SEANCE DU 8 NOVEMBRE 2001
M. le président.
L'amendement n° 168, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
« Après l'article 43, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - Après l'article 789 B du code général des impôts, il est inséré un
article ainsi rédigé :
«
Art.
789 C. - Pour les entreprises exerçant en Corse une activité
ouvrant droit au crédit d'impôt prévu à l'article 244
quater
E, les
exonérations prévues aux articles 789 A et 789 B et les réductions prévues à
l'article 790 portent sur la totalité des droits de mutation à titre gratuit.
»
« B. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispostions du A
ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de la majoration
d'exonérations et réductions de droits de mutation à titre gratuit est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Mes chers collègues, vous le savez, le projet de loi dont nous débattons
entend améliorer la compétitivité de l'économie des deux départements
corses.
A cet égard, le crédit d'impôt prévu à l'article 43, que nous venons
d'adopter, constituerait, j'en suis persuadé, notamment grâce aux aménagements
que la commission spéciale vient d'apporter au dispositif, une mesure propre à
dynamiser le tissu économique de la Corse.
Toutefois, il semblerait opportun d'aller un peu plus loin et de compléter ce
dispositif de manière à s'assurer que le crédit d'impôt favorisera le
développement d'entreprises pérennes, durablement implantées en Corse.
Il convient également de rechercher toutes les voies possibles pour consolider
les entreprises, sachant que les données fournies par l'INSEE, notamment,
montrent à quel point elles sont fragiles.
Au nombre des mesures permettant de lutter contre ces fragilités, il en est
une sur laquelle je souhaite insister, qui tend à éviter qu'une succession mal
gérée n'aboutisse au démembrement ou à la désorganisation d'une entreprise.
Dans cette perspective, et en vue de faciliter la transmission d'entreprises,
mon amendement, qui s'inspire de dispositions d'application nationale récemment
adoptées en loi de finances, vise, pour la transmission des entreprises
susceptibles d'être éligibles au crédit d'impôt, en premier lieu, à porter de
50 % à 100 % l'exonération de droits de succession en cas de pacte
d'actionnaires défini par la législation nationale et, en second lieu, à porter
à 100 % l'exonération des donations d'entreprises réalisées par des donateurs
de plus de soixante-cinq ans.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
La commission souhaite entendre le Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Cette demande ne me surprend pas, et M. Girod a
bien raison de vouloir entendre le Gouvernement.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Enfin, l'écouter, oui, l'entendre, nous verrons !
(Sourires.)
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
L'écouter, c'est déjà un peu l'entendre !
(Nouveaux sourires.)
Monsieur Marini, votre amendement équivaut en fait à exonérer de tous droits
de mutation les transmissions à titre gratuit de PME de moins de 250 salariés
et de 40 millions d'euros de chiffre d'affaires situées en Corse, et ce quelle
que soit l'activité exercée. Cette proposition est manifestement
disproportionnée par rapport à l'encouragement des investissements en Corse que
vous prônez.
Elle présente, en outre, des risques constitutionnels très élevés, ce qui
m'étonne de la part d'un homme qui se montre, en général, très pointilleux sur
ces sujets et qui ne manque pas une occasion de nous en administrer la preuve
dans ses interventions !
Monsieur Marini, dès lors que vos propositions ne sont assorties d'aucune
condition autre que la localisation des entreprises en Corse, elles me semblent
provoquer une rupture d'égalité non justifiée par rapport aux transmissions
d'entreprises situées sur le continent.
Enfin, votre proposition s'oppose diamétralement à l'objectif de
rétablissement du droit commun s'agissant des droits d'enregistrement en
Corse.
Pour toutes ces raisons, monsieur Marini, je vous demande, au nom de l'éthique
qui est la vôtre, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président.
L'amendement est-il maintenu, monsieur Marini ?
M. Philippe Marini.
Je n'ai pas encore entendu l'avis de la commission, monsieur le président.
Peut-être, à ce stade du débat, m'inspirera-t-il la bonne décision ?
(Sourires.)
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je vous ai entendu, monsieur le ministre, mais je vous ai
aussi bien écouté !
Vous nous dites que la seule condition est la localisation en Corse. Et
l'éligibilité au crédit d'impôt ? Vous l'avez oubliée ! Or c'est cette
condition-là qui fait s'éloigner le risque d'inconstitutionnalité, si elle ne
le supprime pas même tout à fait.
C'est la raison pour laquelle, malgré les explications que vous nous avez
apportées, la commission s'en remettra à la sagesse du Sénat sur l'amendement
n° 168.
M. le président.
Monsieur Marini, qu'en est-il, dès lors, de l'amendement n° 168 ?
M. Philippe Marini.
J'ai grande confiance dans la sagesse du Sénat, et je maintiens donc
l'amendement !
(Sourires.)
M. Jacques Larché,
président de la commission spéciale sur la Corse.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Jacques Larché,
président de la commission spéciale.
Permettez-moi une remarque en
passant sur les risques d'inconstitutionnalité.
Nous avons un droit bien curieux et un système plutôt bizarre. Il n'y a
d'anticonstitutionnalité éventuelle que lorsque le Conseil constitutionnel est
saisi, et, monsieur le ministre, vous avez compris, tout au long de ce débat,
qu'il ne dépendait que de vous qu'il ne le soit pas !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Et de vous !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 168, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre !
M. Claude Estier.
Le groupe socialiste également.
Mme Hélène Luc.
Nous votons deux fois contre !
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 43.
Demande de priorité