SEANCE DU 19 NOVEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 81, adressée à Mme
la ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Daniel Reiner.
Madame la ministre, ma question porte sur l'assainissement dans les communes
rurales, sujet récurrent dans les assemblées cantonales de maires ; elle m'a
été transmise par l'association des maires du département de
Meurthe-et-Moselle.
Je l'avais déjà posée sous la forme d'une question écrite, mais, n'ayant pas
reçu de réponse, je la repose aujourd'hui en l'illustrant d'un exemple qui
vient d'être porté à la connaissance des parlementaires lorrains.
De nombreuses petites communes craignent de ne pouvoir respecter l'échéance du
31 décembre 2005 pour la mise aux normes de leur réseau d'assainissement
collectif. Il y a à cela des raisons multiples, parfois techniques, parfois
financières, parfois les deux à la fois. Mais, c'est l'aspect financier qui
motive mon intervention.
Ma question porte sur l'éventuelle mise en cause de la responsabilité des
communes qui n'auraient pu se conformer en temps voulu à ces dispositions
législatives.
L'expérience de ces dernières années montre que, sans participation financière
extérieure, les petites communes n'ont pas les moyens budgétaires de réaliser
ces travaux fort coûteux. Elles dépendent donc des subventions ou des prêts que
leur accordent les agences de bassin ou les conseils généraux. Or ces derniers
ont souvent passé entre eux une convention d'objectifs pluriannuelle et ils
privilégient, pour des raisons d'efficacité, les zones les plus urbanisées.
Il paraît clair que les moyens financiers des uns et des autres seront
insuffisants pour que l'échéance de 2005 puisse être tenue par toutes les
communes.
Madame la ministre, envisagez-vous de demander au Parlement de repousser cette
échéance par voie législative ? Sinon, quelles assurances pouvez-vous donner
aux maires dont la bonne foi et la volonté de réaliser les travaux seraient
évidentes - par exemple parce qu'ils auraient réalisé des études de diagnostics
ou établi des programmes d'investissement - que leur responsabilité ne sera pas
mise en cause, si les travaux ne sont pas effectivement achevés à la fin de
l'année 2005 ?
Dans ce type d'opération, très lourde pour les communes, les difficultés sont
de tous ordres. Dans l'exemple que je vais citer, elles découlent d'un article
du code de la santé publique.
Deux petites communes de mon département, respectivement de 1 600 et de 750
habitants, décident ensemble de mettre aux normes leur système
d'assainissement. Il s'agit de Crusnes et d'Errouville. Ce sont deux anciennes
communes minières et sidérurgiques, dont l'habitat est, pour l'essentiel,
constitué de cités vendues à leurs locataires. Elles ont signé, en 1998, un
contrat pluriannuel avec l'agence de bassin Rhin-Meuse et le conseil général de
Meurthe-et-Moselle.
Les travaux devaient être réalisés en trois phases : la construction d'une
station d'épuration et deux tranches de réseau. La station d'épuration est
achevée et opérationnelle, de même que la première tranche de réseau. Il
convient maintenant de déconnecter les fosses septiques et de raccorder les
habitations au réseau neuf.
Ce marché public, signé par le syndicat et prévu dans le contrat initial avec
l'agence de bassin, est refusé par l'administration au motif - je tiens
naturellement le dossier à votre disposition - qu'il contrevient à l'article L.
1331-5 du code de la santé publique.
Aux termes de cet article, ce sont les propriétaires qui doivent eux-mêmes
faire et payer les travaux. Ce n'était évidemment pas prévu ainsi. Les
habitants disent n'avoir rien demandé. Ils n'ont pas les moyens de payer,
d'autant qu'à cause de ces travaux le mètre cube d'eau leur est déjà facturé
5,6 euros, soit près de 37 francs. Inutile de préciser qu'ils ne feront
rien.
Résultat : la station ne pourra pas fonctionner convenablement, les prêts de
l'agence ne seront pas transformés en subventions. Voilà un gâchis financier en
même temps qu'environnemental !
Au bout du compte, et malgré leurs efforts, les élus risquent de voir leur
responsabilité mise en cause. Madame la ministre, peut-on envisager une
modification de cet article du code de la santé publique pour sortir ces élus
de l'impasse ?
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre de l'écologie et du développement durable.
Monsieur le sénateur,
j'ai pris connaissance avec intérêt de votre question, qui porte sur les
réelles difficultés auxquelles sont confrontées les communes pour faire face à
l'échéance du 31 décembre 2005 - c'est demain ! - pour la mise aux normes
européennes de leur réseau d'assainissement. Je vais vous répondre de façon
technique, et peut-être un peu aride, aussi complètement que possible.
En ce qui concerne les obligations d'assainissement des eaux usées, il faut
préciser que seules les communes faisant partie des agglomérations
d'assainissement de plus de 2 000 équivalents habitants, arrêtées par le préfet
conformément aux dispositions de l'article R. 2224-10 du code général des
collectivités territoriales, sont tenues de mettre en place un système de
collecte avant le 31 décembre 2005.
Cependant, l'ensemble des communes, quelle que soit leur taille, doit mettre
en place un système de traitement dès lors qu'un système de collecte existe.
Ainsi, pour les communes de moins de 2 000 équivalents habitants, l'obligation
de mise aux normes européennes ne porte que sur la mise en conformité du
traitement des eaux usées dont la collecte est déjà réalisée.
L'article R. 2224-7 du code général des collectivités territoriales dispose
que les parties du territoire d'une commune dans lesquelles l'installation d'un
réseau de collecte ne se justifie pas, soit parce qu'elle ne présente pas
d'intérêt pour l'environnement, soit parce que son coût serait excessif,
peuvent être placées en zones d'assainissement non collectif.
C'est pourquoi la loi laisse aux communes le choix des moyens, notamment pour
délimiter sur leur territoire les zones relevant de l'assainissement collectif,
où la collecte et l'épuration sont prises en charge par le service public
d'assainissement, et les zones relevant de l'assainissement non collectif, où
les compétences sont partagées entre les usagers et la commune.
Lorsque les conditions techniques requises sont mises en oeuvre,
l'assainissement non collectif garantit en effet des performances comparables à
celles de l'assainissement collectif et constitue une solution économique pour
l'habitat dispersé ; l'installation et l'entretien des dispositifs étant à la
charge des particuliers, les communes n'ont à assurer que les frais de
contrôle.
Dans toutes les zones rurales ou peu densément urbanisées, l'assainissement
non collectif est une solution à prendre en compte, car l'assainissement
collectif ne s'y impose en général pas.
L'assainissement collectif concerne donc des zones limitées en milieu rural.
De plus, les prescriptions techniques, en particulier les obligations de
résultat et de performances prévues par l'arrêté technique du 21 juin 1996,
applicables aux systèmes d'assainissement collectif de moins de 2 000
équivalents habitants, sont moins contraignantes que pour les systèmes plus
importants, qui relèvent de l'arrêté technique du 22 décembre 1994.
En ce qui concerne le financement de l'assainissement collectif, les communes
rurales bénéficient, de façon spécifique, des aides versées directement par les
conseils généraux ainsi que par le FNDAE, le Fonds national pour le
développement des adductions d'eau. Enfin, les agences de l'eau consacrent
également une part importante de leurs aides à l'assainissement des communes
rurales. La part d'investissement non subventionnée, ainsi que les frais de
fonctionnement du service, sont financés par une redevance à la charge des
usagers bénéficiant du service, perçue à compter du raccordement effectif des
usagers. Les articles L. 1331-1, L. 1331-7 et L. 1331-8 du code de la santé
publique prévoient, par ailleurs, la possibilité, pour la commune, de percevoir
certaines sommes auprès des usagers pendant le délai de raccordement,
lorsqu'ils refusent de se raccorder et au moment du raccordement.
Enfin, il est permis aux communes de prendre en charge, au titre de leur
budget propre, les dépenses du service d'assainissement dans les cas prévus par
l'article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales. Il s'agit,
en particulier, des communes de moins de 3 000 habitants, qui bénéficient d'une
dérogation générale au principe de l'équilibre budgétaire du service
d'assainissement, et des communes pour lesquelles le fonctionnement du service
exige la réalisation d'investissements qui, en raison de leur importance et eu
égard au nombre d'usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive
des tarifs.
J'ajouterai, monsieur le sénateur, que 2003 sera une année importante pour ce
qui concerne le débat sur l'eau, puisque nous devrons transposer la
directive-cadre sur l'eau. En outre, j'ai entamé la concertation en vue de la
révision de la loi sur l'eau. A cet égard, j'ai suspendu l'examen du projet de
loi élaboré par le gouvernement précédent, car il paraissait trop complexe. Sa
préparation n'avait d'ailleurs pas fait l'objet de consultations
suffisantes.
Le Conseil national de l'eau, que je viens de présider, s'est saisi de cette
question. Il ne fait aucun doute que l'année 2003 permettra aux différents
acteurs d'exprimer leurs incertitudes, leurs préoccupations, et d'engager un «
toilettage » juridique rendu nécessaire par les nombreuses difficultés que
rencontrent les élus territoriaux. Je ne doute pas que cette question pourra,
elle aussi, être abordée.
M. le président.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner.
Je vous remercie, madame la ministre, de cette réponse très détaillée, que je
transmettrai bien évidemment aux maires concernés.
Je prends acte du fait que l'année 2003 sera l'occasion d'engager une
réflexion sur l'ensemble de ces problèmes. Pour ce qui concerne le point
particulier que j'ai évoqué tout à l'heure, je tiendrai le dossier à votre
disposition, pour que nous puissions apporter une réponse.
LIAISON TGV PARIS-GENÈVE