SEANCE DU 31 JUILLET 2002


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Monique Papon, pour explication de vote.
Mme Monique Papon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous parvenons au terme d'un débat que je qualifierai de très constructif et qui a souvent été passionné, tant il est vrai qu'il concerne nos concitoyens, qu'il nous concerne tous dans notre vie quotidienne.
Ce projet de loi représente une avancée sans précédent : avancée par l'ampleur des moyens financiers et matériels, avancée par ses orientations claires et précises, avancée par une nouvelle utilisation des forces de sécurité. Cette démarche correspond à un engagement électoral fort et doit permettre de mettre fin à une situation très dégradée.
Le projet de loi, par ailleurs, renforce l'acteur public dans son rôle de responsable de la sécurité en lui associant les élus locaux, comme le Sénat le demande depuis longtemps.
Ce texte, nous semble-t-il, répond donc pleinement et concrètement à l'explosion de la délinquance et à une situation d'insécurité qui est devenue intolérable pour nos concitoyens.
Monsieur le ministre, l'attente est forte, les espoirs sont nombreux, et l'échec n'est pas permis. Votre action sera difficile et comportera des risques. Sachez que notre soutien vous est acquis.
Le groupe de l'Union centriste votera ce texte avec détermination, avec gravité, car il est conscient que la lutte contre l'insécurité est une priorité nationale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, je ne surprendrai personne dans cette enceinte en disant que mon groupe se divisera légèrement au moment du vote sur l'ensemble. (Exclamations amusées sur plusieurs travées.) Oui ! Cela nous arrive !
Au cours de ce débat, certains d'entre nous ont dès le début marqué leur méfiance en votant la question préalable ; d'autres se sont abstenus qui, au moment du vote sur l'ensemble du projet de loi, seront en désaccord avec le Gouvernement. La majorité de notre groupe, cependant, soutiendra les efforts de M. le ministre de l'intérieur et du Gouvernement, parce que nous sentons bien que la phase que nous traversons est difficile, et si les réticences de certains membres de notre groupe revêtent, assurément, un caractère moral, l'engagement de la majorité d'entre nous s'inscrit dans une volonté d'efficacité : nous souhaitons la réussite de la politique qui est actuellement engagée.
Certes, l'angélisme est une noble vertu, mais les contraintes qu'imposent le maniement des hommes, la justice des hommes, l'organisation de la société, trouvent leur origine non pas dans l'analyse faite par tel ou tel responsable, mais bien dans la dérive, hélas ! de certains de ceux qui vivent sur notre sol.
Nous le déplorons. Nous pensons en effet que choisir la voie de la rémission, la voie de la rééducation, la voie de la réinsertion est la solution la plus utile et la plus ambitieuse sur le plan moral. Mais il est des moments où la voie de la remise en ordre et de la répression s'impose à tous, quand il y va de l'ordre civique, de la protection des petits et des faibles, de la paix de ceux qui n'ont pas grands moyens de se faire entendre et qui n'ont actuellement que leurs yeux pour pleurer le soir, parce que l'on a brûlé leur voiture ou molesté leurs enfants.
Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, et la plupart des membres du groupe du RDSE voteront le projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Depuis le début de la discussion de ce projet de loi, j'ai eu l'occasion à maintes reprises d'exprimer la position du groupe socialiste sur ce texte, que nous ne voterons pas, pour des raisons qui sont à la fois de fond et de forme.
S'agissant du fond, tout d'abord, il est vrai, madame Papon, que nous partageons le même objectif que vous. La sécurité est en effet une grande cause nationale, et nous espérons honnêtement que vous réussissiez, monsieur le ministre, et que votre politique aboutisse à un très fort recul de la délinquance.
Au demeurant, cela a toujours été l'objectif des différents ministres de l'intérieur socialistes, et, si vous pouvez contester les méthodes qu'ils ont employées, vous ne pouvez remettre ce point en cause. Qui pourrait avoir un objectif différent, d'ailleurs ?
Les moyens que vous proposez pour la mise en oeuvre de votre politique, monsieur le ministre, sont considérables, et nous souhaitons que vous puissiez réellement les dégager. Nous restons cependant très sceptiques, car nombre de nos questions sont restées sans réponse.
Ainsi, que se passera-t-il dans un avenir proche, lors de la préparation du budget pour 2003, sachant que les lettres de cadrage sont certainement d'ores et déjà parvenues à leurs destinataires ? Assurément, des choses se préparent, mais nous ne savons rien.
Qu'en est-il par ailleurs de la formation et de la concordance entre la création de postes et leur pourvoi effectif ? Ce n'est pourtant pas la même chose ! Pour avoir des personnels compétents, il faut les former ; or une telle formation sera extrêmement difficile à mettre en oeuvre.
Nous n'avons pas eu de réponse non plus, ou alors une réponse biaisée - ce qui est peut-être plus gênant - sur les marchés, question à propos de laquelle nous nourrissons une profonde inquiétude.
Enfin, il y a la forme.
Une certaine agressivité s'est manifestée, d'abord dans le ton - j'espère que ce n'était qu'un accident de parcours et que l'on retrouvera plus de sérénité -, ensuite et surtout dans le traitement des amendements.
Il est tout de même difficilement acceptable que, dès la réunion de la commission des lois, il ait été annoncé qu'aucun amendement ne serait accepté parce qu'il avait été décidé de voter le texte conforme. Quand et par qui cette décision a-t-elle était prise ? Je l'ignore, mais elle a été prise.
M. Jean Chérioux. Le vote conforme a été proposé par la commission et c'est le Sénat qui décide !
M. Jean-Claude Peyronnet. Cela clôt quasiment le débat.
Pour ces deux raisons, la forme rejoignant le fond, même si celui-ci importe plus, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini. Vous n'êtes pas très à l'aise !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre, nous avons assisté à un étrange débat, au cours duquel le temps que vous avez utilisé à nous dire que vous aviez raison n'a eu d'égal que le temps utilisé par vos amis pour vous féliciter. (Exclamations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Dominique Braye. Nous sommes des démocrates !
Mme Marie-Christine Blandin. Si la situation et les angoisses des Français n'étaient pas si graves, on pourrait en sourire.
Nous ne savons toujours pas comment vous financez les mesures consacrées aux ressources humaines.
M. Josselin de Rohan. Avec ce que vous avez laissé dans les caisses...
M. Dominique Braye. Vous savez de quoi vous parlez !
Mme Marie-Christine Blandin. Nous ne savons toujours pas la place que la France fera demain aux gens du voyage.
M. Philippe Marini. C'est la question centrale !
Mme Marie-Christine Blandin. Si vous m'interrompez, mon intervention va se prolonger...
M. Patrick Lassourd. Ce n'est pas grave, nous avons le temps !
M. Dominique Braye. C'est un plaisir de vous écouter !
Mme Marie-Christine Blandin. Dès qu'une remarque vous indispose, dès qu'une question vous dérange, vous agressez son auteur ou bien vous vous trompez. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
C'est ainsi que, dans les réponses personnalisées, j'ai été restaurée élue régionale. Non, monsieur le ministre, je ne cumule pas ; c'est un choix.
Ensuite j'ai eu droit à mai 1968 : une écologiste, c'est bien connu... Si vous saviez où j'étais à cette époque !
Plusieurs sénateurs du RPR. Où étiez-vous ? On veut savoir !
M. Dominique Braye. Vous en avez trop dit, avouez !
Mme Marie-Christine Blandin. C'est ainsi que vous évoquez les réfugiés de Sangatte - que nous épaulons depuis des années, grâce au travail exemplaire de la Croix-Rouge, de la Belle-Etoile, d'Hélène Flautre, députée européenne, en liaison avec le préfet - en ne parlant que de retour en Afghanistan. Vous semblez ignorer qu'il y a des Pakistanais, des Vietnamiens, des Polonais, des Tamouls, des Kosovars, des Turcs et des Roumains, qui n'ont pas envie d'aller chez les talibans !
M. Dominique Braye. Ça a changé, ils ne sont plus là !
M. Eric Doligé. C'est une caricature !
Mme Marie-Christine Blandin. C'est ainsi que vous me parlez des quartiers « à l'opposé des mondanités et des hauts murs des propriétés ». Ma commune, mon quartier, le collège de mes enfants ne sont ni les vôtres ni ceux que vous évoquiez. Une jeune étudiante assistante sociale y fut violée, tuée et jetée dans le canal. Un collégien de douze ans y poignarda mortellement son voisin, qui avait le même âge.
M. Dominique Braye. Si vous trouvez ça bien...
Mme Marie-Christine Blandin. Il n'y a eu aucune complaisance avec les assassins. Cela n'empêche pas le maire, le chef d'établissement, les associations de faire un travail quotidien d'éducation à la citoyenneté, de soutien à la culture, de lien social et de prévention, car eux savent que, malgré les sanctions - qui furent implacables -, seul l'apprentissage du vivre ensemble peut enrayer le cycle de la violence.
M. Jean Chérioux. Avec quel résultat ?
Mme Marie-Christine Blandin. Ils n'en appellent pas au flash-ball, ils attendent la justice sociale.
M. Dominique Braye. Angélique toujours !
Mme Marie-Christine Blandin. Ecologiste, donc soixante-huitarde ! Défendant sa région, donc élue régionale ! Sénatrice, donc des beaux quartiers ! A Sangatte, donc Afghan ! Attention, monsieur le ministre, à ce que votre police ne soit pas aussi expéditive que vous dans ses préjugés !
M. Hilaire Flandre. C'est la police de la France !
Mme Marie-Christine Blandin. Je terminerai en vous exprimant ma consternation devant le déroulement de ce débat. Dès la fin de la réunion de la commission des lois, le signal était donné : aucun amendement ne serait accepté.
Nous sommes loin du discours de politique générale. « Je souhaite que nous progressions dans la pratique des relations républicaines avec l'opposition », déclarait alors le Premier ministre.
A quoi bon ces deux jours de simulacre de démocratie ? (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Patrick Lassourd. C'est une caricature !
Mme Marie-Christine Blandin. Comment tenez-vous compte des gens que nous représentons et du savoir acquis par les associations qui ont la pratique du terrain, en particulier celles qui défendent les droits de l'homme ?
M. Dominique Braye. Vous voudriez que ce soit la minorité qui décide ?
Mme Marie-Christine Blandin. Que, pour la cohérence de vos orientations de droite vous repoussiez les amendements que vous jugez idéologiques et qui détourneraient votre projet de loi de son sens, soit ! Mais que vous fassiez du refus de l'amendement une doctrine en niant aux simples inflexions de bon sens le droit d'exister, c'est inquiétant ! Etes-vous à ce point convaincu d'avoir raison à 100 % ? Croyez-vous que personne n'ait d'intelligence dans nos rangs ?
Plusieurs fois, on a évoqué le scrutin du 21 avril. Dans ce scrutin se sont mêlées les voix des xénophobes et des égoïstes craignant pour leur confort, mais aussi des pauvres, furieux qu'on ne leur réponde pas.
M. Jean Chérioux. C'est vous qui ne leur avez pas répondu !
Mme Marie-Christine Blandin. Vous ne répondez qu'aux deux premières catégories.
M. Dominique Braye. Pendant cinq ans, vous n'avez rien fait !
M. Josselin de Rohan. Et Mme Voynet ?
Mme Marie-Christine Blandin. Vous n'ouvrez aucune porte à une société apaisée et vous ne nous dites même pas avec quels moyens vous allez construire ce projet sur la sécurité.
M. Philippe Marini. Avec nos votes !
Mme Marie-Christine Blandin. Pour le fond, pour la forme, pour le ton et même pour les cris de M. Braye, je voterai donc contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de l'examen, sans surprise et en urgence, du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Le Sénat ayant adopté un texte conforme à celui de l'Assemblée nationale, la loi va donc être promulguée et entrer en vigueur très rapidement.
Oui, mais pour quoi faire ?
M. Patrick Lassourd. Pour être efficace !
M. Robert Bret. Les moyens annoncés pour 2003-2007 - moyens dont nous ne contestons pas l'importance - ne seront budgétisés que dans la prochaine loi de finances pour 2003, promulguée elle le 31 décembre 2002, soit dans cinq mois !
Quant aux orientations énoncées en matière de sécurité, elles ne seront connues qu'à l'automne.
Dans ces conditions, était-il indispensable de nous faire examiner dans la précipitation de simples déclarations d'intention ?
La réponse est bien évidemment non.
Etait-il en outre indispensable d'appliquer à ce texte la procédure d'urgence, qui diminue de fait le nombre de navettes parlementaires ?
La réponse est bien évidemment non.
M. Dominique Braye Si, il y avait urgence !
M. Patrick Lassourd. Les Français le demandent !
M. Robert Bret. Etait-il indispensable de préconiser un vote conforme à celui de l'Assemblée nationale pour éviter la réunion d'une commission mixte paritaire ?
C'est une façon de nier, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, le rôle du Parlement et, du même coup, celui de l'opposition. Nous n'acceptons pas ce mépris.
M. Patrick Lassourd. Pendant cinq ans, qu'avez-vous fait ?
M. Dominique Braye. Vous connaissez mieux que nous la procédure d'urgence !
M. Robert Bret. A cet égard, monsieur le ministre, permettez-moi d'indiquer que, si nous sommes résolument opposés à votre projet de loi, ce n'est pas pour le seul plaisir de nous opposer, mais bien parce que notre conception de la sécurité, de l'utilisation des forces de l'ordre et de la lutte contre la délinquance se trouve aux antipodes de la vôtre.
M. Patrick Lassourd. On a vu le résultat !
M. Dominique Braye. Oui, aux antipodes !
M. Robert Bret. Je tiens à préciser ici, que cela vous fasse plaisir ou non, monsieur Braye, que, s'agissant de l'insécurité et de l'analyse de ses causes, les opinions des uns et des autres ne sont pas fonction de leurs résultats électoraux. Nous avons un groupe parlementaire dans chaque chambre et comptons bien, dès lors, faire notre travail de législateur.
A ce propos, nous vous donnons rendez-vous à l'automne pour l'examen du projet de loi qui reprendra, sur le plan législatif, les orientations répressives et liberticides (Protestations sur les travées du RPR) contenues dans l'annexe I du présent texte. Vous pouvez être assuré qu'à cette occasion nous manifesterons notre ferme opposition.
Déclarer la guerre à la délinquance, c'est bien. Cela peut éventuellement rassurer les Français, mais sur le court terme seulement ! Donner de l'espoir aux jeunes, un emploi aux chômeurs, un habitat décent aux sans-logis est plus long, mais c'est certainement plus efficace.
Vous avez choisi la voie de la répression, qui, on le sait, ne donne pas de résultat. Il n'y a pour s'en convaincre qu'à regarder du côté des Etats-Unis. (Sourires sur les travées du RPR.)
M. Dominique Braye. Vous préférez l'Est ?
M. Josselin de Rohan. L'Union soviétique ?
M. Robert Bret. Mais nous vous mettons en garde : si votre politique échoue - et, malheureusement, il y a tout lieu de s'y attendre au vu des expériences outre-Atlantique - les Français ne vous le pardonneront pas et se réfugieront un peu plus encore dans l'abstention et, pis, dans le vote extrémiste.
Nous espérons nous tromper, je le dis très sincèrement, mais n'oubliez pas que les Français vous regardent et qu'ils savent pertinemmment que la répression ne résoudra pas leurs problèmes quotidiens, tels que le chômage, la précarité, la baisse du pouvoir d'achat, les retraites, l'habitat, la santé, l'éducation et j'en passe.
Pour toutes ces raisons, sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront résolument contre votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye. Ça nous rassure !
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui s'achève a été beaucoup plus passionnant et intéressant que certains voudraient le croire.
D'abord, et je m'en félicite, nous avons rendu hommage à plusieurs reprises à la gendarmerie et à la police. Je crois qu'il était temps, après le malaise et les crises qui se sont succédé, de rappeler dans cet hémicycle qu'il n'y a pas d'Etat sans police ni sans justice. La police et la gendarmerie font partie des missions régaliennes de l'Etat ; sans elles, il ne peut y avoir de société.
Ensuite, tous, nous avons apporté notre témoignage d'élus locaux. Le Sénat a ainsi pleinement rempli son rôle de représentant des collectivités locales en abordant les problèmes sans cesse croissants qui se posent aux uns et aux autres, en particulier en tant que maires ou conseillers généraux.
Je voudrais cependant faire une troisième remarque.
J'ai cru parfois que nous étions en pleine représentation du Malade imaginaire. Tous les médecins consultés ont reconnu que, le malade, c'était la sécurité,...
Mme Nicole Borvo. C'est la société !
M. Patrice Gélard. ... mais, au vu des thérapeutiques proposées, on peut se demander si tous ont leur diplôme !
Certains ont dit : « C'est à cause de l'air ambiant, il faut changer l'air. »
Mme Nicole Borvo. Mauvais diagnostic !
M. Patrice Gélard. D'autres ont dit : « Puisque tout remède sera liberticide et répressif, faisons des incantations en espérant que le ciel les entendra. »
Mme Nicole Borvo. Il y a des traitements qui sont mortels, monsieur Gélard !
M. Patrice Gélard. D'autres encore ont dit : « Le malade est tellement malade, mieux vaut le laisser dans l'état où il se trouve et peut-être un miracle surviendra-t-il. »
Aucun de ces médecins n'a apporté le moindre remède. Les incantations, les prières, le recours au latin ou à d'autres langues bizarres n'ont pas permis de soigner la maladie.
Pour la première fois depuis cinq ans, on nous propose autre chose que des incantations.
MM. Philippe Marini et Dominique Braye. Enfin !
M. Jean-Claude Peyronnet. C'est le doyen Diafoirus !
M. Patrice Gélard. Pour la première fois depuis cinq ans, on nous présente un programme d'action. Pour la première fois depuis cinq ans, on ouvre des perspectives quant aux moyens.
M. Dominique Braye. Enfin !
M. Patrice Gélard. Il ne faut pas se tromper sur la nature du texte que nous nous apprêtons à voter : ce n'est pas une loi ordinaire, avec le débat, les amendements, la navette habituels, c'est une loi spéciale qui s'inscrit dans le cadre du programme du chef de l'Etat et de la déclaration de politique générale du chef du Gouvernement et fixe les orientations des semaines, des mois, des années à venir.
Nous aurons ensuite, bien évidemment, d'autres rendez-vous législatifs. Il y aura l'examen du budget...
Mme Nicole Borvo. Eh oui !
M. Patrice Gélard. ... et, au mois de septembre et d'octobre, des projets de loi seront déposés sur les bureaux de nos deux assemblées pour compléter le dispositif que définissent tant la loi d'orientation et de programmation pour la justice que la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Par conséquent, il fallait faire vite. Il convient d'adopter aujourd'hui cette loi qui nous permettra de donner enfin aux Français le signe qu'ils attendaient et qui répondra aux inquiétudes qu'ils ont manifestées à l'occasion des récentes élections présidentielle et législatives. C'est la raison pour laquelle la majorité sénatoriale votera résolument et sans aucune arrière-pensée le projet de loi qui nous est soumis. (Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Claude Estier. C'est la moindre des choses !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Permettez-moi, monsieur le ministre, au terme de ce débat, de rappeler les conditions dans lesquelles la commission des lois du Sénat a examiné votre projet de loi.
La commission des lois a pris acte de la volonté manifestée par les Français, qui nous ont indiqué d'abord que l'insécurité était aujourd'hui, à leurs yeux, le problème majeur, et ensuite qu'ils voulaient un gouvernement qui gouverne et qui apporte des réponses à cette question cruciale.
Lorsque le texte a été étudié par la commission des lois, deux catégories d'amendements ont été déposées.
En premier lieu, les amendements émanant de la majorité sénatoriale étaient des amendements d'appel, visant à poser des questions au Gouvernement et à demander à celui-ci de prendre des engagements. Il était donc parfaitement logique, dès lors, monsieur le ministre, que vous apportiez des réponses précises et que vous preniez des engagements clairs, que mes collègues de la majorité sénatoriale retirent leurs amendements.
En second lieu, les amendements déposés par des membres de l'opposition s'écartaient complètement, comme l'a dit à l'instant M. Bret, de notre philosophie. La commission des lois ne pouvait donc qu'émettre sur eux des avis défavorables, et il revenait au débat de faire apparaître que ces amendements pouvaient être acceptés et convaincre la majorité de nos collègues. Or ces amendements ont été retirés : ce n'est ni ma faute ni la vôtre, monsieur le ministre ! (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Claude Estier. C'est votre façon de raconter l'histoire !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Non, mon cher collègue ! Tout à l'heure, l'opposition sénatoriale a annoncé le retrait d'une vingtaine d'amendements, et le débat n'a donc pas pu avoir lieu.
M. Dominique Braye. Il fallait les défendre à ce moment-là !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cela étant, même s'il avait eu lieu, nous les aurions repoussés, parce que nous ne partageons ni votre philosophie ni vos conceptions quant à la façon de traiter l'insécurité dans notre pays.
J'appelle mes collègues de la majorité sénatoriale à voter ce texte, qui est conforme à celui que l'Assemblée nationale a adopté et qui doit permettre au Gouvernement d'agir dès demain...
M. Claude Estier. Comment agirait-il demain ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. ... et d'apporter la réponse précise qu'attendaient les Françaises et les Français, afin d'éviter que des gens ne se réfugient dans l'extrémisme, ce que nous devons tous condamner. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je souhaite tout d'abord remercier les membres de la Haute Assemblée, quelles que soient leurs convictions, de leur présence nombreuse et de la passion qu'ils ont montrée au cours de ce débat.
J'ai entendu toutes les critiques, notamment celles qui portaient sur la forme. Elles ne m'ont guère troublé : sans doute était-il difficile de critiquer le fond du projet de loi, et il était donc de bonne guerre d'attaquer la forme.
Je n'ignore nullement, pas plus que Patrick Devedjian, que le plus difficile nous attend désormais. Cependant, je mesure la confiance que nous a témoignée la Haute Assemblée, et je puis vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ferons tout ce que nous pourrons pour la mériter et être à la hauteur de la tâche qui nous a été confiée. Je regrette que certains d'entre vous aient voté contre ce texte, car j'aurais préféré que, sur un sujet de cette importance, nous manifestions un consensus, quelques semaines après les élections. Cela n'a pas été possible, mais peu importe. Toutefois, j'ai relevé que tous les membres de cette assemblée, y compris ceux qui contestaient le projet de loi, souhaitaient notre succès. Je ferai tout pour ne pas les décevoir ! (Sourires sur les travées du RPR.)
Un sénateur du RPR. Bravo !
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je mesure le prix de cette confiance. La part que le Sénat a prise dans le débat, dès avant l'été, est considérable, mais n'oubliez pas que, dès la fin de cette saison, le Gouvernement entend vous solliciter pour examiner un autre projet de loi relatif à la sécurité, qui sera d'une portée tout aussi capitale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, M. Devedjian et moi-même vous remercions, et cela n'est pas une simple formule de politesse ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

4