SEANCE DU 22 NOVEMBRE 2002
M. le président.
L'amendement n° I-131, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase du dernier alinéa du 1 de l'article 6 du code
général des impôts, les mots : "de l'imposition des revenus de l'année du
troisième anniversaire" sont remplacés par les mots : "du jour".
« II. - Dans le premier alinéa du III de l'article 779 du même code, l'année :
"2002" est remplacée par l'année : "2003", et le nombre : "57 000" est remplacé
par le nombre : "80 000".
« III. - Le dernier alinéa du III de l'article 779 du même code est
supprimé.
« IV. - Pour compenser les pertes de recettes résultant des I à III ci-dessus,
les deux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu sont relevées à due
concurrence. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
La loi du 15 novembre 1999 relative au PACS, le pacte civil de solidarité,
avait donné lieu, chacun s'en souvient ici, à une vive controverse, certains
craignant, sans doute à tort, qu'elle ne finisse par porter atteinte à l'une
des valeurs fondatrices de notre société, la famille.
Quelques années d'application permettent de constater qu'il n'en est rien.
La possibilité de signer un PACS n'a pas été aussi massivement utilisée qu'on
le redoutait dans certains milieux particulièrement hostiles à toute prise en
compte des évolutions sociologiques. Elle a surtout conféré à plusieurs
dizaines de milliers de nos compatriotes une certaine sécurité juridique.
Cette sécurité juridique et cette reconnaissance juridique de certaines formes
de vie commune constituent incontestablement des acquis de la loi.
Pour autant, demeure clairement posée la question du traitement fiscal des
personnes pacsées, qui ne nous paraît pas équitable et que cet amendement vise,
par conséquent, à corriger.
En effet, en ce qui concerne la fiscalité locale, les deux personnes vivant
sous le même toit sont assimilées à un seul et même foyer fiscal, et le revenu
de référence global tient compte des revenus dont disposent les deux foyers
fiscaux. Cela n'est pas sans incidence, notamment quand l'une des personnes
pacsées ne dispose que de peu de revenus, situation qui pourrait lui valoir
d'être assez largement dispensée d'aquitter les impôts locaux.
Ce qui est admis pour le calcul des impôts locaux devrait l'être pour l'impôt
sur le revenu, d'autant que, dans bien d'autres domaines, le PACS est
effectivement reconnu, qu'il s'agisse de la protection sociale ou, par exemple,
du droit à mutation dans la fonction publique.
L'impôt sur le revenu semble être ainsi le dernier « bastion » où le PACS
n'est pas reconnu pour ce qu'il est, c'est-à-dire la marque d'une vie commune
durable entre deux personnes, fussent-elles de même sexe.
Nous proposons donc de corriger cette anomalie en ouvrant droit à imposition
commune des revenus dès la signature du pacte civil de solidarité.
La règle appliquée aujourd'hui - qui conduit à attendre la troisième année -
est, en effet, de notre point de vue, une assez étrange immixtion dans la vie
privée des individus et, en ce sens, elle semble plus procéder d'une mise à
l'épreuve que d'une reconnaissance objective des faits. Il est donc temps de
revenir sur ce principe, qui n'a plus sa place dans notre législation.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait défavorable, monsieur le président. Le
PACS n'est pas le mariage et ne peut donc pas ouvrir droit au même régime
fiscal.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Contrairement à ce que pense Thierry Foucaud, le délai
de trois ans n'a aucun caractère discriminatoire et n'implique aucune
suspicion. C'est tout simplement l'élément d'équilibre global qui avait été
institué lorsque la loi relative au PACS a été adoptée par le Parlement
Je rappelle que le PACS peut être en effet dissous sur la seule initiative - «
initiative unilatérale », disent les juristes - de l'un des contractants et par
simple lettre recommandée. Par conséquent, il faut tout de même un minimum de
stabilité pour justifier une imposition commune.
Par ailleurs, les déclarations communes de ceux qui se sont engagés dans un
PACS en 1999 seront souscrites pour la première fois au titre des revenus de
2002. Il ne nous paraît donc pas excessif d'examiner ce qui va se produire.
Je crois sincèrement que cette demande n'est pas justifiée, monsieur Foucaud,
et je ne peux qu'inviter le Sénat à rejeter cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-131.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-102 rectifié, présenté par M. Oudin, Mme G. Gautier, MM.
Demilly, Doublet, Gérard, Le Grand, Natali, de Richemont, Trillard et Godefroy,
est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré un article 39
novedecies
dans le code général des
impôts ainsi rédigé :
«
Art. 39
novedecies - I. - Les artisans pêcheurs soumis à un régime
réel d'imposition et qui ont souscrit une assurance couvrant les risques
climatiques, économiques et sanitaires, dans des conditions définies par
décret, peuvent, sur option, déduire de leur bénéfice une somme plafonnée soit
à 3 000 euros, soit à 40 % de ce bénéfice dans la limite de 12 000 euros. Ce
plafond est majoré de 20 % de la fraction de bénéfice comprise entre 30 000
euros et 76 000 euros. L'option est valable pour l'exercice au titre duquel
elle est pratiquée et pour les quatre exercices suivants. Elle est irrévocable
durant cette période et reconductible.
« Pour les sociétés de pêche artisanale qui n'ont pas opté pour le régime
fiscal des sociétés de capitaux, et pour les copropriétés de navires, qui ont
souscrit une assurance couvrant les risques climatiques, économiques et
sanitaires, dans des conditions définies par décret, la limite de la déduction
visée au premier alinéa est multipliée par le nombre des associés ou
copropriétaires exploitants sans pouvoir excéder trois fois les limites visées
au premier alinéa.
« Cette déduction s'exerce à la condition que, à la clôture de l'exercice,
l'artisan pêcheur ait inscrit à un compte d'affectation ouvert auprès d'un
établissement de crédit une somme provenant des recettes de l'exploitation de
cet exercice au moins égale au montant de la déduction. L'épargne
professionnelle ainsi constituée doit être inscrite à l'actif du bilan de
l'exploitation.
« La déduction est pratiquée après application de l'abattement prévu à
l'article 44
nonies.
« Les sommes déposées sur le compte peuvent être utilisées au cours des cinq
exercices qui suivent celui de leur versement pour l'acquisition ou la création
d'immobilisations strictement nécessaires à l'exploitation, pour l'acquisition
ou la souscription de parts de sociétés coopératives maritimes ou en cas
d'intervention de l'un des aléas d'exploitation dont la liste est fixée par
décret.
« Lorsque les sommes déposées sur le compte sont utilisées pour l'acquisition
ou la création d'immobilisations amortissables, la base d'amortissement de
celles-ci est réduite à due concurrence.
« Lorsque ces sommes sont utilisées pour l'acquisition ou la souscription de
parts sociales de coopératives maritimes, la déduction correspondante est
rapportée par parts égales au résultat de l'exercice qui suit celui de
l'acquisition ou de la souscription et des neuf exercices suivants. Toutefois,
le retrait de l'adhérent ou la cession de parts sociales entraîne la
réintégration immédiate dans le résultat imposable de la fraction de la
déduction qui n'a pas encore été rapportée.
« Lorsque les sommes déposées sur le compte sont utilisées en cas
d'intervention de l'un des aléas d'exploitation mentionnés au cinquième alinéa,
la déduction correspondante est rapportée au résultat de l'exercice au cours
duquel le retrait est intervenu. Les sommes retirées sont réputées correspondre
en priorité à la déduction la plus ancienne.
« Lorsque les sommes déposées sur le compte ne sont pas utilisées au cours des
cinq exercices qui suivent celui de leur versement, la déduction correspondante
est rapportée aux résultats du cinquième exercice suivant celui au titre duquel
elle a été pratiquée.
« Lorsque des sommes déposées sur le compte sont utilisées à des emplois
autres que ceux définis ci-dessus au cours des cinq exercices qui suivent celui
de leur dépôt, l'ensemble des déductions correspondant aux sommes figurant sur
le compte au jour de cette utilisation est rapporté au résultat de l'exercice
au cours duquel cette utilisation a été effectuée.
« II. - L'apport d'une exploitation individuelle dans les conditions visées au
I de l'article 151
octies
à une société de pêche artisanale par un
artisan pêcheur qui a pratiqué la déduction au titre d'un exercice précédant
celui de l'apport n'est pas considéré pour l'application du I comme une
cessation d'activité si la société bénéficiaire de l'apport en remplit les
conditions et s'engage à utiliser les sommes déposées sur le compte au cours
des cinq exercices qui suivent celui au titre duquel la déduction
correspondante a été pratiquée dans les conditions et sous les limites définies
au I.
« III. - Le compte ouvert auprès d'un établissement de crédit est un compte
courant qui retrace exclusivement les opérations définies au I.
« II. - Les dispositions du présent article s'appliquent pour la détermination
des résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2003. »
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Cet amendement concerne la pêche artisanale, qui, en France, vous le savez,
connaît une situation extrêmement difficile. Les choses vont peut-être se
dénouer dans quelques semaines, lors du prochain Conseil des ministres de
l'agriculutre et de la pêche, à Bruxelles, où il s'agira de réformer la
politique commune de la pêche, mais nous craignons que ce ne soit pas dans le
bon sens.
Quelles que soient les décisions qui seront prises ce jour-là, la pêche est et
restera un métier à risques, au sens où ceux qui le pratiquent non seulement
risquent leur vie mais sont en outre confrontés à de très forts aléas.
Sans vouloir faire excessivement vibrer la corde sensible, je tiens à rappeler
que, au cours des deux dernières années, plus de trente pêcheurs sont morts en
mer.
On pense, bien sûr, d'emblée aux risques climatiques. Ce qui s'est passé
récemment pendant la Route du Rhum, même s'il ne s'agissait pas de marins
pêcheurs, a encore montré combien la mer est dangereuse.
Pour les pêcheurs, il y a aussi le risque biologique, qui est considérable.
L'évolution de la ressource suscite un grand débat.
Les marins pêcheurs ont manifesté. On peut les comprendre quand on sait que
l'on annonce la réduction, du jour au lendemain, et dans des proportions
importantes, des taux admissibles de capture et des quotas pour le cabillaud,
pour la sole, etc., avant même d'avoir pu déterminer de manière précise
l'évolution des espèces concernées.
Je veux aussi dire quelques mots du risque systémique, qui tient aux cours du
pétrole et aussi à la pollution.
Il n'y a pas un secteur, en dehors du transport routier, qui soit plus
dépendant du cours du pétrole brut que celui de la pêche. A cet égard, en
2000-2001, les pouvoirs publics ont instauré un système d'aide directe à la
pêche, mais ce système est aujourd'hui condamné par l'Union européenne.
S'ajoute le risque sanitaire, qui est extrêmement médiatisé. Je laisse de côté
les métaux lourds, les produits contaminants, mais il faut savoir que ce risque
augmente, notamment avec les pollutions.
S'agissant du risque écologique, on considère parfois que la mer est en danger
en raison de certaines pratiques de pêche, alors même qu'il n'en est rien.
J'évoquerai ici l'interdiction par Bruxelles du filet maillant dérivant qui a
brutalement tué la pêche au thon à l'île d'Yeu. Le filet maillant dérivant
était accusé de mettre en péril les ressources des dauphins. Or ce n'était
absolument pas le cas. Mais Greenpeace était derrière tout cela et on a voulu
donner des gages à cette organisation.
Chacun peut imaginer ce que sont, pour les marins pêcheurs, les risques du
marché. Ils tiennent notamment au fait qu'il n'existe pas, pour la pêche, une
organisation commune des marchés comme il en existe une pour l'agriculture. Or
les variations des cours des produits de la pêche sont tout à fait
considérables.
Enfin, il y a les risques personnels et familiaux. En effet, le régime social
de l'ENIM, Etablissement national des invalides de la marine, ne fait guère de
place à la prévoyance.
Pour toutes ces raisons, le monde de la pêche est soumis à des difficultés qui
sont aggravées par les plans d'orientation pluriannuels, instruments de cette
politique systématique de casse des navires demandée par Bruxelles pour tenter
de limiter la pression sur la ressource, alors que l'on pourrait, beaucoup plus
simplement, s'appuyer sur une politique raisonnable de taux admissible de
capture.
Hélas ! on n'en est pas là. Dans ces conditions, il faut faire quelque chose
pour sauver nos quelques entreprises artisanales de pêche qui existent encore,
car nous avons perdu des milliers de marins et des milliers de bateaux.
Cet amendement, qui a d'ailleurs été examiné par l'ensemble du groupe d'études
de la mer, que j'ai l'honneur de présider, et cosigné par une grande partie de
ses membres, vise à réduire les risques liés à la pêche.
Le mécanisme qu'il propose s'apparente à celui qui a été introduit par
l'article 82 de la loi de finances pour 2002 pour offrir une alternative à la
déduction pour investissement, ou DPI, qui était déjà en vigueur dans
l'agriculture. Ce serait, je le crois, une mesure de justice et d'équité.
Le faible nombre d'entreprises concernées - 1 000 environ - ne rend pas cette
mesure coûteuse. En outre, l'intérêt national impose de maintenir une activité
de pêche, avec les 20 000 marins que compte encore notre pays.
Le coût budgétaire, si la déduction moyenne était de 10 000 euros, compte tenu
d'un taux moyen de 32 %, atteindrait 3,2 millions d'euros. Certes, dans le
contexte budgétaire actuel, ce n'est pas négligeable.
Les sommes que représenterait cette déduction pour aléas, ou DPA, seraient
affectées à un fonds mutualisé et pourraient constituer la base d'un système
d'assurance professionnelle, avec un fonds de garantie. Ce système permettrait
d'intégrer les contrats d'assurance ou de réassurance négociés avec les grandes
compagnies et créerait un cadre permanent d'exploitation. Les artisans pêcheurs
pourraient ainsi se sentir un peu plus libres d'esprit et être garantis dans
leur métier, qui est un métier dangereux mais dont nous avons absolument
besoin.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission est reconnaissante à Jacques Oudin de
poser ce problème, et ce qu'il nous dit doit retenir notre attention.
Pour avoir, mais beaucoup moins que lui, l'occasion de parler à des artisans
pêcheurs, dans le petit port corse où je me rends de temps en temps, je crois
pouvoir attester de la réalité des différents risques qu'il évoque.
Notre collègue propose de calquer, au bénéfice des artisans pêcheurs, le
dispositif de la déduction pour aléas d'exploitation institué par la loi de
finances pour 2002 au profit des agriculteurs.
La création de ce dispositif, qui a résulté d'une réflexion menée pendant
plusieurs années sur le sujet de l'assurance récoltes, a tenu compte, je le
souligne, des conditions d'activité spécifique des agriculteurs.
Pourquoi ne pas étendre le même raisonnement aux artisans pêcheurs ? Cette
question est opportunément posée ici.
Par ailleurs, votre amendement, mon cher collègue, précise que les artisans
pêcheurs doivent souscrire une assurance couvrant les risques climatiques,
économiques, sanitaires dans des conditions définies par décret. Or beaucoup
d'assureurs refusent aujourd'hui de couvrir ce genre de risques, considérés
comme non assurables. La définition des risques à couvrir est donc
juridiquement trop imprécise, contrairement à ce qui est prévu pour la
profession agricole.
Je ne sous-estime pas, monsieur le ministre, le coût budgétaire que pourrait
avoir ce nouveau régime pour les finances publiques. Mais nous aimerions vous
entendre pour connaître votre approche de ces questions. Quoi qu'il en soit,
nous souhaitons que soit pris le temps nécessaire pour réfléchir à ce que
pourrait être une bonne mesure en faveur de cette profession.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Jacques Oudin, qui connaît admirablement ce beau mais
redoutable métier, a mis en relief les risques auxquels ne manquent pas d'être
confrontés ceux qui l'exercent, risques parmi lesquels la concurrence de nos
partenaires européens ne peut être négligée.
Le rapporteur général appelle le Gouvernement à examiner le sujet. Celui-ci
mérite en effet d'être étudié. D'après les indications que j'ai en ma
possession, on ne peut pas comparer la situation fiscale des agriculteurs à
celle des marins pêcheurs. La déduction qui est accordée aux agriculteurs se
justifie par des contraintes spécifiques, liées aux risques auxquels sont
exposés leurs cultures et leur bétail. Or ce que propose Jacques Oudin, c'est
plutôt une extension aux risques des personnes qui exercent leur métier.
Le rapporteur général a mis l'accent sur les difficultés que pouvaient
rencontrer les marins pêcheurs pour souscrire des contrats auprès des
compagnies d'assurances. J'avoue que je ne mesurais pas, jusqu'à présent,
l'ampleur de ces difficultés.
Je signale par ailleurs au Sénat, pour que son information soit complète, que
d'autres dispositifs d'aide en faveur des artisans pêcheurs ont été mis en
place, notamment en faveur des jeunes, qui peuvent bénéficier d'un abattement
de 50 % sur leurs bénéfices, ou bien encore en matière d'investissements, avec
l'instauration du régime Sofipêche, que Jacques Oudin connaît mieux que
quiconque.
La mise en place, à ce stade de notre débat, d'un nouveau régime dérogatoire
aux règles de droit commun n'est pas possible ; je n'aime pas invoquer ce
motif, mais force m'est de préciser qu'un tel régime ne serait, en outre, pas
conforme au droit communautaire.
Cela étant, j'ai entendu l'appel de M. le rapporteur général. Je sais
d'ailleurs que l'attention de mon collègue Hervé Gaymard a été attirée sur les
problèmes que M. Oudin a soulevés. Nous pourrions envisager la création d'un
groupe informel qui serait chargé de réunir l'ensemble des éléments
d'information sur ces sujets. Mais, à ce stade, je le répète, il n'est pas
possible au Gouvernement d'émettre un avis favorable sur cet amendement. Si
Jacques Oudin, au bénéfice des informations que je lui ai données et des
perspectives de travail en commun que je lui ai offertes, n'acceptait pas de le
retirer, je serais obligé de demander au Sénat de le rejeter.
M. le président.
Monsieur Oudin, maintenez-vous l'amendement n° I-102 rectifié ?
M. Jacques Oudin.
Je vous ai bien écouté, monsieur le ministre, mais, en dépit de toute l'amitié
et de l'estime que je vous porte, je ne peux pas vous suivre. Dieu sait
pourtant si j'ai envie de soutenir le Gouvernement !
S'il y a vraiment deux secteurs dans lesquels les aléas sont du même ordre, ce
sont bien l'agriculture et la pêche. Je dirai même que les risques liés aux
produits de la mer sont bien plus forts encore que les risques tenant aux
cultures et au bétail.
Des manifestations ont déjà eu lieu, et il y en aura encore bientôt.
Pensez-vous qu'un agriculteur serait prêt à réduire du jour au lendemain sa
production de 40 %, 50 % ou 60 % ? Or c'est ce qui se produit désormais chaque
année dans le secteur de la pêche !
Même si, effectivement, la pêche et l'agriculture relèvent du même ministère,
que les négociations se font de la même façon, les risques - je les ai tous
énumérés - sont encore plus grands dans la pêche. J'ajoute qu'en cas de tornade
l'agriculteur peut se mettre à l'abri, contrairement au marin pêcheur qui, lui,
coule avec son bateau. Je ne peux donc pas accepter la comparaison que vous
faites, monsieur le ministre,
Vous affirmez que ma proposition n'est pas compatible avec le droit
communautaire, je demande à voir.
Une négociation extrêmement difficile doit intervenir dans moins d'un mois ;
la communauté nationale ne peut pas, selon moi, se désintéresser de ses marins
pêcheurs. Je me demande d'ailleurs si le coût de l'indemnisation des marins
pêcheurs obligés de cesser leur activité ne serait pas supérieur à celui de la
mesure que je vous propose.
Je regrette que nos opinions soient divergentes mais, au nom de l'ensemble des
professions de la pêche dont je connais les difficultés, ayant eu l'occasion, à
plusieurs reprises, au Sénat, de voir leurs représentants - ils étaient encore
dans cette maison mardi dernier pour y rencontrer M. Hervé Gaymard - je demande
à mes collègues de voter cet amendement. Je crois en effet que cette mesure
répond à un besoin réel et qu'elle rassurera une profession qui, je le répète,
s'est trouvée confrontée, au cours des dernières années, à des pertes et des
difficultés que n'a connues aucune autre profession en France.
M. le président.
Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet échange est très intéressant.
Monsieur Oudin, tout en partageant l'orientation générale de votre propos, je
souhaiterais, au nom de la commission, que vous acceptiez de retirer votre
amendement, et ce pour plusieurs raisons.
La première est d'ordre technique, car le dispositif tel qu'il est décrit peut
donner l'illusion à d'autres professions qu'elles seraient susceptibles de
bénéficier du même mécanisme de déduction. Or, il faut qu'il puisse
spécifiquement s'appliquer aux situations que vous venez d'évoquer.
La seconde raison a trait à des questions d'assurance, dont j'ai déjà fait
état et qui sont très délicates. De ce point de vue, des améliorations
devraient pouvoir être apportées en concertation avec les assureurs. Aussi
longtemps que cela ne sera pas fait, la rédaction de l'amendement, qui comporte
une définition des risques à couvrir, ne paraît pas juridiquement assez
précise. En effet, on ne peut pas transposer mécaniquement la déduction pour
aléas agricoles au secteur de la pêche si l'on n'arrive pas à élucider, comme
c'est absolument nécessaire, cette question de l'« assurabilité » des risques
spécifiques aux métiers de la pêche.
Sans même invoquer le coût de la mesure, n'ayant pas d'évaluation suffisamment
crédible sous les yeux, je peux néanmoins préciser que la DPA des agriculteurs
est évaluée par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à 27
millions d'euros. Il est clair que, s'agissant du secteur de la pêche, qui est
beaucoup plus restreint, l'enjeu financier n'est pas considérable.
Sans même invoquer cette dernière raison, mais surtout en me fondant sur les
quelques imperfections que j'ai relevées, il me semble nécessaire de revoir la
rédaction de cet amendement.
Peut-être pourra-t-on progresser sur cette question dans les semaines à venir.
Vous venez de nous dire que M. Hervé Gaymard s'entretenait actuellement avec
les représentants de la profession. Par ailleurs, M. Alain Lambert nous a dit
qu'il était très ouvert à la constitution d'un groupe
ad hoc
.
Monsieur le ministre, est-il possible d'aller un peu plus loin ou un peu plus
vite pour s'efforcer de trouver les bonnes modalités, en concertation avec la
profession de la pêche, de façon que, ici, nous n'ayons pas le sentiment que
les artisans pêcheurs restent, si j'ose dire, au bord du chemin ?
M. Jean-Pierre Masseret.
Ou plutôt de la rive !
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Masseret.
Le groupe socialiste est sensible à l'amendement de Jacques Oudin.
Venir à l'appui d'un amendement déposé par la majorité du Sénat, ou par une
fraction de cette majorité, alors qu'on est dans l'opposition peut paraître un
peu suspect, voire un peu politicien.
(Sourires sur les travées du RPR.)
Je ne crois pas qu'un groupe de travail
ad hoc,
bien que ce soit tout à
fait à propos pour la marine
(Sourires)
- c'était un peu facile, je le
reconnais ! - soit la solution au problème évoqué.
Jacques Oudin a été alerté, comme nous-mêmes par des amis, de ce problème qui
est très important. Peut-être cet amendement permettra-t-il que soit plus
rapidement prise en compte cette question à laquelle la Fédération française
des sociétés d'assurances pourrait également apporter des éléments de réponse.
Mais, d'ici là, si l'amendement est maintenu, nous le voterons.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, nous avons si souvent évoqué ensemble ce problème au cours des
années passées ! De grâce, ne faisons pas de la loi un compte rendu de
conversations. La loi, c'est la norme pour tous les Français.
Nous sommes ici précisément face à un problème qui fait l'objet d'un examen
que l'on pourrait qualifier de simultané par deux ministères, et vous voudriez
par anticipation introduire dans la loi un texte dont la portée n'est même pas
maîtrisée. Cela ne me paraît pas raisonnable.
Sans vouloir porter atteinte à la dignité de la cause qui a été défendue par
M. Jacques Oudin, je remarque simplement que le texte de l'amendement n° 102
rectifié, tel qu'il est rédigé, vise un nombre d'activités qui n'est pas
défini.
J'ai entendu votre préoccupation, monsieur Oudin, et j'ai pris devant vous
tous les engagements pour que nous examinions la façon dont nous pouvons
traduire cette préoccupation dans la loi ; mais je crois aussi que, par votre
vote, vous montrerez l'idée que vous vous faites de la norme que vous élaborez.
Je le répète, si la loi des Français devient un simple compte rendu de débats,
je suis inquiet pour l'avenir de notre législation.
C'est pourquoi j'implore M. Oudin de retirer son amendement, faute de quoi je
demande au Sénat de le repousser. Cela ne signifie pas que sa préoccupation est
écartée. Cela veut simplement dire que, dans l'état actuel des choses, son
texte ne peut pas être adopté.
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud.
Le groupe CRC soutient l'amendement n° 102 rectifié. Comme M. Oudin, je suis
convaincu que la pêche est un métier à risques et que nous devons permettre aux
pêcheurs d'exercer leur métier dans de bonnes conditions de travail et de
rémunération.
Vous connaissez aussi notre soutien aux artisans pêcheurs, et c'est en ce sens
- je n'ajouterai rien à ce qui a été dit par nos collègues -, que nous
soutiendrons l'amendement n° 102 rectifié, qui, déjà déposé l'année dernière en
des termes presque identiques, avait été rejeté.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud, pour explication de vote.
M. Jean-Philippe Lachenaud.
Il faut avoir bien conscience que la pêche est très menacée sur l'ensemble des
côtes de France. Les circonstances, tout particulièrement cette année, ont
montré que l'exercice de ce métier était très dangereux, pour des résultats
extrêmement aléatoires. J'ai donc envie de voter l'amendement n° I-102 rectifié
et d'apporter mon soutien à Jacques Oudin.
M. le rapporteur général considère que la rédaction de l'amendement doit être
revue. Si cette dernière pose des problèmes juridiques, techniques et
financiers, cela suscite évidemment notre réflexion. La solution ne serait-elle
pas que nous votions l'amendement et que la deuxième lecture du projet de
budget ou l'examen du projet de loi de finances rectificative soit mis à profit
pour nous présenter un texte qui soit applicable ? En adoptant l'amendement,
nous donnerions ainsi au Gouvernement une orientation positive, un principe
indispensable tenant compte de la situation économique et humaine des
entreprises de pêche sur l'ensemble des côtes de France.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce matin, la commission s'est réunie pour examiner
l'ensemble des amendements, et a adopté des positions communes. Elle a
notamment manifesté sa sympathie à l'égard de l'orientation tracée par Jacques
Oudin, mais elle lui a demandé de retirer son amendement.
Ayant été mandaté par la commission pour faire respecter ses positions, je
demande donc une nouvelle fois à notre collègue, tout en souscrivant aux
préoccupations qui ont été exprimées, de bien vouloir retirer cet amendement. A
défaut, la commission émettra un avis défavorable en appelant au rejet par
scrutin public.
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant.
L'amendement présenté par notre collègue M. Oudin est un amendement de bon
sens. Il s'appuie sur une connaissance des réalités locales qui me paraît
fondamentale. Si le législateur fait certes la loi, n'oublions cependant pas
que les parlementaires ont été désignés par le peuple souverain pour voter la
loi en son nom. Il est donc de notre devoir de rester ancrés au réel. Cet
amendement concerne les artisans pêcheurs, c'est-à-dire des producteurs, des
personnes qui contribuent à « créer de la richesse », pour reprendre une
expression employée souvent dire de l'autre côté de cet hémicycle, et,
indirectement, de l'emploi.
Par ailleurs, nous savons tous que la pêche, dans notre pays, est une activité
menacée et, comme l'a dit M. Oudin, que les conditions d'exploitation sont
difficiles. Objectivement, on peut même dire, entre nous, que les autorités de
Bruxelles n'aident guère ce secteur en édictant des normes qui, au nom de la
libre concurrence, constituent plutôt un frein à la survie de cette
activité.
Enfin, personne n'a parlé du coût budgétaire de cet amendement, qui me paraît
relativement modeste. Par conséquent, si le Gouvernement reconnaît le
bien-fondé de cet amendement, en mesurant comme nous l'urgence qu'il y a à
aider les artisans pêcheurs, qu'il nous laisse alors tranquillement adopter cet
amendement. Je ne suis pas inquiet, il sera toujours temps pour les services de
Bercy d'obliger le ministre délégué au budget ou le ministre de l'économie, des
finances et de l'industrie à le modifier.
A titre personnel, je voterai donc cet amendement. S'il advenait que mon
collègue M. Oudin cède à la pression amicale exercée sur lui par la commission
et le Gouvernement, j'indique par avance que je reprendrais son amendement.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Dans ces conditions, j'invoque l'article 40 de la
Constitution.
M. le président.
Monsieur le rapporteur général, l'article 40 de la Constitution est-il
applicable ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
L'article 40 étant applicable, l'amendement n° I-102 rectifié n'est pas
recevable.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-27, présenté par MM. César, Bailly, Doublet, Leroy, Mathieu,
Murat, Natali, Peyrat, de Richemont, Rispat, Valade et Vasselle, est ainsi
libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La dernière phrase du quatrième alinéa du I de l'article 72 D
bis
du code général des impôts est supprimée.
« II. - Au cinquième alinéa du I du même article, les mots : "pour les emplois
prévus au troisième alinéa du I de l'article 72 D ou" sont supprimés.
« III. - La première phrase du sixième alinéa du I du même article est
supprimée.
« IV. - La perte de recettes pour l'Etat résultant des I à III ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-108, présenté par M. Franchis et les membres du groupe de
l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La dernière phrase du quatrième alinéa du I de l'article 72 D
bis
du code général des impôts est supprimée.
« II. - Dans le cinquième alinéa du I dudit article, les mots : "pour les
emplois prévus au troisième alinéa du I de l'article 72 D ou" sont
supprimés.
« III. - La première phrase du sixième alinéa du I dudit article est
supprimée.
« IV. - Les pertes de recettes résultant des I, II, III sont compensées, à due
concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-27 n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l'amendement n° I-108.
Mme Anne-Marie Payet.
Le monde agricole se félicite de la reconnaissance, à travers la déduction
pour aléas des risques spécifiques propres à ce secteur et justifiant la mise
en place de systèmes particuliers.
Pour autant, la DPA, telle qu'elle est proposée, ne pourra pas être mise en
oeuvre dans la pratique. Un certain nombre d'éléments techniques contenus dans
ce dispositif laissent à penser que l'option ne sera levée que par un nombre
très réduit d'exploitants agricoles, lesquels risquent, à terme, d'être
pénalisés.
Le mécanisme conçu prévoit, en effet, la constitution d'une réserve sur un
compte bancaire. La philosophie est très claire et s'inscrit dans la suite du
rapport Babusiaux sur l'assurance récoltes. Ce rapport préconise la création
d'une véritable épargne disponible afin de conforter la trésorerie de
l'exploitation en cas de survenance de l'aléa couvert.
Le prélèvement s'effectuerait sur les recettes de l'exercice, dans la limite
d'un plafond. Ces sommes seraient réintégrées dans les cinq exercices suivant
leur déduction pour la couverture d'un aléa ou un objet identique à celui de la
déduction pour investissement.
Le dispositif prévoit ainsi, pour les personnes levant l'option,
l'impossibilité de pratiquer dans le même temps des déductions pour
investissement.
Or, cette « fusion » des deux mécanismes au sein de la DPA ne se justifie pas
et ferait probablement avorter toute tentative d'utilisation de la DPA. Les
deux mécanismes DPI et DPA n'ont pas vocation à traiter les mêmes
préoccupations au regard de l'entreprise agricole.
Le mécanisme de la DPI a été institué et permet aux entreprises du secteur
agricole de faire face à leurs investissements, de supporter le poids des
stocks et de favoriser leur développement.
La DPA, au contraire, a pour objet la constitution d'une « assurance »
personnelle par capitalisation, afin de couvrir des risques d'exploitation qui
devront être définis.
Ainsi, pour la DPA, la mise en épargne « physique » des sommes déduites se
justifie. En revanche, le financement d'investissements ou de stocks par cette
technique revient, au contraire, à pénaliser l'entreprise de tout effort
d'amélioration de ses fonds propres en la privant de trésorerie. Le prélèvement
des sommes sur les recettes et non sur les bénéfices enlève ainsi tout effet
économique et financier à cette nouvelle mesure.
Pour ces raisons, il ne paraît pas raisonnable de vouloir opérer un « mélange
des genres » autour de deux dispositifs dont les objectifs sont primordiaux,
mais totalement indépendants.
Ces deux schémas doivent pouvoir se cumuler. Il est ainsi proposé dans
l'amendement que la déduction pour aléas n'ait que ce seul objet et que les
sommes épargnées selon ce dispositif ne puissent être utilisées que pour la
seule couverture d'un risque d'exploitation.
Parallèlement et prioritairement, les exploitations agricoles doivent pouvoir
financer leurs investissements, favoriser leur développement et assurer leur
pérennité. Il ne servira à rien pour une entreprise de s'assurer contre un aléa
si, avant la survenance de cet épisode, par nature incertain et aléatoire, elle
« meurt » asphyxiée par auto-strangulation.
Nous sommes ainsi convaincus de l'importance de la progression exprimée dans
l'exposé des motifs de la DPA. Mais pour qu'elle puisse s'exprimer totalement
et efficacement, l'amendement proposé vise à restreindre le champ d'application
de la DPA à son objet premier, à savoir la couverture d'un risque
d'exploitation.
De surcroît, il faut permettre aux entreprises de développer leurs fonds
propres, en leur donnant la possibilité de pratiquer des déductions pour
investissements indépendamment de toute référence à la DPA et de manière
cumulée si la bonne gestion de l'exploitation le commande.
Ces deux mécanismes doivent donc être totalement indépendants et leur mise en
oeuvre, cumulée ou alternative, doit émaner d'un choix de gestion opéré par
l'exploitant chaque année et non d'une décision de la loi.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d'adopter cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Afin d'éviter d'avoir à le répéter ultérieurement, je
formulerai quelques remarques liminaires sur la série des amendements agricoles
que nous allons examiner.
Bien entendu, la commission a beaucoup d'estime pour les professions
représentées et examine avec un très grand intérêt les suggestions qui lui sont
faites. Mais, si les organisations représentatives de l'agriculture pouvaient
se prêter à une réflexion en amont du projet de loi de finances à propos de
dispositifs aussi complexes, et ce afin que nous puissions les expertiser, les
examiner dans le cadre d'une politique fiscale, alors, nous pourrions mieux
travailler et, peut-être convaincre le Gouvernement sur certains dispositifs
sollicités.
Lorsque, abordant la discussion des articles, nous avons à examiner des sujets
très complexes que nous ne sommes pas en mesure d'expertiser dans le court laps
de temps qui sépare le dépôt des amendements et la séance publique, nous devons
naturellement faire preuve de beaucoup de prudence. C'est pourquoi, chaque
année, nous sommes quelque peu frustrés par les méthodes utilisées pour
soumettre à notre assemblée les propositions d'amélioration de la fiscalité
agricole.
Cet amendement vise, en faisant référence aux nouveaux mécanismes de dotation
pour aléas créés par la loi de finances pour 2002, à découpler totalement ce
mécanisme de celui de la déduction pour investissement dont bénéficient
aujourd'hui les exploitants agricoles et à permettre à ces derniers de cumuler
les deux avantages.
Il nous semble que la coexistence des deux dispositifs de déduction fiscale
n'est pas choquante, que cette coexistence introduit une certaine souplesse
d'application du dispositif de la dotation pour aléas et que, dans certains
cas, la déduction pour investissement peut continuer d'exister seule, l'article
72 D du code général des impôts n'ayant pas été abrogé.
Rendre impossible, comme le souhaiteraient les auteurs des amendements dont il
s'agit, toute possibilité d'utiliser le nouveau mécanisme de déduction pour
aléas à des fins d'investissement ne nous semble pas nécessairement très
opportun, car cela viderait de son sens, d'une certaine manière, la nouvelle
dotation pour aléas.
Voilà, ma chère collègue, les quelques éléments d'information que je voulais
vous apporter, tout en vous confirmant que la commission sera ultérieurement
tout à fait à la disposition des collègues concernés et des professions
intéressées pour faire évoluer les règles applicables.
Dans l'immédiat, il nous semble cependant nécessaire que cet amendement n°
I-108 soit retiré.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pour ne pas faire perdre de temps au Sénat tout à
l'heure, je n'ai pas à nouveau demandé la parole. Je souhaite cependant
ajouter, s'agissant des marins pêcheurs, que j'ai entendu votre préoccupation,
et que je souhaite y donner suite.
Je propose qu'un groupe de travail composé de représentants des professions,
des ministères concernés, des élus des régions touchées et des représentants
des assurances ainsi que des commissions des finances du Sénat et de
l'Assemblée nationale soit immédiatement constitué. Nous pourrons ainsi
travailler dans les meilleures conditions.
Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement est
véritablement à votre écoute sur ces problèmes.
S'agissant de la fiscalité agricole, en ce début de législature, comme le
rapporteur général l'a précisé, il faut changer notre méthode de travail. La
fiscalité agricole est extraordinairement dérogatoire, et donc très complexe.
Si nous voulons vraiment lui donner du sens et faire en sorte que les
redevables y comprennent eux-mêmes quelque chose, il faut sortir de la logique
des amendements qui sont déposés deux jours avant le début de la discussion et
qui ne peuvent donc pas donner lieu à une expertise complète.
Madame Payet, l'amendement que vous nous avez présenté pose effectivement le
problème de l'impossibilité actuelle de pratiquer en même temps une déduction
pour investissement et une déduction pour aléas.
Pour autant, dans sa rédaction actuelle, cet amendement ne résout pas le
problème, et un travail de fond, tel que celui que le rapporteur général a
proposé, est tout à fait nécessaire. Il faut, je le répète, que ce travail de
fond soit mené en collaboration avec le monde agricole et les assureurs. Il
faudra aussi réfléchir au calibrage de la déduction pour aléas dès lors qu'elle
deviendrait, dans l'hypothèse que vous évoquez, cumulable avec la déduction
pour investissement.
C'est la raison pour laquelle, comme je viens de le faire pour l'amendement
présenté par M. Oudin, je vous demande, madame le sénateur, de bien vouloir
retirer votre amendement. Encore une fois, je prends l'engagement devant vous
qu'un examen approfondi sera fait afin que puissent être adoptées des
dispositions non seulement conformes aux règles mais aussi maîtrisées du point
de vue de leur coût et de leur utilité pour le secteur concerné.
Plus généralement, je voudrais insister sur la remarque du rapporteur général
en ce début de législature : il faut véritablement abandonner la pratique des
amendements déposés au tout dernier moment, car ils sont examinés dans la
précipitation, ce qui ne me semble pas la meilleure façon d'améliorer la norme
fiscale.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Cela crée de la complexité !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je souhaite donc le retrait de l'amendement n° I-108. A
défaut, j'en demanderai le rejet.
M. le président.
La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré.
Avec le recul que me donne ma situation de sénateur de la ville, je voudrais
présenter quelques remarques dans ce débat sur la fiscalité agricole.
(Sourires.)
Je suis bien placé pour le dire : ce n'est pas à la profession agricole de
faire la loi, c'est au Parlement. S'il est donc bon que la profession agricole
nous fasse connaître ses préoccupations, ses ambitions, ses inquiétudes, ses
angoisses et ses difficultés, il serait bon qu'un groupe de travail procède, au
sein de la Haute Assemblée, à cette réflexion. Pour ma part, je suis prêt à y
participer.
Avant même de savoir si Anne-Marie Payet retirera ou pas l'amendement n° I-108
qu'elle a présenté au nom du groupe auquel j'appartiens et qui reprend
l'amendement n° I-27 qui n'a pas été défendu, je voudrais dire que le souci des
auteurs de cet amendement était de permettre au mécanisme de la déduction pour
aléas de fonctionner.
Au cas où cet amendement serait retiré, ce que j'imagine, je m'empresse de
demander au Gouvernement de bien vouloir faire le point dans un an pour voir si
nos inquiétudes sont fondées ou pas, pour savoir si l'existence de la DPI a nui
au nouveau mécanisme de la DPA ou si, inversement, la DPA gêne le bon
fonctionnement de la DPI.
C'est un sujet sur lequel il nous faut un peu de recul, afin de bien monter
l'opération.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Masseret.
Je n'expliquerai mon vote ni en tant que sénateur des villes ni en tant que
sénateur de la campagne, mais tout simplement en tant que sénateur de la
République !
(Sourires.)
M. Henri de Raincourt.
C'est déjà pas mal !
M. Jean-Pierre Masseret.
J'ai entendu M. le ministre dire qu'il souhaitait mettre en place un groupe de
travail sur les questions de la pêche. Dont acte ! C'est certainement une
excellente initiative.
Je souhaite simplement que l'ensemble des sensibilités politiques concernées
puissent être représentées au sein de ce groupe de travail.
(M. le ministre
délégué fait un signe d'acquiescement.)
Je n'en doutais pas, mais je tenais
à le rappeler !
Je voudrais maintenant taquiner c'est le terme Philippe Marini, qui vient de
se plaindre du nombre important d'amendements agricoles venant subrepticement
encombrer le débat alors que la commission manque du recul suffisant pour
analyser les conséquences de telle ou telle proposition : monsieur le
rapporteur général, quand vous étiez dans l'opposition et que le gouvernement
était d'une autre sensibilité, en l'occurrence de gauche, vous ne vous en
plaigniez pas ! A l'époque - j'ai une certaine expérience puisque j'ai été élu
sénateur la même année que Jean Arthuis, en 1983 - Dieu sait si les amendements
agricoles ne manquaient pas ! Mais de cela, vous n'en parlez pas.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Il est vrai que Jean-Pierre Masseret est
taquin !
(Sourires.)
Il est vrai aussi que je n'interviens pas pour
venir au secours de M. Marini. Cela dit, je tiens à rappeler devant le Sénat
que le rapporteur général et ses deux prédécesseurs ont eu des positions
constantes, et qu'il est bon qu'en début de discussion des articles de la
première partie du projet de loi de finances nous puissions fixer quelques
principes.
Les uns et les autres, nous ne manquons jamais d'insister sur l'exigence de
simplification des textes fiscaux. Or, je me permets de vous le faire observer,
c'est en votant des amendements comme celui-ci que nous « fabriquons » de la
complexité.
Par conséquent, avant d'amender, ayons à l'esprit les conséquences de nos
propositions sur le plan comptable, sur le plan déclaratif et au regard des
éventuels contentieux qui peuvent en résulter.
En l'occurrence, le dispositif est intéressant mais, s'il est des cas où il
est certainement équitable, j'ai peur que l'imagination de ceux qui recherchent
l'optimisation fiscale n'aboutisse à des résultats qui ne répondraient pas à
l'exigence d'équité.
Si nous étudions avec méthode les amendements qui portent sur des sujets aussi
essentiels, si nous préparons les textes en veillant à leur cohérence, nous
rendrons un bon service à nos concitoyens et aux contribuables.
La commission des finances prend l'engagement de constituer un groupe de
réflexion sur la fiscalité de l'agriculture et de la pêche. Nous pourrons
également organiser une sorte de table ronde avec les professionnels concernés.
Ainsi, l'année prochaine, lors de la discussion du projet de loi de finances,
discuterons-nous de textes que nous aurons pu expertiser afin d'en mesurer
toutes les conséquences.
(Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Monsieur Masseret, j'avais tenu à peu près les mêmes
propos sur la fiscalité agricole - le président de la commission de l'époque
doit s'en souvenir - il y a un an et dans les mêmes circonstances. Donc, quel
que soit le gouvernement, la position exprimée est tout à fait constante sur la
méthode.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin, pour explication de vote sur l'amendement n°
I-108.
M. Jacques Oudin.
Tout d'abord, je remercie M. le ministre délégué au budget d'avoir proposé de
former un groupe de travail. Cela réconfortera les intéressés.
Ensuite, je rappelle que, en matière de politique commune de la pêche, il y a
une échéance très lourde : la révision qui doit être opérée lors de la
troisième semaine du mois de décembre. La situation risque d'être difficile
pour la France. Il faudra se mobiliser pour défendre nos intérêts et, surtout,
les intérêts des marins pêcheurs. Il serait donc souhaitable que ce groupe de
travail se réunisse rapidement.
S'agissant de l'amendement n° I-108, j'avais moi-même été, il y a plusieurs
années, à l'origine d'un amendement sur la déduction pour investissement, et je
peux constater le chemin parcouru depuis lors.
Lorsque les marins pêcheurs étaient venus me voir, ils souhaitaient bénéficier
du même régime que les agriculteurs : la DPA et la DPI. Je leur avais répondu
que je défendrais la DPA, mais pas la DPI en même temps. Tout ce qui a été dit
à propos de ces deux amendements me paraît donc raisonnable !
M. le président.
Madame Anne-Marie Payet, l'amendement n° I-108 est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet.
Après les précisions apportées par M. le ministre délégué au budget et par M.
le président de la commission des finances, et après les engagements qu'ils ont
pris, j'accepte de retirer l'amendement.
M. Jean-Pierre Masseret.
Les engagements !
M. le président.
L'amendement n° I-108 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-22, présenté par MM. François, Hyest, Dubrule, Braye, de
Broissia, Calmejane, Doublet, Leclerc, Natali, Oudin, Rispat, Schosteck et
Vasselle, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel, ainsi rédigé :
« I. - Après le deuxième alinéa de l'article 151
septies
du code
général des impôts, sont insérés cinq alinéa ainsi rédigés :
« L'exonération est également acquise sous les mêmes conditions dans les
proportions suivantes lorsque les recettes n'excèdent pas 305 200 EUR :
« - 80 % lorsque les recettes sont supérieures à 152 600 EUR et inférieures ou
égales à 183 120 EUR ;
« - 60 % lorsque les recettes sont supérieures à 183 120 EUR et inférieures ou
égales à 213 640 EUR ;
« - 40 % lorsque les recettes sont supérieures à 213 640 EUR et inférieures ou
égales à 267 050 EUR ;
« - 20 % lorsque les recettes sont supérieures à 267 050 EUR et inférieures ou
égales à 305 200 EUR. »
« II. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus est compensé
à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus
aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-114 rectifié, présenté par MM. de Raincourt, du Luart,
Bourdin, Clouet, Lachenaud, Trucy et Oudin, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel, ainsi rédigé :
« Dans le deuxième alinéa de l'article 151
septies
du code général des
impôts, la somme : "152 600 EUR" est remplacée par la somme : "305 200 EUR".
»
« II. - Après le deuxième alinéa de l'article 151
septies
du code
général des impôts sont insérées les dispositions suivantes :
« Une exonération partielle s'applique, dans les proportions suivantes, et
sous les mêmes conditions que celles prévues au premier alinéa, aux plus-values
réalisées dans le cadre d'une activité agricole par des contribuables dont la
moyenne des recettes, toutes taxes comprises, encaissées au cours des deux
années civiles qui précèdent celle de leur réalisation, n'excède pas 500 000
EUR :
« - 66 % lorsque la moyenne des recettes est comprise entre 305 200 EUR et 400
000 EUR ;
« - 33 % lorsque la moyenne des recettes est comprise entre 400 000 EUR et 500
000 EUR. »
« III. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat résultant du I et du II
ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Jacques Oudin, pour présenter l'amendement n° I-22.
M. Jacques Oudin.
La fiscalité des plus-values professionnelles est un frein essentiel à la
transmission de l'entreprise agricole. Dans la plupart des cas, le patrimoine
professionnel représente la quasi-totalité du patrimoine familial à
transmettre. Il devient dès lors presque impossible d'envisager une
transmission à titre gratuit qui satisfasse les intérêts légitimes des enfants
qui ne se consacrent pas à l'agriculture, l'intérêt de celui qui continue
l'exploitation et des parents.
De ce fait, la plupart des transmissions d'exploitation se font à titre
onéreux, notamment par apport en société, afin de faciliter la transmission du
patrimoine. Les transmissions, qu'elles s'opèrent à titre gratuit ou à titre
onéreux, n'engendrent pas un flux financier équivalent à la valeur du bien
transmis.
La taxation des plus-values professionnelles obère sérieusement la
transmission de l'entreprise, mettant ainsi l'investissement en péril et
contraignant à le réduire afin de faire face à la charge fiscale.
Un début de réponse a été apportée avec l'exonération des plus-values
réalisées par les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 152
000 EUR. Néanmoins, ce mécanisme d'exonération des plus-values est mal adapté à
la vie de ces entreprises puisqu'il instaure un seuil « couperet » assez bas,
152 600 EUR, à partir duquel la totalité des plus-values dégagées sont
taxables.
Afin de ne pas pénaliser la transmission des exploitations et de favoriser
l'installation des jeunes agriculteurs, cet amendement a pour objet de mettre
en place un mécanisme de taxation progressive des plus-values d'actifs. Ainsi,
l'exonération pourra être acquise, de manière dégressive et par palier,
jusqu'au double du plafond actuel de recettes.
M. le président.
La parole est à M. Henri de Raincourt, pour présenter l'amendement n° I-114
rectifié.
M. Henri de Raincourt.
J'ai écouté avec la plus grande attention les recommandations exprimées à
l'instant par le président de la commission des finances et le rapporteur
général. J'y souscris d'autant plus que je ne me sens pas concerné, mon
amendement n'ayant pas été déposé, dans la précipitation, ces derniers jours :
j'avais en effet déposé un amendement quasiment identique sur le projet de loi
de finances pour 2002.
(Sourires.)
Et l'année dernière, j'avais eu le bonheur de constater que
cet amendement avait bénéficié, d'une part, d'un avis favorable de la
commission des finances et, d'autre part, d'un vote positif du Sénat.
N'ayant pu concrétiser ma bonne action l'année dernière, je me sens tout
naturellement et spontanément autorisé à redéposer mon amendement. Toutefois,
je l'ai sensiblement amélioré. Les perspectives qui me sont offertes sont donc
encore plus prometteuses, je l'espère du moins.
Cet amendement est presque le même que celui que vient de présenter à
l'instant mon ami Jacques Oudin, puisqu'il traite des plus-values en matière
agricole et qu'il porte également le seuil à partir duquel ces plus-values
s'appliquent à 305 200 euros. Je rappelle que ce n'est pas un chiffre
fantaisiste puisque le seuil date de 1988. Quinze ans sont passés sans aucune
évolution ! Est-ce trop demander que de doubler ce seuil aujourd'hui ?
Mon système est néanmoins plus simple en matière de paliers puisqu'il permet
d'éviter certains effets couperets trop brutaux. Je suggère simplement deux
paliers au-delà de ces 305 200 euros avant d'atteindre le seuil des plus-values
à partir duquel elles s'appliquent en totalité.
J'attire l'attention du Sénat et du Gouvernement sur la situation de
l'agriculture. Il est indispensable de revoir rapidement et plus globalement la
fiscalité agricole. La situation agricole, pour la quasi-totalité de ses
activités, est aujourd'hui extrêmement difficile, voire, à certains égards,
tragique. Le nombre d'exploitations aujourd'hui en déficit est considérable.
De plus, les perspectives d'élargissement de l'Europe en 2004 nourrissent de
nombreuses interrogations chez les agriculteurs.
Enfin, les perspectives de réforme de la politique agricole commune en 2006
accentuent également le sentiment de malaise et d'inquiétude des agriculteurs,
sentiment qui entraînera une diminution très rapide et très importante du
nombre des exploitations.
C'est la raison pour laquelle, je me permets, avec une certaine insistance,
voire une certaine solennité, d'attirer l'attention du Gouvernement et du Sénat
sur cette situation. A une époque où ce secteur est véritablement à la croisée
des chemins, où le nombre des agriculteurs va diminuer dans des proportions
considérables, le seul moment où l'agriculteur pourra peut-être récupérer
quelques fonds pour terminer son existence dignement, c'est lors de la cession
de son exploitation. L'Etat serait donc malvenu de taxer les plus-values
professionnelles d'une manière excessive.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Comment ne pas être sensible à de tels propos ? Il
est clair que, dans notre pays, de mauvaises habitudes ont été prises en
matière de fiscalité avec les prélèvements rampants qui existent dans bien des
domaines.
Monsieur le ministre, voilà peu, nous avons posé la question des seuils qui
n'avaient pas été réactualisés depuis longtemps. Nous avons même demandé un
vote global, afin que le Sénat et le Gouvernement prennent conscience de la
pénalisation implicite, progressive et finalement très lourde qu'entraîne la
non-révision d'un grand nombre des seuils figurant dans le code général des
impôts.
M. de Raincourt vient de nous donner un excellent exemple avec le seuil
d'exonération des plus-values professionnelles, fixé depuis 1988 à 152 600 EUR,
soit un peu plus d'un million de francs. Puisqu'il parlait de transmission, il
y a encore un meilleur exemple de portée générale : celui de la première
tranche du barème des droits de succession, fixée à 50 000 francs depuis 1959
et jamais modifiée sous aucune des majorités successives.
A l'occasion d'un travail que j'ai récemment effectué pour le compte de la
commission...
M. Jean Arthuis,
président de la commission.
Excellent travail !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... et dont elle a eu connaissance, j'ai noté qu'en
termes réels le taux moyen d'imposition pour une part héritée de 150 000 EUR a
augmenté, depuis l'origine, du fait de la non-évolution de ce seuil, de plus de
700 %, alors que jamais le Parlement n'a voté sur ce sujet et que jamais aucune
décision explicite n'a été prise. C'est bien de cela qu'il s'agit dans le cas
particulier qui nous occupe : la taxation des plus-values professionnelles
réalisées dans le cadre d'une activité agricole.
A l'occasion de la discussion des articles de la deuxième partie du projet de
loi de finances pour 2003, je déposerai un amendement de principe sur cette
thématique des prélèvements rampants afin d'appliquer à un certain nombre de
dispositions du code général des impôts cette volonté de clarté et de
transparence dans les choix qui suppose, à partir du moment où l'on a voté un
chiffre représentant une valeur économique, qu'on maintienne cette dernière
constante. Si on ne le fait pas, on choisit implicitement - c'est en quelque
sorte un choix caché, mais réel - d'alourdir le prélèvement. Au contraire, si
l'on actualise tous les seuils au même rythme, ce qui est le cas des seuils de
l'impôt sur le revenu, en vérité, on maintient les prélèvements et donc la
politique fiscale dans les conditions d'origine.
Sur le principe, la mesure est très intéressante, car elle permettrait
d'assouplir les conditions de transmission pour les exploitants agricoles qui
en ont sûrement besoin compte tenu du contexte économique qui a été rappelé et
de l'angoisse liée à la révision de la politique agricole commune et à
l'élargissement de l'Union européenne. Elle rendrait fiscalement moins
douloureuses les transmissions pour le cédant. Enfin, elle répondrait à une
préoccupation très largement présente dans les milieux professionnels,
particulièrement chez les agriculteurs, quelle que soit la taille de
l'exploitation.
Cela dit, mes chers collègues, M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat, va
prochainement nous présenter un projet de loi sur l'initiative économique qui,
d'après les informations qui m'ont été données, permettrait de traiter
différents problèmes touchant aux activités agricoles, artisanales,
commerciales ou libérales. M. le ministre délégué au budget et à la réforme
budgétaire nous le confirmera sans doute.
Sous réserve de cette confirmation, je dirai à MM. Jacques Oudin et Henri de
Raincourt que la situation a changé par rapport à l'an dernier
(sourires),
en ce sens qu'un secrétaire d'Etat comprend les problèmes de
ces professions et est sur le point de soumettre aux assemblées parlementaires
un texte susceptible de les résoudre.
Je renvoie donc nos collègues et amis à la discussion de ce texte qui devrait
intervenir au tout début de l'année 2003. Mais la commission souhaite connaître
l'avis du Gouvernement sur les deux amendements qui nous ont été présentés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Sur un plan économique, je suis en total accord avec M.
le rapporteur général lorsqu'il nous explique que le Parlement fait un choix «
inavoué, implicite, caché » en n'actualisant pas les seuils. Il faudrait aller
jusqu'au bout de la démarche, y compris pour les dépenses, afin de vraiment
acter les gains de productivité que font nos administrations publiques - ce
serait leur faire injure de croire qu'elles n'en font pas - et d'ajuster les
crédits en dépenses à due concurrence de l'impact qu'aurait cet ajustement des
seuils pour la fiscalité ! En effet, dès lors qu'il y a moins de recettes
fiscales, vous imaginez bien que les dépenses doivent être ajustées en
conséquence ! Ce n'est qu'une simple remarque de méthode mais, connaissant
votre grande sagesse, je suis sûr que vous y souscrirez.
(Sourires.)
J'en viens au problème visé par les deux amendements : la transmission des
exploitations agricoles qui est, comme l'a dit M. de Raincourt, vitale pour
l'avenir du monde rural. Le Gouvernement en est parfaitement conscient, il est
très important de la faciliter sur les plans tant juridique que fiscal en
raison de la démographie des agriculteurs.
Je tiens à dire aux auteurs de ces amendements que le Gouvernement veillera à
ce que l'exploitation agricole figure bien dans le projet de loi qui sera
présenté au nom du Gouvernement par M. Renaud Dutreil, afin que les exploitants
agricoles - nous y tenons beaucoup - ne soient pas pénalisés par rapport aux
professionnels qui exerçant d'autres activités, qu'elles soient artisanales,
commerciales ou industrielles. Comme l'a dit M. le rapporteur général voilà un
instant, c'est donc dans le projet de loi « Agir pour l'initiative économique »
que cette question sera traitée.
Si j'en juge par ce que m'a dit M. Renaud Dutreil voilà deux jours, après
l'examen de ce texte par le Conseil d'Etat, une fenêtre parlementaire pourrait
s'ouvrir très prochainement à la fin du mois de janvier 2003.
S'agissant des plafonds, j'ai bien entendu votre appel, mais je ne suis pas en
mesure d'y répondre aujourd'hui
(M. Henri de Raincourt sourit.)
Je vois
dans votre sourire, monsieur de Raincourt, une sévérité qui est presque plus
grande encore que celle qu'exprime le froncement de vos sourcils !
Rassurez-vous, je ferai en sorte, dans les calculs que nous ferons, que ce
seuil soit placé au bon niveau !
(M. Henri de Raincourt rit.)
M. Jean-Pierre Masseret.
Il ne fronce plus les sourcils !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Vous avez insisté sur le fait que vous avez travaillé
sur cet amendement. Je vous en donne acte. Nous en avons parlé d'ailleurs parlé
lorsque vous êtes venu dans mon bureau pour évoquer précisément ce sujet.
M. Henri de Raincourt.
Voilà plusieurs mois !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Mais, entre le seuil que vous proposez et celui auquel
le Gouvernement est arrivé, il subsiste encore un écart qui peut être réduit.
Par conséquent, gardez confiance : je pense que nous pourrons parvenir à un
très bon accord si vous venez à la rencontre du Gouvernement !
Cela m'amène à espérer que vous accepterez de retirer votre amendement, afin
qu'une telle disposition puisse être adoptée dans les meilleures conditions au
mois de janvier prochain.
M. Jean-Pierre Masseret.
Il va y être sensible !
(Sourires.)
M. le président.
Monsieur Oudin, l'amendement n° I-22 est-il maintenu ?
M. Jacques Oudin.
Le projet de loi que l'on nous annonce aujourd'hui comblera, je pense, nos
espoirs et nos espérances. Si nous parvenions, à cette occasion, à une nouvelle
fiscalité pour la transmission des patrimoines professionnels des petites et
moyennes entreprises, qu'elles soient agricoles, commerciales ou artisanales,
nous ferions un grand pas en avant. Je reconnais que le contexte et les
modalités sont différentes pour chaque secteur, mais il n'en demeure pas moins
que l'esprit d'un tel texte rencontre notre adhésion totale.
J'avais l'intention de retirer mon amendement au profit de celui de M. de
Raincourt. Quelle que soit la décision qu'il prendra, nous pouvons, je crois,
attendre la discussion du projet de loi dont vous avez parlé pour résoudre
l'ensemble de ces problèmes.
M. le président.
L'amendement n° I-22 est retiré.
Monsieur de Raincourt, maintenez-vous l'amendement n° I-114 rectifié ?
M. Henri de Raincourt.
Comment résister à la conviction souriante de M. le ministre délégué au budget
?
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. Jean-Pierre Masseret.
C'est un séducteur !
(Sourires.)
M. Henri de Raincourt.
Il se livre à un exercice très difficile ! Nous avons apprécié son talent
lorsqu'il présidait la commission des finances. Nous mesurons maintenant à la
fois la force et la possibilité de faire des ravages que lui procurent les
nouvelles fonctions qu'il exerce !
(Sourires.)
Cela étant dit, monsieur le ministre, j'ai toutes les raisons de vous faire
confiance, raisons non seulement politiques, mais également personnelles, et
seuls vous et moi savons ce que cela veut dire...
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mes chers collègues, je vous en dirai peut-être plus dans une autre vie, avec
l'autorisation d'Alain Lambert !
(Nouveaux sourires.)
J'ai donc toutes les raisons de vous faire confiance et d'accéder à votre
demande puisque j'ai bien compris que cette question serait traitée dans le
projet de loi présenté par M. Dutreil, que, sur la question du seuil plafond,
vous n'aviez pas « fermé la porte », si vous me permettez cette expression, et
qu'il faudrait que chacun fasse un pas vers l'autre ; j'en suis d'accord.
Cela dit, monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous disiez un mot sur le
principe même de la suppression de l'effet couperet. Si vous me rassuriez sur
ce point, je retirerais cet amendement le coeur tranquille et l'esprit serein.
(Exclamations sur les mêmes travées.)
Je n'ai pas beaucoup de succès
avec mes amendements, mais je retirerais celui-là avec le sourire !
M. Jean-Pierre Masseret.
Et le coeur plein d'espérance !
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Permettez-moi de revenir sur l'effet couperet dénoncé
par M. de Raincourt.
Je suis moins enthousiaste que lui sur le niveau de plafond - c'est d'ailleurs
pour cela qu'il faudra que nous en rediscutions -, mais je continue de penser
que nous trouverons une solution pour éviter cet effet couperet. C'est en tout
cas notre souhait.
M. le président.
L'amendement n° I-114 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-132, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le dernier alinéa du 9°
quater
de l'article 157 du code
général des impôts, la somme : "4 600 EUR" est remplacée par la somme : "9 200
EUR".
« II. - La loi n° 83-607 du 8 juillet 1983 portant diverses dispositions
relatives à la fiscalité des entreprises et à l'épargne industrielle est
complétée,
in fine
, par un article ainsi rédigé :
«
Art.
... - La moitié des dépôts effectués sur les comptes définis à
l'article 5 de la présente loi est consacrée au financement de prêts aux
entreprises dont le taux d'intérêt est égal au taux de la rémunération desdits
comptes. »
« III. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I et du II
ci-dessus, le taux prévu à l'article 219 du code général des impôts est relevé
à due concurrence. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement sur le financement du développement des petites et moyennes
entreprises prend évidemment, dans le contexte boursier actuel, tout son sens
!
En effet, ainsi que le débat le montre abondamment, la croyance selon laquelle
l'économie ne pouvait durablement être soutenue que par le développement du
financement sur les marchés financiers des investissements des entreprises a
quelques difficultés à trouver une validation concrète.
Les amendements étonnants qui ont été déposés par notre rapporteur général sur
la question du traitement fiscal des moins-values boursières en sont une
illustration assez remarquable.
On découvre depuis peu que des sommes considérables ont été perdues dans de
coûteuses et meurtrières guerres boursières, caractérisées par la destruction
de valeurs ou encore par la généralisation et l'extension des plans sociaux de
licenciements massifs et de suppression d'emplois.
Dans ce contexte, il importe donc de renforcer les outils de financement du
développement des entreprises ne ressortissant pas de manière exclusive des
marchés financiers.
Les comptes pour le développement industriel, les CODEVI, malgré bien des
défauts, notamment en ce qui concerne l'utilisation effective de la ressource
collectée, sont l'une des solutions.
Leur donner un rôle plus important dans le financement du développement des
PME peut donc apparaître comme un moyen de résoudre les problèmes qui nous sont
posés.
Les CODEVI permettent, en particulier, de dégager des financements moins
coûteux que les prêts bancaires banalisés et ont un effet de levier non
négligeable sur la mobilisation des financements.
Par notre amendement, conforme à ce que nous avons pu présenter dans le passé
sur cette question, nous proposons donc une démarche à double détente.
Il s'agit, tout d'abord, de doubler le plafond de placements éligible à
l'exemption de toute imposition, à l'image du livret A de la Caisse
d'épargne.
L'existence de cette disposition est d'ailleurs d'un coût relativement faible
aujourd'hui - 225 millions d'euros en dépenses fiscale - pour une portée
intéressante, compte tenu du volume de prêts distribués.
Par ailleurs, nous proposons une démarche de création d'une ligne prioritaire
de financement des PME, en appliquant un dispositif de bonification des
intérêts conduisant à servir des prêts pour lesquels le coût de collecte et la
marge commerciale du distributeur sont neutralisés.
Ainsi pourront être servis des prêts disponibles au taux de 3 %, permettant en
fait aux entreprises de profiter de financements à un taux inférieur à la
croissance en valeur.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Quand je lis le gage qui a été prévu, j'ai le
sentiment que le groupe communiste républicain et citoyen a tenu à exposer cet
amendement mais qu'il ne s'attend peut-être pas à le voir adopter !
M. Thierry Foucaud.
Il ne faut pas nous prêter de mauvaises intentions !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Relever le plafond des CODEVI est une décision qui se
prend par décret. Permettez-moi d'être sceptique sur l'opportunité d'une telle
mesure ! Les pouvoirs publics doivent-ils instrumentaliser les banques et leur
dicter ce qu'elles doivent faire ? Ce n'est pas notre conception de l'économie
! C'est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-132.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-133, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - La première phrase du deuxième alinéa du a du 5 de l'article 158 du
code général des impôts est ainsi rédigée : "Les pensions et retraites font
l'objet d'un abattement de 10 % dans la limite de 30 500 EUR de revenus
déclarés."
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, les taux
fixés au III
bis
de l'article 125 A du code général des impôts sont
relevés à due concurrence. »
La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Cet amendement illustre le choix que nous faisons, s'agissant de l'impôt sur
le revenu, à savoir préférer des mesures ciblées à l'application d'une baisse
uniforme des tranches d'imposition du barème, comme nous y invite le projet de
loi de finances.
En effet, dans le cadre des politiques de réduction de l'imposition des
revenus, on a gagé une partie des réformes entreprises sur la remise en
question des revenus des retraités et pensionnés. C'est ainsi que, tout en
maintenant la prise en compte des 10 % de déduction, le législateur a réduit le
plafond de l'application de ce principe, touchant de fait directement des
pensions et retraites attribuées à des contribuables ne disposant, pour
l'essentiel, que de ce revenu.
Or ce principe est fort discutable quand on sait que ces pensions et retraites
ne sont, dans la plupart des cas, que des revenus d'activité différés ; il est
donc tout à fait naturel qu'ils aient le même traitement fiscal que les revenus
salariaux ou les revenus d'activité.
On notera, par ailleurs, que la proposition que nous faisons est largement
portée par le mouvement social dans son ensemble et sa diversité.
On ne peut également oublier que cette réduction du plafond de la déduction de
10 % a été de pair avec une progression, pour le moins limitée, du niveau des
pensions et un accroissement réel de la pression fiscale pesant sur la
population retraitée. Je pense, en particulier, à l'accroissement de la
contribution sociale généralisée.
Cet amendement revient donc, pour partie, sur la situation créée par la
révision à la baisse du plafond de la déduction pour les pensions et retraites
qui a conduit à des augmentations quasi artificielles de cotisations sans
relèvement du montant des prestations versées. Il se présente, au demeurant,
comme la première étape d'un processus nécessaire de remise à niveau de ce
plafond de la déduction de 10 %. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous
invite à l'adopter.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je crains que les marges de manoeuvre malheureusement
très faibles des finances publiques ne permettent pas d'accueillir
favorablement l'initiative de Mme Bidard-Reydet, ce que je regrette.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-133.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-134, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 199
quater
D du code général
des impôts, le taux : "25 %" est remplacé par le taux : "50 %".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement porte sur la question du traitement des frais de garde
d'enfants et participe donc pleinement de notre démarche de ciblage différencié
des réductions d'impôt.
Nous aurons d'ailleurs tout à l'heure un débat significatif sur la question du
relèvement du plafond des dépenses éligibles à la réduction d'impôt pour
l'emploi d'un salarié à domicile, débat qui ne peut cependant occulter celui
qui porte sur les autres réductions d'impôt.
Celle que nous visons ici concerne les frais de garde d'enfants en structure
collective, notamment dans le cadre des crèches, des colonies de vacances ou
des centres aérés, toutes structures où réside au demeurant un important
gisement d'emplois.
On ne peut, en effet, que noter, une fois de plus, l'important décalage entre
la quotité et le taux de la réduction d'impôt accordée pour l'emploi d'un
salarié à domicile et la quotité et le taux de la présente réduction
d'impôt.
Nous visons donc en particulier, avec cet amendement, à rétablir un certain
équilibre correspondant un peu plus aux réalités.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le Gouvernement a préféré aborder ces questions de
politique familiale par le moyen de l'incitation à l'emploi d'un salarié à
domicile et, cette année, les marges de manoeuvre budgétaire ne permettent pas
de tout faire.
A notre grand regret, nous avons donc dû émettre un avis défavorable.
M. Thierry Foucaud.
C'est un avis de classe !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pour tâcher de convaincre M. Thierry Foucaud qu'il ne
s'agit pas d'un avis de classe, je lui dirai que le Gouvernement a souhaité
véritablement que la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile
soit fixée à un niveau de nature à favoriser l'emploi de proximité, et aussi,
disons-le franchement, à décourager le travail non déclaré. C'est un point qui
nous tient particulièrement à coeur et qui explique tout à fait la mesure
proposée par le Gouvernement.
Je rappelle que la réduction d'impôt pour frais de garde des jeunes enfants
peut se cumuler avec celle qui est relative à l'emploi d'un salarié à domicile,
auquel les familles peuvent recourir en complément de la garde des enfants à
l'extérieur du domicile, de sorte que le dispositif tel qu'il est conçu est
parfaitement équilibré.
C'est ce qui me conduit à vous demander, monsieur Foucaud, de retirer votre
amendement. A défaut, j'émettrai un avis de rejet.
M. le président.
Monsieur Foucaud, l'amendement n° I-134 est-il maintenu ?
M. Thierry Foucaud.
Je le maintiens, monsieur le président !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-134.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-135, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 199
sexies
du code général des impôts est complété par
un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les dispositions du I s'appliquent aux intérêts afférents aux prêts
contractés pour la construction ou l'acquisition de logements neufs à compter
du 1er janvier 2003 et aux dépenses de ravalement payées à compter de la même
date. »
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à Mme Danielle Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Cet amendement porte sur la question relativement importante du logement et,
notamment, de l'accession à la propriété.
En effet, depuis la mise en place du prêt à taux zéro, dont je rappelle pour
mémoire qu'il ne s'agit en général que de prêts complémentaires au prêt
principal, l'achat de la résidence principale des contribuables de l'impôt sur
le revenu n'est plus que marginalement l'objet d'une ouverture à réduction
d'impôt.
Dans les faits, les dispositifs incitatifs existants sont en voie de
déshérence, car la plupart des contribuables concernés proviennent
progressivement au terme de la période de prise en compte des intérêts
d'emprunt au titre de l'impôt sur le revenu.
Pour autant, il existe dans notre pays une forte aspiration à l'accession à la
propriété, qui se heurte bien souvent aux conditions pour le moins
problématiques du marché, notamment dans les centres urbains importants, où la
spéculation foncière et immobilière fait des ravages en entraînant une
augmentation des prix.
Il convient donc de se demander si le moment n'est pas venu de recréer un
dispositif fiscal incitatif qui permette aux accédants à la propriété de tirer
avantage d'une meilleure prise en compte de leur situation. Nous pensons
singulièrement aux jeunes couples dont les ressources les excluent bien souvent
du parc locatif social, parce qu'ils disposent de revenus supérieurs aux
plafonds retenus, et qui ne peuvent pourtant faire face aux conditions du
marché.
C'est donc dans ce sens que nous vous proposons de débattre et d'adopter cet
amendement, qui tend à recréer un dispositif d'incitation à l'accession sociale
à la propriété.
Evidemment, l'un des fondements de cet amendement est de favoriser une
utilisation directe de l'épargne dans l'économie, tout en permettant une
relance de l'activité dans le secteur du bâtiment, qui souffre aujourd'hui
d'une récession préoccupante.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La mesure proposée par cet amendement est réellement
intéressante, car, à sa lecture, je constate qu'elle s'applique « aux intérêts
afférents aux prêts contractés pour la construction ou l'acquisition de
logements neufs à compter du 1er janvier 2003 et aux dépenses de ravalement
payées à compter de la même date ». Aucune catégorie sociale particulière n'est
visée. Par conséquent, un tel dispositif serait d'autant plus généreux que la
fortune et le revenu du contribuable seraient plus élevés.
Cette mesure relève exactement du même esprit que celui qui a présidé à la
réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, disposition qui était
critiquée à l'instant même.
Je n'ai aucune opposition philosophique ou idéologique à l'égard de ce que
vous suggérez, chère collègue. Malheureusement, la situation financière de
l'Etat risque de ne pas permettre de prendre une décision favorable sur le
dispositif proposé, aussi efficace soit-il, sans doute, soit-il, pour relancer
les activités de logements et permettre une bonne utilisation de l'épargne de
nos concitoyens, même les plus fortunés.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ne tentez pas le diable !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Je ne vous ai jamais pris pour le diable, monsieur le ministre !
(Sourires.)
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Ces dispositions existaient précédemment. Elles ont
souvent été estimées comme favorisant un effet d'aubaine et elles ont été
supprimées. Je crois donc qu'elles sont inefficaces sur le plan économique et
qu'elle ne sont pas de nature à favoriser l'accession à la propriété.
Cela me conduit à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-135.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-80, présenté par MM. Joly et Mouly, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le 2° de l'article 199
septies
du code général des impôts,
il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... Primes afférentes à des contrats d'assurance visant à constituer un
complément de retraite par capitalisation sous forme de capital ou de rente
viagère. Ces primes ouvrent droit à réduction d'impôt dans la limite de 610
EUR, majorée de 150 EUR par enfant à charge ; ces limites s'appliquent à
l'ensemble des contrats souscrits par les membres d'un même foyer fiscal. »
« II. - Le I de l'article 199
septies
A du code général des impôts est
complété par un alinéa rédigé comme suit :
« 25 % du montant de celles mentionnées au 3° de l'article 199
septies
.
»
« III. - Les pertes de recettes résultant des I et II sont compensées à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly.
Cet amendement vise à favoriser l'adhésion des salariés aux contrats
d'assurance permettant de constituer un complément de retraite. Ces
cotisations, qu'elles soient annuelles, trimestrielles ou mensuelles,
pourraient ainsi donner lieu à une réduction d'impôt sur le revenu, dans une
certaine limite, en contrepartie des primes versées.
Alors que les régimes de retraite sont de plus en plus menacés, cette
disposition encouragerait un système de capitalisation complémentaire qui ne
serait pas compétitif avec le système de droit commun.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous allons, je l'espère, progresser dans les mois à
venir vers un dispositif complet permettant de traiter le problème des
retraites et de leur financement.
Au sein de ce dispositif, il faut souhaiter - à cet égard, la majorité de la
commission partage certainement l'avis de Bernard Joly - que des mesures soient
prises pour favoriser, au-delà des régimes obligatoires, les dispositifs
facultatifs surcomplémentaires par capitalisation. C'est bien de cela qu'il
s'agit ! Par conséquent, à titre de jalon pour les mesures qui seront annoncées
par le Gouvernement après les prochaines concertations, nos collègues Bernard
Joly et Georges Mouly sollicitent quelques explications de la part du
Gouvernement.
La commission serait également heureuse d'entendre l'avis du Gouvernement sur
cette question importante des encouragements fiscaux à l'entrée des régimes par
capitalisation.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Je répondrai d'autant plus volontiers à Bernard Joly
qu'hier je lui ai répondu d'une manière peut-être un peu lapidaire à l'occasion
de la discussion générale. Son intervention portait, précisément, sur
l'ensemble des prélèvements, qu'ils soient fiscaux, sociaux ou locaux. Je tiens
à insister sur le lien - nous en avons parlé tout à l'heure à la suite d'une
intervention de Michel Charasse - qu'il nous faut établir en permanence entre
le montant de la dépense et l'impôt qu'il faut lever pour couvrir ladite
dépense. Cela est vrai pour l'ensemble des fonctions de l'Etat en matière
fiscale, pour la couverture sociale et les prélèvements sociaux qui sont
effectués, ainsi que pour l'ensemble des charges actuelles des collectivités
locales qui, par leur dynamique, peuvent en effet aboutir à l'accroissement des
impôts.
Il peut y avoir des comptes de l'Etat, des comptes de la sécurité sociale et
des comptes des collectivités territoriales, mais il n'y a qu'un contribuable.
Et ce contribuable, sollicité de différentes manières, voyant les prélèvements
s'ajouter les uns aux autres, affirme sa lassitude. Vous l'avez souligné dans
votre intervention, monsieur le sénateur, lors de la discussion générale, et il
est vrai qu'il nous faut y travailler tous ensemble.
Je souhaite vous répondre d'une manière aussi précise que possible s'agissant
de votre question puisqu'elle est, comme M. le rapporteur général l'a dit, une
question de principe.
Je vous rappellerai, avec solennité, l'engagement pris par le Premier ministre
d'offrir à chacun de nos compatriotes la possibilité de compléter sa pension
par un revenu d'épargne grâce à une incitation fiscale. Cet engagement sera
naturellement tenu et je le réitère devant vous aujourd'hui, au nom du
Gouvernement.
Cette question, vous le savez, s'inscrit dans le cadre général de la réflexion
sur l'avenir de nos retraites.
Le Premier ministre a considéré qu'elle devait être traitée au cours du
premier semestre et aboutir avant le 30 juin prochain. Par conséquent, nous
soumettrons immédiatement à la représentation nationale, donc à vous-mêmes,
mesdames, messieurs les sénateurs, des dispositions qui vous permettront de
régler ce problème.
Votre proposition, monsieur Joly, apporte une contribution qui pourra être
examinée à cette occasion. Mais je puis vous dire que l'engagement du Premier
ministre, qui vise à permettre de compléter sa pension par un revenu d'épargne
grâce à une incitation fiscale, sera tenu. Il reviendra à la représentation
nationale de le « calibrer » de la manière la plus appropriée.
Je vous propose donc, sous le bénéfice de l'engagement que je viens de prendre
à nouveau devant vous, de bien vouloir retirer votre amendement, afin que cette
question puisse être traitée dans le prolongement immédiat des questions de
retraite, lesquelles seront réglées, je le répète, le 30 juin prochain au plus
tard.
M. le président.
Monsieur Joly, l'amendement n° I-80 est-il maintenu ?
M. Bernard Joly.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-80 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-58, présenté par MM. Angels, Dreyfus-Schmidt, Auban,
Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et
les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le premier alinéa de l'article 199
quindecies
du code général
des impôts est ainsi modifié :
« 1° Les mots : "une section de cure médicale" sont remplacés par les mots :
"ou un établissement de santé visé au 2° de l'article L. 6111-2 du code de la
santé publique".
« 2° La somme : "2 300 EUR" est remplacée par la somme : "6 900 EUR".
« 3° Il est complété par la phrase suivante : "Ce plafond est porté à 13 800
EUR lorsque la personne hébergée relève du 3° de l'article L. 341-4 du code de
la santé publique".
« II. - La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-136, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le premier alinéa de l'article 199
quindecies
du code
général des impôts, le taux : "25 %" est remplacé par le taux : "50 %".
« II. - Dans le même alinéa, la somme : "2 300 EUR" est remplacée par la somme
: "3 000 EUR".
« III. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application des I
et II ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. François Marc, pour présenter l'amendement n° I-58.
M. François Marc.
Cet amendement, présenté par notre groupe, nous a été suggéré par Bernard
Angels, qui préside cette séance.
Cet amendement fait référence à un amendement qui a déjà été débattu ici même
voilà un an et pour lequel le rapporteur général, Philippe Mariani, avait
indiqué que la commission des finances y était tout à fait favorable.
Il concerne l'accueil des personnes handicapées ou âgées dépendantes en maison
de retraite médicalisée, qui s'avère de plus en plus nécessaire. Or un problème
se pose en ce qui concerne les frais de séjour dans ces établissements de long
séjour et médicalisés.
Le Gouvernement avait accompli un effort significatif par le passé, notamment
en traitant de manière plus équitable les couples, puisqu'il s'agissait
d'apprécier la réduction de la charge fiscale en fonction du nombre de
personnes hébergées, et non plus du foyer fiscal.
Il convient aujourd'hui d'aller plus loin. En effet, si l'on doit faciliter le
maintien à domicile des personnes âgées, il n'en demeure pas moins que, dans
certains cas, celles-ci doivent être hébergées en établissement.
Par conséquent, la moindre des choses serait de porter le montant des dépenses
prises en compte à 6 900 euros. Tel est l'objet de cet amendement. Cette
proposition tient compte du coût élevé des frais d'hébergement et de la hausse
des tarifs journaliers qui est intervenue depuis le 1er janvier 2002.
Par ailleurs, quand on considère que le plafond de réduction d'impôt des
dépenses engagées pour l'emploi d'un salarié à domicile est porté de 6 900
euros à 10 000 euros, on peut se demander si la mesure en question était la
bonne priorité au regard des situations humaines en cause.
En tout état de cause, cette disposition, qui avait fait l'objet d'un soutien
actif de la commission des finances l'an passé et qui reprend d'ailleurs
l'argumentation de M. Chérioux sur le même sujet, devrait très certainement
recueillir l'assentiment de notre assemblée.
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant, pour présenter l'amendement n° I-136.
M. Paul Loridant.
A l'occasion du débat sur l'impôt sur le revenu, nous abordons souvent la
question du devenir de celles des réductions d'impôt qui sont accordées en
fonction de certaines dépenses effectuées par les ménages. Aujourd'hui, nous
avons le sentiment que ce projet de loi de finances ne maintient pas l'égalité
de traitement entre les différentes réductions d'impôt - je pense en
particulier à celle qui concerne l'emploi d'un salarié à domicile - et que les
priorités affirmées par le Gouvernement ne sont pas équilibrées.
Cet amendement a pour objet d'augmenter la déduction fiscale pour frais de
long séjour dans des établissements médicalisés.
Je vous rappelle que l'article 199
quindecies
du code général des
impôts prévoit une réduction d'impôt « à raison des dépenses nécessitées par
l'hébergement dans un établissement de long séjour ». Le sujet n'est pas
anodin, comme l'a montré la controverse qui nous a animés la semaine dernière,
lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en
particulier quand nous avons débattu de l'allocation personnalisée
d'autonomie.
Depuis la création de cette réduction d'impôt, en 1991, une réforme de la
tarification des établissements concernés est intervenue avec notamment pour
objectif d'améliorer la qualité de l'hébergement. De ce fait, les prestations
facturées aux familles ont été sensiblement relevées, rendant par conséquent
moins importante la portée de la réduction d'impôt initiale.
J'observe, d'ailleurs, que nous n'avons toujours pas résolu la question du
financement de l'accueil des personnes âgées, ce qui conduit naturellement à
l'accroissement de la contribution des familles.
Enfin, au moment où l'on s'apprête à décider de relever la quotité de la
réduction d'impôt pour emploi à domicile - cela peut concerner en particulier
les auxiliaires de vie -, on semble oublier de modifier la quotité de cette
réduction d'impôt pour les placements en long séjour de personnes âgées dans
des établissements médicalisés.
Si l'on décide aujourd'hui d'embaucher une auxiliaire de vie à domicile, on
bénéficie d'une réduction d'impôt de 3 450 euros par an, alors que, dans le cas
d'un placement en établissement, la réduction d'impôt est de 575 euros
seulement, soit dix foix moins.
Demain, si l'on adopte en l'état l'article 4 du présent projet de loi de
finances, on arrivera progressivement, pour l'emploi d'une auxiliaire de vie, à
une réduction d'impôt de 5 000 euros, contre 575 euros en cas de placement dans
un établissement médicalisé.
Il convient donc de rééquilibrer le dispositif.
Notre amendement vise, d'une part, à doubler le taux de la réduction d'impôt
en le portant à 50 % des sommes engagées, comme cela peut être le cas pour la
réduction d'impôt pour un emploi à domicile. Sans modification du plafond,
cette réduction atteindrait 1 150 euros au maximum.
L'amendement tend, d'autre part, à porter le plafond des dépenses éligibles à
3 000 euros, ce qui le situe à un niveau plus conforme à la réalité des
dépenses qu'assument réellement aujourd'hui les familles.
Cette proposition est particulièrement attendue par nombre d'organisations
syndicales et d'associations agissant aux côtés des retraités et qui souhaitent
une remise à niveau du traitement fiscal des huit millions de retraités et
pensionnés de notre pays.
C'est pourquoi, dans le même esprit que le groupe socialiste, le groupe
communiste républicain et citoyen vous propose d'adopter cet amendement, qui
tend à rétablir l'égalité entre deux modes de garde de personnes âgées
dépendantes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il est vrai que, l'an dernier, la commission avait
émis un avis favorable sur une proposition identique, et la mesure nous semble
toujours bonne. Cependant, dans l'intervalle, 17 milliards d'euros de déficit
supplémentaires ont été enregistrés, dont 15 milliards d'euros au cours du
premier semestre 2002 !
Hélas, donc, mes chers collègues, la situation des finances publiques ne nous
permet pas, en gens responsables, d'aller au-delà de ce qui est déjà prévu dans
le projet de loi de finances. Soyez assurés, cependant, que nous reviendrons
sur le sujet à l'occasion d'autres discussions.
Sur le fond, je ne change pas d'opinion à titre personnel, et c'est avec un
grand regret que j'émets, au nom de la commission, un avis défavorable, pour
des raisons qui tiennent au déséquilibre préoccupant de nos finances publiques
qu'il s'agit de ne pas aggraver.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Il est intimidant, pour le ministre que je suis, de
donner l'avis du Gouvernement sur une question qui était chère au parlementaire
que j'étais. Mais je ne peux pas aujourd'hui, même au nom du Gouvernement,
prendre une position contraire à celle que j'ai pu adopter ces dernières années
sur un problème que connaissent de très nombreuses familles aujourd'hui et qui
est, d'ailleurs, la conséquence d'un progrès : la prolongation de la durée de
la vie.
Je ne pourrai malheureusement pas émettre un avis favorable sur cet
amendement. Pour l'heure, je me contenterai d'une remarque de pure forme, car
les auteurs de l'amendement ont tout le temps de parfaire leur dispositif, de
sorte que, lorsque nous serons revenus à meilleure fortune, il puisse être
adopté.
En effet, il y a lieu de craindre que, ne faisant plus spécifiquement
référence aux cures médicales dans l'amendement, vous ne priviez, contrairement
à votre intention, certaines personnes de l'avantage fiscal.
M. Michel Mercier.
Les sections de cure médicale n'existent plus !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
J'entends bien M. Michel Mercier, excellent spécialiste
de ces questions, me rappeler que les sections de cure médicale n'existent plus
sous leur forme initiale. Il nous faudra donc réviser notre position, y compris
nos réponses, monsieur le sénateur !
(Sourires.)
Vous avez établi un parallèle entre les deux dispositifs consacrés
respectivement à l'emploi d'un salarié à domicile et l'hébergement en
établissement de personnes dépendantes. A mon sens, les deux formules ont des
objectifs différents. En effet, la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié
à domicile constitue une incitation à la création d'emplois familiaux ; la
réduction pour l'hébergement en établissement de long séjour s'intègre dans un
ensemble de mesures destinées à alléger la charge de la dépendance. Certaines
personnes dépendantes sont titulaires de la carte d'invalidité et peuvent
bénéficier d'une demi-part supplémentaire de quotient familial. Si leurs
revenus n'excèdent pas un certain montant, elles ont droit également à un
abattement sur leur revenu imposable qui est revalorisé tous les ans.
Même si, à titre personnel, je regrette les conditions dans lesquelles la
nouvelle allocation personnalisée d'autonomie a été conçue, d'autant qu'elle
constitue une dépense considérable - nous avons d'ailleurs évoqué les
difficultés de son financement -, je constate qu'elle vise à résoudre des
problèmes comme ceux qui sont évoqués ici.
En tout cas, le Gouvernement ne saurait sans mauvaise foi contester la réalité
du problème posé. Il faut absolument que nous travaillions sur ce dossier pour
trouver une solution équilibrée.
Reste que je ne souhaite pas qu'il soit établi d'analogie entre le dispositif
visant à favoriser la création d'emplois familiaux à domicile et l'important
sujet de l'hébergement des personnes dépendantes.
Telles sont les raisons qui me conduisent à proposer aux auteurs de
l'amendement de le retirer. A défaut, je serai à regret, obligé d'émettre un
avis défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-58.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote sur l'amendement n°
I-136.
M. Paul Loridant.
Je souhaite répondre à M. le ministre.
Si, à l'appui de notre amendement, nous avons établi un parallèle avec la
réduction d'impôt pour un emploi à domicile, nous ne sommes pas allés jusqu'à
en faire un dispositif analogue : l'avantage fiscal proposé dans notre
amendement est bien inférieur à celui qui est accordé pour l'emploi d'un
salarié à domicile.
Je tiens, en outre, à attirer l'attention du Sénat sur le fait que, pour
certaines familles, le placement dans un établissement constitue la solution la
plus adaptée, et parfois la seule, et qu'il nous semble anormal que la
déduction fiscale, dont vous-même reconnaissez le bien-fondé, ne soit pas
revalorisée.
Nous prenons acte du fait que le Gouvernement a retenu d'autres priorités,
mais permettez-nous de penser que l'hébergement des personnes dépendantes a
autant d'importance que l'emploi d'un salarié à domicile ! C'est la raison pour
laquelle je n'ai par l'intention de retirer cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux.
Ce que vient de dire M. le ministre délégué est tout à fait exact. Nous ne
renions pas les positions que nous avions prises l'année dernière, moi le
premier, puisque j'avais moi-même déposé un amendement tendant à une
augmentation de la déduction pour hébergement de personnes âgées
dépendantes.
Je ferai simplement remarquer qu'à l'époque vous aviez déposé également un
amendement, chers collègues, mais il était très en retrait par rapport au mien.
Finalement, le Gouvernement nous avait suivis très modestement, lui qui
disposait alors d'une marge de manoeuvre, d'une véritable manne - d'aucuns
avaient parlé de « cagnottes » - qu'il a pu dispenser largement, un peu
n'importe comment. Il eût mieux valu utiliser ces cagnottes pour mettre en
oeuvre le dispositif que je proposais.
Aujourd'hui, chers collègues, vous nous laissez une situation difficile et,
faute de marge de manoeuvre, nous ne pouvons pas vous suivre. Moi-même, j'ai
renoncé à déposer un amendement, quoi qu'il m'en ait coûté, sachant que cela
n'était pas raisonnable.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier.
J'avoue ne pas bien comprendre la logique de ces amendements, à moins qu'ils
n'aient un sens caché.
Cette année, le coût du placement en établissement pour les personnes âgées
est plutôt moins élevé que l'an dernier, compte tenu du nouveau mécanisme de
tarification. En effet, l'assurance maladie prend en charge le prix de journée
« soins » et l'APA, versée par les conseils généraux, prend en charge le volet
« dépendance ». Il ne reste donc que le coût de l'hébergement, c'est-à-dire une
dépense plutôt moindre que les années précédentes, sauf à dire que tout ce qui
a été fait par le gouvernement précédent en matière de réforme de la
tarification est un vaste échec, ce que ne veulent certainement pas dire les
auteurs des deux amendements.
Par conséquent, il faut bien tenir compte du fait que la charge résiduelle
pour les familles est plutôt moins élevée cette année.
Personnellement, je me demande si les deux amendements en discussion commune
ne sont pas, en fait, de façon cachée mais extrêmement intéressante pour le
Gouvernement, une contribution des auteurs à la recherche d'une solution de
financement de l'APA. N'est-ce pas une façon de dire : faites donc plus payer
les bénéficiaires de l'APA, ainsi vous aurez résolu le problème du financement
de l'APA par le biais d'un crédit d'impôt et d'une augmentation de la charge
des familles ?
Si telle est bien la solution que préconisent les auteurs des amendements,
c'est intéressant, mais il faut l'étudier dans le cadre de la réforme
d'ensemble du financement de l'APA.
Je crois donc qu'il est sage de rejeter cet amendement, comme le précédent,
d'ailleurs.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-136.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-59, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse,
Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du
groupe socialiste, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 200
quinquies
du code général des impôts, il est
inséré un article ainsi rédigé :
«
Art.
... - Les réductions d'impôts visées aux articles 145 à 200
quinquies
ne pourront produire une réduction du montant de la cotisaton
supérieure à 50 %. »
L'amendement n° I-137 rectifié, présenté parM. Foucaud, Mme Beaudeau, M.
Loridant et les membres du groupe communistre républicain et citoyen, est ainsi
libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 200
sexies
du code général des impôts, il est inséré
un article additionnel ainsi rédigé :
«
Art. ...
- Les réductions d'impôt visées aux articles 199 à 200
quinquies
ne pourront produire une réduction du montant de la cotisation
excédant 4 500 EUR. »
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret, pour présenter l'amendement n°
I-59.
M. Jean-Pierre Masseret.
Si certaines politiques méritent à l'évidence d'être soutenues au moyen de
crédits d'impôt, force est de constater que des contribuables savent
parfaitement se servir de la législation fiscale, du code général des impôts,
des niches fiscales et des placements susceptibles d'optimiser les revenus
nets.
Au bout du compte, ces pratiques peuvent faire échec à la progressivité de
l'impôt sur le revenu. Cet amendement prévoit donc une limite à l'addition de
ces avantages constitués par des exonérations partielles ou par des
plafonnements. Le plafond est ici fixé à 50 % de la cotisation.
M. le président.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-137
rectifié.
M. Thierry Foucaud.
Je ne vais pas rouvrir le débat sur l'amendement n° I-134, mais, à mon avis,
c'était un facteur de création d'emplois. Il aurait fallu penser aux
collectivités, aux centres aérés, aux centres de loisirs, aux crèches, aux
garderies.
L'amendement n° I-137 rectifié, sans être en contradiction avec le précédent
amendement, vise à prévenir les travers de l'optimisation fiscale. Nous pensons
qu'il est préférable d'aider les jeunes couples, dont les revenus sont souvent
modestes, plutôt que de rejoindre la majorité sénatoriale pour ce qui est du
plafonnement des réductions.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ces deux amendements sont de proches parents ! On
voit ainsi se reconstituer sous nos yeux, dans l'opposition, ce qui avait de la
peine à fonctionner dans l'ancienne majorité, à savoir la technique
plurielle.
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Masseret.
Sans commentaire !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Car ce sont bien des amendements pluriels, mes chers
collègues.
M. Jean-Pierre Masseret.
On attend la suite !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous avons affaire, ici, à une technique assez
surprenante, puisqu'il s'agit de poser une toise de façon non discriminée sur
toutes sortes de régimes fiscaux totalement différents les uns des autres,
affectant aussi bien des personnes morales que des personnes physiques. Sans
examen préalable approfondi de ses effets économiques, un tel dispositif semble
quand même assez difficile à mettre en place. Il concerne, par exemple, aussi
bien la souscription dans les sociétés de pêche artisanale, dont nous parlions
tout à l'heure, que les souscriptions de créateurs d'entreprises, les
placements dans l'innovation, les participations dans les sociétés pour le
financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA, ou
encore la restitution de la contribution sociale généralisée, la CSG.
Non, mes chers collègues, on ne peut pas faire passer la voiture-balai comme
cela ! Ces dispositions ont chacune leur justification, et ce n'est pas une
technique fiscale acceptable. Admettons un instant - c'est une vue de l'esprit
- que l'amendement soit adopté : je pense que ses auteurs seraient assez
désappointés devant la teneur du courrier qu'ils recevraient par la suite ! Ils
viendraient sans doute nous demander de rétablir le
statu quo
.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis nettement défavorable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Monsieur le président, je risque moins d'être en
contradiction avec mes déclarations antérieures sur ces sujets.
Tout d'abord, sur un plan pratique, je me tourne vers M. Jean-Pierre Masseret,
qui est un bon spécialiste : ne compliquons pas un tel dispositif ; cela ne
ferait qu'accroître la complexité d'un impôt qui, dans notre pays, est déjà
insuffisamment complexe.
En outre, il faut savoir : soit on est pour la réduction de l'impôt, et on est
pour ; soit on est contre, et on est contre. Mais cette idée qui consiste à
dire « on est un peu pour et on plafonne » est, franchement, impossible à
mettre sérieusement en oeuvre.
Mais cela a dû vous échapper, et je pense qu'il serait raisonnable de retirer
ces amendements. A défaut, je demanderai au Sénat de les rejeter.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-59.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-137 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
L'amendement n° I-138, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et
les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le 6 de l'article 200 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 6. Sauf option du bénéficiaire pour l'imposition à l'impôt sur le revenu
suivant les règles applicables aux traitements et salaires, l'avantage
mentionné au I de l'article 163
bis
C est imposé au taux de 40 %.
« Ce taux est réduit à 30 % lorsque les titres acquis revêtent la forme
nominative et demeurent indisponibles, suivant les modalités fixées par décret,
pendant un délai au moins égal à deux ans à compter de la date d'achèvement de
la période mentionnée au premier alinéa du I de l'article 163
bis
C.
»
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
L'amendement n° I-138 participe de la réflexion que l'on peut mener sur la
nécessité de dégager, pour l'Etat, des ressources susceptibles de permettre la
compensation des moins-values fiscales que la révision à la baisse du taux de
croissance laisse craindre.
Dans ce cas précis, il s'agit d'accroître le niveau des prélèvements opérés
sur les gains nets réalisés dans le cadre des plans d'option d'achat d'actions,
plus communément appelés « stock-options ».
Nous ne reviendrons bien évidemment pas sur l'ensemble des données du débat
sur le sujet, mais vous me permettrez de souligner que les stock-options sont
clairement un moyen d'évasion fiscale autorisé dont ne bénéficient pleinement
que quelques cadres d'entreprise particulièrement bien rémunérés.
On nous a ici même maintes fois expliqué que ce dispositif visait à faciliter
la présence de ces cadres à la direction des entreprises, mais chacun sait
aussi que, dans de nombreux cas, la mise en place de tels dispositifs a permis
de faire habilement disparaître de l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de
celle des cotisations sociales des sommes importantes.
On sait aussi que, dans de nombreux cas, l'achat des options a été accompagné
d'un prêt accordé au cadre concerné pour supporter le coût de portage des
actions.
Chacun garde en mémoire la pathétique intervention de M. Messier, ancien PDG
de Vivendi, expliquant qu'il ne pouvait plus garder ses titres, n'ayant plus
les moyens de rembourser le prêt accordé par sa propre entreprise pour les
acquérir.
Quant à notre amendement, il vise deux objectifs fondamentaux.
Le premier est de rapprocher autant que faire se peut le traitement des
stock-options de celui des traitements et des salaires, dans le souci de
justice fiscale qui doit accompagner toute évolution de notre fiscalité.
Le relèvement du taux du prélèvement libératoire participe de cette
orientation en incitant le détenteur de stock-options à opter pour une
imposition banalisée.
Le second objectif est de faire en sorte que la rigueur de l'imposition ne
porte que sur les détenteurs des plus importants portefeuilles de titres.
Les gains faibles pourront aisément voir leur contribution allégée par
l'économie générale du barème progressif tandis que les opérations « juteuses »
seront plus lourdement imposées.
Enfin, la perception par l'Etat d'une ressource plus importante au titre du
prélèvement libératoire permettra de dégager quelques ressources
complémentaires si nécessaires pour répondre aux besoins sociaux des habitants
de notre pays.
Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, je vous invite donc
à adopter l'amendement n° I-138.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission n'est pas en phase avec cette
orientation, car elle est favorable à plus d'initiative et plus de
responsabilité.
Nous avons souvent évoqué la question de la fiscalité des options de
souscription ou d'achat d'actions. Il ne semble pas opportun de revenir sur un
régime qui a déjà été modifié à de nombreuses reprises dans un passé récent. Ce
ne serait certainement pas une bonne chose pour la dynamique de nos
entreprises.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué au budget.
Défavorable.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° I-138.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Nous en arrivons aux amendements n°s I-43, I-121 et I-207, qui peuvent faire
l'objet d'une discussion commune.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous voudrions trouver une rédaction de nature à
résoudre les questions bien spécifiques posées par ces amendements de façon à
ne pas être en contradiction avec l'orientation qui a été prise l'année
dernière par la commission des finances visant à éviter la confusion entre les
élus bénévoles des associations et leurs salariés normalement rémunérés.
La situation a été rendue plus difficile par la loi de finances pour 2002, car
le gouvernement de l'époque, en voulant l'assouplir, l'a durcie de façon tout à
fait paradoxale. Il serait donc souhaitable que la commission des finances
dispose du temps nécessaire pour trouver une solution.
C'est pourquoi la commission des finances demande la réserve de ces trois
amendements jusqu'au lundi 25 novembre 2002, à la reprise de la séance de
l'après-midi.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Favorable.
M. le président.
La réserve est ordonnée.
Cette solution me semble judicieuse, mes chers collègues, car, en voulant
légiférer trop vite, nous risquons de nous tromper d'objectif.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Tout à fait !
Article 3