SEANCE DU 31 OCTOBRE 2002
M. le président.
La séance est reprise.
M. Jean-Pierre Sueur.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Notre rappel au règlement portera sur les conditions de travail absolument
incroyables de la commission.
M. Roland Courteau.
Oui !
M. Jean-Pierre Sueur.
En effet, un épisode très grave s'est déroulé hier quand un amendement, adopté
par la majorité de la commission des lois, a été retiré sans que celle-ci ait
pu se réunir auparavant.
Ce matin, nous constatons que les amendements « tombent » comme les feuilles
mortes !
M. Patrice Gélard,
vice-président de la commission.
C'est l'automne !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur.
Ainsi, un amendement de MM. Hoeffel et Gaudin, qui était encore en discussion
hier soir, a disparu ce matin.
Nous nous interrogeons vraiment sur ce mode de fonctionnement, d'autant que M.
Gélard a présenté tout à l'heure un sous-amendement, juste avant, monsieur le
président, que vous ne suspendiez la séance à la demande du groupe
socialiste.
Or, à peine nous étions-nous réunis que nous apprenons la convocation des
membres de la commission des lois. Nous interrompons donc aussitôt notre
réunion pour y déférer, pensant qu'il s'agissait de débattre du sous-amendement
de M. Gélard. Mais cinq minutes après qu'il eut été présenté en séance
publique, celui-ci avait été retiré en commission, avant votre arrivée, au
profit d'un amendement n° 6 rectifié
bis
de la commission, à la teneur
totalement différente.
Alors que la réunion de la commission venait de débuter, nous apprenons que,
dans la rédaction présentée par le Gouvernement, qui a été étudiée très
rapidement par la commission, dans des conditions inadaptées à l'examen d'un
projet de loi constitutionnelle, le cas de la Corse n'est pas prévu !
M. Nicolas Alfonsi.
Ni celui d'autres collectivités !
M. Jean-Pierre Sueur.
La rédaction à laquelle on a abouti pose donc un énorme problème s'agissant de
cette région.
M. Nicolas Alfonsi.
Et de Paris !
M. Jean-Pierre Sueur.
Nous interrogeons alors M. Gélard à propos de son sous-amendement, qui visait
notamment à remplacer, dans la rédaction présentée par l'amendement n° 6
rectifié, les mots : « Toute autre collectivité territoriale » par les mots : «
Toute autre catégorie de collectivité territoriale », ce qui constituait un
retour à la rédaction initiale du Gouvernement.
Tout en étant en désaccord avec la rédaction qui nous est proposée, puisque,
comme l'a excellemment dit Pierre Mauroy, nous voulons y faire figurer les
communautés à fiscalité propre, nous considérions que la suggestion de M.
Gélard représentait un progrès. En effet, il est tout à fait différent de
prévoir que la loi peut créer des catégories de collectivités locales ou
d'écrire qu'elle peut créer des collectivités locales : dans le second cas, on
pourra construire,
sui generis,
toutes sortes de collectivités
particulières qui se substitueront à des collectivités existantes.
Il nous semblait plus raisonnable de prévoir, comme le proposait M. Gélard,
que la loi pourra créer des catégories de collectivités territoriales : cela
permettrait de garantir une certaine stabilité, une certaine cohérence que nous
avons toujours appelées de nos voeux et que nous souhaitons encore maintenir
lorsque nous proposons de mentionner les communautés à fiscalité propre. Mais,
en quelques instants, le sous-amendement de M. Gélard et la référence aux
catégories avaient disparu...
Je résume la situation. D'abord, la réunion de notre groupe n'a pu avoir lieu.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Cela n'est pas grave.
M. Patrick Devedjian,
ministre délégué aux libertés locales.
Effectivement !
M. Jean-Pierre Sueur.
Ensuite, si l'amendement n° 6 rectifié
bis
était adopté, tous les
amendements et sous-amendements que nous avons déposés sur l'article
deviendraient sans objet. Il est donc tout à fait logique, ou alors il n'y a
plus de débat possible, que nous disposions d'un certain temps pour réécrire
nos amendements et sous-amendements afin de les raccrocher à l'amendement n° 6
rectifié
bis
.
M. le président.
Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Sueur.
Il fallait entrer dans les détails pour que chacun fût parfaitement informé,
mais je conclus, monsieur le président.
Compte tenu du désordre dans lequel se déroulent nos travaux, nous vous
demandons, monsieur le président, de lever la séance afin que nous mettions à
profit les jours à venir pour réécrire nos amendements et sous-amendements. A
défaut, nous demandons une suspension de séance d'une demi-heure.
(M.
Jean-Guy Branger s'exclame.)
M. le président.
Monsieur Sueur, je vous donne acte de votre rappel au règlement, tout en vous
indiquant que la suite de la discussion infirmera une partie de vos propos.
M. Jean-Pierre Sueur.
On verra ! C'est très difficile à comprendre !
M. Claude Estier.
On ne sait plus très bien où on en est !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec,
rapporteur.
Peut-être mes propos vont-ils éclairer le débat ? De la
discussion peut en effet jaillir la lumière !
(Ah ? sur les travées
socialistes.)
Parfois, monsieur Sueur, et je vais y venir.
Je crois que, ici, nous faisons notre travail de parlementaires : nous
débattons, nous écoutons les arguments des uns et des autres, nous en tirons
les conséquences sur le plan rédactionnel. Nous faisons notre travail au
mieux.
En l'occurrence, il s'agit de droit constitutionnel, matière tout de même
complexe.
M. Michel Charasse.
On le constate !
M. René Garrec,
rapporteur.
Vous avez raison, monsieur Charasse. Je me demande comment
vous faites pour chasser à l'approche en parlant autant, mais nous y
reviendrons une autre fois.
(Sourires.)
M. Michel Charasse.
Je braconne !
(Nouveaux sourires.)
M. René Garrec,
rapporteur.
Donc, les deux assemblées devront se mettre d'accord.
Le sous-amendement de notre collègue M. Gélard a été déposé à titre personnel.
L'amendement rectifié est la reprise de l'amendement de la commission, à
l'exception du dernier alinéa et sous réserve de l'intégration du
sous-amendement n° 241, présenté par M. Nicolas Alfonsi.
Monsieur Sueur, je comprends qu'il vous faille du temps, mais, depuis que vous
siégez dans cet hémicycle, votre agilité et votre souplesse intellectuelles me
paraissaient intéressantes, voire fascinantes.
(M. Jean-Pierre Masseret opine.)
Or, en l'occurrence, vous me semblez un
peu bloqué. Je vous ai connu meilleur !
(Bravo ! et applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. Jean-Pierre Sueur.
Il y a pis en matière de blocage !
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
M. le rapporteur a eu parfaitement raison d'intervenir comme il l'a fait. En
effet, la commission peut toujours modifier ses propres amendements.
M. Jean-Jacques Hyest.
Bien sûr !
M. Michel Charasse.
Mais, dans la Constitution, l'article 44 prévoit que, en principe, sauf
quelques exceptions - commissions et autres -, on ne peut pas déposer des
amendements après la clôture de la discussion générale ou l'ouverture du débat
; l'expression exacte, c'est : « après l'ouverture du débat ». La Ve République
a voulu justement éviter, comme sous la IVe République, les amendements
surprises, qui étonnaient tout le monde et donnaient lieu à un mauvais travail
législatif.
Mme Hélène Luc.
Absolument !
M. Michel Charasse.
Nous avons, les uns et les autres, même nos collègues de la majorité
sénatoriale, rédigé nos amendements et nos sous-amendements en fonction du
texte dont nous disposions à l'ouverture du débat. Or ce texte, et vous avez le
droit de le faire, est modifié par la commission. Aussi, il nous faut au
minimum entre vingt minutes et une demi-heure pour coordonner nos amendements
et sous-amendements et leur apporter les rectifications nécessaires, sinon ils
tomberont.
Je rappelle avec insistance que l'une des réformes importantes intervenues
dans le cadre de la rationalisation des travaux du Parlement voulue en 1958
consistait précisément à mettre un terme à la pratique des amendements
surprises, des amendements pièges en vigueur sous la IVe République.
M. Alain Gournac.
Merci à Michel Debré !
M. Michel Charasse.
Par conséquent, dès lors que le dépôt d'amendements est interdit après
l'ouverture du débat, sauf deux ou trois exceptions permises par le règlement,
on peut au moins nous accorder le temps qui nous est nécessaire pour remettre
d'aplomb nos propositions. Ce n'est pas la mer à boire ! Chacun a le droit
d'avoir des problèmes rédactionnels !
En outre, en fin de matinée, le petit déjeuner est déjà loin. Le rapporteur a
dit tout à l'heure qu'il avait connu M. Sueur plus vif. Mais, à partir de midi,
midi un quart, M. Sueur est comme tout le monde, il commence à avoir faim !
Nous souffrons d'hypoglycémie !
(Sourires.)
M. le président.
Monsieur Charasse, sur l'amendement n° 6 rectifié
bis
s'accrochent,
d'une part, deux sous-amendements qui ont déjà été présentés et, d'autre part,
un nouveau sous-amendement n° 243 qui a été déposé par M. Sueur. La situation
est claire. Je serais donc en droit de poursuivre le débat. Toutefois, afin
qu'il se déroule dans un climat de compréhension mutuelle et dans l'ordre,
j'accède à la demande de M. Sueur et je vais suspendre la séance pendant dix
minutes au maximum.
La séance est suspendue.