission des lois souhaite voir figurer, dans la définition de l'examen de
la gestion, un certain rappel des principes.
Si la proposition de Mme Borvo était adoptée, l'examen de la gestion
demeurerait dans cette ambiguïté que, précisément, nous voulons lever.
M. Michel Charasse.
Absolument ! Il n'y a pas besoin de commissaire du peuple !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 9, ainsi que sur les
sous-amendements n°s 20 et 25 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je prends acte, tout d'abord, des éléments nouveaux
que fait intervenir l'amendement n° 9 par rapport à la première lecture.
Il reste que, comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire, l'examen de la
gestion peut difficilement faire l'objet d'une définition précise. Au
demeurant, celle qui est proposée aujourd'hui par la commission paraît, au
moins sur le plan juridique, assez imprécise.
Il me semble que la meilleure des garanties réside dans le renforcement du
caractère contradictoire de la procédure, comme cela est prévu aux articles 31
et 32.
J'en viens au sous-amendement n° 20. J'ai bien entendu les propos de M.
Charasse. Je constate que, ce matin, nous avons notamment des échanges sur la
hiérarchie des normes ; tout à l'heure, il relativisait la portée d'un arrêté
précisément par ce que c'était un arrêté.
Pour ma part, je considère que la séparation des pouvoirs est un principe
constitutionnel auquel aucune loi ne saurait se soustraire ni
a fortiori
contrevenir.
Par conséquent, monsieur Charasse, je puis dire de la manière la plus
solennelle que le principe de séparation des pouvoirs s'applique évidemment ici
aussi. Cela relève de l'évidence, mais il semble que, parfois, certaines
évidences méritent d'être rappelées.
M. Michel Charasse.
Ô combien !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je pense que ce rappel conduira M. Charasse à retirer
son sous-amendement.
Pour ce qui est du sous-amendement n° 25, j'y suis défavorable.
M. le président.
Quel est, maintenant, l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 20
?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Interpréter la pensée de notre collègue Michel Charasse peut
être un exercice difficile
(Sourires),
mais je crois pouvoir me risquer
à dire que la réponse de Mme la secrétaire d'Etat devrait l'incliner à
confirmer son intention de retrait.
(Nouveaux sourires.)
M. le président.
Monsieur Charasse, le sous-amendement n° 20 est-il maintenu ?
M. Michel Charasse.
Si j'ai bien compris, Mme le secrétaire d'Etat nous confirme - c'est la
moindre des choses ! - que le principe de la séparation des pouvoirs s'applique
aussi aux juridictions financières. Celles-ci doivent, par conséquent, le
respecter.
Or, je le rappelle, les sanctions pénales pour violation de la séparation des
pouvoirs ont été supprimées dans le nouveau code pénal. La violation de la
séparation des pouvoirs reste une forfaiture, mais elle n'a plus de
sanction.
A la question que je lui ai posée, concernant les magistrats de l'ordre
judiciaire, Mme le garde des sceaux a indiqué que c'était une faute
disciplinaire. Mais je pense que la même règle s'applique à toutes les
catégories de magistrats.
Si Mme le secrétaire d'Etat pouvait me confirmer qu'elle appellera bien
l'attention du Premier président de la Cour des comptes à ce sujet, je serais
encore plus enclin à retirer mon sous-amendement.
Il ne peut y avoir, entre magistrats, deux poids et deux mesures : certains,
ceux de l'ordre judiciaire, qui pourraient être sanctionnés s'ils ont violé le
principe de la séparation des pouvoirs et d'autres, ceux de l'ordre financier,
qui ne risqueraient rien.
Le principe d'égalité doit, me semble-t-il, s'appliquer là aussi !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je confirme, après ma collègue Mme Lebranchu, que cela
relève de sanctions disciplinaires.
M. Michel Charasse.
Alors, je retire le sous-amendement !
M. le président.
Le sous-amendement n° 20 est retiré.
M. Jean Chérioux.
Il a eu au moins l'avantage de faire préciser les choses !
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 25.
M. Christian Cointat.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Cointat.
M. Christian Cointat.
Ce sous-amendement a tout de même de quoi étonner. En effet, toute démocratie,
nous le savons bien, repose sur l'équilibre des pouvoirs, et l'amendement de la
commission des lois respecte parfaitement cet équilibre. Si ce n'est pas l'élu
qui a la responsabilité du choix politique, il n'y a pas de démocratie.
En revanche, une instance de contrôle doit effectivement pouvoir disposer de
tous les éléments pour apprécier la nature de la gestion et vérifier qu'il y a
eu une bonne utilisation des deniers publics et un bon rapport
coût-performance.
Le sous-amendement n° 25 ouvre la voie à des dérapages de l'instance de
contrôle tels que celle-ci pourrait décider en opportunité : or cela est
contraire à la démocratie.
M. Jean Chérioux.
Tout à fait !
M. Christian Cointat.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à rejeter ce sous-amendement, qui va
à l'encontre de l'objectif poursuivi, celui de la responsabilité. La
transparence ne saurait s'accommoder de la confusion.
M. Jean Chérioux.
La tentation est bien trop grande !
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 25, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 9.
M. Jacques Oudin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Je soutiens la position qu'a prise notre commission des lois en présentant cet
amendement.
Ne pas légiférer sur la définition de l'examen de la gestion reviendrait à
estimer que la situation actuelle est acceptable.
En outre, dans la mesure où nous avons précisément défini, dans l'ordonnance
organique du 1er août dernier, les modalités de gestion des comptes publics en
ce qui concerne l'Etat, il serait déraisonnable de ne pas le faire en ce qui
concerne les collectivités locales.
Mme le secrétaire d'Etat invoque le caractère juridiquement imprécis de la
définition contenue dans l'amendement. Je l'invite à se pencher sur le texte de
l'ordonnance organique du 1er août 2001, dont les termes sont à peu près
équivalents s'agissant de l'Etat.
En regard du texte que nous avions adopté en première lecture, l'amendement n°
9 contient une modification essentielle qui, je crois, devrait renforcer notre
conviction.
Dans la première version, il n'était question que de la régularité des actes
de gestion et de l'économie des moyens mis en oeuvre par rapport aux objectifs
fixés. La commission des lois, s'appuyant sur la nouvelle orientation définie
par l'ordonnance organique du 1er août 2001, ajoute l'évaluation des résultats
atteints par rapport à ces mêmes objectifs, ce qui me paraît très judicieux. Je
note d'ailleurs que ce texte devrait ainsi donner totalement satisfaction à Mme
Borvo puisque, si une décision est prise par une assemblée, concernant un
équipement disproportionné par rapport à ses ressources, l'évaluation des
résultats fera très vite apparaître l'inadéquation entre l'objectif et les
résultats.
Deux dispositions du texte que nous avions adopté en première lecture, sur
proposition de la commission des lois, ne sont pas retenues dans la nouvelle
version.
Il s'agit, tout d'abord, de la phrase suivante : « Les observations que la
chambre régionale des comptes formule à cette occasion mentionnent les
dispositions législatives et réglementaires dont elle constate la
méconnaissance. »
Cette disposition, en effet, n'est pas indispensable dans la mesure où les
autorités de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes auront
à coeur, j'en suis persuadé, d'indiquer aux magistrats qu'on ne peut pas
prendre de décision sans que celle-ci s'appuie sur des textes clairement
identifiés.
Nous avons connu des cas, c'est vrai, où des observations étaient formulées
alors même qu'il n'existait aucun texte pour les justifier !
La commission des lois a également renoncé à la disposition suivante : «
L'importance relative de ces observations dans l'ensemble de la gestion de la
collectivité ou l'établissement public est évaluée. »
Il est en effet arrivé que tel point particulier d'une gestion soit
critiquable alors que la gestion méritait plutôt d'être approuvée
globalement.
Là encore, les instances de la Cour des comptes et des chambres régionales des
comptes auront certainement pris des dispositions pour faire en sorte que les
magistrats puissent bien mesurer le caractère relatif de certaines actions.
Ainsi, le texte qui nous est aujourd'hui proposé pour l'article 31 A est
parfaitement équilibré. Il répond tout à fait aux objectifs que nous nous
étions fixés. Je souhaite que le Gouvernement en prenne conscience et qu'il
veuille bien soutenir ce texte dans la suite du processus législatif.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 9, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 31 A est rétabli dans cette rédaction.
Article 31 B
M. le président.
L'article 31 B a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Article 31 C