SEANCE DU 30 OCTOBRE 2001
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Badinter pour explication de vote.
M. Robert Badinter.
Nous avançons, nous voyons même apparaître l'issue du processus législatif
!
J'espère qu'au terme de la commission mixte paritaire nous aurons fait
progresser sensiblement les droits du conjoint survivant et réglé la question
du sort des enfants adultérins.
Toutefois, n'étant pas encore parvenus au port, on comprendra que, dans ces
conditions, le groupe socialiste s'abstienne.
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut se
féliciter que, sur une initiative parlementaire et sans attendre la réforme
annoncée, mais sans cesse retardée, du droit de la famille, soient enfin
modifiés les droits du conjoint survivant, à qui le code civil est peu
favorable.
Toutefois, j'aurais aimé que l'on prenne en compte jusqu'au bout la place qui
lui revient dans la dévolution successorale, notamment en fonction des
évolutions socio-économiques de notre société. En effet, en l'absence de
descendants et de père ou de mère du défunt, il aurait été bon que l'ensemble
de la succession revienne au conjoint survivant.
Certes, grâce au régime matrimonial choisi par les époux, aux libéralités
qu'ils se sont consenties ou aux dispositions testamentaires, la situation de
celui qui reste le dernier a pu être prévue selon la volonté de chacun et
améliorée. Même si, selon le Conseil supérieur du notariat, cela concerne une
large majorité des couples mariés, il n'en reste pas moins que 20 % environ
d'entre eux n'ont rien prévu, le plus souvent par ignorance ou, pour les plus
jeunes, par insouciance.
Par tradition, par pratique acquise d'une génération à l'autre, l'existence
d'un patrimoine favorise l'encadrement de sa transmission. Si une alliance est
réalisée entre deux familles pour préserver et transmettre un actif, les
conditions sont remplies pour qu'il en soit ainsi.
A contrario
, lorsque
l'actif est quasi inexistant, la nécessité de prévoir sa dévolution n'est pas
ressentie. C'est dans ces cas que le lien conjugal me semble prévaloir sur les
liens de la famille par le sang, quand il s'agit de collatéraux ou de
descendants de ceux-ci.
Nous avons raisonné dans l'hypothèse de l'imprévoyance d'un époux dont nous
protégeons la famille par le sang malgré lui. De son vivant, il pouvait
exprimer sa volonté, ce qu'il n'a pas fait. En revanche, il a manifesté un
choix bien réel en contractant mariage. Il me semble que cet engagement aurait
dû être clairement pris en compte dans les dispositions que nous avons adoptées
afin que le conjoint survivant recueille ainsi l'ensemble de la succession.
Les travaux de la commission mixte paritaire permettront, je l'espère, de
mieux observer une réalité qui, pour autant qu'elle ne concerne qu'une
minorité, n'en est pas moins vécue comme une injustice à l'issue d'une vie
commune.
M. le président.
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne
reviendrai pas sur tout ce qui a été dit par les spécialistes de la question
tout au long de nos débats. Je me contenterai de féliciter notre rapporteur,
qui a repris avec talent le flambeau de notre collègue Nicolas About,
rapporteur en première lecture et devenu entre-temps président de la commission
des affaires sociales.
Je note également la qualité de nos débats qui, malgré nos divergences,
prouvent la hauteur de vue de notre institution, qui est plus qu'un simple «
vide-greniers », comme s'est amusé à la qualifier récemment un triste
député.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
C'est vrai !
M. Alain Gournac.
Mon intervention sera un peu plus générale.
Dans un instant, nous allons adopter en deuxième lecture cette proposition de
loi importante sur les droits du conjoint survivant et des enfants
adultérins.
Dans quinze jours, nous débattrons de l'autorité parentale et de l'accès aux
origines des personnes adoptées et pupilles de l'Etat.
Suivront également le texte relatif au nom patronymique, puis, plus tard sans
doute, la réforme du divorce.
Dans l'enchaînement de ces textes, j'avoue être gêné par le manque de vision
d'ensemble du Gouvernement, qui donne le sentiment d'avancer à tâtons.
C'est une grande réforme du droit de la famille et du code civil, plus
généralement, que nos concitoyens attendent.
Cette réforme ne devrait pas être réalisée dans l'urgence ; elle devrait faire
l'objet d'un examen général et d'un large consensus. Or ce consensus fait
défaut sur la plupart de ces textes, comme le prouvent les sentiments mitigés
de toutes les associations sur la réforme du divorce.
Telles sont, en quelques mots, les observations que je souhaitais formuler au
nom d'un certain nombre de mes collègues qui, comme moi, comprennent mal
l'articulation de ces textes et regrettent ce manque de vue d'ensemble.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Cette proposition de loi
relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins était
attendue ; elle tend à établir l'équité en la matière et, à ce titre, elle
mérite d'être votée au cours de cette législature.
M. Gournac vient d'évoquer l'absence de vision globale du Gouvernement. Bien
évidemment, je ne partage pas ce point de vue. En effet, des propositions
précises ont été formulées, notamment à l'occasion de la Conférence sur la
famille.
Par ailleurs, il est du rôle du Parlement, me semble-t-il, dans le cadre de
l'initiative législative, de déposer des propositions de loi et d'en discuter
sereinement, pas dans l'urgence, monsieur Gournac, l'urgence n'a d'ailleurs été
déclarée ni sur ce texte ni sur les autres que vous avez cités !
Que les points de vue puissent être confrontés et, je l'espère, converger à
l'occasion d'une commission mixte paritaire me paraît être une démarche tout à
fait positive ; cela va dans le sens d'une revalorisation du rôle du
Parlement.
J'en viens au contenu de la présente proposition de loi. Le Sénat a été tenté
de réformer l'ensemble du droit des successions à l'occasion de l'examen de ce
texte. Je me souviens qu'en conférence des présidents, à l'Assemblée nationale,
Mme Catala avait indiqué, invoquant le doyen Carbonnier et quelques autres
grands professeurs de droit, que c'était le moment ou jamais, parce que ces
mesures sur le droit des successions auraient dues être prises depuis au moins
une dizaine d'années.
Mais on ne peut pas, à l'occasion de l'examen d'un texte d'initiative
parlementaire relatif aux droits du conjoint survivant, réformer l'ensemble des
dispositions relatives au droit des succession.
En deuxième lecture, le Sénat a déjà limité le champ de cette proposition de
loi, me semble-t-il, et, en commission mixte paritaire, ses représentant auront
la possibilité de préciser un certain nombre de points et de revenir à un
dispositif plus en adéquation avec le texte initial relatif aux droits du
conjoint survivant.
En tout cas, je me réjouis, au nom de Mme la garde des sceaux, de la qualité
des débats et de l'esprit qui a présidé à vos travaux. Cela me semble de bon
augure pour aboutir à une conclusion positive lors de la réunion de la
commission mixte paritaire.
Trouver un accord serait tout à l'honneur du Parlement, car le droit des
personnes est, par excellence, un domaine du droit civil où, les parlementaires
peuvent utilement travailler et enrichir les textes, d'autant que le
Gouvernement n'a pas demandé l'urgence et qu'ainsi la discussion peut aller à
son terme.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, nous
souhaitions une réforme d'ensemble du droit de la famille, et pas seulement une
réforme « pointilliste ». En fait, le Gouvernement se félicite de l'initiative
parlementaire quand il ne parvient pas à proposer un dispositif d'ensemble.
(M. Gournac approuve.)
C'est extrêmement fréquent sous l'actuel
Gouvernement, mais nous avons pu également l'observer sous d'autres.
Monsieur le ministre, on ne peut pas approuver l'initiative parlementaire et,
dans le même temps, lorsque nous proposons de modifier la prestation
compensatoire, nous demander d'attendre le projet global sur le divorce !
Cela étant, lorsque le Gouvernement s'est aperçu de l'urgence de ces
dispositions, il a fini par accélérer les choses et par nous donner
satisfaction.
M. Alain Gournac.
Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Il faut tenir un discours cohérent !
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Nous attendions, je le répète, une grande loi réformant
l'ensemble du droit de la famille et du droit des successions. Comme nous
l'avons dit en première lecture, nous déplorons que celle-ci n'ait pu être
réalisée, car les textes étaient prêts. Michel Sapin puis Pierre Méhaignerie
avaient présenté un projet lorsqu'ils étaient garde des sceaux ; il s'agissait,
à quelques détails près, de mesures similaires portant sur des points
consensuels.
Il n'empêche que, si nous avons réduit nos ambitions en deuxième lecture, nous
tenons beaucoup aux dispositions que nous avons adoptées.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
M. Robert Badinter.
Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Nicole Borvo.
Le groupe communiste républicain et citoyen également.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous
allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une
heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à vingt et
une heures trente, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)