SEANCE DU 6 FEVRIER 2002
M. le président.
« Art. 61. - En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une
contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en
vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui laissent
supposer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits
sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces
éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion
ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa
conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures
d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur.
« Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné
lieu à une décision irrévocable. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 369, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'article 61 :
« 1. Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de
l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection
de produits dérivés du sang réalisée sur le territoire de la République
française sont indemnisées dans les conditions définies ci-après.
« 2. Toute clause de quittance pour solde valant renonciation à toute instance
et action contre tout tiers au titre de sa contamination ne fait pas obstacle à
la présente procédure.
« 3. La réparation intégrale des préjudices définis au 1 est assurée par un
fonds d'indemnisation, doté de la personnalité civile, présidé par un président
de chambre ou un conseiller à la Cour de cassation, en activité ou honoraire,
et administré par une commission d'indemnisation. Un conseil composé notamment
de représentants des associations concernées est placé auprès du président du
fonds.
« 4. Dans leur demande d'indemnisation, les victimes et leurs ayants droit
justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite C et des transfusions de
produits sanguins ou des injections de produits dérivés du sang.
« La demande fait l'objet d'un accusé de réception.
« Les victimes et leurs ayants droit font connaître au fonds tous les éléments
d'information dont elles disposent.
« Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande, qui
peut être prolongé à la demande de la victime ou de ses ayants droit, le fonds
examine si les conditions d'indemnisation sont réunies ; il recherche les
circonstances de la contamination et procède à toute investigation et ce, sans
que puisse lui être opposé le secret professionnel.
« Lorsque les justifications mentionnées au premier alinéa du présent
paragraphe 4 ont été admises par le fonds, celui-ci est tenu de verser dans un
délai d'un mois une ou plusieurs provisions si la demande lui en a été
faite.
« 5. Le fonds est tenu de présenter à toute victime mentionnée au 1 une offre
d'indemnisation dans un délai dont la durée est fixée par un décret et ne peut
excéder six mois à compter du jour où le fonds reçoit la justification complète
des préjudices. Cette disposition est également applicable en cas d'aggravation
d'un préjudice couvert au titre du 1.
« L'offre indique l'évaluation retenue par le fonds pour chaque chef de
préjudice, nonobstant l'absence de consolidation, ainsi que le montant des
indemnités qui reviennent à la victime.
« 6. La victime informe le fonds des procédures juridictionnelles
éventuellement en cours. Si une action en justice est intentée, la victime
informe le juge de la saisine du fonds.
« 7. Les personnes qui ont à connaître des documents et informations fournis
au fonds sont tenues au secret professionnel, dans les conditions et sous les
peines prévues à l'article 378 du code pénal.
« 8. La victime ne dispose du droit d'action en justice contre le fonds
d'indemnisation que si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune
offre ne lui a été présentée dans le délai mentionné au premier alinéa du 5 ou
si elle n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite. Cette action est intentée
devant la Cour d'appel de Paris.
« 9. Le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les
droits que possède la victime contre la personne responsable du dommage ainsi
que contre les personnes tenues à un titre quelconque d'en assurer la
réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la
charge desdites personnes. Toutefois, le fonds ne peut engager d'action au
titre de cette subrogation que lorsque le dommage est imputable à une faute.
« Le fonds peut intervenir devant les juridictions de jugement en matière
répressive même pour la première fois en cause d'appel en cas de constitution
de partie civile de la victime ou de ses ayants droit contre le ou les
responsables des préjudices définis au 1. Il intervient alors à titre principal
et peut user de toutes les voies de recours ouvertes par la loi.
« Si les faits générateurs du dommage ont donné lieu à des poursuites pénales,
le juge civil n'est pas tenu de surseoir à statuer jusqu'à décision définitive
de la juridiction répressive.
« 10. Sauf disposition contraire, les modalités d'application du présent
article sont fixées en Conseil d'Etat.
« 11. Le présent article est applicable dans les territoires d'outre-mer et
dans la collectivité territoriale de Mayotte.
« 12. L'alimentation du fonds d'indemnisation sera définie par une loi
ultérieure. »
L'amendement n° 229, présenté par M. Lorrain, au nom de la commission des
affaires sociales, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 61, remplacer les
mots : "qui laissent supposer" par les mots : "qui permettent de présumer".
»
L'amendement n° 370, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 61, remplacer les
mots : "laissent supposer" par les mots : "laissent présumer". »
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 369.
M. Guy Fischer.
Les associations de malades et les personnes porteuses du virus de l'hépatite
C contaminées à la suite d'une transfusion sanguine ou d'une injection de
produits dérivés du sang attendaient, pleines d'espoir, la discussion de ce
projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de
santé.
Je partage aujourd'hui leur déception : les arbitrages qui ont conduit, pour
des raisons financières, à les exclure du champ d'application de la loi sont
vécus comme une véritable injustice.
Malgré les développements jurisprudentiels et les dispositions de ce texte
visant à faciliter les recours contentieux des victimes, il n'en demeure pas
moins que les actions en justice resteront longues et coûteuses, sur le plan
moral aussi bien que financier, pour déboucher,
in fine,
sur des
indemnités dont le montant restera très en deçà de celui qui a été retenu
s'agissant de la compensation du préjudice lié à la contamination par le virus
de l'immunodéficience humaine, le VIH.
Cela tient au seul fait que les juridictions ne reconnaissent pas l'existence
d'un préjudice spécifique résultant de la contamination par le virus de
l'hépatite C.
Nous pensons, avec d'ailleurs beaucoup d'autres, que la prise en charge de
l'indemnisation relève de la solidarité nationale, comme dans le cas de la
contamination par le virus du sida. Nous ne recevons pas les raisons avancées
pour expliquer qu'une telle voie ne soit pas privilégiée, qu'il s'agisse du «
coût » ou des incertitudes quant au mode de contamination ou à l'évolution de
la maladie.
Par conséquent, nous proposons la création d'un fonds d'indemnisation
spécifique au profit des personnes contaminées par l'hépatite C, comparable à
celui qui a été mis en place par la loi du 31 décembre 1991 pour les personnes
séropositives.
M. le président.
La parole est à M. Lorrain, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 229.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel, visant à permettre
aux victimes de faire valoir plus aisément leurs droits.
M. le président.
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 370.
M. Guy Fischer.
Le titre III du présent projet de loi n'apporte pas de réponse globale aux
victimes d'une contamination par l'hépatite C, ces dernières étant exclues des
mécanismes d'indemnisation prévus au titre de l'aléa thérapeutique, ce qui est
regrettable.
Certes, il convient de souligner que l'article 61, en posant le principe d'une
présomption d'imputabilité de contamination par le virus de l'hépatite C,
facilitera le recours contentieux.
Mais, quoi qu'il en soit, les victimes devront aller devant la justice pour
faire valoir leurs droits et obtenir une indemnisation.
Nous relevons malgré tout deux points positifs.
En effet, la preuve qu'une transfusion a précédé la contamination, qui peut se
révéler difficile à apporter, en raison notamment de l'ancienneté des
transfusions, est allégée. Une fois cette preuve apportée, c'est désormais au
transfuseur de prouver que le sang n'était pas infecté. De plus, le doute
profite au malade.
Afin de garantir que ces dispositions, qui consacrent les acquis récents de la
jurisprudence, seront effectivement favorables aux victimes, nous proposons une
rédaction plus précise, réduisant la marge d'appréciation laissée au juge.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 369 et 370 ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
S'agissant de l'amendement n° 369, nous pourrions certes
ouvrir à nouveau le débat sur la contamination par le virus de l'hépatite C.
Lors de la discussion générale, j'avais déploré la situation dans laquelle se
trouvent les malades, mais, par décence, je n'y reviendrai pas. En revanche, je
souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
Par ailleurs, l'amendement n° 370 ayant le même objet que l'amendement n° 229
de la commission, j'y suis favorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 369, 229 et 370 ?
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 229
et 370.
En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 369. M. Fischer, qui connaît
ma position sur ce sujet, sait combien je regrette d'avoir à l'exposer une fois
encore. J'ai défendu l'inscription dans le projet de loi d'une disposition
permettant d'indemniser toutes les victimes de l'hépatite C, mais l'enjeu
financier, de l'ordre de 20 milliards à 25 milliards de francs, était
considérable. Il semble d'ailleurs que ces estimations étaient excessives, le
nombre des personnes infectées par le virus de l'hépatite C étant, et j'en suis
très heureux, inférieur à nos prévisions initiales. Néanmoins, toutes ces
données sont encore très imprécises.
Le Gouvernement s'est donc trouvé contraint de renoncer à introduire une telle
disposition dans le texte, comme cela fut déjà le cas lors de l'examen de
précédents textes. En 1992, j'ai rédigé et présenté au gouvernement de l'époque
le premier d'entre eux. Ni moi-même, ni ceux qui m'ont succédé, à savoir M.
Douste-Blazy et Mme Simone Veil, n'avons réussi, malgré notre volonté, à faire
approuver ces dispositions. Dix ans ont été nécessaires pour aboutir à ce
projet. Il a donc fallu choisir : ou bien faire une loi sur l'indemnisation de
l'aléa sans l'indemnisation des victimes passées de l'hépatite C, ou bien ne
pas faire de loi. C'est d'ailleurs le dilemme auquel ont été confrontés les
responsables de la santé qui se sont succédé. Vous le savez, monsieur Fischer,
c'est à chaque fois sur ce point que la volonté politique a échoué.
Permettez-moi de vous donner très brièvement quelques petites précisions.
Premièrement, le dispositif de règlement amiable des accidents médicaux
institué par le présent projet de loi est applicable aux accidents médicaux qui
se seront produits au plus tôt six mois avant la date de la publication de la
présente loi, que j'espère proche. En conséquence, les personnes contaminées à
la suite d'un acte de soins qui se sera produit dans ce délai pourront
bénéficier de cette procédure de règlement amiable dont nous avons tant
discuté. J'en conviens, les personnes qui sont contaminées sont - et c'est
heureux ! - de plus en plus rares. Je pense notamment aux personnes qui ont été
contaminées accidentellement dans un centre de dialyse, à Béziers. Vous
connaissez cette triste histoire, monsieur Fischer.
Deuxièmement, certaines associations de victimes d'accidents médicaux ont
considéré que proposer des dispositions rétroactives pour les seules victimes
de l'hépatite C - je suis désolé, tout cela est une compétition douloureuse -
créait une situation d'iniquité vis-à-vis des victimes d'autres accidents
médicaux qui ne bénéficieraient pas du même traitement rétroactif.
Troisièmement, et c'est un point important, de nouveaux traitements commencent
à être mis en oeuvre : bithérapie et trithérapie pour les personnes contaminées
par le virus de l'hépatite C. Je rappelle que le pourcentage des contaminations
qui conduisent vers une hépatite chronique agressive, une cirrhose et un cancer
est faible, et c'est heureux ! De nouveaux traitements sont également mis en
oeuvre dans le cadre des expérimentations préalables à la décision
d'autorisation de mise sur le marché. C'est désormais le cas des trithérapies.
Or, ces traitements semblent actuellement donner des résultats encourageants et
aboutir à des guérisons. C'est donc bien dans ce domaine qu'il faut faire
porter nos efforts.
Enfin, l'article 61, en inversant la charge de la preuve au profit des
victimes, facilitera l'indemnisation de ces dernières dans le cadre du droit
commun. En effet, je rappelle le principe : toute victime d'un accident
transfusionnel a droit à une indemnisation sur la base de la responsabilité du
fait des produits. Tous ceux qui ne pourront pas bénéficier de la loi relative
aux droits des malades que nous allons voter, et améliorer grâce à vous,
pourront poursuivre leur action concernant le règlement judiciaire de
l'indemnité par l'intermédiaire de l'Etablissement français du sang, et en
réalité de la solidarité nationale, par le biais de la CNAM.
M. le président.
Quel est donc l'avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Nous comprenons la position du Gouvernement, mais nous
maintenons la nôtre. Nous nous en remettons à la sagesse de notre assemblée.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 369.
M. Jacques Pelletier.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Je soutiens l'amendement présenté par M. Fischer et les membres du groupe
communiste républicain et citoyen, et je les remercie de l'avoir déposé.
En tant que médiateur de la République ou comme élu local, j'ai eu à connaître
des drames résultant de la contamination du virus de l'hépatite C. J'ai vu des
familles détruites. J'ai vu des personnes être dans l'incapacité de pouvoir se
faire entendre de la justice. J'en connais même qui ont formé un pourvoi en
cassation, avec toutes les conséquences financières que cela représentait pour
elles. Le cas auquel je pense a obtenu gain de cause en cassation et l'affaire
a été réexaminée par une cour d'appel. C'est un véritable parcours du
combattant ! Dans ce domaine, il s'agit de la solidarité nationale, monsieur le
ministre.
Le renversement de la charge de la preuve est, bien sûr, une avancée.
Cependant, les personnes contaminées doivent saisir les tribunaux, avec tous
les inconvénients que cela représente. Vous devriez envisager, monsieur le
ministre, de mettre en place ce fonds d'indemnisation ; d'autres ont essayé,
sans succès, de le faire avant vous. J'en conviens, les sommes en jeu sont très
importantes. Mais, je le répète, il s'agit d'un problème de solidarité
nationale.
M. Bernard Cazeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau.
M. Bernard Cazeau.
Nous ne pouvons, hélas ! nous associer à l'amendement qui a été présenté par
M. Fischer. Nous avons entendu l'avis du Gouvernement. Cet amendement aurait
constitué une très grande avancée. Les propos de l'orateur qui m'a précédé sont
exacts dans certains cas. Grâce aux progrès réalisés à l'heure actuelle,
notamment grâce à un certain nombre de produits, les cas qui nécessitent d'être
traités et qui sont peu nombreux par rapport à l'ensemble des personnes
concernées trouvent souvent, à travers ces thérapies, une issue très
convenable.
C'est pourquoi, comprenant les motifs du Gouvernement et tout en nous
associant aux propos qui ont été tenus, nous ne pourrons voter pour cet
amendement, et nous le regrettons.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Les propos tenus par notre collègue qui fut médiateur de la République m'ont
impressionné. A l'évidence, le problème des indemnisations est très douloureux,
en particulier pour les familles qui ont connu un décès. Il est très pénible de
contraindre ces familles à intenter un procès, long et parfois incertain, même
si l'amendement présente de grands avantages. Je n'interviens pas pour contrer
votre position, monsieur le ministre. En effet, je m'y rallie par nécessité, si
j'ose dire, car je suis conscient que l'on ne peut pas demander n'importe quoi
et que l'effort financier que cela représenterait est hors de portée.
Pour ma part, je regrette le manque d'automaticité du dispositif et le fait
qu'il soit nécessaire d'engager de multiples démarches, au terme desquelles
c'est le plus dur qui gagne. En effet, un système d'indemnisation, qui est
peut-être beaucoup moins avantageux sur le plan financier, présente l'avantage
de permettre un accès facile à la réparation du préjudice pour le malade. Je ne
sais pas quelle solution pourrait être trouvée. Si j'étais membre de la
commission des lois, j'aurais sans doute quelques idées à formuler à cet
égard.
Je suis très touché par l'amendement que notre ami Fischer a présenté. Il a
bien saisi l'aspect humain du problème. Aujourd'hui, nous ne pouvons pas le
résoudre de cette manière. Monsieur le ministre, ne pourriez-vous pas réfléchir
à un dispositif qui, tout en évitant des dérives financières considérables,
permettrait tout de même de faciliter les choses, quitte à ce que la réparation
soit beaucoup plus forfaitaire et nettement moins importante que celle qui est
attribuée par les tribunaux.
S'agissant du sida, les sommes qui ont été accordées par le fonds
d'indemnisation étaient souvent, à l'évidence, hors de proportion avec ce que
les intéressés auraient pu obtenir par la voie judiciaire. Pour les victimes,
il ne s'agit pas seulement d'une question financière. En effet, ce que les
victimes, notamment leur famille, cherchent à obtenir, c'est la réparation du
préjudice moral subi. Il faut trouver une solution plus satisfaisante sur le
plan moral, pour ceux qui, hélas, sont atteints par le virus de l'hépatite C.
Cela passe peut-être par une forfaitisation et par des sommes moins élevées. A
l'heure actuelle, le rapport va en effet du simple au décuple, voire plus.
Je me rallie, bien sûr, à la position de la commission. En effet, nous sommes
des représentants du peuple et nous devons donc nous préoccuper des deniers
publics.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je comprends bien la gravité de la présente discussion.
Je le répète : j'ai essayé, pendant dix ans, de mettre sur pied le meilleur
système possible.
Je suis très sensible aux propos de MM. Fischer, Pelletier et Chérioux.
Cependant, afin que nous ne nous déchirions pas sur ce point, je demande de
nouveau à M. Fischer de bien vouloir retirer cet amendement, ce qui nous mettra
plus à l'aise. A défaut, je serais contraint d'invoquer l'article 40 de la
Constitution, bien que je me sois battu pendant dix ans.
M. Chérioux demande ce que nous avons fait. Il faut, a-t-il dit, trouver une
solution. Je crois l'avoir trouvée - elle peut sans doute être améliorée - en
considérant que le doute profite à la victime. Nous parlons de l'hépatite C,
mais n'oublions pas le reste, qui peut être aussi lourd. Il faudrait prendre
tout en compte. Or le doute profite à la victime. Avec la possibilité de
déposer une demande d'indemnisation devant la commission, les choses iront
beaucoup plus vite et nous éviterons les conséquences du procès qui dure des
années et au cours duquel il faut véritablement faire asssaut à l'Etablissement
public pour prouver que l'on a été malade.
M. Jean Chérioux.
Cela répond en grande partie à ce que nous demandons !
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Je comprends le préjudice moral qui est subi. Nous
n'avons pas trouvé une autre solution, bien que nous ayons beaucoup cherché.
Comme je l'ai dit à M. Fischer, très souvent, on ne légifère pas car personne
n'accepterait le texte proposé. Je vous fais une confidence : je n'aurais pas
accepté de présenter ce texte et j'aurais quitté le Gouvernement si l'on ne
m'avait pas permis de prévoir ces mesures élémentaires en faveur des anciens
contaminés de l'hépatite C. Pour eux, l'expertise est désormais possible, ils
peuvent saisir la commission et l'Etablissement doit faire la preuve
a
contrario
qu'il n'est pas responsable, etc. On leur facilite donc le plus
possible la tâche. Mais j'ai échoué sur la dépense considérable que cela
représente pour l'Etat. C'est pourquoi, ayant compris ce qu'il a dit et
partageant son sentiment, je prie M. Fischer de retirer son amen-dement.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Je ne peux que me rallier aux propos de M. le ministre. Pour
nous, il serait confortable de nous réfugier derrière sa décision d'invoquer
l'article 40 de la Constitution, mais notre discours n'est pas celui-là.
M. Bernard Kouchner,
ministre délégué.
Non !
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Dans les cas extrêmes, lorsque les malades atteints
développent, par exemple, un cancer et lorsqu'ils sont en phase terminale, la
solidarité nationale ne pourrait-elle pas les prendre en charge ? En effet,
tous les malades ne développent pas un cancer terminal. Là aussi, on a buté sur
des difficultés techniques pour faire prendre en compte ces malades. Aussi, je
demande à mon tour à notre ami M. Fischer de bien vouloir retirer cet
amendement.
M. le président.
Monsieur Fischer, l'amendement n° 369 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer.
J'ai bien entendu l'appel de M. le ministre et de M. le rapporteur. Je ne
souhaite pas voir appliqué l'article 40 de la Constitution. Vous l'avez tous
compris, je suis engagé depuis de très nombreuses années, comme d'autres, dans
cette approche et dans ce débat auprès des victimes du virus de l'hépatite C.
Je suis donc déterminé à agir. Je crois qu'à travers ce texte, notamment grâce
à l'inversion de la charge de la preuve et au débat qui vient de s'instaurer -
je tiens d'ailleurs à remercier tant la commission qui a permis que ce débat
ait lieu, que tous nos collègues qui ont participé à ce dernier -, la réflexion
est lancée.
Certes, le dépôt de cet amendement traduisait un engagement que je voulais
tenir vis-à-vis des associations ; ces dernières créent actuellement une
coordination et souhaitent bien entendu que le Gouvernement prenne conscience
de la souffrance morale vécue par de très nombreuses familles, souffrance dont
on ne mesure pas toujours les conséquences.
Un débat long et sérieux a eu lieu ce soir au sein de la Haute Assemblée,
débat dont ces associations auront un écho et que nous poursuivrons à l'avenir
par l'échange d'autres points de vue.
Je retire donc mon amendement, en remerciant à nouveau mes collègues, M. le
ministre et M. Lorrain d'avoir rendu cet échange possible.
M. le président.
L'amendement n° 369 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 229, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° 370 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 61, modifié.
(L'article 61 est adopté.)
Article 62