SEANCE DU 13 FEVRIER 2002
M. le président.
« Art. 1er. - Il est institué un régime d'assurance vieillesse complémentaire
obligatoire par répartition au bénéfice des chefs d'exploitation ou
d'entreprise agricole visés à l'article L. 732-56 du code rural, dans les
conditions définies aux articles L. 732-57 à L. 732-61 et L. 762-36 à L. 762-40
du même code. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 5, présenté par M. Juilhard, au nom de la commission des
affaires sociales, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit l'alinéa unique de l'article 1er :
« Il est institué un régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire
par répartition au bénéfice des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole
dans les conditions déterminées par la présente loi. »
L'amendement n° 20, présenté par M. Le Cam, Mme Demessine, M. Fischer et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« I. - Dans l'article 1er, après le mot : "bénéfice", insérer les mots : "des
actifs agricoles non salariés et".
« II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes pour l'Etat résultant de l'extension du régime
d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire par répartition aux actifs
agricoles non salariés est compensée à due concurrence par la création à son
profit d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. »
« III. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention
: "I". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 5.
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de simplification. L'article 1er
étant un article de présentation non codifié, il est inutile d'y faire figurer
des renvois au code rural, qui alourdissent sa rédaction et entravent sa
lisibilité.
M. le président.
La parole est à M. Le Cam, pour défendre l'amendement n° 20.
M. Gérard Le Cam.
Cet amendement vise, comme l'amendement n° 25, à étendre le système de
retraite complémentaire obligatoire à l'ensemble des actifs non-salariés
agricoles. Exclure les conjoints collaborateurs et les aides familiaux qui
participent aux activités est une injustice sociale. Nous pensons tout
particulièrement aux épouses, qui contribuent, à l'égal du chef d'exploitation,
au revenu. Un travail égal mérite une retraite égale.
Il s'agit d'un amendement d'appel : nous souhaitons attirer l'attention sur la
nécessité d'engager la réflexion sur la question des retraites complémentaires
des conjoints et des aides familiaux.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 20 ?
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur.
Contrairement à ce qui est précisé dans son exposé des
motifs, cet amendement, s'il était adopté, ne permettrait pas de généraliser le
système de retraite complémentaire obligatoire à l'ensemble des actifs non
salariés agricoles, puisque l'article 2 définit avec précision le champ des
bénéficiaires.
Faut-il adopter un amendement qui ferait naître un espoir au sein des actifs
non salariés agricoles qui ne sont pas chef de l'exploitation et qui ne répond
en rien à leur demande ?
De plus, cet amendement est incompatible avec celui que j'ai présenté.
Je demande donc à M. Le Cam de bien vouloir le retirer, sinon je devrai
émettre un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 5 et 20 ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
J'émets un avis favorable sur
l'amendement n° 5, car il enrichit utilement le texte.
J'en viens à l'amendement n° 20. Je dirai à M. Le Cam que j'estime non
seulement que ce qu'il exprime à travers cet amendement est tout à fait
légitime,...
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur.
Bien sûr !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
... mais aussi - je vais donc
plus loin - que nous devrons, dans les années à venir, aller dans le sens qu'il
souhaite.
Cependant, j'ai déjà indiqué clairement tout à l'heure qu'un tel engagement
d'entrée de jeu imposerait aux actifs un effort contributif si considérable
qu'il en serait déraisonnable.
Je souhaite donc que M. Le Cam, qui connaît l'engagement du Gouvernement
d'aller dans ce sens dans les prochaines années, retire cet amendement. Sinon,
je devrai invoquer l'article 40 de la Constitution. Or moins je le ferai ce
soir, mieux cela vaudra !
M. le président.
Monsieur Le Cam, l'amendement n° 20 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam.
Je l'ai dit, il s'agissait d'un amendement d'appel.
Je vous remercie de vos explications, monsieur le ministre, et des promesses
que vous faites au nom du futur gouvernement, qui, je l'espère, sera de gauche
!
(Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Gérard César,
rapporteur pour avis.
Il ne faut pas parier !
M. Gérard Le Cam.
Je retire donc cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 20 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 5, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
Je suis maintenant saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une
discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Juilhard, au nom de la commission des
affaires sociales.
L'amendement n° 17 est présenté par MM. Cazeau, Pastor et Domeizel, Mmes
Yolande Boyer et Herviaux, MM. Lejeune, Moreigne, Piras, Raoult, Teston, Raoul,
Saunier, Reiner et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 27 est présenté par MM. Leclerc, Le Grand, Sido, Doublet,
Goulet, Gérard, Bizet, Flandre, Cazalet, François et Bailly.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Compléter l'article 1er par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce régime a pour objectif de garantir, après une carrière complète en
qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole, un montant total de
pension de retraite de base et de retraite complémentaire obligatoire au moins
égal à 75 % du salaire minimum de croissance net. »
L'amendement n° 21, présenté par M. Le Cam, Mme Demessine, M. Fischer et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« I. - Compléter l'article 1er par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce régime a pour objectif de garantir, après une carrière complète en
qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole, un montant total de
pension de retraite de base et de retraite complémentaire obligatoire au moins
égal à 75 % du salaire minimum de croissance brut. »
« II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes pour l'Etat résultant de la fixation du montant
total de retraite de base et de retraite complémentaire obligatoire à au moins
75 % du salaire minimum de croissance brut est compensée à due concurrence par
la création à son profit d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles
575 et 575 A du code général des impôts. »
« III. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention
: "I". »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur.
L'article 1er est un article de présentation de la loi, à la
différence de l'article 2, qui en constitue le fondement normatif.
La commission des affaires sociales a souhaité compléter cet article en
inscrivant l'objectif visé. Le total constitué par la pension du régime de base
et par la pension du régime complémentaire permettra d'atteindre 75 % du SMIC
net. Inscrire cet objectif dans la loi permet d'assurer la lisibilité de
l'action publique. Cet objectif s'appliquera lors de la mise en place du
nouveau régime, c'est-à-dire en 2003. Il s'agit bien d'un objectif, et non d'un
carcan pour contraindre à parvenir, quoi qu'il arrive, aux 75 % susmentionnés
au cours des années suivantes.
M. le président.
La parole est à M. Cazeau, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Bernard Cazeau.
Nous souhaitons en effet garantir et afficher ce montant minimal de retraite
globale égal à 75 % du SMIC net. Cette disposition, intéressante pour l'avenir,
permettra, en outre, d'avoir un suivi, au fur et à mesure de l'évolution du
SMIC, des petites retraites agricoles.
Nous affichons, nous aussi, cette volonté à travers cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Leclerc, pour défendre l'amendement n° 27.
M. Dominique Leclerc.
Comme l'a dit M. le rapporteur, il s'agit, dans l'article 1er, d'une part, de
définir l'objectif de 75 % du SMIC et, d'autre part, de réaffirmer la volonté
d'une revalorisation qui soit continuelle, et qui ne dépende donc pas d'une
disposition adoptée dans le cadre d'un projet de loi de finances.
Souvenez-vous de la loi d'orientation agricole de 1999 et de l'objectif sur
quatre ans qui devait être atteint en 2002 ! Nous voulons substituer à une
démarche aléatoire quelque chose de net et, surtout, de pérenne.
M. le président.
La parole est à M. Le Cam, pour défendre l'amendement n° 21.
M. Gérard Le Cam.
Vous l'avez compris, monsieur le ministre, il s'agit, là encore, d'un
amendement d'appel. Nous aurions souhaité, pour les agriculteurs, un montant de
retraite égal à 75 % du SMIC brut. Cela aurait permis une augmentation plus
substantielle - et tellement légitime ! - du montant de la retraite des chefs
d'exploitation, puisqu'il atteindrait environ 5 500 francs par mois.
Nous savons parfaitement que la contribution actuelle de l'Etat est largement
insuffisante et que les cotisations seraient beaucoup trop lourdes pour les
revenus les plus modestes.
Notre amendement a donc pour objet de souligner que la revalorisation des
retraites que ce gouverment a entreprise, pour importante qu'elle soit, doit
néanmoins être poursuivie. Si la mise en place d'un système de retraite
complémentaire obligatoire est une étape utile et nécessaire, il faut d'ores et
déjà réfléchir à la mise en oeuvre d'un nouveau plan de revalorisation des
pensions de base.
Tel est l'objet de notre amendement ; à défaut de son adoption, nous
soutiendrions les trois amendements identiques n°s 6, 17 et 27.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 21 ?
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur.
Si je comprends bien, M. Le Cam a fait en quelque sorte les
demandes et les réponses.
(Sourires.)
Il s'agit d'un amendement d'appel,
qui est l'expression d'une générosité, mais sur lequel la commission des
affaires sociales émet un avis défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 6, 17 et
27, ainsi que sur l'amendement n° 21 ?
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Je commencerai par l'amendement
n° 21, car son coût serait plus élevé. En effet, il prévoit un montant de
retraite au moins égal à 75 % du SMIC brut, et non à 75 % du SMIC net. Monsieur
Le Cam, à l'impossible nul n'est tenu !
M. Jean-Marc Juilhard,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Jean Glavany,
ministre de l'agriculture et de la pêche.
Là aussi, il faut retenir des
dispositions raisonnables. Je souhaite que vous retiriez cet amendement, sinon
je devrai invoquer l'article 40 de la Constitution. Si je pouvais ne pas avoir
à le faire, j'en serais heureux.
J'en viens aux trois amendements identiques. Je n'ai rien à redire à
l'objectif politique que visent ces amendements consensuels. En effet, je l'ai
moi-même affiché tout à l'heure dans mon intervention. Toutefois, le puriste
que je suis, que j'essaie de ne pas être trop souvent, vous dira que
l'inscription de cet objectif politique dans la loi ne relève pas du domaine
législatif, n'a donc aucune portée législative et n'entraîne pas de conséquence
à cet égard.
Je suis de cette culture parlementaire selon laquelle trop de loi tue la loi,
trop d'affirmations dans la loi tuent la loi. A partir du moment où l'on
affiche cette volonté politique, il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la
loi, car cela n'a aucune portée. Mais je dis cela avec un purisme dont je sens,
intuitivement, qu'il n'aura aucune espèce de conséquence ce soir, compte tenu
de votre engagement collectif.
(Sourires.)
M. le président.
Monsieur Le Cam, l'amendement n° 21 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam.
Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président.
L'amendement n° 21 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 6, 17 et 27.
M. Claude Domeizel.
Je vote contre. Je m'en suis expliqué lors de mon intervention : on ne doit
pas confondre la loi et son exposé des motifs.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2