SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 44. - Après l'article L. 69-1 du code du domaine de l'Etat, il est créé
un article L. 69-2 ainsi rédigé :
«
Art. L. 69-2
. - Lorsque des biens mobiliers ont, à l'occasion d'une
procédure pénale, fait l'objet d'une décision judiciaire définitive qui en
transfère la propriété à l'Etat, ces biens peuvent être affectés par arrêté
conjoint du ministre chargé de l'intérieur et du ministre chargé des domaines,
à des services de police, des unités de gendarmerie ou des services de
l'administration des douanes effectuant des missions de police judiciaire. »
Je suis saisi de deux amendements présentés par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes M.
André et Blandin, MM. Badinter, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet,
Sueur et les membres du groupe socialiste et apparenté.
L'amendement n° 240 est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 69-2 du code du
domaine de l'Etat, remplacer les mots : "du ministre chargé de l'intérieur" par
les mots : "du garde des sceaux". »
L'amendement n° 241 est ainsi libellé :
« Compléter
in fine
le texte proposé par cet article pour l'article L.
69-2 du code du domaine de l'Etat par les mots : "si les biens sont de nature à
les aider dans leurs tâches". »
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre ces deux
amendements.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je dois avouer que nous n'avons pas compris le sens des dispositions
présentées par l'article 44, même s'il s'agit de sujets qui étaient déjà
abordés dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité
intérieure.
L'article 44 vise à introduire dans le code du domaine de l'Etat un article L.
69-2 donnant la possibilité aux services de police ou des douanes ou aux unités
de gendarmerie de bénéficier, pour leur fonctionnement, par arrêté conjoint du
ministre chargé de l'intérieur et du ministre chargé des domaines, de certains
objets saisis ou confisqués lors de procédures judiciaires.
Cet article est la traduction législative de la mention suivante, figurant à
l'annexe I de la loi de programmation et d'orientation pour la sécurité
intérieure, à laquelle renvoie l'article 1er : « Dans le but d'augmenter les
moyens mis à disposition des services d'enquête et d'éviter le gaspillage des
deniers de l'Etat, un cadre juridique permettant l'utilisation des biens saisis
appartenant directement ou indirectement aux auteurs de certaines infractions
sera mis en place sous le contrôle de l'autorité judiciaire qui pourra, en cas
de condamnation définitive, attribuer définitivement l'objet saisi à
l'administration qui a mené l'enquête ou, en cas de déclaration d'innocence,
décider de procéder à la restitution et à l'indemnisation du propriétaire. »
Puisqu'il est précisé que l'autorité judiciaire exercera son contrôle, il nous
paraît normal que de telles mesures soient prises, le cas échéant, sous
l'autorité du ministre de la justice et non pas sous celle du ministre de
l'intérieur. Nous demandons donc que ce soit le ministre de la justice qui,
éventuellement, affecte aux services de l'Etat les biens qui ont été saisis ou
confisqués.
Par ailleurs, un autre problème doit être soulevé. Actuellement, que se
passe-t-il ? Les objets confisqués, sauf évidemment ceux qui ne doivent pas
être livrés au public, comme les armes, sont mis en vente par le service des
domaines.
M. Michel Charasse.
Sauf aux douanes !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En effet ! Ces ventes sont d'ailleurs extrêmement courues. Il s'agit donc de
ne pas gaspiller les deniers de l'Etat !
En revanche, nous trouvons tout à fait normal que les armes, par exemple,
soient remises aux services qui ont procédé à la confiscation. Mais
l'affectation aux services ne vaut pas pour n'importe quel bien ! Cette
procédure concernera-t-elle les BMW qui seront confisquées sur les terrains où
stationneront de manière irrégulière des gens du voyage ?
M. Philippe Nogrix.
Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Concernera-t-elle des tableaux, par exemple ? Je ne crois pas que ce soit de
tels objets qui sont visés par l'article 44...
Nous proposons donc, par le biais des amendements n°s 240 et 241, de modifier
le texte présenté par cet article pour l'article L. 69-2 du code du domaine de
l'Etat, qui serait alors rédigé comme suit :
« Lorsque des biens mobiliers ont, à l'occasion d'une procédure pénale, fait
l'objet d'une décision judiciaire définitive qui en transfère la propriété à
l'Etat, ces biens peuvent être affectés par arrêté conjoint du garde des sceaux
et du ministre chargé des domaines à des services de police, des unités de
gendarmerie ou des services de l'administration des douanes effectuant des
missions de police judiciaire, si les biens sont de nature à les aider dans
leurs tâches. »
Nous avons pensé que cette rédaction correspondait à vos intentions, monsieur
le ministre, et ce qui va sans dire va encore mieux en le disant ! C'est
pourquoi nous insistons vivement pour que le Sénat vote ces amendements, car il
faut que les objets confisqués soient affectés à des administrations qui en ont
besoin. Nous ne trouverions pas normal, encore une fois, que des biens qui ne
seraient pas utiles aux tâches des services visés à l'article 44 soient
attribués par décision du ministre de l'intérieur. Nous voulons que ce soit le
garde des sceaux qui veille à l'affectation des objets confisqués.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
L'amendement n° 240 prévoit que l'arrêté d'attribution de
certains biens confisqués sera pris par le garde des sceaux et non par le
ministre de l'intérieur.
Cet amendement ne nous paraît pas opportun, car nous pensons que c'est le
ministre de l'intérieur qui est le mieux placé pour connaître les besoins,
notamment, des services de police et de gendarmerie. De toute façon, les biens
ne pourront être attribués à un service d'enquête qu'après une décision
judiciaire définitive.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 240.
Quant à l'amendement n° 241, il tend à préciser que l'on ne pourra attribuer
aux services d'enquête que des biens utiles à leurs tâches. Une telle
proposition fait injure à ceux qui sont chargés d'attribuer ces biens.
M. Roger Karoutchi.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Nicolas Sarkozy,
ministre.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur
l'amendement n° 240.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
L'amendement n° 240 ne présente aucun caractère injurieux vis-à-vis de M. le
ministre de l'intérieur. Il nous paraît normal, encore une fois, que ce soit le
garde des sceaux qui affecte des biens qui auront été confisqués par décision
judiciaire. Notre proposition est surtout symbolique, il ne s'agit nullement de
faire injure à l'actuel ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et
des libertés locales. Pas du tout ! C'est une question de principe.
De même, l'amendement n° 241, monsieur le rapporteur, ne vise à injurier
personne. Telle n'est pas notre intention ! Puisque nous sommes d'accord sur le
fond, pourquoi n'acceptez-vous pas cet amendement ? Ce qui va sans dire va
encore mieux en le disant !
Cela étant, nous avons entendu l'avis de la commission. M. le ministre a sans
doute indiqué qu'il était d'accord avec elle, mais nous ne l'avons pas entendu
et nous aimerions qu'il nous donne son point de vue personnel. Nous dira-t-il
qu'il est injurieux de penser que, un jour, un ministre de l'intérieur - après
tout, M. Sarkozy ne sera pas toujours ministre de l'intérieur
(Exclamations
sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants)
- oubliera que
ce sont seulement les biens qui peuvent leur être utiles qui doivent être
confiés aux services ayant procédé à la confiscation ?
J'ignore si nous vous aurons convaincus, mes chers collègues, mais, en tout
état de cause, nous demandons que le Sénat vote par scrutin public sur les
amendements n°s 240 et 241, ce dernier, en particulier, nous paraissant très
important.
M. le président.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse.
Je comprends les motivations de mes amis, car la rédaction présentée par
l'article 44 pour l'article L. 69-2 du code du domaine de l'Etat n'est pas la
meilleure.
En réalité, la procédure visée existe déjà - M. Sarkozy le sait bien - dans
l'administration des douanes, mais elle fait l'objet d'un article particulier
du code des douanes. Or le texte prévoit que la décision judiciaire affecte
directement les biens saisis à cette administration.
Par conséquent, on introduit ici dans le code du domaine de l'Etat une
disposition qui sera applicable à toutes les administrations - police,
gendarmerie et douanes alors qu'il existe une procédure douanière particulière
- et qui rendra nécessaire une décision d'affectation ministérielle.
Je ne veux pas compliquer les choses à cette heure, mais j'estime qu'il
faudrait peut-être examiner ce point en commission mixte paritaire, afin de
procéder aux coordinations qui s'imposent et d'éviter ainsi que deux procédures
différentes ne s'appliquent pour la douane.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 240.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 310 |
Nombre de suffrages exprimés |
309Majorité absolue des suffrages exprimés 155
|
Contre | 202 |
Je mets aux voix l'amendement n° 241.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 310 |
Nombre de suffrages exprimés |
309Majorité absolue des suffrages exprimés 155 |
Pour l'adoption | 107 |
Contre | 202 |
Je mets aux voix l'article 44.
(L'article 44 est adopté.)
Article 45