SEANCE DU 30 OCTOBRE 2002


M. le président. L'amendement n° 176, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 24 de la Constitution est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le Sénat, saisi par les collectivités territoriales et les citoyens des initiatives d'ordre législatif, les examine.
« Il transmet à l'Assemblée nationale les dispositions éventuellement adoptées.
« Saisi par l'Assemblée nationale ou le Gouvernement d'un projet ou d'une proposition de loi portant sur l'organisation ou les compétences des collectivités territoriales, le Sénat le transmet à ces dernières pour examen. Une loi organique établira les conditions d'examen par le Sénat des amendements adoptés par les collectivités concernées. »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, je pense que notre proposition va vous plaire !
Notre groupe défend depuis longtemps l'idée d'une réforme du Sénat, et nous avons d'ailleurs eu l'occasion de le dire lors des travaux du groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale, présidé par M. Hoeffel.
Nous avons apprécié positivement, à l'époque, le constat qui était fait d'une nécessaire évolution de notre assemblée et regretté que les propositions, même si certaines nous paraissaient significatives, ne modifient pas davantage l'institution.
Aujourd'hui, plutôt que de vouloir grappiller quelques compétences supplémentaires, la révision de la Constitution aurait pu être l'occasion d'engager un débat de fond sur une conception nouvelle du Sénat dont le rôle, il faut bien le dire, n'apparaît pas toujours clairement à nos concitoyens ; certains en souhaitent d'ailleurs la suppression, ce qui serait dommage. Pour notre part, nous proposons que le Sénat leur soit directement utile, ainsi qu'aux collectivités territoriales, dont il est le représentant. Nous pourrions ainsi nous appuyer sur l'exigence de démocratisation du processus législatif pour donner à la Haute Assemblée un rôle essentiel afin de permettre l'initiative et la participation des citoyens et des collectivités territoriales à l'élaboration de la loi.
Ainsi, la concrétisation des propositions que nous faisons dans l'amendement n° 176 permettrait au Sénat de jouer un rôle que nous pourrions qualifier d'« interface » entre, d'une part, l'activité parlementaire et, d'autre part, les initiatives des citoyens et des collectivités territoriales décentralisées.
Vous le voyez, cette proposition pourrait revaloriser véritablement le Sénat, et ce dans l'intérêt du travail législatif.
C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
Mme Hélène Luc. Il est clair que tout le monde va le voter !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement conduirait à remettre en cause les droits du Parlement et à réduire le rôle du Sénat à celui d'une chambre des collectivités territoriales.
Or, aux termes de l'article 3 de la Constitution, « la souveraineté appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice ».
A mon grand regret, madame Borvo, la commission ne peut donc émettre qu'un avis défavorable.
Mme Hélène Luc. Ça alors !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je dois avouer, madame Borvo, que ce que vous avez dit hier sur votre idée de la République, sur les dangers d'une certaine décentralisation, sur le fait qu'il ne fallait pas que les collectivités territoriales interviennent dans le processus de définition de la loi, etc., je ne comprends plus ! Je ne vois vraiment plus la cohérence de vos observations !
Sur le fond, le Gouvernement est, bien sûr, défavorable à l'amendement n° 176.
M. Robert Bret. Vous n'avez pas écouté nos arguments !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 176.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 177, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade etM. Vergès, est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 24 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La juste représentation du corps électoral par les deux chambres qui composent le Parlement est garantie par une adaptation régulière à l'évolution de la population. »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement vous invite à suivre le conseil que vous donnait M. Mauroy : si vous vous proposez, en effet, de renforcer les compétences du Sénat, la moindre des choses serait d'accepter de le rénover. Cette remarque vaut également pour l'Assemblée nationale puisque les circonscriptions législatives sont fondées sur le recensement de la population de 1982. Le Sénat, lui, représente une France de 1975. Plus d'un quart de siècle s'est écoulé !
Il est temps d'assurer l'adaptation de notre assemblée à la réalité démographique du pays - ce serait assez démocratique -, et il serait utile, pour éviter qu'à l'avenir une telle situation, tout de même assez cocasse, ne se reproduise, d'inscrire dans le texte de la Constitution ce principe d'adaptation aux évolutions démographiques qui me paraît respectueux des citoyens.
Concernant notre amendement précédent, je me suis sans doute mal fait comprendre ; pourtant, le texte était clair : nous proposons que les collectivités territoriales et les citoyens eux-mêmes puissent faire des propositions en matière législative. Vous le voyez, nous sommes très favorables à la démocratisation de la vie publique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement suit de près la relation entre la démographie et les élus, mais il est malheureusement sans rapport avec les dispositions du projet de loi. L'avis de la commission est donc défavorable.
Mme Hélène Luc. Mais ce n'est pas vrai !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est défavorable pour les mêmes raisons que la commission, et aussi, peut-être, parce que cet amendement introduit la notion de mandat impératif, évidemment incompatible avec la Constitution.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 177.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 175, présenté par Mmes Borvo et Mathon, MM. Bret, Autain et Autexier, Mmes Beaudeau et Beaufils, M. Biarnès, Mme Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud, Le Cam et Loridant, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Au début du premier alinéa de l'article 25 de la Constitution, il est ajouté deux phrases ainsi rédigées :
« La durée des pouvoirs de l'Assemblée nationale est de cinq ans, celle du Sénat, de six ans. Est éligible au Parlement tout Français ayant vingt-trois ans.
« II. - Dans le même alinéa, les mots : "La durée des pouvoirs de chaque assemblée," sont supprimés. »
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. J'avoue ne pas avoir compris l'allusion au mandat impératif...
Monsieur le président, « Neuf ans, c'est trop long. »
M. Michel Charasse. Sauf pour le cognac !
Mme Nicole Borvo. C'est en ces termes que commençait votre développement sur la durée du mandat dans le rapport du groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale que j'ai précédemment évoqué.
Il me paraît temps de tirer les conclusions de cette remarque. Nous estimons possible d'intégrer la durée des mandats parlementaires dans la Constitution, à l'instar du mandat présidentiel ; ce serait en effet un juste équilibre. Pour ce qui concerne le Sénat, le groupe communiste républicain et citoyen propose depuis très longtemps de ramener le mandat à six ans. Il serait utile d'adopter enfin aujourd'hui une telle disposition.
M. le président. J'ai noté le rappel...
Quel est l'avis de la commission ?
M. René Garrec, rapporteur. C'est un amendement intéressant, mais personne n'oblige un sénateur à aller jusqu'au terme de son mandat de neuf ans ! (Rires.)
M. Gérard Longuet. C'est vrai ! C'est très libéral ! C'est expérimental !
M. René Garrec, rapporteur. On peut toujours s'arrêter avant ! (Applaudissements sur certaines travées de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Guy Fischer. Démago !
M. René Garrec, rapporteur. Cela dit, cet amendement n'a pas de rapport avec le projet de loi constitutionnelle. La commission y est donc défavorable.
Mme Nicole Borvo. Alors là, franchement...
M. Robert Bret. Il faut donner l'exemple !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas très sérieux, et même pas sérieux du tout !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Comme la commission, et pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, contre l'amendement.
M. Michel Charasse. Je ne discuterai pas le fond. Je voudrais simplement faire observer à nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen que les circonstances peuvent nous obliger à modifier légèrement la durée des pouvoirs des assemblées. Ce fut le cas, par exemple, lorsque, du fait d'une date que nous n'avions pas choisie - celle du décès du Président Pompidou - il nous a fallu reporter de quelques mois les dates d'élections à l'Assemblée nationale. Nous ne pouvons quand même pas nous réunir en Congrès, à Versailles, tous les jours pour voter des modifications mineures et purement de circonstance pouvant être purement provisoires et valables une seule fois !
Par conséquent, autant un accord de fond très large sur le principe d'un mandat sénatorial d'une durée de six ans existe très certainement du côté gauche de cet hémicycle - M. le président du Sénat, lui-même, y est d'ailleurs très favorable -, autant il ne serait à mon avis pas prudent d'inscrire une telle disposition dans la Constitution, la procédure de modification de la Constitution étant trop lente et trop lourde pour permettre de réagir très vite si les circonstances l'exigent.
On peut toujours discuter du fond, mais nous ne devons pas nous lier les mains. Dans certaines circonstances exceptionnelles, on peut avoir besoin de modifier une loi organique pour s'adapter en quelques jours à une situation précise. Voilà les raisons pour lesquelles je ne voterai pas cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, pour explication de vote.
M. Paul Girod. Je ferai simplement observer que l'adoption de ce texte aboutirait à supprimer le droit du Président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 175.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Tous trois sont présentés par M. Vasselle.
L'amendement n° 69 est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré au titre V de la Constitution un article 47-2 ainsi rédigé :
« Art. 47-2. - Le Parlement vote les projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des collectivités territoriales, leurs compétences ou leurs ressources dans les conditions prévues par une loi organique.
« Ces projet de loi ne peuvent faire l'objet d'une déclaration d'urgence.
« La procédure prévue aux trois premiers alinéas de l'article 45 est applicable.
« Si la commission mixte ne parvient pas à l'adoption d'un texte commun ou si ce texte n'est pas adopté dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 45, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par le Sénat et par l'Assemblée nationale, demander au Sénat de statuer définitivement. En ce cas, le Sénat peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par lui, modifié, le cas échéant, par un ou plusieurs des amendements adoptés par l'Assemblée nationale. »
L'amendement n° 70 est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré au titre V de la Constitution un article 47-2 ainsi rédigé :
« Art. 47-2. - Le Parlement vote les projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des collectivités territoriales, leurs compétences ou leurs ressources dans les conditions prévues par une loi organique.
« Ces projets de loi ne peuvent faire l'objet d'une déclaration d'urgence.
« La procédure prévue à l'avant-dernier alinéa de l'article 46 est applicable à ces textes. »
L'amendement n° 71 est ainsi libellé :
« Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré au titre V de la Constitution un article 47-2 ainsi rédigé :
« Art. 47-2. - Le Parlement vote les projets de loi ayant pour principal objet la libre administration des collectivités territoriales, leurs compétences ou leurs ressources dans les conditions prévues par une loi organique.
« Ces projets de loi ne peuvent faire l'objet d'une déclaration d'urgence.
« La procédure prévue au troisième alinéa de l'article 46 est applicable à ces textes. »
Ces amendements ne sont pas soutenus.

Article 4