SEANCE DU 7 DECEMBRE 2001
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons
noté au titre IV « Interventions publiques », au chapitre 90, une ligne
budgétaire « actions en matière de santé et de sécurité du travail et
directives européennes » avec, en mesures nouvelles, 914 694 euros. Mais nous
notons, toujours au titre IV en « Interventions publiques », à la ligne «
relations du travail et amélioration des conditions de travail » : moins 609
796 euros.
On peut rapprocher ces deux constatations d'une phrase que nous considérons
comme significative, qui figure dans un récent rapport de la Fondation
européenne pour l'amélioration des conditions de travail intitulé
Dix Ans de
conditions de travail dans l'Union européenne :
« L'exposition aux risques
physiques sur le lieu de travail, l'intensification du travail et les pratiques
en matière de flexibilité de l'emploi demeurent une cause principale des
problèmes de santé pour les travailleurs. »
Comme l'a souligné ce matin l'un de mes collègues, les statistiques montrent
que non seulement aucune amélioration des facteurs de risques et des conditions
générales de travail n'a été constatée, en France comme ailleurs, sur la
protection de la santé des salariés au travail, mais tous les acteurs - les
médecins, les syndicats ou les salariés - s'accordent à dénoncer une véritable
aggravation des conditions de travail, et, partant, des problèmes de santé.
Pour la seule année 2000, 1,36 million d'accidents du travail ont été
enregistrés et 20 295 maladies professionnelles ont été constatées et
reconnues. Il y a eu aussi deux morts par jour dues à des accidents du
travail.
On assiste à une progression régulière de ces chiffres depuis 1996. Tout
indique que la situation est très alarmante dans ce domaine.
A cela s'ajoutent les sous-déclarations. A titre d'illustration, je citerai
cette enquête réalisée par les services du ministère de l'emploi qui montre que
25,5 % des accidents du travail déclarés ou consignés sur les registres
d'infirmerie et ayant entraîné un arrêt de travail n'ont fait l'objet d'aucune
indemnisation !
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut prendre des mesures pour mettre un
terme à ce système qui lèse gravement les salariés et qui découle de la
recherche effrénée du profit au nom de la seule rentabilité.
Il va de soi que cet état de fait résulte de l'organisation du travail dans
les entreprises, de l'accroissement avéré de l'intensité du travail, de la
généralisation de la sous-traitance et du développement massif de la précarité
dans le travail.
Il faut noter au surplus l'absence flagrante de moyens pour les personnels
dont la mission de protection de la santé des salariés au travail représente
pourtant une tâche essentielle et vitale.
Le lien entre les transformations de l'organisation du travail et l'évolution
des formes de précarisation du travail, de l'emploi, est aujourd'hui
indéniable. Annie Thébaud-Mony, sociologue, chercheur à l'Institut national de
la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, a rappelé clairement dans une
enquête publiée en octobre 2001 dans la revue de la direction de l'animation de
la recherche, des études et des statistiques (emploi), la DARES, les « liens
entre les logiques de transformation de l'organisation du travail par la
généralisation des relations de sous-traitance et le recours croissant au
travail temporaire, et la sur-accidentabilité des travailleurs intervenant
comme intérimaires ou en sous-traitance ».
Les travailleurs en sous-traitance partagent avec les intérimaires la
caractéristique d'être des personnels exclus de l'espace des négociations entre
les employeurs et les salariés. Ces salariés ne bénéficient légalement ni de
représentants ni de véritable protection. De nombreux exemples témoignent
quotidiennement de leur impossibilité de faire jouer leur droit de retrait dans
des situations dangereuses.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, ces personnels sont les
victimes directes des remises en cause du caractère protecteur du contrat de
travail qu'induisent les nouvelles formes d'organisation du travail. Ces
personnels sont de plus en plus utilisés par les employeurs comme des
personnels corvéables à merci, soumis aux conditions et aux tâches les plus
difficiles, les plus dangereuses, les plus pénibles. Pourtant, rien ou presque
n'empêche une telle exploitation, qui est à proprement parlé scandaleuse.
L´accident abominable qui a coûté la vie à un salarié des établissements
Peugeot, à Sochaux, et qui a été relaté ce matin par mon collègue M. Chabroux,
illustre malheureusement la situation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, une législation précise visant à encadrer les
conditions de travail et à protéger réellement et au mieux ces salariés
aujourd'hui totalement oubliés de la législation est indispensable. Je voudrais
connaître votre opinion et celle du Gouvernement sur cette question qui est
malheureusement encore plus cruciale que je viens de dire.
Pour ce qui est des pathologies professionnelles, l'imprécision, le flou, le
silence demeurent la règle tant sur la connaissance précise de ces maladies que
sur leur répartition sur le territoire et sur les éléments et les conditions de
travail qui favorisent leur émergence.
Je regrette l'absence de Mme Guigou cet après-midi ; je voulais en effet lui
donner l'exemple de la Seine-Saint-Denis.
Dans ce département, depuis 1987, sur proposition du préfet d'ailleurs, mais
avec des moyens financiers dégagés par le conseil général, il est procédé à une
recherche systématique et à très grande échelle des cas de cancer, maladie pour
laquelle on enregistre une surmortalité significative.
Cette étude prend en compte la composition socio-économique de la population
et, évidemment, l'histoire de ce département qui est tourné vers
l'industrialisation.
J'ai sollicité une audience de Mme Guigou après la tenue d'un colloque lundi
dernier auquel participaient deux cents personnes. J'ai en effet été mandatée
pour lui demander son avis sur l'initiative qui a été prise en
Seine-Saint-Denis et qui pourrait peut-être être étendue au plan national.
Pourquoi donc ne pas généraliser cette initiative et développer un suivi
systématique des maladies professionnelles sur tout le territoire français ?
D'une manière générale, l'ensemble des sommes consacrées à la santé et au
travail nous paraissent bien insuffisantes. Les chiffres que j'ai cités au
début de mon intervention en témoignent.
Le travail use, fatigue, abîme et blesse. Pour les salariés qui souffrent de
cette situation, il est temps d'envisager une réforme globale, concertée de la
législation relative à la protection de la santé et à la vie au travail.
M. le président.
L'amendement n° II-108, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits figurant au titre IV de 116 187 euros. »
Après le rejet de l'amendement n° II-109, cet amendement n'a plus d'objet.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, je m'étonne, alors qu'on a
passé un quart d'heure sur les crédits du titre IV, de ne pas avoir pu répondre
à Mme Beaudeau et que cette possibilité n'ait même pas été évoquée !
M. Jean Chérioux.
Le Gouvernement peut parler quand il le veut. Mais le règlement prévoit qu'il
doit en faire la demande !
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Vous avez l'air bien nerveux, monsieur le sénateur.
Moi, je suis très calme et je souhaite continuer le débat.
Je m'étonne seulement qu'on ne se soit pas inquiété de savoir si je voulais
répondre à une intervention qui a duré un quart d'heure !
M. Jean Chérioux.
Il faut lire le règlement ! Ne mettez pas en cause la présidence !
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 10 670 000 euros ;