SEANCE DU 22 OCTOBRE 2002
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 39,
adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le ministre, l'endettement de Vivendi Universal est une réalité : le
groupe n'a-t-il pas, de 1998 à 2002, racheté trente-deux entreprises pour 100
milliards d'euros et vu, dans le même temps, sa dette s'élever à 19 milliards
d'euros ?
Fin septembre, nous apprenions dans le quotidien
La Tribune
que Vivendi
Environnement était en quête de repreneur. Jean-René Fourtou laissait entendre
qu'une vente était possible, qu'il avait même présenté le dossier à quelques
sociétés - françaises, il est vrai - comme le groupe de concessions Vinci ou
Areva.
Il est vrai également que Vivendi Universal s'est engagé à conserver sa
participation dans la société de services jusqu'au début de l'année 2004. A mon
avis, ce n'est pas un argument, car la clause peut s'appliquer à un
repreneur.
Je suis persuadée, monsieur le ministre, que vous avez été attentif à ces
différentes déclarations.
Au demeurant, je ne suis pas seule à ressentir une grande inquiétude. Ainsi,
le syndicat des eaux d'Ile-de-France a rappelé il y a un mois, dans un
communiqué, « son extrême vigilance sur toute modification de capital de
Vivendi Environnement, et notamment sur toute prise de participation étrangère
».
La tentation est grande, pour la maison mère de la filiale propriétaire de
40,8 % des titres, de résorber une partie de ses dettes.
Ma question est simple, monsieur le ministre : que pensez-vous des projets de
Vivendi Universal concernant Vivendi Environnement ? Estimez-vous qu'il y a un
risque ? Que comptez-vous faire pour vous y opposer ?
Vous comprendrez que ma question n'est pas anodine, pour trois raisons.
Premièrement, l'Etat a engagé beaucoup d'argent au profit de Vivendi Universal
: crédits d'impôts, exonérations de charges, taxe professionnelle et bien
d'autres avantages ont détourné l'investissement vers la spéculation, au
détriment de la gestion d'un service essentiel pour le bien-être de nos
concitoyens.
Deuxièmement - c'est l'objet principal de ma question -, quelles seraient les
conséquences d'une telle vente sur la vie des Français ? Vivendi, c'est
l'emploi de 381 000 personnes dans le monde, dont 100 000 en France. Que
deviendraient-elles ?
Troisièmement, nous n'oublions pas que huit mille collectivités locales, soit
vingt-six millions de Français, sont concernées par le service public de l'eau,
notamment en termes de gestion financière et de santé publique.
Je rappelle que Vivendi Environnement est le premier groupe mondial pour la
distribution de l'eau et qu'il dessert cent dix millions d'habitants dans plus
de cent pays.
Par ailleurs, vous savez comme moi, monsieur le ministre, que seule la moitié
du prix de l'eau est consacrée à ce produit, l'autre moitié servant au
financement de l'assainissement et du traitement des eaux, voire des déchets :
la seule branche eaux usées et déchets génère plus de 40 % des résultats du
groupe, son chiffre d'affaires se monte à 29 milliards d'euros et son bénéfice
d'exploitation à près de 2 milliards d'euros.
Pour maîtriser ce marché de l'eau et éviter la recherche de profit sur ce qui
constitue une richesse pour la vie de tous, ne pensez-vous pas que la
nationalisation des services de distribution de l'eau serait un moyen efficace
de résister aux spéculations de Vivendi et de répondre aux besoins des Français
?
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos,
ministre délégué au commerce extérieur.
Madame le sénateur, le
Gouvernement est pleinement conscient de la place qu'occupe le groupe Vivendi
Environnement auprès des communes françaises et, à travers elles, auprès de
nombreux citoyens français. Il en va de même pour son principal actionnaire, le
groupe Vivendi Universal, qui occupe, lui, une place centrale dans notre
industrie culturelle. Le Gouvernement suit donc avec une attention toute
particulière les évolutions de ce grand groupe français.
Pour autant, Vivendi Environnement est un groupe privé, dans la gestion ou
l'actionnariat duquel l'Etat n'a pas à intervenir. Au contraire, dans le souci
d'apporter aux communes et à leurs habitants le meilleur service au meilleur
coût, le secteur de l'eau doit connaître une concurrence réelle à travers le
maintien de plusieurs acteurs indépendants et solides. Tel est aujourd'hui le
cas.
Par ailleurs, il peut être rappelé que l'actionnariat de Vivendi Environnement
est composé, à côté de son actionnaire historique, qui détient 40 % du capital,
d'investisseurs institutionnels français de premier plan, qui assurent
l'ancrage français de l'entreprise.
Ainsi, dans le cadre de l'augmentation de capital qui leur a été réservée, la
Caisse des dépôts, Groupama, BNP-Paribas, la Société générale, Dexia, AGF, le
Crédit Lyonnais, la Caisse d'épargne et Natexis ont acquis, cet été, 9,4 % des
parts de Vivendi Environnement, qui viennent s'ajouter aux participations
qu'ils détenaient auparavant ou qu'ils ont acquises dans le cadre de
l'augmentation du capital ouverte au public.
S'agissant de la nationalisation, que vous avez évoquée, des services de
distribution de l'eau, je ne vous surprendrai pas en vous indiquant qu'elle ne
me paraît ni adaptée ni réaliste.
La gestion de l'eau, qui est de compétence communale dans notre pays, est,
dans les faits, majoritairement assurée par des entreprises privées dans le
cadre de délégations de service public. Aujourd'hui, à peine un quart de la
population française dépend d'un réseau de distribution d'eau potable public
géré en régie, mais les collectivités, qui restent propriétaires de leurs
actifs dans le cadre de notre modèle français, ont toute latitude pour choisir
leur mode de gestion : elles ont donc la possibilité de revenir à une gestion
en régie, si elles le souhaitent, à l'expiration des contrats existants.
Les compagnies privées des eaux, parce qu'elles gèrent un grand nombre de
contrats et qu'elles sont présentes à l'étranger, bénéficient d'économies
d'échelle et possèdent une capacité d'innovation et d'expertise importante.
Leur capacité financière leur permet de procéder aux investissements
nécessaires au respect d'exigences accrues en matière de qualité de l'eau
potable, d'assainissement ou de traitement des déchets.
Je ne pense donc pas qu'une nationalisation des compagnies des eaux
conduirait,
in fine
, à une meilleure qualité de service pour les
usagers.
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le ministre, je suis particulièrement inquiète que vous ne me
répondiez pas au sujet du risque que représenterait la vente éventuelle de
Vivendi Environnement par Vivendi Universal. Je suis extrêmement surprise que
vous méconnaissiez l'inquiétude qui est née non seulement chez les élus locaux
mais également au sein de certains syndicats, tels que le syndicat des eaux
d'Ile-de-France.
Nous sommes en présence d'un danger réel, et la nationalisation de la
distribution de l'eau permettrait d'assurer véritablement le service public. Je
m'étonne que, sur un sujet aussi important que la production de l'eau, vous
laissiez des sociétés privées réaliser des profits !
CONSÉQUENCES DES AFFAISSEMENTS MINIERS
EN LORRAINE