SEANCE DU 23 JUILLET 2002
M. le président.
« Art. 2. - Sont amnistiés en raison de leur nature :
« 1° Les contraventions de police et les contraventions de grande voirie ;
« 2° Les délits pour lesquels seule une peine d'amende est encourue, à
l'exception de toute autre peine ou mesure ;
« 3° Les délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la
presse ;
« 4° Les infractions prévues par les articles 397, 398 à 406, 414, 415, 418,
429 (premier alinéa), 438, 441, 447, 451, 453, 456 (troisième alinéa), 457,
460, 461, 465, 468 et 469 (premier alinéa) du code de justice militaire et les
articles L. 118, L. 124, L. 128, L. 129, L. 131, L. 134, L. 146 à L. 149, L.
149-7, L. 149-8, L. 149-9, L. 156 et L. 159 du code du service national ;
toutefois, les délits de désertion prévus par les articles 398 à 406 du code de
justice militaire, commis par un militaire de carrière ou servant en vertu d'un
contrat, ne sont amnistiés que lorsque le point de départ des délais fixés à
l'article 398 de ce code est antérieur au 17 mai 2002 et que l'auteur s'est ou
se sera présenté volontairement devant l'autorité militaire compétente avant le
31 décembre 2002. »
L'amendement n° 29, présenté par M. Charasse et les membres du groupe
socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa (1°) de l'article 2, après les mots : "Les
contraventions de police", insérer les mots : "dans la limite totale de 150 EUR
par contrevenant". »
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
De nombreux débats ont eu lieu pour savoir s'il est possible, au sein du
fichier des contraventions - je parle des contraventions de police, et
généralement de la police au titre du code de la route - de distinguer celles
que le projet de loi prévoit de ne pas amnistier, notamment le stationnement
gênant sur les emplacements réservés aux personnes handicapées ou aux véhicules
d'urgence.
Je suis de ceux qui considèrent que la présente disposition, qui part d'un
très bon sentiment, est assez difficilement applicable car le fichier des
contraventions ne distingue pas avec précision les divers cas de contraventions
de police.
Depuis que le législateur a autorisé le prélèvement automatique des
contraventions impayées sur le compte bancaire, le Trésor public comporte un
fichier de l'ensemble des contraventions par contribuable. Le service de
recouvrement des amendes est la Trésorerie des amendes.
Aussi, il m'a paru préférable de recourir à un plafond - c'est d'ailleurs
beaucoup plus moral - qui permettrait l'amnistie des contraventions de police
dans la limite de 150 euros par contrevenant. Je précise au passage que j'ai eu
la surprise de découvrir, au moment de l'amnistie de 1988 et comme me l'avait
dit le trésorier des amendes lorsque je suis arrivé au ministère du budget, que
des personnes avaient jusqu'à 700 000 francs de l'époque de contraventions
impayées, principalement dans l'agglomération parisienne, un petit peu à Lyon
ou dans le Midi.
Par conséquent, le montant de 150 euros me semble suffisant. Cela me paraît
plus efficace, et surtout plus applicable que le dispositif qui consiste à
exclure de l'amnistie une certain nombre de contraventions et notamment celles
qui répriment le stationnement gênant sur les emplacements réservés aux
personnes handicapées.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Je suis
toujours séduit par les propositions de notre collègue Michel Charasse. Par son
amendement, il propose une solution qui, en apparence, est très séduisante.
Elle limite l'effet d'aubaine créé par l'annonce de la loi d'amnistie en
matière de contraventions au code de la route.
Toutefois, moi aussi je me suis renseigné. Aux yeux de la Chancellerie,
l'amnistie paraît difficile à mettre en oeuvre. En tout cas, elle supposerait
une gestion dont le coût serait très élevé, tant en personnel que sur le plan
financier.
Aussi, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement pour savoir s'il s'en
remet à la sagesse du Sénat ou s'il considère, lui aussi, qu'il convient
d'émettre un avis défavorable.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux, ministre de la justice.
Le Gouvernement est défavorable
à cet amendement, qui présente deux inconvénients.
Tout d'abord, je ne suis pas absolument sûr que la gestion centralisée des
informations permette à la comptabilité publique de donner l'information
souhaitée. Quand bien même cela serait possible, la question qui se pose est de
savoir comment on atteint le plafond de 150 euros. En effet, il est probable
que ce plafond ne correspondra pas à un nombre entier d'infractions. S'il
correspondait à deux fois 75 euros, tout irait bien. Or il est probable que ce
ne sera pas le cas. La mise en oeuvre de ce plafond poserait donc un problème
très complexe.
Par ailleurs, l'alinéa 37 de l'article 13 exclut de l'amnistie des
contraventions les personnes ayant fait l'objet d'une procédure d'opposition au
transfert de leur carte grise pour n'avoir pas mentionné leur changement
d'adresse et pour avoir accumulé un nombre important de procès-verbaux impayés.
Le cas que M. Charasse souhaite exclure de l'amnistie est déjà exclu par
l'alinéa 37 de l'article 13. L'amendement qu'il propose rendrait les choses
plus complexes, ce qui n'est pas négligeable.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Compte tenu des arguments et de l'avis du Gouvernement, la
commission émet un avis défavorable.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 29.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Je ne suis pas totalement convaincu par l'argumentation de M. le ministre. Je
le suis d'autant moins que, depuis plusieurs mois, les procès-verbaux ne sont
guère recouvrés, même auprès de personnes qui n'ont pas organisé le camouflage
de leurs délits ou qui ont mentionné leur changement d'adresse.
Je me souviens de l'époque où figuraient dans le fichier de la comptabilité
publique les noms des personnes et le total des contraventions dues. Dans ce
cas, l'observation de M. le ministre ne vaut plus. En effet, si l'on fixe un
plafond de 150 euros, il suffit de retirer cette somme du total des
contraventions impayées.
Mais, compte tenu des incertitudes juridiques soulevées par M. le ministre et
qui sont confirmées par la commission, je préfère ne pas insister et je retire
mon amendement. Je regrette toutefois qu'on ne puisse pas retenir un dispositif
de cette nature, qui permettrait d'éviter certaines difficultés, puisque les
autres dispositions du texte concernant les contraventions ne me paraissent pas
applicables non plus.
M. le président.
L'amendement n° 29 est retiré.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3