SEANCE DU 22 NOVEMBRE 2001
LOI DE FINANCES POUR 2002
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2002
(n° 86, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 87
(2001-2002).]
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur
le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général du
budget, mes chers collègues, nous commençons aujourd'hui l'examen du projet de
loi de finances pour 2002, le premier budget en euros.
La conférence des présidents, sur la proposition du président de la commission
de finances, notre collègue Alain Lambert, a décidé d'apporter au déroulement
de ce « marathon » budgétaire plusieurs aménagements en attendant l'entrée en
vigueur du processus de réforme de notre constitution financière, en
application de la loi organique du 1er août 2001.
La discussion générale a été recentrée sur la seule journée d'aujourd'hui.
A cet effet, aucune intervention ne devra dépasser dix minutes. Il en sera de
même dans la discussion des crédits.
La discussion des articles de la première partie commencera dès demain,
vendredi 23 novembre après-midi.
Le mardi 27 novembre après-midi se tiendra le débat sur les finances locales,
marquant ainsi - et c'est une excellente orientation - le rôle constitutionnel
du Sénat de représentation des collectivités territoriales.
La seconde partie qui nous conduira jusqu'au 11 décembre devra donner lieu à
un véritable échange de vues entre le Gouvernement et le Sénat.
En particulier, six fascicules seront examinés selon la formule expérimentée
l'an dernier et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement
aux différents intervenants, rapporteurs et orateurs des groupes. Cette formule
- et je parle sous votre contrôle, monsieur le président de la commission des
finances et monsieur le rapporteur général - a donné, d'après l'avis de toutes
et de tous, satisfaction. C'est la raison pour laquelle nous renouvelons
l'expérience en la développant.
L'examen annuel du budget est, à l'évidence, le temps fort de notre démocratie
parlementaire.
Au nom de vous tous, je souhaite que la mise en oeuvre de ces aménagements
nous permette, cette année encore, d'avoir une discussion plus vivante, plus
dynamique et plus interactive, afin de redonner toute sa signification, toute
sa portée au vote de la loi de finances, loi par excellence très importante
tant il est vrai que l'acte essentiel de la fonction de parlementaire est bien
le vote du budget du pays.
J'en appelle aux présidents des groupes, aux rapporteurs ainsi qu'à vous,
monsieur le ministre de l'économie et des finances, à Mme le secrétaire d'Etat
au budget et à M. le ministre des relations avec le Parlement, pour que tous
les acteurs du débat budgétaire soient sensibilisés au respect de ces
règles.
Je sais pouvoir compter sur chacun d'entre vous et je vous remercie par avance
de vos efforts en ce sens. Il y va, bien sûr, de l'audience de notre
institution, qui s'élargit, et de sa crédibilité.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le
président, mesdames et messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à
exprimer le plaisir que j'ai à me retrouver devant la Haute Assemblée, compte
tenu de la qualité de son travail et de l'atmosphère qui y règne, que j'ai
toujours beaucoup appréciée. Monsieur le président, je suis extrêmement
sensible au fait que vous ayez tenu à présider personnellement cette séance. Au
président de la commission des finances, au rapporteur général et à tous les
membres de la commission des finances, je veux dire combien Mme Parly et
moi-même nous apprécions le travail qui est fait ici. Bref, c'est une maison
dans laquelle j'ai plaisir à me retrouver.
(Applaudissements.)
M. le président.
Merci, monsieur le ministre !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Lorsque avec Mme
Parly, qui nous rejoindra dans un moment, j'ai présenté le projet de budget
pour 2002 devant l'Assemblée nationale, la France et le monde affrontaient avec
effroi des circonstances tout à fait exceptionnelles. Les attentats du 11
septembre venaient de se produire, et nous étions, même si cela se passait à
plusieurs milliers de kilomètres de distance, meurtris, touchés
psychologiquement durement par le choc de ces attentats commandités - on le
pressentait à cette époque déjà, mais l'hypothèse est aujourd'hui confirmée -
par une organisation criminelle. Nous étions aussi inquiets, instruits par la
géographie et par l'histoire, de l'évolution de la situation militaire en
Afghanistan et de la riposte immédiatemment engagée contre la dictature des
talibans. Nous étions consternés par la multiplication des attaques
biochimiques - certains craignaient que, demain, elles ne soient d'une autre
nature, pire encore -, attaques anonymes et lâches lancées contre le peuple
américain et ses représentants.
Les implications de toutes sortes - humaines, politiques, diplomatiques,
militaires - nous assaillaient et, parfois, semblaient nous déborder. Nous
cherchions en même temps, les uns et les autres, à mesurer les conséquences
économiques de ces événements sans précédent. L'incertitude, le doute, parfois
même - on l'a ressenti - une sorte de défaitisme avaient gagné beaucoup
d'esprits.
Depuis lors, plusieurs semaines ont passé et, même si le ciel est évidemment
assombri, les raisons d'avoir de nouveau confiance sont réelles. Oui, mesdames,
messieurs les sénateurs, les faits montrent qu'une opération militaire peut se
solder par une victoire. Les réseaux terroristes peuvent être démantelés, et je
suis convaincu que Ben Laden, puisqu'il s'agit de lui, actuellement traqué,
peut être - employons un mot que chacun comprendra - neutralisé. Bref, le droit
peut l'emporter sur la force. Sur le terrain, même s'il faut rester très
prudent, les dernières évolutions vont dans ce sens.
C'est ce message, dont le peuple français prend à mon avis aujourd'hui
conscience, que j'ai eu l'occasion de rappeler depuis le 11 septembre, animé
comme vous d'une conviction : le devoir des responsables d'Etat, celui des
parlementaires, est à la fois de tenir un langage de vérité et, ce qui revient
souvent au même, de faire preuve de courage. Face au terrorisme, notre devoir
politique est de résister, de riposter. Notre devoir économique est de réagir
face au choc, de favoriser autant qu'il est possible, par les orientations de
notre politique économique, un rebond de l'activité, bref de garder confiance
dans ce qui est en définitive le seul ressort, à savoir les capacités de nos
concitoyens et les capacités, puisqu'il s'agit d'économie, de nos
entreprises.
C'est pourquoi, avant de vous exposer les principales orientations du projet
de budget pour 2002, préparé avec Mme Parly, sous l'arbitrage de M. Lionel
Jospin, je souhaite vous informer de la lecture que je fais des évolutions les
plus récentes de la conjoncture. Il dépend en effet de nous d'éclairer les
Français et de les convaincre qu'en période de ralentissement, plus que jamais,
seuls les choix durables sont des choix valables.
Quelles sont les perspectives de notre économie et comment essayer d'orienter
au mieux les évolutions de la conjoncture ?
Partons d'un fait d'évidence : le ralentissement de l'activité mondiale est
incontestable.
La flambée passée des prix du pétrole et le retour à la raison dans les
secteurs de la nouvelle économie ont conduit à un ralentissement important de
la croissance aux Etats-Unis et dans la zone euro dès le second semestre de
l'année 2000. L'inflexion a été particulièrement accusée dans l'industrie : la
production industrielle a baissé aux Etats-Unis, au Japon et en Allemagne et
les échanges extérieurs de biens manufacturés se sont repliés après deux ans
d'« exubérance », pour reprendre l'expression du président de la
Federal
Reserve.
Les attentats ont résonné comme un coup de tonnerre dans ce paysage déjà
assombri. Ils ont temporairement perturbé la production aux Etats-Unis, ralenti
encore les échanges et cristallisé les inquiétudes des opérateurs économiques,
surtout celles des industriels.
La France ne pouvait évidemment rester totalement à l'abri de ces vents
contraires. Mais elle s'est plutôt mieux accommodée que ses partenaires
européens des premiers effets du retournement, notamment, je le crois, grâce sa
politique sociale et fiscale. Notre croissance a pu totalement résister
jusqu'au début de cette année.
Pour autant, à partir de l'hiver dernier, la croissance dans notre pays a été
moins forte, l'emploi et l'investissement ont ralenti au printemps, la baisse
du chômage s'est interrompue à l'été. Comme je vous l'avais indiqué dès le
débat d'orientation budgétaire, c'est-à-dire dès que des résultats clairs ont
attesté la réalité du ralentissement dans notre pays, l'inflexion de l'activité
mondiale ne peut évidemment pas nous épargner.
Une fois ce diagnostic d'ensemble posé, l'analyse doit se faire plus
précise.
L'expérience des nombreuses crises que nous avons traversées ces dernières
années ont montré que les grandes économies européennes ne réagissaient, face
aux chocs extérieurs, ni exactement selon le même calendrier ni avec la même
ampleur, en dépit de taux d'intérêt et de change désormais communs. Les
structures macroéconomiques, les marchés du travail, les politiques économiques
et budgétaires sont autant de différences entre nos pays, qui expliquent que,
finalement, les chiffres de la croissance soient divers d'un pays à l'autre de
la zone euro, même si, je le répète, aucun pays ne peut évidemment rester
indemne.
Devant vos collègues députés, j'ai évoqué quelques-uns des éléments qui
devraient assurer à notre pays, au-delà des à-coups mensuels, une consommation
des ménages plutôt solide et lui épargner un fléchissement trop brutal de son
activité économique d'ensemble : il s'agit de la modération des prix, du
maintien d'un flux de créations nettes d'emplois, d'une légère accélération des
salaires individuels et de la baisse des impôts.
Les derniers indicateurs vont, je le crois, dans le sens de cette analyse :
les prix n'ont augmenté que de 0,1 % au cours des cinq derniers mois ; plus de
200 000 emplois ont été créés depuis le début de l'année, dont 45 000 au
troisième trimestre ; le salaire individuel de base a progressé fin septembre
de 2,5 % sur douze mois ; la consommation des ménages, si elle s'est légèrement
ralentie en octobre, a crû, en ce qui concerne les produits manufacturés, de
1,7 % au troisième trimestre par rapport au trimestre précédent.
La France devrait ainsi terminer l'année 2001 avec une croissance de l'ordre
de 2 %, contre moins de 1 % en Allemagne et aux Etats-Unis et un chiffre
malheureusement négatif au Japon.
Au-delà, la prévision dépend étroitement des conséquences des attentats sur la
conjoncture et de l'évolution de la situation diplomatique et militaire. C'est
ce qui fait l'une des particularités de cette crise, dont l'origine se situe
hors du champ proprement économique, et c'est la raison pour laquelle nous
devons être extrêmement prudents. Des inflexions, à la hausse comme à la
baisse, peuvent se produire du jour au lendemain. Dès le lendemain des
attentats, j'avais identifié trois risques : le risque pétrolier, le risque
financier et le risque psychologique. Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Après de brèves tensions nées de la crainte d'une contagion de la crise telle
que les pays producteurs de pétrole se trouveraient touchés, nous constatons
que le prix du brut a fortement baissé. C'est une bonne nouvelle au regard de
l'évolution du pouvoir d'achat lors des prochains mois et c'est un élément
incontestablement favorable à la croissance.
Les marchés boursiers ont enregistré des pertes sévères dans les jours qui ont
suivi l'événement. Il les ont aujourd'hui, même si cela peut surprendre, un peu
plus que compensées, en partie grâce à la réaction des autorités monétaires aux
Etats-Unis et en Europe. Les baisses de taux courts ont été amples et rapides ;
elles sont, elles aussi, favorables à l'activité économique pour 2002.
Enfin et surtout, sur le plan psychologique, les anticipations des
entrepreneurs et des ménages ont accusé le choc en septembre et en octobre. Le
pessimisme des uns et des autres a été alimenté par des statistiques qui
portaient évidemment la trace du choc des attentats. Avec les derniers
développements militaires et l'espoir d'un dénouement rapide, le vent peut - je
dis bien « peut » - commencer à tourner.
Au total, la probabilité d'une reprise en 2002 est forte, même si l'on peut en
discuter la date ; les prévisions des instituts différent d'ailleurs sur ce
point.
La rapidité des évolutions incite à la plus grande prudence dans les
prévisions et à la plus grande constance dans l'action.
Agir et réagir, tel est bien l'objectif du plan de consolidation de la
croissance que j'ai présenté, au nom du Gouvernement, le 16 octobre. Il a été
exposé à votre commission des finances par Mme Parly le 8 novembre. Vous aurez
l'occasion d'en débattre lorsque vous examinerez le collectif budgétaire qui
traduit dans la loi les orientations qu'il définit. Même si vous en connaissez
l'inspiration générale, je veux en rappeler ici les grandes lignes.
Il s'agit de conforter la demande des ménages pour préserver l'emploi grâce,
notamment, au doublement de la prime pour l'emploi au titre de 2001. Il s'agit
de stimuler l'investissement de nos entreprises ; tel est, par exemple,
l'objectif de l'amortissement exceptionnel de 30 % des investissements pour les
biens acquis entre le 17 octobre 2001 et le 31 mars 2002. Il s'agit aussi de
soutenir certains secteurs - je pense en particulier au transport aérien et à
l'assurance - qui ont subi de plein fouet le contrecoup économique des
attentats du 11 septembre dernier. Enfin, il s'agit de favoriser le redémarrage
des télécommunications, en particulier avec la redéfinition des règles
relatives à l'UMTS, qui profitera aux entreprises du secteur, aux consommateurs
et à l'aménagement du territoire.
Un Etat responsable, c'est un Etat qui sait adapter de façon pragmatique ses
décisions à l'évolution de l'environnement, un Etat qui cherche à agir en
partenariat avec les acteurs économiques, à opérer des choix durables en faveur
de l'emploi et de la croissance.
Dans ce contexte, monsieur le président, mesdames, messieurs, pour soutenir la
croissance, l'emploi, la solidarité, quels sont les choix budgétaires à engager
?
Depuis 1997 - car nous avons aussi l'occasion de dresser ici une sorte de
bilan rapide - nous avons redéployé chaque année près de 5 milliards d'euros -
c'est le premier budget que nous présentons en euros -, contribuant ainsi à
financer les mesures nouvelles élaborées par le Gouvernement et, nous le
croyons, souhaitées par les Français. Ce mouvement sera poursuivi en 2002 avec
un redéploiement de 6 milliards d'euros, ce qui, sur la période 1998-2002,
représentera un total de 26 milliards d'euros.
Au terme de cette gestion active de la dépense, plus de 80 % de la progression
du budget de l'Etat auront pu être affectés aux secteurs prioritaires que sont
l'éducation, l'emploi et la lutte contre les exclusions, la sécurité et la
justice, la culture et l'environnement.
Les budgets qui correspondent à ces secteurs prioritaires ont progressé de
17,2 % en valeur depuis 1997, contre seulement 3,2 % pour les autres.
Bien sûr, il y a des degrés dans les priorités ?
Les collectivités locales, auxquelles le Sénat est toujours extrêmement
attentif, verront en 2002 leur dotation globale de fonctionnement augmenter de
4,1 %.
Un effort exceptionnel sera conduit en faveur de l'emploi et de la lutte
contre les exclusions. Dès que la situation sur le marché de l'emploi s'est
dégradée, le Gouvernement a décidé d'augmenter de 50 000 le nombre des contrats
aidés disponibles d'ici à la fin de l'année.
Afin d'accompagner les personnes les plus en difficulté sur le marché du
travail, la ministre de l'emploi et de la solidarité est chargée de mobiliser
les services de l'Etat pour que les dispositifs - contrats aidés,
emplois-jeunes, parcours TRACE, ou trajet d'accès à l'emploi - soient
pleinement et rapidement activés.
Allégement de charge sur les bas salaires, suppression de la part salariale de
la taxe professionnelle, réduction du temps de travail, emplois-jeunes, prime
pour l'emploi, réforme de la taxe d'habitation et des allocations logement :
les divers dispositifs facilitant la reprise d'un emploi ont permis, depuis le
début de la législature, de réduire de près de 1 million le nombre des
personnes au chômage. Même si ce n'est jamais suffisant, c'est, dans le
contexte général, et compte tenu de l'histoire économique récente de notre
pays, une performance.
En dépit des difficultés, en dépit des sinistres industriels - j'en parlais
tout à l'heure avec le président de la commission des finances - qui blessent
parfois toute une région ou un bassin d'activités, le Gouvernement maintient
l'objectif du plein emploi.
En 2002, les dépenses du budget de l'Etat s'élèveront à 266 milliards d'euros,
enregistrant une croissance en volume de 0,5 %.
Conformément à la feuille de route que nous nous sommes fixée tout au long de
la législature, nous avons retenu en 2002 trois priorités principales.
Tout d'abord, nous avons choisi de renforcer et de continuer à moderniser
l'éducation nationale. Cela a un coût, qui est considérable, puisque, pour la
première fois, le seuil de 400 milliards de francs - soit 61,4 milliards
d'euros - sera franchi. Cela représente près du quart de nos dépenses.
L'importance de ce cap est d'ailleurs moins dans la barre comptable qui est
franchie que dans l'utilisation des crédits et les réformes qu'il rend
possible. Il s'agit d'une augmentation des crédits de 4 % en 2002 et, depuis
1997, d'une progression de près de 20 %.
De tous les choix que nous faisons, c'est sans doute ce choix de l'éducation
et de la formation - couplé d'ailleurs à un important effort en faveur de la
culture qui, pour la première fois, atteindra 1 % du budget - qui est le plus
décisif parce que c'est celui-là qui engage le plus l'avenir de la nation.
Notre deuxième priorité, qui ne date pas d'événements récents, est liée à
notre volonté de renforcer la sécurité et la justice pour les rendre plus
efficaces et plus proches de nos concitoyens.
S'agissant de la sécurité - et les chiffres doivent être rappelés à un moment
où cette question fait l'objet de toute une série de débats - depuis 1997, nous
avons augmenté les crédits de 18 %. En 2002, la progression sera de 4,5 %,
permettant l'emploi de 3 000 policiers et 1 000 gendarmes supplémentaires. Au
total, dans notre pays, ce sont 251 000 gendarmes et policiers qui
contribueront à assurer la sécurité, c'est-à-dire près de 9 % de plus qu'en
1997.
Il n'y a pas de sécurité renforcée sans une justice rapide et efficace : c'est
la condition pour que la sanction soit rendue effective.
En 2002, les crédits de la justice augmenteront de 5,5 %, et 930 juges seront
recrutés sur cinq ans. Le budget de la justice aura ainsi crû de 25 % au cours
de la législature.
Au-delà des chiffres, c'est, d'une façon générale, une attitude républicaine
qui doit prévaloir. La sécurité doit être garantie, les délits doivent être
sanctionnés, les causes de l'insécurité doivent être analysées. Ce débat est
d'intérêt général et il ne faut pas l'instrumentaliser à des fins électorales.
Quand je parle de « sécurité », entendez qu'il faut être ferme tant avec les
délinquants qu'avec les causes de la délinquance. C'est seulement ainsi que
l'on pourra éradiquer ce mal.
Mais - et les nombreux élus locaux que compte cette assemblée le savent - le
sentiment d'impunité est peut-être encore plus fort que le sentiment
d'insécurité.
M. Henri de Raincourt.
C'est vrai !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ce que nos
concitoyens ne comprennent pas et n'admettent pas - avec raison - c'est de
retrouver au bout d'un certain temps, voire tout de suite, dans telle cité ou
telle rue des délinquants qui là, pourtant, ont été identifiés et même
interpellés. Il s'agit non plus de la police, mais de la justice.
Je vous précise que je m'exprime, sur ce point comme sur les autres, au nom du
Gouvernement.
M. Gérard Longuet.
Qui en douterait ?
M. Denis Badré.
Ce n'était donc pas évident ?
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je voudrais
revenir sur l'état d'esprit consistant à dire que après tout, l'insécurité et
la délinquance ont des causes diverses. Certes, il y a des causes dont il faut
s'occuper.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Il est un peu tard pour s'en
apercevoir !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur Marini,
pour le moment, le débat est sérieux. Je vous en prie, ne le transformez pas
!
Je parlais donc des causes de la délinquance. L'une des principales - tient à
l'éducation, ou plutôt au manque d'éducation - il faut avoir l'honnêteté et le
courage de le dire.
M. Henri de Raincourt.
Autant dire, à la faillite de l'éducation nationale !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il ne peut pas y
avoir un policier derrière chaque citoyen.
M. Raymond Courrière.
Très bien !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
En revanche, il
faut dire aux familles, qui à juste titre, se plaignent que la sécurité,
l'éducation, la responsabilité commencent à leur échelon. Et si telle ou telle
famille ne fait pas son devoir en termes civiques, qu'elle ne s'étonne pas
ensuite de se trouver confrontée à une situation de délinquance.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
Donc, il faut que les responsabilités soient bien situées,
M. Patrick Lassourd.
Pour que cela fonctionne, il faut changer de Gouvernement !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Ce discours est
surréaliste !
M. Raymond Courrière.
Ce qu'il dit sur la sécurité est incontestable !
M. Alain Joyandet.
On le dit depuis longtemps !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mettez vos actes en conformité avec vos propos,
monsieur le ministre ! Il y a ce qu'il dit, lui, et ce qu'il fait, lui !
M. Raymond Courrière.
Nous n'avons pas besoin de vos leçons !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ecoutez, soyez
sérieux, je parle de choses fondamentales. Je croyais que ce propos serait
incontesté, tant il est évident.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le propos est incontesté, l'action est contestée !
M. le président.
Un peu de silence s'il vous plaît !
Continuez, monsieur le ministre.
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ce dont il
s'agit, c'est de la détermination du Gouvernement et, au premier chef du
Premier ministre...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Encore et toujours le chemin de Damas !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Ce dont il
s'agit, disais-je, c'est d'être très ferme, à la fois avec la délinquance et
avec les causes de la délinquance. Il ne peut pas y avoir d'ambiguïté sur ce
point.
M. Henri de Raincourt.
Il faut rappeler M. Allègre !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les attentats du
11 septembre et, d'une façon générale, l'instabilité internationale soulèvent
des enjeux spécifiques quant aux problèmes de sécurité.
Les crédits consacrés à la défense en 2002 seront supérieurs à ceux de 2001.
Ils permettront l'achèvement de la professionnalisation de nos armées ainsi que
la commande ou la livraison des équipements prévus dans le cadre de la loi de
programmation.
Sur la plan de la sécurité intérieure, le plan Vigipirate renforcé et le plan
Biotox ont été activés. Le Gouvernement a décidé d'accroître les moyens du
Secrétariat général à la défense nationale, dont le budget a été consolidé tout
au long de la législature, afin qu'il puisse amplifier ses opérations de
défense civile.
Notre troisième priorité est de protéger et de valoriser l'environnement.
Depuis le début de la législature, c'est le budget qui a bénéficié de
l'augmentation la plus forte. L'an prochain, les crédits seront en hause de 6,3
%. Sur l'ensemble de la législature, la progression avoisine les 60 % et mille
emplois auront été créés, dont près d'un tiers pour la seule année 2002.
La maîtrise des risques en est un aspect essentiel, la tragédie de Toulouse
l'a rappelé. C'est pourquoi le contrôle des sites dangereux sera renforcé par
la création de 150 postes d'inspecteur des installations classées. Ces
engagements illustrent notre volonté de prendre en compte toute les dimensions
de la sécurité des Français.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget pour 2002 prolonge le
mouvement de baisse et de réforme des impôts.
Sans doute vous rappelez-vous qu'en août 2000 j'avais proposé, au nom du
Gouvernement, un plan pluriannuel de baisses d'impôts pour un montant total de
18,3 milliards d'euros. Pour des raisons à la fois structurelles et
conjoncturelles, ces baisses d'impôts sont confirmées. L'estimation pour 2002
prévoit un allègement de 5,95 milliards d'euros. Au total, cela portera la
baisse à 18,9 milliards d'euros.
L'une des plus importantes décisions pour inciter au retour à l'emploi et au
maintien dans l'emploi sera le doublement de la prime pour l'emploi, la PPE.
Créée par la loi du 30 mai 2001, la PPE a été perçue pour la première fois lors
de cette rentrée. Plus de 8 millions de foyers en ont déjà bénéficié, soit plus
du quart des foyers, pour un montant moyen de 144 euros.
Le nombre des bénéficiaires va augmenter encore avec la prise en compte des
personnes qui, malgré les efforts déployés, n'ont pas pu en bénéficier à temps.
Au total, ce sont plus de 8,5 millions de foyers qui seront concernés dès cette
année par le dispositif.
Nous proposons qu'en 2002 le montant de cette prime pour l'emploi soit doublé
pour atteindre 458 euros, c'est-à-dire 3 000 francs, au niveau d'un SMIC. Les
majorations forfaitaires lorsqu'un seul conjoint travaille ou pour enfants à
charge seront indexées comme les prix de 2001.
Cette mesure, qui représente 1,1 milliard d'euros dans le projet de budget
pour 2002, n'est en rien contradictoire avec les augmentations de salaire. Elle
améliorera les conditions de vie des travailleurs modestes. Comme vous le
savez, le plan de consolidation de la croissance prévoit, en outre, de doubler
la PPE de 2001 ; cette mesure est présentée dans le collectif qui a été adopté
par le conseil des ministres le 14 novembre dernier.
Au cours de l'année 2002, les taux du barème de l'impôt sur le revenu
continueront également de baisser de 0,75 % pour les quatre premières tranches
et de 0,5 % pour les deux dernières. Cela représente 1,98 milliard d'euros de
baisses. Comme en 2001, l'évolution sera calculée et inscrite sur les avis
d'imposition, ainsi que le taux d'impôt réellement supporté.
L'impôt sur les sociétés passera, lui, à 34,33 %, grâce à une nouvelle
réduction de la surtaxe dite « Juppé ». Pour les entreprises qui acquittent la
contribution sur les bénéfices des sociétés, le taux de l'impôt sur les
sociétés dimunera d'un point.
Le plan de suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, lancé
par la loi de finances pour 1999, se poursuivra. L'abattement sur cette part
passera de 152 444 euros en 2001 à 914 694 euros en 2002.
Nous entendons réaffirmer ainsi notre volonté de consolider la consommation
des ménages, de favoriser l'investissement et de soutenir l'emploi.
Enfin, nous avons intégré les enjeux environnementaux dans nos choix fiscaux.
Depuis cinq ans, plus de trente mesures favorables ont été prises.
Le budget pour 2002 en propose de nouvelles, sur l'initiative du ministre de
l'environnement. Je pense d'abord au crédit d'impôt de 15 % sur les dépenses
d'isolation thermique et de régulation du chauffage qui s'ajoutera à la baisse
de TVA en vigueur depuis 1999. Je pense, ensuite, à une amélioration du crédit
d'impôt de 1 500 euros voté en 2000 pour l'achat d'un véhicule propre, que
l'Assemblée nationale a opportunément complété en prenant en compte
l'équipement en GPL, gaz de pétrole liquéfié, de véhicules à essence. Je pense,
enfin, à un meilleur accès des entreprises aux allégements de taxe
professionnelle sur les équipements d'économie d'énergie.
Le financement de ces priorités et les allégements d'impôts doivent participer
d'une gestion publique modernisée et d'une volonté - vous y avez fait allusion,
monsieur le président, dans vos propos introductifs - de réformer l'Etat.
Réformer la fiscalité, c'est, bien sûr, notamment baisser les impôts, mais
c'est aussi les simplifier. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de
poursuivre l'harmonisation des durées et des délais d'option des petites
entreprises pour les régimes fiscaux simplifiés, sujet que plusieurs d'entre
vous avez abordé au cours des années précédentes.
C'est aussi le but des mesures de simplification du paiement des impôts,
notamment la dispense de constituer des garanties pour faire désormais valoir
une réclamation si elle porte sur un montant inférieur à 3 000 euros. Je me
félicite que les débats précédents, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat,
aient permis d'élargir aussi le régime très simplifié du micro-foncier.
Pour réussir, la réforme de l'Etat suppose des actions concrètes et une
méthode ; il n'y en a pas d'autre que la concertation. C'est celle que
personnellement j'ai retenue pour mener à bien la réforme-modernisation de mon
administration. C'est également l'impératif qui a permis trois autres avancées
que je veux rappeler en cet instant.
D'abord, un nouveau code des marchés publics a été élaboré. Ses effets seront
importants dès 2002 sur la modernisation de la commande publique et les
relations entre les administrations et leurs fournisseurs. Les enjeux sont
considérables : 250 000 marchés publics sont passés chaque année, dont 190 000
pour vos collectivités locales. Des procédures clarifiées, une sécurité
juridique renforcée, la substitution depuis longtemps réclamée de la règle du «
mieux disant » au rite du « moins disant », l'ouverture plus large aux PME, la
réduction des délais de paiement - cette réforme dont on parlait, en
particulier au Sénat, depuis une dizaine d'années a enfin vu le jour et elle
sera positive. Je pense que chacun peut s'en réjouir.
Autre Arlésienne enfin débusquée en particulier grâce à vos efforts :
l'adoption de notre nouvelle « constitution budgétaire ». La réforme de
l'ordonnance organique de 1959 promulguée le 1er août 2001 constitue, et je
vous en remercie à nouveau, une double avancée : elle renforce les droits du
Parlement et elle contribue à l'amélioration de la gestion publique par une
plus grande liberté accordée aux gestionnaires en contrepartie d'une plus
grande responsabilité.
Accompagnés d'indicateurs, des « programmes » reflétant nos grandes politiques
publiques renforceront la lisibilité des choix que le Gouvernement proposera au
Parlement et structureront l'action de l'administration. Cette loi trouve une
première traduction concrète dans le budget pour 2002, puisque j'aurais
l'occasion de vous présenter, dès la semaine prochaine, un « programme », au
sens de la loi organique, qui porte sur la gestion de la dette.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Ah !
M. Laurent Fabius,
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
La représentation
nationale disposera pour la première fois en 2002 des indicateurs synthétiques
lui permettant d'autoriser ou non en pleine connaissance de cause la politique
d'émission de la dette de l'Etat français et de contrôler sa mise en oeuvre. Il
s'agit d'une sorte de révolution depuis longtemps demandée par la Haute
Assemblée. Là aussi, notre démocratie aura progressé.
Dans une démarche comparable vers plus de transparence, vous aurez à vous
prononcer, comme l'a fait l'Assemblée nationale en première lecture, sur la
réforme des fonds spéciaux.
De quoi s'agit-il ? Il s'agit de mettre fin à une pratique ancrée dans notre
histoire administrative et politique. Notre République ne pouvait plus
aujourd'hui s'accommoder d'une telle situation. La part des fonds spéciaux qui
complétaient les crédits indemnitaires et de fonctionnement courant a été
répartie dans les budgets ministériels. Si le Parlement approuve cette réforme,
ces crédits seront désormais soumis au droit commun, qu'il s'agisse de
l'assujettissement des indemnités aux contributions fiscales et sociales, ou
plus généralement des procédures de contrôle parlementaire ou administratif.
Par ailleurs, comme vous le savez sans doute, l'Assemblée nationale a voté une
rénovation du contrôle des fonds spéciaux dont la confidentialité reste
nécessaire, dans la mesure où ces crédits sont liés à des actions de sécurité.
Au lieu et place d'un contrôle purement administratif, datant de 1947, elle a
instauré une commission de contrôle composée majoritairement de parlementaires,
et présidée par l'un d'eux. Vous serez appelés, bien sûr, à vous prononcer sur
ces dispositions.
Enfin, nous préparons activement le passage au 1er janvier 2002, exactement
dans quarante jours, à l'euro fiduciaire, c'est-à-dire les pièces et les
billets, et le budget que nous vous soumettons est le premier totalement
présenté en euros.
Cette réforme est sans doute la plus importante innovation économique et
financière des cinquante dernières années.
Je pense qu'elle sera un succès : les pouvoirs publics, les chefs
d'entreprise, les associations, les citoyens et les élus, auxquels je tiens à
rendre hommage, tous se mobilisent pour que la préparation et l'information
soient les meilleures possibles. D'ailleurs, je me rendrai dans un moment
devant le congrès des maires pour évoquer avec eux cette approche de l'euro.
A J- 40, les enquêtes en témoignent, la montée en régime s'opère d'une façon
satisfaisante à peu près partout dans le pays. Dès la mi-décembre, grâce aux 50
millions de sachets de premiers euros, nos concitoyens pourront se familiariser
avec la monnaie unique avant de la partager avec 250 millions d'autres
Européens.
Réussir le passage à l'euro est un projet collectif sans précédent. On évoque
souvent, et selon moi à juste titre, ses avantages économiques, déjà acquis. On
souligne, par exemple, son rôle de bouclier contre les diverses crises et,
encore cette année, contre le choc d'incertitude que nous connaissons depuis le
11 septembre.
Certes, nous avons beaucoup de soucis, mais il en est un, au moins, que nous
n'avons pas ou plus, grâce, il faut le reconnaître, à l'euro, je veux parler du
pouvoir d'achat de notre monnaie. L'euro offre un cadre approprié au défi de la
globalisation. Sa fonction de stabilisateur financier et de référent
commercial, qui dote l'Union européenne d'une visibilité économique renforcée,
est importante. Sa stabilité est positive pour le pouvoir d'achat.
Tout cela est vrai mais serait incomplet si l'on ne mentionnait pas le fait
que l'introduction de l'euro en pièces et en billets constitue, d'une certaine
façon, un acte de naissance d'une Europe au quotidien. Pour ma part, je
souhaite que, dans nos débats et même dans nos discussions, fussent-elles très
amicales, avec nos concitoyens, l'on ne sépare pas l'Europe et l'euro. L'euro
n'est pas simplement un outil technique, c'est un lien social, un élément d'un
projet politique.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que je
vous présente est orienté vers des priorités qui sont, je crois, celles des
Français pour concilier développement économique et solidarité que je qualifie,
pour ma part de durable. Il a pour objectif de favoriser le rebond de notre
économie grâce à des choix budgétaires et fiscaux qui soutiennent l'activité,
qui consolident le pouvoir d'achat des ménages et l'investissement des
entreprises. C'est en mobilisant tous les leviers dont nous disposons que notre
pays pourra renouer avec une croissance soutenue et avec la marche vers le
plein emploi.
Depuis le 11 septembre, le choc assurément a été très rude : l'alliance
tragique de l'argent et du fanatisme, l'intention barbare de faire entrer en
conflit les civilisations et les religions ont constitué d'une certaine façon
la pire des entrées dans le nouveau siècle.
La réaction non pas de l'Occident, comme on l'a dit parfois, mais de tous ceux
qui cherchent à construire un monde de liberté et de dialogue entre les
cultures, était, à mon sens, légitime. Les succès enregistrés ces derniers
jours sur le terrain militaire et sur le plan diplomatique sont autant de
points marqués contre le terrorisme et contre la régression, même si beaucoup
reste à accomplir sur le plan politique et, plus généralement, car c'est le
facteur décisif à long terme, sur le plan de la lutte contre la pauvreté.
Rude a été aussi la bourrasque largement extra-économique qui a eu pour
conséquence de toucher nos économies. Huit semaines après les attentats, on
doit constater un ralentissement, ralentissement d'ensemble mais différencié,
j'en ai parlé au début de mon propos.
Depuis 1997, la politique économique du Gouvernement a permis à notre pays de
renforcer les fondamentaux, qu'il s'agisse du rythme moyen de la croissance, de
la maîtrise de l'inflation et du dynamisme de nos entreprises.
On parle parfois de bilan. Evidemment, les discussions sont ouvertes et
j'imagine que, dans la période qui vient, elles seront nombreuses. Mais il est
un élément du bilan qui ne peut pas être contesté, c'est qu'on assiste, pas
seulement en spectateurs, mais également en acteurs, depuis maintenant quatre
ou cinq ans, à une baisse du chômage, à une baisse de l'inflation et à une
baisse des impôts.
Cela doit être rappelé, mais cela ne signifie pas, bien sûr, qu'il n'y ait pas
de nombreux problèmes à régler. Je crois cependant que ce qui a été fait l'a
été avec le souci de permettre aux Français de profiter, peut-être mieux que
d'autres, des fruits de la croissance.
Garder le cap du sérieux et le sens du long terme doit nous permettre de
sortir, je l'espère le plus vite possible, de l'épreuve du ralentissement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, éclairer, décider et
agir, c'est le devoir de tous les responsables.
Ayant pris connaissance des propos tenus récemment, en particulier par
plusieurs membres de votre Haute Assemblée, j'ai compris, si j'ai bien lu, que
certains, peut-être même dans un instant, évoqueront, et pas seulement par
amour du cinéma,
la Grande Illusion (Rires sur diverses travées).
Des
films de Jean Renoir, je leur suggère plutôt de retenir
la Règle du jeu,
car, à mes yeux, la règle du jeu qui doit s'imposer à tous les responsables
consiste à tenir un langage de vérité.
La règle du jeu, c'est que notre tâche ne peut pas consister évidemment à
prévoir à deux décimales près l'évolution de nos économies lorsqu'on est dans
une pareille tourmente.
La règle du jeu, c'est que la France dispose de ressources et d'atouts qui
rendent possible le rebond dans les prochains trimestres.
La règle du jeu, c'est qu'on ne peut pas reprocher trop de dépenses ou trop de
déficits à un gouvernement, tout en suggérant, par ailleurs, davantage de
dépenses, donc davantages de déficits.
La règle du jeu, c'est que le dogmatisme et le « court-termisme » qui semblent
plus forts à mesure que se rapproche l'air printanier doivent être combattus
car ce sont deux obstacles de taille à la croissance et à la confiance.
La règle du jeu, c'est que c'est dans un esprit, autant qu'il est possible, de
soutien à l'activité économique, de sérieux et de soutien à la solidarité, que
j'ai l'honneur, au nom du Gouvernement, de vous présenter le budget pour 2002.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Luc applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Nous pouvons saluer, monsieur le
ministre, vos efforts très réels dans la présentation de ce budget difficile,
difficile pour une majorité sortante, difficile dans la conjoncture économique
française, européenne et mondiale actuelle.
Vous venez de nous appeler au respect des règles du jeu : permettez-moi de
dire que les règles du jeu ne peuvent être définies que par un arbitre et non
pas par l'un des joueurs...
(Sourires).
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... même s'il s'exprime au sein d'une équipe
plurielle ! L'arbitre en fait, sera là dans quelques mois, puisque c'est le
suffrage universel qui décidera.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Par conséquent, mes chers collègues, voyons sans
complaisance la réalité de ce qui nous est proposé.
Il est vrai qu'en présentant, voilà quelques jours les analyses de la
commission des finances, conforté dans mes propres sentiments, j'ai été
encouragé à utiliser l'expression : la grande illusion. Mais il faut aller plus
loin et concrétiser cette approche.
A la verité, monsieur le ministre, je vais tâcher de démontrer dans ce bref
propos qu'il n'y a pas une illusion, mais quatre illusions : illusion de la
croissance, illusion de la baisse des impôts financée à crédit, illusion de la
maîtrise de la dépense publique, illusion, hélas ! de la convergence européenne
compte tenu du chemin que nous prenons.
Certes, monsieur le ministre, votre secrétaire d'Etat a mille fois raison de
dire que le budget est un acte politique, mais, pour exister en tant que tel,
il faut d'abord qu'il soit crédible.
M. Roland du Luart.
Tout à fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La question clé de tout budget, celle qui est à la
base de la notion de confiance, en effet, c'est la crédibilité.
Certes, monsieur le ministre, un budget n'est pas seulement un acte
administratif visant à répartir des crédits pour faire fonctionner l'Etat ou un
outil de gestion, c'est aussi un outil psychologique : il doit refléter une
volonté politique ; il s'adresse à toutes et à tous dans notre pays, en Europe,
dans le monde entier. Nous voulons donc, lorsque nous examinons un budget,
comprendre les choses, savoir si, oui ou non, l'objectif de la crédibilité de
notre pays dans sa démarche économique et financière peut être atteint.
Monsieur le ministre, parlons tout d'abord de l'allure générale de l'économie,
donc du rythme de la croissance.
Il fut un temps, qui n'est pas bien éloigné, où le gouvernement auquel vous
appartenez aujourd'hui s'appropriait la responsabilité de la croissance,
s'accordait à lui seul la paternité de cette évolution qui a permis de dégager
des marges de manoeuvre considérables.
Il est vrai que, depuis quelques mois, voire quelques semaines, une certaine
évolution s'est produite et que, sur ces aspects des choses, le Gouvernement
s'est fait plus discret. On peut le comprendre.
Le Fonds monétaire international, l'OCDE, la Commission de l'Union européenne
publient leurs analyses. Celles-ci ne convergent pas, loin de là, avec les
chiffres sur la base desquels est construit votre budget pour 2002.
Bien entendu, cela nous conduit à formuler toutes sortes d'observations. Tout
d'abord, 2002 succède à 2001
(Exclamations amusées sur plusieurs
travées),
et c'est sur la base de la réalité de 2001 que devront être
appréciées les ressources de 2002.
Au cours de l'année 2001, les recettes fiscales se sont infléchies de manière
significative, tout particulièrement en ce qui concerne la TVA qui permet de
mesurer le rythme réel de l'activité. Or, c'est à l'aune des réalisations de
l'année 2001 que nous pouvons aborder les prévisions de l'année 2002 et tâcher
de mesurer leur crédibilité.
Monsieur le ministre, le niveau de croissance qui est affiché, pour l'année
2002, à 2,5 %, fait l'objet de critiques générales tant dans notre pays qu'à
l'extérieur. Si, comme vous l'avez indiqué à plusieurs reprises, c'est un geste
volontariste et la clé qui explique l'arithmétique de vos prévisions de
recettes pour l'année 2002, il est donc bien clair, avant même que cet exercice
ne s'ouvre, que ce budget devra être révisé et que, les hypothèses économiques
qu'il prend en compte n'étant plus du domaine du réalisme, nous sommes en train
de nous livrer à un exercice parfaitement virtuel.
De la même manière, lorsqu'on observe les recettes de l'Etat, nous faisons
face à une autre illusion. Certes, vous poursuivez la mise en oeuvre du plan de
baisse d'impôts que vous avez annoncé en août 2000, mais vous envisagez de le
faire au prix d'un déficit bubgétaire qui va s'accroître de 2 milliards
d'euros. Je constate donc qu'il s'agit de baisses fiscales financées pour une
bonne part à crédit.
Par ailleurs, au-delà des ressources apportées par la fiscalité, votre projet
de budget pour 2002 possède une clé dont vous n'avez pas parlé au cours de
votre propos, monsieur le ministre, et qui se trouve du côté des autres
recettes de l'Etat : les recettes non fiscales.
Voyons en effet comment évoluent les deux grandes masses de ressources de
l'Etat.
En 2002, les impôts apporteront 6 milliards d'euros de plus qu'en 2001. C'est
du moins l'hypothèse qui est retenue malgré la réserve que je vous demande de
garder à l'esprit et qui porte sur le taux de croissance.
Les recettes non fiscales, ensuite, apporteront 5,8 milliards d'euros
supplémentaires, soit une somme du même ordre de grandeur. Or nous observons
que nombre de ces recettes ne sont pas reconductibles. Elles sont, comme l'on
dit, « des fusils à un coup », des opérations ponctuelles, bien pratiques et
bien commodes à engranger, précisément en ce moment. L'équilibre réalisé au
prix de 2 milliards d'euros de déficit supplémentaire est précaire, quasi
virtuel. Il témoigne du grand nombre d'incertitudes et de contradictions qui
ont présidé à la préparation de ce budget, et donc de vos difficultés !
Examinons la rubrique des recettes non fiscales. Les outils industriels du
secteur public, EDF et GDF par exemple, apporteront à l'Etat, opportunément, à
la suite d'un changement des règles du jeu, des ressources substantiellement
plus élevées. Ainsi, en 2002, EDF et GDF verseront une somme quatre fois plus
importante qu'en 2001, d'un montant total de 2,8 milliards d'euros. Les
résultats de ces deux entreprises auront-ils été multipliés par quatre,
monsieur le ministre ? Faut-il voir un lien entre cette augmentation et
l'annonce qui vient d'être faite, pour la première fois depuis dix ans, du
relèvement de certains tarifs d'EDF ? Est-ce qu'EDF est une entreprise ou,
d'une certaine manière, un outil d'alimentation du budget de l'Etat ?
M. Patrick Lassourd.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce ne sont pas les seules ponctions qui sont opérées.
Nous avons constaté plusieurs autres choses : on joue avec la durée des
créances de l'Etat sur la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES
; on se procure, au prix du renchérissement d'une dette, un versement immédiat
plus élevé ; la Caisse des dépôts et consignations est appelée à mettre au pot
des montants supplémentaires dont la justification économique n'éclate pas ;
les partenaires sociaux sont conduits à financer, à l'aide de la contribution
des employeurs au logement, quelques milliards de plus, alors que, monsieur le
ministre, une convention avait été passée en 1998 et que la règle du jeu était,
en l'occurrence, que l'Etat ne prélèverait pas plus d'ici à 2003.
A ce stade de la discussion générale, je ne vais pas écheniller tous les
postes de recettes non fiscales, mais nombre de ces postes pourraient faire
l'objet de remarques d'opportunité et de technique budgétaires.
Il est des commodités bienvenues dont vous avez aménagé l'existence dans ce
projet de budget pour 2002, et qui vous permettent, monsieur le ministre, de
poursuivre ces baisses d'impôts à crédit, qui sont bien, à nos yeux, une
réalité.
Bien entendu, nous aurons l'occasion, ici et ailleurs, au cours de la
discussion budgétaire et un peu plus tard, de faire état - vous y avez fait
allusion vous-même - du bilan financier et budgétaire de la législature,
notamment en ce qui concerne la politique des prélèvements obligatoires, le
taux de ces prélèvements, le rendement de l'impôt. Je passerai rapidement sur
ce sujet, au demeurant essentiel, pour rappeler l'excellence d'un théorème que
nous connaissons bien ici : le théorème de DSK.
Il s'est appliqué avec régularité au cours de la période et s'énonce ainsi :
les impôts baissent, les prélèvements obligatoires augmentent. C'est bien une
réalité ! Cette réalité, monsieur le ministre, c'est votre prédécesseur, en
fonction au début de cette législature, qui l'a inspirée : plus 92 milliards
d'euros de rendement fiscal, soit environ 600 milliards de francs. Certes, des
options ont été prises pour modifier la fiscalité sur certains points et pour
en infléchir l'évolution, mais elles n'ont été possibles que grâce à la manne
de la croissance, aux marges de manoeuvre que vous ont procurées ces rendements
supplémentaires depuis 1997. C'est le cas, par exemple, de l'impôt sur les
sociétés, dont le rendement a augmenté de près de 60 % depuis 1997, alors que
l'impôt sur le revenu rapportait près de 20 % de plus au cours de cette même
période.
M. Claude Estier.
Et alors !
M. Jean-Pierre Masseret.
Cela prouve que ça marche !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela prouve qu'avec beaucoup d'argent on n'a pas
nécessairement préparé l'avenir...
M. Jean-Pierre Masseret.
Mais si !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et c'est ce point que je développerai, si vous le
permettez.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Jaloux !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est la troisième illusion ! C'est l'illusion de la
maîtrise de la dépense publique. Ce sont des priorités en trompe-l'oeil.
Vous nous rappeliez tout à l'heure, monsieur le ministre, que le Gouvernement
se réfère à des priorités. Pour 2002, dans les documents écrits du
Gouvernement, il n'y a pas moins de six secteurs d'activité, six ministères
prioritaires. Posons-nous alors une question, mes chers collègues : lorsque
l'on a six priorités, a-t-on vraiment des priorités ? On a l'impression,
monsieur le ministre, que vous voulez n'oublier personne au sein de votre
coalition.
L'on commence, d'ailleurs opportunément, par l'environnement, vous l'avez fait
vous-même à cette tribune.
On dit que l'environnement est le budget le plus prioritaire, mais on oublie
naturellement de dire que ce budget représente 0,3 % de la masse globale et
qu'il comporte une grande partie de crédits dont le taux de consommation est
très insuffisant d'année en année. Mais, bien entendu, on affiche, et on
affiche, pour ne mécontenter personne, que cela est une grande priorité !
A la vérité, monsieur le ministre, quand on étudie la composition du budget de
la France, on observe des constantes : deux grands postes mobilisent une part
très importante du total des crédits. Le premier - je tiens à le rappeler - est
celui des dépenses de personnel de la fonction publique.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Masseret.
Nous y voilà !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mes chers collègues, cela ne devrait pas vous gêner !
C'est un simple constat, n'est-ce pas monsieur Masseret, vous qui étiez au
gouvernement voilà peu de temps encore ? Par rapport au total des dépenses de
l'Etat, elles représentaient 40 % quand vous êtes arrivés au pouvoir. Elles
atteignent aujourd'hui 44,3 %. Cela prouve que le fonctionnement de l'Etat est
de plus en plus rigide. Le second poste est celui de la dette.
Ces deux postes représentent l'essentiel des enjeux. Pardonnez-moi ce
raisonnement, certes basique et primaire, mais il reflète la vérité ! Monsieur
le ministre, toute politique d'économie qui ne commencerait pas par afficher et
par permettre une réelle maîtrise des dépenses et de réelles économies sur les
deux principaux postes du budget de l'Etat que sont le personnel et la dette
serait, permettez-moi de vous le dire, purement illusoire et mensongère. Or,
c'est bien la réalité des choses depuis 1997.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Quelles économies ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Lorsque l'on examine vos budgets, on y trouve, il est
vrai, des priorités. Et la priorité, c'est la fonction publique. Mais oui,
monsieur le ministre. C'est bien la vérité, même si elle est difficile à
entendre ! Depuis 1997, la fonction publique a bénéficié de près de 70 % de la
hausse de la dépense budgétaire de l'Etat, soit quinze milliards d'euros
supplémentaires.
Bien sûr, cette priorité s'affiche dans vos comportements et se traduit dans
le projet de budget pour 2002. Il faut en effet attendre - j'insiste sur ce
chiffre dont M. le ministre n'a pas dit un mot tout à l'heure - 83 900
recrutements en 2002 ! Ils se répartiront de la façon suivante : le
remplacement intégral - un pour un et, à chaque endroit où il se trouve - de
chaque fonctionnaire qui part en retraite, ce qui représente 54 700
recrutements. C'est la première grosse annuité des départs en retraite et c'est
la première occasion perdue d'assouplir le fonctionnement de l'Etat et de faire
ce dont vous parlez, mais ce dont à la vérité vous ne voulez pas, c'est-à-dire
une réforme de l'Etat. Comment peut-on prétendre que l'on commence une réforme
de l'Etat si, sur les 54 700 fonctionnaires qui vont partir en retraite en
2002, on n'en trouve par un seul dont le poste pourrait être redéployé
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants)
et...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Lesquels ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... si l'on n'est pas en mesure de faire ce que
d'autres font,...
M. Roland du Luart.
Tous les pays d'Europe le font !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... y compris parfois vos amis ? Allez voir de
l'autre côté des Pyrénées,...
M. Alain Gournac.
Oh oui !
M. Roland du Luart.
En Espagne !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... en Espagne et au Portugal !
Pour préparer ce rapport, je me suis rendu dans ces pays qui n'ont pas
toujours dans le passé brillé par la vertu budgétaire : j'ai observé que, tant
en Espagne, depuis 1996, qu'au Portugal, depuis 2001, chez vos amis socialistes
un principe s'appliquait : on ne remplace qu'un départ sur quatre !
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mes chers collègues, je ne dis pas que c'est ce qu'il
faut faire en France, je fais seulement un constat.
M. Josselin de Rohan.
C'est possible !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si des évolutions de ce genre sont possibles dans les
pays que j'ai cités, pourquoi ne le sont-elles pas en France, même dans des
conditions beaucoup plus modestes ?
M. Raymond Courrière.
Quels fonctionnaires ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous y viendrons.
M. Jean-Pierre Masseret.
Ah !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'attire votre attention sur ces chiffres : 54 700
départs à la retraite remplacés, 15 900 créations nettes de postes et 13 300
remises en ordre, particulièrement cette dernière pratique, dont on ne parle
pas habituellement.
M. Patrick Lassourd.
Qu'est-ce que c'est ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela veut dire que l'on crée « au fil de l'eau » dans
les services de l'Etat des emplois en surnombre dont on titularise un beau jour
ceux que les occupent ! C'est encore une illusion !
M. Raymond Courrière.
Vous les supprimez ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce sont des choses que l'on ne veut pas dire mais
qu'un jour il faut supporter. Il s'agit quand même de 13 300 titulaires
supplémentaires !
M. Henri de Raincourt.
C'est fictif !
M. Roland du Luart.
Que fait la Cour des comptes ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Lorsqu'ils cesseront leurs activités, ils se verront
normalement verser des pensions jusqu'à ce que, hélas ! ils nous quittent
complètement. Mes chers collègues, j'appelle avec solennité votre attention sur
ce chiffre : 83 900 nouveaux recrutements en 2002. Les éléments que j'ai
rappelés, ce dernier chiffre en particulier, relativisent opportunément les
quelques protestations de modernité ou de rigueur
(Protestations sur les
travées socialistes)
plus ou moins présentes dans le propos de M. le
ministre des finances qui nous a quittés voilà quelques instants.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Un peu précipitamment,
d'ailleurs !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mes chers collègues, depuis 1997, l'Etat a consacré,
c'est vrai, plus de neuf milliards d'euros supplémentaires aux personnels de
l'éducation nationale ; c'est la réalité des chiffres. Mais examinons les
priorités.
On nous parle beaucoup de sécurité. C'est un thème devenu à la mode. Même le
ministre des finances, qui m'a précédé à cette tribune, en a parlé !
M. Raymond Courrière.
L'éducation y participe !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pourtant, alors que neuf milliards d'euros
supplémentaires sont consacrés aux personnels de l'éducation nationale depuis
1997, moins de deux milliards d'euros supplémentaires le sont à la sécurité et
à la justice !
M. Patrick Lassourd.
Bon argument !
M. Raymond Courrière.
Les policiers, il faut les supprimer ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est une simple comparaison, mes chers collègues.
Je vais vous en proposer une autre, qui est devenue habituelle, mais qu'il
faut répéter, au sujet de la politique des 35 heures.
(Exclamations sur les
travées socialistes.)
M. Claude Estier.
Nous y voilà !
M. Patrick Lassourd.
Exactement !
M. Raymond Courrière.
Les 35 heures, il faut les supprimer aussi ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cette politique mobilise, pour les seules entreprises
privées, 120 milliards de francs par an. Au total, en revanche, la justice, la
police et la gendarmerie...
M. Raymond Courrière.
Supprimez-les !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... ne mobilisent qu'un peu plus de 80 milliards de
francs par an. Voilà ce que sont les priorités que ce gouvernement doit assumer
; il faut qu'il les assume !
Plusieurs sénateurs du RPR.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Car telle est la réalité. Et que l'on ne nous raconte
pas n'importe quoi : il n'y a pas six priorités dans le budget de l'Etat, il y
a simplement une gestion clientéliste et au fil de l'eau.
(Applaudissements
sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et
Indépendants.)
M. Claude Estier.
Vous êtes bien placé pour parler de fil de l'eau !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais votre base, président Estier, vous pose quelques
problèmes. Sinon, pourquoi y aurait-il autant de fonctionnaires dans la rue
?
M. Michel Moreigne.
Supprimez donc les fonctionnaires de police !
M. Claude Estier.
Il n'y a jamais eu de manifestations de fonctionnaires sous les gouvernements
de droite, peut-être ?
M. René-Pierre Signé.
C'est n'importe quoi !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est la vérité !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pourquoi avons-nous autant de policiers démotivés et
toutes ces difficultés pour mettre en oeuvre la politique des 35 heures dans la
fonction publique ?
M. René-Pierre Signé.
Boutefeu !
M. le président.
Monsieur Marini, M. Signé souhaite visiblement vous interrompre...
(Sourires.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
M. Signé est un habitué, je l'écoute volontiers.
(Exclamations amusées sur les travées du RPR.)
M. Josselin de Rohan.
On aimerait entendre M. Signé faire des phrases et non se contenter
d'interjections. Peut-être ne sait-il pas parler ?
M. Roland du Luart.
Ne le provoquez pas !
(Sourires.)
M. René-Pierre Signé.
J'ai simplement dit que M. le rapporteur général était un boutefeu !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'aurais apprécié de pouvoir répondre à des arguments
de M. Signé,...
M. Josselin de Rohan.
Des arguments ? Il n'en a pas !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... car cela aurait pu enrichir notre débat.
Malheureusement, je n'ai pas entendu d'arguments.
M. Henri de Raincourt.
Il en est incapable !
M. Michel Moreigne.
Attendez !
M. Claude Estier.
Vous en entendrez tout à l'heure !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En ce qui concerne les 35 heures dans la fonction
publique, je rappelle une réalité.
M. Josselin de Rohan.
Un scandale, oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je le rappelle notamment à des maires, à des
présidents de conseils généraux et à des présidents de conseils régionaux,
nombreux dans notre hémicycle, qui doivent actuellement gérer cette contrainte.
Les ministres la gèrent de la même façon et font face à la même réalité. Nous
savons bien que, dans nos budgets, les 35 heures coûtent !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Elles coûtent soit en moindre disponibilité à l'égard
du public, soit en embauches supplémentaires, soit en frais de
réorganisation.
M. Raymond Courrière.
Nous verrons ce que vous ferez quand vous reviendrez au pouvoir !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il y a peu, en commission des finances, j'ai demandé
à Mme Parly qu'elle nous dise combien coûte la politique des 35 heures dans
l'administration de l'Etat. La question me semblait légitime s'agissant de la
grande innovation qui sert en quelque sorte d'étiquette pour toute la politique
de ce gouvernement.
M. René-Pierre Signé.
Vous ne la remettrez pas en cause !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Voici quelle fut la réponse de Mme Parly, que vous
trouverez au procès-verbal de notre commission : « Monsieur le rapporteur
général, c'est un coût limité. »
(Rires sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
Telle a été la réponse qui m'a été faite en commission !
(Exclamations sur
les travées socialistes.)
Eh bien, mes chers collègues, je n'ai pas été
beaucoup plus avancé pour autant !
(Exclamations renouvelées sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Mes chers collègues, je vous en prie !
M. Raymond Courrière.
On peut tout de même s'exprimer !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Par exemple, nous avons examiné le budget de la
sécurité sur le rapport de notre collègue Aymeri de Montesquiou, voilà quelques
jours.
M. Raymond Courrière.
Vous proposez de leur supprimer les 35 heures !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il n'est pas question de dire que les 35 heures ne
posent aucun problème à la police.
M. René-Pierre Signé.
Ceux qui en profitent apprécient, eux !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il n'est pas question de le dire ! Ce serait
complètement contraire à l'entendement et au bon sens.
M. Raymond Courrière.
Ayez le courage de dire que vous allez supprimer les 35 heures !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous constatons que trois mille créations d'emplois
sont prévues au budget du ministère de l'intérieur pour l'année 2002, ce dont
nous nous réjouissons.
M. René-Pierre Signé.
Vous ne supprimerez pas les 35 heures !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Les Français décideront !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Seriez-vous maintenant hostile aux trois mille
créations d'emplois, monsieur Signé ?
(Exclamations sur les travées
socialistes.)
M. le président.
Je vous en prie, monsieur le rapporteur général, poursuivez !
M. René-Pierre Signé.
Je dis qu'il ne faut pas supprimer les 35 heures et que vous ne le ferez pas
!
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mon cher collègue, cela fera l'objet de débats dans
les temps à venir.
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Josselin de Rohan.
Soyez prudents !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pour en revenir au budget du ministère de
l'intérieur, les trois mille emplois qui vont être créés, et dont nous nous
réjouissons certainement tous,...
M. René-Pierre Signé.
De toute manière, vous ne reviendrez pas au pouvoir !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... sont-ils pour l'essentiel consacrés à compenser
les 35 heures ?
M. Raymond Courrière.
C'est pour compenser les carences de la politique Juppé !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Et cela coûte cher !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous avons posé la question à M. Vaillant, mais il ne
sait pas y répondre.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Absolument !
M. Raymond Courrière.
Soyez poli avec M. Vaillant !
M. Claude Estier.
Vous auriez pu poser la question à M. Debré, aussi !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous qui avons fait des calculs au sein de la
commission, nous pouvons penser que les trois mille créations d'emplois ne
suffiront pas...
MM. Henri de Raincourt et Patrick Lassourd.
Hélas !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... à compenser les effets de la réduction de la
durée du travail.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
C'est-à-dire que l'on mobilise plus d'argent public
pour un service public qui va continuer à se dégrader.
M. Patrick Lassourd.
Absolument ! C'est cela, la vérité !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mes chers collègues, tels sont les choix qui nous
sont proposés et les contradictions dans lesquelles vous vous débattez.
M. Raymond Courrière.
Parlez-nous du budget 1995 !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Bien entendu, il faudra faire des économies. C'est
clair.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Lesquelles ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Elles nécessiteront beaucoup de courage.
M. Raymond Courrière.
Quelles économies ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je vous l'ai dit, chers collègues, ces économies
porteront sur les dépenses de personnels et sur la dette. Le reste viendra en
son temps. Bien entendu, il faudra aussi économiser sur les autres catégories
de dépenses.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Lesquelles ?
M. Raymond Courrière.
C'est comme pour le fût du canon !
M. René-Pierre Signé.
De toute manière, il n'aime pas les fonctionnaires !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais, à l'inverse, je peux vous dire sur quoi il ne
faut pas faire d'économies, chers collègues : sur les dépenses qui
conditionnent l'avenir, en particulier l'avenir de notre pays dans le monde,
c'est-à-dire les équipements de la défense nationale.
M. Alain Gournac.
Un nouveau porte-avions !
M. René-Pierre Signé.
On l'appellera le
Jacques-Chirac !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je voudrais rappeler ici, car c'est une donnée simple
qu'il faut avoir présente à l'esprit, que les seules annulations de crédits
auxquelles on a procédé depuis 1997, les annulations de crédits sur le titre V
de la défense, représentent près de 5 milliards d'euros, je parle sous le
contrôle de notre rapporteur spécial, M. Blin.
M. Raymond Courrière.
Avec ça, on aurait pu construire un porte-avions, c'est sûr !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Naturellement, avec cet argent, on aurait eu
largement de quoi faire non pas un, mais deux porte-avions comme le
Charles-de-Gaulle
.
M. Raymond Courrière.
Pourquoi pas trois ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je le précise simplement pour que les ordres de
grandeur soient présents à vos esprits, chers collègues.
M. Raymond Courrière.
C'est comique, votre démonstration !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cher collègue, il serait peut-être utile que vous
commenciez à raisonner sur des chiffres,...
M. René-Pierre Signé.
C'est bien ce que je disais : un boutefeu et un va-t-en-guerre !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... au lieu de vous contenter d'interjections !
Donc, avec les seules annulations de crédits depuis 1997,...
M. René-Pierre Signé.
Va-t-en-guerre !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... il y avait de quoi faire deux porte-avions
supplémentaires, alors que, et nous nous en expliquerons, le problème de nos
forces et du passage d'une programmation militaire à une autre va réellement se
poser.
Par rapport aux objectifs de notre pays, sans doute faudra-t-il dégager, entre
2002 et 2003, des ressources supplémentaires pour reprendre le cours de nos
réalisations et pour tenir les objectifs qui ont été fixés par le Parlement et
par les plus hautes autorités de l'Etat. C'est une réalité incontournable.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Donc, il faut des économies !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cela dit, et contrairement aux propos que nous avons
entendus tout à l'heure
(Exclamations sur les travées socialistes)
lorsque l'on présente un budget préélectoral, on ne se soucie pas de l'avenir
ni de la place du pays dans le monde !
(Applaudissements sur les travées du
RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. René-Pierre Signé.
C'est simple : on remplace les fonctionnaires par des porte-avions !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il me serait facile d'évoquer d'autres dépenses, par
exemple celles de l'aide au développement, que l'on a sacrifiées au profit de
choix qui vous appartiennent, madame le secrétaire d'Etat, monsieur le
ministre, mais qui n'étaient pas une fatalité et dont le caractère pernicieux
est aggravé par le fait que vous avez mal usé de la chance que vous avez
eue...
M. Patrick Lassourd.
On brade !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Jaloux !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... c'est-à-dire de cette croissance dont vous n'avez
pas réparti les fruits comme cela aurait pu être fait.
M. Claude Estier.
Il ne fallait pas dissoudre l'Assemblée nationale, à ce moment-là !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je terminerai par la quatrième illusion,...
M. Claude Estier.
C'est l'
Illusion comique !
M. Michel Moreigne.
Oui, en fait !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... celle qui consiste à renvoyer aux gestions
prochaines le soin de régler la facture.
(Protestations sur les travées
socialistes.)
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Evidemment !
M. René-Pierre Signé.
C'est nous qui la réglerons !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
A cet égard, il y a, dans ce budget pour 2002,
plusieurs innovations.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Cela en fait, du travail !
M. Patrick Lassourd.
Avant les élections !
M. René-Pierre Signé.
Ils vont perdre les élections !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce n'est pas vous qui réglerez la facture. Si l'on
vous faisait confiance, ce serait le contribuable et le cotisant !
M. Raymond Courrière.
Je suis contribuable, tout comme vous !
M. Henri de Raincourt.
Ce sont les Français qui la régleront, la facture !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Naturellement, pour vous, leurs efforts n'ont pas de
limite, n'est-ce pas, pourvu que vous puissiez terminer votre petit travail,
dans votre petit coin !
(Protestations sur les travées socialistes ainsi que
sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Claude Estier.
C'est honteux !
M. René-Pierre Signé.
Vraiment honteux !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur le président, je suis sans cesse interrompu
par notre collègue de la Nièvre depuis le début de mon intervention.
M. Josselin de Rohan.
Cela n'arrête pas !
M. Claude Estier.
C'est odieux !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général, vous seul avez la parole
!
M. Raymond Courrière.
Qu'il arrête ses provocations !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Pardonnez-moi, monsieur le président, si je réponds
à M. Signé, mais il le mérite, compte tenu des propos qu'il tient et de la
méthode qu'il utilise, qui n'est ni courtoise ni convenable.
(Nouvelles
protestations sur les travées socialistes.)
Mme Hélène Luc.
Ce n'est pas une raison pour être méprisant !
M. René-Pierre Signé.
Va-t-en-guerre !
M. le président.
Je vous prie d'écouter l'orateur dans le silence !
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je vais donc rappeler qu'en 2001, pour la première
fois depuis 1997,...
M. Paul Loridant.
Provocateur !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il est vrai que j'ai cette particularité de ne pas
m'inscrire dans votre vulgate et de ne pas accepter le cadre de vos
raisonnements.
M. Raymond Courrière.
Vous avez tort !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mais, si vous êtes un démocrate et si vous êtes
attaché au rôle du Parlement, vous devez supporter, mon cher collègue, que des
gens qui ne raisonnent pas comme vous aient le droit à la parole, et vous devez
accepter qu'ils s'expriment jusqu'au bout, sans être interrompus. Pardonnez-moi
d'avoir à la rappeler à des parlementaires plus anciens que moi !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -
Protestations sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé.
Il ne faut pas être provocateur !
M. Roland du Luart.
Cela suffit comme ça !
M. René-Pierre Signé.
Il n'a qu'à pas dire n'importe quoi !
M. le président.
Poursuivez, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je reprends donc les innovations de ce budget, qui
doit nous occuper plus, je l'espère, que les interjections de M. Signé.
Premièrement, en 2001, pour la première fois depuis 1997, le déficit « dérape
» en exécution de près de 4 milliards d'euros. Pour la première fois, donc, en
cours d'année, le déficit réalisé sera substantiellement plus élevé que le
déficit prévu.
Deuxièmement, pour la première fois depuis 1996, le déficit doit augmenter de
2 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2002 par rapport à la
loi de finances initiale pour 2001.
M. Claude Estier.
En 1996, il avait augmenté de combien ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Troisièmement, en 2002, pour la première fois depuis
1997, le solde primaire, qui mesure notre capacité à contenir la dette, se
dégrade par rapport à l'année précédente de 1,7 milliard d'euros.
Quatrièmement, en 2002, pour la première fois depuis 1997, le déficit de
fonctionnement, qui mesure la part des dépenses courantes payées par l'emprunt
- en d'autres termes, la « cavalerie », ce que l'on n'a le droit de faire nulle
part, sauf dans les finances de l'Etat - ce déficit de fonctionnement
augmentera donc par rapport à l'année précédente pour s'établir à près de 5
milliards d'euros. Je me permets de souligner ce petit élément : 5 milliards
d'euros de plus pour la part du fonctionnement qui est payée par l'emprunt.
Ainsi donc, et ce sera ma conclusion, chaque jour, 88 millions d'euros de
dépenses sont financés par l'emprunt. C'est une façon illustrée d'exprimer ce
qu'est le recours à l'emprunt.
M. René-Pierre Signé.
Comment avez-vous fait pour arriver à ce résultat ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En 2002, l'Etat empruntera 90 milliards d'euros. Sur
ces 90 milliards d'euros, 60 milliards serviront à rembourser une partie de la
dette ancienne. Le refinancement de la dette précédente représente les deux
tiers de la levée d'argent sur les marchés financiers en 2002.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je vous en prie, monsieur le sénateur.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, avec l'autorisation de M. le rapporteur
général. Mais soyez bref, s'il vous plaît, mon cher collègue !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Comme tous nos collègues, je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt, monsieur
le rapporteur général.
Nous n'avons pas pu nous empêcher de vous demander, pendant votre
intervention, quels étaient les postes de fonctionnaires que vous préconisiez
de supprimer, et vous nous avez répondu que vous y arriviez. Or vous venez
d'annoncer votre conclusion. Je ne voudrais pas que vous oubliiez l'engagement
que vous avez pris de nous apporter cette précision !
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Raymond Courrière.
Très bien ! Soyez clair, monsieur Marini !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur Dreyfus-Schmidt, chaque chose viendra en son
temps !
Je me permettrai de rappeler, pour citer un exemple, que, il y a peu, le Sénat
a désigné une commision d'enquête qui, sous la présidence de notre collègue
Adrien Gouteyron et avec la participation de nombreux sénateurs, a examiné le
fonctionnement de l'éducation nationale.
M. Jean Chérioux.
Eh oui !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cette commission d'enquête a observé l'existence, au
sein de cette belle administration, d'un certain nombre de lourdeurs, et
remarqué que l'équivalent des effectifs d'une académie entière se consacraient
à autre chose...
M. Alain Gournac.
... qu'à l'éducation !
M. Patrick Lassourd.
Ce sont 35 000 postes !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... qu'à ce pour quoi ils étaient recrutés et
rémunérés.
Bien entendu, ce n'est qu'un exemple, et il ne faut pas nécessairement le
prendre au pied de la lettre. Il montre cependant, mes chers collègues, qu'il y
a beaucoup d'économies à faire.
M. Jean-Pierre Demerliat.
Il faudra le leur faire savoir !
M. René-Pierre Signé.
C'est un service public !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
On peut imaginer d'autres modes de gestion pour
motiver les fonctionnaires publics,...
M. René-Pierre Signé.
C'est injurieux pour eux !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... pour gérer les ressources humaines de l'Etat
mieux qu'elles ne le sont actuellement.
Cela passe par des réformes profondes que vous n'avez naturellement pas
imaginées, et encore moins envisagé de réaliser.
Voilà ce que je peux vous répondre pour le moment, monsieur Dreyfus-Schmidt
!
M. René-Pierre Signé.
C'est donc sur l'éducation nationale que vous rognez !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
En d'autres termes, des économies, on peut en faire
partout, et il faudra bien que, un jour, chacun balaye devant sa porte !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
C'est bien envoyé !
M. René-Pierre Signé.
Il n'a rien démontré !
M. le président.
Mes chers collègues, veuillez laisser parler M. le rapporteur général !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'ajouterai qu'il est regrettable que la dette
négociable de l'Etat atteigne près de 700 milliards d'euros en 2002 et qu'elle
ait progressé de 33 % depuis 1997.
M. René-Pierre Signé.
C'est mauvais ! Et Balladur ? Et Juppé ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mes chers collègues, nous aurons bien entendu
l'occasion de revenir sur tous ces sujets. Pour achever mon propos, je me
permettrai de poser quelques questions à Mme le secrétaire d'Etat, qui nous a
rejoints.
Il existe un budget, financé par prélèvements obligatoires, qui représente
entre 110 et 120 milliards de francs. Ce budget est-il examiné au cours de nos
débats ? A-t-il seulement un rapporteur spécial ? Ce budget, qui est
l'essentiel, qui est le parangon de votre politique, où est-il ? Il est quelque
part entre la loi de financement de la sécurité sociale et le budget de l'Etat,
et vous connaissez son nom, mes chers collègues : ce budget, c'est celui d'une
chose que l'on appelle le FOREC, en d'autres termes le « fonds de financement
de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ». C'est une
tuyauterie montée précisément pour que la représentation nationale ne puisse
pas mener de débat global sur la politique qui est conduite, sur les
orientations qui l'ont inspirée, sur les priorités qui sont les siennes et,
surtout, sur ses résultats.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé.
Ils sont bon public, parce qu'ils applaudissent pour pas grand-chose !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat au budget.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat, que nous écoutons, mes chers
collègues, avec courtoisie et sérénité.
M. Patrick Lassourd.
Nous sommes polis, nous !
M. Henri de Raincourt.
Evidemment !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je ne souhaite pas, à ce stade, m'exprimer sur le fond
du débat : je veux seulement vous présenter mes excuses, mesdames, messieurs
les sénateurs, de n'avoir pas pu participer au début de vos travaux.
Ces excuses s'adressent tout particulièrement à vous, monsieur le rapporteur
général, car je n'ai pas pu entendre la totalité de votre intervention. En
effet, je participais ce matin au congrès des maires de France. Je suis sûre
que cette raison pourra être considérée comme bonne par un certain nombre
d'entre vous, qui êtes maires !
M. Nicolas About.
C'est une excuse acceptée !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
J'ajoute, car vous ne le savez peut-être pas, que
c'est pour la même raison que M. Fabius a dû nous quitter : il devait, lui
aussi, s'exprimer en fin de matinée devant les congressistes.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé.
Voilà quelqu'un qui est près des élus locaux, qui laboure le terrain !
M. Henri de Raincourt.
C'est mieux que Mme Guigou !
M. Roland du Luart.
Oui, qui ne vient même pas en commission !
M. Patrick Lassourd.
Voyez comme nous avons bien écouté !
M. René-Pierre Signé.
Je suis épouvanté !
M. le président.
Si vraiment, monsieur Signé, vous voulez intervenir, je vous offre le
micro.
M. Alain Gournac.
Mais non ! Il n'a rien à dire, comme d'habitude !
M. Patrick Lassourd.
C'est de l'infantilisme !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Raincourt.
Cela va être très bon, je le sais.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le président du Sénat, madame la
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'essaierai d'être bref : je suis sûr
que c'est la première chose que vous attendez de moi.
(Protestations sur les
travées des Républicains et Indépendants.)
M. Henri de Raincourt.
Non !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
J'ai une raison supplémentaire
de le faire, c'est que M. le rapporteur général a exprimé, avec le talent que
nous lui connaissons et, aussi, avec beaucoup de conviction, ce que pense la
majorité de notre commission des finances.
M. Raymond Courrière.
Eh bien, ce n'est pas brillant !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Mon cher collègue, vous avez
fait de meilleures interruptions !
M. Jean-Guy Branger.
Celle-ci n'est pas bonne !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Voilà qui est envoyé
!
M. le président.
Cessez ce bavardage ! On écoute le président de la commission des finances, un
point c'est tout.
M. Michel Moreigne.
Avec attention, intérêt et déférence !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le président de la commission des finances !
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Nous sommes au crépuscule d'une
législature, et j'essaierai, monsieur Moreigne, de tirer quelques enseignements
que j'espère utiles, et je vous poserai, madame la secrétaire d'Etat, quelques
questions pour tenter d'élucider certains points qui me paraissent essentiels
pour l'avenir de notre pays.
Le Gouvernement conduit-il la politique souhaitée par ses ministres des
finances ? Et, dans l'affirmative, pourquoi un tel écart entre les discours et
les actes ?
La réforme est-elle impossible en France ? Quand notre pays aura-t-il
l'énergie, le soutien du peuple et le courage nécessaires pour engager les
réformes de structures sans cesse reportées et pourtant si urgentes ?
(M.
Joyandet applaudit.)
M. Henri de Raincourt.
C'est bien le plus grave !
M. René-Pierre Signé.
Pourquoi ne les ont-ils pas faites ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je vous en prie, monsieur Signé,
votre propos est si parfait qu'il mérite d'être écouté, mais essayez au moins
d'être concis : vous nous dérangez dans nos explications.
M. René-Pierre Signé.
Il ne faut pas dire n'importe quoi, non plus !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Monsieur Signé, je voudrais
savoir si le Gouvernement applique la politique des ministres des finances, et
si les ministres des finances appliquent la politique qu'ils affichent.
Je vous donnerai quelques exemples de discordances.
Dominique Strauss-Kahn énonçait en 1997 des principes de gestion budgétaire en
forme de guide pour la nouvelle majorité - et bien sûr de reproche au
gouvernement précédent.
Il affirmait la nécessité de mettre à profit la période de haute conjoncture
qui s'ouvrait « pour réduire le déséquilibre structurel des finances publiques
» afin « d'accroître les marges de manoeuvre ». Il ajoutait un précepte qui,
pour moi, reste le premier commandement de la gestion budgétaire : «
L'efficacité de la politique budgétaire suppose [...] une moindre rigidité de
la structure de nos dépenses. »
Ce sont des recommandations que la commission des finances n'a cessé de
rappeler au Gouvernement, sans jamais être entendue.
M. Raymond Courrière.
Il ne fallait pas le faire !...
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
M. Fabius avait mis davantage
l'accent sur la baisse des impôts, sans jamais convaincre la gauche - qui n'est
jamais aussi plurielle qu'en matière budgétaire - d'une évidence pourtant si
simple : les impôts fournissent les recettes ; ces recettes financent les
dépenses ; et pour réduire sérieusement les impôts, il faut avoir le courage de
s'attaquer aux dépenses.
En mars 1999, Laurent Fabius dénonçait l'insupportable niveau des prélèvements
obligatoires.
M. René-Pierre Signé.
Ceux de Juppé !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Signé au musée !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Il écrivait alors : « Comment
moins prélever ? En enrayant la progression de la dépense budgétaire. »
Rien de ce magnifique programme, Strauss-Khan-Fabius n'aura été appliqué.
Méditez donc ce que disent vos ministres, mes chers collègues !
Je crois pourtant que la France a besoin d'une telle politique et qu'il faudra
bien la mener. Mais votre majorité, madame la secrétaire d'Etat, n'était pas
celle qui convenait pour le faire.
Aucun des sages principes de gestion énoncés par les ministres successifs
n'est appliqué, et la France est aujourd'hui dépourvue de marge de manoeuvre
pour faire face au ralentissement conjoncturel qui s'annonce. La preuve : vous
ne pouvez pas maintenir le moteur au régime initial. Les fameux «
stabilisateurs automatiques » ne stabilisent rien du tout !
Voilà qui me conforte dans ma conviction que, si la mauvaise conjoncture est
toujours à l'origine des déficits, le creusement des déficits n'est en revanche
jamais à l'origine de la bonne conjoncture !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
L'exécution 2001 le démontre, le
déficit se creuse. Où se niche donc la stabilisation de la croissance que cette
détérioration financière serait censée soutenir ? Nulle part : la croissance
diminue !
Madame la secrétaire d'Etat, pourquoi ne pas avoir profité de cette période
inespérée de croissance pour enclencher enfin le processus de réformes de
structures indispensables et urgentes dont la France a besoin ?
Votre gouvernement aura bénéficié pendant quatre ans d'une chance insolente.
Je ne le lui reproche pas. Je m'en réjouis pour lui, mais j'aurais aimé qu'il
en fasse un meilleur usage pour la France.
M. René-Pierre Signé.
Ce n'est pas seulement de la chance !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Observons rapidement ces quatre
dernières années budgétaires avec le projet de loi de finances pour 2002 en
perspective. Que constate-t-on ?
Les recettes de l'Etat auront bondi grâce à l'augmentation des impôts et grâce
à la croissance. Vous aurez même battu le record des prélèvements obligatoires,
puisqu'en 1999 ils représentaient 45,6 % du produit intérieur brut, et vous
n'ambitionnez plus guère que de retrouver la situation que vous dénonciez à
votre arrivée ! Selon vos propres chiffres, vous aurez relevé les impôts, de
1997 à 2002, de plus de 600 milliards de francs.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Pas les impôts, leur assiette !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
La croissance vous avait aidés à
battre votre record ; elle n'est plus au rendez-vous. Alors, vous vous
précipitez sur les prélèvements non fiscaux, sur les recettes « à un coup »,
sur les « fonds de tiroirs », en ponctionnant plus de 30 milliards de francs
supplémentaires.
S'agissant des dépenses, vous affirmez avoir tenu les objectifs fixés dans les
différents programmes de stabilité transmis à Bruxelles. Je note toutefois que,
de programme en programme, vos objectifs sont toujours moins ambitieux. Vous
disiez 1 % sur trois ans en l'an 2000, vous ne parlez plus que de 1,5 % sur
trois ans en 2002. C'est tout simplement moitié plus !
Mais le plus grave, madame la secrétaire d'Etat, réside dans vos choix pour
limiter la hausse des dépenses !
A mille lieues de la saine prescription du bon docteur Strauss-Kahn, vous avez
réduit les dépenses non répétitives et augmenté les dépenses rigides. De 1997 à
2002, les dépenses de fonctionnement de l'Etat auront augmenté de 15 %. Dans le
même temps, les dépenses d'équipement civil et militaire, elles, auront
carrément diminué de 1 %.
Parmi les dépenses de fonctionnement, les plus rigides ont été les plus
dynamiques : les salaires des fonctionnaires, avec une augmentation de 15 %, et
les retraites des fonctionnaires, qui ont crû de 39 %, sont les plus rigides
d'entre toutes.
En matière de dépenses - le rapporteur général l'a dit, et son analyse n'était
pas excessive -, la politique du Gouvernement aura consisté à financer le
présent, à financer l'immédiat en sacrifiant les dépenses d'investissement, qui
seules, pourtant, préparent l'avenir.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le
Charles-de-Gaulle !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Priorité aura été donnée aux
dépenses de confort intérieur, au détriment des dépenses de souveraineté. Je
prendrai l'exemple, mes chers collègues, de l'aide au développement.
Quel est ce gouvernement et cette majorité qui s'interrogent doctement sur les
effets de la mondialisation, qui instaurent une taxe Tobin en France, qui
donnent des leçons de solidarité au monde entier, et qui auront réduit l'aide
de la France aux pays pauvres de 10 % depuis 1996 ?
M. Jacques Pelletier.
C'est tout à fait vrai !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Ce gouvernement, madame la
secrétaire d'Etat, c'est le vôtre ; cette majorité, chers collègues de la
minorité sénatoriale, c'est la vôtre.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Absolument ! C'est la vérité !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
La vérité, madame la secrétaire
d'Etat, est que le financement des « avantages acquis » de la fonction publique
aura été la vraie priorité de votre gouvernement, loin devant toutes les formes
de solidarité si généreuses en paroles, mais si pauvres en crédits.
S'agissant enfin des déficits publics, ils se sont réduits de manière purement
conjoncturelle puisque, depuis 2000, le noyau dur des déficits stagne autour de
140 milliards de francs.
Madame la secrétaire d'Etat, pour conclure, pourquoi, depuis 1997, la
politique des finances publiques du Gouvernement aura-t-elle donné une telle
priorité à la fonction publique et, d'une manière générale, aux avantages
sociaux de ceux qui ont un emploi ? Je ne vous assène pas le discours
bien-pensant officiel, je lis vos chiffres. Malgré une croissance très forte et
un environnement international porteur, aucune des réformes fondamentales
nécessaires pour mettre nos finances publiques en situation d'affronter
l'avenir n'aura été entreprise. Où est l'amorce de la réforme des retraites
dont Laurent Fabius disait, cet été, vouloir imprimer la marque dans le projet
de budget ?
Madame la secrétaire d'Etat, je ne me résous pas à ce que la France soit
condamnée pour l'éternité à la confusion entre l'intérêt général et l'intérêt
de ceux qui sont chargés de le servir ! Durant quatre années, votre
gouvernement aura entretenu cette confusion.
M. Adrien Gouteyron.
Très bien !
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
De cette tribune, du plus
profond de mes convictions, je veux l'en blâmer.
Je crois que le premier devoir du politique est de montrer aux Français que la
dépense publique est financée par leurs impôts, en cessant de leur faire croire
qu'un gouvernement peut être généreux. Un gouvernement ne l'est jamais ! Il
adresse une partie de la facture aux contribuables et le reste, par la dette,
est renvoyé à leurs enfants.
C'est pourquoi j'ai tant voulu la réforme de la loi organique. J'espère
qu'elle permettra d'orienter l'action politique en faveur des missions de
l'Etat, et non plus exclusivement en faveur des corps sociaux en charge de ces
missions.
Ce projet de budget pour 2002 flatte l'égoïsme des Français. Il cherche à
maintenir leurs yeux fermés face aux immenses défis qui leur sont lancés. C'est
pourquoi, cette année encore, la commission des finances ne vous suivra pas
dans cette illusion dangereuse de la facilité. Elle convie le Sénat à emprunter
la seule voie digne de la France et des Français, celle du courage et de la
responsabilité.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'intervention ès qualités du
président de la commission des affaires sociales dans la discussion générale du
projet de loi de finances a une signification forte, et je remercie M. le
président de la commission des finances de l'avoir voulu ainsi.
Il y a quelques jours, lors de la discussion générale du projet de loi de
financement de la sécurité sociale, notre collègue Alain Joyandet s'est
excellement exprimé au nom de la commission des finances. Mon intervention
s'inscrit symétriquement dans le souci de nos deux commissions d'exprimer, sur
les deux textes financiers dont le Parlement est saisi à l'automne, des
analyses communes et des propositions coordonnées.
Grâce à l'initiative conjointe de Philippe Marini et de notre ancien collègue
Charles Descours, le Gouvernement devra présenter, en octobre prochain, en
prélude à la discussion du projet de loi de finances et du projet de loi de
financement, un rapport retraçant, selon l'article 52 de la nouvelle loi
organique, « l'ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi que leur évolution
».
Le débat auquel nous souhaitons que ce rapport donne lieu est un premier pas
utile, même s'il est loin d'épuiser les relations complexes qui se sont nouées
entre le budget de l'Etat et celui de la protection sociale.
Il ne dispense pas davantage notre commission d'agir pour donner aux lois de
financement de la sécurité sociale la cohérence et la rigueur qui leur
permettront de retrouver l'ambition qui était celle des constituants de
1996.
De fait, l'an dernier, mon prédécesseur, M. Delaneau, avait beaucoup insisté
sur la métamorphose fâcheuse de ces lois, transformées en instrument de
financement de la politique de l'emploi et de la politique fiscale du
Gouvernement.
Il n'est guère besoin de revenir longuement sur ces deux points. D'une part,
le Conseil constitutionnel a mis un terme au projet du Gouvernement d'instaurer
une ristourne dégressive de CSG. D'autre part, la question du fonds de
financement des 35 heures - le fameux FOREC - a évolué comme il était
prévisible qu'il le fasse, c'est-à-dire mal.
Le Gouvernement accentue en 2001 et poursuit en 2002 une politique que, devant
le Sénat, Mme Ségolène Royal a tenu à qualifier d'« astucieuse » : la sécurité
sociale est compensée intégralement du coût que représentent pour elle les 35
heures, grâce à des recettes qui lui sont confisquées. C'est une « astuce »
effectivement, mais qui n'amuse
a priori
que le Gouvernement.
L'affaire est d'autant plus grave qu'en définitive la sécurité sociale, qui,
déjà, avait été ponctionnée pour financer le FOREC en 2000, supportera pour cet
exercice un déficit résiduel de 15 milliards de francs. Le Gouvernement, par «
souci de transparence » et afin, comme le disait Mme Guigou, de « ne pas céder
à la facilité » n'a pas honoré la créance que détenait la sécurité sociale sur
l'Etat.
Au total, avec 30 milliards de francs de prélèvement pour la première et 7
milliards de francs pour la seconde, la sécurité sociale et l'UNEDIC
financeront, selon l'évaluation même de Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité, plus de 100 % du coût des 35 heures en 2002 !
Vous reconnaîtrez, madame la secrétaire d'Etat, qu'il s'agit là d'une
application particulièrement « astucieuse » de la théorie, au demeurant fort
contestable, des retours pour les finances publiques des créations d'emplois
que le Gouvernement prête à sa politique de réduction du temps de travail.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
« Prête »...
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Tout, en réalité, a été
dit, et excellemment rappelé par M. le rapporteur général, sur le FOREC. Aussi
souhaiterais-je insister particulièrement sur deux points qui me semblent nuire
fortement à la lisibilité de l'action publique : le premier porte sur la
gestion des dettes et des réserves, le second sur le financement de la lutte
contre le bioterrorisme.
Les dettes et les réserves, tout d'abord : comme vous le savez, mes chers
collègues, la création d'un fonds de réserve et la mise en place d'une
commission constituent les deux piliers de la politique de réforme des régimes
retraites conduite par le Gouvernement - certains, moins indulgents que je ne
le suis, évoqueront les deux piliers de l'« absence » de politique de réforme
des retraites...
Ces réserves me semblent, en définitive, fictives puisqu'elles se constituent
au détriment du remboursement de la dette publique, et parfois même directement
par le creusement d'une dette supplémentaire. Curieuse façon en vérité de
préparer l'avenir !
Ainsi, l'an dernier, avec le plein accord de la commission des finances, nous
avions contesté l'affectation d'une partie du produit des licences UMTS au
fonds de réserve pour les retraites puisque nous avions constaté que cette
politique se faisait au détriment de la caisse d'amortissement de la dette
publique, la CADEP, c'est-à-dire au détriment du désendettement de l'Etat.
Il nous avait semblé vain de vouloir constituer des réserves avant de
rembourser les dettes.
Nous ne voyons pas les choses différemment en 2002 dès lors que la CADEP est
désormais totalement privée des recettes provenant des licences UMTS, qui, il
est vrai, ont fondu entre temps.
Mais l'exercice 2002 comporte deux innovations fort inquiétantes.
La première, qu'ont soulignée à juste titre tant le rapporteur du projet de
loi de financement de la sécurité sociale, M. Vasselle, que M. Fourcade,
concerne directement le présent projet de loi de finances.
L'Etat a en effet choisi de majorer de 30 milliards de francs sur la période
2002-2005, avec 7,5 milliards de francs pour la seule année 2002, le
prélèvement qu'il opère sur la caisse d'amortissement de la dette sociale, la
CADES. En agissant ainsi, il place pendant cinq ans cet établissement dans
l'impossibilité de remplir sa mission, qui est pourtant précisément le
remboursement de la dette sociale.
La seconde innovation relève du projet de loi de financement de la sécurité
sociale. Ce dernier prévoit que non seulement la totalité des excédents de la
branche vieillesse mais également une partie des excédents de la branche
famille alimenteront le fonds de réserve des retraites.
Ce faisant, le Gouvernement feint d'oublier que le régime général comporte une
troisième branche, l'assurance maladie. En prélevant les excédents des branches
famille et vieillesse, l'Etat laisse au régime général le soin de faire face au
déficit cumulé de la branche maladie, qui s'élèvera à la fin de l'année 2002 à
plus de 60 milliards de francs. J'ajoute que ce chiffre est probablement
largement sous-estimé, dès lors qu'il suppose que les prévisions pour le moins
volontaristes du Gouvernement se vérifieront l'an prochain.
Au total, la constitution de réserves pour les retraites se fait au détriment
du désendettement de l'Etat, s'accompagne d'un arrêt du remboursement de la
dette sociale existante et se traduit, de surcroît, par le gonflement d'une
nouvelle dette sociale qui ne pourra pas longtemps être simplement passée sous
silence.
Telle est la raison pour laquelle j'ai pu considérer que les réserves
constituées pour les retraites étaient, pour partie, fictives.
J'ajoute que lorsqu'un gouvernement se montre incapable de respecter les
échéances de remboursement d'une dette, il n'y a guère de raison qu'il soit
plus constant dans une politique de constitution de réserves.
Mon deuxième point a également trait à une confusion dommageable de l'action
publique : il y a quelques jours, dans le cadre de la discussion du projet de
loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement demandait à notre
assemblée de voter une contribution de la CNAM au budget de l'Etat.
M. Alain Gournac.
Oui !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Cette contribution,
qualifiée d'exceptionnelle et fixée - pardonnez-moi du peu ! - à 1,3 milliard
de francs pour l'exercice 2001, devait alimenter un fonds de concours destiné à
« l'achat, au stockage et à la livraison de traitements pour les pathologies
résultant d'actes bioterroristes ».
Sur proposition de la commission des affaires sociales, et à l'unanimité, le
Sénat a tenu à préciser qu'il ne devait s'agir que d'une avance dans l'attente
d'une mobilisation par l'Etat des crédits nécessaires. Nous avons en effet
considéré qu'il s'agissait là de l'une des missions les plus régaliennes de
l'Etat et nous avons estimé qu'il était important pour nos concitoyens, comme
il était nécessaire à l'égard de la communauté internationale, qu'une telle
mission soit clairement reconnue sans la moindre ambiguïté.
Nous avons souligné que la crise que nous connaissons devait être l'occasion
d'affirmer l'existence d'un véritable budget de la santé publique, distinct de
celui de l'assurance maladie.
Croyez-le, madame la secrétaire d'Etat, sur une question aussi grave, il ne
s'est pas agi pour nous de défendre à tout prix une caisse contre une autre,
non plus que les comptes de l'assurance maladie contre les finances de
l'Etat.
Parallèlement, en effet, le collectif budgétaire de 2001 ouvre une enveloppe
de crédits de 2 milliards de francs pour financer le remplacement des
personnels absents à l'hôpital.
Comment, dès lors, expliquer qu'il n'ait pas été possible de dégager les
moyens budgétaires nécessaires pour financer la constitution d'un stock
stratégique de médicaments destinés à faire face à une crise majeure ? Est-il
intelligible que l'Etat, dans le même temps, « bouche les trous » à l'hôpital
mais se défausse de la lutte contre le bioterrorisme sur la sécurité sociale
?
Je vous donne acte que le président de la CNAM ne s'y est pas opposé - j'ai
tenu à lui poser personnellement la question - mais, en tant que parlementaire,
je vous demande de tenir compte du vote du Sénat et d'inscrire au budget de
l'Etat les moyens qui lui permettent de faire face à l'une de ses missions les
plus essentielles.
Il y va de la lisibilité de l'action publique et de la clarté de notre
discours face à la menace à laquelle notre pays doit faire face.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste et du RPR.)
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze
heures.)