SEANCE DU 7 DECEMBRE 2001
M. le président
« Art. 68 -
I. - L'article L. 322-4-2 du code du travail est ainsi
rédigé :
« Art. L. 322-4-2.
- Afin de faciliter l'insertion professionnelle
durable des demandeurs d'emploi de longue durée, des bénéficiaires de minima
sociaux et des personnes qui, du fait de leur âge, de leur handicap, de leur
situation sociale ou familiale, rencontrent des difficultés particulières
d'accès à l'emploi, l'Etat peut conclure avec des employeurs des conventions
ouvrant droit au bénéfice de contrats de travail dénommés contrats
initiative-emploi.
« Les durées d'inscription comme demandeur d'emploi, exigées pour accéder au
dispositif du contrat initiative-emploi, sont prolongées des périodes de stage
de formation et des périodes pendant lesquelles les intéressés ont bénéficié
d'un contrat de travail en application des articles L. 322-4-7, L. 322-4-8-1 ou
L. 322-4-16, ou des périodes d'indisponibilité dues à une maladie, une
maternité ou un accident du travail.
« Les contrats initiative-emploi peuvent être des contrats de travail à temps
partiel. En ce qui concerne les personnes handicapées contraintes à des
horaires limités pour des raisons médicales, il n'existe pas de condition de
durée minimale.
« Les contrats initiative-emploi donnent droit à une aide de l'Etat dont le
montant peut être modulé en fonction de la gravité des difficultés d'accès à
l'emploi.
« Les conventions visées au premier alinéa peuvent prévoir un accompagnement
dans l'emploi, une aide à la formation liée à l'activité de l'entreprise ainsi
qu'une aide au tutorat. Aucune convention ne peut être conclue pour une
embauche bénéficiant d'une autre aide à l'emploi.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent
article, notamment les conditions d'éligibilité des bénéficiaires et les
montants des aides afférentes aux conventions. »
« II. - L'article L. 322-4-6 du même code est abrogé.
« III. - Les dispositions des articles L. 322-4-2 et L. 322-4-6 du même code,
dans leur rédaction en vigueur avant la publication de la présente loi, restent
applicables aux conventions relatives aux contrats initiative-emploi en cours
au 1er janvier 2002. »
La parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Je suis désolée, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir à marquer mon
hostilité à un alinéa du texte que vous présentez au Sénat.
Je ne vois absolument pas la raison de l'exclusion des Français ayant perdu
leur emploi à l'étranger de la rédaction nouvelle de l'article L. 322-4-2 de la
loi de 1995, ou plutôt, je la vois trop bien !
Une fois de plus, le rédacteur a pensé à la minorité de Français de l'étranger
qu'on connaît en France : ceux qui ont des revenus suffisants pour y venir
fréquemment, ceux qui figurent sur les listes d'invités des ambassades,
c'est-à-dire à peine 8 % des Français de l'étranger. Les autres, on ne les
connaît pas. Or, parmi eux, il y a 40 000 personnes en situation difficile,
situation que l'on qualifie « d' exclusion » en France. Les 2 millions d'autres
vivent normalement, comme les Français de France, ni mieux, ni moins bien.
Si je m'élève contre cette exclusion, c'est parce que le retour en France se
passe mal, après une longue durée d'expatriation, s'il n'est pas accompagné par
le Centre d'entraide aux Français rapatriés.
Pourquoi cela se passe-t-il mal ? Parce que la décision de retour se prend
sous la pression de circonstances difficiles : chômage prolongé, faillite,
divorce ou veuvage. Parce que, de ce fait, le retour est vécu comme un échec de
l'aventure commencée dix ou vingt ans plus tôt. Parce que les employeurs
français en France se méfient de CV trop exotiques. Enfin, parce que les
services sociaux français ne gèrent pas bien ces cas atypiques.
Nommer les Français ayant perdu leur emploi à l'étranger dans le texte relatif
au contrat initiative-emploi, ce serait diminuer un peu leur handicap face à
l'emploi.
Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d'Etat, que, faute de crédits et
d'assistants sociaux, le ministère des affaires étrangères n'a pas pu aller
au-delà de mesures expérimentales pour lutter contre l'exclusion sociale dans
les communautés françaises à l'étranger, que je décrivais dans mon rapport au
Premier ministre en 1999.
(M. le secrétaire d'Etat et M. Chérioux
s'expliquent en aparté.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aimerais bien que vous m'écoutiez ! Je parle
au nom des Français de l'étranger, ceux de Madagascar, de Côte d'Ivoire et
d'Amérique latine, qui sont rarement entendus, car ils sont loin. D'où
l'importance que je sois écoutée !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Très bien !
M. Louis Souvet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail
et l'emploi.
Loin des yeux, près du coeur !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Loin des yeux, très loin du coeur, et très loin de l'attention, voulez-vous
dire, mon cher collègue !
Je disais donc que, faute de crédits et d'assistants sociaux, le ministère des
affaires étrangères n'a pas pu aller au-delà des mesures expérimentales pour
lutter contre l'exclusion sociale dans les communautés françaises à
l'étranger.
Je saisis cette occasion pour signaler - et je vous prie, monsieur le
secrétaire d'Etat, de le faire savoir à Mmes Elisabeth Guigou et Nicole Péry -
que la convention annuelle qui lie le ministère des affaires étrangères au
ministère des affaires sociales n'est pas signée depuis 1998 du fait du mauvais
vouloir de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle.
Je dis bien le « mauvais vouloir » et j'insiste ! Toute l'action du ministère
des affaires étrangères en faveur de l'emploi et à la formation professionnelle
des Français à l'étranger est entravée.
Je rappelle que cette action est exemplaire, qu'elle ne coûte pas cher et
qu'elle permet, à Madagascar par exemple, de faire obtenir un diplôme de
l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA,
à une centaine de jeunes gens par an pour un coût unitaire du dixième du coût
des centres de France dans certaines spécialités. Le même diplôme pour dix fois
moins de crédits ! Cela ne doit pas coûter assez cher pour être intéressant
!
C'est à des actions de ce type que l'attitude incroyablement négative de la
délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle risque de
mettre fin. Sans parler de l'AFPA, qui n'a accueilli pratiquement aucun
stagiaire venu de l'étranger depuis deux ans.
Monsieur le ministre, je compte sur vous pour presser les services d'agir
enfin conformément à la loi contre les exclusions, qui prévoit que chaque
ministère apporte sa contribution technique au ministère des affaires
étrangères pour l'aider dans son action. En particulier, il est urgent que la
convention pluriannuelle entre les deux ministères soit enfin signée, ce qui
serait un signal de la reprise de relations enfin normales et positives entre
les deux ministères en matière d'emploi et de formation professionnelle.
Pour revenir au texte que nous examinons, je demande que les Français ayant
perdu leur emploi à l'étranger soient explicitement cités dans le texte de la
loi et qu'à défaut, mais ça n'est vraiment qu'à défaut, ils soient cités dans
le futur décret d'application.
(Applaudissements.)
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Hascoët.
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
Je veux tout d'abord rassurer Mme Cerisier-ben Guiga.
Les choses avancent : des discussions sont en cours. Plusieurs réunions ont eu
lieu et des propositions ont été faites. Je ferai part bien sûr, de votre
impatience à mes collègues.
En tout cas, l'accès au contrat initiative-emploi n'est nullement remis en
cause par la réforme pour les Français de l'étranger. Il est prévu dans le
décret actuel. Il le sera également dans le nouveau décret à paraître dès la
promulgation de la loi. Par ailleurs, des instructions idoines sont prévues par
les services et l'ANPE pour assurer l'effectivité de cet accès à l'ensemble des
personnes de nationalité française concernées à l'étranger.
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-25 est présenté par M. Ostermann, au nom de la commission
des finances.
L'amendement n° II-11 est déposé par M. Souvet, au nom de la commission des
affaires sociales.
Tous deux sont ainsi libellés :
« Supprimer l'article 68. »
La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l'amendement n°
II-25.
M. Joseph Ostermann,
rapporteur spécial.
L'article 68 tend à modifier les dispositions
relatives au CIE, dont nous savons tous qu'il est dirigé vers nos concitoyens
les plus en difficulté. Il vise surtout à mettre en cohérence le CIE avec la
politique d'allégement de charges associée aux 35 heures.
Le paragraphe II a pour objet de supprimer l'article L. 322-4-6 et donc, pour
les conventions relatives au CIE conclues après le 1er janvier 2002, de
substituer à l'exonération de cotisations sociales spécifiques au CIE les
allégements de charges liés aux 35 heures.
Le présent article serait à l'origine d'une économie de 77,6 millions d'euros,
soit 509,02 millions de francs, en 2002, dégagée sur le chapitre « dispositifs
d'insertion des publics en difficulté ». J'ai constaté que cette économie était
d'un montant finalement modique, eu égard aux crédits alloués à certains
dispositifs de la politique de l'emploi.
Il paraît pour le moins paradoxal de chercher à dégager des économies de
quelques millions d'euros sur des dispositifs d'exonération de cotisations
sociales, alors que les allégements liés aux 35 heures coûtent des milliards
d'euros. C'est la raison pour laquelle la commission des finances préconise la
suppression de cet article.
M. le président.
La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n°
II-11.
M. Louis Souvet,
rapporteur pour avis.
Mon explication et sa finalité ne seront pas
différentes de celles de M. le rapporteur spécial de la commission des
finances.
La commission des affaires sociales a déposé cet amendement de suppression
après avoir estimé que les bons résultats du CIE en 2000 - 82 % des 138 000
personnes ayant signé un contrat initiative-emploi ont en effet bénéficié d'un
contrat à durée indéterminée - ne justifiaient pas un nouveau recentrage du
dispositif.
De plus, elle a pensé que la baisse des crédits affectés au CIE semblait
particulièrement malvenue dans le contexte actuel de remontée du chômage. La
commission des affaires sociales va donc exactement dans le même sens que la
commission des finances.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Hascoët,
secrétaire d'Etat.
L'intention est bien de ramener le statut du CIE dans
le droit commun sur le plan des charges sociales liées aux 35 heures - cela a
été dit - mais, parallèlement, une prime est recréée afin de maintenir le
caractère incitatif du dispositif, lequel prouve son efficacité. Lors des mois
derniers, quand sont parues les statistiques concernant le chômage, malgré un
climat moins favorable, nous avons continué - faut-il le rappeler ? - à
enregistrer une diminution très nette du nombre de chômeurs de longue durée, ce
dont nous ne pouvons que nous féliciter.
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-25 et II-11.
M. Gilbert Chabroux.
Je demande la parole contre ces amendements.
M. le président.
La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux.
L'article 68 a pour objet de cibler davantage le dispositif du contrat
initiative-emploi sur les catégories de personnes les plus en difficulté. Ces
catégories demeurent toutefois très vastes, puisqu'elles comprennent les
chômeurs de longue durée, les bénéficiaires des minima sociaux et les personnes
qui, du fait, de leur âge, de leur handicap ou de leur situation sociale ou
familiale, ne parviennent pas à trouver ou à retrouver un emploi.
Telle est la définition traditionnelle des catégories sociales ayant des
difficultés d'insertion professionnelle. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner de
la voir figurer dans l'article 68.
Il est parfaitement justifié, compte tenu de la diminution de près de un
million de chômeurs que nous avons enregistrée depuis 1997, de réserver ce
contrat aidé, comme d'autres, à ces catégories de population.
Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que le périmètre du CIE doit être
redessiné. En 1998, les crédits affectés au CIE atteignaient plus de 13
milliards de francs sous forme de primes et d'exonérations de cotisations
patronales particulièrement généreuses. Tout chômeur était potentiellement
concerné et pouvait sortir ainsi des statistiques de l'ANPE.
Le CIE était ce que j'appellerai un élément quantitatif de la politique de
l'emploi du Gouvernement précédent.
Avec la reprise économique et la diminution du chômage, les personnes qui ont
perdu leur emploi, sans être pour autant sorties durablement du marché du
travail, doivent pouvoir en trouver un autre, éventuellement après une
formation ou une adaptation. L'existence d'un dispositif aussi coûteux et large
ne se justifie donc plus.
Plus généralement, il n'est plus question depuis cinq ans de « caser » les
chômeurs dans des dispositifs globaux, indépendamment de leur parcours
personnel. Certains types de stages et de contrats aidés sont réservés aux
publics prioritaires, d'autres aux jeunes, tels le programme TRACE et les
emplois-jeunes. Ces dispositifs sont adaptés à la situation des bénéficiaires.
Le retour à l'emploi doit, en effet, se faire dans le respect des personnes,
c'est-à-dire en leur apportant ce dont elles ont besoin pour s'insérer ou se
réinsérer dans le monde du travail.
Nous sommes dans une logique d'insertion et non dans une logique
statistique.
Je regrette de devoir à nouveau contredire M. Souvet et M. Ostermann. Il me
semble que leurs arguments, notamment quant au fondement de l'exonération sur
les 35 heures, relèvent davantage d'une volonté idéologique de s'opposer une
nouvelle fois à la réduction du temps de travail que d'une logique de retour à
l'emploi. Nous voterons donc contre ces amendements.
M. Alain Joyandet.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Joyandet.
M. Alain Joyandet.
Nos collègues de l'opposition affirment que nous nous opposons en permanence
aux 35 heures ! Nous n'avons jamais contesté le fait que nous n'étions pas
d'accord avec les 35 heures obligatoires !
Pourquoi n'aurions-nous pas le droit de dire que nous ne sommes pas d'accord
avec les 35 heures obligatoires pour tous...
M. Alain Gournac.
Bien sûr !
M. Alain Joyandet.
... et dans des conditions identiques, quelles que soient les situations ?
Pensez-vous que nous prenons un risque en disant que nous sommes contre cette
philosophie ? Pas du tout ! Nous l'affirmons sans aucun problème ! Nous avons
souvent précisé que, s'il y avait une alternance politique prochaine, la durée
légale du travail ne serait pas remise en cause.
M. Gilbert Chabroux.
Le MEDEF ne dit pas cela !
M. Alain Joyandet.
Mais nous avons souvent dit aussi que nous assouplirions cette loi. Par
conséquent, les choses sont claires !
J'espère que, s'il y a alternance, cette loi sera assouplie. Il s'agit non pas
de tout casser, mais d'assouplir les mesures en vigueur dans l'intérêt des
entreprises. Et, comme le disait M. Fabius l'autre jour, si c'est dans
l'intérêt des entreprises, c'est forcément dans l'intérêt des travailleurs.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-25 et II-11, repoussés par
le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
En conséquence, l'article 68 est supprimé.
Article 69