SEANCE DU 31 JANVIER 2002


M. le président. L'amendement n° 35, présenté par M. Giraud, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Supprimer le texte proposé par l'article 6 pour l'article L. 1111-6-1 du code de la santé publique. »
La parole est à M. Giraud, rapporteur.
M. Francis Giraud, rapporteur. Monsieur le ministre, cet amendement vise donc à supprimer un élément, à vos yeux important, du dispositif que vous nous présentez.
La commission des affaires sociales mesure mal la portée et l'utilité de la mission du défenseur des droits des malades, ce titre paraissant d'ailleurs difficilement acceptable par les professionnels de santé.
En effet, contre qui faut-il défendre les malades ? Contre ceux qui ont pour mission de les soigner, contre eux-mêmes ? Pour notre part, nous avons toujours considéré que les meilleurs défenseurs des malades étaient les médecins.
En tant que pédiatre, je comprends très bien que l'on ait institué un défenseur des enfants, car ceux-ci sont exposés à bien des dangers et des risques d'agression dans notre société. En revanche, pourquoi prévoir dans la loi l'installation d'un défenseur des droits des malades, à l'heure où les professionnels de santé, dont la mission est précisément de se dévouer pour leurs patients, sont traumatisés ? Des médecins conciliateurs sont déjà chargés, dans les hôpitaux et les cliniques, de recevoir et de transmettre les plaintes des patients, mais il nous paraît inopportun de créer une fonction officielle de défenseur des droits des malades. Nous ne partageons pas vos vues sur ce point, monsieur le ministre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, qu'il n'y ait pas de malentendu entre nous : le défenseur des droits des malades ne défendra pas forcément le patient contre son médecin ! Il pourra aussi le protéger contre une administration tentaculaire, parfois peu encline à l'entendre.
Je voudrais vous donner un exemple à cet égard, monsieur le rapporteur. Il est clair que vous acceptez, sous réserve de l'adoption de quelques amendements, que le malade, accompagné d'un médecin, ait la possibilité d'accéder à son dossier. Or, à qui s'adressera-t-il si, comme cela arrive tous les jours, on veut l'en empêcher ?
Certes, monsieur le rapporteur, des médecins conciliateurs ont été désignés dans les hôpitaux et les cliniques, mais ce dispositif ne fonctionne pas très bien.
En effet, un malade se trouvant dans une situation délicate peut craindre de s'adresser à un chef de service ou à un directeur d'hôpital.
Cela étant dit, si le mot « défenseur » vous gêne, je ne vois pas d'inconvénient à ce que l'on retienne une autre appellation.
Quoi qu'il en soit, il ne s'agira pas de mettre en place une structure importante, analogue à celle dont peut disposer Mme Claire Brisset, la défenseure des droits des enfants. Le défenseur des droits des malades sera une personnalité médicale et une autorité morale reconnue, qui pourra être sollicitée par des malades confrontés à des difficultés. Il ne disposera que d'un simple bureau, et il n'est même pas précisé qu'il recevra un salaire. Peut-être sera-t-il défrayé, comme M. Giscard d'Estaing dans ses nouvelles fonctions... (Rires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas courtois !
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Je retire ce que j'ai dit, mon intention n'était pas de choquer !
En tout état de cause, cette personne sera un recours pour tous ceux qui se heurteront à des obstacles en voulant faire valoir leurs droits. Le ministre et les services de la direction générale de la santé ne sont pas en mesure de traiter tous les dossiers, d'autant que nous recevons quelque trois mille lettres par an.
M. Francis Giraud, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Giraud, rapporteur.
M. Francis Giraud, rapporteur. Que vos services mettent en place une structure ayant pour mission de recueillir les doléances nous semblerait tout à fait normal, monsieur le ministre, mais il nous paraît choquant d'inscrire ce dispositif dans la loi. Tel est notre point de vue : cela relève du domaine réglementaire et non du domaine législatif.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 35.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je partage le point de vue de la commission : nous devons être extrêmement prudents s'agissant des dispositions qu'il convient d'inscrire dans la loi.
Certes, il y a une volonté d'affichage, monsieur le ministre, dans cette affaire.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Il faut une personnalité visible.
M. Jean Chérioux. Il s'agit de montrer aux malades que l'on prend en compte leurs préoccupations. Cependant, il faut faire attention à ne pas ouvrir une boîte de Pandore.
J'ai eu l'occasion, voilà peu, de me rendre dans un établissement que vous connaissez bien et que vous avez visité récemment, monsieur le ministre, précisément parce que le fonctionnement du service des urgences faisait l'objet de doléances.
M. Bernard Kouchner, ministre délégué. Ce n'est pas nouveau !
M. Jean Chérioux. Un véritable problème se posait, en effet, mais il ne tenait ni à l'établissement ni aux infirmiers ou aux médecins : les trois filles d'un patient menaient une « sarabande », au prétexte que leur père devait bénéficier de tel ou tel traitement et n'aurait pas dû se trouver dans cet hôpital. Il s'agissait de gens très sympathiques et très simples, mais l'entourage d'un malade se fait facilement des idées, s'inquiète, et l'inquiétude engendre quelquefois des attitudes excessives.
Par conséquent, il faut faire très attention. Si l'on brandit le drapeau des droits du malade, on risque de provoquer des chocs en retour. En définitive, au lieu d'améliorer le fonctionnement de l'hôpital, on le perturbera. De toute façon, les gens savent se défendre. Je sais bien que certains malades sont isolés, mais la famille, quand elle est présente, sait protéger les siens ! Elle a d'ailleurs souvent tendance à vouloir prescrire à la place du médecin.
Soyons donc extrêmement prudents, car j'ai eu connaissance d'autres cas semblables à celui que je viens d'évoquer. Ne faisons pas naître de faux espoirs, ne donnons pas à certains le sentiment qu'ils peuvent faire et dire n'importe quoi.
Mme Claire-Lise Campion. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le rapporteur, je suis au regret de ne pas être d'accord avec vous. Je ne vois en effet rien qui soit difficilement acceptable dans l'institution de ce défenseur des droits des malades, peut-être parce que je ne partage pas la vision un peu réductrice que vous en avez, c'est-à-dire celle d'une personnalité dont la mission serait de défendre les malades contre ceux qui ont pour mission de les soigner.
Il me semble au contraire que placer un tel intermédiaire auprès du ministre de la santé correspondrait parfaitement aux grands objectifs visés au travers de ce projet de loi. En effet, le défenseur des droits des malades pourrait à mon sens jouer un rôle intéressant, sans que son institution fasse injure aux professionnels de la santé ou complique les voies de recours déjà ouvertes.
Nous le voyons plutôt comme un interlocuteur privilégié auquel les usagers du système de santé ou les malades pourront s'adresser. Il pourrait intervenir pour faciliter ou débloquer des situations qui ne seront pas nécessairement litigieuses ou conflictuelles, et aussi répondre aux interrogations du public ou diffuser des informations. Créer cette fonction nous semble donc utile.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Lors des débats à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est battu pour l'institution d'un défenseur des droits des malades. La commission s'y opposait, au motif que les commissions des relations avec les usagers, au sein des établissements, permettaient déjà aux patients de faire valoir leurs droits.
M. Francis Giraud, rapporteur. Oui !
M. Guy Fischer. J'ai entendu les arguments de M. le rapporteur. A l'occasion de l'audition par la commission des affaires sociales du président de l'Ordre national des médecins, j'avais d'ailleurs proposé de retenir l'appellation de « défenseur des droits des malades et de leurs familles ».
Contrairement à ce qui a été dit, certains chefs de service s'opposent encore à la diffusion des informations. A titre personnel, je vis actuellement une telle situation de blocage : la souffrance de la famille s'ajoute à celle du malade.
C'est pourquoi nous tenons beaucoup à la création d'une instance à l'échelon national. Cela étant, quelle sera cette autorité placée auprès du ministre, de quels moyens disposera-t-elle ? Nous pensons qu'il convient d'aller jusqu'au bout de la démarche et de garantir son indépendance.
Un grand nombre de médecins devancent déjà le législateur dans leur pratique quotidienne, mais il nous semble important d'inscrire dans la loi l'institution du défenseur des droits des malades.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'y a pas d'opposition de notre part. La difficulté vient peut-être du choix de l'expression « défenseur des droits des malades », mais il existe une volonté générale d'instituer une sorte de médiateur entre les patients et le système de santé, car cela se révèle manifestement nécessaire.
Cela étant, le texte pourrait simplement stipuler qu'un décret fixera les conditions de recrutement et, éventuellement, la nature des responsabilités de ce médiateur, ce qui permettrait de satisfaire la demande légitime de M. le ministre sans inscrire dans la loi la nomination d'une personne.
Quoi qu'il en soit, nous pourrons revenir sur ce point lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Je souhaitais indiquer dès à présent à M. le ministre que personne ici ne s'oppose à sa proposition.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le texte proposé pour l'article L. 1111-6-1 du code de la santé publique est supprimé.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE L. 1111-6-1
DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE