SEANCE DU 26 JUILLET 2002


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Yves Detraigne, pour explication de vote.
M. Yves Detraigne. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice dont nous achevons l'examen répond à une forte attente de nos concitoyens. Il renforce, en particulier, les moyens de la justice pour la rendre plus efficace, et plus lisible, comme il adapte notre droit pénal pour mieux le faire correspondre aux réalités de notre époque, singulièrement à une délinquance qui a évolué, notamment celle des mineurs.
Il s'agit là d'un objectif majeur, que personne ne peut, aujourd'hui, sérieusement récuser. Si certaines réserves avaient pu être émises sur le projet, les travaux de notre commission des lois ont permis de les dissiper en consolidant les procédures et en garantissant aux justiciables l'exercice démocratique de leurs droits fondamentaux.
Le groupe de l'Union centriste votera donc ce texte équilibré issu de nos débats, mais sera bien entendu attentif aux résultats obtenus au regard des moyens engagés.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici donc au bout de notre débat marathon de deux jours seulement, et en pleine période estivale, pour un texte de loi qui se veut un engagement fondamental du Gouvernement.
Ce texte a suscité de nombreuses critiques de la part des professionnels et acteurs de la justice, ainsi qu'au sein de la minorité sénatoriale. Il s'agissait non pas de polémique - les comptes rendus des débats en feront foi - mais de souligner les incohérences du texte, la précipitation qui a marqué son élaboration et les dangers qu'il présente tant pour les libertés publiques que pour les mineurs eux-mêmes, que vous dites vouloir protéger.
Vous avez balayé d'un revers de la main les arguments touchant à la constitutionnalité du projet, sans même considérer que l'on pourrait réfléchir plus à fond aux causes de la délinquance, celle des mineurs, notamment, et aux remèdes à y apporter.
La majorité sénatoriale, sûre d'elle-même et refusant le débat, y compris en son sein, a ignoré, en tout cas en grande partie, les réflexions antérieures qu'elle avait elle-même engagées, notamment sur les prisons et les jeunes. Elle a ignoré également les dispositions qu'elle avait elle-même votées, comme la loi du 15 juin 2000.
Je sais que la commission des lois ne déposera pas d'amendement sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, afin d'en permettre une adoption encore plus rapide. Permettez-moi, avec de nombreux professionnels et des représentants d'associations et de syndicats, d'être profondément inquiète, tant pour le contenu du texte que pour la qualité du débat démocratique nécessaire à notre société. Ce n'est pas un hasard de calendrier : les deux projets de loi, qualifiés par certains de « jumeaux », sont sous-tendus par la même logique de promotion d'une justice rapide, de la répression et de l'enfermement, au détriment de toute autre formule. Voilà comment on fait une justice expéditive, ou plutôt une justice à deux vitesses !
Le Gouvernement adopte une démarche de plus en plus répressive à l'égard de la jeunesse et des couches populaires en général, contraire aux valeurs d'éducation et de protection, qu'il serait pourtant urgent de défendre. Des parents sont aujourd'hui désemparés. Faut-il pour autant les punir de ne plus savoir comment reprendre pied ? Et pourquoi ne pas décider de les mettre en prison avec leurs enfants ? (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Et ce n'est pas polémique ?
Mme Nicole Borvo. Dans les exemples de la logique répressive, votre collègue, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, envisage d'aggraver les sanctions contre les parents qui ne respectent pas l'obligation scolaire. Est-ce de cette façon que l'on va cerner les raisons du phénomène et pouvoir y répondre ? Je trouve d'ailleurs terrible que de telles dispositions soient présentes dans un projet de loi sur la sécurité : l'absentéisme scolaire égale délinquance, mais en aucun cas danger pour l'enfant, peut-être ?
Où sont passés les personnels, déjà bien insuffisants certes, mais ô combien utiles qui, aux côtés des enseignants, aidaient à repérer précocement les difficultés des enfants pour tenter de les résoudre avant qu'elles ne prennent trop d'ampleur ?
Quel est celui des deux parents, qui, le plus souvent, accompagne le jeune - majoritairement un garçon - dans les cabinets des juges des enfants ? La mère.
M. Roger Karoutchi. Pourquoi un garçon ?
Mme Nicole Borvo. Souvent, cette mère ne sait plus quoi faire et demande qu'on prenne en charge son fils, tandis que d'autres le défendent pour lui éviter le pire. Dans les deux cas, c'est évidemment inapproprié.
Des hommes adultes référents manquent cruellement dans cette société.
J'avais suggéré, comme une boutade, bien sûr, qu'il y ait moins d'hommes en politique pour accélérer la parité, et plus d'hommes à s'occuper des jeunes ! (M. Cornu s'exclame.) Mais ce ne sont pas les mêmes ! (Protestations amusées sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean Bizet. Curieux !
Mme Nicole Borvo. Je n'ai pas consulté mon groupe, mais je le dis comme je le pense !
M. Jean Bizet. Vous serez sanctionnée !
Mme Nicole Borvo. C'est un très beau sujet, les hommes adultes référents auprès des adolescents, délinquants ou prédélinquants. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Je vois que cela vous plaît !
Evidemment, dès que nous envisageons la possibilité d'autres réponses, nous sommes laxistes ou « idéologues ».
M. Gérard Cornu. Idéologues, c'est sûr !
Mme Nicole Borvo. C'est trop facile !
Nous ne supportons pas plus que d'autres l'insécurité, d'autant qu'elle est souvent subie par des familles qui ont déjà suffisamment de difficultés à vivre.
C'est parce que nous ne supportons pas l'insécurité, qui s'oppose à la liberté, que nous voulons la combattre réellement, avec des moyens d'ampleur, surtout d'ordre préventif.
Quand les historiens du droit se pencheront sur ce projet de loi, que diront-ils ? Ils s'interrogeront : « Mais quelle est cette société qui voyait dans ses enfants ses ennemis ? » (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Cointat. Mais non !
Mme Nicole Borvo. François de Menthon, alors garde des sceaux, commençait ainsi l'exposé des motifs de l'ordonnance du 2 février 1945 : « La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. » Tout ce qui peut en faire des êtres sains, chers collègues : on est loin, bien loin du « tout », ici.
Ainsi que nous l'avons dit et répété tout au long de ce débat, le texte qui va être adopté n'aura aucune autre efficacité, aucun autre effet que de remplir encore plus des prisons déjà saturées. La répression sans traitement est sans fin.
Nous avons essayé de différer la discussion des dispositions relatives à la justice de proximité dans la mesure où la question des magistrats chargés de la rendre ne sera finalement réglée qu'à l'automne. Le débat qui s'est tenu ici a d'ailleurs montré combien ce volet-là du texte posait des problèmes. Là encore, vous n'en avez eu cure. Vous ne vous souciez que de l'effet d'annonce.
Je ne reviendrai pas sur la présomption d'innocence. Votre projet fait marche arrière sur des questions qui, selon nous, suscitaient un consensus chez les humanistes dont le Premier ministre aime à répéter qu'il fait partie.
Mais il n'y a pas consensus et nous serons sans doute à même, hélas, de vérifier si nous ne sommes pas en complète contradiction avec le droit européen. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Monsieur le garde des sceaux, comme celui qui le suit, sur la sécurité, ce texte marque une conception de la société, un projet pour l'avenir extrêmement inquiétants. Les sénatrices et les sénateurs communistes l'ont combattu, comme ils combattront le suivant, comme ils combattront aussi toute mise en oeuvre de votre projet libéral. Je ne vous demanderai pas de réfléchir à nos propositions ; vous les avez refusées tout au long de ce pseudo-débat. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Mais, franchement, je vous le dis : c'est grave ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées socialistes.)
M. Gérard Cornu. Un « pseudo-débat » ?
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat, mes ches collègues, je ne partage pas l'avis de Mme Borvo, vous vous en doutez. Pour autant, j'espére qu'elle ne m'en voudra pas.
A l'issue de ce débat très riche, même si parfois bien technique pour le non-spécialiste que je suis, je voudrais dire que le groupe des Républicains et Indépendants votera votre projet de loi, monsieur le ministre.
Nous le voterons parce qu'il nous apparaît comme un texte équilibré qui tient compte de la réalité du quotidien : cette insécurité grandissante qui est une préoccupation majeure de nos compatriotes.
Bien sûr, en tant que législateur, nous nous devons d'éclairer le chemin, de réfléchir aux évolutions de notre époque, mais aussi de nous préoccuper du quotidien des Françaises et des Français.
Nous le voterons parce qu'à côté des mesures annoncées par M. le ministre de l'intérieur votre texte, monsieur le garde des sceaux, donne aux actions de la justice, de la police et de la protection judiciaire de la jeunesse, les moyens financiers et humains d'assumer la mission qui est la leur, ce que souhaitent nos concitoyens tout comme le Président de la République.
Ce texte reprend nombre des propositions formulées dans le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, dont le rapporteur était notre collègue Jean-Claude Carle. Sans remettre en cause l'esprit de l'ordonnance du 2 février 1945, il adapte le cadre législatif au profil de la délinquance juvénile d'aujourd'hui, plus massive, plus violente et mettant en cause des mineurs de plus en plus jeunes.
Sur cette délinquance des mineurs, qui est pour nous tous un vrai sujet d'inquiétude, le texte porte un autre regard qui intègre éducation, dissuasion, sanction, réinsertion, et rompt avec la vision qui veut encore aujourd'hui opposer l'éducation à la sanction.
Telles sont quelques-unes des raisons qui font que notre groupe votera votre projet de loi, monsieur le garde des sceaux, amendé par la commission des lois, sous l'autorité de notre collègue René Garrec ; je salue le travail accompli, en particulier celui de notre très compétent rapporteur Jean-Pierre Schosteck, et le vôtre aussi, monsieur le garde des sceaux, qui, au-delà d'un texte très technique, n'avez pas oublié ce qui en fait la raison : les moyens donnés à la justice de notre pays pour accomplir sa mission. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat, à l'issue de ce débat, il convient de dire quelques mots de clôture au nom du groupe du RPR au sein de l'Union pour la majorité présidentielle. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'esclaffe.)
M. Robert Bret. Je croyais qu'elle n'existait plus !
M. Patrice Gélard. Eh oui, les choses évoluent, et c'estimportant !
Monsieur le garde des sceaux, je tiens tout d'abord à souligner que le texte que vous nous avez présenté s'inscrit dans le droit-fil des engagements du chef de l'Etat et de ceux du Premier ministre. Vous les respectez pleinement : vous vous êtes engagé à faire de la sécurité la priorité du Gouvernement, c'est ce qui est fait aujourd'hui avec le projet de loi que nous sommes sur le point d'adopter.
Ce texte comprend d'abord un volet financier considérable, grâce auquel il met en place les moyens qui permettront enfin à la justice de mener sa tâche, et à l'Etat d'exercer sa mission régalienne.
D'aucuns, ici ou là, lui ont reproché soit de pas contenir assez de dispositions - et des amendements ont eu pour objet d'en ajouter - soit d'en contenir trop.
Non, ce projet de loi ne s'insère pas dans un contexte de travail législatif normal : nous sommes réunis en session extraordinaire, et il nous faut satisfaire d'urgence les aspirations de nos concitoyens. Cette loi devait être ce qu'elle est, sans que nous y ajoutions d'éléments supplémentaires et sans que nous grevions l'avenir. Car, par ce texte même, monsieur le ministre, vous vous engagez à venir rendre compte chaque année devant le Parlement : nous aurons donc d'autres débats sur la justice qui nous permettront de compléter la loi tout au long des cinq ans à venir.
Nous avons fait aujourd'hui le bon choix. Nous avons bien débattu de cette loi, nous l'avons améliorée, comme le Sénat sait le faire, grâce au travail de la commission des lois et de son rapporteur, M. Schosteck. Nous nous félicitons du travail accompli avec votre coopération, monsieur le garde des sceaux, et nous vous souhaitons, avec les moyens nouveaux que nous vous donnons, bonne chance dans le travail qui est le vôtre. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour remercier les rapporteurs de la commission des lois, qui nous ont permis d'accomplir notre travail dans d'excellentes conditions et d'amender pour le rendre plus intéressant un texte qui, à l'origine, me paraissait perfectible.
Monsieur le ministre, nos débats l'ont souligné, nos compatriotes ne sont plus en phase avec l'institution judiciaire. La réforme que vous nous proposez replacera sans doute les Français au coeur de la justice.
La situation est préoccupante. Le temps est venu de moderniser, conformément aux engagements pris, un appareil obsolète, dépourvu de moyens, sous-dimensionné, politisé, et parfois découragé.
Oui, vous aurez des moyens, grâce à cette loi, qui permettront aux juges de juger, à l'administration d'être plus performante et mieux équipée et de disposer de locaux rénovés et vastes. A chacun une tâche et des moyens pour l'exécuter : tel est le premier axe de la réforme.
Vous aurez également des outils adaptés : des prisons modernes, sûres, aux capacités accrues, humanisées, sécurisées, distinctes une fois pour toutes des hôpitaux psychiatriques, avec lesquels on les confond encore, des centres de rétention administrative, encore trop peu nombreux ; ce seront autant de places libérées.
Vous serez aidé en cela par le développement, encore entravé, de l'utilisation du bracelet électronique que mon groupe a imaginé et soutenu, et vous me permettrez de regretter que les amendements déposés à ce sujet n'aient pas été retenus par notre assemblée.
Les juges, pour leur part, seront occupés à instruire, à juger, enfin en phase avec des forces de police souvent découragées, avec une population exaspérée.
Monsieur le ministre, vous nous garantissez des moyens adaptés à la renaissance d'une justice où l'on pourrait retrouver un souffle, le « souffle d'équité et de bon sens » qu'évoquait notre collègue M. Cointat.
Nous avons aussi pensé aux victimes. La violence est devenue insupportable. Il y aura toujours plus de criminels responsables de leurs actes et de leurs conséquences que de bavures, vraies ou fausses, toujours trop de délinquants impunis, d'incivilités encouragées. Nous attendons de vous, monsieur le ministre, l'irréversible inversion de cette monstrueuse tendance : nous devons oser dire qui sont les responsables, qui casse, qui roue de coups les policiers, qui pille. Il existe une sociologie de la criminalité, de la délinquance que nous ne pouvons ignorer si nous voulons que celles-ci soient efficacement combattues et traitées. Ni l'aveuglement ni l'hypocrisie politiquement corrects ne conduiront à la paix dans les quartiers, ne restaureront une démocratie ébranlée.
Les mères, les familles, l'école, l'Etat, la loi servie par des hommes disposant de moyens, sont les seuls remparts qui nous protégeront de la déstabilisation, du terrorisme, de tout ce qui sape aujourd'hui sans vergogne les fondements de notre République.
Si c'est là le but vers lequel tend votre projet de loi, monsieur le ministre, mes collègues et moi-même le servirons avec enthousiasme. C'est la raison pour laquelle, dans sa très large majorité, le groupe du RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mes chers collègues, M. Gélard, avant de nous quitter précipitamment,...
M. Roger Karoutchi. Il va revenir !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, veuillez poursuivre, je vous prie !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Excusez-moi, monsieur le président, je suis obligé de le souligner, puisque, malheureusement, il n'entendra pas ce que je voulais lui répondre !
M. Gélard nous a dit, curieusement, qu'il parlait au nom du groupe du RPR au sein de l'UMP. (M. Gélard regagne sa place sous les acclamations amusées de ses collègues du RPR.)
M. Patrice Gélard. Je vous entendais, mon cher collègue !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Merci !
D'abord, j'ai l'impression que le RPR n'existe plus ! (Protestations sur les travées du RPR.) Ensuite, nombre de nos collègues qui ont expliqué leur vote auraient pu dire très exactement la même chose,...
Un sénateur du RPR. Ce n'est pas la question !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... tant il est vrai que s'il n'y avait qu'un seul groupe, celui de l'UMP, nous gagnerions du temps, et je vous remercie d'y réfléchir. (Rires.)
Je voudrais également rendre hommage à l'un des vôtres, notre collègue Emmanuel Hamel, qui est le véritable parlementaire au sein de vos groupes et « intergroupes », car il n'hésite pas, lui, lorsqu'il estime que l'opposition a raison, à voter ses amendements. Je ne dis pas cela pour le compromettre, il est au-dessus de cela. (Rires.)
M. Emmanuel Hamel. Je suis déjà compromis ! (Nouveaux rires.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je regrette qu'il n'y ait personne au sein de votre majorité pour l'imiter.
Vous avez décidé de légiférer à crédit, mes chers collègues. Vous disiez tout à l'heure, monsieur Gélard, que vous avez mis en place des crédits importants. Vous n'avez rien mis en place du tout ! Vous avez voté une loi d'orientation et de programmation dont vous savez parfaitement qu'elle ne sert à rien en tant que telle, sauf par les articles normatifs qu'elle contient.
Nous avons travaillé dans des conditions épouvantables qui n'ont échappé à personne. (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Georges Othily. Oui, il fait chaud !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En particulier, elles n'ont pas échappé à notre collègue M. Jean Chérioux, qui remarquait que ce n'est que lorsque nous travaillerons dans des conditions normales que nous pourrons décider s'il faut retenir la proposition de loi que le Sénat avait adoptée à l'unanimité.
Il en va de même, d'ailleurs, de l'indemnisation des victimes. M. le garde des sceaux nous a répondu qu'il n'avait pas eu le temps d'étudier le sujet. Nous avons bien été obligés, nous, de trouver le temps d'étudier vos amendements ! Nous n'en n'avons pas proposé beaucoup, et nous regrettons que vous n'ayez pas eu le temps de les examiner.
D'aucuns se sont étonnés que nous ayons déposé des amendements dans certaine matière. Je croyais, monsieur Gélard, que le travail législatif normal consistait à essayer d'améliorer un texte même lorsque l'on sait que l'on aura du mal à y parvenir ! D'ailleurs, nous avons regretté que M. Gautier soit intervenu si tardivement sur nos amendements, puisque, dès qu'il en a présenté un, vous l'avez adopté, mes chers collègues ! (Rires.)
M. Robert-Denis Del Picchia. Ah ! C'est Emmanuel Hamel !
Un sénateur socialiste. Non, c'est le talent !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En ce qui concerne les juges de proximité, nos débats auront tout de même été utiles. Ils auront servi, en particulier, à donner des arguments au Conseil constitutionnel que, bien entendu, nous ne manquerons pas de saisir.
Ces fameux juges de proximité - et vous auriez pu être attentifs à ce point - ne connaîtront même pas l'absence de succès, comme les juges à titre temporaire qui, je crois, sont cinq ou six en activité, car ils ne verront vraisemblablement jamais le jour, même si je dois avouer qu'il ne sera pas facile de juger, si j'ose dire, des juges de proximité avant que vous ayez présenté ce que serait leur statut.
Pour ce qui est des mineurs, nous avons dit tout ce qu'il y avait à dire sur l'ensemble de vos textes. Vous voulez punir, mais seulement à moitié, monsieur le garde des sceaux, puisque votre projet de loi, affirmez-vous, n'est pas seulement répressif.
En vérité, il est quasiment uniquement répressif, mais pas tout à fait. Il comporte par exemple des mesures relatives à l'administration pénitentiaire qui ne sont pas absolument répressives. Mais, par ailleurs - nous l'avons suffisamment dénoncé -, vous voulez mettre le plus possible les gens en prison, et une fois qu'ils y sont, vous les empêchez de demander leur mise en liberté dans des délais corrects ! Vous allongez tous les délais ! Or, vous le faites, et c'est ce qui est particulièrement grave, dans l'état actuel des prisons !
M. Lucien Lanier. Il n'est pas nouveau !
M. Gérard Cornu. Qu'avez-vous fait ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Dans le domaine pénitentiaire, cependant, vous avez retenu, il faut être juste, un amendement de notre ami Paul Loridant ; mais, pour le reste, vous n'avez pas suffisamment apprécié le travail qu'il vous a donné. (Protestations sur plusieurs travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je ne vais pas reprendre tous les chapitres, mais, s'agissant des amendements qui étaient concrets, par exemple ceux qui concernaient l'aide aux victimes, il n'était pas question de les accepter ! Vous voulez bien faire des promesses, voter des orientations, des programmations, mais vous ne voulez pas programmer une simple aide matérielle destinée à désintéresser les victimes. Nous ne pouvons que le regretter.
Dans ces conditions, il est inutile de préciser, mais vous l'aurez compris, qu'il n'est pas question pour nous de voter cette loi, qui est une honte. (Prostestations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
C'est une honte et par la manière dont vous l'avez traitée, pour qu'elle soit débattue dans le délai qui nous a été imparti, et par son contenu, qui n'est que de la propagande post-électorale. (Nouvelles prostestations sur les mêmes travées.)
M. Robert Del Picchia. Nous n'en avons plus besoin !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade. M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon excellent collègue Georges Othily a indiqué la position de notre groupe, et je ne peux que m'associer aux remerciements qu'il a adressés à la commission, à son président et à ses rapporteurs, ainsi qu'à l'ensemble des propos qu'il a tenus sur nos travaux.
Néanmoins, à écouter les radios, à lire les journaux, à regarder les « étranges lucarnes », j'ai eu l'impression que, pour les observateurs, notre débat se résumait à une passe d'armes entre l'actuel garde des sceaux et son prédécesseur, M. Badinter.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Jaloux ! (Rires.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Eux seuls ont donné l'impression, dans les efforts de communication, de s'exprimer sur ce projet de loi.
Mme Nicole Borvo. Ah ! ça !
M. Jean-Pierre Fourcade. C'est comme si ne s'était pas produit, voilà deux mois, un phénomène politique extrêmement grave, lorsque nous avons vu une majorité d'électeurs ne pas accorder leur confiance à l'ensemble des forces politiques que nous représentons ici. Nous avons assisté à une montée de l'extrême droite et de l'extrême gauche qui traduit l'exaspération profonde d'un certain nombre de nos concitoyens.
M. Bruno Sido. C'est bien vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade. Dans ces conditions, fallait-il ne rien faire, monsieur Dreyfus-Schmidt ? Fallait-il continuer à discourir de l'insécurité comme d'un problème sérieux auquel il faudra, un jour, s'attaquer... ? Fallait-il légiférer à crédit, comme le gouvernement que vous souteniez l'a fait lorsqu'il a créé l'allocation personnalisée d'autonomie en mettant à la charge des collectivités locales,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non ! pas seulement !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... parce que c'est plus commode, une dépense impossible à financer et qui va se traduire par une augmentation du poids de la fiscalité sur nos concitoyens ? (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées socialistes.) Fallait-il attendre la prochaine session ordinaire pour intervenir ?
Le Gouvernement a eu raison de nous proposer ce projet de loi. La commission des lois a parfaitement pu l'examiner, un certain nombre d'amendements ont été déposés, et le débat a été relativement riche.
Pour ma part, j'en tire la conclusion que nous avons, au Sénat, à faire un énorme effort de communication, et ce non pas simplement avec des communicants ou des journalistes, mais avec nos formations politiques, afin d'expliquer à nos concitoyens que nous essayons, peut-être avec quelques insuffisances et quelques difficultés, de rétablir le respect pour les institutions de la République, ainsi que la sécurité dans nos villes et dans nos quartiers.
Tels sont nos objectifs. Dès lors, dire que ce texte est une honte me paraît relever de la polémique. Je crois, mes chers collègues, que nous aurons raison d'approuver le projet de loi que nous ont présenté M. le garde des sceaux et M. le secrétaire d'Etat. Dans quelque temps, nous constaterons un certain nombre de résultats, j'en suis persuadé. Il faut absolument que nous les obtenions, car ils mettront fin à bien des années de laxisme, de corporatisme et d'idéologie.
En votant ce texte et en adoptant celui que nous présentera la semaine prochaine M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, nous aurons bien travaillé, au coeur de l'été, pour essayer de rassurer nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur celles des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, il n'est pas d'usage de lever les deux mains ! (Rires.) Ce n'est d'ailleurs pas conforme au règlement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vote contre des deux mains, monsieur le président ! (Nouveaux rires.)
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je voudrais tout d'abord remercier le Sénat d'avoir adopté ce texte. J'adresserai des remerciements particuliers à M. le président de la commission des lois et à MM. Schosteck, Fauchon et Haenel, ainsi qu'aux membres de la majorité sénatoriale pour avoir apporté leur soutien au Gouvernement.
L'adoption de ce texte constitue un acte politique très fort. En effet, nous nous étions engagés, derrière le Président de la République, sur un certain nombre d'axes d'action pour ces premiers mois de la législature, en particulier sur l'élaboration de deux projets d'orientation et de programmation, l'un pour la sécurité intérieure, que le Sénat examinera la semaine prochaine, l'autre pour la justice, que le Sénat a donc adopté ce soir.
Comme l'a dit M. Fourcade voilà un instant, nous répondons ainsi en partie, je le crois, à l'angoisse qu'éprouvent nos concitoyens. N'oublions jamais le message du 21 avril dernier ! C'est pour moi une obsession de chaque jour.
Nous devons retisser un lien, établir un contrat entre les Français et les responsables politiques de ce pays. Cela passe par des résultats concrets et réels, notamment dans les domaines de la sécurité et de la justice. Je n'oublie pas, en effet, que la justice, c'est non seulement l'efficacité de la lutte contre l'insécurité, mais aussi l'équité, la capacité de trancher les litiges : c'est l'ensemble de la fonction de justice, comprenant, en particulier, la fonction éducative, la fonction de jugement et la fonction d'exécution des peines. C'est tout cela qui redonnera confiance aux Françaises et aux Français.
Je déplore le vocabulaire que vous avez utilisé, monsieur Dreyfus-Schmidt. Je regrette, d'ailleurs, que vous ayez renié la parole du parti socialiste d'avant les élections, puisque, aujourd'hui et hier, vous et vos collègues avez tenus des propos allant à l'encontre des engagements que vos dirigeants avaient pris lors de la campagne de l'élection présidentielle et de celle des élections législatives.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas vrai !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. De cela aussi, les Françaises et les Français se souviendront. Nous, nous tenons nos engagements ; vous, vous vous êtes reniés ! (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées socialistes.)

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