SEANCE DU 16 JANVIER 2002
M. le président.
L'amendement n° 313, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
« Après l'article 18, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
« Après l'article L. 1621-1 du même code, il est inséré un article ainsi
rédigé :
«
Art. L. ... . -
Si l'élu, compte tenu de l'attribution des indemnités
de fonction mentionnées à l'article L. 1621-2 et de l'application des
dispositions de la loi n° 2000-295 du 5 avril 2000 relative à la limitation du
cumul des mandats électoraux et des fonctions électives et à leurs conditions
d'exercice, justifie d'une perte de revenu d'au moins 30 % en moyenne mensuelle
calculée sur le trimestre précédant son entrée en fonction ou sa cessation
d'activité, totale ou partielle, il a droit à une indemnité de compensation
versée par le fonds institué par l'article 21 de la loi n° du
relative à la démocratie de proximité. Cette compensation ne peut avoir pour
effet de porter le montant cumulé des indemnités versées à l'élu au-delà de 70
% du revenu professionnel dont il bénéficiait antérieurement tel que défini à
la phrase précédente.
« Les modalités d'application de cet article sont fixées par décret. »
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
J'avais déjà déposé un tel amendement lors de l'examen de la proposition de
loi relative au statut de l'élu.
Il s'agit, notamment, de compenser la perte de revenu des non-salariés
lorsqu'ils exercent une fonction élective.
Il est bien vrai que, suivant la situation dans laquelle on se trouve, on est
plus ou moins incité à briguer un mandat, en fonction des effets que cela peut
avoir sur son pouvoir d'achat, mais aussi, pour un chef d'entreprise, sur le
fonctionnement même de l'entreprise, sans oublier, et cela vaut pour toutes les
professions, d'éventuelles conséquences sur la vie de famille.
J'ai déjà fait observer que des amorces de réponse avaient été apportées à ma
préoccupation. Cependant, avant d'arrêter une décision quant au sort que je
réserverai à cet amendement, je souhaite entendre l'avis de la commission et
celui du Gouvernement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
M. Vasselle nous soumet là une intéressante piste de
réflexion, qui, s'ajoutant aux propositions qu'il a formulées dans son propos
liminaire en ce qui concerne les mesures de stimulation pour permettre aux
non-salariés d'exercer des fonctions électives, mérite toute notre
considération.
Aujourd'hui, nous devons cependant nous en tenir au dispositif que nous avons
été amenés à voter voilà quelques mois. Je vous propose donc de considérer cet
amendement comme étant l'un des fondements de la réflexion qui doit être
engagée pour définir un statut d'élu local plus cohérent et plus global.
Si notre collègue M. Vasselle partageait ce point de vue, je pourrais espérer
voir la discussion de son amendement trouver un dénouement positif.
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Cette piste de réflexion me paraît, à moi aussi,
intéressante.
Je ferai toutefois observer que les indemnités des élus locaux ont vocation à
compenser de manière forfaitaire les charges qui résultent pour eux de
l'exercice de leur mandat, sans tenir compte de leurs revenus professionnels.
C'est une indemnité de nature différente qui est proposée par M. Vasselle
puisqu'elle est fondée sur la prise en compte du revenu professionnel de l'élu
et n'est, de surcroît, assortie d'aucun plafond. Il pourrait en résulter des
différences de situation entre élus locaux, fondées non pas sur les
caractéristiques du mandat exercé mais sur le revenu professionnel qu'ils
perçoivent par ailleurs.
Le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à cette proposition, qui
remettrait en cause l'économie générale du régime indemnitaire des élus locaux,
pourrait avoir un impact budgétaire extrêmement important et créerait des
inégalités.
Je souhaite donc le retrait de cet amendement, d'autant que d'autres
dispositions du projet de loi viennent déjà répondre à la préoccupation de M.
Vasselle.
M. le président.
Monsieur Vasselle, maintenez-vous votre amendement ?
M. Alain Vasselle.
Monsieur le rapporteur, vous êtes fidèle à vous-même. Monsieur le ministre,
vous faites également des efforts dans ma direction. Vous essayez, l'un et
l'autre, de me prendre par les sentiments. De plus, la pression morale que me
fait subir mon entourage immédiat dans cet hémicycle est telle qu'elle m'incite
fortement...
M. Robert Bret.
Oui : nous sentons la pression jusqu'ici !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle.
... à prendre une décision qui sera de nature à satisfaire et M. le rapporteur
et M. le ministre.
Cela dit, permettez-moi juste une réflexion pour conforter celle que vous
m'avez proposé de mener dans les semaines et les mois à venir, pour répondre un
jour - je ne sais lequel - à l'attente qui est non seulement la mienne mais
aussi celle de nombreux non-professionnels. Une nouvelle fois - excusez-moi ces
redites, mais c'est en enfonçant le clou qu'il finira par prendre sa place -,
vous admettrez quand même qu'il existe une différence sensible entre les
citoyens suivant le statut professionnel dont ils bénéficient ! Entre le statut
des fonctionnaires, celui des salariés et celui des non-salariés, il existe des
différences importantes, notamment en matière de revenus, en fonction des
compétences et des responsabilités exercées par les uns et par les autres dans
l'entreprise ou la société.
Certes l'idéal - mais c'est un rêve qui n'est pas de ce monde - serait de
mettre tout le monde au même niveau, avec les mêmes revenus, quelles que soient
les compétences et les responsabilités.
Si je ne partage pas cet idéal, je considère que notre rôle est quand même
d'essayer d'atténuer certaines inégalités flagrantes. Il n'est pas normal, en
effet, que, dans une société comme la nôtre, une partie de nos concitoyens, en
raison de l'activité qu'ils exercent, soit sur-représentée par rapport à
d'autres. Nous devons veiller à un meilleur équilibre de la représentation de
toute la société civile, mais aussi de toutes les activités professionnelles,
car cela nous permettrait d'entendre des points de vue différents.
Je citerai un seul exemple à l'appui de ma thèse : lorsqu'un fonctionnaire de
l'éducation nationale...
M. Alain Gournac.
Par exemple !
M. Alain Vasselle
... décide de faire acte de candidature pour un mandat départemental, local ou
national, il demande sa mise en disponibilité. Il bénéficie, dès lors, de son
indemnité de fonction, qui doit lui permettre de faire face à ses charges de
famille et à ses besoins personnels. Et, bien évidemment, le fonctionnaire qui
fait le choix de se consacrer exclusivement à son mandat est immédiatement
remplacé à son poste au sein de l'éducation nationale, afin de préserver la
continuité du service public. C'est donc la collectivité publique qui supporte,
dans ce cas, le coût du salaire versé au fonctionnaire qui va le remplacer.
En revanche, lorsqu'un non-salarié - comme moi, qui suis agriculteur - décide
de consacrer l'essentiel de son temps à son activité politique, il doit être
remplacé, mais il ne perçoit pour cela aucune compensation : j'ai ainsi procédé
moi-même au recrutement d'un cadre pour faire fonctionner mon exploitation
agricole, ce qui me coûte l'équivalent de mon indemnité parlementaire.
Certes, le fonctionnaire n'a pas d'entreprise et n'en tire aucun revenu, mais
il n'a pas à supporter sur ses revenus la rémunération de son remplaçant.
Il y a donc bien là une situation inégalitaire en fonction de l'activité
professionnelle qu'exerce l'élu. Et ce que je dis pour un agriculteur est vrai
également pour un médecin, pour un vétérinaire, pour un avocat ou pour un chef
d'entreprise !
Loin de moi l'idée de vouloir compenser intégralement ces pertes de revenus.
Toutefois, il me semblerait judicieux qu'il y ait un minimum de compensation et
que le niveau des indemnités en tienne au moins partiellement compte : je
considère que, comme parlementaire, je n'ai pas trop à me plaindre, mais je
considère que les indemnités de certains élus locaux sont loin de correspondre
à la perte de revenus ou aux charges supplémentaires qu'ils supportent.
C'est la raison pour laquelle j'avais déposé un amendement de cette nature. Il
ne s'agissait pas de trouver une solution aujourd'hui, et j'avais même renvoyé
l'application de cette mesure à un décret, monsieur le ministre. Quoi qu'il en
soit, j'accepte de retirer cet amendement, et j'espère pouvoir faire confiance
à la fois au Gouvernement et à M. le rapporteur : même si l'alternance peut
jouer un jour, que l'on soit d'un côté ou de l'autre de la barrière politique,
nous devrons prendre l'engagement de conduire la réflexion pour essayer
d'améliorer une situation que nous ne cessons de dénoncer en privé. Je constate
d'ailleurs - excusez-moi de le dire, je sais que cela ne va pas faire plaisir à
certains - que, si nous reconnaissons en privé ces situations disparates,
aussitôt que nous nous retrouvons ensemble, dans nos groupes politiques ou dans
nos assemblées, nous devenons tous timorés, nous perdons tout courage face aux
possibles réactions des médias et de l'opinion publique. Nous nous refusons, à
la veille d'une élection, à prendre une mesure de cette nature, de crainte
d'être ensuite battus.
Il faut ajouter, au demeurant, que personne ne fait l'effort d'expliquer à nos
concitoyens et à l'opinion que - sans tomber dans l'excès - la démocratie a un
coût minimum et qu'ils doivent supporter ce coût s'ils veulent se doter d'une
démocratie digne de ce nom !
M. le président.
L'amendement n° 313 est retiré.
Chapitre II
Garanties à l'issue du mandat
Article 19