SEANCE DU 23 JUILLET 2002


M. le président. L'amendement n° 55, présenté par M. Fischer, Mme Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa de l'article 17, tout salarié qui depuis le 19 mai 1995 a été licencié pour une faute autre qu'une faute lourde, commise à l'occasion de l'exercice de sa fonction de représentant élu du personnel, de représentant syndical au comité d'entreprise ou de délégué syndical, peut invoquer cette qualité, que l'autorisation administrative de licenciement ait ou non été accordée, pour obtenir sa réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent chez le même employeur ou chez l'employeur qui lui a succédé, en aplication de l'article L. 122-12 du code du travail.
« Il doit, à cet effet, présenter une demande dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi.
« L'employeur est tenu, dans le mois qui suit la demande de réintégration, de notifier à l'intéressé, soit qu'il accepte la réintégration, soit qu'il s'y oppose. Dans ce dernier cas, il doit indiquer les motifs de sa décision et, en même temps qu'il la notifie à l'intéressé, en adresser une copie à l'inspecteur du travail. Avant de prendre sa décision, l'employeur consulte le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, s'il en existe, leur avis étant communiqué à l'inspecteur du travail.
« Si l'inspecteur du travail estime que le refus de l'employeur n'est pas justifié, il propose la réintégration. Sa proposition écrite et motivée est communiquée aux parties.
« Le contentieux de la réintégration est soumis à la juridiction prud'homale qui statue comme en matière de référé. Le salarié réintégré bénéficie pendant six mois, à compter de sa réintégration effective, de la protection attachée par la loi à son statut antérieur au licenciement. »
La parole est à M. Guy Fisher.
M. Guy Fischer. Cet amendement est pour nous essentiel. En effet, assurer la réintégration du salarié protégé licencié bénéficiaire du présent texte est la condition d'une amnistie réelle.
Ne pas prévoir la réintégration des salariés constituerait en revanche une véritable tartufferie. La conséquence essentielle de la sanction amnistiée était le licenciement. Amnistier sans réintégrer, c'est donc maintenir la sanction.
En 1981, la réintégration fut de plein droit. En 1988, le Conseil constitutionnel est intervenu, en restreignant, à notre grand regret, le texte voté par le Parlement mais en reconnaissant comme pleinement constitutionnel le principe de la réintégration, à condition que le fait à l'origine du licenciement n'ait pas été une faute lourde.
Notre position de fond est que tout salarié protégé licencié pour une faute autre qu'une faute lourde doit être l'objet d'une réintégration, mais, par souci d'efficacité, car nous connaissons la frilosité de la majorité sénatoriale en ce domaine, nous vous proposons de reprendre les principes validés par le Conseil constitutionnel en 1988.
J'ai constaté, monsieur le garde des sceaux, que, une fois encore, vous avez assimilé à l'Assemblée nationale les délits commis par des salariés protégés aux autres délits.
Vous avez ainsi déclaré : « L'amnistie, ce n'est pas cela : elle consiste à effacer une faute, non à redonner des droits en plus de l'effacement de la faute. Je pense que l'on ne peut pas faire une exception dans ce cas-là, sinon on devrait le faire pour bien d'autres conséquences de la faute. »
Le groupe communiste républicain et citoyen n'accepte pas cet amalgame rapide, car il connaît la dure réalité que vivent ces salariés qui consacrent leur vie à la défense de leurs camarades de travail et qui sont touchés de manière particulièrement brutale dans leur existence tant professionnelle que familiale.
Notre amendement est donc un amendement a minima : pas de réintégration de droit, renvoi à la justice prud'homale, pas de réintégration en cas de faute lourde.
Je vous propose de l'adopter pour adresser un signe à ceux qui luttent contre l'arbitraire patronal, toujours si présent dans l'entreprise.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Lucien Lanier, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement pour une bonne raison : en vertu d'un principe traditionnel, l'amnistie n'a jamais donné droit à la réintégration.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Chapitre IV

Exclusions de l'amnistie

Article 13