SEANCE DU 23 JANVIER 2002
M. le président.
L'amendement n° 455, présenté par MM. Pelletier, Girod, Joly et de
Montesquiou, est ainsi libellé :
« Après l'article 49, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant l'article L. 121-1 du code de l'environnement, il est inséré un
article additionnel rédigé comme suit :
«
Art. L. ...
- Le choix du lieu d'implantation de certains équipements
d'intérêt national, dont la liste est établie par décret pris en Conseil
d'Etat, est précédé d'une consultation des électeurs concernés.
« Le ministre compétent détermine la zone géographique, après avis des
conseils généraux et des conseils régionaux intéressés.
« La consultation de la population a lieu à l'issue du débat public évoqué à
l'article L. 121-1.
« Un décret pris en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du
présent article. »
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Cet amendement a pour objet de rendre obligatoire la consultation des
populations concernées par l'implantation d'un équipement d'intérêt national,
comme le troisième aéroport parisien ou l'itinéraire à très grand gabarit entre
Bordeaux et Toulouse. L'annonce de projets d'une si grande envergure déclenche
en effet des réactions d'inquiétude chez nos concitoyens comme chez les élus
qui vivent sur place, car ils peuvent entraîner pour eux de graves
inconvénients.
Afin de permettre l'évaluation de ces projets par les populations locales, il
importe de les associer en les informant grâce à l'organisation d'un débat
public, occasion d'offrir une information diversifiée, et de solliciter leur
avis en utilisant la méthode de la consultation locale mise en place par la loi
n° 92-125 du 6 février 1992 d'orientation relative à l'administration
territoriale de la République.
La portée de cette disposition serait simplement consultative, mais nul ne
doute que les décideurs politiques, économiques et administratifs seraient
contraints d'en prendre en compte les résultats. La démocratie de proximité en
sortirait renforcée !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
Aucun projet, de quelque importance que ce soit, ne peut être
réalisé sans qu'un certain nombre de procédures aient été préalablement
respectées. Il y a la procédure Bouchardeau, il y a la procédure Barnier, il y
a la commission nationale du débat public, dont nous venons de parler. Veillons
à ne pas ajouter à ces procédures strictement encadrées d'autres procédures,
qui risqueraient de paralyser la réalisation d'un certain nombre de projets.
Monsieur de Montesquiou, tout en comprenant et en reconnaissant
l'argumentation qui fonde votre amendement, je crains donc qu'il n'accroisse
considérablement les contraintes qui existent à l'heure actuelle.
Le code général des collectivités locales ne prévoit actuellement une telle
consultation que pour les communes et les EPCI.
De plus, comment déterminer la liste des personnes - en l'occurrence des
électeurs - à consulter ? Vaste sujet qui nécessiterait problablement un long
débat préalable à l'instauration de cette éventuelle consultation !
Je me dois de vous livrer les conclusions de la commission des lois - et, j'en
suis à peu près sûr, de la commission des affaires économiques, puisqu'un
consensus s'est dégagé entre nous à ce sujet - et je vous indique donc qu'il
nous a paru impossible de donner un avis favorable à cet amendement.
Je comprends que, dans un certain nombre de secteurs géographiques, ce
problème se soit posé avec acuité. Mais n'en tirons pas des déductions d'ordre
général qui feraient de la France le pays dans lequel la réalisation d'aucun
équipement d'une certaine importance ne serait possible, car cela nuirait à
notre compétitivité au sein de l'Union européenne.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Daniel Hoeffel,
rapporteur.
J'ose donc espérer, mon cher collègue, que, ayant fait valoir
les arguments qui justifient le dépôt de votre amendement, vous voudrez bien
accepter de prendre en considération ceux que la commission des lois se devait
de vous livrer.
M. Aymeri de Montesquiou.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le rapporteur, pour définir la population, il suffit, me semble-t-il,
de définir le territoire !
Cela étant, permettez-moi d'avoir une opinion contraire à la vôtre : je pense
que certains projets très importants sont ralentis parce que des minorités
s'expriment bruyamment et que la majorité, quant à elle, reste muette. La
démocratie de proximité lui permettrait de s'exprimer et, de la sorte, des
projets vitaux pour notre territoire ne seraient plus freinés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 455 ?
M. Yves Cochet,
ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Le
Gouvernement est également défavorable à cet amendement, pour les raisons qu'a
très bien expliquées M. le rapporteur.
M. Patrick Lassourd,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lassourd, rapporteur pour avis.
M. Patrick Lassourd,
rapporteur pour avis.
La commission des affaires économiques partage
l'avis exprimé par M. Hoeffel au nom de la commission des lois.
L'amendement présenté par M. de Montesquiou illustre bien le débat dans lequel
nous sommes engagés, qui consiste, d'une part, à respecter le maître d'ouvrage,
notamment quand il s'agit de l'Etat pour un équipement d'intérêt général, et,
d'autre part, à susciter l'adhésion du public en le faisant participer au
processus d'élaboration de ce projet.
Je crois, monsieur de Montesquiou, que le système actuel ainsi que les
dispositions de ce projet de loi concernant le débat public sont de nature a
permettre au public de s'exprimer, et de s'exprimer fortement.
Pour autant, il est important également, comme je l'ai déja dit à plusieurs
reprises depuis le début de l'examen de ce titre IV, de respecter et de
préserver l'intérêt général, surtout lorsque l'Etat est maître d'ouvrage
public.
Enfin, vous semblez vouloir mettre en place - je le dis au second degré - une
sorte de référendum local. Or chacun sait que, très rarement, dans ces
consultations, les électeurs répondent exactement à la question posée, de tels
référendums donnant toujours l'occasion à des groupes de pression de se
manifester sur des sujets qui n'ont rien à voir avec la question initiale.
Pour conclure, permettez-moi de rappeler que, si une consultation des citoyens
a été organisée sur le projet d'implantation d'un troisième aéroport, c'est
précisément parce que le débat public ne s'était pas bien déroulé. S'il avait
été engagé sur le véritable sujet et s'il avait été parfaitement encadré, nous
n'aurions probablement pas eu besoin de recourir à une telle consultation !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 455, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre II
Concertation entre l'Etat
et les collectivités territoriales
Article 50 (priorité)