SEANCE DU 6 DECEMBRE 2001
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant
l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement du
territoire.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, le budget sur lequel nous nous prononcerons tout
à l'heure est un petit budget, puisqu'il représente moins de 300 millions
d'euros. Afin de fixer les idées, je rappellerai que, si l'on en croit le «
jaune », l'ensemble des dépenses de l'Etat relatives à la politique
d'aménagement du territoire s'élèveraient à près de 8 milliards d'euros, dont
plus de la moitié correspondant à des dépenses du ministère de l'équipement. Au
total, le budget de l'aménagement du territoire ne correspondrait donc qu'à
environ 3,5 % des dépenses consacrées à l'aménagement du territoire, qui, si
l'on tient compte des participations des autres ministères, des exonérations
fiscales et sociales ou bien encore des crédits en provenance des fonds
structurels européens, s'élèveraient à plus de 77 milliards de francs.
A l'évidence, cette dispersion des crédits ne permet pas une très bonne
lisibilité de votre politique, monsieur le ministre.
Le budget de l'aménagement du territoire rassemble les crédits gérés par la
délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR - en
fait, son budget de fonctionnement - la prime d'aménagement du territoire, la
PAT, et le fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le
FNADT.
Le montant de ce budget fluctue selon les années, tantôt à la hausse, tantôt à
la baisse.
Le budget de fonctionnement de la DATAR s'élève à 14 millions d'euros, soit
une augmentation de 13,4 % par rapport à 2001. Ces crédits devraient permettre
la création de sept nouveaux emplois affectés aux commissariats de massif.
Peut-être les zones rurales de montagne y verront-elles un clin d'oeil et un
début d'intérêt !
La DATAR est le fer de lance de l'aménagement du territoire. Elle est servie
par des femmes et par des hommes de grand talent et de grande qualité, souvent
passionnés par leur métier et animés d'une réelle volonté de faire avancer les
dossiers.
Je tiens à les remercier et à leur rendre hommage, en regrettant très
sincèrement qu'ils soient si peu et si mal suivis par leur ministère de
tutelle.
Comme c'est généralement le cas, la variation du budget de l'aménagement du
territoire s'explique, cette année, par l'évolution du stock de reports sur la
prime d'aménagement du territoire. Si les reports augmentent, on diminue les
crédits figurant dans le budget ; si ces reports diminuent, on majore les
crédits du budget : c'est normal !
La PAT, comme vous le savez, mes chers collègues, a été réformée cette année.
Il convient de rappeler que la Commission européenne avait indiqué à la France,
dès le 24 février 1998, qu'elle devait mettre sa carte et ses dispositifs
d'aide en conformité avec les nouvelles règles communautaires, et ce avant le
31 décembre 1999. La France n'a pas satisfait à temps à cette obligation. La
nouvelle carte de la PAT n'a été approuvée par la Commission qu'au mois de mars
2000 et le décret relatif au régime des aides est seulement paru au moins
d'avril dernier, c'est-à-dire près de quinze mois après l'échéance fixée.
Par ailleurs, j'ai bien relu le débat que nous avions eu en 1999 avec votre
prédécesseur, monsieur le ministre, et à aucun moment celui-ci ne nous avait
avertis de ce que l'ensemble de nos dispositifs d'aides à finalité régionale,
dont la PAT et le fonds d'aide à la délocalisation ne seraient plus conformes
au droit communautaire à compter du 1er janvier 2000. Je regrette cette
omission. Je regrette surtout que la publication du nouveau décret ait été
aussi tardive.
Néanmoins, la PAT a été réformée, les seuils abaissés, son éligibilité
élargie.
Ainsi donc, même si les seuils sont encore trop élevés, à mon sens, la PAT
devient un instrument plus efficace de développement, sauf pour les zones
rurales, qui n'en profitent que très rarement.
En crédits de paiement, les crédits du FNADT inscrits dans votre budget sont
stables par rapport à ceux qui étaient inscrits dans la loi de finances pour
2001.
Par ailleurs, les dépenses de personnel diminuent de 33 %, ce qui s'explique
par le transfert de certains emplois à l'agence française pour les
investissements internationaux, créée par la loi de 2001 relative aux nouvelles
régulations économiques.
Cette agence regroupe les différents organismes auparavant chargés de
favoriser les investissements étrangers en France. Cette mesure me semble
intéressante. Elle devrait, en effet, rendre plus efficace et cohérente
l'action publique en ce domaine.
J'arrête ici de citer des chiffres, car leur évolution a somme toute peu de
signification. Je vous rappelle, en effet, mes chers collègues, qu'en 1998 et
en 2000, environ 40 % des crédits que le Parlement a votés n'ont pas été
consommés et ont été reportés sur l'exercice suivant.
Ce qui compte, plus que le budget, plus que les orientations, ce sont leurs
effets sur le terrain, et vous me permettrez, monsieur le ministre, de vous
poser quelques questions.
La première a trait à la réforme des zonages. Voilà deux ans, à cette tribune,
votre prédécesseur avait annoncé cette réforme pour l'année 2000. Deux députés
ont été nommés parlementaires en mission, puisque, apparemment, les conclusions
du rapport Auroux ne suffisaient pas. Nos collègues députés ont remis leur
rapport au Premier ministre le 27 mai dernier. Où en sommes-nous aujourd'hui ?
Quels sont les zonages qui doivent être réformés ?
Ma deuxième question porte sur les schémas de services collectifs. Aux termes
de la loi Voynet, ils devaient être publiés avant le 31 décembre 1999 et servir
de base aux contrats de plan. Finalement, le calendrier a été bizarrement et
totalement inversé. Deux ans de retard !
Arbitrés le 9 juillet 2001, lors du comité interministériel pour l'aménagement
et le développement du territoire, le CIADT, ils sont actuellement au Conseil
d'Etat, ainsi que le décret d'approbation auquel ils sont annexés. Le décret
n'est toujours pas paru. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quand
cette publication aura lieu ?
J'en viens à ma troisième question. Ainsi que l'a souligné l'année dernière
notre collègue Michel Mercier dans le rapport de la mission d'information
chargée d'établir le bilan de la décentralisation, les crédits accordés aux
termes des contrats de plan Etat-régions ne sont pas toujours proportionnels au
niveau de développement de la région concernée. On a ainsi le sentiment que
certaines régions sont quelque peu oubliées. Cette situation vous
préoccupe-t-elle, monsieur le ministre ? En avez-vous une parfaite conscience
?
Enfin, ma dernière question, très importante, concerne les zones rurales. Les
élus de ces zones, monsieur le ministre, en particulier le rapporteur spécial,
ont le sentiment que la politique d'aménagement du territoire a essentiellement
pour objectif de favoriser le développement des villes et que l'on a tendance à
délaisser les zones rurales. Pouvez-vous m'indiquer, monsieur le ministre, quel
est votre sentiment à ce sujet et quelles évolutions vous semblent
envisageables ?
Je souhaite également vous poser trois autres questions.
Tout d'abord, pouvez-vous m'indiquer où en est la montée en puissance du
dispositif des contrats territoriaux d'exploitation, créé par la loi
d'orientation agricole du 9 juillet 1999, qui se substitue à l'ancien fonds de
gestion de l'espace rural, que personnellement je regrette ? L'objectif de
départ était très ambitieux : on espérait la signature de 100 000 contrats pour
le premier semestre de 2002, selon M. le ministre de l'agriculture. Or, selon
mes informations - qu'il a lui-même confirmées lundi dernier à cette tribune -,
19 000 contrats ont été validés et un peu plus de 14 000 signés.
Ensuite, vous ne l'ignorez pas, monsieur le ministre, je suis particulièrement
attaché au concept des plates-formes d'initiative locale. En effet, la création
ou le maintien d'emplois marchands dans les zones défavorisées est une
condition nécessaire à une politique d'aménagement du territoire réussie. Après
plusieurs amendements du Sénat, qui ont tous reçu un avis défavorable du
Gouvernement, celui-ci a enfin décidé, dans la loi de finances rectificative de
la fin de l'année dernière, que ces plates-formes pourraient bénéficier de
l'agrément du ministère de budget lorsqu'elles aident à la reprise
d'entreprises.
Comme je le soulignais l'année dernière, les moyens financiers de ces
plates-formes sont modestes. Ainsi, en 2000, le FNADT a consacré presque deux
fois plus d'argent au nouvel Institut des hautes études d'aménagement du
territoire - dont la pertinence, pour l'heure, n'est pas avérée - qu'à la tête
de réseau des plates-formes d'initiative locale, France initiative réseau.
Monsieur le ministre, dérogeant à la règle, si vous le permettez, je souhaite,
par deux exemples concrets tirés de mon expérience, pointer du doigt certains
dysfonctionnements dans la conduite de la politique d'aménagement du territoire
que je déplore et que je dénonce.
Elu depuis plus de vingt-cinq ans d'une zone rurale défavorisée, je me bats
avec mes collègues, de droite comme de gauche, contre le déclin de notre
territoire.
Force est de constater qu'il y a loin de la coupe aux lèvres, qu'il y a loin
des mesures annoncées à leur application sur le terrain.
Mon premier exemple concerne l'accès à la communication.
Le CIADT du 9 juillet était porteur de promesses en ce domaine, puisque le
Massif central était reconnu comme zone prioritaire pour l'accès généralisé aux
réseaux à hauts débits ainsi que pour la couverture territoriale téléphonique
mobile. Or qu'en est-il sur le terrain ?
Le 14 novembre dernier, le préfet m'adresse un document émanant de France
Télécom et m'informant que ma commune serait desservie en hauts débits et, qui
plus est, en très hauts débits, d'ici à 2003. Dix jours plus tard, le directeur
général de France Télécom m'écrit ceci :
« En ce qui concerne la situation de votre commune, je suis au regret de vous
annoncer que les conditions économiques ne sont pas remplies et qu'en
conséquence nous n'envisageons pas de doter votre commune de l'ADSL dans un
avenir proche.
« L'équation économique s'appuie sur le nombre de clients utilisateurs et non
pas, comme cela pourrait être imaginé, sur la qualité et la taille des
utilisateurs. Une entreprise, quelle que soit sa taille, est en fait considérée
comme un seul utilisateur. La rentabilité économique passe avant tout par le
raccordement de cent cinquante utilisateurs. »
Or, monsieur le ministre, ma commune est le deuxième pôle industriel de mon
département, avec 780 emplois industriels.
Depuis des décennies, avec d'autres je me bats, le dos au mur, pour attirer
des entreprises, les retenir, créer un environnement favorable.
Je vais, demain, devoir annoncer cette mauvaise nouvelle, expliquer
l'incohérence entre les propos du Premier ministre et ceux de son
administration, étouffer un espoir qui semblait légitime.
Le deuxième exemple concerne les pays, dont vous allez, monsieur le ministre,
vanter les mérites. Or, d'une part, la loi nous met sous la tutelle de l'Etat
et des préfets de région pour délimiter les périmètres géographiques et,
d'autre part, elle impose un parcours épuisant en douze étapes qui rebute les
meilleures volontés.
Ainsi, après deux ans de maturation, cinq communautés de communes décident à
l'unanimité de constituer un pays qui comprend soixante communes situées dans
mon département et cinq dans un département limitrophe appartenant à une autre
région.
Contre la volonté unanime des élus, l'un des préfets de région s'oppose au
périmètre, alors que son collègue l'approuve. Le système s'en trouve bloqué, et
tous nos efforts sont réduits à néant pour des motifs politiciens, pour des
luttes de pouvoir inavouées mais que personne n'ignore.
M. le président.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous prie de conclure.
M. Roger Besse,
rapporteur spécial.
Je termine, monsieur le président.
Nous pourrions tous, sur ces travées, vous donner cent exemples de ces
incohérences administratives et de ces dysfonctionnements qui font que les
mesures prises depuis trop longtemps finissent par ne plus avoir d'effets que
pervers.
Force est de constater qu'en dépit des effets d'annonce nos administrations
sont toujours aussi rigides et aussi peu efficaces, à la fois omnipotentes et
impotentes. Au lieu d'aider, de soutenir, d'accélérer, de faciliter les projets
locaux, elles entravent et désespèrent en imposant dans tous les domaines des
contraintes et des règlements dissuasifs. L'aménagement du territoire est à
l'image de la carte du réseau TGV, monsieur le ministre : pleine de blancs. En
un mot, le tout des uns devient le rien des autres.
Pour ces motifs et pour bien d'autres, suivant en cela la commission des
finances, je vous propose, mes chers collègues, de rejeter les crédits de
l'aménagement du territoire.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Pépin,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a
précisé à l'instant notre excellent collègue Roger Besse, le budget de
l'aménagement du territoire pour 2002 atteint un montant largement inférieur à
300 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement. Il est
cependant en hausse de 6,8 % par rapport au budget voté pour 2001, bien que les
crédits de fonctionnement baissent de 25 % en raison de la création par la loi
du 15 mai 2001 de l'Agence française pour les investissements internationaux,
qui a prélevé 28 emplois sur les effectifs de la DATAR.
Les crédits d'intervention sont en baisse de 8,2 % par rapport à l'année
dernière. Les crédits d'investissement seront en légère baisse en autorisations
de programme et en progression de 12,4 % en crédits de paiement.
Je souhaite souligner le manque de lisibilité de ce budget.
Ainsi, le projet de loi de finances pour 2002 fait apparaître une hausse
d'environ un tiers des crédits de paiement destinés à la prime à l'aménagement
du territoire. En revanche, les crédits d'intervention consacrés aux contrats
de plan Etat-régions enregistrent une baisse de plus d'un quart. On nous a
expliqué que des reports de crédits liés à la signature tardive des contrats de
plan expliquent la chute de ces dotations.
Il n'en reste pas moins que, à force de mettre en avant les enveloppes qui
enregistrent des augmentations et de passer sous silence les raisons d'un
certain nombre de baisses, le Gouvernement ne contribue pas à éclaircir les
perspectives.
Vous me permettrez de dire quelques mots sur la prime d'aménagement du
territoire.
Lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, monsieur
le ministre, vous n'avez pas vraiment répondu à deux des questions que je vous
avais posées.
La première concernait la situation des territoires exclus du nouveau zonage
PAT. Dès que ce sera possible, il importera pourtant de dresser un bilan de ce
« dézonage », notamment en termes d'emplois.
Je vous avais aussi interrogé, monsieur le ministre, sur les conditions de
versement des primes ainsi que des fonds structurels européens.
On sait que les dossiers de demandes de primes sont instruits par la DATAR. De
nombreux élus ont d'ailleurs mis en cause les procédures et les règles souvent
draconiennes qui sont imposées. De fait, votre prédécesseur avait reconnu que
nombre de projets créateurs d'emplois connaissaient l'échec et faisaient
l'objet de demandes de remboursement de la part de la DATAR.
Il conviendra, là encore, de reconsidérer ces mécanismes afin d'éclaircir une
situation qui pourrait devenir délicate, s'agissant des fonds structurels, à
l'heure de l'élargissement de l'Europe et de la possible remise en cause du
montant des fonds européens.
Depuis 1997, plus particulièrement depuis l'entrée en vigueur de la loi du 25
juin 1999, le Gouvernement a fait de la politique des « pays » l'un des axes
majeurs de sa politique d'aménagement du territoire. On ne peut s'empêcher de
relever que le volontarisme affiché depuis quelques années a débouché à ce jour
sur la signature d'un seul contrat de pays dans les conditions retenues par la
loi de 1999.
(M. le président de la commission des affaires économiques s'esclaffe.)
Ainsi que je vous l'ai signalé lors de votre audition devant la commission
des affaires économiques, monsieur le ministre, le calendrier de mise en route
des pays est fort contrasté d'une région à l'autre. Une question paraît alors
légitime : la formule définie par la loi du 25 juin 1999 n'est-elle pas trop
bureaucratique et ne suscite-t-elle pas des réticences qu'un cadre juridique
plus souple aurait pu éviter ?
De même, force est de constater que, jusqu'à présent, deux contrats
d'agglomération seulement ont été signés dans les conditions prévues par la loi
du 25 juin 1999.
Il est assurément trop tôt pour juger de l'adéquation du dispositif législatif
mis en place par la loi Voynet aux réalités du terrain. Au-delà d'un délai
raisonnable, il conviendra toutefois de se pencher sur cette question.
J'en viens enfin aux nouveaux contrats de plan Etat-régions.
Le Gouvernement considère manifestement que la baisse de près de dix points de
la part relative des crédits routiers dans la nouvelle génération de contrats
de plan est un succès. Pourtant, les dépenses effectuées dans le cadre de la
planification régionalisée répondent à des besoins exprimés par les
collectivités et financés par l'Etat, par les régions, voire - c'est de plus en
plus souvent le cas - par les départements.
En conséquence, les choix de l'Etat doivent être conciliés avec les
aspirations légitimes des territoires, et l'on connaît la place importante que
tiennent le développement d'infrastructures nouvelles et l'entretien du
patrimoine routier existant dans les préoccupations des collectivités
territoriales.
Je conclurai - car le temps passe vite, et celui qui m'est imparti est bien
court - en soulignant que, avec un budget qui reste depuis plusieurs années
nettement inférieur à 300 millions d'euros, l'aménagement du territoire ne
constitue manifestement pas la priorité essentielle du Gouvernement.
Quelles que soient les déclarations d'intention, le grand élan manifesté par
les auteurs de la loi du 4 février 1995, loi d'orientation pour l'aménagement
et le développement du territoire, n'a pas été mis à profit pour relancer une
véritable politique de rééquilibrage entre les différentes parties de notre
territoire qui aurait notamment privilégié les zones qui connaissent le plus de
difficultés.
Peu pourvue en moyens budgétaires, la nouvelle politique d'aménagement du
territoire s'articule désormais autour des schémas de services collectifs ainsi
que de la politique des pays et des agglomérations.
Pour nombre d'entre nous, les schémas ont été décevants, parce qu'ils
laissaient sans réponse des questions pourtant essentielles, telle l'insertion
intelligente du territoire français dans l'ensemble européen.
La politique visant à la création de pays et d'agglomérations, autour de
contrats peut-être un peu formalistes et trop contraignants, n'a pas non plus
donné, jusqu'à présent, de résultats véritablement probants.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, la commission
des affaires économiques est défavorable à l'adoption des crédits concernant
l'aménagement du territoire pour 2002.
(Applaudissements sur les bancs du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Je
partage sans réserves les propos de nos deux rapporteurs.
Ce soir, monsieur le ministre, nous parlons de 2 milliards de francs - le
budget de la DATAR - alors que nous devrions parler - mais on n'en parlera
jamais - de 22 milliards de francs, c'est-à-dire des fonds structurels
européens consacrés à l'aménagement du territoire.
Il est tout de même paradoxal et assez incroyable que le Parlement soit absent
du débat sur un point aussi essentiel. Oh, certes, cette situation, ne date ni
d'hier, ni de votre arrivée au ministère de l'aménagement du territoire ! Ce
sont un décret de mai 1982, puis la loi d'administration territoriale, puis une
décision de 1994 qui, au travers du document unique de programmation, ont donné
aux préfets de région et au secrétaire général aux affaires régionales, le «
SGAR », l'essentiel des pouvoirs.
On parle de services « déconcentrés », mais « corsetés » conviendrait mieux !
Pour répartir les crédits, la DATAR utilise un logiciel qui porte le joli mot
de « Présage ». Présage de la déconcentration ? Non ! Présage d'une gestion
concentrée et non pas régionalisée, comme dans certains pays où la
décentralisation est une réalité et où le Parlement discute des fonds
structurels européens !
Si au moins notre système était efficace ! Il y a tout de même l'exécutif et
le CIADT, n'est-ce pas ? Mais que relève dans son rapport de janvier dernier la
Cour des comptes ? Des retards de programmation, des défaillances telles que
nous ne parvenons pas à consommer les crédits ! Et, monsieur le rapporteur
spécial, ce sont sans doute les territoires les plus en difficulté qui en
consomment le moins tant le système est bancal !
Au début des années quatre-vingt-dix, nous avons voulu rendre au Parlement sa
place. Reconnaissons-le, mes chers collègues, la DATAR est née en 1963 d'un
phénomène de mission, en même temps que de la volonté du général de Gaulle,
mais les missions ont un temps. Après le temps de la mission - oserai-je dire
d'« évangélisation » ? - voici le temps de la gestion ecclésiale, qui devrait
être dévolue au Parlement.
Nous avons donc imaginé le « retour » du Parlement, et nous l'avons d'ailleurs
imaginé ensemble, que ce soit sous le gouvernement de Michel Rocard, de Pierre
Bérégovoy, puis d'Edouard Balladur. Nous nous sommes dit : souvenons-nous de la
convention de Bordeaux, souvenons-nous de Poitiers, en 1994 - là, le Sénat a
joué un rôle essentiel - et nous avons décidé que le Parlement devait à nouveau
intervenir dans la politique d'aménagement du territoire.
Cela a été la loi Pasqua-Hoeffel et, croyez-moi, cela a été une conquête du
Parlement que de pouvoir débattre de schéma national ou de schéma sectoriel, et
que de concevoir un fonds - qui, d'ailleurs, a été supprimé - dans lequel les
parlementaires allaient jouer un rôle. Je veux parler du fonds d'investissement
des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN.
Puis, patatras, la loi Voynet est arrivée.
Certes, je reconnais que les gouvernements qui ont succédé au gouvernement de
M. Balladur ne nous ont pas non plus tellement facilité la tâche en matière
d'aménagement du territoire. Mais, avec la loi Voynet et le schéma de services
collectifs, c'était la fin du débat au Parlement.
Bien sûr, il y a la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement
durable du territoire, et, croyez-moi, nous allons la muscler, mais elle ne
remplace pas le débat au Parlement.
Monsieur le ministre, vous le savez, je me suis personnellement engagé dans la
voie des schémas de services collectifs et j'ai eu, sous l'autorité de
Jean-Pierre Raffarin, la responsabilité d'être rapporteur. Mais, monsieur le
ministre, il nous faut réfléchir au retour du Parlement !
Un souvenir : la carte PAT et son arrivée dans cet hémicycle en 1999. Nous
cherchions la carte PAT à la manière de « L'inspecteur mène l'enquête ».
Impossible de la trouver au ministère ! Nous la découvrons dans le journal
Le Monde
l'après-midi où débutaient nos débats. Est-ce là une manière
d'associer le Parlement à la réflexion et à la cartographie ? Je me souviens du
visage de Mme Voynet, effondrée par ce mauvais tour que, sans doute, certains
lui avaient joué - et je ne fais là nul procès d'intention
a
posteriori.
Peut-on continuer de la sorte à ne pas associer le Parlement ? Les membres du
Bundestag et du Bundesrat ont pu, en 1992, sur le schéma multimodal de
transport - sujet difficile - s'exprimer, débattre, choisir.
Monsieur le ministre, pour conclure, je vous poserai trois questions.
Etes-vous satisfait du rôle actuel du Parlement dans la définition et la mise
en oeuvre de la politique d'aménagement du territoire ?
Jugez-vous que les assemblées parlementaires ont été associées convenablement
à la modification des critères d'attribution de la PAT et des fonds structurels
communautaires ?
Quelles sont les mesures que vous préconisez pour que le Parlement ne débatte
plus uniquement de 9 % des crédits qui contribuent à l'aménagement du
territoire ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. Alain Joyandet.
Excellent !
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 35 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 6 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents
aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Alduy.
M. Jean-Paul Alduy.
Dans les interventions des trois orateurs précédents, j'ai entendu le désarroi
des parlementaires. Pour ma part, monsieur le ministre, je veux surtout vous
parler du désarroi des maires.
L'aménagement du territoire - comme le Plan - était, il y a quelques
décennies, une spécificité française de renommée internationale. Il avait un
dessein très large, que traduisait un discours parfois peut-être un peu
simpliste, et s'appuyait sur quelques grandes actions qui mobilisaient
l'appareil d'Etat, qui, lui-même, entraînait les collectivités locales et
l'ensemble des responsables économiques et sociaux du pays.
Je ne suis pas un nostalgique - je laisse cela à M. Chevènement ! - je suis de
ceux qui pensent que le développement durable est une bonne orientation et
qu'il faut se centrer sur la demande de services plutôt que sur une stratégie
de l'offre. Force est cependant de constater que règne un grand désordre depuis
quatre ans dans la conduite par le Gouvernement des différentes démarches
ministérielles qui concourent à l'aménagement du territoire.
Chaque ministère y est allé de sa loi, de sa circulaire, de son calendrier et,
en bout de ligne, ce sont aux maires qu'il appartient de décrypter un
dispositif qui, dans le choc des directives, a perdu toute lisibilité.
On nous a dit que les contrats de ville constituaient le volet « exclusion »
des contrats d'agglomération, qui, eux-mêmes, étaient le volet territorial des
contrats de plan, qui, eux-mêmes, seraient réalisés lorsque les orientations
seraient fixées par les schémas de services collectifs.
Le résultat est exactement l'inverse : les schémas de services collectifs
viennent à peine d'être approuvés - on n'en connaît d'ailleurs pas la valeur
juridique - et seul un contrat de pays a été signé. Quant aux contrats de plan,
ils sont en mouvement, mais ils sont les seuls et ils ne s'intègrent donc pas,
comme cela était prévu à l'origine, dans un dispositif d'ensemble.
Les maires ont vu d'abord arriver le périmètre du plan de déplacement urbain,
puis le périmètre du contrat de ville, puis les périmètres des contrats de
pays. Les agglomérations entraient-elles dans ces derniers ? C'est une
circulaire de juin dernier qui a enfin défini l'articulation entre contrats
d'agglomération et contrats de pays.
Et voilà, cerise sur le gâteau, que la loi SRU leur impose un dernier petit
périmètre : le schéma de cohérence territoriale. Ou plutôt, ne sachant plus,
avec un tel kaléidoscope, comment faire, on se défausse sur les maires du soin
de définir les périmètres des SCOT !
Monsieur le ministre, il y a sur le terrain un grand désarroi. Quand la
logique de départ est sans cesse compromise par la multiplication de
circulaires plus ou moins bien comprises par les services déconcentrés de
l'Etat, la politique d'aménagement du territoire perd toute lisibilité.
Je n'ai pas de question précise à vous poser, monsieur le ministre, si ce
n'est celle-ci : que faire pour remettre de l'ordre ?
Mener une politique du territoire coordonnée est une ardente obligation. Pour
s'y consacrer, les maires doivent avoir une visibilité sur le long terme, ce
qui implique que les multiples mécanismes financiers qui, chaque jour, les
entraînent dans des circuits administratifs incompréhensibles soient enfin
clairement articulés les uns par rapport aux autres.
Je ferai, en guise de conclusion, une dernière remarque, monsieur le ministre
: on ne peut conduire une politique d'aménagement du territoire si, sur le
terrain, les préfets et les directeurs d'administration ne sont pas capables
d'expliquer aux élus locaux le chemin !
(Applaudissement sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Didier.
Mme Evelyne Didier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous
étions inquiétés l'année dernière d'une diminution importante - elle atteignait
9,9 % - des crédits de paiement du budget de l'aménagement du territoire. Avec
un montant de 285,38 millions d'euros, le projet de budget pour 2002 consacre
une hausse de ces mêmes crédits de 6,8 %. A cela s'ajoute une progression de
1,8 % des autorisations de programme, qui s'élèvent à 269,23 millions
d'euros.
Nous ne pouvons donc que nous féliciter de ces augmentations, qui permettent à
la fois un rattrapage par rapport à la loi de finances de 2001 et un
rééquilibrage en faveur des autorisations de programme.
Nous savons, par ailleurs, que la politique d'aménagement du territoire
bénéficie aussi des concours des autres ministères, que ce soit celui des
transports, de l'intérieur ou, plus globalement, des crédits destinés à la
politique d'équipement civil.
Soulignons que l'une des spécificités de ce ministère réside précisément dans
le fait qu'il faut parvenir à assurer une articulation cohérente des
différentes interventions publiques afin de remplir la mission qui est impartie
au ministre chargé de l'aménagement du territoire : garantir la cohésion du
territoire national et, plus largement, la cohésion nationale.
La politique d'aménagement du territoire est, en effet, un outil essentiel de
correction des inégalités géographiques et sociales. Elle doit viser à ce que
le développement économique et social des régions soit équilibré, afin d'éviter
qu'il ne se traduise par la marginalisation de certaines zones.
Elle doit consister à assurer un développement harmonieux de l'ensemble du
territoire.
Institués par la loi Voynet, les schémas de services collectifs, qui sont
conçus pour un horizon de vingt ans, devraient être l'instrument privilégié
d'une véritable planification territoriale, capable de prendre en compte
l'ensemble des besoins de la collectivité.
La relance des contrats de plan Etat-régions 2000-2006, par des engagements de
crédits plus importants, et le renforcement des moyens de la DATAR rendent
compte, en tout cas, de votre volonté de vous engager dans cette voie. En
témoigne la progression des crédits affectés à la prime d'aménagement du
territoire, la PAT, qu'il s'agisse des autorisations de programme en hausse de
8,8 % ou des crédits de paiement qui n'augmentent pas moins de 33 %. En
témoigne encore une évolution globalement satisfaisante des crédits destinés au
Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT.
Ces concours et subventions devraient permettre, en principe, de mener des
actions en direction des zones les plus fragiles, de favoriser les
investissements et de relancer l'emploi. Telle est l'action entreprise dans le
Lunévillois, en Meurthe-et-Moselle, à la suite de l'annonce des fermetures de
Bata et de Flextronics, qui concernent 600 salariés dont, hélas ! une majorité
de couples.
Cependant, les contributions du FNADT seront-elles suffisantes pour faire face
à cette situation et, d'une manière générale, aux multiples autres cas
d'abandons d'activités industrielles sous la pression des actionnaires ?
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser la question : ne devons-nous
pas exiger d'abord que les actionnaires assument la totalité de leur
responsabilité envers les salariés ?
A ce propos, et par parenthèse, on pourrait, si ce n'était si grave, sourire
de l'attitude de certains qui réclament la liberté d'entreprendre pour les
entreprises et, lorsque ça va mal, demandent à l'Etat d'intervenir avec les
fonds publics pour réparer les dégâts.
Aujourd'hui, de nombreuses industries sont menacées de dépôt de bilan et les
plans sociaux qui laissent, dans la plupart des cas, des milliers de salariés
dans la détresse se multiplient, contribuant à faire remonter de manière
inquiétante le taux du chômage.
Lorsqu'une entreprise comme Moulinex ferme, ce sont aussi les salariés de ses
fournisseurs et de ses sous-traitants qui risquent de perdre leur emploi. Les
réactions en chaîne se produisent, qui mettent en danger l'ensemble du tissu
local.
Quand Alcatel décide de se séparer de ses activités de production dans la
téléphonie mobile, ce ne sont pas moins de 5 000 salariés qui sont concernés.
Ce sont les grandes firmes multinationales qui, à travers de nouvelles formes
de gestion de la production et de la main-d'oeuvre, comme l'externalisation et
la sous-traitance, contribuent à ces mouvements d'éclatement et de
fragmentation sociaux. Et l'on sait combien la sous-traitance contribue à la
casse des statuts, à des pressions sur les salaires et sur la productivité. La
multiplication des formes précaires d'emploi accroît encore le risque d'une
fragmentation de la société. Le contexte actuel, monsieur le ministre, nous
incite vivement à prendre des mesures efficaces de réindustrialisation de ces
sites. Les exemples montrent que l'action des médiateurs sociaux, pour utile
qu'elle soit, est largement insuffisante face à de tels drames sociaux.
Aménager le territoire, c'est aussi savoir soutenir et accompagner la
reconversion économique de manière plus volontariste, avec de réels projets
novateurs, capables d'anticiper l'avenir.
En ce domaine, la politique doit aussi s'appuyer sur la solidarité
interrégionale et sur une meilleure répartition de la richesse. Nous attendons,
de ce point de vue, un renforcement et une amélioration des mécanismes de
péréquation, afin que les effets correcteurs de la politique d'aménagement du
territoire puissent rapidement et pleinement produire leurs effets.
Il faut encore veiller à ce que la décentralisation renforce le maillage des
services sur l'ensemble du territoire, contribuant ainsi à sa structuration en
réseaux.
Dans cette optique, nous savons que les services publics, et plus largement
les services d'intérêt collectif, jouent un rôle essentiel en tant que facteur
d'égalité sociale et de cohésion nationale, en même temps qu'ils produisent des
effets d'entraînement sur d'autres secteurs d'activité.
Or la tendance à la concentration des équipements collectifs de qualité et des
services publics autour des grandes métropoles régionales et de quelques villes
moyennes contribue à accroître les disparités géographiques.
Faute de moyens financiers suffisants, de nombreuses communes, petites et
moyennes, n'ont pas la possibilité de répondre aux besoins collectifs pourtant
essentiels.
Ce sont encore ces mêmes ensembles qui risquent, si l'on n'y prête attention,
d'être privés des nouvelles technologies de l'information et de la
communication, avec les discriminations que cela impliquerait du point de vue
du développement socio-économique. Rappelons tout de même que d'aucuns ont voté
pour une certaine forme de privatisation de France Télécom. Pas nous, en tout
cas ! L'égal accès, sur l'ensemble du territoire, aux réseaux Internet à haut
débit devrait être l'une des priorités de toute la politique d'aménagement du
territoire. Les opérateurs privés n'investiront pas dans une technologie aussi
coûteuse si les perspectives de rentabilité leur semblent trop insuffisantes et
trop lointaines. De même, la nécessité d'équiper rapidement l'ensemble du
territoire en réseaux de téléphonie suppose qu'un réel effort financier soit
engagé.
Voilà les observations que je tenais à faire à l'occasion de la discussion de
ce projet de budget pour 2002. Il fallait, me semble-t-il, réaffirmer les rôles
fondamentaux que la politique d'aménagement du territoire doit jouer : rôle de
correcteur - je le rappelle - des inégalités sociales et territoriales et rôle
d'incitation et d'entraînement assurant le développement équilibré et
harmonieux du territoire.
Cela n'enlève rien au réel volontarisme politique dont vous faites preuve,
monsieur le ministre. Le groupe communiste républicain et citoyen soutiendra
votre action et votera votre budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen
et sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Mouly.
M. Georges Mouly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aménagement
du territoire volet de première importance d'une politique nationale, c'est une
évidence.
Le projet de budget pour 2002 est, certes, en augmentation, mais, de ce point
de vue, je partage l'analyse du rapporteur, mon collègue et ami Roger Besse.
Pour ce qui est du FNADT - c'est un des trois volets - il est permis de
s'interroger sur la pérennité des engagements du ministère au côté des
collectivités locales mais j'y reviendrai.
Première remarque : le budget de l'aménagement du territoire dépend largement
d'autres concours financiers de l'Etat, qu'il s'agisse des transports, de
l'agriculture et de l'exonération des charges en faveur d'entreprises, toutes
choses qui réduisent la marge de manoeuvre de votre ministère. On retrouve là
le manque de visibilité.
Deuxième remarque : la contribution croissante des fonds structurels, dont M.
Gérard Larcher disait qu'ils sont corsetés. Ils visent, en tout cas, à réduire
les disparités entre les régions d'Europe et ils sont supposés appuyer la mise
en oeuvre des contrats de plan. De ce point de vue, ma région est concernée par
l'objectif 2, mais celui-ci concerne - et c'est regrettable - une population
moindre que celle qui était visée par les anciens objectifs 2 et 5 b. C'est un
constat. Une question : quel devenir pour les mesures d'adaptation pour les
territoires qui ont perdu leur éligibilité ?
Ma troisième remarque, qui comporte plusieurs volets, concerne les territoires
ruraux. Ils ont plutôt à souffrir - le rapporteur spécial le rappelait - de la
nouvelle carte PAT. Loin d'enrayer le déclin de ces territoires, cette nouvelle
PAT les fragiliserait plutôt. C'est pour le moins paradoxal, convenez-en,
monsieur le ministre !
Toujours en ce qui concerne les régions défavorisées, qu'en est-il des efforts
de péréquation ? Un rapport du Sénat relève que les contrats de plan, dont ce
pourrait être le rôle, permettent en fait d'opérer des transferts de charges
vers les collectivités locales. Mme Irène Félix, qui, me semble-t-il, est
chargée au parti socialiste du développement local dit : « Une plus grande
péréquation entre les aides de l'Etat fait partie des projets prioritaires du
parti socialiste en matière de développement local. » Elle ajoute : « On ne
peut pas confier de plus en plus de responsabilités aux collectivités sans
doter de façon plus juste les collectivités les plus pauvres. »
Je relève cependant une nouveauté : le volet territorial des contrats de plan.
Les pays, les agglomérations - cela a été rappelé - se mettent en place plutôt
difficilement, ici ou là, au milieu d'un mille-feuille auquel faisait allusion
notre collègue M. Alduy. Puisse l'Etat, pour ce volet territorial, honorer ses
engagements !
Les milieux ruraux sont également des zones défavorisées du point de vue de la
couverture par la téléphonie mobile. Lors du CIADT de Limoges, l'engagement a
été pris d'achever la couverture en trois ans. Or, à ce jour, qu'en est-il de
l'affectation des crédits d'Etat ? « Le Limousin sera la première région
couverte en haut débit avant même la région parisienne », a dit M. Guigou. Il
poursuit ainsi : « Il faut que tous les hôtels de luxe aient une connexion haut
débit. » L'hôtellerie de luxe en Limousin, ce n'est pas notre première
préoccupation ! Les territoires ruraux risquent de subir le développement de la
société de l'information au lieu d'en bénéficier. Nous sommes là - Roger Besse
le disait aussi - sous le règne ou le joug de la rentabilité économique.
Toujours en ce qui concerne les espaces ruraux, j'évoquerai les schémas de
services collectifs. Celui qui concerne les espaces naturels et ruraux
n'échappe pas - c'est aussi l'avis du président de ma région - aux critiques
portées sur l'ensemble des schémas. C'est M. Vauzelle, président de la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui parle de « textes d'aménagement d'en haut qui
méprisent la vision d'en bas ». Ce sont les présidents de région qui parlent de
textes « jacobins ». Par ailleurs, si des priorités sont dégagées pour chaque
région, les orientations retenues ne sont assorties d'aucune évaluation
financière, que je sache.
Schémas de services collectifs, services publics aussi. Elément vital en zone
rurale où le service public, prestataire de services, certes, est également
perçu comme ayant un rôle économique. Ce rôle d'animation économique explique,
en grande partie, me semble-t-il, les résistances acharnées que suscite tout
projet de restructuration. Certes, la notion de service public ne saurait être
le maintien en l'état de ce qu'il est depuis des décennies, mais je pense qu'il
est parfaitement utopique de laisser espérer - et je citerai à nouveau M.
Guigou - la mise en place de « supérettes de services publics » qui réuniraient
La Poste, l'Agence nationale pour l'emploi et l'Agence nationale de
valorisation de la recherche, et qui seraient ouvertes de sept heures à vingt
et une heures. Il est permis de rêver !
Il y aurait encore beaucoup à dire, sur le soutien, par exemple, à
l'implantation des entreprises, le FNDE, le Fonds national de développement de
l'évaluation. Mais j'achève là mon propos.
Elu d'une région où l'on est on ne peut plus sensible à ce qui touche à
l'aménagement du territoire, je considère en toute bonne foi, je crois pouvoir
le dire, que le milieu rural n'y trouve pas son compte. M. Besse vous
demandait, monsieur le ministre, quelle était l'évolution envisageable. Pour
l'heure, la France à deux vitesses : l'expression n'est pas d'aujourd'hui. Mais
on ne saurait admettre qu'elle puisse être la réalité de demain.
(Très bien
! et applaudissements sur les travées du RPR. - M. Alduy applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à Mme Boyer.
Mme Yolande Boyer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
budget qui nous est soumis ce soir est en hausse sensible, 6,8 %, il s'établit
à 285,38 millions d'euros et, pour la quatrième année consécutive, il figure
parmi les priorités du Gouvernement.
Il s'articule autour de trois axes prioritaires : assurer un meilleur
équilibre territorial, rechercher un développement économique des territoires
et mieux gérer les espaces sensibles et remarquables.
N'oublions pas que la politique de l'aménagement du territoire ne relève pas
uniquement de ces crédits, cela a été souligné tout à l'heure, et que d'autres
ministères participent à cette action. Il en est de même des programmes
d'origine communautaire, ou encore des contrats de plan Etat-régions. Au final,
ce sont des moyens financiers importants.
La seconde caractéristique de l'aménagement du territoire réside dans la
recherche, depuis 1997, de cohérence entre les diverses politiques
publiques.
Cela est particulièrement visible à travers les lois adoptée depuis cette
date. Cette législature a vu la mise en oeuvre de réformes majeures tournées
vers l'aménagement durable et solidaire. Je pense, entre autres textes, à la
loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire
- LOADDT - à la loi d'orientation agricole - LOA - à la loi relative au
renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, à la loi
relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, et, enfin,
au projet de loi relatif à la démocratie de proximité, que le Sénat examinera
en première lecture au début du mois de janvier prochain.
Cette énumération témoigne de la volonté du Gouvernement de ne pas procéder
par à-coups, mais d'avoir une politique globale.
Je souhaite revenir un instant sur la LOADDT, qui restera une grande loi, car
elle consacre le passage d'une politique de guichet à une politique de projet.
Elle permet, à travers la création des neuf schémas de services collectifs, une
vision prospective à vingt ans. Ces schémas déclinent les politiques publiques
structurantes non seulement dans des domaines traditionnels, tel le transport,
mais aussi dans des secteurs novateurs comme la culture, le sport et les
espaces naturels et ruraux.
La démarche même de leur élaboration est novatrice, car elle a permis une
concertation, en amont, de tous les acteurs. Ce sont, en effet, les attentes
des habitants et des territoires qui ont été prises en compte. Bien sûr, nous
relevons quelques insuffisances, par exemple le manque de liens entre les
schémas de services et les schémas régionaux ou le manque de liens entre les
schémas eux-mêmes.
Pour ma part, chargée par la délégation du Sénat à l'aménagement et au
développement durable du territoire d'un rapport sur le schéma de
l'enseignement supérieur et de la recherche, je tiens à saluer de nouveau la
prise en compte de ce secteur comme un élément structurant de la vie de nos
territoires.
Un autre aspect de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement
durable du territoire me paraît fondamental : la création des pays et des
communautés d'agglomération. Mon collègue Jean-Pierre Sueur traitera plus
particulièrement de ces dernières.
Quant à moi, je souhaite évoquer les pays. En les créant, la loi prend en
compte la nouvelle organisation de la vie qui n'est plus assurée dans le seul
cadre des 36 000 communes. Compte tenu de la mobilité des populations, qui
bougent pour leur travail et leurs loisirs, il faut une organisation à
l'échelle d'un bassin de vie.
Elue locale, maire d'une commune de 6 000 habitants en milieu rural, je
participe, sans aucun défaitisme, contrairement à ce que j'ai entendu tout à
l'heure, à la mise en place du pays de Cornouaille. Le périmètre de ce pays de
300 000 habitants, dix communautés de communes et une communauté
d'agglomération, s'étend du centre au sud du Finistère. Il démontre le
dynamisme de cette politique dans ma région, la Bretagne, qui, je crois, peut
être citée en exemple dans ce domaine.
Dans cette région, les acteurs locaux du développement ont une longue pratique
du partenariat, acquise notamment avec la mise en place des pays
touristiques.
A la fin de 2002, une cinquantaine de pays devraient être définitivement
constitués. C'est une belle avancée.
Un des outils majeurs de l'approche volontariste de l'aménagement du
territoire, c'est, bien sûr, la DATAR, qui voit ses crédits augmenter si l'on
tient compte du transfert de ses bureaux à l'étranger à la nouvelle Agence
française pour les investissements internationaux. Les missions de plus en plus
importantes confiées à la DATAR méritent toutefois que des efforts
supplémentaires soient envisagés.
Autre point qui représente, à mon sens, une évolution positive : la rénovation
de la PAT, la prime à l'aménagement du territoire, aujourd'hui élargie aux
activités de services à l'industrie, et plus particulièrement destinée aux
PME-PMI. Celles-ci ont un rôle majeur à jouer pour l'emploi dans les zones
rurales et les villes moyennes.
En 2000, 137 entreprises ont été aidées et ont permis la création de 12 900
emplois.
Autre outil de financement de projets structurants : le Fonds national
d'aménagement du territoire, FNADT, qui a été également profondément modifié
afin de réduire le saupoudrage des crédits.
Je souhaite évoquer aussi les services publics, qui sont essentiels à l'avenir
de nos territoires.
Deux lois ont directement influé sur leur implantation : la loi d'orientation
pour l'aménagement et le développement du territoire, la LOADT, bien sûr, mais
aussi la loi relative aux relations des citoyens avec l'administration.
Le groupe socialiste du Sénat a d'ailleurs été à l'origine de deux amendements
à cette loi visant à mieux assurer le maillage du territoire. Le premier
prévoyait, dans les zones urbaines sensibles et dans les zones de
revitalisation rurale, une participation de l'Etat lorsqu'il s'agit de
développer les maisons de service public ou d'assurer le fonctionnement d'un
service public.
Le second amendement visait à mettre en oeuvre une étude d'impact dès lors
que, dans des zones sensibles, sont envisagées des suppressions de services
publics. Monsieur le ministre avez-vous dès à présent des éléments
d'appréciation de ces actions ?
J'ai également des questions à vous poser sur d'autres domaines.
La première concerne l'irrigation du territoire par le réseau GSM.
La deuxième a trait à la couverture du territoire par le haut débit. Le
Gouvernement souhaite permettre l'accès de tous au réseau à haut débit. Comment
l'Etat va-t-il s'engager dans cette démocratisation des nouvelles technologies
de l'information et de la communication ?
Enfin, ma dernière question concerne un sujet très différent, qui préoccupe
beaucoup les élus locaux. Quelle cohérence y a-t-il entre les pays et les
schémas de cohérence territoriale, les SCOT ? Je sous saurais gré de nous
apporter un éclairage sur ce point.
Telles sont les principales observations que je souhaitais faire sur votre
budget, monsieur le ministre. Le groupe socialiste du Sénat votera, bien
entendu, en faveur de ces crédits.
Je ne peux cependant m'empêcher d'émettre quelques regrets sur l'attitude peu
constructive que va adopter notre assemblée. La commission des affaires
économiques a émis un avis négatif, au nom d'un manque de lisibilité de ce
budget. Le manque d'argumentation invoquée par la majorité du Sénat est loin
d'être à la hauteur des enjeux.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Rispat.
M. Yves Rispat.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'analyse du
budget de l'aménagement du territoire pour 2002 m'amène, en tant qu'élu d'un
département essentiellement rural, le Gers, à rendre un hommage particulier au
rapporteur spécial, M. Besse, qui incarne parfaitement, selon moi,
l'intelligence rurale et la sensibilité de ce grand territoire qu'est le Massif
central, un peu identique à mon département. Dans son rapport, il a traduit
parfaitement les attentes ainsi que les inquiétudes du monde rural en matière
d'aménagement du territoire.
Je tiens à dire également que je partage tout autant les réserves du
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ainsi que celles
de son président, M. Gérard Larcher.
Pour ma part, je vais m'intéresser à deux points particuliers, monsieur le
ministre.
Mes chers collègues, bien que vous ayez une mémoire plus fine que celle des
membres du Gouvernement, je me permets de vous rappeler que le département du
Gers avait été choisi en 1977 comme lieu de rencontre d'un CIADT. Ce fut le
CIADT d'Auch lequel, pour la première fois, a affirmé avec clarté une nouvelle
priorité pour le monde rural et développé de nouveaux moyens d'action en sa
faveur.
Après d'autres décisions touchant toutes les régions, une série de
dispositions et de mesures particulières furent arrêtées, toutes destinées à
renforcer le développement économique, social et culturel du département du
Gers.
Si un certain nombre d'actions ont été réalisées, dans le cadre de la
continuité de l'Etat, notamment dans la région d'Auch, nous sommes en droit
d'attendre la réalisation d'autres opérations plus importantes, je veux parler
du classement en voie expresse à deux fois deux voies de la RN 124 et, sur
cette même nationale, d'opérations de déviation non encore réalisées à ce jour
en trois points importants du territoire, Aubiet, Gimont et Nogaro, de la
modernisation de la ligne ferroviaire Auch-Toulouse et, enfin, de la création
d'une école des métiers d'art et du patrimoine.
Je mets à profit cette intervention pour protester avec vigueur contre ces
oublis concernant des projets pourtant arrêtés en 1997.
L'insuffisance des crédits d'aménagement du territoire réellement investis est
devenue une constante, ce qui est particulièrement grave pour la trentaine de
départements ruraux fragiles dont le Gers fait partie.
M. le rapporteur spécial a insisté sur le montant structurellement très élevé
des crédits non consommés relevant d'une mauvaise administration. Le fait que
44 % des crédits votés dans le projet de loi de finances pour 2000, soit 17
millions d'euros, aient été reportés en 2001 montre l'ampleur des écarts !
En tant que parlementaire très attaché par des responsabilités anciennes à
l'aménagement du territoire, je souhaite que le Sénat approfondisse ses
investigations pour connaître à l'avenir les véritables destinations de ces
crédits.
Le manque de transparence des informations fournies à propos de l'emploi du
Fonds national d'aménagement et de développement du territoire au cours de
l'année 2000 a également été déploré par M. le rapporteur, et je m'associe
pleinement à sa demande d'éclaircissement.
Pour ma part, je souhaite que soit établi un bilan précis et objectif des
nombreuses défaillances que nous avons à subir en matière d'aménagement du
territoire, et notamment sur les fermetures de services publics en milieu
rural. Ces fermetures qui touchent les postes, les subdivisions d'équipement,
les perceptions sont inadmissibles dans la mesure où elles sont effectuées sans
concertation et qu'elles ont été poursuivies malgré des engagements pris pour
les faire cesser.
La mise en place des maisons de services publics en milieu rural ne supplée en
rien aux fermetures ni aux baisses du nombre d'agents dans ces zones.
Parmi les éléments néfastes que nous avons à subir, je citerai la dramatique
réduction des effectifs de gendarmerie, le manque de soutien et de coordination
de la politique des pays par les services de l'Etat, qui reste beaucoup plus
l'oeuvre d'initiatives politiques locales que le résultat d'une réelle volonté
de l'Etat, enfin, le peu de lisibilité et la difficulté d'utilisation par les
acteurs locaux du fonds de gestion de l'espace rural.
Ainsi, les objectifs réels d'aménagement du territoire deviennent peu
compréhensibles tant par les populations que par les élus. Or, en cette
deuxième année du XXIe siècle, la France a besoin d'un ministère d'aménagement
du territoire autonome, doté de moyens suffisants et capable de proposer une
politique assurant le maintien des équilibres.
En cette fin d'année 2001, les populations des régions Aquitaine et
Midi-Pyrénées observent avec inquiétude les initiatives liées aux nécessités du
passage des convois transportant les éléments du futur Airbus A 380 de Langon à
Toulouse, sujet auquel, monsieur le ministre, vous ne pouvez demeurer
indifférent.
Ce projet industriel est présenté, à juste titre, par l'Etat comme un enjeu
majeur de portée générale. Je m'étonne d'ailleurs qu'il ne soit pas cité parmi
les actions prioritaires en matière d'aménagement du territoire pour 2002. En
effet, la construction d'un itinéraire à très grand gabarit entre le port de
Bordeaux et Toulouse est primordial pour le groupe aéronautique européen EADS,
sous la houlette de l'Aérospatiale. Ce sera, il faut en convenir, un des plus
grands chantiers économiques des décennies à venir. Il doit donc s'accompagner
d'une mise à niveau de l'ensemble du réseau routier des régions qu'il
traversera.
Je m'étonne que tous les moyens nécessaires n'aient pas été plus largement
mobilisés pour permettre la réalisation de cet itinéraire et pour rassurer les
populations, très justement inquiètes devant l'importance des nuisances
qu'elles devront subir.
En tout cas, on ne peut laisser sans réponse les objections européennes, aux
termes desquelles le seul bénéficiaire de ces aménagements étant EADS, il
faudrait limiter les interventions de l'Etat. Il est au contraire indispensable
d'assurer les départements traversés qu'ils pourront bénéficier des
réalisations industrielles de sous-traitance liées ou non à cette activité.
En tant qu'élu du département du Gers, je souhaite rappeler que les nuisances
et impacts négatifs engendrés par ce projet ne peuvent être ignorés avec
désinvolture, ni laissés sans solution, celle-ci étant renvoyée à plus tard.
Sur les 250 kilomètres de route qui traversent les départements de la Gironde,
des Landes, du Gers et de la Haute-Garonne, l'Etat, disposant des pouvoirs
d'expropriation qui lui sont octroyés par la loi, doit aussi mobiliser les
compensations et les indemnisations en faveur de tous ceux - agriculteurs,
commerçants, entrepreneurs, retraités et professions libérales - qui vont subir
des dommages importants du fait de ces travaux.
Dès le mois de janvier dernier, j'avais fait part de mes inquiétudes à l'égard
du risque de paralysie régulière des moyens de communication qui pourrait
exister, pendant la période de travaux, faute d'anticipation des besoins sur
des réseaux routiers secondaires insuffisants ou faute de concentration des
moyens financiers susceptibles de permettre la réalisation rapide des chantiers
et une mise au gabarit de l'ensemble du réseau.
Je m'étais également élevé contre un risque de sous-évaluation des capacités
routières et contre un risque de déficit d'images pour l'ensemble du Sud-Ouest,
particulièrement pour les départements dont les villes et villages ont engagé
depuis longtemps un effort dans le domaine du tourisme rural et qui auront à
subir des nuisances directes et indirectes en raison de la traversée de convois
exceptionnels à très gros gabarit pendant trente ans.
Je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, ce qui est prévu sur le plan
budgétaire, pour l'an 2002 et les années suivantes, afin de participer au
dédommagement de l'ensemble des contraintes et des nuisances qui vont toucher
les populations.
En tout cas, pour notre département, il est indispensable que l'Etat tienne
l'engagement de réaliser le plus rapidement possible la mise à deux fois deux
voies de la RN 124, prévue depuis longtemps et sollicitée à nouveau auprès du
Gouvernement.
Dans le Gers, le passage de convois à très grand gabarit, tel qu'il est
proposé, paralysera non seulement, de nuit, la seule desserte économique
locale, vitale pour nous, mais aura aussi, de jour, de sérieuses répercussions,
le reste du trafic étant dévié vers un réseau routier totalement inadapté.
De plus, à ce jour, aucune étude d'impact sonore n'ayant été réalisée, on peut
craindre que la quiétude nocturne des villes et villages traversés ne soit
terriblement affectée.
Depuis plusieurs années, l'aménagement du territoire ne tient pas compte des
équilibres généraux et, dans les cantons les plus ruraux de notre République,
les citoyens sont entretenus dans le plus grand désarroi ; ils ressentent que
les zones rurales sont toujours sacrifiées à des projets de développement
industriel.
La très récente loi sur la solidarité et le renouvellement urbains ne peut que
conforter les populations dans leur impression d'abandon des zones rurales
sensibles. Du reste, l'intitulé même de la loi marque clairement la position du
Gouvernement vis-à-vis des zones rurales : elles sont une fois de plus
ignorées, au profit de l'urbain, et aucun compte n'est tenu du désir d'un
nombre toujours plus grand de nos concitoyens de s'installer et de vivre en
milieu rural.
Par l'interdiction de fait de toute construction en zone rurale, cette loi
limite tout renouvellement de population. Elle est donc totalement
inadaptée.
En outre, du fait de l'instauration d'une « participation pour le financement
des voies nouvelles et de leurs réseaux », les maires sont à présent confrontés
à de nombreuses difficultés.
Il paraît donc urgent de prendre des dispositions particulières donnant plus
de souplesse administrative à ces communes et leur ouvrant, en même temps,
l'accès à des crédits spécifiques.
Il faut se rapprocher des citoyens, tenir compte des souhaits des populations,
tout faire pour stopper l'abandon des zones rurales et y rétablir le moratoire
de la suppression des services publics que nous avions obtenu en 1995.
Ne décevons pas nos concitoyens et maintenons clairement notre opposition à
cette négation de l'aménagement du territoire dont témoigne ce projet de budget
insuffisant et aux orientations mal définies !
(Applaudissements sur les
travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Mme Yolande Boyer a dit à l'instant, monsieur le ministre, tout le bien que
nous pensions du projet de budget que vous nous présentez ce soir.
J'aborderai uniquement, pour ma part, la question des agglomérations,
lesquelles constituent assurément un enjeu très important pour l'aménagement du
territoire.
Les lois de 1992 et de 1999 ont modifié leur statut et ont majoré leur rôle
dans notre vie citoyenne, au regard des problèmes d'urbanisme, d'environnement,
de développement.
Par ailleurs, l'article 26 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement durable du territoire a établi que les agglomérations avaient
vocation à être des instances de contractualisation : cela a été rappelé tout à
l'heure par M. Alduy, en particulier.
Deux contrats d'agglomération ont été signés ; je sais que d'autres sont en
préparation. Un excellent et important travail a été accompli au cours des
dernières années, tout particulièrement avec la DATAR, et de nombreuses
réunions ont rassemblé des maires, des élus autour de M. Jean-Louis Guigou pour
préparer les contrats d'agglomération.
Le mouvement auquel nous assistons à cet égard est important pour deux séries
de raisons : des raisons internes à l'agglomération et des raisons externes.
Nos agglomérations sont le fruit d'une longue histoire. L'urbanisme des
cinquante dernières années a été marqué par la grande industrie, qui a engendré
la concentration urbaine, par les grands ensembles, parce qu'il fallait loger
les gens qui travaillaient dans la grande industrie, par les grandes surfaces,
parce qu'il fallait créer de nouvelles formes de distribution en face des
grands ensembles, et par le « tout-automobile ».
Tout cela a abouti aux agglomérations que nous connaissons aujourd'hui, qui
sont souvent des patchworks, c'est-à-dire des additions d'espaces
mono-fonctionnels situés les uns à côté des autres : le centre urbain
historique, les faubourgs, les périphéries verticales avec les grands
ensembles, les périphéries horizontales avec le pavillonnaire, les zones
commerciales, où il n'y a que du commerce, les zones d'activité où il n'y a que
de l'activité, les zones d'habitat, où il n'y a que de l'habitat, les zones de
loisirs, où il n'y a que des loisirs, les campus universitaires, etc.
La question qui se pose maintenant à nous est de savoir quelle ville, quelle
agglomération nous voulons. Autrement dit, quel est notre projet pour les
prochaines décennies ? En effet, la grande industrie n'est plus ce qu'elle
était, les grands ensembles sont mis en question, la grande distribution va
revêtir des formes nouvelles, etc.
Il nous faut donc une utopie pour nos agglomérations. Or cela suppose une
action très volontariste de renouvellement urbain. On ne réglera pas la
question des quartiers en difficulté si l'on s'en tient à une action cantonnée
à ces quartiers. La réparation dans un périmètre donné ne suffit pas : il ne
s'agit pas de rebâtir ces quartiers ; c'est toute l'agglomération qu'il faut
repenser, dans une vision d'ensemble.
Dans une telle perspective, il est tout à fait inopportun de dire : « Il y a,
d'un côté, une politique de la ville qui consiste à faire de la réparation
sociale des quartiers en difficulté et, de l'autre côté, une politique
d'urbanisme, où il sera question de transports, de voirie, d'environnement,
d'architecture... ». Ce qu'il nous faut, c'est un projet global.
Beaucoup d'élus urbains - et le fait d'être un élu urbain n'implique nullement
qu'on ignore le rural - souhaiteraient que, sur de grands enjeux -
l'établissement d'une ligne de transport en site propre, la réfection de tel ou
tel quartier, un projet d'urbanisme - on procède d'une manière différente de
celle qui a conduit, au cours des quatre ou cinq dernières décennies, à
commettre des erreurs énormes.
Au cours des quatre ou cinq dernières décennies, on a fait partout les mêmes
entrées de ville : elles sont partout pareilles, du nord au sud et de l'est à
l'ouest, avec les mêmes pancartes, les mêmes enseignes, les mêmes tôles
ondulées, les mêmes parallélépipèdes, les mêmes cubes, la même «
non-architecture », et souvent la même laideur !
Si l'on veut reconquérir cet espace, le projet doit concerner toute
l'agglomération et il va nécessiter des moyens. Or nous avons désormais un
outil : la taxe professionnelle unique d'agglomération.
En effet, il est clair que la laideur, l'absence d'organisation et de
cohérence des entrées de ville sont le fruit d'un système où chaque maire - et
on ne peut pas lui jeter la pierre ! - cherchait à obtenir des recettes issues
de la taxe professionnelle. Dès lors, plus de plan d'ensemble, plus de
cohérence au sein de l'agglomération.
Tout est lié ! On ne peut pas dissocier l'habitat, les transports, les entrées
de ville, le commerce, les zones technologiques, les universités.
Dans cette perspective de cohérence, il serait très utile que, sur un projet
fort, une agglomération puisse passer un contrat avec l'Etat.
Sans doute avons-nous commis une erreur. Les contrats d'agglomération étant
venus après les contrats de plan Etat-régions, ils apparaissent quelquefois
comme une sorte de codicille de ces derniers. Puisque tout l'argent était
réparti dans les contrats de plan Etat-régions, il ne restait pas d'argent
spécifiquement destiné aux contrats d'agglomération. Cela explique peut-être la
lenteur du processus.
Monsieur le ministre, je me permets d'insister auprès de vous : il existe,
dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire,
l'outil qui doit permettre de mettre en oeuvre une vraie politique
contractuelle d'aménagement du territoire au niveau des agglomérations.
J'en viens aux raisons externes qui expliquent que les agglomérations
constituent aujourd'hui un enjeu très important.
Il est évident que les agglomérations petites et moyennes sont structurantes
de l'ensemble de l'espace. L'une des grandes idées qui sous-tendent la loi SRU,
c'est de permettre de concevoir, à travers les schémas de cohérence
territoriale, les SCOT, un ensemble où il y a une agglomération et un ensemble
de communes petites et moyennes situées dans un rayon de dix ou vingt
kilomètres autour de l'agglomération. C'est cela qui permet d'éviter le mitage,
les incohérences, les désastres pour l'environnement.
Or, à cet égard, je suis inquiet.
De même que nous avons vu se constituer des communautés de communes
défensives, c'est-à-dire des communes situées autour d'une ville-centre qui
s'unissaient pour échapper en quelque sorte à la ville-centre, on voit se
préparer un nombre non négligeable de SCOT défensifs. Autour de
l'agglomération, on réalise des SCOT qui intéressent des morceaux de pays, des
morceaux de périphérie : un au nord, un au sud, un à l'est et un à l'ouest.
Cela est tout à fait contraire à l'esprit de la loi précisément parce que
l'exigence de cohérence est battue en brèche et qu'il faudrait, à l'inverse,
harmoniser tout ce qui concerne les transports, les voiries, l'occupation de
l'espace, les parcs d'activité, etc.
C'est la raison pour laquelle je souhaite vivement que, dans votre politique,
monsieur le ministre, l'agglomération tienne une grande place à la fois pour ce
qui est de sa constitution interne, mais aussi au regard de son rôle majeur
dans un aménagement du territoire raisonné, à taille humaine. Cela nous évitera
de connaître à nouveau les dérives du passé, quand on a si mal utilisé notre
espace, en laissant se développer le mitage, en enlaidissant et en banalisant
les entrées de ville. Je crois vraiment qu'il faut faire mieux pour le xxie
siècle.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen. - M. Alduy applaudit
également.)
M. le président.
La parole est à M. Fournier.
M. Bernard Fournier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est sous
l'angle de la ruralité et de la montagne que je vais placer mon propos sur le
budget de l'aménagement du territoire.
Je ferai d'abord une remarque sur l'évolution globale du budget de ce
ministère.
M. le ministre met en avant une augmentation des crédits de 6,8 % pour 2002.
Je lui en donne acte, et je m'en félicite.
Cependant, je rappellerai que M. Cochet prend la succession de Mme Voynet, le
ministre qui a accepté une baisse de 9 % de son budget en 2000, puis une
nouvelle baisse de 10 % en 2001. Quelle conclusion peut-on en tirer ? Peut-être
M. Cochet s'est-il montré plus convaincant auprès de MM. Jospin et Fabius, et
nous ne doutons pas de sa force de conviction !
(M. le ministre sourit et
opine.)
A moins que le Gouvernement ait compris tardivement l'intérêt d'une
politique volontariste d'aménagement du territoire
(M. le ministre fait un
signe de dénégation),
ce qui serait dommage. Ou bien encore le Gouvernement
donne dans l'électoralisme,...
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Oh !
M. Bernard Fournier.
... ce que nous n'osons croire !
La politique d'aménagement du territoire ne peut se concevoir sur le seul
terrain national. Elle est nécessairement liée aux orientations définies par la
Commission européenne, qui débloque les crédits.
Pour nos campagnes, les aides européennes sont indispensables, mais elles
demeurent trop méconnues et la procédure à suivre pour les obtenir reste
dissuasive, de sorte que, pendant que les Espagnols ou les Italiens utilisent
leurs crédits, l'administration française met un point d'honneur à en
compliquer l'obtention et à transformer leur dévolution en labyrinthe
bureaucratique qui aurait fait perdre son sourire à Courteline lui-même !
Il y a urgence, pour notre monde rural, à ce que le Gouvernement soit ferme
vis-à-vis de son administration et à ce qu'il assouplisse les procédures de
déblocage des crédits : en effet, nous le savons tous, en 2006, c'en sera fini
de cette manne européenne.
Les fonds structurels contribuent très largement à la politique nationale
d'aménagement du territoire. La révision de la carte des zones aidées a
pourtant exclu 24 % des populations jadis éligibles. La prolongation des
mesures transitoires doit donc nécessairement être étudiée,
a fortiori
lorsque l'on se rappelle l'absence de concertation qui a prévalu dans la
définition du zonage.
Il n'est plus contestable que la révision de la PAT a fragilisé les
territoires ruraux. Il m'apparaît donc évident que l'on devrait étudier la
pérennisation de certaines mesures fiscales dans les zones où la PAT disparaît.
Je pense à l'exonération de la taxe professionnelle afin de soutenir la
création d'entreprises.
A l'heure de l'examen du dernier projet de budget de ce Gouvernement, je veux
dire un mot du bilan sur la politique globale d'aménagement du territoire
depuis 1997.
La loi Pasqua de 1995 a été vilipendée et le schéma national d'aménagement du
territoire qu'elle prévoyait a été enterré en grandes pompes au profit des
schémas de services collectifs. Or force est de constater que le décret
d'application n'est toujours pas paru et que ces schémas se mettront en place
au mieux deux ans après l'entrée en vigueur des contrats de plan Etat-régions
qu'ils étaient censés cadrer !
Imaginons un instant qu'un maître d'ouvrage bâtisse une maison avant d'en
faire dessiner les plans ! C'est ce que fait le Gouvernement, non pas avec une
maison, mais avec notre pays !
L'aménagement du territoire et la décentralisation sont les deux piliers du
développement de nos provinces. L'un ne peut aller sans l'autre.
Je déplore donc que la politique de contractualisation encouragée par le
Gouvernement tourne au « miroir aux alouettes », voire au marché de dupes !
Je veux particulièrement dénoncer la tentation de l'Etat de jouer les «
marchands de tapis » lors des négociations avec les régions défavorisées. Ces
négociations sont le moyen pour l'Etat de faire contribuer financièrement les
collectivités territoriales à la mise en oeuvre de ses propres politiques. Cela
aboutit une fois de plus à des transferts de charges sans transferts de
ressources. C'est là l'exact contraire d'une véritable politique de
décentralisation.
En matière de réseaux de communication, l'élu de la Loire que je suis ne peut
que se lamenter du manque de volontarisme et de détermination d'un Gouvernement
qui, s'il entend favoriser le développement de l'Internet à haut débit d'ici à
cinq ans, n'est pas capable de faire pression sur les opérateurs de téléphonie
mobile pour améliorer la couverture du territoire.
L'absurde atteint son comble lorsque France Télécom explique aux maires ruraux
que, compte tenu du développement du GSM, l'opérateur national supprime les
cabines téléphoniques ! Les élus ruraux ont alors l'impression de se faire
prendre, passez-moi l'expression, pour les « dindons de la farce » !
Vous nous expliquez que l'Etat et les opérateurs, pour tenir l'objectif de
couverture du territoire d'ici à trois ans, apporteront 900 millions de francs.
Mais ce sont 500 millions de francs que les collectivités devront apporter. Or
cette dépense supplémentaire, à mon sens, devrait faire l'objet de la
solidarité nationale ou de la péréquation entre zones favorisées et zones
défavorisées. En disant cela, je pense plus particulièrement aux zones de
montagne.
Je trouve
in fine
que l'Etat s'en sort bien. Mais le déséquilibre des
territoires s'accentue. Vivre en zone rurale ou en montagne, c'est déjà
accepter des contraintes et des handicaps. S'il faut, en plus, mettre la main à
la poche, c'est le monde à l'envers !
Maire d'une commune rurale, je n'imagine pas que je puisse solliciter le
conseil général pour équiper ma commune en relais de couverture mobile,
d'autant plus qu'entre le financement des 35 heures et celui de l'allocation
personnalisée d'autonomie, ce sont près de 200 millions de francs de recettes
supplémentaires que l'assemblée de mon département devra trouver, et ce pour
des choix politiques qu'elle n'a pas maîtrisés. Il me semblerait pourtant
légitime que, sur ce terrain, le Gouvernement prenne toutes ses
responsabilités.
Monsieur le ministre, je suis aussi amené à m'insurger contre les choix de ce
gouvernement en matière de voies de communications.
Je sais que ce budget dépend largement et même très largement de l'équipement,
mais la question est aussi intimement liée à l'aménagement du territoire.
Mme Voynet et M. Gayssot ont entériné l'abandon de Saint-Etienne « au fond du
couloir à droite » ! Monsieur le ministre, que ferez-vous de plus ?
Le retard pris pour la construction de l'A 15 marque la volonté de l'Etat de
laisser littéralement « moisir » la capitale forézienne.
Roanne, avec l'A 89, est dans la même situation.
Comment puis-je ne pas m'insurger également contre l'oubli de la Loire par
l'Etat ? Cet oubli, ce n'est pas une paranoïa d'élu, c'est une réalité
cuisante, et je vais le démontrer.
La semaine dernière, c'est la presse qui nous apprend qu'Air France abandonne
sa liaison Saint-Etienne-Paris, et ce sans qu'aucune concertation préalable
avec les élus ait été menée !
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
C'est les
schémas de services !
M. Bernard Fournier.
Sur cette décision, monsieur le ministre, je demande des comptes au
Gouvernement, je demande même plus, je demande des actes.
Je demande des actes parce que, par ailleurs, la liaison ferroviaire
Saint-Etienne-Lyon est la plus délabrée de France. Seul le conseil régional
fait des efforts pour avoir des rames dignes de ce nom, mais l'infrastructure
ferrée est la plus ancienne et la plus archaïque qui puisse exister, le trafic
restant subordonné au bon vouloir des agents de conduite, quand ils ne sont pas
en grève. Certes, des TGV arrivent jusqu'à Saint-Etienne. Mais, entre
Saint-Etienne et Lyon, leur vitesse ne dépasse pas celle des omnibus !
Quant à rejoindre par autoroute la capitale des Gaules depuis le chef-lieu du
département de la Loire, cela relève de la roulette russe ! L'A 47 est
surengorgée et il faut parfois plus d'une heure trente pour parcourir les 59
kilomètres qui séparent les deux agglomérations. En un mot, on se moque de nous
!
Il faut agir d'urgence, monsieur le ministre, si vous ne voulez pas laisser
s'asphyxier ce département !
Comment ce Gouvernement, qui se dit solidaire, peut-il un instant être
cohérent s'il fait le choix de délaisser une région qui, en trente ans, a connu
trois reconversions industrielles majeures ?
Tout comme vous, monsieur le ministre, et au risque de vous surprendre, je
suis opposé au « tout autoroute », mais il est des réalités géographiques et
économiques indéniables.
Pour conclure, je reprendrai les remarques de mon collègue député, François
Sauvadet, qui vous a suggéré la création d'un ministère des campagnes, comme il
y a un ministère de la ville ! Pourquoi pas ?
Notre prochaine majorité devra en tout cas, me semble-t-il, intégrer cette
dimension. Le désengagement de l'Etat est tel qu'il faut rassurer les
maires.
Aujourd'hui, en effet, les élus locaux ne sont que les chambres
d'enregistrement des décisions administratives. Ils subissent la suppression
d'une subdivision d'une direction départementale de l'équipement ou, plus
insidieusement, d'un poste, voire l'abandon des missions d'ingénierie publique
par les agents de l'Etat, la fermeture estivale d'un bureau de poste qui ne
rouvrira plus, et j'en passe.
Toutes les déclarations d'intention ne suffisent pas à crédibiliser la
politique de l'Etat. Il est en effet paradoxal de souligner que, à l'époque où
un sursaut du monde rural pourrait s'observer avec la migration de populations
des villes vers les campagnes, le moratoire « Balladur » sur la fermeture des
services publics dans les campagnes a été cassé. Les familles qui sont venues
s'installer envisagent parfois, et à notre grand regret, de repartir.
M. Roger Besse,
rapporteur spécial.
Eh oui !
M. Bernard Fournier.
Ce n'est pas acceptable. Vous mettez en avant des mesures d'accompagnement des
fermetures de services. Nous nous y opposons ; nous vous demandons l'arrêt pur
et simple de l'hémorragie.
Monsieur le ministre, si l'augmentation de ce budget va dans le bon sens, elle
est trop tardive. C'est la politique globale du Gouvernement en matière
d'aménagement du territoire que nous jugeons aujourd'hui et que nous rejetons,
car le mauvais élève qui se réveille au dernier trimestre n'est jamais admis.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs,
c'est un grand plaisir pour moi d'être parmi vous pour présenter ce budget de
l'aménagement du territoire.
Je remercie, bien sûr, MM. les rapporteurs pour l'excellence de leurs travaux,
mais je dois avouer que je ne partage pas leur appréciation générale ni celles
de quelques-uns des orateurs qui viennent de s'exprimer.
Certains d'entre vous ont dit que ce projet de budget n'était pas une priorité
essentielle du Gouvernement. Autrement dit, ils semblaient déçus. Pour ma part,
je ne suis pas déçu, au contraire.
Quand je compare la progression moyenne des autres projets de budget avec
celle de la section « aménagement du territoire », soit 6,8 %, quand je
constate que, l'an prochain, cette section sera dotée de 285,38 millions
d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement, je considère qu'il
s'agit de l'expression d'un choix prioritaire.
Bien sûr, M. Gérard Larcher, s'il n'a pas employé le mot « antidémocratique »,
a tout de même dit que l'aménagement du territoire échappait au Parlement.
Souvenez-vous toutefois que c'est la loi Voynet qui a créé les délégations
!
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Elle a
supprimé le schéma national !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Voyons,
monsieur le sénateur, le schéma national n'a jamais eu le début d'un
commencement d'application. Il était impossible, de l'appliquer tellement il
était ambitieux. On a donc créé les schémas de services collectifs, certes plus
modestes, mais portant sur des secteurs particuliers. Puisqu'ils ont été
adoptés par le CIAT du 19 juillet dernier, ils auront désormais une assise
juridique, et ils entreront en application avant la fin de cette année.
Comme certains d'entre vous l'ont fait remarquer, il est effectivement dommage
que ces schémas aient été élaborés après les contrats de plan. Je le regrette,
moi aussi.
Cela dit, il s'agit de documents d'orientation établis sur une échéance de
vingt ans, mais qui sont en cohérence avec les contrats de plan.
Nous connaissions en effet la substance des schémas de services collectifs
lors de la signature des contrats de plan, voilà deux ans. Par ailleurs, ils
vaudront peut-être pour les prochains contrats de plan.
Sachez aussi, monsieur Larcher, que les élus ont été associés à l'élaboration
des schémas de services collectifs. De plus, le Conseil national d'aménagement
et de développement durable du territoire a été élargi aux secteurs
socio-économiques et même aux associations. Cela traduit un effort de
démocratisation de la part du Gouvernement.
Certains d'entre vous se sont émus à propos du FNADT. Je précise toutefois que
ses crédits seront, en dépenses ordinaires et crédits de paiement, de 210,30
millions d'euros, contre 202 millions d'euros en 2001.
Cette augmentation correspond, en réalité, à une stabilité globale des crédits
du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire compte tenu
d'un transfert interne de 7 millions d'euros pour la création, dont tout le
monde s'est félicité, de l'Agence française pour les investissements
internationaux.
Monsieur Pépin, vous avez prétendu que vingt-huit postes étaient prélevés sur
la DATAR. Pas du tout ! A l'examen, le solde net des effectifs de la DATAR est
en augmentation de sept postes.
En tout cas, je crois, messieurs les rapporteurs, comme vous l'avez souhaité,
que l'Agence française pour les investissements internationaux permettra
d'attirer les investissements étrangers en France et de rationaliser les
dispositifs en la matière. Ce besoin de « rationalisation » avait été souligné
par de nombreux rapports, notamment ceux de MM. Sautter et Melchior, de la Cour
des comptes et, plus récemment, de M. Vinçon.
Les crédits du FNADT du titre IV diminuent - vous avez été plusieurs à le
relever - pour tenir compte d'un démarrage tardif des contrats de plan en 2000.
Cette diminution n'affecte pas le niveau de réalisation des contrats de plan,
qui pourront être honorés du fait des reports ainsi générés.
En revanche, les crédits de paiement du titre VI augmentent, là aussi, du fait
d'un ajustement mécanique des paiements et des engagements.
Globalement, les crédits du FNADT sont donc stables et je ne crois pas qu'il
faille voir dans cette appréciation le souhait d'entourer cette présentation
d'un manque de lisibilité.
S'agissant du soutien aux entreprises sur les territoires, vous avez regretté,
messieurs les rapporteurs, les retards qui ont perturbé la mise en oeuvre de la
nouvelle prime d'aménagement du territoire, montrant ainsi que vous estimez,
comme moi, que ce dispositif est un outil majeur de soutien à la création
d'emplois durables et au développement d'activités économiques sur les zones
les plus prioritaires du territoire national.
La prime d'aménagement du territoire permet en effet d'encourager les
investissements créateurs d'emplois dans les zones prioritaires du territoire
national. De 1998 à 2000, plus de 400 programmes ont ainsi été primés,
représentant la création prévisionnelle de près de 35 000 emplois.
Dans ce projet de budget, les crédits affectés à la PAT ont été portés, en
autorisations de programme, à 66,32 millions d'euros pour 2002, 5,3 de plus
qu'en 2001, et à 60,98 millions d'euros en crédits de paiement, contre 45,73
millions d'euros cette année.
Nombre de sénateurs ont voulu être éclairés sur cette réforme de la PAT et les
retards de l'année 2000.
Il est exact qu'un premier projet de PAT a été adressé à la Commission en
milieu d'année 1999. Celle-ci s'est prononcée assez tardivement, en fin
d'année, et a demandé en outre des corrections. C'est un peu la dialectique
franco-européenne. En définitive, la Commission n'a rendu son avis que le 13
mars 2000, ce qui explique les retards pris. Ses modalités d'attribution ont
été fixées par le décret n° 2001-312 du 11 avril 2001.
Je ne comprends pas l'accusation que j'ai entendue lors des interventions,
selon laquelle le Gouvernement fait preuve d'une certaine opacité sur la
réforme de ce zonage.
Il y a eu une communication très importante, par voie de presse et sur le site
Internet de la DATAR, de la nouvelle carte PAT « industrie » dès que la
Commission a donné son accord sur le zonage. Un débat a eu lieu au Conseil
national d'aménagement et de développement du territoire, où siègent de
nombreux élus et acteurs socio-économiques. Je signale par ailleurs que la
réduction de zonage a été imposée par la Commission européenne à tous les Etats
membres et non pas seulement à la France. Nous ne sommes pas les victimes
uniques de cette affaire.
En dépit des retards dans la réforme, en 2001, les comités interministériels
des aides à la localisation des activités, les CIALA, ont traité la
quasi-totalité des dossiers de 2000 et de 2001. Les dossiers aidés au terme de
cet examen bénéficieront d'un montant de primes de 85 millions d'euros et
représentent la création prévisionnelle d'environ 20 000 emplois et de 2,5
milliards d'euros d'investissements.
Le résultat concret de cette réforme se résume en deux points : d'une part,
l'abaissement des seuils d'éligibilité à la PAT à 2,28 millions d'euros - 15
millions de francs - d'investissement et quinze emplois, contre 3 millions
d'euros - 20 millions de francs - d'investissement et vingt emplois
précédemment ; d'autre part, l'élargissement de l'éligibilité aux nouveaux
services jusqu'à présent internalisés dans les entreprises, comme les centres
d'appel, la logistique ou l'informatique.
En ce qui concerne les territoires exclus du nouveau zonage de la PAT «
industrie », certains d'entre vous ont émis l'hypothèse d'un mauvais
traitement, le Gouvernement délaissant l'espace rural. Ce n'est pas le cas.
Certaines zones classées en « territoires ruraux de développement prioritaires
» ou en « zones de revitalisation rurale » bénéficient d'exonérations sociales
et fiscales, notamment de l'exonération de la taxe professionnelle et de
l'impôt sur les bénéfices des sociétés.
Les collectivités locales peuvent continuer d'allouer des aides à
l'investissement immatériel pour les petites et moyennes entreprises ; la prime
régionale à l'emploi a également été révisée pour permettre des aides à la
création d'emplois dans les PME, jusqu'à 11 000 euros par emploi et 46 000
euros par entreprise, et un dispositif d'aide à l'ingénierie financière a été
négocié avec la Commission européenne pour le capital-risque, les fonds de
garantie et les prêts d'honneur aux créateurs d'entreprises.
Enfin, les zones qui sortent de la PAT pourront toujours continuer à recevoir
un soutien public pour la formation des salariés, la recherche-développement et
l'amélioration de l'environnement, à laquelle je tiens évidemment beaucoup.
Monsieur le rapporteur, vous avez salué le budget de fonctionnement de la
DATAR qui, effectivement, en 2002, s'élèvera à 14,10 millions d'euros, soit une
augmentation, à structure comparable, de 13,4 % par rapport à 2001. Ces crédits
permettront notamment la création de sept nouveaux emplois affectés aux
commissariats de massifs. Ils contribueront ainsi à la mise en oeuvre de la
politique de modernisation et de développement économique des zones rurales de
montagne. La DATAR se dotera également d'un nouveau système d'information.
Vous vous êtes plaints d'un manque de cohérence et de lisibilité des crédits
consacrés à l'aménagement du territoire. Mais les montants que je viens de vous
présenter ne représentent que la partie émergée de l'iceberg. C'est pourquoi ce
budget vous paraît petit ; mais aux crédits de ce budget, il convient d'ajouter
les éléments qui composent la politique d'aménagement du territoire.
En effet, l'aménagement du territoire, comme l'environnement d'ailleurs, sont
des concepts typiquement transversaux, et je trouve cela fort bien. S'il
fallait ne s'occuper de l'aménagement du territoire qu'au ministère chargé de
l'aménagement du territoire ou de l'environnement qu'au ministère chargé de
l'environnement, je vous avoue que je ne serais pas heureux, car ce serait
avoir une vision très restreinte. Qui plus est, le ministère serait un « nain »
administratif et budgétaire, si vous me permettez l'expression, alors que, au
contraire, nous sommes des géants politiques !
Nous devons nous féliciter que les autres ministères - presque tous - agissent
pour l'aménagement et l'environnement !
Leurs crédits concourent à hauteur de 8,2 milliards d'euros à la politique
d'aménagement du territoire ; 50 % sont consacrés au secteur des transports,
notamment au financement des infrastructures du réseau ferré et du réseau
routier national. Vous avez là la preuve, monsieur le rapporteur, que l'Etat
assume sa responsabilité en la matière !
Les exonérations de charges sociales et fiscales, qui permettent d'accroître
l'attractivité de certaines régions et d'inciter les investisseurs à
s'implanter dans les zones en difficulté, participent également de cette
politique.
Tout à l'heure, devant M. Bartolone, vous avez livré votre sentiment sur les
zones franches. Il est vrai qu'elles n'ont pas donné tout ce qu'on pouvait en
attendre.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
On ne va
pas rouvrir le débat !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Vous avez
raison, monsieur Larcher !
Les crédits européens au titre des fonds structurels permettront d'allouer,
entre 2000 et 2006, donc sur six ans, plus de 15 milliards d'euros.
Il faudrait également ajouter une bonne partie des crédits communautaires
destinés au soutien de l'agriculture, tant il est vrai qu'un certain nombre de
mesures agricoles, intégrées dans le programme de développement rural, sont des
outils d'aménagement du territoire. En 2002, ces fonds européens représenteront
3,35 milliards d'euros.
Au total, l'effort financier en 2002 en faveur de l'aménagement du territoire
s'élève donc à presque 12 milliards d'euros, en progression de 3,5 % par
rapport à 2001.
Aussi, vous comprendrez, monsieur le rapporteur, que je ne sois décidément pas
d'accord avec votre appréciation sur la politique, que vous qualifiez
d'étriquée, du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire !
J'en viens à la réforme des fonds structurels. Tant M. Besse que MM. Pépin et
Fournier ont regretté qu'elle se traduise par une diminution d'un quart de la
population éligible. Mais la Commission européenne a imposé une réduction
significative à tous les Etats membres, un peu comme pour la PAT, dont je
parlais tout à l'heure.
Il convient cependant d'indiquer que toutes les zones qui perdent le zonage de
l'ancien objectif 2 ou 5
b
précédent bénéficient d'un zonage transitoire
et de crédits dégressifs du FEDER et du FSE jusqu'en 2005. En outre, toutes les
zones rurales continuent de bénéficier du FEOGA-développement rural et
l'objectif 3 du FSE s'applique dans tous les territoires, y compris dans ceux
qui ne sont plus éligibles au nouvel objectif 2.
Pour répondre également sur la lenteur et la procédure de ces fonds, je
reconnais, comme vous, monsieur Larcher, qu'il y a des lourdeurs, tout comme il
y a de la bureaucratie ou de la technocratie. Nous en sommes tous un peu
victimes. Ces lourdeurs sont liées, évidemment, à la confrontation de trois
niveaux d'administration. Toutefois, certains progrès ont été accomplis.
Par ailleurs, les nouveaux règlements accélèrent les procédures de délégation
de crédits aux régions. Les régions, ou certains organismes, bénéficient de
subventions globales qui leur permettront de gérer directement ces fonds
structurels. Notre niveau est shunté pour ainsi dire. Les programmes pourront
être modifiés plus simplement. L'Etat s'est engagé à ce que les services
traitent les demandes de subvention dans un délai de deux mois.
La nouvelle génération des contrats de plan 2000-2006 marque un effort accru,
monsieur le rapporteur. L'enveloppe globale des contrats de plan, Etat et
collectivités, s'élève à plus de 35 milliards d'euros sur six ans. Le
Gouvernement a souhaité que ces contrats de plan intègrent un volet territorial
considérable, qui représentera, à la fin de 2006, 25 % de ce total, soit près
de 9 milliards d'euros.
Par ailleurs, pour dresser un tableau le plus exhaustif possible, il faut
mentionner les avenants aux contrats de plan Etat-régions qui ont été décidés
pour faire face aux intempéries et aux conséquences de la marée noire ; ils
s'élèvent à 1,05 milliard d'euros, dont 579 millions d'euros pour l'Etat. Je
réponds sur ce point à M. Mouly.
Les orientations de la politique d'aménagement du territoire se manifestent
notamment par la mise en oeuvre d'une planification territoriale rénovée,
élargie, fondée sur une stratégie de long terme : les schémas de services
collectifs sont, monsieur Pépin, bel et bien inscrits dans la loi d'orientation
pour l'aménagement et de développement du territoire du 25 juin 1999. Ils ont
été validés le 9 juillet dernier par le comité interministériel pour
l'aménagement et le développement du territoire, et ont été examinés par le
Conseil d'Etat. Ils seront publiés par décret avant la fin de l'année. Ce sera
le cadeau de Noël !
(Sourires.)
Monsieur le rapporteur, vous avez estimé que cette politique était « décevante
». Là encore, je ne suis pas d'accord. M. Mouly a aussi abordé ce sujet des
schémas de services collectifs.
Ils se concentrent sur la satisfaction des besoins, au plus près des
populations concernées. Il ne s'agit plus d'une politique d'infrastructures, à
l'image de celle des années cinquante, période de reconstruction.
Ils font l'objet d'une très longue phase de concertation initiale, d'abord au
niveau régional - la procédure associe les conseils régionaux, les conseils
économiques et sociaux régionaux, les conférences régionales de l'aménagement
et du développement du territoire, les parlementaires, les conseils généraux,
les élus des villes et des structures de coopération intercommunales - puis au
niveau national, avec les instances sectorielles et le CNADT.
M. Hilaire Flandre.
Un grand palabre pour un grand forum !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Sil avait
fallu faire un débat sur chacun de ces schémas, on y serait encore ! Il fallait
pouvoir être efficace et démocrate. Nous l'avons été d'ailleurs au meilleur
niveau, le niveau régional.
Les consultations ont associé également les socioprofessionnels, les
associations. Enfin, il y a les délégations parlementaires.
M. Mouly et Mme Didier ont évoqué les mesures en faveur de la communication et
de l'information. C'est la société dans laquelle nous entrons. Il faut insister
sur ce point qui me paraît crucial.
Il n'est pas normal qu'on ne puisse pas, partout sur le territoire français,
accéder de la même manière et avec la même facilité au réseau de téléphonie
mobile. Il n'est pas normal non plus que des disparités existent entre nos
concitoyens pour l'accès à ces nouvelles technologies, ainsi que le soulignait
encore Mme Didier. Pour cette raison, un programme d'action gouvernemental a
été adopté pour la société de l'information. Il entend favoriser la diffusion
des hauts débits sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, 400 espaces
publics numériques de proximité ont été décidés en supplément des 2 500 déjà
retenus en 2000. A cela s'ajoutent, notamment, le programme campus numérique,
la création d'écoles de l'Internet à Marseille, à Bourges, à Roubaix-Tourcoing,
à Gardanne, le développement du « web-TV » pour les sourds, la création de
portails culturels territoriaux, etc.
Le Gouvernement a également décidé qu'une couverture territoriale téléphonique
mobile serait assurée à 100 % d'ici à trois ans. Vous le souhaitiez, monsieur
Mouly.
Actuellement, 92 % du territoire métropolitain est couvert par un tel réseau,
46 000 kilomètres carrés ne sont pas couverts. Aussi, le Gouvernement a décidé
la mise en place d'un dispositif de soutien public à l'investissement des
collectivités locales et des opérateurs pour la construction de stations de
base équipées.
L'objectif est de couvrir non seulement l'ensemble des lieux habités,
permanents ou occasionnels, mais aussi l'ensemble des axes de transport
prioritaires.
Le coût global de cette opération devrait s'élever à 213 millions d'euros. Il
sera cofinancé par l'Etat, les collectivités locales et les opérateurs en 2002
; 15 millions d'euros sont d'ores et déjà inscrits au sein du FNADT pour cette
opération.
Comme vous le souhaitez, madame Boyer, la politique territoriale est également
contenue dans la poursuite de l'implantation des emplois publics, qui a été
fortement relancée à deux reprises, en 1991 et en 2000.
Les opérations nouvelles d'implantation d'emplois publics, décidées lors du
CIADT du 9 juillet dernier, permettront d'apporter 4 850 emplois en région,
dans les zones prioritaires. Citons l'Agence technique de l'information sur
l'hospitalisation et l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme à Lyon,
l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies à Saint-Denis, l'Agence
française de sécurité sanitaire environnementale - j'y tiens beaucoup - à
Saint-Maurice, le Centre des archives diplomatiques à La Courneuve et la
création de quatre écoles de police à Oissel, Nîmes-Courbessac, Montbéliard et
Périgueux.
Cette politique d'implantation - je réponds ici à Mme Boyer ainsi qu'à M.
Mouly - doit, bien sûr, être menée de front avec une politique de maintien et
de préservation des services publics en milieu rural.
Tout en assurant à chacun un égal accès et des prestations de même qualité,
les services publics doivent adapter leur dispositif aux évolutions importantes
de la population. Des évolutions avaient déjà été constatées entre les deux
derniers recensements de 1990 et 1999, mais, d'après les projections de l'INSEE
pour 2030, d'autres sont en cours, qui vont être importantes.
En ce qui concerne la modernisation des services publics, les concepts de
maison de services publics, donc de services publics polyvalents, sont des
expériences intéressantes, mais que l'on doit conforter par une meilleure
coordination. C'est dans cette optique qu'un comité de suivi des maisons de
services publics a été créé et que des appels à projets ont été lancés auprès
des préfets de région pour la création de nouvelles maisons de services
publics.
Une plus grande attention est apportée aux mesures d'accompagnement des
réformes, de manière que le service rendu aux usagers ne soit pas altéré et
qu'il soit, au contraire, encore amélioré. Des mesures de compensation sont
prises, le cas échéant, en fonction des contraintes et des intérêts locaux,
lorsque les restructurations sont indispensables.
Le CIADT du 9 juillet 2001, toujours le même, a décidé de poursuivre l'effort
tendant à renforcer la présence et la qualité des services publics de
proximité.
J'ai également été interrogé sur les contrats territoriaux d'exploitation.
Bien que ce dossier ne dépende pas directement de mon ministère, mais plutôt de
celui de M. Glavany, je crois pouvoir dire que, après un démarrage plus lent et
plus laborieux que prévu, les CTE sont maintenant en ordre de marche, puisque
21 000 sont d'ores et déjà validés par les commissions départementales et 16
400 signés. Plus d'un million d'hectares sont contractualisés. Il faut savoir
que quinze CTE représentent, en moyenne, un nouvel emploi.
M. le rapporteur spécial m'a également interrogé sur le processus de réforme
des zonages. Vous savez que Mme Perrin-Gaillard et M. Duron ont remis leur
rapport le 17 mai dernier.
Ce document contient trente-cinq propositions concentrées autour de quatre
idées-force : la simplification des mesures dans le domaine tant de
l'aménagement du territoire que de l'environnement ; le remplacement du système
de zonage par la contractualisation fondée sur des projets de territoire - des
projets et non pas des guichets, madame Boyer ; la mise en place d'un
environnement favorable à ce passage à une nouvelle logique grâce à des mesures
de formation et d'information ; enfin, le développement du dispositif
d'évaluation et la création d'un observatoire du développement durable.
Monsieur Fournier, vous m'avez interrogé sur l'autoroute A 45
Saint-Etienne-Lyon et, plus généralement, sur la région de Saint-Etienne, qui
vous est chère.
Le comité interministériel d'aménagement du territoire du 15 décembre 1997,
vous vous en souvenez, a permis de définir une stratégie globale par rapport à
un système de transport entre Lyon et Saint-Etienne.
Pour le court terme, c'est-à-dire la période 2000-2006, il s'agit d'un
développement très significatif du niveau de service des liaisons ferroviaires
visant à mettre en place une desserte cadencée Lyon-Saint-Etienne-Firminy, une
optimisation de l'exploitation ainsi que des aménagements de sécurité des
infrastructures routières existantes - l'A 47 - et de protection phonique des
riverains.
Pour le moyen terme et le long terme, il s'agit d'une nouvelle infrastructure
autoroutière, à savoir l'A 45, de la requalification de l'A 47, pour mieux
servir le trafic local, et de la poursuite de l'amélioration des
infrastructures ferroviaires.
Cette stratégie a trouvé ses premières traductions dans le contrat de plan
Etat-région, qui prévoit, en matière ferroviaire, l'électrification de la ligne
Saint-Etienne-Firminy, des investissements de capacité dans le noeud lyonnais
incluant le secteur de Givors, qui profiteront directement aux liaisons
Saint-Etienne-Lyon, et des crédits pour l'amélioration de l'autoroute A 47 pour
un montant de 240 millions de francs. L'an prochain, exprimé en euros, cela
fera beaucoup moins !
(Sourires.)
L'autoroute A 45, qui ne figurait pas au précédent schéma directeur
autoroutier, a été inscrite dans les schémas de services collectifs de
transport. Le ministère des transports a approuvé le fuseau de 1 000 mètres en
février 1999.
Les études d'avant-projet sommaire se poursuivent en vue d'une consultation
sur le choix du tracé. Même si le projet de l'A 45 a sa logique propre et
progresse indépendamment, le débat public est en cours sur les contournements,
par exemple, le contournement ouest de Lyon, pour ce qui concerne le transport
routier ; en ce qui concerne le transport ferroviaire, ce serait plutôt à l'est
de l'agglomération.
J'en viens à la liaison aérienne Saint-Etienne-Paris, qui était, jusqu'à
présent, exploitée par la compagnie Air France à l'aide d'un Focker 70 affrété
auprès d'Air littoral à raison de trois fréquences journalières. Le trafic de
cette ligne est en diminution constante depuis quelques années, compte tenu de
la concurrence du TGV. La compagnie Air France ayant estimé qu'il ne lui était
plus possible de continuer à exploiter cette ligne, il convient, dès lors,
d'examiner si une autre compagnie ne serait pas intéressée.
Si tel n'était pas le cas...
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Et le
fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA ; il
est fait pour ça !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Monsieur
le président de la commission, le transport aérien, hélas ! n'est plus un
service public en France.
M. Gérard Larcher,
président de la commission des affaires économiques et du Plan.
Mais on a
créé un fonds pour ce type de problème !
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Vous avez
raison, il reviendrait aux collectivités locales et aux milieux
socio-économiques de faire appel au FIATA, qui sert à la péréquation des lignes
aériennes, car la liaison Saint-Etienne-Paris semble répondre aux critères
d'éligibilité à ce fonds.
Il faudrait inscrire cette desserte aérienne comme obligation de service
public et, alors, en discuter avec la Commission européenne. C'est une
possibilité, monsieur le président de la commission.
M. Rispat m'a interrogé sur l'itinéraire à grand gabarit Bordeaux-Toulouse. Je
m'interroge moi-même, y compris en termes d'effet sur l'environnement. La
Garonne n'étant pas navigable au-delà de Langon, la liaison sera fluviale entre
Bordeaux et Langon, et routière entre Langon et Toulouse.
Pour choisir la partie routière de l'itinéraire entre Langon et Toulouse,
plusieurs tracés ont été étudiés. Finalement, le troisième itinéraire a été
retenu, qui passe par Captieux, Estampon, Gabarret, Eauze et Auch, dans les
Landes, et le Gers, votre département, monsieur Rispat. Cela fera plaisir aussi
peut-être à M. Emmanuelli !
(Sourires.)
La liaison de 250 kilomètres comprendra les aménagements des routes
existantes ainsi que des déviations d'agglomération ou des rectifications de
virages. Les travaux ainsi réalisés profiteront, je l'espère, aux riverains -
on attend une diminution des nuisances sonores - mais aussi aux usagers de la
route, qui auront des conditions de circulation plus fluides et plus sûres.
Vous le savez, je n'étais pas un fanatique de cette liaison, mais une loi a
été votée, et il faut en tirer le meilleur parti. Précisément, à cet égard, je
tiens beaucoup à ce que cet itinéraire soit synonyme d'amélioration de
l'environnement et du cadre de vie, monsieur Rispat.
L'enquête publique est terminée depuis une quinzaine de jours. Les travaux
devraient s'achever en septembre 2003. L'ensemble des conseils généraux ont
délibéré pour requalifier les routes départementales en routes nationales. Le
plan de financement est en cours de discussion.
Mais l'aménagement du territoire consiste aussi à anticiper les mutations
économiques. Plus d'un million d'euros seront consacrés à des études qui
permettent de déterminer les enjeux régionaux et les besoins locaux en termes
de technologies dites « clés » parce qu'elles représentent les outils de
développement jugés les plus pertinents pour ces territoires. Nous conduirons
des expériences pilotes en Aquitaine, en Franche-Comté, en Lorraine et en
Haute-Normandie.
M. le président.
Monsieur le ministre, il serait souhaitable que nous achevions nos travaux au
plus tard à deux heures afin de pouvoir les reprendre à onze heures.
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Je
conclus, monsieur le président, car il est vrai que nous sommes déjà demain, si
je puis dire !
(Sourires.)
Les plates-formes d'initiative locale, auxquelles vous êtes attaché comme moi,
monsieur Besse, font l'objet d'une dotation de 1,5 million d'euros qui
permettra la création de quarante plates-formes.
Tout le monde tient beaucoup au pays, y compris mon prédécesseur, Mme Voynet,
et moi-même. Les pays offrent de nouvelles perspectives, même si, vous l'avez
rappelé, monsieur Alduy, on constate un phénomène de superposition. Les élus
locaux et les maires s'en plaignent. J'ai bien entendu votre propos, et j'y
suis très sensible.
M. Sueur a parlé avec brio des contrats d'agglomération et de la taxe
professionnelle unique. Ces idées sont à développer. Le projet d'agglomération
relève de la responsabilité des collectivités locales, mais l'Etat, lui,
contrôle la cohérence et la pertinence des projets dans les différents
périmètres d'intervention. Cela doit converger avec les schémas de cohérence
territoriale, ou SCOT.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette intervention, sachez que
je reste à votre disposition pour répondre par écrit à toutes vos questions.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - MM. Alduy et Mouly
applaudissent également.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'aménagement du territoire et l'environnement : I. - Aménagement
du territoire.
état b
M. le président. « Titre III : moins 4 833 722 euros. »