SEANCE DU 20 DECEMBRE 2001
M. le président.
« Art. Ier. - Le titre IV du livre Ier du code de l'action sociale et des
familles est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« Chapitre VI
« Conseil national
pour l'accès aux origines personnelles
«
Art. L. 146-1
. - Un conseil national, placé auprès du ministre
chargé des affaires sociales, est chargé de faciliter l'accès aux origines
personnelles dans les conditions prévues au présent chapitre.
« Il assure l'information des départements et des organismes autorisés et
habilités pour l'adoption sur la procédure de recueil et de conservation des
renseignements visés à l'article L. 146-3, ainsi que sur les dispositifs
d'accueil et d'accompagnement des personnes à la recherche de leurs origines et
des femmes demandant le bénéfice des dispositions de l'article L. 222-6.
« Il émet des avis et formule toutes propositions utiles relatives à l'accès
aux origines personnelles. Il est consulté sur les mesures législatives et
réglementaires prises dans ce domaine.
« Il est composé d'un membre de la juridiction administrative, d'un magistrat
de l'ordre judiciaire, d'un représentant du ministère chargé des affaires
sociales, d'un représentant des conseils généraux, de trois représentants
d'associations de défense des droits des femmes, de trois représentants
d'associations de défense des droits des enfants et de deux personnalités que
leurs expérience et compétence professionnelles, médicales ou paramédicales,
qualifient particulièrement pour l'exercice de fonctions en son sein.
«
Art. L. 146-2
. - Le Conseil national pour l'accès aux origines
personnelles reçoit :
« 1° La demande d'accès à la connaissance des origines de l'enfant formulée
:
« - s'il est majeur, par celui-ci ;
« - s'il est mineur, par son ou ses représentants légaux ou par lui-même avec
l'accord du ou des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur ;
« - s'il est majeur placé sous tutelle, par son tuteur ;
« - s'il est décédé, par ses descendants en ligne directe majeurs ;
« 2° La déclaration de la mère et du père de naissance par laquelle chacun
d'entre eux autorise la levée du secret de sa propre identité ;
« 3° En cas de décès de la mère ou du père de naissance, les déclarations
d'identité formulées par leurs ascendants, leurs descendants et leurs
collatéraux privilégiés ;
« 4° La demande du père ou de la mère de naissance s'enquérant de leur
recherche éventuelle par l'enfant.
«
Art. L. 146-2-1
. - La demande d'accès à la connaissance de ses
origines est formulée par écrit ; elle peut être retirée à tout moment dans les
mêmes formes.
« Le père ou la mère de naissance qui font une déclaration expresse de levée
du secret ou les ascendants, descendants ou collatéraux privilégiés du père ou
de la mère de naissance qui font une déclaration d'identité sont informés que
cette déclaration ne sera communiquée à la personne concernée que si celle-ci
fait elle-même une demande d'accès à ses origines.
«
Art. L. 146-3
. - Pour satisfaire aux demandes dont il est saisi, le
conseil recueille copie des éléments relatifs à l'identité :
« 1° De la femme qui a demandé le secret de son identité et de son admission
lors de son accouchement dans un établissement de santé et, le cas échéant, de
la personne qu'elle a désignée à cette occasion comme étant l'auteur de
l'enfant ;
« 2° De la ou des personnes qui ont demandé la préservation de ce secret lors
de l'admission de leur enfant comme pupille de l'Etat ou de son accueil par un
organisme autorisé et habilité pour l'adoption ;
« 3° Des auteurs de l'enfant dont le nom n'a pas été révélé à l'officier de
l'état civil lors de l'établissement de l'acte de naissance.
« Les établissements de santé et les services départementaux ainsi que les
organismes autorisés et habilités pour l'adoption communiquent au conseil
national, sur sa demande, les éléments relatifs à l'identité des personnes
mentionnées aux alinéas qui précèdent ainsi que tout renseignement ne portant
pas atteinte au secret de cette identité, et concernant les origines de
l'enfant, les raisons et les circonstances de sa remise au service de l'aide
sociale à l'enfance ou à un organisme autorisé et habilité pour l'adoption.
« Le conseil est, de plus, destinataire des renseignements, identifiants ou
non, transmis par une autorité étrangère soit à l'autorité centrale pour
l'adoption internationale, soit à la mission de l'adoption internationale, soit
aux organismes autorisés et habilités pour l'adoption.
« Lorsqu'un organisme autorisé et habilité pour l'adoption cesse ses
activités, les renseignements concernant les identités des parents de naissance
sont versés au conseil par le président du conseil général qui les reçoit.
«
Art. L. 146-4
. - Le conseil communique aux personnes mentionnées au
1° de l'article L. 146-2, après s'être assuré qu'elles maintiennent leur
demande, l'identité de la mère de naissance :
« - s'il dispose déjà d'une déclaration expresse de levée du secret de son
identité ;
« - si l'un de ses membres ou une des personnes désignées en application de
l'article L. 223-7 a pu recueillir son consentement exprès dans le respect de
sa vie privée.
« Si la mère de naissance a expressément consenti à la levée du secret de son
identité, le conseil communique à l'enfant qui a fait une demande d'accès à ses
origines personnelles l'identité des personnes visées au 3° de l'article L.
146-2.
« Le conseil communique aux personnes mentionnées au 1° de l'article L. 146-2,
après s'être assuré qu'elles maintiennent leur demande, l'identité du père de
naissance :
« - s'il dispose déjà d'une déclaration expresse de levée du secret de son
identité ;
« - si l'un de ses membres ou une des personnes désignées en application de
l'article L. 223-7 a pu recueillir son consentement exprès dans le respect de
sa vie privée.
« Si le père de naissance a expressément consenti à la levée du secret de son
identité, le conseil communique à l'enfant qui a fait une demande d'accès à ses
origines personnelles l'identité des personnes visées au 3° de l'article L.
146-2.
«
Art. L. 146-4-1
. - L'accès d'une personne à ses origines est sans
effet sur l'état civil et la filiation. Il ne fait naître ni droit ni
obligation au profit ou à la charge de qui que ce soit.
«
Art. L. 146-5
. - Le procureur de la République communique au conseil
national, sur sa demande, les éléments figurant dans les actes de naissance
d'origine, lorsque ceux ci sont considérés comme nuls en application de
l'article 354 du code civil.
« Sous réserve des dispositions de l'article 6 de la loi n° 51-711 du 7 juin
1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques,
les administrations ou services de l'Etat et des collectivités publiques, les
organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des
prestations sociales sont tenus de réunir et de communiquer au conseil national
les renseignements dont ils disposent permettant de déterminer les adresses de
la mère et du père de naissance.
«
Art. L. 146-6
. - Lorsque, pour l'exercice de sa mission, le conseil
national demande la consultation de documents d'archives publiques, les délais
prévus au troisième alinéa de l'article 6 et à l'article 7 de la loi n° 79-18
du 3 janvier 1979 sur les archives ne lui sont pas opposables.
«
Art. L. 146-7
. - Les personnes participant, à quelque titre que ce
soit, aux travaux du conseil sont tenues au secret professionnel dans les
conditions et sous les peines fixées par les articles 226-13 et 226-14 du code
pénal.
«
Art. L. 146-8
. - Les modalités d'application du présent chapitre
sont fixées par décret en Conseil d'Etat. Le décret relatif aux conditions dans
lesquelles sont traités et conservés les informations relatives à l'identité
des personnes et les renseignements ne portant pas atteinte au secret de
l'identité, en application de l'article L. 146-3, est pris après avis de la
Commission nationale de l'informatique et des libertés. »
Sur l'article, la parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la question de
l'accès aux origines des personnes adoptées est juridiquement et humainement
difficile.
En effet, dans l'accès aux origines se rencontrent, de façon contradictoire,
deux droits tout autant légitimes l'un que l'autre, deux droits nés tous deux
d'un drame. Or, soyons clairs, il n'y a jamais de solution totalement
satisfaisante à un problème qui trouve sa source dans un tel drame, en
l'occurrence l'abandon d'un enfant par une mère en détresse.
Quoi de plus légitime que des enfants ignorant leurs origines et ayant
nécessairement grandi dans cette ignorance veuillent se libérer de cette
interrogation lancinante qui les tourmente et peut-être trouver, avec la
vérité, un certain apaisement ?
Quoi de plus légitime, aussi, que des mères qui ont fait le choix de la vie
plutôt que celui de l'avortement veuillent maintenir un secret qui fut pour
elles la seule voie de résolution d'un douloureux dilemme ?
Avec la création d'un Conseil national pour l'accès aux origines personnelles,
il est demandé au législateur non point de trancher un noeud gordien, mais de
le desserrer quelque peu en assurant un équilibre tel que soient reconnus les
droits légitimes, bien qu'opposés, des uns et des autres, et ce dans le respect
de leur souffrance.
C'est dans cet esprit que l'Assemblée nationale a travaillé, que les
commissions des lois et des affaires sociales du Sénat ont examiné le texte et
que notre Haute Assemblée s'apprête à en débattre.
Sur un sujet aussi sensible, aussi complexe, c'était la seule attitude
convenable, et les parlementaires se sont honorés en l'adoptant.
Toutefois, je voudrais préciser que, dans ce face à face des ayants droit, de
l'enfant et du ou des parents biologiques, il y a un troisième élément
important, même s'il est plus silencieux : les parents adoptifs.
Les parents adoptifs ont un droit tout aussi légitime : le droit, tout
d'abord, de n'être pas oubliés dans nos débats et ensuite, de voir leur rôle
reconnu, d'autant qu'ils ont rempli un devoir exigeant et souvent difficile.
Aussi ne puis-je que me féliciter de l'adoption, par l'Assemblée nationale, de
l'amendement qui précise à l'article 1er, que « l'accès d'une personne à ses
origines est sans effet sur l'état civil et la filiation » et qu'« il ne fait
naître ni droit ni obligation au profit ou à la chage de qui que ce soit ».
Je ne peux également que me féliciter de la position de la commission des lois
du Sénat, qui non seulement nous propose de suivre l'Assemblée nationale, mais
souhaite en outre mieux associer les parents adoptifs qui sont directement
touchés par les recherches de leurs enfants. Elle a, en effet, judicieusement
prévu qu'un accompagnement leur serait proposé et surtout qu'ils seraient
représentés en tant que tels - comment auraient-ils pu être oubliés ? - au sein
du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles.
Ce n'est pas là les ménager. C'est les reconnaître et leur rendre un juste
hommage. Je voulais que celui-ci leur fût rendu au moment où s'ouvre l'examen
de l'article 1er de ce projet de loi.
(Très bien ! et applaudissements sur
les través du RPR.)
M. le président.
Sur les textes proposés pour les articles L. 146-1 à L. 146-4, du code de
l'action sociale et des familles, je suis saisi d'un certain nombre
d'amendements.
article l. 146-1 du code de l'action sociale
et des familles