SEANCE DU 25 JUILLET 2002
M. le président.
L'amendement n° 90, présenté par M. Haenel, au nom de la commission des
finances, est ainsi libellé :
« Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Jusqu'au 30 décembre 2007, des actions expérimentales peuvent être
menées dans le domaine de la justice judiciaire, en vue de promouvoir une
organisation plus rationnelle des implantations et d'optimiser l'emploi des
ressources humaines et budgétaires affectées à la justice. Ces actions
consistent à mettre en oeuvre des réformes de l'organisation judiciaire. Les
projets d'expérimentation sont agréés par l'autorité compétente de l'Etat,
compte tenu de leur intérêt.
« II. - Pour la mise en oeuvre des actions décrites au I, il peut être dérogé
aux dispositions du code de l'organisation judiciaire.
« III. - Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret
en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Hubert Haenel,
rapporteur pour avis.
J'ai souvent eu l'occasion ici même d'exprimer le
souhait qu'avant de procéder à certaines réformes dans le domaine de la
justice, notamment en matière d'organisation judiciaire, on puisse procéder à
des expérimentations.
Avant de présenter cet amendement n° 90, permettez-moi, monsieur le président,
de le rectifier en supprimant, dans le paragraphe I, la phrase : « Les projets
d'expérimentation sont agréés par l'autorité compétente de l'Etat, compte tenu
de leur intérêt. »
M. le président.
Il s'agit donc de l'amendement n° 90 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur pour avis.
M. Hubert Haenel,
rapporteur pour avis.
Dans le même esprit que celui auquel M. le Premier
ministre a fait référence s'agissant des expérimentations en matière
constitutionnelle, je pense qu'il n'est plus possible d'imposer du jour au
lendemain aux territoires des réformes imaginées dans les administrations
centrales. Il serait préférable d'expérimenter de telles réformes en s'appuyant
sur des juridictions, des barreaux et des collectivités locales volontaires.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je suis un peu embarrassé. La commission des lois a émis un
avis défavorable sur cet amendement car elle s'est interrogée sur sa
constitutionnalité. Elle aurait préféré qu'il figurât dans le rapport annexé,
ce qui aurait permis d'examiner ce sujet dans le cadre de la révision
constitutionnelle qui a été annoncée.
Toutefois, dans la mesure où M. Haenel vient de modifier son texte, je me
trouve moins contraint par la position de la commission.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur.
Cela ne change rien !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je souhaiterais entendre M. le garde des sceaux. Je m'en
remettrai éventuellement, après ses explications, à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le sujet est très important et très intéressant, mais
cet amendement pose peut-être quelques difficultés ; je m'en explique.
Si l'on se situe dans le domaine réglementaire, le garde des sceaux n'a pas
besoin d'une habilitation législative pour faire une expérimentation en matière
d'organisation de l'administration de la justice. Si l'on se situe dans le
domaine législatif, en revanche, il faut tenir compte de la jurisprudence du
Conseil constitutionnel, qui nous astreint à respecter des règles très
précises. Si tel est le cas, cet amendement ne me paraît pas assez précis et il
risquerait d'enfeindre cette jurisprudence.
Monsieur le rapporteur pour avis, je crois, comme vous - je l'ai d'ailleurs
dit ce matin à M. le président de la commission - qu'il nous faudra
effectivement mener un certain nombre d'expériences en termes d'organisation
des juridictions.
Nous tenterons de faire ce qui est possible dans le cadre réglementaire ; pour
le reste, il nous faut réfléchir et nous présenterons peut-être des
dispositions dans le cadre de la réforme constitutionnelle en préparation.
Cette réforme porte sur la décentralisation, donc sur la vie des collectivités
locales, mais elle pourrait être l'occasion d'ouvrir des possibilités
d'expérimentation en termes d'organisation de l'Etat.
La décision n'est pas encore prise, mais cela pourrait constituer une
ouverture qui nous permettrait d'aller plus loin que ce qui est aujourd'hui
possible réglementairement.
M. le président.
L'amendement n° 90 rectifié est-il maintenu, monsieur le rapporteur pour avis
?
M. Hubert Haenel,
rapporteur pour avis.
Je suis satisfait par la réponse de M. le garde des
sceaux.
D'abord, je suis content de l'avoir entendu dire que nous pourrons examiner la
question des expérimentations dans le domaine judiciaire lors de la réforme
constitutionnelle.
Ensuite, monsieur le garde des sceaux, je crois avoir compris que, dans le
cadre réglementaire, vous tenterez d'initier des expérimentations. Nous
pourrions dès lors peut-être faire le point sur cette question au moment de
l'examen du budget.
Il serait intéressant de solliciter les barreaux et les collectivités locales.
Nous pourrions leur proposer d'imaginer avec eux de mieux positionner les
services publics de la justice sur les territoires ?
Compte tenu de ces deux engagements de M. le garde des sceaux, je retire
l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° 90 rectifié est retiré.
TITRE II
DISPOSITIONS INSTITUANT UNE JUSTICE
DE PROXIMITÉ