SEANCE DU 4 DECEMBRE 2001
La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le ministre, les professionnels de la pêche sont très inquiets ; il
convient aujourd'hui de créer les conditions nécessaires pour rassurer les
pêcheurs et leur redonner espoir.
De nombreux mouvements sociaux se sont déclenchés, il y a quelques semaines,
dans les principaux ports français. Les pêcheurs ont manifesté pour protester
contre plusieurs projets de directive européenne concernant, principalement,
l'augmentation des mailles des filets et la reconstitution des stocks de merlus
et de cabillauds. A cela s'ajoute la forte mobilisation des pêcheurs face à la
crise de l'anchois.
L'ensemble des marins pêcheurs sont aussi profondément hostiles aux
orientations prônées par le Livre vert : si on les suivait, elles devraient
entraîner une réduction de 40 % des volumes de pêche, avec, pour conséquence,
une diminution d'une bonne partie de la flotte et des emplois dans ce secteur
d'activité déjà fortement sinistré.
La Commission dresse un constat d'échec de la politique commune de la pêche
qui n'a pas permis l'utilisation durable des ressources halieutiques
disponibles, ce qui était l'objectif fixé.
Les plans d'ajustement de la flotte de pêche élaborés dans le cadre des
programmes d'orientation pluriannuels, les POP, ont montré toutes leurs
limites.
Sur le plan de l'emploi, le bilan est particulièrement négatif. En huit ans,
en effet, ce ne sont pas moins de 21 % des emplois qui ont disparu dans l'Union
européenne. Et, sur de nombreux points, les objectifs de l'actuelle politique
commune de la pêche semblent contradictoires et difficilement réalisables,
qu'il s'agisse, par exemple, de maintenir l'emploi tout en réduisant la
capacité de la flotte, ou encore d'assurer des conditions convenables de
rémunération aux pêcheurs, alors que les importations ne cessent d'augmenter et
que la concurrence s'intensifie.
De même, la poursuite de l'effort de pêche ainsi que l'autorisation de droits
de pêche dans les eaux des pays tiers semblent difficilement compatibles avec
une exploitation à long terme des ressources.
Si une réforme de la politique commune de la pêche est une nécessité,
remarquons qu'une fois de plus la Commission s'enferme dans une réflexion
purement écologique qui fait abstraction des aspects socio-économiques. Ainsi,
les questions concernant la formation, la qualification, l'amélioration des
conditions de travail, la sécurité ne sont pas réellement abordées. Tous ces
éléments sont autant de facteurs qui contribueraient pourtant à accroître
l'efficacité économique de ce secteur et à revaloriser une profession qui en a
bien besoin.
Dans certaines régions, les pêches maritimes jouent, sur le plan
socio-économique, un rôle essentiel du fait des nombreuses activités qu'elles
induisent. Ainsi, les pêches bretonnes, qui représentent 40 % de la puissance
totale de la flottille française, constituent l'un des pivots de l'activité
économique de la région.
Depuis 1988, le nombre des navires de pêche a pourtant été réduit de 44 %,
dans le même temps que, faute de moyens, le parc de la flotte vieillissait,
compromettant, à terme, le maintien d'une flotte propre à assurer la
rentabilité et la compétitivité des entreprises.
Le renouvellement des navires est devenu indispensable, non seulement pour
accroître la sécurité des équipages, mais aussi pour ménager de meilleures
conditions de travail et de rémunération, rendant ainsi à nouveau plus
attractif ce métier, notamment auprès des jeunes. Et nous sommes loin de penser
que la solution aux difficultés que connaît actuellement l'activité de la pêche
réside dans la diminution des capacités de la flotille et du nombre des
navires.
La crise que traverse le monde de la pêche ne devrait-elle pas inciter le
Gouvernement à consacrer davantage de crédits, dans ce budget, en faveur du
développement de l'aquaculture, afin d'assurer la transition, en attendant la
remise à niveau des ressources halieutiques et de réduire notre degré de
dépendance en termes d'exportations ?
Certes, l'aquaculture est à la pêche ce que les cultures et l'élevage
intensifs sont à l'agriculture. Cependant, si cette culture est conduite avec
la rigueur sanitaire nécessaire dans des eaux de qualité, elle peut contribuer
à assurer la transition en attendant des jours meilleurs pour le milieu
naturel. La truite arc-en-ciel, truite d'élevage, est un exemple de brillant
succès dans ce domaine.
M. Jacques Blanc.
Et la truite fariol !
M. Gérard Le Cam.
Les difficultés actuelles de la pêche française sont avant tout l'héritage de
la politique européenne dont nous avons critiqué les fondements et les
directives depuis qu'elle existe. Néanmoins, un budget national plus conséquent
doit l'emporter sur les critères européens ; il y va de la vocation et de la
tradition maritime de notre pays.
(Applaudissements sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jacques Blanc.
L'aquaculture, ce sont aussi les farines animales !
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° II-62, présenté par MM. César et Bizet, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 2 286 739 euros. »
L'amendement n° II- 67 rectifié
bis,
présenté par M. Le Cam et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 762 245 euros. »
La parole est à M. César, pour présenter l'amendement n° II- 62.
M. Gérard César.
Après le vin, le lait !
(Sourires.)
Il s'agit de compenser, par une réduction des crédits relatifs au CTE, les
conséquences de la décision prise, en juillet 2000, par le Conseil des
ministres européens de réduire la subvention européenne pour la distribution du
lait à l'école. Le gouvernement français, en conséquence, avait prévu de
réserver désormais cette distribution aux écoles situées en zones d'éducation
prioritaire et en zones urbaines sensibles. Et les autres enfants ? Il y a
suffisamment de médecins ici pour le confirmer : malheureusement, la
dénutrition peut se trouver partout. Nous souhaiterions donc que les
distributions de lait soient étendues à d'autres établissements scolaires.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour présenter l''amendement n° II- 67 rectifié
bis.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement a pour objet de pallier la réduction de la subvention
européenne au titre de la distribution du lait dans les écoles. Nous voudrions
faire deux remarques à cet égard.
Premièrement, nous nous interrogeons sur l'attitude du Conseil des ministres
européens au regard de la subvention pour la distribution du lait.
Dans une réponse à une question écrite que je vous avais posée au mois de
juin, et à laquelle vous m'aviez répondu en août, soit des délais très brefs,
vous m'avez fourni quelques éléments que je livre à la réflexion du Sénat.
Décidée en 1994, cette aide européenne devait être jugée inefficace par la
Commission en 1999. Se fondant sur un rapport d'évaluation de l'effet et du
coût de cette subvention, la Commission a envisagé de supprimer tout soutien
communautaire. Il était bien question de coût, mais à aucun moment le rapport
ne faisait référence aux besoins des enfants. En d'autres termes, on n'avait
pas du tout avancé d'arguments sur le fond.
Dans la même réponse, vous m'indiquiez, monsieur le ministre, qu'il était
envisagé de réduire de moitié le budget de ce programme pour 2000 avant de le
supprimer. Un tel projet a, bien évidemment, suscité de nombreuses oppositions
des Etats membres, dont la France, et je sais, monsieur le ministre, que vous
avez personnellement réagi. Cette diminution de crédits pouvait apparaître
comme une remise en cause des accords de Berlin s'agissant d'un cofinancement
obligatoire. Mais vous n'avez pas seulement protesté contre ce qui
s'apparentait à une remise en cause d'accords communautaires, vous avez
manifesté votre opposition sur le fond, par rapport à ce que cela représentait
pour les enfants de nos écoles.
Dans un troisième temps, un compromis a été trouvé, sous la présidence
française. Ainsi donc, l'aide communautaire ne serait pas supprimée, grâce aux
interventions de la France, mais diminuerait, passant de 95 % à 75 %, avec
possibilité pour les Etats membres d'apporter une contribution nationale.
Depuis le 1er janvier 2001, les nouvelles modalités du dispositif sont en
application. Des crédits nationaux sont donc accordés aux établissements situés
dans les ZEP et les ZUS.
Ma seconde remarque porte sur la nécessité d'accroître les aides
communautaires pour les généraliser à l'ensemble des établissements scolaires.
Il s'agit d'un problème de santé publique qui concerne toute la population, et
pas seulement les personnes les plus démunies vivant dans les ZEP. Tous les
phénomènes de dénutrition ou les problèmes d'équilibre alimentaire se
retrouvent également dans nos villes, et pas seulement dans les quartiers
défavorisés.
Le lait, je vous le rappelle, n'est pas seulement un aliment complet : il est
l'aliment le plus complet qui soit ! D'ailleurs, monsieur le ministre, vous en
êtes convaincu, puisque vous avez pris des engagements lors du Conseil
européen.
Je voudrais attirer votre attention et celle de mes collègues sur le fait
qu'une maladie comme l'ostéoporose, en passe de devenir d'ailleurs un problème
de santé publique, fait apparaître une insuffisance assez générale de calcium
dès la petite enfance. Or, en moyenne, il faut à l'être humain de 900
milligrammes à 1 000 milligrames de calcium par jour, ou encore 1 200
milligrammes pour les enfants, les adolescents, les femmes enceintes et les
personnes âgées.
Toute insuffisance de calcium a des conséquences irréversibles sur la santé,
notamment au moment de la croissance. Je me permets de rappeler, dans le même
ordre d'idées, qu'un demi-litre de lait apporte autant de protéines que 100
grammes de viande ou de poisson.
Et pourquoi ne pas concilier alimentation saine, résorption des surplus
laitiers dont souffrirait l'agriculture et aide aux collectivités locales, qui
font elles-mêmes des efforts pour distribuer le lait dans les écoles ?
Il faut passer outre les oukases de Bruxelles et prendre de nouvelles mesures
au nom d'un intérêt national évident. Le Sénat se doit de défendre le lait,
comme beaucoup d'autres produits, d'ailleurs !
Tel est l'objet de cet amendement. Je n'ignore pas plus que M. Delfau les
conséquences qu'entraînerait la suppression de crédits dont, évidemment, nous
ne remettons pas en cause l'utilité. Mais telles sont les rigueurs de notre
procédure budgétaire...
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s II-62 et
II-67 rectifié
bis
?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Nous l'avons tous compris, ce sont des amendements
d'appel. J'ignore si M. le ministre est en mesure d'entendre un tel appel mais,
au nom de la commission des finances, en l'état, je vous demanderai, mes chers
collègues, de bien vouloir retirer vos amendements respectifs.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je buvais du petit lait en
écoutant Mme Beaudeau retracer le combat que j'ai mené devant le Conseil
européen !
(Sourires.)
Voilà plus de deux ans, en effet, la France avait
fait l'objet d'une offensive de la part de certains de ses partenaires
européens qui considéraient qu'il fallait purement et simplement supprimer ce
programme d'intervention. Il a fallu mener bataille, mais nous avons obtenu un
compromis, sous présidence française, qui nous a permis de sauver la
distribution de lait dans les écoles. Restait à tirer les conséquences, sur les
crédits d'Etat, de ce compromis.
Cela étant rappelé, je souhaite le retrait de ces amendements, n'imaginant pas
une seconde que M. César ait réellement l'intention de rouvrir le débat sur le
CTE, qui est un excellent dispositif, ni que Mme Beaudeau envisage vraiment de
remettre en cause les bourses pour le ramassage scolaire, ce qui, dans l'un et
l'autre cas, serait bien ennuyeux !
(Sourires.)
Le problème soulevé ici est bien réel mais, pour moi, il est résolu. J'ai
majoré de 15 millions de francs les crédits de l'ONILAIT pour faire face à
cette dépense supplémentaire que constitue le cofinancement par l'Etat de cette
action. La dépense a été inscrite dans le budget de l'ONILAIT et a fait l'objet
d'une délibération unanime du conseil d'administration de l'office.
Encore une fois, pour moi, le problème est résolu.
M. le président.
L'amendement n° II- 62 est-il maintenu, monsieur César ?
M. Gérard César.
Non, monsieur le président, je le retire. Il s'agissait simplement d'un
amendement d'appel.
M. le président.
L'amendement n° II- 62 est retiré.
L'amendement n° II-67 rectifié
bis
est-il maintenu, madame Beaudeau
?
Mme Marie-Claude Beaudeau.
La réponse de M. le ministre me laisse quelque peu sceptique. J'avais cru
comprendre que la somme de 15 millions de francs était insuffisante.
Monsieur le ministre, étant donné les motifs qui m'ont guidée dans la défense
de cet amendement, vous comprendrez que je ne puisse le retirer.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
La différence entre nous,
madame Beaudeau, tient au fait que nous réservons le bénéfice de la mesure aux
établissements scolaires qui accueillent les enfants en difficulté, tout
simplement ! Voilà pourquoi nos chiffres diffèrent.
Je dois dire qu'il faudrait sans doute aller plus loin et, dans certains
endroits, distribuer gratuitement de véritables petits déjeuners, tant il est
vrai que certains enfants vivant dans des quartiers difficiles partent de chez
eux, le matin, le ventre vide.
Je le dis avec ma spontanéité habituelle, il n'est pas indispensable de
procéder à ces distributions dans les établissements implantés au coeur de nos
centres-villes ou dans certaines agglomérations. Madame Beaudeau, oui, nous
avons privilégié les ZEP, parce qu'il me paraissait nécessaire d'en faire des
cibles prioritaires.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II- 67 rectifié
bis
, repoussé par la
commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° II- 65 rectifié
bis
, présenté par MM. Jacques Blanc,
Amoudry, Gruillot, Emin, Mathieu, Haenel, Fournier, Paul Blanc, Jean Boyer,
Faure, Badré, Jarlier et Hérisson, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 15 240 000 euros. »
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc.
Nous avons fait l'éloge du lait, mais on aurait pu tout aussi bien vanter les
vertus du vin !
(Sourires.)
A condition d'en boire toujours modérément,
il est démontré scientifiquement que deux verres de vin par jour, c'est bon
pour la santé.
Je n'ai pas voulu vous interrompre tout à l'heure, monsieur le ministre, mais,
bien entendu, s'agissant du vin, nous savons bien que les dispositions de
crise, la distillation, notamment, sont des mesures d'opportunité tout à fait
indispensables. Je tiens à vous annoncer que la chambre régionale d'agriculture
de Languedoc-Roussillon a déposé un plan d'adaptation qui a été présenté à M.
Berthomeau. Il vous sera remis également.
J'en viens à mon amendement, qui ne vise pas, monsieur le ministre, à
soustraire de l'argent aux CTE.
M. Gérard Delfau.
Encore !
M. Jacques Blanc.
L'amendement n° II-65 rectifié
bis
a un double objet.
D'abord, il vise à augmenter l'enveloppe des indemnités compensatoires des
handicaps naturels, les ICHN. Vous vous êtes engagé, tout à l'heure, à le
faire, mais nous vous en demandons confirmation. En effet, ces indemnités sont
désormais calculées en fonction de la surface fourragère, ce qui entraînera des
besoins de financement supplémentaires.
Nous souhaitons également attirer votre attention sur le problème des laitiers
purs en zone de piémont, sur la valorisation supplémentaire des vingt-cinq
premiers hectares, sur l'éligibilité de l'arboriculture fruitière dans le cadre
des montagnes sèches.
Ensuite, cet amendement aborde la question des CTE. Sans vouloir rouvrir le
débat - c'est l'avenir qui tranchera ! - je souhaite vous alerter sur le fait
que, si tout devait passer par les CTE, ce serait aux dépens de certaines
interventions indispensables pour l'avenir des agriculteurs.
Ainsi, des mesures agri-environnementales, acceptées par le comité STAR, le
comité de gestion des structures agricoles et du développement rural, il y a
quelques jours, donnent la possibilité de prendre en compte des techniques de
production par rotation.
Je m'explique. Si un agriculteur de ma région, le Languedoc-Roussillon,
choisit de faire un an du tournesol, un an du blé dur, et l'année suivante du
soja ou des protéines végétales non génétiquement modifiées, comme l'Europe l'y
autorise désormais, mais se voit dès lors obligé de passer par un CTE, ce sera
l'échec.
Ce n'est pas remettre en cause la politique des CTE que de vous demander de ne
pas exiger que toutes les mesures européennes passent par eux !
Ma question rejoint d'ailleurs une autre préoccupation : consommera-t-on
l'ensemble des crédits du FEOGA garanti, qui alimente le programme de
développement rural national, le PDRN ? Nous le savons, l'enveloppe risque
d'être partiellement perdue pour notre pays.
Pourtant, une grande partie de ces mesures avaient été décentralisées,
notamment certaines mesures agri-environnementales, nous aurions été assurés
que l'ensemble des enveloppes auraient été consommées normalement. L'enjeu est
donc réel.
Même si je conserve mon opinion, je ne remets pas en cause le principe des CTE
- après tout, c'est votre affaire ! ; mais je vous demande de ne pas bloquer le
reste.
Ma question est donc claire : confirmez-vous, monsieur le ministre, la volonté
que vous avez exprimée tout à l'heure d'augmenter l'enveloppe des indemnités
compensatoires de handicaps naturels en montagne, en prenant en compte les
points que je viens d'évoquer ? Etes-vous prêt, monsieur le ministre, à
poursuivre votre politique des CTE sans faire de ceux-ci un passage obligatoire
pour certaines mesures, dont les mesures agri-environnementales ?
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
La commission souhaite entendre le Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jacques Blanc présente un
amendement pour me poser trois questions !
(Sourires.)
La première question concerne les indemnités compensatoires de handicaps
naturels. J'ai pris l'engagement très ferme, que je répète aussi clairement que
possible, de porter les crédits qui leur sont destinés de 2,5 milliards de
francs dans le budget pour 2001 à 3 milliards de francs. Vous n'en trouvez que
2,8 milliards dans le « bleu », mais je vous confirme que, par le jeu des
reports et des reliquats, voire par une loi de finances rectificative, ce sont
bien 3 milliards de francs qui seront disponibles pour l'indemnité
compensatoire de handicaps naturels.
Votre deuxième question est plus complexe. Vous évoquez, en particulier, une
réforme structurelle très importante qui viserait à régionaliser le programme
de développement rural national, le PDRN.
C'est une bonne idée - j'y réfléchis moi-même depuis quelque temps
(Sourires)
- mais il s'agit d'une réforme vraiment structurelle sur
laquelle nous devrions être amenés à faire des propositions à la Commission
pour 2006, puisque notre PDRN, sous sa forme nationale, est validé jusqu'à
cette date. Nous avons donc un peu de temps devant nous - à moins que l'un de
mes successeurs ne veuille réformer le plan d'ici là, en le renégociant région
par région avec la Commission ! Je lui proposerai plutôt de garder cela pour
2006 et d'y réfléchir tranquillement.
Mais, pour tout vous dire, je trouve que l'idée est bonne.
Enfin, la mesure dite « rotationnelle » des cultures est une très bonne mesure
- et pour cause : c'est moi qui l'ai proposée à la Commission ! - et je vous
remercie sincèrement, monsieur le sénateur, de l'avoir appuyée.
Nous cherchions une mesure intelligente pour encourager les producteurs
d'oléoprotéagineux, car nous considérions que les accords de Berlin, signés en
2000, portaient une atteinte très dommageable à la culture de ces produits qui,
écologiquement très propres et très naturels, sont en outre de bonnes têtes
d'assolement.
Après de longues discussions avec la Commission, la proposition du
Gouvernement français de mettre en oeuvre un encouragement à la rotation des
cultures vient d'être retenue. C'est enfin une bonne nouvelle pour les
producteurs d'oléoprotéagineux de notre pays, et je m'en réjouis.
Reste à savoir comment mettre cette mesure en oeuvre. La réservera-t-on aux
CTE, comme le craint M. Blanc, ou bien élaborera-t-on une mesure
agri-environnementale ? Ma décision n'est pas prise - j'allais dire que ma
religion n'est pas faite, mais je préfère encore la première formule ! - car
les deux solutions présentent des avantages.
Avec le CTE, je n'ai rien à faire. Le dispositif réglementaire est déjà en
place, et nous le simplifions de jour en jour. Nous avons fait un CTE herbager,
nous pouvons faire un CTE simplifié pour les oléoprotéagineux et l'aide
rotationnelle : ce n'est pas difficile.
En revanche, je n'ai plus pris de mesures agri-environnementales depuis deux
ans, précisément dans un souci de cohérence.
Le président de la Fédération des oléoprotéagineux, la FOP, avec qui je m'en
entretenais hier, souhaite que le dispositif soit mis en place rapidement et
simplement. Je souhaite moi aussi être efficace. Peut-être irons-nous vers un
compromis en optant pour une mesure agri-environnementale assortie d'un
encouragement, d'une incitation plus forte à entrer dans le cadre du CTE.
Je ne veux pas plaider éternellement pour le CTE, qui est un mécanisme
intelligent et plus large qu'une simple mesure agri-environnementale. Si vous
optez pour cette dernière formule dans la seule perspective de toucher une
prime à l'hectare, vous restez dans la logique de guichet : je fais de la
rotation, j'ai tant d'hectares et ce sont tant de primes qui tombent ! Avec un
CTE, vous êtes obligé d'envisager l'avenir de votre exploitation, de la
projeter, sur la base d'un diagnostic et d'un projet d'exploitation. C'est à
mon sens plus intelligent pour l'agriculteur.
Dans l'état actuel de ma réflexion, ma décision n'est pas prise, mais mon
souci est d'être simple et efficace.
M. le président.
L'amendement n° II-65 rectifié
bis
est-il maintenu, monsieur Jacques
Blanc ?
M. Jacques Blanc.
D'abord, monsieur le ministre, je prends acte de votre engagement sur les
indemnités compensatoires de handicaps naturels.
Ensuite, je ne veux pas m'enfermer dans le débat sur le CTE : il peut être la
pire des choses ; il peut être une mécanique infernale venant se substituer à
des opérations collectives qui existaient, telles que les opérations groupées
d'aménagement foncier, les OGAF ; mais il peut aussi être un élément positif
encourageant certains agriculteurs à s'ouvrir à une approche nouvelle.
En revanche, monsieur le ministre, je me permettrai un commentaire sur votre
réflexion à propos des mesures agri-environnementales : l'un n'empêche pas
l'autre ! Je veux attirer votre attention sur le fait que, dans une région
comme la mienne, si l'on rend obligatoire le passage au CTE, ceux qui sont déjà
dans le système et sont au plafond seront bloqués et ne pourront donc pas aller
de l'avant : ils ne pourront pas mettre en oeuvre les mesures
agri-environnementales.
Monsieur le ministre, vous avez dit que vous étiez d'accord avec moi sur un
point, et je m'en réjouis, car cela n'était pas évident : il nous faut
développer une grande ambition, que j'ai d'ailleurs fait adopter à l'unanimité
par le comité des régions d'Europe, celle de lancer un grand plan de culture de
protéines végétales génétiquement non modifiées.
L'interdiction - heureuse - de l'utilisation des farines animales pour
l'alimentation du bétail entraîne un besoin d'environ 5 millions de tonnes de
protéines végétales, ce qui demande la mise en culture de 2 millions d'hectares
en Europe. Pour l'instant, nous sommes dépendants à 68 % d'importations en
provenance essentiellement d'Amérique du Sud ou des Etats-Unis, et personne ne
sait si ces produits sont génétiquement modifiés ou non.
Je ne soutiens en aucun cas M. Bové ; je soutiens la recherche génétique, dont
je trouve d'ailleurs scandaleux de remettre en cause l'importance aussi bien
pour les hommes que pour le secteur agronomique, et vous savez que Montpellier
se mobilise fortement autour d'Agropolis. Je sais aussi que les consommateurs
auront besoin, un jour, de pouvoir identifier une viande et d'être assurés que
l'animal concerné n'a pas reçu de complément d'alimentation contenant des
protéines qui pourraient être génétiquement modifiées.
Nous avons donc là une carte formidable à jouer, celle du génétiquement non
modifié. Nous avons des terres, nous avons de l'eau, nous avons du
savoir-faire, nous sommes capables de mettre en place une identification de
produits en circuit court et d'apporter les garanties qu'attendent les
consommateurs et, parmi eux, les restaurateurs.
Monsieur le ministre, je souhaite que nous puisssions « enfoncer le clou »,
c'est le cas de le dire, dans une région où les agriculteurs n'attendent qu'un
signe pour développer les protéines végétales non génétiquement modifiées.
Quoi qu'il en soit, je retire mon amendement, qui n'était qu'un amendement
d'appel.
M. le président.
L'amendement n° II-65 rectifié
bis
est retiré.
L'amendement n° II-73, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre IV de 762 245 euros. »
L'amendement n° II-74, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Majorer les crédits du titre IV de 11 433 676 euros. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Il s'agit de deux amendements
de conséquence.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial.
Favorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-73, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-74, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV, repoussés
par la commission.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 15 626 000 euros ;