SEANCE DU 20 DECEMBRE 2001
CONVENTION AVEC CUBA RELATIVE
AU TRANSFÈREMENT
DE PERSONNES CONDAMNÉES
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 431, 2000-2001)
autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la
République française et le Gouvernement de la République de Cuba relative au
transfèrement de personnes condamnées aux fins d'exécution de la peine
(ensemble un échange de lettres). [Rapport n° 142 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les
sénateurs, la France et Cuba, déjà liés par le traité d'extradition du 3
janvier 1925 et la convention d'entraide pénale du 22 septembre 1998, adoptée
en juin dernier par votre assemblée, ont signé le 21 janvier 2000 une
convention de transfèrement destinée à compléter leurs relations
judiciaires.
Cuba souhaitait entreprendre des négociations en ce domaine à cause du coût de
l'entretien des prisonniers étrangers, et alors que le nombre de Français
condamnés par la justice cubaine risquait, malheureusement, de s'accroître du
fait du développement de certaines dérives liées au tourisme et du trafic de
stupéfiants.
La partie cubaine a cependant souhaité limiter, par un échange de lettres, les
demandes de transfèrement des condamnés de nationalité cubaine à ceux de ses
ressortissants résidant de façon permanente sur le territoire de l'Etat cubain,
ce qui exclut du champ d'application de la convention les exilés de nationalité
cubaine.
Cet instrument reprend pour l'essentiel les dispositions de la convention du
Conseil de l'Europe du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes
condamnées. Il vise, par un mécanisme simple, l'objectif de la réhabilitation
et de la réinsertion sociale des condamnés en leur permettant de purger leur
peine dans le pays dont ils sont ressortissants.
Organisé en dix-sept articles, l'accord fixe les règles relatives au
transfèrement ainsi qu'à l'exécution des peines, hormis celles qui résultent
d'infractions militaires. Le transfèrement peut être demandé par les ministères
de la justice ou par le condamné lui-même. Le consentement de toutes les
parties détermine la mise en oeuvre du transfèrement, qui est soumis à la
réunion de plusieurs conditions comme la double incrimination, la détermination
de la nationalité de la personne à transférer, la durée de la condamnation
restant à purger ou le caractère exécutoire et définitif du jugement.
La convention se fonde sur cinq grands principes généraux désormais classiques
dans ce type d'instrument.
La décision de condamnation est exécutée par l'Etat d'exécution sans procédure
particulière dès lors que la sanction est conforme aux dispositions du droit
interne de ce dernier.
La faculté est laissée à l'Etat d'exécution de mettre la condamnation en
conformité avec les dispositions pertinentes de sa législation ou, autant que
possible, de l'adapter mais sans aggraver la situation du condamné.
La règle
non bis in idem
doit être respectée, afin d'éviter que le
condamné ne purge plusieurs fois une condamnation pour les mêmes actes ou
omissions.
La responsabilité de l'exécution de la condamnation, y compris les décisions
qui y sont relatives telles que la grâce, l'amnistie ou la commutation de
peine, incombe à l'Etat de condamnation.
A la suite d'une de ces décisions ou d'une mesure autre prise par l'Etat de
condamnation comme la remise de peine ou la libération conditionnelle, la
cessation de l'exécution de la condamnation relève de l'Etat d'exécution.
En autorisant, sous certaines conditions, les détenus à purger leur peine dans
le pays dont ils sont ressortissants, la convention ne peut que faciliter leur
réadaptation et leur réinsertion sociale. A cet égard, et bien qu'elle ne
concerne actuellement qu'un seul de nos ressortissants emprisonnés depuis 1996,
elle pourra également s'appliquer aux condamnations prononcées avant son entrée
en vigueur.
La conclusion de cet accord marque donc une étape supplémentaire dans le
renforcement de la coopération judiciaire avec Cuba.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la convention
qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Rouvière,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, je ne présenterai pas le contenu de la convention soumise à notre
approbation, Mme la ministre l'ayant fait d'une manière excellente ; je
voudrais, à cette occasion, vous livrer une réflexion sur Cuba, et notamment
souligner que cette convention relative au transfèrement de personnes
condamnées aux fins d'exécution de la peine ne peut que renforcer la
coopération entre Cuba et notre pays.
Au-delà de son intérêt pour les condamnés des deux pays, elle traduit en effet
notre volonté de rompre l'isolement et le blocus dont Cuba est depuis trop
longtemps la victime.
Le président Fidel Castro, à mon avis, ne représente plus un danger pour ses
voisins, et encore moins pour les Etats-Unis. Certes, Cuba a beaucoup de retard
en ce qui concerne les droits de l'homme. La force militaire extérieure, dans
un passé qui n'est pas tellement éloigné, a montré ses limites. Il paraît donc
plus réaliste d'aider ce pays et son régime à progresser vers la démocratie.
Je me réjouis donc de la récente évolution des Etats-Unis, qui ont
volontairement ouvert une brèche dans le blocus qui asphyxie Cuba. Le bateau
venu des Etats-Unis ravitailler Cuba signifie-t-il cependant la fin du blocus
ou n'est-ce qu'une simple parenthèse, vite ouverte et vite fermée ? Bien sûr,
mes voeux vont vers la première hypothèse !
Je veux souligner l'importance de cette convention sur le plan humain et
humanitaire. Elle permet le rapprochement des condamnés et de leur familles. En
outre, en plaçant les condamnés dans un contexte pénitentiaire qui ne les coupe
pas de leur pays, elle évite la double sanction qui accompagne trop souvent
l'incarcération à l'étranger, à la sanction prononcée s'ajoutant l'éloignement
dans un pays dont la langue n'est pas forcément maîtrisée et où les familles
n'ont souvent pas les moyens de se rendre.
Cette convention me paraît équilibrée. En effet, elle prend en compte le désir
du condamné et l'avis des Etats concernés. Cuba a souhaité, vous l'avez dit,
madame la ministre, limiter l'application de cette convention à ses
ressortissants résidant en permanence sur son territoire. Je comprends cette
prudence, mais elle me paraît plus théorique que fondée sur un risque réel. En
effet, je vois mal des dissidents cubains, vivant aux Etats-Unis et condamnés
en France, demandant à purger leur peine dans une prison de Fidel Castro ! En
revanche, je trouve tout à fait réaliste que la France n'ait pas retenu une
telle restriction.
Je terminerai en constatant que de nombreuses conventions, bilatérales ou
multilatérales, et souvent de plus large portée, sont soumises à notre
approbation. Nous les approuvons puis nous en perdons la trace...
Madame la ministre, ne pourrait-on pas un jour disposer d'un bilan sur le
devenir des conventions ? Nous aimerions en effet savoir si elles sont
appliquées, et comment.
Ces conventions sont accompagnées d'une étude d'impact, ce qui est bien, mais
ne pourrait-on pas envisager qu'elles fassent, au bout de trois ou quatre ans,
l'objet d'une étude sur leur application faisant le point sur leur efficacité
?
Je vous prie de m'excuser d'avoir ainsi largement dépassé le cadre de la
présente convention, laquelle, je me permets de l'indiquer, a été acceptée à
l'unanimité par la commission des affaires étrangères.
(Applaudissements.)
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée.
Monsieur le rapporteur, votre observation est tout à
fait judicieuse. J'en ferai part au ministre des affaires étrangères. Je
suggère d'ailleurs que la commission des affaires étrangères inscrive ce point
à l'un de ses ordres du jour, ce qui permettrait peut-être au Gouvernement de
saisir nos partenaires pour qu'un état des lieux de l'application des
conventions puisse être établi.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
«
Article unique.
- Est autorisée l'approbation de la convention entre
le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République
de Cuba relative au transfèrement de personnes condamnées aux fins d'exécution
de la peine (ensemble un échange de lettres), signée à Paris le 21 janvier
2000, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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