SEANCE DU 25 NOVEMBRE 2002
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° I-43, présenté par MM. Chérioux, Doublet et Rispat, est ainsi
libellé :
« Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les troisième et dixième alinéas du
d
du 1° du 7 de l'article
261 du code général des impôts sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés
:
« Toutefois, lorsque l'organisme décide que l'exercice des fonctions dévolues
à ses dirigeants justifie le versement d'une rémunération, le caractère
désintéressé de sa gestion n'est pas remis en cause si ses statuts et ses
modalités de fonctionnement assurent sa transparence financière, la désignation
régulière et périodique de ses dirigeants, le contrôle effectif de sa gestion
par ses membres et l'adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement
imposées aux dirigeants concernés.
« Cette disposition s'applique dans les conditions suivantes :
« - le financement de la rémunération est assuré par des ressources autres que
les subventions publiques de toute nature ;
« - le montant de toutes les rémunérations versées à chaque dirigeant au titre
de la présente disposition ne peut en aucun cas excéder trois fois le montant
du plafond visé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des quatre
alinéas précédents ; »
« II. - Au troisième alinéa de l'article 80 du code général des impôts, le mot
: "dixième" est remplacé par le mot : "sixième".
« III. - La perte de recettes pour l'Etat résultant des I et II ci-dessus est
compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits
prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° I-121, présenté par MM. du Luart, Bourdin, Clouet, Lachenaud
et Trucy, est ainsi libellé : « Après l'article 2, insérer un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le
d
du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts est
complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le caractère désintéressé de la gestion n'est également pas remis en cause,
pour les associations de jeunesse et d'éducation populaire disposant de
l'agrément national, qui sont tenues, à raison de leurs statuts, de rémunérer
un nombre supérieur à trois de jeunes dirigeants ayant au plus 35 ans, si elles
répondent aux conditions des alinéas 2, 6 et 9 précédents et si le montant de
la rémunération totale versée à chaque dirigeant n'excède pas une fois et demi
le montant du plafond visé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.
»
L'amendement n° I-207, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de
l'Union centriste, est ainsi libellé : « Après l'article 2, insérer un article
additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa du
d
du 1° du 7 de l'article 261 du code général
des impôts est complété par les dispositions suivantes : "imposées aux
dirigeants concernés. Le caractère désintéressé de la gestion n'est également
pas remis en cause, pour les associations de jeunesse et d'éducation populaire
disposant de l'agrément national, qui sont tenues, à raison de leurs statuts,
de rémunérer un nombre de jeunes dirigeants ayant au plus 35 ans supérieur à
trois, si elles répondent aux conditions des alinéas 2, 6 et 9 précédents et si
le montant de la rémunération totale versée à chaque dirigeant n'excède pas une
fois et demi le montant du plafond visé à l'article L. 241-3 du code de la
sécurité sociale". »
La parole est à M. Jean Chérioux, pour défendre l'amendement n° I-43.
M. Jean Chérioux.
La rémunération des dirigeants d'organismes à but non lucratif reste un
problème difficile, qui intéresse bien sûr le Sénat.
Certes, une solution a déjà été apportée dans la loi de finances pour 2002,
mais il apparaît à l'expérience qu'elle ne permet pas de régler tous les
problèmes. Ainsi, certaines fédérations ont plusieurs dirigeants et tous ne
peuvent alors être rémunérés. Dans d'autres domaines se pose le problème de
l'élection des dirigeants ou bien celui du montant des rémunérations.
L'objet de l'amendement n° I-43 est précisément d'apporter quelques
changements aux critères existants, afin de faire entrer dans le système des
organismes à but non lucratif qui fonctionnent de façon tout à fait
désintéressée, dans un esprit conforme aux textes que nous avons déjà votés.
Il faut notamment admettre que, dans certains cas, l'élection des dirigeants
ne soit pas toujours obligatoire, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas d'élection, et
faire abandon de la référence à la loi de 1901 sur les associations.
Je ne prendrai qu'un seul exemple : les syndicats. Ce ne sont pas des
associations de la loi de 1901, mais il est évident que leur but est non
lucratif. Dans ces conditions, il n'y a aucune raison de ne pas faire
bénéficier leurs dirigeants du même traitement que les dirigeants
d'association.
Tout en modifiant légèrement les critères, on maintient, bien sûr, les points
essentiels : l'exigence de transparence financière ; la désignation régulière
et périodique des dirigeants, même s'il n'y a pas d'élection au sens habituel
du terme ; la limitation de la rémunération à trois fois le plafond de la
sécurité sociale ; enfin, la nécessité pour l'organisme de disposer de
ressources propres lui permettant d'assurer le financement de la rémunération
des dirigeants et, bien entendu, le non-recours à des subventions publiques.
A l'évidence, ces dispositions permettront de régler certains points très
importants sans déroger à l'esprit de la loi de finances pour 2002.
M. le président.
La parole est à M. Jean Clouet, pour présenter l'amendement n° I-121.
M. Jean Clouet.
L'amendement n° I-207 est identique dans ses objectifs à l'amendement n°
I-121, et je ne peux qu'espérer qu'il aura bonne fortune.
M. le président.
La parole est à M. Denis Badré, pour présenter l'amendement n° I-207.
M. Denis Badré.
Les signataires de l'amendement n° I-207 sont inspirés par les mêmes
préoccupations que notre collègue Jean Chérioux. Il s'agit de soutenir l'action
des mouvements de jeunes gérés et animés par des jeunes. Michel Mercier, son
auteur principal, s'inquiète fortement des difficultés que plusieurs mouvements
de cette nature rencontrent dans le monde rural. Pour ma part, je suis heureux
qu'il me revienne de défendre cet amendement parce que je rencontre dans le
monde urbain des associations qui sont confrontées aux mêmes difficultés.
Je complèterai la présentation de M. Chérioux en rappelant qu'il y a un an,
presque jour pour jour, nous avions, ici même, un débat tout à fait intéressant
sur les conditions dans lesquelles nous souhaitions soutenir le bénévolat. Si
les associations doivent fonctionner de manière indépendante et transparente,
elles doivent pouvoir s'appuyer sur l'action d'entraînement de dirigeants
salariés qui jouent leur rôle, mais nous avions émis de nombreuses réserves sur
la possibilité de rémunérer les dirigeants élus.
C'est dans le même esprit que nous présentons l'amendement n° I-207.
L'amendement de Michel Mercier et des membres du groupe de l'Union centriste
va un peu moins loin que celui de Jean Chérioux, mais nous y insistons, en
revanche, sur la notion de promotion collective. Nous sommes cependant animés
par le même souci de trouver une solution et une manière d'améliorer l'action
des associations de jeunes, et c'est dans ce sens que nous souhaitons voir
déboucher le débat.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Lorsque le sujet avait été - assez abondamment -
évoqué, voilà un an, la commission des finances avait souhaité que la
distinction soit clairement faite au sein des associations entre les élus, qui
- Denis Badré y a fait allusion - doivent demeurer des bénévoles, et les
collaborateurs, qui sont en général sous un régime salarié.
Nous sommes tous habitués à travailler avec les nombreuses associations qui
forment le tissu vivant de nos communes et de nos départements, et nous sommes
animés du souci de les aider.
Dans le même temps, nous ne voulons pas tuer le bénévolat en le corrompant au
sens propre du terme, je veux dire en le faisant profondément changer de
nature.
Si tous les membres de comités et les présidents des associations de toute
nature que nous connaissons pouvaient compter sur des défraiements ou des
indemnités, cela se traduirait, bien entendu, par un changement d'état d'esprit
majeur et on ne pourrait plus trouver de vrais bénévoles.
Cela se traduirait en outre par un accroissement considérable des besoins de
subventions...
M. Michel Charasse.
Eh voilà !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
... de la part de nos collectivités territoriales,
voire par des pressions extrêmement fortes s'exerçant sur les maires et sur les
présidents de conseils généraux ou régionaux.
M. Denis Badré.
Les associations y perdraient leur indépendance !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission ne sous-estime évidemment pas, mes
chers collègues, les difficultés susceptibles de subsister dans des cas de
figure très particuliers, qu'il s'agisse, d'un côté, de ministres du culte,
qu'il s'agisse, d'un autre côté, de dirigeants de syndicats professionnels ou
représentatifs de différents intérêts.
La loi de 1901 est d'une très grande souplesse, et il existe parfois un
certain flou dans la notion même de « dirigeant ». Pour la commission des
finances, le critère auquel il faut très scrupuleusement veiller est celui qui
sépare les permanents, éventuellement à temps partiel, et les élus, qui ont, je
le répète, vocation à demeurer bénévoles.
Mais il peut exister, dans le respect de la loi de 1901, certaines pratiques,
certaines traditions, voire certains archaïsmes, qui créent des situations peu
claires où l'on ne sait pas très bien si le dirigeant concerné est un élu ou un
permanent.
Pour ces situations, peut-être serait-il possible de trouver des régimes
ad
hoc,
et c'est dans cette direction que la commission voudrait vous inviter,
mes chers collègues, à réfléchir afin que l'on parvienne très rapidement à
finaliser un dispositif adapté.
La commission estime que les amendements qui ont été présentés laissent
subsister des risques de dérive de l'esprit associatif bénévole, même si elle
ne sous-estime pas les difficultés d'application particulières qui ont été
rapportées, difficultés constatées au fil d'expériences très précises, très
ciblées et très concrètes.
La commission souhaite savoir si son approche est partagée par le
Gouvernement, étant précisé que nous avons encore à examiner, à bref délai, une
loi de finances rectificative qui pourrait éventuellement servir de support à
un dispositif tenant compte tout à la fois des soucis légitimes dont Jean
Chérioux, Jean Clouet et Denis Badré se sont faits les porte-parole, et des
principes généraux auxquels la commission des finances est attachée et dont le
Sénat, jusqu'ici, s'est fait le gardien efficace.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
J'ai encore en mémoire le débat qui s'est tenu au Sénat
sur ce sujet, débat fort intéressant qui avait suivi un débat non moins
intéressant au sein de la commission des finances.
Chacun sait bien, puisque la vie associative est au coeur de la vie des
Français, que celle-ci correspond à la fois à un état d'esprit - le bénévolat
consacré à l'intérêt général - et à un cadre juridique qui pourrait, si nous
n'y veillions, être utilisé pour exercer des activités à caractère
concurrentiel. Si tel était le cas, personne, bien évidemment, ne songerait à
réserver aux associations un statut particulier.
Je tiens à remercier MM. Chérioux, Clouet et Badré ainsi que M. le rapporteur
général de leurs explications, car la délicate question de l'indemnisation des
dirigeants associatifs méritait en effet d'être posée.
Le dispositif adopté l'année dernière par l'Assemblée nationale - le Sénat
n'avait pas choisi, lui, de s'engager dans cette voie - crée à l'expérience des
difficultés, que nous avions d'ailleurs envisagées, et pardonnez-moi d'utiliser
une fois encore la première personne du pluriel, mais je me surprends à rester
en communauté d'âme avec vous.
(Sourires.)
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ouvre la possibilité de
rémunérer les dirigeants associatifs sans que cette décision entraîne
l'assujettissement de l'association à des impôts commerciaux, qu'il s'agisse de
l'impôt sur les sociétés, de la taxe professionnelle ou de la TVA, cette
possibilité étant toutefois subordonnée à la réunion de très nombreuses
conditions cumulatives qui ôtent de fait toute portée au dispositif.
M. Chérioux propose de lever ces conditions. J'enregistre sa proposition, qui
témoigne de sa connaissance du sujet ainsi que de son attachement, que le
Gouvernement partage, au secteur associatif, élément essentiel de notre
société. Toutefois, monsieur Chérioux, à l'heure où nous parlons, votre
proposition suscite des débats techniques complexes.
J'en ai parlé assez longuement avec M. le rapporteur général vendredi soir, à
l'issue de la séance, et il me semble que la solution la plus efficace - et je
sais que c'est un souci d'efficacité qui vous guide - consiste
vraisemblablement, à la lumière des échanges que nous venons d'avoir, à
reporter au prochain projet de loi de finances rectificative l'examen de cette
question, afin d'éviter d'introduire trop rapidement, comme l'année dernière,
des normes susceptibles de faire naître des difficultés.
Nous ferons alors tout pour tenter de faire droit à vos demandes, mais, à ce
stade, les amendements proposés ne me semblent pas suffisamment aboutis pour
être adoptés en l'état.
Je vous donne donc rendez-vous au collectif budgétaire et je vous invite à
retirer les différents amendements, en m'engageant à examiner à nouveau le
problème à cette occasion.
M. le président.
Monsieur Chérioux, l'amendement n° I-43 est-il maintenu ?
M. Jean Chérioux.
Je suis reconnaissant à M. le ministre et à M. le rapporteur de m'avoir non
seulement écouté, mais aussi entendu, et je remercie M. le ministre de nous
fixer un rendez-vous point trop éloigné.
Renvoyer la question à deux ou trois ans aurait peut-être posé problème, mais,
lors de l'examen du collectif budgétaire, elle sera encore fraîche dans nos
esprits.
J'accepte donc le rendez-vous et je l'accepte d'autant plus volontiers que je
comprends que ce genre de problème ne puisse être traité à chaud, au détour
d'un amendement dans le projet de loi de finances. Il faut une approche
globale, et, étant persuadé que c'est dans cet esprit que nous travaillerons,
je retire mon amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-43 est retiré.
Monsieur Clouet, l'amendement n° I-121 est-il maintenu ?
M. Jean Clouet.
Je le retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-121 est retiré.
Monsieur Badré, l'amendement n° I-207 est-il maintenu ?
M. Denis Badré.
J'ai pris bonne note, moi aussi, des propos de M. le ministre et de M. le
rapporteur général.
Nous avons posé, voilà un an, une vraie question, à laquelle fut alors
apportée une réponse qui était loin d'être parfaite et dont nous souhaitons
qu'elle soit aujourd'hui améliorée.
Une année s'est donc écoulée, au cours de laquelle le nouveau dispositif a été
mis à l'épreuve. M. le ministre propose de fixer un délai d'un mois pour mener
la réflexion à son terme et trouver une solution viable qui permette aux
associations de vivre de manière autonome. En effet, M. le rapporteur général a
souligné à juste titre qu'il faut se garder de rendre les associations de plus
en plus dépendantes de subventions, donc d'une tutelle indirecte des
collectivités territoriales. Elles doivent demeurer indépendantes, le bénévolat
doit être encouragé et il faut que des associations de jeunes puissent être
animées par des jeunes.
Tel est notre souci. M. le ministre s'étant engagé à le prendre en compte, je
retire l'amendement.
M. le président.
L'amendement n° I-207 est retiré.
Article 5