SEANCE DU 6 DECEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'éducation
nationale : II. - Enseignement supérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le ministre, pour la
septième fois, j'ai l'honneur de rapporter, au nom de la commission des
finances, le projet de budget relatif à l'enseignement supérieur.
Le présent projet de budget est le dernier de la législature ; il ne sera
cependant pas pour nous l'occasion de faire le bilan de la politique
universitaire que vous avez menée à la suite de Claude Allègre.
La commission des finances a établi un rapport écrit qui traite de l'ensemble
des questions, qu'il s'agisse de l'organisation universitaire, des problèmes
pédagogiques ou de la vie étudiante. Je vais donc concentrer mes observations
sur deux points : l'investissement et les dotations de fonctionnement des
universités.
Auparavant, je citerai quelques chiffres : 8,736 milliards d'euros, 1 544 000
étudiants, non compris les étudiants en IUT et en IUFM, et 136 000 personnels.
Voilà ainsi « cadré » le projet de budget de l'enseignement supérieur pour
2002.
Je réserve pour la conclusion une observation générale sur le niveau des
crédits et sur leur progression entre l'année 2001 et l'année 2002.
Ayant lu l'excellent rapport de notre collègue de la commission des affaires
culturelles, nous avons décidé de focaliser nos interventions sur des sujets
très précis, dans l'esprit, en quelque sorte, de la méthode expérimentale des
questions-réponses.
Monsieur le ministre, je l'ai dit, je vais vous interroger sur
l'investissement et sur le fonctionnement. Vous ne serez d'ailleurs pas surpris
par mes questions puisque ce sont les mêmes que celles que je vous ai posées
lorsque, à l'invitation de la commission des affaires culturelles, j'ai assisté
à la présentation, devant cette commission, de votre projet de budget.
En matière d'investissement, le constat est tout simplement dramatique : les
crédits inscrits tant au titre V qu'au titre VI s'élèveront à 723 millions
d'euros, soit une baisse de 13,7 % !
Les opérations prennent toutes du retard : les crédits de paiement, qui sont
la traduction du rythme réel d'engagement des travaux sur le terrain, baissent.
Comment, dans ces conditions, satisfaire les besoins en matière de rénovation,
de sécurité, d'accueil, de recherche, de bibliothèque ? Un exemple : les
crédits de paiement de Jussieu s'élevaient à 88 millions d'euros il y a deux
ans, ils ne sont plus que de 23 millions d'euros.
Ce constat s'aggrave encore lorsqu'on prend en compte l'évolution des crédits
de maintenance. Vous gérez, monsieur le ministre, quatorze millions de mètres
carrés de bâtiments universitaires. Pour avoir la charge, dans nos
collectivités locales, des collèges ou des lycées, nous savons ce que
représente une telle surface. Or, pour assurer la maintenance, vous ne disposez
que de 230 millions d'euros de crédits. C'est très faible, et c'est
insuffisant, car, pour entretenir le patrimoine universitaire, il faudrait des
crédits de maintenance de deux à trois fois supérieurs.
Sur ce constat, tout le monde s'accorde, et la Cour des comptes a d'ailleurs
appelé votre attention sur les retards dans l'exécution des programmes.
Quelles sont les conséquences ?
Elles sont dramatiques pour l'accueil comme pour les conditions de travail et
de recherche des étudiants.
Quant à l'exécution des contrats de plan Etat-régions, elle ne prendra pas
sept ans, mais risque plutôt, au rythme où vont les choses, de s'étaler sur une
durée de huit ou dix ans !
M. Eric Doligé.
C'est dramatique !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
La question, monsieur le ministre, est de savoir si,
devant ce constat, vous vous livrez à une analyse de la situation et si vous en
recherchez les causes. Quelles sont les raisons d'un tel retard ? Pourquoi les
crédits ne sont-ils pas consommés et pourquoi en est-on réduit à les ajuster à
la baisse ?
Vous avez fourni à la commission des finances du Sénat un certain nombre de
réponses, en faisant état de difficultés de procédure, de problèmes liés à
l'établissement des programmes pédagogiques, à l'organisation de la maîtrise
d'ouvrage ou à l'obtention de la participation des collectivités locales.
M. Eric Doligé.
Cela, c'est totalement faux !
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Vous avez également évoqué les difficultés
rencontrées par l'Etat dans la mise en oeuvre de son programme de construction,
en raison de divers accidents de parcours, tels qu'une vingtaine d'appels
d'offres restés infructueux ou des contentieux avec des maîtres d'oeuvre.
Il convient, monsieur le ministre, de procéder à un audit extrêmement précis
et détaillé, qui nous permettra de redresser la barre et de parvenir à relancer
le rythme des constructions universitaires. Cela est vital ! Il faut analyser
l'ensemble des processus, apporter des remèdes juridiques et techniques. Tel
est le sens de ma première observation.
Ma seconde observation portera sur les crédits de fonctionnement des
universités. Ces derniers, nous le reconnaissons très franchement, augmentent
de manière extrêmement importante, plus fortement que les années précédentes.
En effet, la progression est de 1,155 milliard d'euros, soit un taux de
croissance variant de 7,4 % à 7,6 % selon le périmètre retenu. Mais retenons le
second chiffre !
Toutefois, se pose le problème du mode de répartition de ces crédits. Qu'il
s'agisse des magistrats de la Cour des comptes, des présidents d'université ou
de membres de cette assemblée, nous sommes nombreux à critiquer la mise en
oeuvre du système analytique de répartition des moyens, dénommé San Remo.
Chaque année, on tente de nous apaiser en nous expliquant que ce dispositif
sera amélioré et réformé. Malheureusement, nous ne voyons pas vraiment les
signes ou les effets d'une telle évolution. Nous constatons au contraire, une
fois de plus, que San Remo ne donne pas entièrement satisfaction. Ainsi,
plusieurs universités, notamment celle de La Rochelle, ont protesté assez
énergiquement, ces derniers mois, contre le mode de fonctionnement actuel du
système.
Par ailleurs, San Remo n'a pas permis, malgré la progression des moyens, un
redéploiement de ceux-ci au profit des universités pour lesquelles les taux
d'encadrement sont les plus faibles. A mon sens, les universités récentes et
les universités à dominante littéraire ou juridique sont pénalisées par un
système de répartition qui consiste à comparer les dotations théoriques aux
dotations réelles et à mesurer l'écart par rapport aux normes qu'ils serait
souhaitable de respecter.
Cela étant, vous nous affirmez, monsieur le ministre, que le dispositif a été
quelque peu amélioré.
A cet égard, il faut tout d'abord reconnaître que la répartition d'une
fraction des crédits est désormais liée à la mise en oeuvre de la politique
contractuelle. Toutefois, cette fraction ne représente qu'environ un septième
des dotations. Or, certains des objectifs assignés à la politique contractuelle
nous paraissant pertinents, nous souhaiterions que la part des moyens affectée
en fonction de celle-ci soit accrue, d'autant que la conclusion de contrats
amène un renforcement de l'autonomie des universités. Ce point est extrêmement
important, à nos yeux : nous sommes pour l'autonomie, orientée par des
objectifs, insérée dans un dispositif contractuel et soumise à évaluation.
Au-delà de cette légère amélioration du fonctionnement de San Remo, monsieur
le ministre, vous avez chargé la commission Laugénie de proposer quelques
autres ajustements. Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous apporter
la démonstration qu'il ne s'agit pas de simples aménagements à la marge, mais
nous avons, pour notre part, le sentiment que, d'aménagements en ajustements,
le système se trouve complètement dénaturé et a perdu de sa transparence, tout
en restant aussi critiquable qu'auparavant. Au travers des deux remarques que
j'ai formulées, je me suis inscrit dans une problématique strictement
financière, puisque la première d'entre elles visait les causes et les
conséquences de la réduction des crédits d'investissement, et la seconde la
nécessité de rationaliser et de réformer en profondeur - en concertation avec
les présidents d'université - le mode de répartition des moyens de
fonctionnement.
En conclusion, j'indique que la commission des finances du Sénat a émis un
avis défavorable sur les crédits de l'enseignement supérieur. Elle aurait
souhaité, monsieur le ministre - ce propos vous surprendra peut-être dans ma
bouche - et sans vouloir engager un débat sur les évolutions respectives des
crédits de l'enseignement scolaire et de ceux de l'enseignement supérieur, que
ce projet de budget soit plus ambitieux ; elle aurait voulu que vous affirmiez
nettement la priorité qui doit être donnée à l'enseignement universitaire, que
l'on prépare l'avenir de notre pays et que les crédits connaissent un
accroissement plus marqué.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Léonce Dupont,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec 8,73 milliards
d'euros, soit 57,3 milliards de francs, le projet de budget pour 2002 de
l'enseignement supérieur marque l'une des plus faibles progressions constatées
depuis quinze ans - elle est deux fois inférieure à celle des crédits de
l'enseignement scolaire - et témoigne donc d'un manque d'ambition pour un
secteur dont dépend pourtant directement l'avenir de notre pays.
Certes, les moyens ne sont pas tout ; l'Université pâtit aussi d'une
organisation trop centralisée et d'une vision trop conservatrice, et il serait
souhaitable de lui accorder davantage d'autonomie. Il reste que l'évolution
générale des crédits est décevante, même si ce projet de budget permettra de
créer 3 500 emplois supplémentaires, dont 2 000 au titre du plan pluriannuel et
1 500 pour réduire le recours à l'emploi précaire. S'agissant des enseignants,
1 000 emplois seront créés, dont 600 d'enseignant-chercheur, pour un coût de 64
millions de francs.
En ce qui concerne la création de 1 000 emplois non enseignants, je relève que
150 d'entre eux seront affectés, et c'est heureux, aux bibliothèques
universitaires, mais aussi que 1 500 emplois gagés sont prévus au titre de la
résorption de l'emploi précaire, c'est-à-dire qu'ils seront financés sur les
ressources propres des universités. Cette charge sera pérennisée, les recettes
ne l'étant pas !
Ces créations d'emplois s'inscrivent par ailleurs dans la perspective de
départs en retraite qui conduiront à recruter plus de 16 500
enseignants-chercheurs dans les dix ans à venir. Je rappellerai que le plan
pluriannuel prévoit la création sans crédits jusqu'en 2003 de 1 700 emplois
budgétaires et de 900 emplois d'attaché temporaire d'enseignement et de
recherche - ATER - et qu'il permettra d'ouvrir 3 600 postes au concours chaque
année de son exécution.
Le renouvellement du corps des enseignants-chercheurs, sans doute moins massif
et plus étalé dans le temps que celui du corps des professeurs du secondaire,
est donc inéluctable, mais devra s'accompagner d'une amélioration de sa
gestion, qui a été récemment critiquée par la Cour des comptes, et d'un
aménagement du statut, en tenant compte des préconisations du rapport
Espéret.
Les subventions de fonctionnement, quant à elles, connaîtront une hausse
bienvenue de 7,8 %, celle-ci devant enfin permettre de procéder à un rattrapage
au profit des universités sous-dotées, en particulier dans les filières
littéraires et de sciences humaines, dans l'attente d'une réforme déjà amorcée
du système San Remo de répartition des moyens entre les établissements.
Par ailleurs, les autorisations de programme et les crédits de paiement
s'élèveront respectivement à 5,9 milliards de francs et à 4,7 milliards de
francs en 2002, ce qui devrait permettre d'accélérer la mise en oeuvre des
contrats de plan Etat-région, les CPER, notamment pour l'Ile-de-France. Le
volume des contrats de plan a été recalibré en fonction du retard constaté dans
la consommation des crédits, qui a d'ailleurs été dénoncé par la Cour des
comptes. A n'en pas douter, une réflexion doit être engagée sur la mise en
oeuvre des contrats de plan et, plus largement, sur le patrimoine immobilier
universitaire : la commission des affaires culturelles a décidé de créer une
mission d'information à cet effet, ce qui s'inscrit dans le droit-fil de
l'intervention de M. le rapporteur spécial.
J'évoquerai maintenant très rapidement l'évolution des effectifs étudiants,
qui sont appelés à se stabiliser dans les dix ans à venir. Ces projections
semblent annoncer un plafonnement du mouvement de démocratisation universitaire
engagé depuis le début des années quatre-vingt. A cet égard, je crois que le
système des aides aux étudiants, qui contribue incontestablement à cette
démocratisation, a révélé ses limites, même si le plan social, dont l'exécution
est en voie d'achèvement, a permis de relever de 15 % le montant des bourses,
qui sont aujourd'hui attribuées à 30 % des étudiants.
Par ailleurs, on peut observer que le total des dépenses d'action sociale en
faveur des étudiants, qui représentent près du cinquième du budget de
l'enseignement supérieur, n'augmentera que de 1,3 % en 2002, alors que sa
progression avait été de 25 % au cours des quatre dernières années.
Je crois que le moment est venu de repenser l'actuel dispositif d'aides aux
étudiants, qui est complexe, peu efficace et insuffisamment redistributif,
comme le montre le fait que 30 % des étudiants sont aujourd'hui obligés de
travailler pour financer leurs études ; toute réforme en ce domaine doit
s'inscrire dans le cadre d'une réflexion plus large portant sur l'ensemble des
jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, qu'ils soient ou non étudiants.
Il reste que la démocratisation de l'enseignement supérieur, sans doute
réussie sur le plan quantitatif, n'est que relative : le rapport écrit de la
commission des affaires culturelles comporte à cet égard quelques chiffres
significatifs sur les chances inégales de réussite au DEUG, sur l'inadaptation
des premiers cycles à la nouvelle population des bacheliers, en dépit des
quelques mesurettes annoncées, et sur l'insuffisante ouverture des grandes
écoles, mais aussi des deuxième et troisième cycles universitaires, aux
étudiants d'origine modeste.
En outre, je rappellerai la nécessité, pour l'Université, de s'ouvrir au monde
extérieur. S'agissant de l'harmonisation européenne des cursus dans le cadre du
système dit « 3-5-8 », pourtant engagée par votre prédécesseur, monsieur le
ministre, je m'interroge sur l'avenir de ceux de nos diplômes qui n'entrent pas
dans le moule européen, c'est-à-dire les DEUG, les DUT et les BTS, tous
préparés en deux ans, mais aussi la maîtrise, préparée en quatre ans : sont-ils
condamnés à terme ou la durée des études nécessaires à leur préparation
devra-t-elle être harmonisée, c'est-à-dire allongée ?
En ce qui concerne la mise en place expérimentale du système européen de
transfert de crédits, dit ECTS, qui est destiné à encourager la mobilité des
étudiants entre universités, la commission des affaires culturelles a souhaité
que des garde-fous soient mis en place pour éviter la constitution, à l'échelon
européen, d'une sorte de « libre-service » des formations supérieures qui
pourrait menacer l'homogénéité des niveaux de formation de nos étudiants.
Pouvez-vous nous apporter des assurances sur ce point, monsieur le ministre
?
J'évoquerai enfin la nécessité d'assurer un meilleur accueil des étudiants
étrangers dans nos universités, de développer les programmes européens
d'échanges et de promouvoir notre enseignement supérieur à l'étranger, pour
souligner quels moyens budgétaires dérisoires sont affectés à ces actions,
notamment à l'agence Edufrance.
J'en terminerai en indiquant que, pour permettre à nos universités d'être plus
efficaces, nous devons leur donner la maîtrise de leurs moyens, c'est-à-dire
renforcer leur autonomie, qui est aujourd'hui trop limitée, alors que son
principe était inscrit dans la loi de 1984. Cela suppose aussi une véritable
évaluation des établissements et des formations qu'ils dispensent.
Considérant que la progression modeste des crédits ne s'accompagne pas
d'innovations pédagogiques adaptées, que les perspectives d'ouverture
européenne restent confuses et que l'autonomie des universités est encore
entravée par un centralisme excessif, la commission des affaires culturelles a
donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur
pour 2002.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants et du RPR.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 21 minutes ;
Groupe socialiste, 18 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 12 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Legendre.
M. Jacques Legendre.
Je reviendrai cette année, monsieur le ministre, sur deux problèmes que
j'évoquais déjà devant vous l'an dernier à cette tribune.
Je voudrais tout d'abord parler de l'accueil des étudiants étrangers par les
universités françaises, qui est un sujet essentiel pour l'avenir d'une
francophonie vivante et rayonnante. Or il faut bien constater que la France ne
tient plus, dans le domaine de l'accueil des étudiants étrangers, la place qui
fut jadis la sienne.
Les causes de ce recul sont multiples : instauration de visas, ouverture,
souvent avec notre aide, d'universités dans les pays africains - cela est bien
légitime - absence en France d'une tradition d'accueil qui aille au-delà des
conditions d'enseignement et qui se préoccupe de tous les aspects de la
présence de l'étudiant étranger en France.
Mais il faut souligner que nous sommes d'abord en proie à la concurrence
d'autres pays, d'autres systèmes d'enseignement supérieur, qui considèrent,
eux, que l'enseignement supérieur est un marché et qu'il convient de s'y
tailler une place. C'est le cas, par exemple, de l'Australie. Je ne suis pas en
train de militer pour que nous prenions une telle optique, sans doute un peu
marchande. Cependant, il me paraît nécessaire que nous conduisions une action
plus ambitieuse et plus énergique dans ce domaine.
Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics français tentent en effet de
réagir, mais la réponse est encore lente à s'affirmer. Votre prédécesseur,
conjointement avec le ministre des affaires étrangères, avait créé Edufrance et
annoncé pour cet organisme de grandes ambitions, notamment en ce qui concerne
le nombre d'étudiants étrangers attendus. Pouvez-vous nous faire le point,
monsieur le ministre, sur l'action de cet organisme et, plus généralement, sur
l'action que vous menez, ou à laquelle vous vous associez, pour que la France
redevienne un des principaux pays d'accueil des étudiants étrangers ?
Je reviendrai maintenant, monsieur le ministre, sur un deuxième problème, très
différent, mais qui n'a pas, lui non plus, connu d'avancée positive depuis le
débat budgétaire de l'an dernier.
Vous le savez, notre pays compte de grandes écoles d'ingénieurs et de cadres
de l'enseignement privé. Vous connaissez le nom de plusieurs de ces écoles,
dont la notoriété n'est plus à faire. Je pourrais citer l'ECAM de Lyon, les
ICAM de Lille, de Nantes et de Toulouse, l'ISEN de Lille. Je m'arrêterai là
!
Qui n'a entendu parler de grandes écoles de commerce privées, comme l'ESSEC,
l'EDHEC ou l'ESSCA ? Ces écoles, dont plusieurs sont centenaires, ont fait
leurs preuves sans défaillir, année après année, contribuant, on ne peut plus,
au service de l'enseignement supérieur. Elles se sont d'ailleurs organisées,
depuis une trentaine d'années, au sein d'une fédération que votre
administration connaît bien et avec laquelle elle dialogue.
Quelques chiffres permettent de mesurer, si besoin est, le poids de ces écoles
dans le panorama de notre système de formation supérieure. Constituées en
réseau sur sept pôles régionaux, ces vingt-cinq écoles accueillent annuellement
plus de 17 000 étudiants. Elles délivrent quelque 3 200 diplômes par an,
habilités par la commission des titres d'ingénieurs ou visés par le ministère
de l'éducation nationale. Elles emploient pas moins de 4 000 salariés. Elles
entretiennent des laboratoires de recherche. Elles ont établi des liens et de
fortes relations avec l'étranger. Les insertions professionnelles - et c'est
très important - sont immédiates, et environ 110 000 anciens élèves sont
actuellement en activité. Ces grandes écoles constituent incontestablement une
force pour la France et apportent aux entreprises de notre pays les cadres dont
elles ont de plus en plus besoin aujourd'hui.
N'est-il pas alors de notre devoir, de votre devoir, monsieur le ministre, de
porter la plus grande attention à ces écoles et de les soutenir financièrement,
réellement ? En effet, jusqu'à présent, la participation de l'Etat à l'activité
de ces écoles reste faible. Elle est de l'ordre de 6 500 francs pour chacun des
10 200 étudiants concernés en formation initiale. Cette somme est très faible.
Elle représente environ 13 % du coût annuel d'un étudiant. Contrairement à ce
que disent vos services, monsieur le ministre, cette subvention est en baisse
si, légitimement, elle est rapportée au nombre d'étudiants dont l'augmentation
annuelle est raisonnable, de l'ordre de 2 %.
De plus, le montant global de cette subvention reste aléatoire. Il doit être
renégocié chaque année, ce qui est très contraignant. La totalité des
versements est faite aux écoles en décembre. Ainsi, la subvention pour 2001
n'est toujours pas complètement versée aux écoles. Pourtant, nous sommes au
début de la nouvelle année scolaire 2001-2002 et l'exercice comptable de ces
écoles est clos depuis août dernier.
Comment ces écoles assurent-elles leur équilibre financier ?
On nous parlera, bien sûr, de la taxe d'apprentissage. Elle apporte en moyenne
10 000 francs par étudiant, mais elle diminue du fait de son déploiement. En
conséquence, elle ne peut pas être la réponse à la demande.
Il y a aussi des prestations aux entreprises. C'est un complément intéressant,
mais qui reste limité. Il y a alors et surtout les frais de scolarité réclamés
aux étudiants et aux familles. Ils s'élèvent déjà, en moyenne, à 30 000 francs
par étudiant et par an. Ils deviennent, à juste titre, insupportables. Vous
comprendrez qu'il est impossible de les augmenter davantage. D'ailleurs, cela
enferme ces écoles dans une sorte de piège : dans la mesure où la participation
des familles est élevée, elles ont, dit-on, un recrutement élitiste,
socialement élevé, alors que bien des jeunes issus d'un milieu modeste
pourraient également s'épanouir et se former au sein d'écoles de cette qualité.
Par conséquent, diminuer le coût pour les familles de l'accès à ces écoles,
c'est incontestablement aussi un élément de démocratisation de l'enseignement
supérieur.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a eu débat. Les écoles,
monsieur le ministre, vous ont demandé une participation de 40 000 francs par
étudiant en formation initiale. Je le répète : nous en étions à 6 500 francs.
Ce qui m'inquiète, c'est que je ne constate pas, par rapport à l'an dernier où
ce problème avait été évoqué, de véritables modifications de la situation. Or
il s'agit d'un ensemble d'écoles particulièrement importantes et utiles, qui
tiennent, pour le plus grand bien des étudiants et de notre pays, une place
incontestable dans l'enseignement supérieur.
Voilà pourquoi j'ai voulu consacrer une partie du temps qui m'était
aujourd'hui imparti à reposer clairement ce problème.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous puissiez enfin y apporter une
réponse, autrement que par une référence à une contractualisation qui n'a
concerné qu'un nombre très limité d'écoles. Ainsi, des jeunes Français ayant
fait la preuve de leurs qualités intellectuelles - car le niveau de recrutement
est élevé - et indépendamment de la situation financière de leur famille,
pourront trouver leur place au sein de ces écoles d'ingénieurs, qui sont une
chance pour notre pays.
Monsieur le ministre, j'espère qu'il ne me sera pas donné d'intervenir de
nouveau sur ce sujet au cours des années à venir. Ces écoles sont une chance
pour notre pays. Il convient de permettre leur réelle démocratisation.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Zocchetto.
M. François Zocchetto.
Monsieur le ministre, l'enseignement supérieur est-il, en France, une priorité
aujourd'hui ? L'examen de votre budget pour l'année 2002 nous incite à penser
le contraire. En effet, ce budget ne permet pas à l'Université d'assumer la
totalité de ses missions dans de bonnes conditions. On demande à l'Université
d'en faire toujours plus par rapport au budget qui lui est alloué : accueillir
les étudiants de manière individualisée, organiser un soutien en petits
groupes, professionnaliser certains cursus, développer la formation permanente,
renforcer la recherche, déployer des activités internationales, etc.
Votre budget, monsieur le ministre, se caractérise à la fois par un effet
d'annonce, lié à l'augmentation marquée des dépenses de fonctionnement, et par
l'absence de réformes pourtant nécessaires.
En réalité, ce budget se situe dans la droite ligne de celui de l'année
dernière. L'effort quantitatif l'emporte sur l'aspect pourtant essentiel d'une
amélioration qualitative de l'enseignement. Les grands problèmes ne sont pas
résolus, notamment le taux d'échec en premier cycle, l'inégalité des chances ou
la faible ouverture à l'international. Tous ces dossiers en sont restés au
stade du diagnostic.
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
M. François Zocchetto.
Il en est de même de la réforme des cursus et des diplômes, qui officiellement
est repoussée afin de poursuivre la concertation. Et pourtant, combien de
groupes de travail ont-ils été constitués, combien de rapports ont-ils été
écrits ? Vous avez multiplié les effets d'annonce. Les résultats se font
cruellement attendre. Je prendrai quelques exemples.
S'agissant de la revalorisation de la filière scientifique, des
expérimentations ont bien été lancées, mais elles n'ont toujours pas débouché
sur du concret. Or l'enjeu est de taille puisque le nombre d'étudiants dans
cette filière est en baisse régulière. En cinq ans, le nombre de jeunes qui
sont entrés en première année pour préparer un DEUG a chuté de 15 %. Cette
situation est dommageable à l'heure où nos besoins en chercheurs se font
particulièrement sentir dans les différents secteurs de l'économie. Les
expériences menées dans six universités ont donné de bons résultats. Pourquoi
ne pas les généraliser ?
Un autre exemple a trait à la redéfinition du métier des enseignants du
supérieur. Je regrette vivement que cette question n'ait pas été abordée.
Pourtant, mon collègue Yves Fréville a rendu des conclusions fort
intéressantes sur le recrutement et la gestion des personnels universitaires et
de la recherche dans le cadre du comité d'évaluation des politiques publiques
du Sénat. En donnant la parole aux intéressés, grâce à la mise en place d'un
forum Internet qui a reçu plus de 1 400 contributions, puis par la réalisation
d'un sondage auprès de 4 000 universitaires, un travail très important a été
fait. Il a mis en évidence l'opacité, la lourdeur, le caractère peu
intelligible à l'étranger des procédures de recrutement et d'avancement. Nous
sommes nombreux ici à nous demander si ces procédures ne vont pas conduire à la
« médiocratisation » de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Les politiques mises en place au début des années quatre-vingt-dix ont permis
de reconstituer un « vivier » de futurs universitaires et d'adapter le format
des universités à ce que l'on appelait le « défi du nombre », compte tenu de
l'évolution démographique. Reconnaissons cependant que ces politiques
s'essoufflent aujourd'hui. Il faut, en effet, insister sur l'évolution du
contexte démographique des enseignants, caractérisé par de très nombreux
départs à la retraite aux cours des prochaines années.
S'agissant de la carrière des enseignants de l'enseignement supérieur, je
ferai des propositions dans trois directions.
La première vise à instaurer un contrat individuel pluriannuel passé entre
chaque universitaire ou chercheur et chaque président d'université ou directeur
de laboratoire, afin de mieux évaluer les activités scientifiques ainsi que les
performances des établissements.
La deuxième tend à améliorer la gouvernance des établissements, par la
création de conseils d'orientation, comportant, sur le modèle anglo-saxon, des
personnalités extérieures, afin de parvenir à une véritable autonomie des
universités, et donc de les libérer des corporatismes disciplinaires
aujourd'hui trop puissants.
La troisième a pour objet de rendre à l'Etat son rôle de pilotage de
l'enseignement supérieur et de la recherche, notamment par la définition d'une
politique globale de l'emploi scientifique et par la mise en oeuvre d'une
véritable gestion prévisionnelle des emplois.
En dix ans, le budget de l'enseignement supérieur a doublé et a bénéficié de
23 000 créations d'emplois supplémentaires. Il est vrai qu'il s'agissait de
faire face à la croissance sans précédent des effectifs d'étudiants.
Je crois cependant, pour reprendre les conclusions d'Yves Fréville, que ces
moyens pourraient être mieux gérés. Si l'on veut favoriser un enseignement et
une recherche de qualité, il faut renforcer les politiques d'évaluation
individuelle et collective, et donc transformer le rôle du comité national
d'évaluation.
Je dirai quelques mots sur un sujet évoqué par l'orateur qui m'a précédé à
cette tribune : notre Université est encore trop peu ouverte sur
l'extérieur.
Les chiffres sont éloquents : d'après les statistiques du centre français pour
l'accueil et les échanges internationaux, le pourcentage d'étudiants qui
effectuent une mobilité au cours de leurs études universitaires se situe entre
3 % et 4 %, ce qui est ridiculement bas !
Vous avez annoncé cette année la création d'une bourse de mobilité d'un
montant de 384 euros, c'est-à-dire de l'ordre de 2 500 francs pour trois mois.
Il s'agit, certes, d'un premier pas, mais la durée même de ces bourses en
limite l'intérêt. Il aurait été beaucoup plus judicieux d'encourager les
séjours de longue durée, afin de permettre aux étudiants d'effectuer une année
complète, et non pas seulement un trimestre, dans une université étrangère.
Quant au nombre d'étudiants étrangers accueillis en France, il baisse de façon
régulière depuis vingt ans. Nous avions placé quelque espoir dans le dispositif
EduFrance, qui, malheureusement, s'est révélé un échec. Il appartient donc aux
universités elles-mêmes de faire connaître leurs cursus à l'étranger et
d'attirer les étudiants. Il faut les y aider. Or ce budget ne comporte rien
pour améliorer l'accueil des étudiants étrangers.
Enfin, l'achèvement du plan social en faveur des étudiants, prévu pour 2002,
s'accompagne de certaines déceptions. Certes, le nombre de bourses augmente
légèrement, mais ce budget ne comporte aucun crédit pour le câblage des
résidences universitaires ni pour l'équipement informatique des étudiants.
Quant au logement de ces derniers, il ne semble guère avoir retenu votre
attention non plus.
En conclusion, ce budget de l'enseignement supérieur pour l'année 2002 manque
singulièrement de souffle et de perspectives. Notre système universitaire
n'offre pas suffisamment de formations de qualité et la transparence dans la
gestion y est insuffisante ; il ne supporte pas toujours la comparaison avec
les universités étrangères et il ne permet pas une ouverture suffisante sur
l'extérieur.
Bref, ce budget ne permet pas d'assurer la réussite de la démocratisation de
notre Université. Je n'y trouve pas les réformes qui me semblent
indispensables. Je ne pourrai donc pas le voter !
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
l'enseignement supérieur est au centre de l'évolution du pays et de sa place
dans l'espace européen et dans le monde ; c'est le maillon entre l'enseignement
scolaire ou professionnel et la vie professionnelle.
La diffusion du savoir et des connaissances, leur appropriation par le plus
grand nombre reste bien, l'actualité nous le rappelle depuis plusieurs
semaines, le meilleur chemin vers la démocratie, la citoyenneté, la justice et
la cohésion sociale. De fait, permettre l'accès à l'enseignement supérieur et à
l'excellence des connaissances au plus grand nombre, quelle que soit l'origine
sociale, reste un enjeu majeur.
C'est la raison pour laquelle je refuse, pour ma part, de considérer
l'enseignement supérieur comme une dépense, car c'est bien un investissement
pour notre pays, mais aussi pour l'avenir de notre jeunesse, qui doit trouver à
l'Université, après l'école, les instruments d'une meilleure assise dans le
monde et les conditions d'un meilleur exercice de la citoyenneté. Tout cela a
naturellement un coût, mais c'est celui de la construction d'une véritable
société de la connaissance.
Le projet de budget qui nous est présenté reste cependant en demi-teinte. Ce
qui nous est proposé est loin d'être négligeable, mais ne revêt pas le
caractère d'absolue priorité que devrait présenter l'enseignement supérieur.
L'évolution du budget montre une très légère augmentation et une part stable
dans le produit intérieur brut - à 0,6 % -, c'est vrai. Des progrès existent,
mais je reste sur ma faim et je ressens comme un goût d'inachevé, monsieur le
ministre.
Prenons les emplois. Bien sûr, nous sommes plutôt satisfaits de la création
nette de 1 600 emplois et de l'évolution vers la résorption de la précarité.
Mais la portée de ces créations est insuffisante pour permettre le
fonctionnement normal des université dans la conjoncture où nous sommes, car il
est nécessaire de rattraper un retard accumulé sur plusieurs années, d'une
part, et de mettre en oeuvre la réduction du temps de travail, d'autre part. Or
cette dernière est mise en place sans créations d'emplois spécifiques et sans
refonte du système indemnitaire, alors même que les primes dans l'enseignement
supérieur sont parmi les plus faibles au sein de la fonction publique.
On note aussi une insuffisance au niveau des postes IATOS. A titre d'exemple,
l'université des sciences et technologies de Lille-Flandres-Artois, que je
connais bien, estime ses besoins à cent postes supplémentaires ; or seuls dix
sont créés au titre du budget de 2002. J'attendais que l'effort entrepris l'an
dernier soit poursuivi !
Nos universités ont dû faire face, ces dernières années, à un afflux
d'étudiants sans précédent. Avec courage et détermination, elles ont assumé
leur rôle et leurs missions, mais certaines sont au bord de l'étranglement
financier. Les moyens qui leur sont attribués ne correspondent plus à la hausse
de leurs charges.
L'université de Lille, que je citais tout à l'heure, a vu sa surface augmenter
de 43 000 mètres carrés en quatre ans, mais sa dotation globale de
fonctionnement n'a augmenté que de 800 000 francs sur la même période. Il
aurait fallu 6 millions de francs pour maintenir le niveau des charges et, pour
2002, l'écart entre la dotation théorique et la dotation réelle sera de 8,7
millions de francs. L'université devra fermer un certain temps à la rentrée de
Noël si aucune rallonge n'est accordée !
A cela s'ajoute la non-prise en compte des problèmes et des coûts d'entretien
des campus, de la sécurité, etc.
En revanche, je constate que les lettres et les sciences sociales et humaines
sont considérées de nouveau comme des disciplines à part entière, au-delà même
du quantitatif. J'ai donc rencontré, monsieur le ministre, des présidents
d'université heureux, même si d'autres le sont moins.
Je souhaiterais également insister sur un poste important, l'action sociale,
qui présente toujours d'importantes insuffisances, malgré les avancées du plan
social étudiant. Mais nous sommes, là aussi, en deçà des besoins. Nous
connaissons pourtant les liens évidents qui existent entre difficultés sociales
et difficultés scolaires : je rappellerai simplement que la grande majorité des
étudiants dépendent fortement de leur famille et que 100 000 étudiants environ
vivent au-dessous du seuil de pauvreté.
Si l'instauration d'une bourse sur critères sociaux pour les diplômes d'études
supérieurs spécialisés, les DESS, est un progrès dont nous pouvons nous
féliciter, la hausse générale du crédit des bourses reste très faible : elle
est de 1 % seulement. Quant à la revalorisation du taux des bourses, elle n'est
que de 1,2 %. On peut donc s'interroger sur la manière d'atteindre l'objectif
affiché de 15 % d'augmentation des bourses ! C'est une vraie préoccupation,
d'autant que les frais d'inscriptions, les coûts de restauration, de mutuelle
et de logement ont connu cette année des hausses importantes.
Enfin, nous ne voyons pas, dans ce budget, de programme vigoureux d'aide à
l'accès à des logements à prix modérés. Or nous touchons là aussi à un grave
problème : trouver un logement à Paris ou dans les grandes villes de province
relève du véritable parcours du combattant. Les places en cité universitaire
sont toujours insuffisantes et la rénovation des chambres et des cités à pris
beaucoup de retard. Les appartements proposés dans le privé sont souvent trop
chers, et soumis à la justification de garanties financières très fortes de la
part des propriétaires, avec les conséquences que cela représente en termes de
ségrégation.
Nous connaissons également le sort de ces étudiants qui ont recours à des
petits boulots sans aucun rapport avec l'objet de leurs études pour se
constituer une source de revenus. Or nous savons que ces boulots sont souvent
ingrats, mal payés et soumis à des horaires et des cadences sources de stress
très fort, comme c'est le cas dans certaines chaînes de restauration rapide,
par exemple. Comment s'étonner si ces étudiants se retrouvent généralement
exclus des filières les plus prestigieuses ? Elles sont incompatibles avec
l'exercice d'un travail rémunéré ! Et le risque que leurs études soient
compromises par abandon, par exemple, est bien plus important. On constate ici
une forte poche d'inégalités, en contradiction avec les buts de l'éducation
nationale.
En conclusion, nous approuvons les avancées contenues dans ce budget, mais,
dans le même temps, nous souhaitons qu'à l'avenir la barre soit fixée à la
hauteur où nous voulons mettre la France dans ce domaine.
Mais à chaque jour suffit sa peine et, pour le moment, monsieur le ministre,
nous voterons le budget que vous nous proposez.
(Applaudissements sur les
travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de
l'enseignement supérieur pour 2002 progresse de 2,23 % par rapport à 2001, pour
atteindre plus de 8,7 millions d'euros.
L'effort en faveur de l'enseignement supérieur se poursuit, après une hausse
de 2,7 % en 2001 et de 2,6 % en 2000, dans un contexte de tassement des
effectifs.
Ce budget est au service d'une politique ambitieuse de modernisation de notre
système d'enseignement supérieur à travers l'achèvement du plan social
étudiant, l'amélioration de la situation des personnels et la rénovation du
patrimoine universitaire dans le cadre du plan « Université du troisième
millénaire », ou U3M.
Le plan social étudiant, mis en place par la loi de finances initiale pour
1999 pour faciliter l'accès du plus grand nombre aux études supérieures, aura
permis d'accroître significativement le nombre d'étudiants aidés et d'augmenter
de 15 % le niveau moyen des aides. Le taux de 30 % de boursiers sera atteint
grâce à ce budget, avec la création de 4 000 bourses annuelles de mobilité et
de 12 000 bourses sur critères sociaux pour les étudiants de DESS.
Concernant les personnels, le projet de loi de finances met l'accent,
conformément au plan pluriannuel pour l'éducation, sur la création d'emplois,
avec 1 000 postes de personnel enseignant, 700 emplois d'enseignant-chercheur,
261 postes d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche et 39 postes
d'assistant des disciplines médicales.
Ces créations d'emplois permettront non seulement d'améliorer le taux
d'encadrement des étudiants, comme chaque année depuis 1997, mais aussi
d'accompagner les réformes pédagogiques en cours telles que la
professionnalisation des cursus, la pluridisciplinarité et les nouvelles
modalités de réorientation. Est également prévue la création de 1 000 emplois
de personnel non enseignant, dont 150 pour les personnels des bibliothèques.
Une attention particulière est portée à la santé et à la qualité de vie des
étudiants à travers la création de 26 emplois d'infirmière et de 42 emplois
dans les oeuvres universitaires, dont 10 postes d'assistante sociale.
Grâce à une augmentation de 58,7 % des autorisations de programme, les travaux
de rénovation du patrimoine universitaire prévus dans le plan U3M seront
accélérés, en particulier le désamiantage du campus de Jussieu. Parallèlement,
les crédits de maintenance sont en forte progression.
La construction d'un espace européen de l'enseignement supérieur constitue,
depuis 1997, une priorité de l'action gouvernementale. Cette construction
passe, en premier lieu, par une architecture commune des formations et des
diplômes, qui s'articule autour d'une réorganisation des niveaux d'études que
sont la licence, les diplômes à bac + 5 réunis sous le terme de mastère et le
doctorat.
La licence professionnelle a, d'ores et déjà, attiré un nombre important
d'étudiants : 9 000 inscrits en 2000-2001, contre 4 000 en 1999-2000. Mise en
place pour faciliter l'insertion sur le marché de l'emploi européen, elle est
fondée sur un partenariat étroit entre universités, entreprises et branches
professionnelles.
Pour favoriser la mobilité des étudiants, notamment entre universités
françaises et européennes, le système européen de transfert des crédits, qui
s'applique dans les grandes écoles et dans un nombre limité d'universités, sera
généralisé d'ici à trois ans.
Les nouvelles technologies de l'information et de la communication participent
aussi de l'ouverture de notre système d'enseignement supérieur sur
l'international. On dénombre, depuis cette rentrée universitaire, dix campus
numériques, qui regroupent des centres de formation professionnelle, le Centre
national d'enseignement à distance, des universités françaises ou étrangères et
des entreprises. Ces campus proposent des cours en ligne ou en vidéo, en
formation initiale et continue, avec un système de tutorat. Malheureusement,
leur coût pour les étudiants, sans commune mesure avec celui des inscriptions
universitaires, pose un problème.
J'aborderai maintenant un point particulier, celui du statut des
enseignants-chercheurs.
Le rapport Espéret, qui vous a été remis le 24 septembre dernier, monsieur le
ministre, propose de prendre en compte dans leur rémunération les nouvelles
tâches de ces personnels, comme l'enseignement à distance, le tutorat ou les
tâches administratives.
Il suggère, en outre, d'instituer un contrat individuel pluriannuel entre
chaque enseignant et son établissement. Un certain nombre d'enseignants du
supérieur ont exprimé leur inquiétude de voir la répartition de leurs
différentes tâches modulée au cas par cas et leur temps consacré à la recherche
fondamentale, ainsi que leur autonomie de travail, en pâtir.
Je sais que vous avez lancé une phase de concertation sur ce sujet, mais
pouvez-vous d'ores et déjà nous apporter, ainsi qu'aux enseignants, des
précisions susceptibles de nous rassurer ?
Pour finir, je reviendrai sur l'analyse de ce budget par la commission des
affaires culturelles. Les critiques sur lesquelles elle se fonde pour rejeter
les crédits de l'enseignement supérieur se révèlent, en réalité, bien minces.
Notre rapporteur regrette, bien entendu, que ce budget ne soit pas prioritaire
: quand un budget l'est, il est taxé de budgétivore, quand il n'est pas
prioritaire, il faudrait qu'il le soit ! (
M. le ministre sourit.
)
La commission juge l'accueil des étudiants étrangers insuffisant. C'est faire
peu de cas des premiers résultats, déjà très prometteurs, de l'agence
Edufrance, trois ans seulement après sa création, résultats que le rapport ne
manque d'ailleurs pas de relever.
En 1999, EduFrance mettait en place un département d'ingénierie pédagogique.
En 2000, elle s'est chargée directement de l'accueil de 359 étudiants
étrangers. Par ailleurs, elle participe à l'appel d'offre EUMEDIS lancé par la
Commission européenne, dont l'objectif est de créer un campus électronique
entre les pays européens et ceux de la rive sud de la Méditerranée.
La tendance continue à la baisse du nombre d'étudiants étrangers accueillis
est d'ores et déjà inversée : en 1999-2000, leur nombre était de 128 000,
contre 121 500 en 1998-1999.
Quant aux dysfonctionnements en matière de maîtrise d'ouvrage et à la
sous-consommation des crédits d'investissement, n'oublions pas qu'ils peuvent
être également dus à des appels d'offres infructueux ou à des défaillances
d'entreprises. Et si des retards ont pu être constatés dans l'application des
contrats de plan, c'est parce que nombre de projets n'étaient pas finalisés et
qu'ils ont exigé plus de temps pour l'expertise.
En fait, M. le rapporteur appelle à la poursuite des efforts engagés tout au
long de cette législature plus qu'il ne procède à une critique sérieuse, sur le
fond, des crédits affectés à l'enseignement supérieur. Il fallait bien trouver
quelques raisons d'être contre.
Le groupe socialiste approuve totalement la poursuite de l'effort budgétaire,
mais aussi de la démocratisation et de la modernisation de notre enseignement
supérieur permises par ce budget.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Lecerf.
M. Jean-René Lecerf.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Université
serait-elle devenue le parent pauvre de l'éducation nationale ? Cette question,
posée de façon abrupte, j'en conviens, résume toute une série d'interrogations
que soulève l'examen du projet de budget pour l'enseignement supérieur.
En effet, ce budget affiche une faible progression. A structure constante, il
s'agit même de l'augmentation la moins importante depuis quinze ans, ce qui
place la France au-dessous de la moyenne des Etats membres de l'Organisation de
coopération et de développement économiques pour la part du produit intérieur
brut consacrée au budget de l'enseignement supérieur. Décidément, les enquêtes
de l'OCDE ne nous sont guère favorables, ces derniers temps !
Cette tendance est d'autant plus préoccupante que l'Université doit faire face
à de nouvelles missions, alors même que celles qui constituaient sa vocation
initiale ne sont plus réellement assurées. L'une des missions fondamentales de
l'enseignement supérieur ne repose-t-elle pas en effet sur la transmission des
savoirs, dans un cadre général pour le premier cycle d'études, et dans un cadre
plus spécialisé, à finalité plus directement professionnelle, pour les deuxième
et troisième cycles ?
Il faut bien reconnaître que cette mission n'est plus assurée que de manière
très imparfaite.
Si l'on considère le taux d'échec des étudiants en DEUG, que seuls 45 % des
étudiants réussissent en deux ans, il apparaît de manière éclatante que le
recrutement en première année d'université devient un problème préoccupant.
Trop de jeunes étudiants arrivent sur les bancs de l'Université sans avoir été
suffisamment suivis dans le choix de leur orientation.
Une étude récente du ministère de l'éducation nationale soulignait ainsi
l'échec massif en DEUG des étudiants titulaires d'un bac technologique et, plus
encore, d'un bac professionnel.
Ces jeunes étudiants choisissent l'Université le plus souvent par défaut
d'orientation ou fréquemment aussi parce qu'ils n'ont pas été admis dans les
filières supérieures à finalité professionnelle, comme les IUT ou les BTS. Non
préparés à des études théoriques, ils subissent ainsi un échec qu'ils vivent
d'autant plus mal sur le plan personnel qu'ils avaient placé de grands espoirs
dans leur réussite universitaire. Une orientation mieux suivie aurait pu les
mener, dès la sortie du lycée, vers une filière mieux adaptée à leur cursus,
qui leur aurait permis en même temps de construire un projet professionnel
cohérent.
Ces difficultés auxquelles se heurte un nombre croissant d'étudiants sont
encore renforcées par certaines aberrations dont l'extrême banalité ne doit pas
masquer la gravité.
Savez-vous, monsieur le ministre, que, dans bon nombre de nos facultés, il
n'existe plus de documents de travaux dirigés, les crédits impartis à cette
dépense suffisant à peine à un trimestre ? Et je passe sous silence la grande
misère de certains centres de documentation, dont le moins que l'on puisse dire
est que l'ancienneté des manuels ne s'accorde guère à la boulimie législative
de ces dernières années.
Savez-vous, monsieur le ministre, que, dans certaines universités, des
enseignants assument des heures supplémentaires représentant de deux à quatre
fois leurs obligations de service, au détriment, bien évidemment, de leur
reponsabilité d'encadrement des travaux de recherches ?
Par ailleurs, l'Université n'est plus véritablement en mesure d'assurer des
conditions de logement satisfaisantes aux étudiants : le parc des logements
étudiants s'est dégradé ces dernières années et les programmes d'investissement
n'ont pas été suffisamment ambitieux pour faire face aux besoins nouveaux.
De manière générale, la programmation des investissements est insuffisante et,
surtout, les taux de réalisation sont particulièrement décevants. Le dernier
rapport annuel de la Cour des comptes le démontre avec éloquence, en faisant
référence à la dégradation des conditions d'utilisation des crédits et à la
sous-utilisation des moyens.
Dans le budget de 2002, les dépenses en capital sont en baisse de 13,7 % par
rapport à 2001 ; les dépenses de maintenance et de mise aux normes de sécurité
des bâtiments sont en diminution de plus de 12 %. Autant de chiffres qui sont
révélateurs des retards accusés dans les réalisations !
Depuis la décentralisation, la carence de l'Etat en ce domaine apparaît
d'autant plus spectaculaire qu'elle contraste singulièrement avec le dynamisme
affiché par les départements et les régions pour les collèges et les lycées.
Sans doute faut-il y voir l'une des raisons de la proposition du rapport Mauroy
relative au transfert, au niveau régional, de la compétence en matière
d'universités.
Sur ce point, je souhaiterais souligner l'importance de l'effort financier
consenti par les régions, souvent même par les départements, dans le cadre de
la réalisation des contrats de plan. Ces efforts significatifs sont, la plupart
du temps, consentis pour pallier une certaine inertie de l'Etat, parfois même
sous sa pression, comme ce fut le cas, hier, lors de la mise en place du plan
Université 2000 ou, aujourd'hui, avec le plan Université du troisième
millénaire.
L'Université doit par ailleurs faire face à de nouvelles missions, censées la
rendre plus attractive, je n'oserais dire compétitive, au regard de la
situation de nos voisins européens.
Les moyens consacrés aux nouvelles technologies sont très insuffisants, et nos
universités souffrent d'un sous-équipement notoire dans ce domaine. Les
établissements à vocation scientifique sont mieux lotis que la moyenne des
autres, mais la situation du parc informatique place la France en mauvaise
position par rapport à celle de ses voisins européens.
Cette situation contribue à une perte d'attractivité de l'Université
française. Dans un contexte qui se veut de plus en plus ouvert à
l'international, l'Université doit adapter ses programmes et ses modes
d'organisation à une nécessaire harmonisation. Encore faut-il qu'elle s'y
prépare correctement !
L'expérimentation menée dans le cadre du projet de réforme des cursus, le
3-5-8, qui viendrait se substituer aux trois cycles actuels, pourrait
constituer une piste de travail intéressante, à la condition que les
universités soient associées, bien en amont, à sa mise en oeuvre. Or, pour le
moment, nous entendons surtout s'exprimer des inquiétudes sur un dispositif qui
manque encore de limpidité et qui suscite plus de questions que de réponses.
De nombreux universitaires font aujourd'hui part de leur inquiétude sur la
qualité de thèses de doctorat qui devront être réalisées en trois ans par des
étudiants allocataires d'enseignement et de recherche astreints, par la même, à
un service d'enseignement pour lequel un important travail de préparation leur
est naturellement nécessaire. Il paraît difficile, et ce serait pourtant leur
intérêt, de leur conseiller de négliger leurs étudiants au profit de la qualité
de leurs travaux de recherche !
De même, la création éventuelle de diplômes à points cumulables, dont la
finalité reposerait essentiellement sur les équivalences qui seraient proposées
avec les universités étrangères, difficile à mettre en oeuvre, n'irait pas sans
poser de problèmes. Au rythme annuel ou semestriel des cursus actuellement en
vigueur, viendrait se substituer une sorte d'enseignement
zapping,
où
chacun pourrait suivre les cours qui l'intéressent, sans garantie de la
cohérence de l'ensemble. Ce système, si séduisant puisse-t-il paraître sur le
plan de la plus stricte pédagogie, nécessiterait la mise en oeuvre de moyens
considérables d'encadrement pour parvenir à mener à bien un projet d'une
dimension aussi novatrice. Or, ces moyens ne sont pas à l'ordre du jour.
Mais, au-delà des moyens, se profile, aussi et surtout, la question de
l'utilisation qui en est faite.
N'oublions pas qu'il existe des établissements qui, sans bénéficier de moyens
financiers plus importants que les autres, bien au contraire, parviennent à
assurer un enseignement de qualité, dans un environnement approprié. C'est le
cas, par exemple, dans le département du Nord, à travers le réseau de facultés
et d'écoles qui dépendent de l'Université catholique. Cette université
contribue largement au rayonnement de l'enseignement supérieur de la métropole
lilloise, alors que, comme les autres universités catholiques, elle ne
bénéficie que d'un soutien financier fort limité des pouvoirs publics.
Est-il normal que les subventions à l'enseignement supérieur privé ne soient
pas plus élevées aujourd'hui qu'elles ne l'étaient en 1997 ? Est-il normal
qu'elles relèvent du seul fait du prince, sans aucune garantie législative ?
Est-il normal que l'aide de l'Etat pour les étudiants de l'enseignement privé
soit si dérisoire au regard du coût de la prise en charge d'un étudiant du
public ?
Ne serait-il pas temps, monsieur le ministre, de reconnaître la contribution
de l'enseignement supérieur privé au service public de l'enseignement, en le
dotant demain d'une législation inspirée par les lois Debré et Guermeur ? Un
tel dispositif lui permettrait de bénéficier de subventions de fonctionnement à
un niveau comparable à celui des établissements publics et donnerait toute sa
dimension au principe constitutionnel de liberté d'enseignement.
Ces différentes interrogations font apparaître, sur un plan plus large, la
nécessité d'engager un processus d'évaluation de l'enseignement supérieur, ce
qui est très souvent réclamé. Il ne s'agirait pas, bien évidemment, de mettre
en oeuvre une nouvelle usine à gaz, mais il faudrait associer l'ensemble des
partenaires de l'enseignement supérieur pour définir une méthode susceptible de
déboucher sur un constat sincère de la situation et sur la recherche commune de
solutions adaptées pour rendre notre Université plus performante.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Monsieur le ministre, comme M. Serge Lagauche vient de le dire, ce projet de
budget se traduit par des chiffres tout à fait significatifs : 3 500 postes
sont créés ; les crédits de fonctionnement augmentent de 7,8 % ; 30 % des
étudiants sont boursiers et les bourses sont revalorisées de 7 % ; en cinq ans,
le budget de l'enseignement supérieur a augmenté de 20 % au total, alors que
les effectifs n'ont pas connu la même progression.
Mes chers collègues, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le rapport de la
commission des affaires culturelles, déjà évoqué par M. Lagauche. J'ai été
frappé, à la page 9, par le titre du paragraphe I : « Une évolution générale
des crédits décevante ». Puis, j'ai lu le premier sous-titre A : « La création
de 3 500 emplois » et le titre de la section 1 : « Les emplois enseignants : un
progrès par rapport à 2001 ». La section 2 s'intitule : « Les emplois non
enseignants : un effort substantiel ». Je poursuis : à la page 20, le B
s'intitule : « Une hausse attendue des crédits de fonctionnement », avec en
section 1 : « Des moyens nouveaux » et en section 2 : « Un rattrapage
nécessaire pour les universités sous-dotées ».
(Sourires.)
Mes chers collègues, comme vous le savez, je suis nouveau dans cette assemblée
; je ne perçois peut-être pas encore toutes les finesses de la dialectique des
commissions sénatoriales !
(Nouveaux sourires.)
M. Eric Doligé.
Il faut lire entre les lignes !
M. Jean-Pierre Sueur.
Je trouve cependant quelque peu paradoxal de juger décevant un budget, qui, à
la lecture du rapport, se révèle incontestablement positif.
M. Hilaire Flandre.
Il faut voir surtout les résultats !
M. Jean-Pierre Sueur.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, il est important de noter
que nous rattrapons le taux d'encadrement qui existait dans les universités
françaises avant l'explosion démographique des années 1980. On compte
aujourd'hui un enseignant pour 18,95 étudiants. On n'en était pas là, il y a
quatre ou cinq ans, vous le savez bien ! On ne peut donc que constater un
effort important, qu'il faudra poursuivre. Pourquoi ?
Vous le savez, mes chers collègues, il y a deux circuits dans l'enseignement
supérieur français.
Il y a, d'une part, les classes préparatoires aux grandes écoles, les IUT, les
STS, toutes filières soumises à contingentement. Il faut y être admis pour
suivre les enseignements. Ces filières jouissent d'un très bon taux
d'encadrement.
Il y a, d'autre part, les premiers cycles universitaires, qui accueillent la
plus grande partie des bacheliers, en particulier ceux qui n'ont pas réussi à
entrer dans les filières dont je parlais précédemment ou qui n'avaient ni le
goût ni le désir d'y accéder. Là, les taux d'encadrement étaient beaucoup plus
mauvais.
Il y a là, à mes yeux, une question de justice et d'équité. Favoriser la
réussite de tous et lutter contre l'échec en premier cycle doit nous conduire à
oeuvrer de manière continue pour un meilleur taux d'encadrement des étudiants,
tout particulièrement, bien sûr, dans le premier cycle. Ce projet de budget le
permet, et il est très important qu'il puisse s'inscrire dans la durée, dans
une programmation.
Il faut un plan pluriannuel pour l'enseignement supérieur comme il en existe
un pour l'enseignement secondaire, car les coups d'accordéon sont néfastes. Les
jeunes enseignants chercheurs eux-mêmes veulent avoir une certaine visibilité
de l'avenir. C'est une question d'équité entre les générations.
Cette démarche nous permettra également d'obtenir ce taux d'encadrement auquel
nous aspirons afin de réduire le plus possible les échecs au cours du premier
cycle universitaire.
Permettez-moi, en conclusion, monsieur le ministre, de vous poser quelques
questions.
La première porte sur l'autonomie des universités, dont on parle tant.
Bien sûr, nous devons veiller à conserver un statut national des enseignants,
des diplômes nationaux, des objectifs fixés à l'échelon national. Sinon, on
irait vers le modèle des universités concurrentielles, certaines étant bien
dotées, d'autres sous-dotées. Je souhaite néanmoins vous demander quelles sont
vos intentions pour donner plus d'autonomie et de liberté de gestion à nos
universités, pour leur permettre de résoudre plus facilement toute une série de
problèmes qu'elles rencontrent dans leur fonctionnement courant.
Il n'y a pas de contradiction entre une plus large autonomie et le maintien
dans le service public.
A ce propos, contrairement à l'un de nos collègues, je ne crois pas que le
rapport Mauroy préconise la régionalisation des universités. Les régions
doivent, certes, être des partenaires essentiels pour les universités, mais il
est également très important qu'il existe un véritable aménagement du
territoire en matière universitaire, que toutes les régions aient des premiers
cycles, des deuxièmes cycles et des troisièmes cycles de qualité, faute de quoi
les régions riches auront les moyens d'abriter des universités prestigieuses et
les autres devront se contenter d'universités d'un niveau plus modeste.
Le rôle de l'Etat en matière d'enseignement supérieur est donc, du point de
vue de l'aménagement du territoire, absolument fondamental. Mais cela ne nous
interdit pas d'aller vers plus d'autonomie dans la gestion des
établissements.
Je veux également vous interroger, monsieur le ministre, sur vos intentions en
ce qui concerne la contribution des universités à la formation continue.
Les universités prennent une part importante dans la formation tout au long de
la vie, mais cette part me paraît encore insuffisante.
On parle beaucoup de la validation des acquis professionnels. Or des documents
émanant de votre ministère montrent que quatre universités seulement assurent
aujourd'hui la moitié de la validation des acquis professionnels pour toute la
France. Cela signifie que cette pratique n'est pas encore véritablement entrée
dans les moeurs de nos universités et qu'il reste beaucoup à faire pour que
celles-ci jouent le rôle éminent qui doit leur revenir dans la formation
permanente.
Enfin, monsieur le ministre, vous savez qu'il est essentiel de développer la
recherche universitaire ; d'ailleurs vous vous y employez. A cet égard, la loi
du 12 juillet 1999 est très positive, car elle favorise l'établissement de
liens entre les laboratoires de recherche dépendant des universités et le monde
économique, en vue d'utiles transferts de technologie. Cette loi permet
notamment à des chercheurs oeuvrant au sein des universités de valoriser
facilement leurs travaux dans le champ de l'industrie, par la création de
petites et moyennes entreprises, et il peut s'agir de très petites entreprises
à haute dimension technologique.
Malheureusement, les décrets d'application de cette loi ne sont toujours pas
parus. Je vous demande donc de faire en sorte qu'ils puissent paraître
rapidement.
Monsieur le ministre, je tiens, pour terminer, à vous remercier de ce projet
budget. L'objectivité me conduit à dire que c'est un bon budget, qui prouve que
vous avez confiance en l'avenir.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jack Lang,
ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le président, mesdames,
messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier vos rapporteurs, MM.
Jean-Philippe Lachenaud et Jean-Léonce Dupont, qui ont bien voulu présenter
leurs appréciations, et celles des deux commissions auxquelles ils
appartiennent, sur ce projet de budget.
Sur les aspects proprement techniques et budgétaires, ce qu'ont dit MM. Serge
Lagauche et Jean-Pierre Sueur me dispensera d'être très long.
On peut retourner les chiffres dans tous les sens, on peut leur faire dire le
contraire de ce qu'ils signifient, on n'arrivera jamais à contester que le
budget de l'enseignement supérieur pour 2002 est à la fois en très sensible
augmentation et prometteur.
Prenez les emplois. Le plan pluriannuel qui a été retenu nous permet, par
exemple, de faire progresser cette année de 60 % - ce n'est pas rien ! - les
créations d'emplois.
Prenez les crédits de fonctionnement des universités. Vous savez à quel point
les universités, car c'est vital pour elles, souhaitent, depuis des années, que
les crédits de fonctionnement puissent leur permettre d'aller de l'avant. Or ce
projet de budget fait apparaître à cet égard une augmentation de 8 %, la plus
forte depuis une vingtaine d'années.
Prenez les crédits d'investissement. Bien sûr, peut se produire ici ou là - je
vais y revenir - telle ou telle difficulté d'exécution. Mais, cette année
encore, les autorisations de programme et les crédits de paiement marquent une
hausse assez spectaculaire, à laquelle il faut, en outre, ajouter les
dispositions qui figurent dans le projet de loi de finances rectificative qui
sera prochainement examiné par le Sénat.
J'ai obtenu de M. le Premier ministre une décision exceptionnelle, qui
consiste à libérer la totalité des autorisations de paiement concernant des
dépenses de mise en sécurité, qui auraient dû normalement s'étaler sur les
trois ou quatre années qui viennent. Ce sont ainsi 2 600 millions de francs
qui, aux termes du projet de loi de finances rectificative pour 2001, vont
permettre à nos universités d'accélérer des travaux qui, sans cette mesure,
n'auraient pas pu être achevés avant trois, quatre, cinq ou six ans.
Je puis vous assurer que les présidents d'université ont été très heureux
d'apprendre que le Premier ministre avait décidé d'inclure cette disposition
dans le projet de loi de finances rectificative.
En outre, la conférence des présidents d'université a formulé une appréciation
positive sur le présent projet de de budget en déclarant qu'il était excellent
et qu'il répondait aux voeux qu'ils avaient exprimés en matière d'emplois, de
crédits de fonctionnement et d'investissement.
Certes, on peut toujours faire mieux, mais, je le répète, ce budget marque
incontestablement un véritable changement de cap, et je souhaite vivement que
cette politique soit poursuivie, voire amplifiée dans les années qui viennent.
D'ailleurs, je partage totalement le sentiment de Jean-Pierre Sueur quant au
caractère néfaste des « coups d'accordéon ».
M. Lachenaud a mis l'accent sur certains retards en matière d'exécution des
investissements.
Vous le savez, monsieur le rapporteur spécial, ce phénomène n'est pas propre
aux crédits d'investissement des universités. Il se produit notamment
s'agissant d'investissements qui associent différents partenaires : des
collectivités locales, l'Etat et, éventuellement, d'autres financeurs.
Certes, ce n'est pas une raison pour s'accommoder des retards constatés ici ou
là.
Je suis de ceux qui pensent que notre système, encore beaucoup trop lourd,
mériterait d'être simplifié. Je suis également de ceux qui pensent qu'une plus
grande maîtrise de l'organisation et de la mise en place des investissements
devrait être confiée aux universités elles-mêmes ou aux régions. Des progrès
ont été accomplis à cet égard, mais ils demeurent, à mon avis, trop timides.
Dès lors que le contrat de plan a retenu un certain nombre d'opérations, mieux
vaut confier à ceux qui en ont la capacité sur le terrain la responsabilité de
l'exécution, avec un minimum de tutelle scientifique, technique ou
architecturale.
J'admets cependant volontiers qu'il nous faudra, dans l'avenir, pour les
investissements dans les universités comme pour les autres investissements
d'Etat, procéder à un certain nombre d'améliorations dans le sens d'une plus
grande souplesse et d'une accélération de l'exécution.
Vous n'auriez pas tort, monsieur Lachenaud, sur la question des crédits de
maintenance si n'existait pas un mécanisme de souplesse, à savoir la
possibilité d'utiliser, pour les universités, le chapitre 36-11, qui permet de
procéder à un certain nombre de dépenses nécessaires.
Je reconnais cependant que, du point de vue d'une présentation fonctionnelle
plus rigoureuse, il serait préférable que nous disposions de crédits de
maintenance plus importants et plus réguliers. A cet égard, vos avis et vos
propositions rejoignent mon propre sentiment.
S'agissant du fonctionnement, vous avez évoqué les fameuses normes « San Remo
», qui ont pu effectivement avoir des effets fâcheux pour un certain nombre
d'universités.
M. Zocchetto s'est interrogé sur la suite que j'ai donnée à différents
rapports que j'avais demandés.
Il n'est plus là pour entendre ma réponse, mais il pourra certainement en
prendre connaissance : je n'ai pas pour habitude de mettre les rapports dans un
tiroir !
Je juge même que, lorsqu'on confie à une personnalité la responsabilité d'une
enquête sur tel ou tel sujet, il est inadmissible d'expédier le fruit de son
travail dans un placard ou dans une cave ! C'est pourquoi l'ensemble des
rapports que nous avons commandés font l'objet d'une exécution.
En particulier, le rapport Laugénie sur le financement des universités a été
pris en considération cette année dans la répartition des crédits. Nous y avons
apporté une plus grande souplesse. J'en veux pour preuve que l'un d'entre vous,
qui s'est montré par ailleurs si exagérément critique à l'égard de nos
universités, a reconnu que les universités littéraires avaient bénéficié cette
année d'un soutien. De même, tous ceux qui, l'an dernier, protestaient contre
les anomalies liées au système « San Remo » considèrent que, cette année, de
bonnes mesures ont été prises pour rectifier le tir et établir une plus grande
équité entre les universités.
Sur les questions relatives aux écoles d'ingénieurs et à l'enseignement privé,
je connais la préoccupation du sénateur Legendre. Je ne lui reprocherai pas son
obstination. Je suis moi aussi obstiné lorsque je défends une cause.
Même si le budget de cette année n'apportera pas les milliards de francs que
vous attendez, monsieur le sénateur, il est tout de même en augmentation de 3
%, donc d'un taux supérieur à l'augmentation moyenne du budget de l'Etat. Par
ailleurs, nous maintiendrons le contact avec les écoles d'ingénieurs pour
assurer cette réévaluation que vous appelez de vos voeux.
Je veux aussi répondre à une question que le sénateur Lagauche a posée
concernant le rapport Espéret et, ce faisant, tordre le cou à un bodard qui est
propagé - c'est peut-être de bonne guerre - ici ou là pour créer
l'inquiétude.
Un rapport est un rapport ! Je respecte le président de l'université de
Poitiers, M. Espéret. Il a établi son rapport avec ses collègues. Mais un
rapport n'engage pas l'Etat.
Dans le même temps, ce rapport est, pour nous, une base pour avancer,
progresser, réfléchir et agir, d'autant plus qu'il contient de très bonnes
propositions.
Mais je le dis ici avec clarté, surtout à des parlementaires, ce serait un
non-sens juridique de parler de contrat à propos d'un professeur de
l'enseignement supérieur qui est sous statut.
Sur ce fait, il ne doit y avoir aucune équivoque. Les professeurs de
l'enseignement supérieur sont des fonctionnaires d'Etat. Ils accomplissent une
mission de service public. Ils sont, par conséquent, dans une situation
statutaire et il n'est absolument pas question qu'un contrat sous quelque forme
que ce soit, puisse être conclu entre tel professeur et telle université.
En revanche, et cela se pratique depuis toujours, si je puis dire, la
répartition des services s'établit par discussions au sein des conseils
d'universités ou des conseils des unités de formation et de recherche, et cela
n'a jamais soulevé de problèmes autres qu'entre collègues pour savoir qui
assure tel enseignement et à quel moment.
De ce point de vue, le rapport Espéret contient une idée attendue depuis très
longtemps, à savoir qu'indépendamment de la mission de recherche qui doit être
intégralement préservée, puisqu'il s'agit de professeurs-chercheurs, la partie
proprement pédagogique de la mission de l'enseignant puisse éventuellement
comporter des activités pédagogiques diverses : animation de petits groupes,
notamment en DEUG, mais aussi animation ou direction d'un campus numérique
aujourd'hui en co-développement, participation à la formation continue - la
question a été posée par M. Sueur - ou à d'autres missions nationales ou
internationales.
Dans le budget qui vous est proposé, figure à cet égard une mesure que peu de
personnes ont mise en valeur : la globalisation partielle, encore trop modeste
- c'est néanmoins un commencement - des primes attribuées par les universités.
Cette globalisation partielle des primes se traduira, dès l'année 2002, par des
décharges d'enseignement qui pourront être décidées au bénéfice d'enseignants
préférant s'attacher, je le répète, à la formation continue, à un campus
numérique ou à d'autres activités qui seront, enfin, pleinement reconnues.
Cela dit, cette possibilité ne sera naturellement offerte que dans le cadre
tout à fait limité du nombre d'heures qui est établi pour
l'enseignant-chercheur et non au-delà.
Je vous remercie, monsieur Lagauche, d'avoir posé la question du statut des
enseignants-chercheurs, car certains ont cherché à créer l'inquiétude sur ce
sujet. Le statut des professeurs demeurera un statut national. Il n'est pas
question de contractualisation, ce qui serait absurde et contraire à notre
droit. Par ailleurs, le mode de calcul de leur nombre d'heures restera
inchangé, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là, dans tel ou tel
libelle.
M. Legendre a quant à lui traité de l'accueil des étudiants étrangers. Il est
vrai que, sur ce sujet, il y a eu des reculs ou des stagnations. Vous avez
vous-même souligné, monsieur le sénateur, que cela tenait à un certain nombre
de raisons, notamment à la politique des visas, que le Gouvernement auquel
j'appartiens a profondément transformée.
Nous avons pris une série de mesures qui, je crois, devraient permettre
d'améliorer la capacité d'accueil de nos universités. Les chiffres dont je
dispose donnent à penser que, aujourd'hui, leurs portes s'ouvrent beaucoup plus
largement que dans le passé.
Je voudrais à présent revenir sur quelques-uns des points fondamentaux qui
caractérisent l'évolution de nos universités.
Pardonnez-moi de le dire avec franchise, mais, parfois, certains d'entre vous
regardent nos universités avec des « lunettes » qui datent d'une quinzaine
d'années, de l'époque où, face à l'explosion démographique, on a dû construire
parfois mal ou vite, sans tenir compte des besoins réels des professeurs et des
étudiants. Ces universités-là, dont il subsiste encore quelques « vestiges »,
nous devons d'ailleurs les rénover au plus vite pour qu'elles soient des
universités de belle qualité accueillant l'ensemble des étudiants dans de
bonnes conditions.
Pourtant, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincu que, souvent,
vous êtes fiers des universités de vos régions. C'est une forme de
schizophrénie habituelle dans notre pays : le discours national sur les
universités est un discours catastrophiste, alors même que, localement, députés
et sénateurs, quelle que soit leur appartenance politique, ne tarissent pas
d'éloges et vantent la modernisation, les transformations, l'ouverture de ces
établissements.
Pour avoir pris la peine de visiter près de la moitié de nos universités
depuis un an et demi, je suis pour ma part frappé - même si je n'en suis pas
moi-même le principal auteur, loin de là - par le renouveau des universités
françaises et, d'abord, par leur renouveau pédagogique.
A ce propos, je tiens à mettre les choses au point sur des idées que certains
propagent en permanence à propos des DEUG.
Des réformes ont été engagées en 1992, d'autres en 1997, et nous en
entreprenons un certain nombre actuellement. Dans une université qui ouvre
largement ses portes sans sélection, il n'est pas anormal que le taux de
réussite en DEUG se situe aux alentours de 45 % après deux ans d'études - il
était d'ailleurs de 30 %, voilà cinq ans - d'autant qu'il avoisine les 75 %
pour la troisième année.
L'important, c'est de permettre aux étudiants qui auraient fait fausse route
de se réorienter à temps et d'emprunter d'autres voies. C'est dans cet esprit
que j'ai souhaité encourager la pluridisciplinarité en première année. Ainsi,
en cours d'année ou à la fin de la première année, les étudiants pourront
rebondir sur d'autres formations.
C'est aussi dans cet esprit que s'inscrit la réforme de la première année des
études médicales qui, aujourd'hui, recueille un assez large consensus et qui,
lorsqu'elle sera mise en application, donnera aux étudiants qui n'auront pas
réussi le difficile concours sanctionnant la première année la possibilité de
s'engager sur d'autres chemins.
Parmi les mesures prises qui entreront pleinement en application à la rentrée
prochaine, il faut retenir la nomination d'un directeur des études en première
année, qui recevra les étudiants, les conseillera, les orientera, qui sera un
interlocuteur permanent. La transformation même du métier d'enseignant
permettra à ceux qui le souhaiteront de se consacrer davantage à l'animation de
petits groupes et à des séminaires destinés aux étudiants de première année.
Il s'agit là de toute une série de transformations qui sont de nature à
rénover profondément la pédagogie, notamment en premier cycle.
Par ailleurs, je suis personnellement très favorable à ce que nous puissions
continuer à encourager très fortement l'évaluation des enseignements et des
enseignants par les étudiants eux-mêmes.
Là où l'expérience a été engagée, dans de grandes écoles - je pense à
Sciences-Po - ou dans certaines universités, dont celle de Toulouse, les
professeurs en sont très heureux, et les étudiants aussi. Un tel dialogue entre
étudiants et professeurs est de nature à faire progresser la qualité de notre
enseignement.
En ce qui concerne la rénovation pédagogique, je vous invite à vous rendre
dans les régions, vous y constaterez que, partout, des expériences favorisent
le succès des étudiants.
Nous évoquions tout à l'heure l'ouverture internationale. A ce sujet, M.
Hubert Védrine et moi-même avons confié à M. Elie Cohen un rapport sur la
situation internationale des universités. Plusieurs propositions ont été
faites. Des mesures ont été prises.
Je ne peux que constater aujourd'hui que nos universités qui, dans le passé,
étaient en effet très repliées sur elles-mêmes, ouvrent aujourd'hui plus
volontiers leurs portes et leurs fenêtres à l'air du large. Elles ont établi
des ponts avec d'autres universités. Elles accueillent avec beaucoup plus de
chaleur les étudiants et les professeurs venant d'autres pays.
Un système de bourses a été développé. Toute une série de formes
d'organisations de l'accueil, visant en particulier à faciliter les formalités,
permettent désormais aux étudiants étrangers d'être mieux reçus. Toutefois,
nous devons nous démener pour que, sur ce plan, nos établissements soient aussi
accueillants et hospitaliers que certaines universités anglo-saxonnes.
S'agissant de l'envoi d'étudiants français dans d'autres pays, nous avons pris
des mesures qui, je crois, vont permettre de beaucoup avancer, notamment grâce
aux bourses de mobilité européennes que j'ai fait créer. Nous sommes le seul
pays en Europe à avoir créé de telles bourses qui, même si elles sont calculées
par périodes de trois mois, peuvent naturellement, contrairement à ce qu'a dit
tout à l'heure un sénateur qui est parti, profiter à des étudiants qui iraient
étudier huit mois ou un an dans une université européenne. Ce sont, au total,
12 000 bourses de trois mois qui ont été créées.
A cela s'ajoute le système des crédits et des unités capitalisables. Je me
réjouis à ce propos de constater que, la semaine dernière, le Conseil supérieur
des universités, qui examine les propositions de textes ministériels avec
beaucoup d'attention, de vigilance et non sans esprit critique, comme c'est
normal, a approuvé cette réforme très importante qui s'appliquera dans
l'ensemble du pays et qui permettra que les études réalisées à l'étranger par
les étudiants français soient prises en compte dans leur diplôme.
J'en viens maintenant à la rénovation scientifique et technologique. Cette
année, dix campus numériques se sont ouverts ; soixante autres sont en
préparation et verront le jour. Mais j'arrête là sur ce sujet parce que l'heure
avance !
Monsieur Jean-Pierre Sueur, nos universités vont disposer d'instruments
juridiques et de financements qui vont leur permettre d'accomplir, je le crois
vraiment, une véritable révolution culturelle.
Il s'agit de la loi sur la validation des acquis professionnels, qui vient
compléter celle que j'ai eu l'honneur de présenter en 1992, et des ECTS, ou
European Credit Transfert System.
Il s'agit aussi des unités
capitalisables - j'ai là le document cadre que je promulguerai d'ici à quelques
semaines - qui permettront de mettre en place un dispositif plus souple,
prévoyant la possibilité, pour un étudiant, d'abandonner ses études pour les
reprendre plus tard.
Cela dit, ce n'est pas un système de libre-service, comme certains l'ont dit
tout à l'heure, car cela se fera dans le cadre de diplômes nationaux et d'une
organisation solide, sérieuse.
Troisième élément : dans le cadre horaire actuel, les professeurs qui le
souhaitent pourront se consacrer davantage à des tâches nouvelles, notamment à
la formation continue.
Parmi ces mesures, bénéfiques pour nos universités, la formation continue,
monsieur Sueur, prend d'ores et déjà une place importante. L'université de
Nantes, par exemple, qui est la plus importante en nombre aujourd'hui, compte
33 000 étudiants en formation initiale et 11 000 en formation continue. C'est
un pas extrêmement important, et ce phénomène s'accentuera, j'en suis
convaincu, dans les prochains mois, améliorant encore le rôle des universités
dans ce domaine de la formaiton continue.
Mesdames, messieurs, tels sont quelques-uns des points sur lesquels je
souhaitais attirer votre attention. Je vous remercie de vos questions et de vos
observations.
Malgré les critiques que vous avez faites sur notre gestion, j'ai le sentiment
que, au-delà de l'engagement du Gouvernement et du ministère actuellement en
charge de l'enseignement supérieur, c'est l'ensemble de la communauté
universitaire qui est en pleine transformation, en pleine rénovation, et,
personnellement, je suis très optimiste sur l'avenir de notre système
universitaire.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C, concernant l'éducation nationale. - II. Enseignement supérieur.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud,
rapporteur spécial.
Monsieur le président, je veux confirmer que la
commission des finances a émis, cette année, un avis défavorable sur l'ensemble
des crédits et des titres.
Par ailleurs, je souhaite que le Sénat se prononce sur le titre III par
scrutin public.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 132 519 088 euros. »