SEANCE DU 4 DECEMBRE 2002
M. le président.
Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les affaires étrangères, la parole est à M. Guy Penne.
M. Guy Penne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, j'interviendrai sur plusieurs points, et je commencerai
par une question qui me semble fondamentale : ce débat budgétaire n'est-il pas
surréaliste ?
Avant même de l'avoir fait voter par le Parlement, le Gouvernement informe que
ce budget ne sera pas tenu ! On prépare à Matignon et à Bercy les coupes
claires qui viendront alléger les crédits toujours trop minces du ministère des
affaires étrangères. Et voilà que, devançant les ciseaux de Bercy, notre
commission des finances fait du zèle et souhaite amputer, encore et encore, ce
frêle budget !
Mme Danielle Bidard-Reydet.
C'est honteux !
M. Guy Penne.
Cette majorité sénatoriale qui critiquait hier les budgets de M. Védrine se
prépare à voter aujourd'hui des crédits réduits en se prêtant elle-même au jeu
de massacre !
Il s'agit d'un budget modeste, qui s'inscrit dans la continuité. Le budget des
affaires étrangères ne représente pas, en effet, la totalité de l'action
extérieure de la France. Celle-ci est caractérisée, depuis des années déjà, par
la dispersion et la dilution au détriment de son efficacité. Je ferai donc les
mêmes critiques que par le passé.
Les rapporteurs ont fait oeuvre utile en rappelant les points positifs du
projet de budget, mais il faut aussi, pour être juste, rappeler les points
négatifs.
Ainsi ont été évoquées les contributions obligatoires en augmentation. Il faut
parler aussi des contributions volontaires qui restent au niveau de 2002 et qui
sont donc insuffisantes pour assurer la présence et l'influence de la France
dans les organisations internationales.
L'augmentation prévue des crédits destinés à la sécurité des Français de
l'étranger reste très inférieure aux besoins et ne correspond pas aux annonces
faites lors de la préparation du budget. Pensons à la situation actuelle de nos
compatriotes dans certains pays africains où, ici et là, se multiplient des
conflits dont ils sont directement les victimes.
Le budget de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger ne
permettra pas à cette dernière de terminer l'année scolaire. Rien n'est venu me
rassurer depuis l'intervention que j'ai faite en commission. Le fond de
roulement épuisé ne permet une survie que de quelques jours.
La part relative des crédits de rémunération et de fonctionnement diminue :
37,4 % contre 41,2 % l'année dernière. La perte sèche est de cinquante-sept
emplois.
La coopération décentralisée n'est pas bien lotie dans ce budget. Pourtant, le
Président de la République l'avait mentionnée dans son programme en dix points
sur la politique de coopération. Or nous pouvons constater que les crédits
d'appui à la coopération privée ou décentralisée vont baisser de 2 % ! Les
initiatives locales et le travail des ONG constituent un apport fondamental au
renouveau de la coopération. Diminuer leurs crédits est un mauvais signal
adressé aux collectivités locales et aux centaines de bénévoles qui animent le
réseau associatif solidaire.
En ce qui concerne les crédits pour le fonds de solidarité prioritaire et pour
l'Agence française de développement, s'il faut se féliciter de l'augmentation
des autorisations de programme, il faut aussi rester vigilant quant à leur
transformation ultérieure en crédits de paiement, ce qui n'est pas
automatique.
Nous ne pensons pas que le budget pour 2003 contribue à donner une chance de
réussite au voeu de M. le Président de la République sur les crédits d'aide au
développement : - 50 % d'augmentation en cinq ans ! Actuellement, un gel des
crédits important affecte les crédits pour 2002 de la coopération et de l'APD.
On donne d'une main et on efface de l'autre. Ces crédits semblent être la
variable d'ajustement choisie par le Gouvernement pour donner l'illusion de
contenir les dépenses !
Nous constatons, encore une fois, hélas ! que ce budget n'est pas prioritaire
aux yeux du Gouvernement. Les gouvernements passent et les mauvaises habitudes
restent...
En dehors des augmentations dues aux contributions obligatoires, aux crédits
du FED et au complexe mécanisme des contrats de désendettement-développement,
le budget des affaires étrangères augmente de 1,9 %. On peut dire qu'il stagne
!
Quel avenir pour la coopération militaire ?
L'évolution de la coopération militaire n'est pas claire. Cette année encore,
les crédits diminuent et atteignent leur limite basse. Quel est le sens des
mesures d'économie affichées sur la coopération militaire ? Celle-ci
passera-t-elle sous contrôle exclusif du ministère de la défense ?
Une clarification s'impose, d'abord à l'égard de la politique de défense et de
sécurité de la France, qui considérait naguère cette coopération comme faisant
partie d'une stratégie de rayonnement extérieur et d'influence à l'étranger.
Elle s'impose ensuite à l'égard de nos partenaires étrangers, qui pâtissent du
manque d'intérêt français et qui devront aller chercher ailleurs ce que la
France leur refuse.
Or nous avons peut-être une certaine spécificité à défendre en la matière. Il
est évident qu'il faut revoir l'ensemble de la coopération militaire, comme
d'ailleurs nous devrions nous pencher sérieusement sur les accords de défense
liant notre pays à des pays tiers. Toutefois, cette révision ne peut pas se
faire au détour d'une ligne budgétaire effacée d'un trait de plume. Il faudrait
nous présenter un bilan global de cet aspect de notre coopération.
J'en viens à l'aide au développement, au FMI et au désordre mondial.
En ce qui concerne l'APD, signalons que, s'il est bon d'augmenter les crédits,
il faut aussi, et de toute urgence, réfléchir à l'utilisation de l'aide. Vaste
sujet sans doute ! On peut toutefois d'ores et déjà avancer une piste de
réflexion en ce qui concerne le rôle important, trop important, pris par
certaines instances internationales comme le FMI et la Banque mondiale.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les affaires étrangères.
Très
bien !
M. Guy Penne.
En effet, ces organismes à la légitimité douteuse ont aujourd'hui un pouvoir
de vie et de mort - le mot n'est pas trop fort - sur les économies des pays
émergeants et les pays les plus pauvres. Ces organismes arrivent à imposer
leurs conditions ; l'APD des Etats passe après pour limiter, dans le meilleur
des cas, les dégâts.
L'exemple dramatique de l'Argentine nous interpelle et nous contraint à un
examen attentif et approfondi de cette question, de la place et du rôle du FMI
et de la Banque mondiale dans la recherche d'un modèle de développement
équilibré et respectueux des peuples.
Nous savons que les politiques prônées par les grandes organisations
financières internationales ont mené plusieurs pays vers des catastrophes
sociales ou ont contribué à accroître leur dépendance à l'égard des « grands
pays développés ». Ajustements structurels, ouverture de leurs marchés,
libéralisation à outrance, réduction de l'Etat, démantèlement des services
publics et de la sécurité sociale ont conduit ces pays à s'enfoncer dans la
pauvreté et à hypothéquer leur avenir. Cela a souvent été fait, il est vrai,
avec la collaboration d'élites locales incompétentes ou corrompues, parfois
même l'un et l'autre !
Face à ces drames, lourds de conflits à venir, le montant de notre APD semble
bien dérisoire. Surtout, il nous semble que reprendre la main face aux
organisations telles que le FMI et la Banque mondiale est aussi important
qu'augmenter notre aide.
Nous nous honorerions à montrer une plus grande vigilance à l'égard de
l'action des organisations financières internationales et des conséquences
sociales et politiques de leur action.
La doctrine américaine d'aide au développement consiste à mettre en
compétition les pays pauvres pour obtenir l'aide de Washington et à opérer une
sélection à partir de critères établis par la
Heritage Fondation
,
fondation de la droite extrême américaine. L'APD n'est pas une priorité du
gouvernement des Etats-Unis : elle représente à peine 0,11 % du PIB. Nous ne
partageons pas la même conception.
C'est sur le terreau de la pauvreté - cela a déjà été dit par d'autres
collègues - que prolifèrent les désordres et les guerres, les terrorismes et
les intégrismes. Nous avons, nous Européens, tout intérêt à combattre
aujourd'hui la pauvreté en nous attaquant à ses racines pour assurer à nos
enfants un monde meilleur.
J'en viens au moteur franco-allemand, qui a déjà été évoqué, notamment par M.
Daniel Hoeffel. Nous devons saluer le redémarrage de cette pièce essentielle de
la construction européenne. Deux propositions conjointes sont venues illustrer
cette relance attendue : la première sur la politique européenne de sécurité et
de défense, la seconde sur la justice et les affaires intérieures.
Ces deux textes proposés à la Convention revêtent bien entendu une grande
importance : ils contiennent des propositions concrètes que nos partenaires
peuvent accepter. Il faut s'attarder aussi sur la symbolique de cette action
commune franco-allemande. On peut dire que, lorsque l'entente entre l'Allemagne
et la France fonctionne, l'Europe va mieux. Il convient donc d'encourager
toutes les actions et propositions communes du couple franco-allemand - je
rejoindrai encore M. Daniel Hoeffel sur ce point - et notamment de porter un
coup d'arrêt au démantèlement des centres culturels français en Allemagne.
J'évoquerai maintenant la Tchétchénie : petit Etat, petit peuple... grand
malheur. La guerre s'y poursuit. Il s'agit bien d'une guerre menée,
aujourd'hui, au nom de la lutte contre le terrorisme. Est-ce à dire que le
terrorisme se trouve à l'origine de cette guerre ?
La population civile souffre du durcissement de la politique de la Russie :
des milliers de civils sont touchés par des actions militaires, de graves
violations des droits de l'homme sont commises. D'importantes organisations
internationales dénoncent l'existence de crimes de guerre.
La nouvelle guerre de Tchétchénie se déroule depuis 1999 dans une grande
indifférence internationale.
L'OSCE devrait pouvoir jouer un rôle dans le conflit du Caucase, avant que la
régionalisation du conflit entraîne de graves conséquences pour l'Europe :
déplacements de population, terrorisme, mafias, etc.
Peut-on envisager une commission internationale pour aborder la question de la
guerre de Tchétchénie ?
On ne peut pas parler aujourd'hui de relations internationales sans aborder la
question du blanchiment d'argent, mais le temps qui m'est imparti ne me permet
pas de développer davantage.
Je tiens à évoquer la dégradation de la situation sur le continent africain,
qui se généralise. Peut-être pourriez-vous nous indiquer quelles sont les
conséquences du voyage de M. de Villepin en Côte d'Ivoire. Le rappel de notre
ambassadeur, monsieur Vignal, fait-il partie de la relance de nos efforts
diplomatiques ? Les perspectives d'installation d'une force militaire
interafricaine qui permettrait de mettre fin à la mission de protection de
l'armée française sont-elles proches ?
Enfin, quel accueil le Gouvernement français fait-il au rapport de l'ONU sur
le pillage organisé de l'ancien Zaïre ? Quelle est notre attitude et quelles
initiatives pensez-vous prendre pour aider l'ONU dans cette tâche ? Pour
terminer, je voudrais dire que M. le ministre a bien voulu proroger la
commission temporaire de réforme, qui avait été mise en place par M. Hubert
Védrine.
Le travail des délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger s'est
acru. Nous voulons renforcer leur rôle, mais, évidemment, cela aura un coût.
La représentativité du Conseil supérieur des Français de l'étranger a été
évoquée dans le cadre de la loi de décentralisation. Le renfort du ministre des
affaires étrangères nous est indispensable, d'autant que ce dernier préside
actuellement le Conseil. Qu'en serait-il si le nouveau statut transformait ce
Conseil en établissement public ? Quel serait le souhait de M. le ministre et
quel serait le statut personnel du directeur de cet établissement public ?
Enfin, on critique ici et là le caractère réduit du Conseil supérieur des
Français de l'étranger pour élire les sénateurs représentant les Français
expatriés. Quelle proposition pourriez-vous faire étudier pour élargir ce
collège électoral, par exemple par la création d'une circonscription unique ?
Ne peut-on mieux faire entendre encore la voix de nos compatriotes expatriés en
leur accordant également la possibilité d'élire des députés ?
En conclusion, le groupe socialiste m'a chargé de vous dire que nous nous
abstiendrons sur ce budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, la discussion annuelle de ce projet de budget est
l'occasion pour moi de faire le point sur l'action sociale qui est menée à
l'égard des deux millions de Français qui vivent hors de France, dont un
certain nombre - malheureusement, ce nombre est croissant - se trouvent dans
des situations difficiles du fait de leur âge ou de leur handicap. Ce sont eux
qui, prioritairement, sont les bénéficiaires du fonds d'assistance du ministère
des affaires étrangères, créé en 1977 sous l'impulsion du Premier ministre de
l'époque, M. Raymond Barre.
En 2002, ce fonds d'assistance a connu un certain nombre d'aléas ; souhaitons
que le projet de budget pour 2003 qui nous est soumis, et qui amorce une
progression, ne connaisse pas les mêmes !
Revenons quelques instants sur l'année en cours. Le budget que nous avait
présenté votre prédécesseur, monsieur le ministre, notamment le chapitre
relatif à l'assistance aux Français de l'étranger, n'avait progressé que très
faiblement - 1,8 % - s'établissant à 17,339 millions d'euros, ce qui a conduit
la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger,
au sein de laquelle je siège et qui fixe le montant des allocations «
solidarité et handicapé » pour l'ensemble de nos postes consulaires, à
n'accorder que des augmentations limitées en nombre et en montant lors de sa
réunion du 5 mars 2002.
J'ajoute que, dans une vingtaine de postes, les taux de base ont même été
révisés à la baisse. Je ne peux que regretter une telle situation, car si,
depuis 1998, la ligne budgétaire affectée au fonds d'assistance a été
revalorisée de 18 %, dans le même temps, les dépenses ont augmenté de 27 %, ce
qui se traduit par un déficit des aides à nos compatriotes.
Dans votre intervention du 2 septembre 2002 devant le Conseil supérieur des
Français de l'étranger, le ministre des affaires étrangères, M. Dominique de
Villepin, nous avait annoncé une hausse de 500 000 euros des crédits du fonds
d'assistance dans le projet de loi de finances pour 2003. En examinant ce
dernier, j'ai pu constater que cette promesse était respectée puisque le titre
IV, chapitre 46-94, fait état d'une augmentation de 1 000 000 d'euros, dont 500
000 euros pour la ligne budgétaire consacré à « l'assistance à l'étranger ».
Je m'en réjouis, car dans le contexte budgétaire actuel, c'est la marque de
l'intérêt qui est porté aux Français vivant à l'étranger.
J'exprime le voeu, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que
cette augmentation - dont nous nous félicitons - ne constitue qu'une première
étape et que cet effort soit poursuivi dans les années à venir, afin que les
expatriés disposent enfin d'aides comparables à celles de leurs compatriotes de
métropole et que l'écart existant puisse, un jour, disparaître totalement.
Dans cette perspective, je formule un souhait particulier : il concerne les
enfants français handicapés en résidence à l'étranger. Certes, ils bénéficient
d'une allocation « enfant handicapé », mais son montant reste minime lorsqu'il
s'agit d'enfants qui souffrent d'un handicap lourd. Aussi ces derniers sont-ils
encore très nettement désavantagés par rapport aux handicapés mineurs de
métropole. Une augmentation circonstanciée, adaptée aux besoins, serait donc la
bienvenue.
Une autre ligne budgétaire du chapitre 46-94 a retenu mon attention ; je veux
parler de celle qui est consacrée à la contribution à la couverture santé des
personnes à faible revenu dans le cadre de la caisse de sécurité sociale des
Français de l'étranger. Il s'agit donc de l'aide qui est apportée par l'Etat
aux expatriés désireux d'adhérer à l'assurance maladie de la caisse de sécurité
sociale des Français de l'étranger, mais dont les revenus sont trop faibles.
Cette aide est inscrite à l'article 19 de la loi de modernisation sociale.
Conformément aux engagements de l'Etat, cette ligne budgétaire demeure stable
à 152 449 euros par an.
L'entrée en vigueur tardive, à la fin du mois d'avril 2002, des mesures
contenues dans l'article 19 de la loi de modernisation sociale et, notamment,
de celles qui sont relatives à la troisième catégorie aidée, ne nous permet pas
encore de juger de l'impact réel de cette disposition.
Néanmoins, monsieur le ministre, afin qu'un plus grand nombre de nos
compatriotes puissent en bénéficier, il est probable - comme je l'ai indiqué à
votre collègue chargé de la santé - que le conseil d'administration de la
caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger sera amené à proposer des
aménagements. Je tenais à vous en informer, car nous devons, d'une part,
poursuivre nos réflexions concernant les allocataires du fonds d'assistance -
qui ne disposent ni des minima sociaux ni de la couverture maladie universelle
qui leur est attachée - et, d'autre part, faire en sorte que tous puissent un
jour bénéficier de la couverture maladie de la caisse de sécurité sociale des
Français de l'étranger, ce qui est l'une de mes demandes constantes depuis de
nombreuses années.
Il est donc absolument nécessaire de poursuivre l'effort entrepris cette année
en renforçant les crédits d'assistance aux Français de l'étranger. Il s'agit,
bien sûr, de répondre aux demandes croissantes de nos compatriotes et de leur
assurer des allocations qui leur permettent d'avoir des conditions de vie
décentes, mais aussi d'apporter une aide plus importante à ceux des
allocataires qui ne peuvent toujours pas adhérer à la caisse de sécurité
sociale des Français de l'étranger en raison de la faiblesse de leurs
ressources, et ce malgré la création de la troisième catégorie aidée. Par
exemple, la prise en charge de leur accès à l'assurance maladie des expatriés
représente, en quelque sorte, un parallèle avec ce qui existe en métropole
s'agissant de la couverture maladie universelle pour les bénéficiaires des
minima sociaux.
Je veux dire un mot des retraites dues par les Etats africains aux expatriés
retraités, retraites pour lesquelles ces derniers ont cotisé. De nombreux
organismes africains de sécurité sociale sont défaillants, ce qui pénalise nos
compatriotes. C'est un sujet récurrent, très longuement exposé à cette tribune
par moi-même et par beaucoup de mes collègues. Nous attendons une action du
Gouvernement en la matière.
Avant de conclure, je souhaite évoquer le sujet des sociétés françaises de
bienfaisance, dont certaines reçoivent des subventions du ministère des
affaires étrangères. Celles-ci leurs permettent d'apporter une aide matérielle
aux Français expatriés les plus défavorisés et d'intervenir en complément des
allocations versées par le ministère. Elles suppléent ainsi, de plus en plus
fréquemment, l'action de nos postes consulaires, qui sont dans l'impossibilité,
nous l'avons vu, de faire face, pour l'instant, à toutes les demandes.
Ces actions nécessitent donc des subventions ciblées plus importantes. Nous
devons, là aussi, poursuivre nos efforts. Il s'agit d'apporter l'aide réelle
que nos compatriotes français de l'étranger sont en droit d'attendre de l'Etat
français, surtout pour les plus démunis qui, malheureusement, sont de plus en
plus nombreux dans le monde.
Depuis une trentaine d'années, nous nous sommes mobilisés pour mettre en place
une couverture sociale globale en faveur des Français de l'étranger : je pense
aux assurances volontaires maladie, maternité, accidents du travail de la
caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger ; je pense aux systèmes
de retraite ; je pense, enfin, au fonds d'assistance du ministère. Certes, nous
devons encore parfaire le système, mais le plus urgent me paraît être le fonds
d'assistance, qui, aujourd'hui, ne joue pas pleinement le rôle qu'il devait
avoir à l'origine auprès de nos compatriotes les plus démunis.
On peut comprendre que vous deviez prendre en compte certaines restrictions
budgétaires. Mais, franchement, est-ce une raison pour que, dès qu'un problème
de ce type se pose, on le fasse supporter aux plus désavantagés de nos
expatriés, comme cela a failli être le cas cette année ?
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne pourrons aller de
l'avant que si vous augmentez fortement le fonds d'assistance ; Alain Juppé et
Hubert Védrine, deux de vos prédécesseurs, l'avaient compris. Ce doit être
désormais notre objectif commun, comme M. de Villepin l'a indiqué devant
l'Assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger. D'autant
que vous aurez à coeur, j'imagine, de mettre en oeuvre l'engagement du
Président de la République : « la solidarité nationale s'exprime aussi - à
l'égard des Français de l'étranger - dans le domaine de la protection sociale
en abondant fortement le fonds d'action sociale au cours des cinq prochaines
années, afin de faire face à l'afflux des demandes, et en améliorant le système
d'assurance maladie de façon que le plus grand nombre de nos compatriotes n'en
soient plus exclus ».
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, des Républicains et Indépendants, et du RPR, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, nous abordons la discussion des crédits consacrés à la
coopération dans un monde empreint de violence, d'inégalités et de frustration
qui nous montre combien les politiques mondiales ont échoué.
Cependant, il ne s'agit pas d'une fatalité. Ce système, fondé sur une vision
capitalistique des relations dans laquelle le facteur économique prime sur le
facteur humain, n'est pas l'issue obligée. L'avenir et la solution sont dans
une plus juste répartition des richesses si nous voulons faire évoluer notre
planète.
Koffi Annan, secrétaire général de l'ONU, l'a lui même rappelé, lors du sommet
sur le millénaire : « le plus important, c'est que l'être humain soit au centre
de tout ce que nous faisons ».
Pourtant, le fossé entre pays riches et pays pauvres ne fait que s'agrandir :
600 millions d'enfants vivent dans le dénuement le plus total ; 1,4 milliard de
personnes n'ont pas accès à l'eau potable et 2,6 milliards de personnes vivent
sans installation d'assainissement.
La question de l'eau est un enjeu majeur de notre siècle. Pourtant, le sommet
de Doha a entrepris de l'intégrer dans la sphère marchande et, à Johannesburg,
en septembre dernier, les multinationales de l'eau étaient très présentes. Or
nous travaillons pour que l'eau soit un bien commun de l'humanité. Ce thème,
abordé lors du forum social de Florence, sera repris en novembre 2003 au forum
social de Saint-Denis.
Les chiffres relatifs à la faim dans le monde sont, eux, aussi éloquents : 24
000 personnes meurent de faim chaque jour, soit une personne toutes les quatre
secondes, alors que la planète produit suffisamment de céréales pour nourrir
l'ensemble de la population mondiale. L'augmentation de 2 millions d'euros dans
ce budget est appréciable, mais elle reste très insuffisante si la France veut
respecter les engagements qu'elle a pris lors de la convention de Londres.
L'objectif de réduire de moitié le nombre de personnes qui souffrent de la
faim sera atteint - comme l'a reconnu le directeur général de l'Organisation
des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO - avec
quarante-cinq ans de retard ! Le sommet mondial de l'alimentation, qui s'est
tenu récemment à Rome et dont l'objectif était de relancer la lutte contre la
faim, nous laisse des plus perplexes sur les réelles intentions des pays
industrialisés.
Une grande source d'inquiétude concerne le domaine de la santé. Le dernier
rapport de l'ONUSIDA recense 42 millions de personnes porteuses du virus, 5
millions de nouvelles infections et 3,1 millions de décès, dont 610 000 enfants
de moins de quinze ans. C'est une véritable pandémie dont les gouvernements du
Nord et du Sud n'ont pas pris la pleine mesure.
La vie humaine ne doit pas être l'otage des grandes firmes pharmaceutiques qui
réclament des sommes colossales. Des solutions sont envisageables, comme la
prévention, la vaccination, la baisse des prix des médicaments, la diffusion
sans restiction des génériques et, surtout, la mise en place d'une véritable
politique mondiale de diffusion des thérapies. Monsieur le ministre, monsieur
le secrétaire d'Etat, nous sommes comptables devant l'humanité. Il faut agir
vite !
En ce qui concerne le domaine de la culture et de l'éducation, dans le monde,
plus de 100 millions d'enfants ne vont pas à l'école, dont une grande majorité
de filles. Pourtant, la culture et l'éducation sont les remparts essentiels
contre l'ignorance et l'intolérance. Elles sont les portes du progrès et de la
tolérance. Albert Camus disait fort justement : « Une nation qui éduque est une
nation qui se civilise. » Nous devons permettre un accès libre aux écoles et
leur gratuité.
Je suis très heureuse d'avoir participé, avec tous les groupes politiques du
Sénat et son président, à la reconstruction des lycées franco-afghans de Kaboul
l'an dernier, en coopération avec le ministère des affaires étrangères et
France Culture.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Très bien !
Mme Hélène Luc.
Mais il faut prolonger cette action en ouvrant des écoles primaires, des
facultés et des hôpitaux. La France a été et doit rester un moteur essentiel en
la matière. C'est pourquoi je déplore, dans ce projet de budget, la baisse des
crédits octroyés à la francophonie et aux relations culturelles.
Qui plus est, il est inacceptable - j'y insiste - qu'un amendement vise à
diminuer les crédits attribués à l'aide pour le développement et à la
francophonie à hauteur de 2 millions d'euros. Bien évidemment, nous voterons
contre cet amendement !
Par ailleurs, ces dernières années, les sommets pour le développement et la
coopération ont été très fréquents. Qu'il s'agisse de Monterrey, de Rome ou de
Johannesburg, un mouvement mondial s'est amorcé. Mais les participants ont
avant tout adopté des résolutions, et il convient maintenant de les appliquer.
Ils ont mis l'accent sur les désaccords existant entre les Etats-Unis, l'Europe
et les pays du Sud.
La France s'est positionnée en faveur d'une politique de développement et de
coopération plus humaniste. Nous devrons donc nous engager à l'échelle mondiale
et européenne, car certains pays, comme la Roumanie, connaissent une véritable
misère qui pousse des populations à s'expatrier massivement pour s'installer
dans de véritables bidonvilles. Habitant à Choisy-le-Roi, j'en ai vu l'exemple
douloureux.
Il convient donc au plus vite d'engager un travail approfondi de coopération
et d'aide entre la France, l'Europe et ces pays afin d'apporter des réponses
humaines et que ces hommes, ces femmes et ces enfants puissent vivre dans leur
pays. Il faut défendre les droits de l'homme. Il faut le dire, la solution
n'est pas de les expulser, mais au contraire d'aider à vivre en France ceux qui
sont là.
Il est donc nécessaire de mettre en place un véritable plan mondial contre la
pauvreté et pour le développement dans toutes ses dimensions.
Depuis plusieurs années, avec le groupe communiste républicain et citoyen,
nous demandons l'instauration d'une taxe sur les mouvements financiers. Le
Président de la République a repris cette idée récemment, il faut vite la
concrétiser !
Il convient aussi d'être plus à l'écoute de la société civile et des
collectivités locales. De nombreux conseils municipaux et généraux, à l'exemple
de Paris, de Marseille, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, poursuivent
une politique efficace en la matière. Bien que le Président de la République,
lors du sommet de Johannesburg, ait souligné la nécessité d'appuyer de telles
actions, ce projet de budget enregistre une baisse des crédits en faveur des
initiatives privées et de la coopération décentralisée. La France, en accordant
une part très faible de son aide publique au développement aux organisations
non gouvernementales et aux collectivités locales, se trouve très mal placée
par rapport aux autres pays européens.
La France, à elle seule, même si elle peut faire beaucoup, ne pourra renverser
cette logique. Il est nécessaire que les Etats-Unis prennent enfin la part qui
devrait être la leur. Malheureusement, ils viennent récemment d'annoncer la
création d'une agence indépendante pour distribuer leur aide publique au
développement suivant des critères hautement subjectifs fondés sur des concepts
de « bonne gouvernance » et de « bonne gestion économique », accordant l'aide
aux pays qui se soumettront aux injonctions du président Bush. C'est un autre
défi qui est lancé, selon moi, à l'ONU.
Pour conclure, je souhaite l'adoption d'une loi de programmation en matière de
coopération, comme en matière militaire, qui permettrait de définir le cadre
nécessaire au seuil de 0,7 % du PIB et au financement des opérations de
coopération, mais également de circonscrire des gels de crédits trop fréquents.
Le Président de la République avait évoqué une telle loi ; maintenant, il faut
s'y acheminer.
Le groupe communiste républicain et citoyen reconnaît, monsieur le ministre
délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, l'effort consenti en matière de
coopération et de développement dans ce budget, mais, avec 0,4 % du PIB, nous
sommes encore loin du compte et des 0,7 % prévus pour 2010. Il faudra y
parvenir en temps voulu et pourquoi pas, monsieur le ministre délégué, monsieur
le secrétaire d'Etat, en posant avec force cet objectif à l'ONU : y arriver
avant 2010 !
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Robert Del Picchia
M. Robert Del Picchia.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, les problèmes mondiaux viennent d'être traités et
je serai plus terre à terre.
Toutefois, avant d'aborder quelques points qui seront, vous vous en doutez,
consacrés aux Français de l'étranger, je tiens à exprimer publiquement mes
félicitations à votre ministère dans son ensemble, à vous-mêmes, monsieur le
ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, et à Dominique de Villepin.
En effet, vous avez entendu et vous entendrez encore quelques remarques
négatives, voire des plaintes, sur le fonctionnement de certains services du
ministère, ambassades ou consulats, peut-être en partie justifiées, mais là
n'est pas mon propos. En revanche, à titre personnel, j'ai envie de dire un
grand « bravo » à la politique étrangère de la France, inspirée par le
Président de la République, conduite par le ministre, suivie par vous-mêmes,
monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, et appliquée par
les fonctionnaires.
Le consensus sur les succès diplomatiques des derniers mois n'est contesté ni
à droite ni à gauche ni dans cette assemblée ni à l'Assemblée nationale. La
liste des points les plus visibles est longue : l'affaire irako-américaine, les
accords européens, la politique agricole commune, le financement de
l'élargissment ; n'oublions pas, bien sûr, la coopération en matière de défense
avec l'Allemagne, et même les progrès réalisés en Afrique.
Dominique de Villepin n'a pas ménagé son engagement, ses heures de sommeil ni
ses kilomètres de voyages, tout comme Renaud Muselier aux quatre coins du
monde, Pierre-André Wiltzer en Afrique et ailleurs, et Noëlle Lenoir dans les
marathons européens.
L'image de la France et son retentissement à l'étranger en sont sortis
grandis, ce dont nous vous remercions.
Permettez-moi de me féliciter particulièrement de la prise en compte de la
sécurité des Français de l'étranger en tête des priorités, comme l'a rappelé
Dominique de Villepin, dans ce monde incertain où plus rien n'est prévisible et
où l'imprévisible est trop souvent catastrophique.
Je partage en outre les interrogations du président de la commission des
affaires étrangères, André Dulait, en particulier sur l'Europe de la défense,
la coopération renforcée avec l'Allemagne et les autres pays européens, et je
m'associe aux propos de M. Hoeffel sur le couple franco-allemand et sur le
Conseil de l'Europe.
Mais venons-en, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, à
l'avenir des Français de l'étranger. J'exprimerai tout d'abord ma satisfaction
sur l'avancée consacrée par le projet de loi constitutionnelle relatif à
l'organisation décentralisée de la République : je veux parler de la
reconnaissance dans la Constitution des « instances représentatives des
Français de l'étranger ».
Jusqu'à présent, il ne figurait qu'une seule référence aux Français de
l'étranger dans la Constitution, à l'article 24 : « Les Français établis hors
de France sont représentés au Sénat. »
Grâce aux efforts conjoints de votre ministère et des ministères de la justice
et des libertés locales, l'article 39 de la Constitution devrait, dès
l'adoption définitive du projet de loi constitutionnelle, consacrer le principe
de l'existence de « projets de loi relatifs aux instances représentatives des
Français de l'étranger ».
Ce pas important en faveur des expatriés et de leurs représentants au Conseil
supérieur des Français de l'étranger, le CSFE et au Sénat démontre l'ambition
du Gouvernement en faveur d'une vraie réforme du CSFE.
La commission de la réforme, son président, Guy Penne, et l'ensemble des
délégués souhaitent que le CSFE devienne l'« assemblée des Français de
l'étranger », l'AFE.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de décentralisation, le garde des
sceaux a annoncé au Sénat le dépôt d'un projet de loi organique qui devrait
être soumis au Parlement au printemps 2003.
Serait-il raisonnable, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire
d'Etat, d'envisager de faire de l'assemblée des Français de l'étranger un
établissement public placé sous la tutelle du ministère des affaires étrangères
et, bien entendu, aux prérogatives partagées ? et établissement public pourrait
avoir des compétences qui seraient déterminées en accord avec le ministère.
Par ailleurs, il est de notoriété publique, comme nous l'avons entendu à cette
tribune, que l'agence pour l'enseignement français à l'étranger rencontre des
difficultés financières. On connaît l'augmentation du budget et on sait qu'il
est demandé un plan d'économies de 6,4 millions d'euros qui ne pourraient être
réalisées que sur le budget de fonctionnement. Des économies trop lourdes
risquent d'induire de graves conséquences pour les établissements, telles que
des déconventionnements, des taxations sur les fonds de roulement, des
restrictions dans les subventions aux établissements, au prix, dans certains
cas, de la sécurité des élèves et des personnels.
De surcroît, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat,
l'Agence et l'image de la France à l'étranger n'en sortiraient pas indemnes.
Ces mesures seraient perçues comme un désengagement et bloqueraient la
confiance alors même que l'on resterait loin de l'objectif d'économies fixé.
Le ministre des affaires étrangères, bien conscient de ce problème, a déjà
indiqué que ce plan d'économies pourrait être étalé sur plusieurs années.
Pour remédier aux difficultés budgétaires de l'Agence, l'une des pistes
pourrait être la prise en charge partielle ou totale des bourses scolaires par
le ministère de l'éducation nationale. Il faut savoir que l'extension de notre
réseau et le maintien à son niveau de qualité ont conduit la plupart des
établissements à augmenter régulièrement les frais de scolarité. Il est
peut-être bon de rappeler à cette tribune, pour ceux de nos collègues qui ne le
savent pas ou qui l'ont oublié, que l'école publique française à l'étranger est
privée, payante et parfois chère.
Dans le passé, la gestion des bourses scolaires à l'étranger était assurée par
le ministère de l'éducation nationale. Elle a été transmise à l'AEFE en 1990,
au moment de sa création. Pourquoi n'envisagerions-nous pas un transfert de
charges pour payer une partie des bourses qui viendrait en déduction du budget
?
Si l'enseignement est un sujet de préoccupation majeur pour les Français de
l'étranger, il en est un autre qu'il ne faut pas négliger afin de préserver le
lien qui les unit à la France : la chaîne d'information. Nous savons que le
projet de budget pour 2003 n'y pourvoira pas, mais nous pouvons y réfléchir
pour l'avenir. L'une des solutions consisterait à reprendre la chaîne
européenne d'information Euronews, en augmentant tout simplement la
participation de la France qui est, à l'heure actuelle, de 38 %, afin d'obtenir
la majorité et de faire de la chaîne européenne une chaîne d'information
française.
Je voudrais conclure, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétariat
d'Etat, en abordant, après Jean-Pierre Cantegrit, le problème des retraites. Je
tiens à remercier particulièrement votre ministère, puisque l'on vient
d'apprendre que l'OPS, l'organisme en charge du paiement des retraites à
Djibouti, avait enfin repris le paiement des pensions de nos compatriotes qui,
après avoir cotisé parfois toute une vie, ne percevaient plus leur retraite
depuis des années.
C'est une très bonne nouvelle. Néanmoins, de nombreux pays africains ne le
font pas encore, aussi espérons-nous que vous obtiendrez le même succès dans le
déblocage de ces pensions impayées.
Telles sont, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques
réflexions complémentaires que je souhaitais apporter à ce débat. C'est avec
plaisir et enthousiasme, comme le disait Hubert Durand-Chastel, que je voterai
ce budget, et c'est avec grand intérêt que j'écouterai vos réponses qui, j'en
suis sûr, seront tout aussi pertinentes que les questions qui vous ont été
posées par nos collègues.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire
d'Etat, mes chers collègues, par tradition, la France a une diplomatie forte et
originale, une indépendance politique et une force de proposition unique. Elle
est un acteur essentiel dans le débat international, tant au sein des Nations
unies que par son action propre, dont la qualité est reconnue ; son rôle dans
la crise irakienne en est un exemple éloquent.
Pour avoir les moyens de son ambition, notre pays doit disposer d'un outil
diplomatique performant. La hausse du budget des affaires étrangères est un
élément déterminant. En effet, ce budget a des incidences majeures non
seulement politiques mais aussi économiques. Nous devons lui donner toute son
efficacité en améliorant le fonctionnement du ministère et en ciblant notre
action.
Pour ce qui est des réformes au niveau interministériel, des efforts pour
rationaliser les actions extérieures de la France sont à saluer, qu'il s'agisse
de la réforme comptable de 1997, de la fusion, en 1998, des ministères des
affaires étrangères et de la coopération, ou de l'expérimentation des sept
postes mixtes à vocation consulaire et commerciale.
Notre pays peut sans doute s'enorgueillir de disposer du deuxième réseau
diplomatique et consulaire au monde, grâce à ses cent soixante-neuf ambassades
et représentations permanentes. Mais ce réseau n'est pas pleinement adapté aux
changements stratégiques mondiaux. La France doit être plus présente là où
s'inscrit l'avenir, et non là où sa présence n'est qu'un héritage de
l'histoire.
Pour ce qui concerne l'Union européenne, la recherche d'efficacité d'un
redéploiement de nos effectifs diplomatiques et consulaires nous conduit à
considérer l'ampleur de notre présence. Les vingt-quatre consulats français
dans les pays de l'Union européenne emploient près de cinq cents personnes,
soit le quart des effectifs diplomatiques et consulaires totaux, et coûtent
près de 21 millions d'euros, ce qui représente 5 % des dépenses. Si l'Union
européenne est une réalité, la suppression des consultats dans les pays de
l'Union et l'exercice de leurs fonctions par les autorités locales en seraient
la conséquence logique. Cette solution serait économique, et symboliquement
très forte ; elle ferait de nos ressortissants des citoyens européens à part
entière.
Nos ambassades en Allemagne, en Espagne, en Italie au Royaume-Uni emploient
aussi près de cinq cents personnes. Sont-elles, aujourd'hui encore, toutes
indispensables ?
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Non !
M. Aymeri de Montesquiou.
Je vous remercie de cette réponse, monsieur le rapporteur spécial.
Il existe un hiatus considérable entre la « demande de France » émanant des
régions stratégiques pour les équilibres et économiques mondiaux et notre
réactivité à celle-ci. Notre récente action en faveur de la paix a souligné
combien cette demande était forte.
Pour illustrer cette affirmation, je choisirai la zone de la mer Caspienne,
qui représente 20 % des réserves mondiales de pétrole et qui a été plus
particulièrement sensible à l'action diplomatique de la France pour éviter la
guerre en Irak.
Dans cette zone se trouve l'Iran, qui joue un rôle clé pour le Moyen-Orient et
qui représente un marché de 65 millions d'habitants. Soyons-y plus présents,
avant que les Américains n'y reprennent pied.
Cette zone comprend aussi l'Asie centrale, où nous ne sommes guère présents,
et le Kazakhstan, en particulier, qui ne veut pas devenir un protectorat
américain et qui produira 150 millions de tonnes de pétrole dans dix ans.
J'ajouterai à cette liste l'Afghanistan, petit marché, mais aussi lieu de
confrontation entre diverses interprétations de l'Islam. Notre pays, reconnu
comme respectueux de toutes les religions, peut y trouver l'occasion
d'apparaître comme le pays occidental le plus à même d'être l'interlocuteur
privilégié du monde musulman.
Dans un autre contexte, nous ne pouvons bien sûr abandonner l'Afrique, même si
sa situation est parfois décourageante. Cependant, notre capacité financière ne
nous permet pas d'agir sans partenaires : la Libye assagie ou le Canada
francophone, monsieur le ministre délégué, pourrait être l'un de ceux-ci.
Notre action récente aux Nations unies a montré que nous refusions la loi du
plus fort, acceptée sans doute au xixe siècle, mais qui ne doit plus avoir
cours aujourd'hui. Dans le droit fil de cette politique, une action constante
en faveur de l'application de toutes les résolutions des Nations unies
accroîtrait notre capital de sympathie auprès des pays qui refusent tout
hégémonisme.
Avant de conclure, je voudrais insister, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, sur la faiblesse de notre action en faveur des étudiants
étrangers. Nous en accueillons, c'est un exemple parmi d'autres, 50 % de moins
que la Grande-Bretagne. C'est un point très faible de notre organisation
interministérielle, car ces étudiants constituent des relais politiques et
économiques essentiels pour le futur.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous comptons sur votre
énergie pour que notre diplomatie demeure l'un de nos atouts majeurs pour
diffuser nos valeurs humanistes et universelles. Nous comptons sur vous pour
mener une diplomatie audacieuse, courageuse et visionnaire, en développant nos
relations avec des pays qui seront, dans un avenir proche, sur le devant de la
scène internationale, et en donnant toute son importance à l'Organisation des
Nations unies.
Les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen
voteront les crédits destinés à votre ministère.
(Applaudissements sur les
travées du RDSE, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Yves Dauge.
M. Yves Dauge.
Je voudrais attirer d'emblée l'attention de M. le ministre et de M. le
secrétaire d'Etat sur un point : en votant les crédits de l'Agence française de
développement, que je connais bien puisque j'ai siégé plusieurs années au sein
de son conseil de surveillance, avec certains de mes collègues ici présents,
nous lui accorderons 137 millions d'euros de crédits de paiement. Or il faut
savoir que quelque 160 millions d'euros ont déjà été engagés ; par conséquent,
l'Agence française de développement va se trouver, à la suite de notre vote, en
cessation de paiements. Nous avions déjà connu cette situation l'an dernier,
car l'Agence avait alors subi un gel de 20 % de ses crédits, que M. Charasse a
qualifié tout à l'heure de « mal nécessaire ».
Pour ma part, je pense, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
qu'en ce qui concerne les interventions de la France à l'étranger, notamment
dans le cadre des rapports étroits que nous entretenons avec des pays du
tiers-monde en matière d'opérations de développement, il conviendrait de ne pas
procéder à une régulation budgétaire. Sinon, nous nous plaçons dans une
situation d'échec, ce qui est quand même grave. Je comprends que l'on pratique
la régulation budgétaire, c'est parfois nécessaire, mais il est des domaines où
il vaut mieux éviter de le faire : c'est une vieille histoire !
En tout cas, j'insiste sur le fait que, après le gel de 20 % des crédits en
2002, nous allons voter 137 millions d'euros de crédits de paiement, alors que
les engagements atteignent d'ores et déjà 160 millions d'euros. Comment
fera-t-on face à cette situation, techniquement et politiquement ? C'est un
point qui m'inquiète beaucoup.
J'ajouterai, à propos de l'Agence française de développement, que celle-ci a
consenti des prêts à des pays qui vont bénéficier de suspensions de dettes.
L'Agence a donc besoin d'une garantie de l'Etat, laquelle s'élèverait, d'après
mes informations, à 1,1 milliard d'euros, ce qui est nettement insuffisant. Là
aussi, comment s'y prendra-t-on pour résoudre l'équation ? Soit on donne des
chiffres, qui devront être exacts parce que l'on établit des budgets sincères,
soit on se contente d'affirmer que la garantie sera apportée, sans autres
précisions, mais on ne peut laisser l'Agence dans l'incertitude. Cela dit,
l'annulation de la dette est évidemment une excellente chose.
Par ailleurs, M. Charasse a évoqué à juste titre le Fonds européen de
développement, le FED. J'avais rédigé un rapport sur celui-ci voilà environ
deux ans et il est vrai que la consommation des crédits n'est pas
satisfaisante. Les raisons en sont multiples. Pour ma part, je crois qu'il faut
revenir sur cette question de la non-consommation des crédits du FED et en
débattre à l'échelon européen.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour l'aide au développement.
C'est
sûr !
M. Yves Dauge.
M. Charasse propose de reprendre les crédits qui n'auront pas été consommés.
Ce serait la solution idéale, évidemment, mais j'ignore si elle est applicable.
L'année dernière, M. Charasse avait proposé une autre solution, consistant à ne
pas attribuer les crédits et à attendre la suite des événements. En tout état
de cause, il s'agit d'un vrai sujet, la France étant le premier contributeur au
FED, à hauteur de 25 % des crédits. Comment peut-on aider l'Europe à dépenser
cet argent ?
Mme Danielle Bidard-Reydet.
C'est bien le problème !
M. Yves Dauge.
On ne peut, à mon avis, se contenter de reprendre les crédits qui n'auront pas
été utilisés. La France doit aider l'Europe à être efficace, et il n'est pas
mauvais, en soi, que notre pays contribue à hauteur de 25 % au budget du Fonds
européen de développement, à condition qu'il puisse, au travers de cette
contribution, mener une vraie politique de développement. Cependant, la
réflexion doit être conduite à l'échelon européen.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
Bien sûr !
M. Yves Dauge.
J'ai assisté à des réunions, en particulier à Londres, où l'on débattait des
moyens de mieux dépenser, mais la discussion n'a pas abouti. Reprenons-la et
faisons progresser l'Europe sur ce sujet, qui est quand même un beau sujet. En
soi, il n'est pas mauvais, je le répète, que la France alimente le FED à
hauteur de 25 %.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Nous ne disons pas le contraire !
M. Yves Dauge.
Cela étant, la France doit obtenir, par le biais de cette contribution, que
l'Europe conduise une politique de développement pour le tiers monde qui soit
reconnue comme exemplaire. M. Charasse a soulevé une vraie question : le
fonctionnement du FED n'est pas satisfaisant, il faut l'améliorer, mais quoi
qu'il en soit on ne peut en rester là.
S'agissant toujours du développement, que le Gouvernement essaie de
revaloriser, l'aide publique au développement est une bonne chose, je le
reconnais. Cependant, que prendra-t-on en compte dans le calcul ? Quel sera
l'effet de l'annulation de la dette ? Des prévisions ont été faites, nous
verrons bien ce qu'il en sera, mais je souhaite pour ma part que le
Gouvernement réussisse à accroître l'aide au développement. De ce point de vue,
nous avons connu, dans le passé, des années vraiment mauvaises, et il faut
rectifier le tir.
J'évoquerai maintenant le réseau des centres culturels français à l'étranger,
sujet sur lequel j'ai eu l'occasion de travailler. Je suis toujours en relation
étroite avec de nombreux directeurs de centre, et je puis vous dire, monsieur
le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que la régulation budgétaire a été
très durement ressentie.
Ainsi, beaucoup de centres se sont vus privés, dans les derniers mois de
l'année, de crédits d'intervention : on continue à rémunérer les fonctionnaires
ou les salariés, mais on n'a plus les moyens de mener aucune action,
d'organiser une exposition, de travailler en partenariat ou de monter un
projet. On ne peut plus rien faire !
Je n'accuse pas le ministère des affaires étrangères d'être responsable de
cette situation, car il est victime d'une politique budgétaire aveugle. Tout
cela n'a aucun sens : on laisse subsister une structure privée de moyens
d'action, donc de vie. Tous les directeurs de centre culturel que je connais se
désespèrent de cet état de choses. Certains d'entre eux, qui sont des personnes
remarquables, ont décidé de renoncer à leurs fonctions pour regagner leur
ministère d'origine, parce qu'ils n'acceptaient plus de travailler dans de
telles conditions.
En ce qui me concerne, j'avais tenté d'estimer les besoins, que j'avais
évalués à 500 millions d'euros supplémentaires sur cinq ans. L'an dernier, les
crédits avaient été augmentés de 20 millions d'euros - c'était un petit pas
dans la bonne direction -, mais, cette année, ils sont stables. Cela pourrait
être pis, mais les responsables de centres culturels s'inquiètent fortement de
la régulation budgétaire à venir. En fait, si ce projet de budget s'inscrit
plutôt dans une tendance au redressement et comporte des éléments positifs,
tout le monde redoute un « matraquage » par le biais d'une régulation
budgétaire analogue à celle qu'a subie le budget du ministère de la culture :
voilà quelques jours, nous avions vraiment de la peine pour M. Aillagon ! On
craint cette régulation sauvage qui vient détruire toutes les politiques,
surtout dans des domaines fragiles comme celui de la culture. Personnellement,
je plaide pour notre réseau de centres culturels, qui est magnifique et animé
par des gens remarquables, présents de longue date sur le terrain.
Je me ferai en outre l'écho de propos tenus par certains collègues sur le
nécessaire réaménagement géographique du réseau, mais il ne s'agit pas de
donner au ministère chargé du budget des armes pour réduire celui-ci ! En
effet, dès que l'on veut procéder à une réorganisation, l'administration du
budget en profite pour diminuer les crédits...
Il faut revoir l'implantation géographique des centres. Je me suis rendu en
Allemagne, pays important, souvent évoqué, où j'ai rencontré l'ambassadeur et
le conseiller culturel et étudié les problèmes de très près. A quoi sert un
réseau culturel français en Europe, alors que l'on construit l'Europe, dont la
dimension culturelle est considérable ? Qui décide dans notre pays ? J'ai eu
l'impression que, finalement, personne ne pouvait rien faire ! Des gens à
Berlin, prenaient des décisions, mais aucune directive politique claire n'était
donnée ! On a laissé des personnes qui se croient investies d'une mission
supérieure réorganiser le réseau culturel français.
Il s'agit pourtant d'une affaire d'importance ! L'histoire des relations entre
la France et l'Allemagne est riche, notamment sur le plan culturel. Mais qui
s'occupe de quoi ? Qui décide de supprimer des postes ici, d'implanter un
centre là et selon quels critères ? J'ai alerté les pouvoirs publics sur cette
situation, mais on m'a répondu qu'il est difficile d'intervenir et que les
ambassadeurs font ce qu'ils veulent... Je trouve cela vraiment choquant ! Les
ambassadeurs ont de grandes qualités, mais ils sont tout de même au service
d'une politique. Je demande à nouveau qui décide quoi en Allemagne. Il est
possible que le réseau culturel français dans ce pays doive être amélioré ou
recalibré, mais cela doit être défini en fonction d'une véritable politique.
C'est essentiel, et je pourrais tenir le même discours à propos de tous les
pays européens.
Cela m'amène d'ailleurs à souligner que ce travail doit être accompli en
Amérique latine, en Asie du Sud-Est, en Afrique : chaque continent, chaque pays
doit faire l'objet d'une politique spécifique. Il faut faire du « sur mesure »,
car le système actuel fonctionne à l'aveugle, sous la menace des suppressions
de crédits. Les personnels présents sur le terrain font ce qu'ils peuvent, et
l'administration subit des contraintes trop fortes et, peut-être, une
organisation insuffisamment adaptée.
Pour ma part, j'ai plaidé pour la création d'agences, parce qu'une souplesse
de gestion me semble nécessaire, mais, en tout état de cause, je vous alerte,
monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la situation qui
prévaut aujourd'hui. Il s'agit d'une question essentielle. Les personnels sont
de qualité, certains moyens existent, mais la suppression, chaque année, de
crédits de fonctionnement rend impossible toute action sérieuse. Nous nous
trouvons, toutes tendances confondues, devant une contradiction fondamentale
avec ce que nous voulons pour la France et pour le rayonnement de la France
dans le monde. On ne peut continuer ainsi !
J'insiste enfin sur le fait que trop de salariés embauchés localement sont
traités d'une manière inconcevable. Ils sont sous-payés, travaillent sous
contrats précaires, alors que - pardonnez-moi de le dire, mes chers collègues,
les expatriés sont sur payés !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Ah ! Ah !
M. François Trucy.
Ils vont être contents de l'apprendre !
M. Yves Dauge.
C'est le constat que j'ai fait ! Trop, c'est trop !
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
M. Dauge est courageux !
M. Yves Dauge.
D'ailleurs, certains fonctionnaires m'ont dit eux-mêmes qu'ils étaient trop
payés
(Sourires),
qu'il était inadmissible de recevoir autant d'argent alors
que les autochtones étaient aussi mal traités. Les écarts sont trop importants
! Je voulais insister sur cette question, même si je sais qu'elle n'est pas
facile à aborder.
En conclusion, je nourris néanmoins beaucoup d'espoir pour le réseau culturel
français à l'étranger, et je pense que le ministère des affaires étrangères
partage ce grand espoir.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur celles du groupe
CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, depuis un certain temps déjà, je formais à plus d'un titre
le projet de solliciter un bref entretien avec le nouveau ministre de la
coopération et de la francophonie pour lui exposer un sujet qui me tient à
coeur et qui concerne le vaste secteur de la francophonie - je prends en
quelque sorte ici ce soir le relais de notre excellent collègue M. Dauge.
Cependant, des événements récents ont transformé ce qui n'était qu'un souhait
en un impératif.
J'ai la modeste ambition de vous faire partager le témoignage et les remarques
d'un élu local et européen - puisque je suis membre du Conseil de l'Europe -,
président d'une association qui vient de diffuser 1 600 tonnes de livres, ce
qui représente huit millions de volumes, dans 114 pays dans le monde.
Certes, les vicissitudes de leurs missions procurent à toutes les associations
des satisfactions en même temps qu'elles leur imposent des contraintes. Mais
que d'attentes s'expriment de la part de nos amis étrangers, ne serait-ce que
du simple fait que, pour eux, tout est gratuit ! C'est sur les associations que
pèsent les frais considérables de stockage et d'acheminement des documents,
même si ceux-ci leur sont fournis gracieusement.
Je vous citerai un exemple. Le ministre de l'économie et des finances a fait
collecter l'année dernière 150 000 livres dans ses services. C'est moi qui les
ai reçus, mais personne ne m'a donné d'argent pour les acheminer à l'autre bout
du monde. On évoquait tout à l'heure les relations privilégiées de la France et
la dimension culturelle de notre pays : je veux indiquer là un moyen simple
d'action. Il ne faut pas partir de grandes considérations, il faut simplement
vivre au quotidien, et c'est ce que je tente d'illustrer.
Ce sont, tout simplement, les ambassades dans le monde, les Alliances
françaises, qui sont démunies de moyens, que mon association essaie d'aider,
monsieur le ministre. Alors, quand on parle de régulation, quand on parle de
diminution de crédits, soit ! Mais priver une association comme celle que je
préside de 150 000 francs, c'est la contraindre à mettre la clé sous la porte,
à licencier le personnel et à se dissoudre. Voilà un exemple précis de la
coopération vue par la France !
Je n'ai aucun pouvoir, je ne suis qu'un bénévole. Le conseil d'administration
de mon association est constitué d'anciens ambassadeurs qui ont gardé la fibre
de la francophonie ; on compte parmi ses membres des universitaires, des
éditeurs, des transporteurs... Tous ont décidé de dissoudre l'association le
1er janvier prochain. Cela ne relève ni de votre responsabilité, monsieur le
ministre, ni de celle du contrôleur financier. Alors qui est responsable ?
La francophonie illustre si parfaitement ce que l'on appelait jadis le « mal
français » qu'elle constitue un cas d'école de cette pathologie. Vous héritez,
monsieur le ministre, d'une administration morcelée, d'une communication et
d'une harmonisation difficiles à cerner, de l'incapacité à assurer le suivi des
actions engagées. Des dizaines de colloques et de rencontres sont organisés,
certes ; des rapports sont rédigés, qui plus est avec intelligence, sans doute
; mais le tout sombre le plus souvent dans un oubli profond.
Cette longue énumération, j'imagine, ne vous apprend rien, et nous sommes déjà
convaincus que votre désir est très grand de remédier à de telles situations.
Assurément, nous pouvons vous en féliciter et vous faire confiance. La balle,
si je puis dire, est maintenant dans votre camp !
Le cadre administratif de la francophonie se caractérise par l'éclatement des
services entre les ministères de la culture et de la communication, des
affaires étrangères, de l'économie et des finances. Il aurait dû être unifié
par la création d'une délégation générale à la langue française chargée de
coordonner les différentes actions des ministères concernés. Or, de
coordination, il y en a peu, je le sais ; en revanche, la réglementation - et
ce n'est pas toujours le plus utile ! - prolifère, tout comme les budgets et
certains coûts de fonctionnement.
Les actions se multiplient ; chaque institution, ignorant l'autre, organise
son colloque, diffuse son rapport, apporte sa pierre - je devrais dire son
grain ! - à l'édifice, bientôt chancelant, si l'on n'y prend garde, de la
francophonie.
C'est dans ce contexte que l'on voit actuellement telle ou telle direction
chargée de la francophonie animée du désir de réformer le secteur associatif
sans avoir pris auparavant la précaution de se réformer elle-même.
Comment imaginer, comment proposer la réorganisation d'un secteur, véritable
mosaïque, qui, étant associatif, est par définition totalement libre et protégé
par la Constitution ? Comment rendre un secteur efficace alors que souvent il
ne fait que renvoyer l'image de certains de ses organes de tutelle ? Comment
aider la francophonie sans décourager les bonnes intentions et les bénévoles,
qui, parce qu'ils ne coûtent rien, sont si actifs ? Comment rendre son
efficacité à un secteur où la réglementation prend le pas sur la protection et
sur le soutien effectif de la langue ?
Comme jadis Martin Luther King, je me suis pris à rêver d'une francophonie
regroupée en un seul lieu, sous l'égide d'une direction unique, donc cohérente,
couvrant des sous-directions spécialisées et coordonnant leurs efforts dans le
respect de l'altérité.
Monsieur le ministre, ne croyez-vous pas qu'il est plus que temps de réagir,
face au désastre annoncé qui se dessine sous nos yeux ? Une chose est de ne pas
gagner d'influence, de ne pas gagner de populations à la francophonie ; une
autre chose est de perdre du terrain par négligence et par autosatisfaction
!
Un exemple, parmi tant d'autres, m'a été rapporté par l'ambassadeur de Géorgie
en France. Je vous le relate, parce que j'aime bien le concret. En 1996,
l'université de Tbilissi, en Géorgie, a mis en place deux chaires de langues
étrangères : l'une pour la langue allemande, l'autre pour le français. Les
étudiants apprennent l'allemand, mais le professeur de français, réclamé à tous
les niveaux et par tous les services, n'a toujours pas été nommé, ce qui a
provoqué successivement l'interrogation, la surprise et, enfin, quatre ans
après la demande initiale, la défiance de nos interlocuteurs.
La France qui ne répond pas à ces demandes simples est une France qui perd et
qui, à terme, se discrédite.
Sans vouloir pratiquer la politique du « y-a-qu'à », je m'interroge : ne
pourrait-on faire oeuvre utile dans ce secteur en rationalisant quelque peu son
organisation ? Il n'est pas question de bousculer les ordres établis, certes,
ni de faire de révolution, qui plus est au sein de plusieurs administrations à
la fois. Ne pourrait-on cependant regrouper certains services, notamment les
services de documentation ? Chaque direction ou organe dispose d'un service de
documentation, que ce soit la délégation générale de la langue française, le
Haut Conseil de la francophonie ou d'autres encore !
Monsieur le ministre, pour retrouver la place qui était la nôtre dans le
concert des nations, il nous faut une vraie politique de la francophonie. Nous
ne doutons pas que vous allez vous employer à la rétablir. Les moyens
nécessaires à cette tâche ne sont pas seulement financiers : il s'agit de faire
montre de volonté et de cohérence, et de suivre nos actions.
Bref, il est urgent de réorganiser le grand secteur de la francophonie, qui
certes porte l'image de la France et de sa culture, mais qui constitue aussi
l'« avant-pont » de relations économiques privilégiées. Vous ferez ainsi, sans
aucun doute, monsieur le ministre, des économies financières, mais surtout,
vous mettrez un peu de bon sens et d'efficacité dans un secteur qui en manque
mais qui, fort de ses bénévoles et de leur amour de la France, est à mon sens
déterminant pour assurer le rayonnement de notre pays, conformément aux voeux
exprimés par le Président de la République, notamment lors du dernier sommet de
Beyrouth.
Dans cette perspective, je vous apporte mon soutien total et sans équivoque,
monsieur le ministre, afin que vous puissiez remplir votre difficile, mais ô
combien importante mission !
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. Guy Penne.
La conclusion n'était pas cohérente avec les arguments exposés !
M. le président.
La parole est à M. André Vallet.
M. André Vallet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, la politique étrangère la plus efficace - l'histoire le
montre - est celle qui tend à assurer une ligne politique indépendante, claire
et déterminée.
Comment renforcer notre sphère d'influence et notre capacité de nous faire
entendre ? Comment faire respecter les décisions de l'ONU partout dans le monde
? Bref, comment donner à la France la place qui est la sienne parmi les nations
les plus développées ? Tels sont les défis que le projet de budget pour 2003
tente de relever ; telle est, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire
d'Etat, la volonté du Gouvernement. Je vous en donne volontiers acte.
Notre outil diplomatique, cela a été souligné à plusieurs reprises, a
impérativement besoin d'être rénové après avoir connu plusieurs années de
déclin. En augmentant de 13,4 % les moyens d'intervention internationale de la
France, le Gouvernement remet à niveau le deuxième réseau diplomatique du
monde. Il est important, puisqu'il comporte 152 ambassades, 105 postes
consulaires et 21 représentations. Soyons clairs : la politique étrangère,
c'est la voix de la France, et c'est à l'Etat et à lui seul qu'il revient de
remplir cette mission fondamentale.
Cela étant, si ce projet de budget est en forte augmentation, certains postes
ne méritent pas la rigueur qui leur est imposée.
Ainsi, monsieur le ministre, je suis perplexe lorsque je constate une nouvelle
baisse des effectifs du personnel, mais surtout une baisse des crédits affectés
à l'enseignement français à l'étranger, ...
Mme Hélène Luc.
Eh oui !
M. André Vallet.
... aux établissements culturels, aux opérateurs de l'action audiovisuelle et
à la coopération militaire.
La France a en Méditerranée, au Proche-Orient et en Afrique des intérêts
d'ordre économique, culturel, politique et stratégique auxquels sa vision du
monde est conforme. Cela dérange parfois les puissants, mais suscite souvent
une attente forte de la part de très nombreux peuples.
Ainsi, le continent africain, plus particulièrement l'Afrique francophone,
traverse l'une des crises politiques et militaires les plus graves de son
histoire. Du Maghreb à l'Afrique centrale, où la guerre fait rage, les
gouvernements et les élites ne cessent de faire appel à notre pays. Ne laissons
pas les autres nations, surtout les nations anglo-saxonnes, s'attribuer un
droit de regard exclusif là où se porte traditionnellement et historiquement
notre attention.
Dans le domaine de la sécurité militaire ou privée, par exemple la France
possède un savoir-faire et une éthique propres qui s'opposent la plupart du
temps aux conceptions anglo-saxonnes,...
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Et scandinaves ! Ces mormons de l'Europe du Nord !
Ces moralisateurs !
M. André Vallet.
... aussi bien par leur déontologie que par leur efficacité.
Depuis la décolonisation, le pré carré africain s'est construit sur des
accords et une confiance réciproques. Au vu des événements tragiques qui
frappent nos pays, et plus encore depuis le 11 septembre 2001, il serait
navrant de persévérer et de continuer à le disloquer. Le dernier attentat au
Kenya et la situation en Côte d'Ivoire, où les rebelles pourraient avoir été
formés et entraînés par l'Arabie saoudite
via
le Burkina Faso, montrent
que, face à l'internationalisation de nouvelles formes de terrorisme, il est
indispensable de resserrer nos liens avec l'ensemble des pays francophones : il
y va de la sécurité de tous.
Enfin, j'aimerais m'attarder un instant sur la situation au Moyen-Orient, tout
particulièrement en Irak. Lorsque la France est déterminée et cohérente dans
ses positions et dans son langage, elle peut tenir son rang de grande puissance
et faire échec à des pays dont les intérêts ne sont pas obligatoirement les
siens.
La représentation nationale - unanime, je l'espère - ne peut qu'approuver,
monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, l'action diplomatique qu'a
déployée la France au cours de ces derniers mois.
C'est dans cette partie du monde que va se jouer la paix de l'humanité dans
les années à venir. Or les causes de déstabilisation sont nombreuses :
croissance démographique explosive, montée de l'islamisme, crise du pétrole...
Il faut donc soutenir les forces démocratiques de l'Irak, surtout quand elles
demeurent fidèles à l'esprit de laïcité et de modernité.
Nul n'ignore que des problèmes plus difficiles encore devront être résolus
pour assurer la paix du monde au cours des prochaines années et pour garantir
aux générations montantes le développement des richesses matérielles et
spirituelles auxquelles elles peuvent légitimement prétendre. La défense de la
morale internationale demeure l'arme la plus efficace dans ce monde où
l'information peut agir puissamment sur l'opinion des peuples.
C'est cette morale que votre budget, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, propose de soutenir. M. de Montesquiou le disait il y a un
instant : la majorité du groupe du RDSE est tout à fait en accord avec vous et
vous apporte son total soutien.
(Applaudissements sur les travées du RDSE de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu.
Monsieur le président, cher collègue Daniel Hoeffel, vous avez tout à l'heure
consacré une grande partie de votre propos au Conseil de l'Europe, ce qui est
assez nouveau. Comme vous, nous sommes assez nombreux ici à y siéger. J'ai
également choisi de l'évoquer : il n'est pas connu, alors, autant en parler
quand l'occasion nous en est offerte !
Il s'agit d'une institution qui nous donne la possibilité de bien connaître
les nombreux pays qui en sont membres. En effet, il compte quarante-quatre pays
membres, bientôt quarante-cinq avec la République fédérale de Yougoslavie.
Dans le monde d'aujourd'hui, dont vous avez tous parlé, j'identifie trois
menaces.
La première, bien sûr, c'est le terrorisme et toutes les formes de
criminalité.
La deuxième, c'est le risque américain, incarné à la fois par le président
Bush
(M. Jean-Marie Poirier fait un signe dubitatif)
et par la puissance
militaire des Américains, face à laquelle l'Europe divisée est faible ; étant
faible militairement, elle est peu considérée, et elle est humiliée. Quand on
va aux Etats-Unis, on en revient choqué. J'y étais encore la semaine dernière,
et j'avoue que j'ai du mal à m'en remettre.
C'est vrai, la politique de la France, ces derniers mois, ces dernières
semaines, a été bien menée. Il est également vrai, hélas ! que l'on ressent à
l'ONU une forte résignation du conseil de sécurité. Nous n'échapperons pas à
cette guerre, et je crains que, malgré tous nos efforts, nous n'y soyons
entraînés. Je suppose que les engagements financiers suivront, que des
prévisions sont déjà établies. Peut-être, monsieur le ministre, monsieur le
secrétaire d'Etat, nous ferez-vous part de votre sentiment.
La troisième menace est celle que nous percevons le plus nettement quand on
vit en Europe : la montée des différentes formes de nationalisme, tous ces
particularismes ethniques, identitaires, autonomistes, qui ont pour support
l'espace qu'est la région.
Permettez-moi de dire que le débat que nous avons eu au Sénat sur la
régionalisation, au cours duquel nous avons vu s'ouvrir dans un pays comme le
nôtre, la France, ce type d'espace, suscite un certain nombre d'inquiétudes. En
effet, dans toutes les régions de tous les pays de l'espace européen, que ce
soit dans les Balkans, dans le Caucase, en Espagne, en Catalogne ou, tout près
des Hautes-Pyrénées, dont je suis l'élue, au Pays basque, se développe ce que
l'on craint, c'est-à-dire ces particularismes qui peuvent nous conduire très
loin.
Oui, la Convention est une chance. J'espère que nous saurons aller au-delà :
je crois que l'Europe de la défense et de la sécurité est vraiment
indispensable. Dans l'immédiat, nous ébauchons et juxtaposons un certain nombre
d'initiatives nationales, un certain nombre de budgets nationaux. A quand une
initiative commune ? A quand un budget commun ? C'est une question !
Cette Europe politique, il faudra bien la faire. Nous avançons, tant mieux !
L'Europe sera sociale, et ce sera l'Europe des Etats, des nations et des
peuples. En aucun cas elle ne sera l'Europe des régions.
M. Jacques Legendre.
Très bien !
Mme Josette Durrieu.
Au demeurant, les populations ne sont pas hostiles à l'Europe telle que nous
la construisons. Le bon sens l'emporte, comme en a témoigné le passage à
l'euro, qui s'est opéré, finalement, dans la facilité et même dans la joie.
Quelle surprise ! Je suppose que nous l'avons tous ressenti ainsi.
L'Europe avance, disais-je, et, après la plupart de mes collègues, j'évoquerai
brièvement l'élargissement. Je dois avouer, d'ailleurs, que je préfère le terme
de « réunification ».
Oui, l'élargissement est un défi ! Oui, c'est sûrement une chance ! En tout
cas, c'est une garantie pour la paix. La paix a un prix, mais s'il n'y a pas de
paix, elle n'a plus de prix : cela revient au même.
Les Quinze symbolisent la réconciliation. Le bilan est-il positif ou non ?
Pour nous, la France, et pour les autres pays - l'Espagne, le Portugal, la
Grèce et l'Irlande -, à l'évidence, oui ! Si tel est le cas, pourquoi en
irait-il autrement pour vingt-cinq pays, voire pour vingt-sept ? Ce serait
aussi, pour eux, synonyme de paix et de stabilisation. Nous avons peur, parce
qu'avec l'élargissement nous irons plus loin encore vers le coeur de l'Europe
centrale. Mais la Hongrie serait-elle moins européenne que le Danemark ?
Sûrement pas !
M. Bruno Sido.
Et la Turquie ?
Mme Josette Durrieu.
La Bulgarie, qui nous amène aux marges de l'Europe orientale, serait-elle
moins européenne ? Je ne le crois pas !
L'Europe élargie comptera plus de 500 millions d'hommes ; elle verra sa
superficie augmentée de plus de 30 %, sa population de plus de 30 %, et sa
richesse d'à peine 5 %.
Tout cela suscite encore des peurs. Mais c'est l'Europe, c'est leur Europe,
ils ne l'ont jamais quittée ! C'est leur espace autant que le nôtre, et nous
qui, au Conseil de l'Europe, parlons tant du droit des peuples, du droit des
hommes, devons le reconnaître : ils ont droit à l'Europe.
A l'évidence, la démocratie avance, et elle avance vite et bien dans ces pays.
En quelque dix ans, treize ans, nous leur avons fait faire des progrès
inespérés, des progrès immenses. Nous qui travaillons depuis un certain nombre
d'années au sein de ce Conseil de l'Europe si mal connu, si injustement
inconnu, y compris des parlementaires français, nous savons quel chemin nous
faisons faire à ces pays, quel accompagnement nous offrons à ces peuples, à
cette classe politique que nous côtoyons quotidiennement, à ces élus qui sont
nos collègues, nos amis.
Le travail effectué au sein du Conseil de l'Europe à Strasbourg, à côté de la
Cour européenne des droits de l'homme, dont les juges sont élus par les
parlementaires du Conseil de l'Europe, est immense. Aussi, monsieur le
ministre, je regrette que vous ayez choisi de diminuer de 5 % les crédits
accordés à cette assemblée. J'en appelle à vous pour transformer votre vision
de son travail, parce qu'il serait parfaitement injuste qu'il ne soit pas
reconnu.
Il est absolument nécessaire qu'il soit poursuivi car il est essentiel, et
notre démarche est extrêmement positive. Les crises politiques qui peuvent être
évitées grâce à lui coûteraient bien plus cher que les 5 % que vous essayez
d'économiser ! Je pense que vous reviendrez sur ce point, qui me paraît
important.
L'élargissement aura un coût, c'est évident ; pensons à la solidarité, à la
cohésion régionale dont les fonds structurels sont l'expression et qui sont
l'un des principes de base du traité de Rome.
Ce coût a été estimé à 35 milliards d'euros ; je ne sais pas s'il sera revu à
la hausse ou à la baisse. Je suppose que les budgets européens seront adaptés,
de même que la progressivité et la pondération des aides.
Bref, s'il fallait satisfaire nos égoïsmes, nous pourrions dire qu'un nouveau
marché s'ouvre avec un immense espace de croissance de 500 millions
d'hommes.
J'ai envie de dire : les économies de ces pays sont dynamiques. En France, on
vit sur un certain nombre de lieux communs et de clichés. Allons voir un peu ce
qui se passe ailleurs !
Vous avez certainement lu comme moi, avec quelques regrets, que la
compétitivité de la Hongrie - on le perçoit quand on s'y rend - est supérieure
à celle de la France, qui, elle, est tombée au trentième rang. Quoi qu'il en
soit, j'ai l'impression que la pauvreté de ces pays représente le plus grand
risque d'instabilité.
Je vais aller un peu plus loin, et ce n'est pas de la provocation, au
contraire, il me semble que c'est une évidence : l'Europe ne s'arrêtera pas là,
si l'on veut la paix, si l'on ne veut pas la guerre.
On lit beaucoup de choses sur la Turquie, et j'en dirai deux mots. Mais il est
évident qu'il faudrait que l'on parle davantage de l'intégration des Balkans !
En effet, l'intégration des Balkans sera l'une des conditions de la paix. Il
faudra, de façon évidente, y parvenir, et peut-être plus vite qu'on ne le
pense.
Les Balkans, c'est la Bosnie-Herzégovine, avec son noyau musulman, la Croatie,
bien sûr, et la République fédérale de Yougoslavie, avec son Kosovo musulman,
et ce sera, un jour aussi, l'Albanie musulmane et la Macédoine. Comment
allons-nous sortir de cette affaire ? Dans l'Union européenne, il y a déjà dix
millions de musulmans, mais ceux-là font partie intégrante de l'Europe.
N'oublions pas que la guerre a souvent démarré dans cette partie du monde !
Il est un mot que nous répétons souvent ici, mais qui est parfaitement méconnu
en Europe : c'est le mot « laïcité ». Dans cette grande Europe de quarante-cinq
Etats que j'évoque, il n'y en a que quatre qui ont le mot « laïc » dans leur
Constitution : la France, la Turquie, la Bulgarie et l'Azerbaïdjan. Ce mot,
auquel nous devons donner toute sa force, n'a aucun sens pour tous les autres
pays d'Europe.
Au sujet de la Turquie, je dirai que, géographiquement, elle ne fait pas
partie de l'Europe. Cependant, derrière la géographie, qui n'a pas de sens, il
y a l'histoire, il y a la stratégie, il y a la géopolitique, qu'elle soit
européenne ou mondiale, il y a la mise en perspective du devenir géopolitique
de l'Europe. La Turquie a toujours été un pays charnière. Elle est en effet
située aux portes de la Russie, et la Russie restera toujours la Russie.
Je ne sais pas pourquoi nous imaginons toujours qu'elle puisse un jour
intégrer l'Europe. En fait, elle voudra conserver sa force et la faire grandir
chaque jour un peu plus. On oublie trop souvent les immenses richesses que
contient la Sibérie !
Et puis, au sud, il y a la Méditerranée. Nous devrons préserver cet espace,
comme nous l'avons toujours fait autrefois. Malte et Chypre en font également
partie. Tout à l'heure, l'un de nos collègues a parlé de Malte, « si près de la
Libye assagie ! ». Je ne sais pas si la Libye est assagie. En tout cas, Malte
est très près de la Libye.
Un peu plus au sud-est, il y a le Moyen-Orient, avec la fameuse question
d'Orient. Et l'on en revient à la Turquie, pays charnière qui a toujours
maîtrisé le passage de la mer Noire par les détroits. Elle préservait l'espace
méditerranéen de tout ce qui pouvait remonter du sud, de l'espace musulman,
mais elle le protégeait aussi contre la puissance de la Russie.
En conclusion, je dirai que l'Europe doit faire de la politique pour créer son
avenir. Elle doit avoir un projet : quel beau projet !
M. le président.
La parole est à M. Michel Guerry.
M. Michel Guerry.
Monsieur le ministre, mon propos s'articulera autour de deux thèmes : l'avenir
de l'enseignement français à l'étranger et la sécurité de nos compatriotes hors
de France.
Comme vous le savez, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger
remplit une mission d'éducation des enfants français vivant à l'étranger qui
est sans pareil : son réseau d'enseignement scolaire national est le premier
dans le monde.
Sa mission, l'Agence la remplit dans des conditions financières qui, depuis
trop longtemps, ont atteint leurs limites.
L'an dernier, le réajustement des rémunérations des enseignants titulaires de
l'éducation nationale recrutés localement n'a pu être réalisé qu'en supprimant
des postes d'expatriés et en asséchant les réserves financières de l'Agence.
Vous conviendrez, monsieur le ministre, qu'il est devenu aujourd'hui
impératif, pour garantir un niveau pédagogique convenable dans nos
établissements à l'étranger, que les postes d'enseignants expatriés soient non
seulement maintenus mais renforcés.
M. Guy Penne.
Très bien !
M. Michel Guerry.
En effet, au-delà des finances de l'Agence, nous constatons que c'est la
qualité même de l'enseignement dispensé qui est en péril.
En septembre dernier, M. Dominique de Villepin a évoqué, devant le Conseil
supérieur des Français de l'étranger, la nécessité de « développer
l'implication du ministère de l'éducation nationale » si l'on veut « stabiliser
les ressources et la capacité à agir de l'Agence ».
Ces propos, nous les répétons depuis des années. En effet, pour sortir de
l'impasse dans laquelle se trouve l'Agence, une implication réelle et concrète
du ministère de l'éducation nationale nous semble indispensable !
Pourtant, rien ne se profile à l'horizon.
Est-il si difficile d'obtenir une collaboration interministérielle entre le
ministère des affaires étrangères et le ministère de l'éducation nationale,
dans un domaine qui est traditionnellement le sien ?
A cette question, il m'a été régulièrement répondu que le problème était à
l'étude. Pourtant, rien de concret n'a encore vu le jour.
Attend-on que la situation dégradée devienne irréversible ?
Envisage-t-on concrètement - et je reprendrai encore une formule de M. de
Villepin - ce « développement de l'implication du ministère de l'éducation
nationale » dans la gestion de l'Agence ?
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous aujourd'hui
vous engager devant la Haute Assemblée à en faire un axe effectif de votre
action en faveur de nos compatriotes à l'étranger ?
Autre thème que je souhaite aborder : la sécurité.
La sécurité a été un thème central pour les Français lors des campagnes
présidentielle et législative.
A cette préoccupation légitime, nos compatriotes de l'étranger ajoutent celle
qui concerne leurs biens, et parfois leur propre vie.
De l'attentat de Karachi aux événements de Côte d'Ivoire et de Centrafrique,
l'histoire récente nous a cruellement rappelé que nos compatriotes pouvaient
être la cible de tous les désordres.
Les évacuations de Français dans un pays à risque se déroulent en général de
façon satisfaisante, comme j'ai pu moi-même m'en rendre compte.
A cet égard, je tiens à saluer l'efficacité de nos militaires et de nos
représentants, ainsi que le dévouement des élus du Conseil supérieur des
Français de l'étranger.
Toutefois, si ces évacuations se passent bien, elles ne règlent que
l'urgence.
En effet, à leur retour en France, combien de nos compatriotes, ayant tout
laissé derrière eux, rencontrent pour se réinsérer de telles difficultés - tant
sociales que psychologiques - qu'ils en deviennent des étrangers dans leur
propre pays !
Nous le savons tous fort bien, ceux qui rentrent dans de telles conditions ne
retourneront pratiquement jamais s'installer à l'étranger, ni dans leur ancien
pays de résidence ni même dans un autre pays.
Combien d'entre eux, pourtant, malgré les difficultés, seraient prêts à rester
sur place, à entreprendre à nouveau, à refaire leur vie !
C'est l'intérêt même de notre pays, de sa vitalité et de son rayonnement !
Alors, comment leur permettre de le faire ?
L'aide aux Français de l'étranger les plus démunis est l'une des priorités que
vous avez fixées dans le cadre de la loi de finances pour 2003.
Au-delà de la « réponse à la lancinante et douloureuse question de
l'indemnisation », comme le rappelait le Président de la République, cette
priorité doit comporter un volet de mesures incitatives qui permettraient à
nombre d'entre eux de reprendre une activité économique.
Ce serait émettre un signal fort si notre pays affirmait envers et contre tous
sa volonté de maintenir une communauté française dynamique dans des pays
réputés à risque.
Nos communautés à l'étranger attendent du Gouvernement un geste politique sans
ambiguïté qui leur montre que la solidarité nationale s'exerce de façon
positive aussi pour eux.
Au-delà, demeure une question beaucoup plus profonde et préoccupante, celle de
la présence de la France à l'étranger.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie à
l'avance des réponses que vous pourrez apporter aux légitimes préoccupations de
nos compatriotes.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,
mes chers collègues, il convient d'abord de se féliciter de la reprise de
l'effort d'aide publique au développement.
Alors que l'effort d'aide au développement s'était singulièrement amenuisé
pendant la dernière décennie, passant de 0,63 % à 0,32 % du PIB, je ne puis que
me féliciter du fait que la reprise amorcée en 2001 ait été confirmée par le
Président de la République, d'abord au G8, ensuite à Johannesburg, avec des
objectifs clairs : atteindre 0,5 % du PIB d'ici à cinq ans et 0,7 % du PIB
d'ici à dix ans, conformément aux engagements internationaux que nous avions
pris voilà déjà bien longtemps.
En 2002, l'aide publique a augmenté de près de 900 millions d'euros, notamment
en raison de la forte hausse de l'aide bilatérale - 25 % -, et de la forte
progression des annulations et consolidations de dettes - 30 %.
En 2003, l'aide publique devrait augmenter de 600 millions d'euros,
principalement en raison de l'accroissement du volume des annulations de dettes
accordées dans le cadre des allégements consentis aux pays pauvres très
endettés, ce qui représente 594 millions d'euros, dont 91 millions d'euros
prévus au titre des contrats de désendettement-développement.
Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que
l'augmentation de l'aide publique soit due seulement aux annulations de dettes.
L'aide publique devrait être en augmentation par rapport à ces annulations et
non pas s'y substituer.
Je pense que, dans ce domaine, il faut que nous retrouvions de réelles marges
de manoeuvre.
Dans le dernier rapport du PNUD - le programme des Nations unies pour le
développement - sur le développement humain en 2002 il est rappelé que les
objectifs du Sommet du millénaire sont loin d'être atteints : 2,8 milliards de
personnes dans le monde vivent toujours avec moins de 2 dollars par jour.
Quant au rapport Zedillo, qui préparait la récente conférence de l'ONU sur le
financement du développement qui s'est tenu à Monterrey en mars 2002, il
estimait les besoins de financement des pays en développement à 50 milliards de
dollars. Nous en sommes loin !
Il conviendra évidemment de veiller à ce que ces engagements ne soient pas
remis en cause par les exercices de régulation budgétaire, dont le budget de
l'aide au développement est souvent - et j'en sais quelque chose - l'un des
premiers à souffrir alors qu'il devrait
a priori
en être préservé.
Mme Paulette Brisepierre,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour l'aide au développement.
Absolument !
M. Jacques Pelletier.
Ne pourrait-on envisager, pour rester dans la ligne des engagements du
Président de la République, que les dépenses d'aide au développement soient, en
quelque sorte, « sanctuarisées » ?
Le relèvement de notre effort d'aide au développement devra aussi se traduire
par un renforcement de l'efficacité de cette aide et par une forte amélioration
de notre capacité à influencer les choix de nos partenaires bilatéraux,
européens et multilatéraux. Il faut que la France fasse entendre une voix forte
dans ces enceintes internationales, où nous devons entraîner tous les pays
amis.
Je pense que le renforcement de l'efficacité de notre aide au développement
passera, d'abord, par une clarification des objectifs qui lui sont assignés.
Le développement devrait être une véritable priorité par rapport à la
politique culturelle extérieure ou aux objectifs commerciaux : toute activité
d'aide au développement comporte, bien évidemment, à des degrés divers, des
dimensions culturelles ou commerciales liées à nos intérêts, mais celles-ci
devraient être subordonnées à l'action de développement et non l'inverse.
Dans le cadre des objectifs de développement du sommet du millénaire auxquels
la France a souscrit, l'action de soutien au développement devrait, selon moi,
s'orienter dans trois directions.
La première est la promotion des droits de l'homme, de la démocratie et de
l'Etat de droit. Il s'agit, en d'autres termes, de favoriser la bonne
gouvernance dans les pays aidés et de renforcer le partenariat avec les
organisations des sociétés civiles locales.
La deuxième est la lutte contre la pauvreté et les inégalités, ce qui
implique, notamment, de favoriser l'accès aux services élémentaires :
éducation, eau potable, énergie, et surtout santé à l'heure où des dizaines de
millions de personnes sont atteintes du sida dans de nombreux pays en
développement et vont mourir si rien n'est fait rapidement.
Enfin, la troisième est la promotion du développement durable dans ses quatre
dimensions : le soutien à la création et au développement des entreprises et
l'incitation aux investissements privés, l'équité sociale, la sauvegarde de
l'environnement, la promotion de la diversité culturelle.
Cette action de développement doit être conduite en pleine association avec
les organisations des sociétés civiles des pays partenaires, notamment dans la
mise en oeuvre des contrats de désendettement-développement déjà évoqués.
Dans un souci de transparence, de cohérence et de sensibilisation, il serait
enfin souhaitable que le Gouvernement présente chaque année un rapport au
Parlement sur sa politique en matière de coopération au développement.
Un tel rapport est réclamé depuis longtemps. Il permettrait de faire une
présentation cohérente de l'action de la France en matière d'aide au
développement et de faire ressortir les synergies entre nos engagements
européens et multilatéraux et nos activités bilatérales, elles-mêmes éclatées
entre plusieurs opérateurs. M. Michel Charasse, notre excellent rapporteur
spécial, a parfaitement décrit les difficultés et les imperfections du
système.
A partir d'un tel rapport, le Parlement pourrait à la fois débattre des
orientations de la politique d'aide au développement, ce qu'il ne fait guère
qu'à l'occasion de l'examen du budget des affaires étrangères - souvent, de
surcroît, à une heure avancée !
(Sourires)
- et sensibiliser nos concitoyens à ces questions par une
meilleure information.
Une présentation ainsi rénovée irait d'ailleurs dans le sens de la réforme de
l'ordonnance organique relative aux lois de finances adoptée l'an dernier
grâce, notamment, aux travaux du Sénat et de sa commission des finances.
Enfin, un tel rapport, qui ne manquerait pas de susciter des débats, ne
pourrait que contribuer à une meilleure évaluation de notre politique d'aide au
développement, évaluation aujourd'hui difficile en raison de l'éclatement
institutionnel qui préside à la définition et à la mise en oeuvre de cette
politique.
Enfin, je souhaite, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que
l'augmentation substantielle de l'aide au développement en France, dont je vous
félicite, ait un effet d'entraînement sur nos partenaires du Nord. C'est une
nécessité morale : nous ne pouvons pas laisser des milliards d'hommes vivre,
que dis-je vivre, survivre, et souvent mourir, dans un sous-développement
intolérable, bien au-dessous du seuil de pauvreté.
L'écart, grandissant, de niveau de vie entre pays du Nord et certains pays du
Sud est source d'immigration clandestine et de conflits. C'est, de plus, un
excellent terreau pour le terrorisme.
La France a toujours porté une très grande attention aux pays du tiers monde.
La France doit appeler à nouveau à une croisade contre ce sous-développement
qui engendre tant de misère. Un tel appel trouverait, monsieur le ministre,
monsieur le secrétaire d'Etat, un large écho sur toutes les travées de notre
assemblée.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, on l'a déjà dit mais il
est utile de le répéter, le budget des affaires étrangères n'est pas un budget
comme les autres, car il symbolise notamment l'effort substantiel que la France
est prête à fournir pour occuper son rang dans ce qu'on appelle les « affaires
du monde ».
Le renforcement de la présence de la France dans le monde devient donc à la
fois une priorité et un enjeu pour réaliser des ambitions nouvelles et pour
atteindre les objectifs assignés à notre diplomatie, sous l'impulsion du
Président de la République.
Le projet de budget des affaires étrangères pour 2003 devient ainsi le
baromètre des ambitions extérieures de la France. Il est en augmentation de
plus de 13 %, et nous ne pouvons que nous en réjouir, même s'il y a lieu de
relativiser cette progression en raison de chapitres sous-financés, car
sous-évalués dans le budget 2002.
Ce projet de budget représente bien une rupture avec les budgets des toutes
dernières années par sa volonté d'accompagner l'action extérieure de la France
là où les besoins sont définis, là où notre action s'impose, là où la France
doit prendre sa place et retrouver sa voix.
J'ose croire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ayant
adressé ces compliments sincères, que vous continuerez sur cette lancée après
l'adoption de ce budget que beaucoup d'entre nous, au Parlement, considérons
comme un budget de transition, une transition qui porte aujourd'hui les signes
tangibles de l'espérance que nous plaçons dans votre volonté de réajuster nos
besoins extérieurs à nos moyens intérieurs.
Somme toute, à l'analyse des chiffres et des faits, je suis tout de même
interrogatif sur un point particulier, et néanmoins essentiel, qui concerne le
rayonnement de la France au moyen de l'audiovisuel extérieur.
C'est un vecteur de développement primordial, sur les plans tant culturel
qu'économique, les deux aspects étant indissociables. Il suffit de voyager pour
être conforté dans cette idée.
Or, sur ce point fondamental, on ne peut pas dire que votre projet de budget
soit porteur. Les crédits de l'action audiovisuelle extérieure ne tiennent
aucunement compte de la création, indispensable, d'une nouvelle télévision
française d'information internationale.
Est-il, en effet, compréhensible qu'année après année, comme l'affirme le
Président de la République, nous en soyons encore à déplorer les insuffisances
persistantes de l'information et de l'audiovisuel francophones sur la scène
mondiale ?
Il faut reconnaître que, en dépit des efforts des uns et des autres, notamment
de TV5, nous sommes encore loin de disposer d'une grande chaîne d'information
internationale en français, capable - soyons ambitieux ! - de rivaliser avec la
BBC ou CNN.
M. André Dulait,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Très bien !
M. Louis Duvernois.
Notre problème, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, est
relativement simple, et je ne doute pas que vous en soyez déjà conscients :
c'est l'éparpillement des moyens publics qui pourraient être consacrés à la
mise en oeuvre d'un grand projet audiovisuel extérieur.
A l'heure de la rationalisation budgétaire, des contraintes diverses exercées
par la situation économique mondiale, européenne et nationale, l'esprit ne doit
plus être aux querelles d'indépendance entre partenaires potentiels.
L'esprit est au regroupement des forces publiques et des talents des créateurs
professionnels, nombreux dans notre pays, pour concevoir et animer une
télévision internationale à l'image de la France, de sa diversité, de sa
culture, de sa vision singulière d'un monde de plus en plus dominé par le «
politiquement correct » de la pensée unique et forcément réductrice, parce que
précisément unique. Il est grand temps de réagir et d'envisager dès maintenant
des efforts importants pour mener à bien ce grand chantier de l'audiovisuel
extérieur sans lequel, dans les années à venir, la France ne serait plus la
France, celle qu'on écoute, qui influence l'humanité par sa langue universelle,
sa manière d'être, sa pensée, face à des contradicteurs multiples.
Dans un environnement mondial où règne la concurrence, cette chaîne de
télévision continue que nous appelons de nos voeux devra s'adosser sur des
partenaires choisis et bien cibler son public : les Français expatriés ou en
déplacement, les étrangers francophones et francophiles, les leaders d'opinion
étrangers, francophones ou non, d'ailleurs, car on sait bien que le
sous-titrage est une excellente méthode pour l'apprentissage d'une langue
étrangère.
Cette chaîne devra défendre une vision de l'actualité internationale à la fois
objective et originale, sans pour autant être la « voix officielle de la France
», de manière à conférer une crédibilité maximale à ce moyen d'expression et de
diffusion mondiale.
Le président de CNN International Networks, dans un surprenant point de vue
publié dans
Le Figaro
du 1er décembre dernier, a souhaité textuellement
« bonne chance au projet de CNN à la française », reconnaissant
de
facto,
et probablement non sans quelques arrière-pensées compétitives ou
politiques, qu'une télévision française internationale, se caractérisant par sa
différence de regard, d'analyse, de ton et par son objectivité éditoriale,
allait arriver tôt ou tard.
Le moment est venu de conduire une réflexion accélérée sur notre système
audiovisuel extérieur, beaucoup trop morcelé, beaucoup trop complexe, dans
lequel le manque de synergie verrouille toute ambition nationale orientée,
régulée et constructive.
La réflexion actuellement menée sur cette question « patine », tandis que nos
amis et concurrents, eux, s'organisent rapidement. A l'heure du numérique, les
savoir-faire éditoriaux et les réseaux d'information comptent plus que la
technique. Or notre pays possède en la matière de grands savoir-faire.
La récente décision du Gouvernement britannique de détacher la chaîne de
télévision d'information internationale BBC World du reste de la BBC - celle-ci
étant recentrée sur sa vocation domestique -, en la regroupant avec la radio
internationale BBC World Service, montre à l'évidence le bien-fondé de cette
affirmation.
Il faut que cette nouvelle télévision française internationale en devenir, par
la diffusion d'images originales non disponibles sur les chaînes concurrentes,
puisse s'imposer progressivement dans le paysage audiovisuel mondial, ces
images étant en outre susceptibles d'être reprises sur des télévisions
étrangères, ce qui démultiplierait largement son impact direct dans les pays de
diffusion.
Un projet audiovisuel de cette envergure exige des pouvoirs publics qu'ils
repensent prochainement les engagements financiers de l'Etat dans l'audiovisuel
extérieur, dont le budget actuel s'élève à 165 millions d'euros.
Ne nous cachons pas derrière l'arbre qui, lui-même, cache la forêt ! Dressons
un inventaire de la situation des opérateurs susceptibles de mettre en place
cette chaîne appelée à être ensuite déclinée prioritairement en anglais et en
arabe.
Ainsi, cette nouvelle télévision française internationale bénéficierait
nécessairement, sur le plan tant structurel qu'éditorial d'un adossement à
Radio France Internationale, qui compte aujourd'hui parmi les médias
internationaux de référence. Il faut que cette nouvelle télévision devienne
aussi une chaîne de référence concurrençant CNN, BBC World ou Al-Jazira, qui
sont constamment citées par les médias. Une coopération réelle entre France
Télévision, qui appartient au service public, et la nouvelle chaîne « tout info
» est, en outre, l'un des fondements du projet.
Dans ce nouveau paysage audiovisuel extérieur, il est par ailleurs nécessaire
de recentrer TV5 sur sa mission originale : celle d'une grande chaîne
francophone - et non pas française - généraliste, prioritairement destinée aux
publics des pays où la francophonie est réelle.
Là encore, méditons sur la coexistence outre-Manche entre BBC Prime, chaîne
généraliste destinée aux expatriés et aux étrangers ayant conservé des liens
étroits avec la Grande-Bretagne, et BBC World, chaîne d'information destinée
aux décideurs, aux relais d'opinion et aux rédactions du monde entier.
Le recadrage de TV5 Monde, dont la France est le premier bailleur de fonds,
s'imposerait d'autant plus que le caractère « tout info » de la télévision
française internationale suivrait vraiment la ligne éditoriale ainsi définie,
la promotion de la culture et les distractions de qualité convenant davantage à
TV5 Monde, d'essence multilatérale, comme le montre Arte dans le domaine
culturel.
D'autres partenaires doivent aussi être envisagés : l'Agence France-Presse,
qui se trouve dans le peloton de tête des agences mondiales d'information
généraliste et multimédia ; Canal France International, dont il faudra bien un
jour définir l'avenir, mais dont le réseau satellitaire mondial peut en tout
cas être utilisé immédiatement ; Euronews, enfin, pour ses réseaux
satellitaires et à la condition que la société devienne à majorité française.
En outre, il ne faut pas exclure des participations de divers partenaires du
secteur privé.
Tel est, monsieur le ministre délégué, monsieur le secrétaire d'Etat, le grand
chantier qui doit s'ouvrir au sein même de votre ministère, ainsi qu'à
l'échelle interministérielle, afin que l'audiovisuel extérieur soit un outil de
rayonnement et d'influence pour notre pays, appuyant votre action diplomatique
et notre action culturelle extérieure.
Ce chantier n'est pas aujourd'hui inscrit dans le présent projet de budget,
mais nous savons que vous n'y êtes pas indifférent et que, dès 2003, vous vous
engagerez à le prendre financièrement en compte, tout comme vous soutenez déjà,
en raison de la situation internationale, la création d'une chaîne de
télévision régionale à destination du monde arabe.
Quoi qu'il en soit, pour la hausse qu'enregistre ce budget par rapport au
précédent, pour son caractère de budget de transition par ses ambitions, pour
votre volonté anticipée d'accompagner la création d'une chaîne de télévision
française internationale au sein d'un pôle de communication extérieur regroupé
et davantage performant, je voterai le projet de budget que vous proposez.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Pierre-André Wiltzer
ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un honneur pour moi de
présenter devant la Haute Assemblée, avec mon collègue Renaud Muselier, le
projet de budget du ministère des affaires étrangères pour 2003.
A travers ce projet de budget, c'est toute l'action extérieure de la France
qu'il vous est proposé d'examiner.
Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. le ministre des affaires
étrangères, Dominique de Villepin, qui a dû quitter Paris, comme vous le savez,
pour accompagner le Président de la République en Allemagne, et qui regrette de
ne pas pouvoir, ce soir, vous présenter lui-même le projet de budget de son
ministère.
Selon le souhait du président de la commission des finances, j'éviterai de me
livrer à une présentation globale de ce projet de budget. Je consacrerai
l'essentiel de mon intervention aux réflexions de vos rapporteurs et des
orateurs qui viennent de s'exprimer. Elles ont été extrêmement riches, et le
temps me manquera donc pour les évoquer toutes autant qu'elles le mériteraient.
Je demande d'ailleurs l'indulgence de celles et ceux qui se sont exprimés si je
n'ai pas, dans ce cadre, la possiblité de répondre à toutes leurs
interrogations. Je reste, bien sûr, à leur disposition pour poursuivre notre
dialogue en marge de ce débat.
J'aimerais rappeler brièvement le contexte de cet exercice budgétaire.
La France est confrontée à des défis redoutables, dans un monde qui est devenu
très incertain. Elle doit être à la hauteur de la responsabilité particulière
qui est la sienne et répondre à son devoir de solidarité.
Nous sommes confrontés à deux évolutions globales.
Tout d'abord, la fin de la guerre froide suppose que soient mis en place de
nouveaux modes de régulation stratégique. Nous devons contribuer à bâtir un
nouvel ordre international fondé sur les trois principes complémentaires de
responsabilité collective, de légitimé et d'efficacité, et s'appuyant sur le
rôle central que doit jouer le Conseil de sécurité de l'ONU.
Nous devons parallèlement assurer le développement d'une mondialisation
maîtrisée, qui évite les exclusions, les déséquilibres et les violences. Si
cette maîtrise n'était pas assurée, nous savons où cela risquerait de nous
mener !
Pour cela, six priorités ont été fixées, qui doivent guider notre action à
l'extérieur : premièrement, l'ambition européenne, sous ses deux aspects, qui
sont la Convention sur l'avenir de l'Europe, présidée par M. Giscard d'Estaing,
et la réussite de l'élargissement ; deuxièmement, notre capacité à répondre aux
menaces, en particulier au terrorisme et aux armes de destruction massive ;
troisièmement, la maîtrise de la mondialisation ; quatrièmement, notre capacité
d'influence dans le règlement des crises régionales ; cinquièmement, la
rénovation de nos partenariats avec les grands pôles mondiaux que sont,
notamment, les Etats-Unis, le monde arabe, la Russie ; sixièmement, enfin, la
fidélité à nos partenaires traditionnels, en particulier en Afrique, mais aussi
dans le monde francophone, et cette action doit s'inscrire dans la perspective
de notre combat en faveur de la diversité culturelle et du développement
durable.
La fidélité à nos partenaires traditionnels concerne plus particulièrement
notre politique de coopération et les nouvelles orientations qui découlent des
engagements du Président de la République lui-même et du programme de
Gouvernement présenté par le Premier ministre.
Je déclinerai l'ensemble de cette démarche dans les dix objectifs suivants :
l'augmentation du volume de notre aide publique au développement ; le
rééquilibrage de nos efforts en faveur de l'aide bilatérale ; l'accroissement
de notre coopération avec l'Afrique ; la substitution du partenariat à
l'assistance telle qu'elle était conçue traditionnellement ; le développement
de la coopération décentralisée ; l'accentuation du partenariat avec la société
civile, qu'il s'agisse des organisations non gouvernementales, des entreprises
ou des fondations et associations ; la promotion du volontariat associatif ; le
renforcement de l'expertise française en matière de coopération ; le
renforcement des moyens administratifs, techniques et financiers, moyens qui
doivent surtout devenir plus opérationnels ; enfin, l'accentuation de notre
présence politique et diplomatique dans les pays avec lesquels nous
coopérons.
Pour respecter les six grandes priorités de notre politique à l'extérieur, les
modalités de notre action doivent répondre à une triple exigence : de
cohérence, d'efficacité et de résultat.
S'agissant de l'exigence de cohérence, le ministère des affaires étrangères
doit être un véritable centre de coordination, d'impulsion et de synthèse de
l'action extérieure de l'Etat.
En ce qui concerne l'exigence d'efficacité, le ministère doit prendre part à
l'effort général de l'Etat en termes de rationalisation de l'usage des moyens,
en l'espèce des moyens consacrés à l'action extérieure, notamment par la
réforme et la coordination des réseaux extérieurs de l'Etat.
Pour ce qui est de l'exigence de résultat, la loi organique relative aux lois
de finances est un contrat d'objectifs et de moyens passé entre l'exécutif et
le Parlement. Nous devons donc nous mettre en mesure de vous rendre compte des
résultats obtenus, par l'évaluation des politiques conduites et le contrôle de
gestion.
Le projet de loi de finances pour 2003 s'efforce d'apporter une première
réponse à ces exigences. Il a été conçu dans un esprit de sincérité budgétaire.
Il répond à quatre préoccupations : redynamiser notre action diplomatique,
réaffirmer notre devoir de solidarité internationale, répondre aux attentes des
Français de l'étranger et contribuer efficacement à la maîtrise des flux
migratoires.
Après ce rappel du contexte, dont je n'ai gardé que l'architecture, j'en viens
à l'essentiel, c'est-à-dire aux réflexions très nombreuses formulées par Mmes
et MM. les rapporteurs ainsi que par les orateurs, que Renaud Muselier et
moi-même avons écoutés très attentivement.
Je tiens à saluer la qualité et la pertinence des analyses et des observations
présentées. Je souhaite, en particulier, remercier très sincèrement Mmes et MM.
les rapporteurs pour le travail remarquable qu'ils ont produit.
Renaud Muselier et moi-même regrouperons nos réponses autour d'un certain
nombre de thèmes. M. le sénataire d'Etat aux affaires étrangères évoquera le
fonctionnement du ministère et les crédits y afférents, les contributions aux
organisations internationales, notamment à l'ONU et à celles qui en dépendent,
les affaires consulaires, l'immigration, l'Agence pour l'enseignement français
à l'étranger et quelques autres sujets qui ont été évoqués dans les différentes
interventions.
Pour ma part, je centrerai mes réponses sur les moyens de nos interventions,
leurs modalités et, enfin, l'organisation du ministère.
Je commencerai par les moyens financiers.
Ce projet de budget traduit la priorité accordée par le Président de la
République et le Gouvernement à l'action extérieure de la France, puisqu'il est
en hausse de 13,4 %, cela a été dit par plusieurs d'entre vous et par vos
rapporteurs.
C'est un chiffre qui apparaît satisfaisant, mais je rappellerai que ce projet
de budget des affaires étrangères a été élaboré, comme tous les autres, dans un
contexte très contraignant, en raison de la conjoncture économique, et qu'il ne
représente au total que 1,5 % du budget de l'Etat. C'est dire l'étroitesse des
marges de manoeuvre.
A vrai dire et en vous écoutant, j'en étais d'autant plus convaincu tous les
secteurs de ce budget ou presque auraient mérité une remise à niveau et nous
avons dû être extrêmement sélectifs. C'est ainsi, par exemple, que les
contributions volontaires à des organisations internationales sont restées à
leur niveau, faible, alors qu'elles auraient dû être augmentées : Renaud
Muselier y reviendra. Et l'on aurait pu, en écoutant les propos qui ont été
tenus cet après-midi et ce soir, allonger la liste des besoins, des initiatives
nouvelles à prendre, des réformes à entreprendre.
En outre, comme je l'ai indiqué, l'augmentation du volume de ce budget
s'explique pour une part importante par la volonté du Gouvernement de vous
présenter un budget sincère dès la loi de finances initiale, en rompant avec
une pratique consistant à renvoyer à des lois de finances rectificatives
certaines charges obligatoires et connues d'avance en réalité. MM. Jacques
Chaumont, Michel Charasse et André Dulait ont évoqué cet aspect des choses dans
leurs interventions.
Cela dit, ainsi que l'ont souligné Mmes Brisepierre et Cerisier-ben Guiga, MM.
Charasse et Pelletier, notre aide publique au développement progresse de façon
significative, conformément aux directives du Président de la République et du
Premier ministre. Selon les estimations du ministère des finances, elle devrait
atteindre 0,39 % de notre produit intérieur brut l'an prochain, inversant ainsi
la tendance à la réduction continue qui avait été constatée au cours des
dernières années.
Cette reprise de notre aide publique au développement était indispensable pour
tenir les engagements internationaux de la France, pour permettre à notre pays
d'assumer son devoir de solidarité, et aussi, comme l'a souhaité Mme Luc
notamment, pour nous permettre de mobiliser la communauté internationale dans
la lutte contre la pauvreté, contre la faim et contre la maladie dans le
monde.
Comme je l'ai déjà dit, ce projet a été préparé dans un esprit de sincérité,
et je remercie MM. Chaumont et Del Picchia de nous en avoir donné acte. La
lisibilité pourrait en être améliorée, ainsi que l'ont relevé Mme Brisepierre
et M. Charasse, notamment.
La perspective de la loi organique relative aux lois de finances et le rôle de
synthèse que doit jouer le ministère des affaires étrangères doivent nous
pousser à une présentation plus unifiée, plus claire de l'ensemble des crédits
concourant à l'action extérieure de l'Etat. Tout ce qui a été dit à ce sujet
est parfaitement exact.
Même sincère, même lisible, un budget ne vaut toutefois que s'il est
effectivement mis en oeuvre. Je partage bien sûr les analyses présentées par M.
Chaumont et plusieurs autres orateurs sur la difficulté que représentent les
régulations budgétaires sur des actions qui bien souvent engagent la parole de
la France.
Certes, une libération partielle des crédits gelés au cours de cette année
2002 a pu être obtenue.
Il faut espérer que le contexte économique permettra, en 2003, d'éviter le
recours à cette procédure. Il faut de même assurer la disponibilité, en temps
utile, des crédits de paiement nécessaires à la mise en oeuvre des
autorisations de programme. C'est le sens des remarques de M. Charasse au sujet
du fonds de solidarité prioritaire et de l'Agence française de développement.
Nous espérons pouvoir compter sur le soutien du Parlement, notamment du Sénat,
à cet égard.
Après les moyens financiers, j'en viens aux modalités de notre action et aux
grands secteurs dans lesquels cette action se déploie.
Le premier de ces secteurs est la coopération pour le développement.
L'une des priorités fixées par le ministre des affaires étrangères, je l'ai
indiqué au début de mon intervention, est celle de la fidélité à nos
partenaires les plus anciens et les plus traditionnels, notamment en Afrique. A
ce sujet, je veux rassurer M. Legendre sur la ferme volonté du Gouvernement de
renforcer nos liens avec l'Afrique. J'y reviendrai plus tard mais, d'ores et
déjà, je voudrais, puisqu'il a cité le titre du livre
L'Afrique sans la
France,
lui dire que, que de mon côté, j'ai pu lire - et j'espère que cela
compense - certains titres de journaux tels que « La France est de retour en
Afrique ».
La traduction concrète et opérationnelle de cette démarche à l'égard du
développement, notamment en Afrique, est l'inversion de la tendance qui nous a
conduits, ces dernières années, à privilégier les canaux multilatéraux pour
mettre en oeuvre notre aide. Je suis en plein accord, à ce sujet, avec les
remarques formulées tant par Mme Brisepierre que par M. Charasse.
Le budget que nous vous soumettons permettra d'affecter l'augmentation de nos
moyens en priorité à l'aide bilatérale et, à l'intérieur de celle-ci, à
l'Afrique sub-saharienne.
S'agissant de la programmation, j'ai bien noté les critiques de M. Charasse,
qui souhaite qu'une plus grande place soit faite à la lutte contre la pauvreté,
même au détriment des actions culturelles et audiovisuelles. Je ne veux pas
caricaturer son propos, mais je le résume de cette manière.
Notre devoir de solidarité est une priorité essentielle. Le combat pour la
diversité culturelle ne doit pas être abandonné pour autant. Nos actions de
coopération culturelle ou audiovisuelle en sont de plus en plus la base et
l'instrument. Elles ne doivent donc pas être sacrifiées. Je suis en cela
d'accord avec Mmes Cerisier-ben Guiga et Pourtaud.
Pris dans son ensemble, le projet de budget pour 2003 permet d'augmenter
l'aide publique au développement, ce qui répond à l'appel lancé par M.
Charasse, sans diminuer pour autant nos actions culturelles.
Les interrogations de M. Charasse au sujet de l'aide-projet sont
intéressantes. Des projets bien circonscrits permettent des actions plus
visibles. Cette formule ne doit donc pas être abandonnée. Ce n'est d'ailleurs
pas notre intention. Inversement, l'aide sectorielle, lorsque les conditions de
son emploi sont réunies, présente de réels avantages en termes d'efficacité.
Nous ne devons pas l'exclure, mais nous devons au contraire rechercher, en
fonction de la nature des programmes à réaliser, le meilleur équilibre entre
les deux formes d'assistance.
Mme Brisepierre a craint que la baisse des crédits du chapitre 42-15 n'ait
pour conséquence une réduction de nos actions d'assistance technique et la
disparition d'un savoir-faire précieux. Ella a raison de s'intéresser à cet
aspect de notre coopération. Je veux la rassurer : renforcer l'expertise
française en matière de coopération est l'un des dix objectifs que j'ai cités
tout à l'heure et qui constituent la feuille de route qui est la mienne. Notre
tradition d'expertise dans de nombreux domaines - en Afrique, mais aussi en
Asie, dans la Caraïbe et ailleurs - est ancienne et riche, et ce capital
intellectuel scientifique doit être préservé et renouvelé.
Au sein du chapitre 42-15, la programmation des opérations de la direction
générale de la coopération internationale et du développement a préservé les
actions d'assistance technique, qui pourront également être financées par le
fonds de solidarité prioritaire en accompagnement de projets, ainsi que dans le
cadre des contrats de désendettement et de développement lorsqu'il s'agit de
renforcer les capacités d'administration locale dans les pays partenaires pour
la bonne mise en oeuvre des aides budgétaires.
Telles sont les précisions que je voulais brièvement vous apporter sur la
coopération.
J'en viens maintenant au sida et à l'accès aux médicaments.
Mmes Luc et Bidard-Reydet ont exprimé leurs préoccupations au sujet du
traitement de cette pandémie du sida dans les pays en développement, et plus
particulièrement de l'accès aux médicaments. Comme vous le savez, et alors que
les trithérapies n'étaient disponibles en France que depuis 1996, le Président
de la République, M. Chirac, a prôné, dès 1997, un accès à ces médicaments pour
les populations des pays en développement.
Dimanche dernier, il a une nouvelle fois marqué l'importance qu'il accorde à
cette maladie et à la mobilisation pour la vaincre en se rendant au siège de
l'association AIDES. Il y a annoncé sa décision d'inscrire l'accès aux
médicaments à des prix accessibles pour les pays pauvres, spécialement en
Afrique, à l'ordre du jour du prochain sommet du G8 à Evian, qui sera, vous le
savez, présidé par la France. Je rappelle aussi que notre pays a soutenu la
déclaration de Doha sur la propriété intellectuelle et la santé publique, dont
les modalités précises de mise en oeuvre doivent être définies avant le 31
décembre 2002.
Je vous rappelle enfin, même s'ils ne figurent pas dans le budget que nous
examinons ce soir, que le Gouvernement a inscrit les moyens financiers
nécessaires à sa contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la
tuberculose et le paludisme.
J'évoquerai maintenant la question de l'aide alimentaire, qui a été soulevée
par M. Charasse notamment.
Je partage à cet égard le souci de rationaliser l'organisation de l'aide
alimentaire exprimé par M. Charasse. La gestion de cette aide est actuellement
répartie, comme il l'a indiqué, entre l'agriculture et les affaires étrangères,
selon des modalités qui ne sont pas satisfaisantes. Ce point devra être débattu
lors de la session du comité interministériel de la coopération internationale
et du développement - le CICID - prévue pour le 11 décembre.
Il est nécessaire de simplifier la gestion de l'aide, de diminuer les coûts
globaux et de trouver une meilleure articulation entre la sécurité alimentaire
comme objectif de réduction de la pauvreté et l'aide alimentaire comme
instrument de l'aide humanitaire et, dans certains cas, de l'aide au
développement.
J'en viens à la coopération militaire et de défense.
S'agissant de la coopération militaire, évoquée par Mme Brisepierre, MM.
Chaumont, Charasse et Penne, nous demeurons dans la logique de la réforme de
1998 et de la fusion des ministères de la coopération et des affaires
étrangères. L'Afrique subsaharienne, malgré le redéploiement d'une partie des
crédits vers d'autres zones, reste une priorité puisqu'elle bénéficie à elle
seule de 73 % du budget géré par la direction de la coopération militaire et de
défense, la DCMD.
Mais, au vu de l'évolution des crédits attribués à la coopération militaire au
cours des dernières années - et cette année encore - il convient effectivement
d'être vigilant et de ne pas descendre en dessous d'un seuil de sécurité et
d'efficacité.
Afin de renforcer la gestion des crises - l'une des six priorités que
j'évoquais en commençant -, nos efforts portent en parallèle, d'une part, sur
la formation des militaires dans d'autres pays et, d'autre part, sur le
renforcement de la capacité des armées africaines à conduire elles-mêmes les
opérations sous-régionales, comme on dit en Afrique, de maintien de la paix.
En matière de formation, les seize écoles militaires qui sont soutenues au
titre de la coopération militaire forment environ mille stagiaires chaque
année.
Quant au programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la
paix - le RECAMP -, chacun de ses cycles rencontre un grand succès.
La coopération de défense demeure donc, à nos yeux, par sa contribution à la
sécurité et au maintien de la paix, un instrument privilégié de l'aide au
développement et un volet essentiel de notre coopération. Aider nos partenaires
à se doter d'armées républicaines bien formées sur le plan professionnel et sur
le plan civique est une démarche qui contribue à l'établissement d'un Etat de
droit.
Le moment est certainement venu de dresser un bilan de la réforme et de donner
une nouvelle impulsion qui est, à l'évidence, nécessaire. Ce sera l'objet du
conseil de défense qui se tiendra au mois de février prochain.
La francophonie, qui a été évoquée à plusieurs reprises au cours de nos
débats, est inscrite au coeur de la politique étrangère française. Le discours
du Président de la République au sommet de Beyrouth l'a montré, comme chacun a
pu s'en rendre compte.
Ainsi que l'a rappelé M. Jacques Legendre, le Président de la République a
annoncé un plan de relance qui sera bientôt présenté au Parlement, dans le
cadre de la loi de finances rectificatives pour 2002. Ses modalités pratiques
sont en phase d'arbitrage et vous seront présentées incessamment.
J'ai bien écouté les propos qui ont été tenus, notamment par M. Goulet, sur le
thème de la francophonie. J'ai pris connaissance du problème qu'il a évoqué
concernant l'association qu'il anime et dont je vais me préoccuper. S'agissant
de l'action menée en faveur de la francophonie, même si nous sommes tous
conscients des lacunes, des difficultés, des lourdeurs existantes et de
l'insuffisance des moyens en volume qui lui sont consacrés, je ne pense pas que
nous ayons de véritables raisons d'être pessimistes. Il y a beaucoup à faire,
la situation de certaines organisations doit être clarifiée, mais une dynamique
existe, qui s'est manifestée de manière éclatante à Beyrouth.
La francophonie était souvent perçue jusque-là - à tort d'ailleurs - par nos
concitoyens, par les médias ou par les pays non francophones comme la démarche
d'une ancienne puissance, un peu repliée sur elle-même, qui pouvait
s'enorgueillir au xviiie siècle de la prééminence du français dans les classes
dirigeantes et cultivées, dans la diplomatie, dont c'était la langue exclusive.
Cette francophonie-là, que nous avions au fond tendance à regretter, dans un
réflexe défensif et dans une sorte de compétition quasi obsessionnelle avec
l'anglais, appartient au passé.
Aujourd'hui, la francophonie a changé d'image. Elle est devenue la pionnière
de la diversité des langues et des cultures, du droit de chaque langue et de
chaque culture à être respectée, à exister. Elle est porteuse d'un message
positif d'ouverture sur les autres. Au lieu d'être repliés sur nous-mêmes, nous
sommes ouverts vers les autres et nous pouvons trouver des alliés dans cette
démarche.
M. Jacques Legendre.
Très bien !
M. Pierre-André Wiltzer,
ministre délégué.
J'ai la conviction profonde - je le dis à M. Goulet et
à tous ceux qui se sont exprimés sur ce sujet qui m'est cher, beaucoup d'entre
vous le savent, et pour lequel j'ai milité pendant longtemps - qu'un virage
extrêmement positif à mes yeux a été pris. Il nous faut maintenant accompagner
et organiser cette relance avec un esprit offensif.
J'en viens à ce qui fâche.
M. Legendre s'est inquiété, à juste titre, des conséquences d'un certain
nombre de décisions européennes sur l'usage du français, notamment en matière
d'étiquetage de produits vendus dans le commerce et de brevets. Ces décisions
se sont inscrites dans le cadre des règles qui régissent les échanges
commerciaux et le droit de la consommation.
Au-delà de ces questions, on observe d'ailleurs bien d'autres dérives
inacceptables, au détriment de l'usage du français, dans le fonctionnement
quotidien des institutions européennes. Il faut, bien entendu, dénoncer ces
dérives, ces entorses aux règles - car il existe des règles qu'il faut
respecter.
Cela a été dit par l'un d'entre vous dans la journée, sur le plan de l'Europe,
terrain le plus difficile dans la pratique pour nous, je pense qu'une véritable
protection de la langue française et des autres grandes langues européennes
pourrait être assurée si l'Union européenne, dans les principes généraux qui la
fondent - par exemple le préambule de la Constitution, le jour où elle en aura
une, puisqu'on parle de lui en donner une -, garantissait la diversité des
langues et des cultures des Etats membres. La garantie de cette diversité
deviendrait un principe de base qui devrait être respecté par tout le monde. On
éviterait alors ce qu'on a bien connu à plusieurs reprises, à savoir les
directives techniques qui sortent des directions de la Commission ou les
décisions de la Cour de justice européenne auxquelles il n'est pas aussi facile
de s'opposer. Je soumets cette idée à votre réflexion.
J'ajoute qu'un effort important doit être poursuivi à l'intention des futurs
membres de l'Union européenne. Des coopérations linguistiques, éducatives et
administratives sont mises en oeuvre avec ces pays pour maintenir et développer
leur pratique du français.
J'en viens à l'action culturelle extérieure.
M. Dauge s'est interrogé sur les suites données au rapport qu'il a rédigé au
sujet des centres culturels. Les crédits qu'il jugeait indispensables à leur
remise à flot sont malheureusement difficiles à dégager dans la conjoncture
budgétaire que vous connaissez. Un effort sensible a cependant été fait,
puisqu'une augmentation sur deux ans de 8,3 % des crédits de fonctionnement a
été consentie au profit des centres dotés de l'autonomie financière.
J'ajouterai à l'attention de M. Dauge que le Gouvernement est tout à fait
décidé à faire preuve de vigilance à l'égard du réseau des centres culturels.
Nous connaissons tous, pour avoir circulé dans certains pays, la vétusté des
locaux, la très grande modestie des moyens qui ne permet même pas d'utiliser
intelligemment les sommes disponibles ni de rentabiliser l'investissement fait.
Tout cela mérite donc un effort, qui sera poursuivi au cours des années qui
viennent.
M. Hoeffel s'est inquiété de la fermeture de centres culturels en Allemagne.
Effectivement, sept centres ou antennes ont été fermés en 2001 et en 2002. Il
s'agit non pas d'une remise en cause de notre présence en Allemagne, mais d'une
restructuration de notre dispositif. Les établissements fermés ont été
remplacés, m'a-t-on assuré, par de nouvelles structures plus souples,
implantées directement chez nos partenaires allemands. Huit postes de chargés
de mission pour la culture et d'attachés de coopération universitaire ont été
créés. Ils disposent d'un budget géré par le centre culturel le plus proche.
Les économies engendrées par ce redéploiement ont été allouées à d'autres
établissements. Au total, l'enveloppe de fonctionnement global de notre réseau
en Allemagne, qui s'élève à 2,9 millions d'euros, demeure constante. Il n'y a
donc aucun désengagement. Il s'agit d'un redéploiement. Je suis à la
disposition de M. Hoeffel pour en faire le bilan.
J'en viens à l'action audiovisuelle extérieure.
L'importance du renforcement de la présence de la France en matière
d'audiovisuel extérieur est évidente. Il s'agit d'un instrument stratégique de
la diplomatie et, plus encore, de rayonnement de la France dans le monde. Je
partage tout à fait l'analyse présentée par M. Duvernois. J'ai également écouté
attentivement les propos de M. le président Dulait et de M. Chaumont sur ce
sujet.
Les crédits qui vous sont présentés sont effectivement en légère baisse, mais,
comme le souligne d'ailleurs M. Duvernois, il s'agit d'un budget de transition
dans lequel il n'a pas été possible de prendre en compte le résultat de
réflexions encore en cours.
Comme vous le savez, le Président de la République souhaite la création d'une
chaîne de télévision mondiale en français. Il s'agit là d'un sujet très
important, mais complexe, et dont les implications, notamment financières, sont
considérables. Cela a été dit par beaucoup d'entre vous. Différentes options
sont encore à l'étude. A ce jour, il ne m'est malheureusement pas possible
d'anticiper sur les réflexions en cours.
Certaines prévoient de s'appuyer sur les opérateurs de l'audiovisuel public
extérieur existants, y compris TV5, chaîne francophone qui dispose d'un réseau
mondial, et de valoriser la capacité du service public de télévision à
présenter l'information et la vision française des événements sur le plan
international. D'autres options reposent sur la création d'un opérateur nouveau
ou la reprise de l'opérateur existant. Dans chaque cas, les coûts et les
montages juridiques et financiers sont très différents. En tout état de cause,
le Gouvernement a choisi de se laisser le temps de la réflexion en raison des
enjeux financiers en cause, mais il prend bien en compte la préoccupation
exprimée par Mmes Cerisier-ben Guiga et Pourtaud et par M. del Picchia de tirer
profit au maximum de l'existant.
S'agissant de TV5, Mme Pourtaud a très justement relevé les progrès importants
qui ont été accomplis par cette chaîne francophone. Elle a eu raison de relever
aussi que les crédits alloués ne permettent pas la réalisation de l'intégralité
du plan stratégique 2002-2005. Il est effectivement regrettable que les autres
partenaires n'aient pas souhaité aller plus loin dans leur soutien financier.
La France accorde une subvention dont la hausse est plus forte que celles des
autres bailleurs de fonds, mais elle ne peut pas supporter seule le poids
financier du développement de TV5. Nous poursuivrons donc nos efforts pour
mobiliser nos partenaires en faveur de la réalisation complète du plan
stratégique au cours des prochaines années.
Je partage également la préoccupation de Mmes Pourtaud et Cerisier-ben Guiga
au sujet de la situation de Radio France Internationale. Il est exact que les
perspectives financières ne sont pas très faciles, notamment en ce qui concerne
le financement de l'accord de réduction du temps de travail et l'évolution de
la masse salariale en général. La conclusion d'un contrat d'objectifs et de
moyens est indispensable pour donner un cadre à l'évolution de l'entreprise. La
négociation de ce contrat sera relancée dans les prochains mois.
J'en viens, maintenant, à l'organisation de notre action.
Je l'aborderai en évoquant les principes sur lesquels doit reposer
l'organisation du ministère.
Le premier d'entre eux est la cohérence.
Le ministère des affaires étrangères est responsable de la cohérence de
l'action extérieure de l'Etat. Comme le relève M. Chaumont, l'organisation des
implantations à l'étranger de l'ensemble des services de l'Etat doit faire
l'objet d'une réflexion stratégique. Le Comité interministériel sur les moyens
de l'Etat à l'étranger, le CIMEE, examinera cette question.
Quelle que soit la solution finalement retenue, le rôle de l'ambassadeur doit
refléter, sur le terrain, la fonction de coordination du ministère des affaires
étrangères ; je suis en plein accord avec MM. Branger et Charasse sur ce point.
Cette fonction de synthèse est d'autant plus indispensable que, comme l'ont
souligné Mme Brisepierre et MM. Chaumont et Charasse, les crédits concourant à
l'aide publique au développement et à l'action extérieure de la France sont
dispersés au sein de nombreux ministères, faisant peser le risque d'incohérence
et de mauvais emploi des deniers publics.
Dans cette perspective, Mme Brisepierre s'est interrogée sur la coexistence de
deux groupements d'intérêt public : France coopération internationale, au
ministère des affaires étrangères, et Assistance au développement des échanges
en technologies économiques et financières, l'ADETEF, au ministère des
finances.
Bien entendu, nous sommes alertés sur ce problème. La coordination entre ces
deux entités doit pouvoir se faire - nous semble-t-il - sans trop de
difficultés grâce à un dialogue permanent qui s'est d'ores et déjà établi entre
les deux cosecrétaires du comité interministériel de l'aide au
développement.
J'en viens au second principe sur lequel doit reposer l'organisation du
ministère, à savoir l'efficacité.
M. Charasse a porté sur le fonctionnement du Fonds de solidarité prioritaire,
le FSP, un jugement quelque peu sévère. Il est exact que la durée moyenne de
vie d'un projet du FSP est actuellement trop longue. Des éléments conjoncturels
apportent toutefois une partie de l'explication : le passage à l'euro, la
réforme comptable et les gels budgétaires ont retardé les décaissements. Il
reste - c'est exact - qu'un effort doit être consenti en la matière. Et, comme
M. Charasse l'a noté, un comité de suivi des projets a été institué à cet
effet.
Le faible nombre de projets dans les nouveaux pays de la zone de solidarité
prioritaire a été également regretté. Nous en sommes conscients. Des actions de
formation sont organisées au profit des agents qui sont en poste dans ces pays
et qui n'ont pas l'expérience de cette procédure. La situation est donc en
train de s'améliorer.
M. Charasse a dressé le même constat de lenteur à l'égard de l'Agence
française de développement, l'AFD. Outre les retards inévitables dus aux
conditions de mise en oeuvre de projets parfois difficiles, je rappelle que
l'AFD, en tant qu'établissement financier, a dû prévoir un régime de sanctions
automatiques en cas d'impayé. Toute crise politique entraîne des difficultés
financières, et le régime de sanction est alors appliqué, ce qui retarde
évidemment les projets.
Toutefois, des améliorations sont possibles et nécessaires. Comme M. Charasse
l'a lui-même indiqué, l'AFD a récemment engagé une réflexion stratégique de
grande qualité, débouchant sur un plan d'orientation stratégique dont la mise
en oeuvre est en cours. Cette réforme permettra à l'AFD de procéder à une plus
grande sélectivité des projets qu'elle conduit et de recentrer son activité sur
ses domaines d'excellence. On peut par conséquent espérer des retombées
positives sur l'ensemble du fonctionnement de l'agence. Comme de nombreux
orateurs l'ont indiqué, une part importante de notre aide publique au
développement passe par le canal du Fonds européen de développement, le FED.
Comme l'ont souligné Mme Brisepierre, MM. Charasse et Daugé, le FED est
critiquable : lourdeur des procédures, ampleur des sommes non décaissées en fin
d'année, manque de coordination avec les actions bilatérales, etc. C'est l'une
des raisons pour lesquelles nous souhaitons accorder une plus grande priorité à
l'aide bilatérale.
Il n'est pas question de revenir sur les engagements de la France à l'égard du
FED. En revanche, nous ne pouvons pas nous désintéresser de sommes aussi
importantes, qui devraient être mises au service de la lutte contre la
pauvreté. La réforme en cours à Bruxelles nous permet d'espérer une certaine
amélioration du fonctionnement du FED, car la Commission a pris conscience de
ses dysfonctionnements.
De premiers signes encourageants sont apparus, mais il faut rester attentifs à
la mise en oeuvre de la réforme et à ses résultats.
Dernier des principes sur lequel repose l'organisation du ministère :
l'obligation de résultat. Il est naturellement indispensable d'être en mesure
d'évaluer notre action.
MM. Chaumont et Charasse ont noté à juste titre que les indicateurs de gestion
seraient perfectibles. C'est un euphémisme ! Effectivement, ils le sont. Une
réflexion va être engagée à ce sujet, des audits seront demandés à l'inspection
générale des affaires étrangères et à l'inspection générale des finances. Là où
c'est possible, une démarche de qualité et de certification sera engagée. Le
processus d'évaluation de chacun sera également revu. Un groupe de travail a
été créé au sein du ministère, sous la présidence du secrétaire général du
ministère, et vos commissions compétentes seront associées à ces travaux.
J'en viens à la DGCID. Le jugement qui a été émis sur cette direction et sur
la lourdeur de son fonctionnement est peut-être un peu sévère. La fusion des
services des ministères s'est faite voilà maintenant quelques années, mais cela
ne fait pas si longtemps. Le temps est venu d'en tirer un bilan et d'examiner
si des ajustements sont nécessaires. C'est ce que nous allons faire dans le
cadre de la réflexion engagée par M. Dominique de Villepin sur l'organisation
du ministère.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les
indications que je souhaitais vous présenter en réponse aux observations et aux
questions des rapporteurs et des orateurs.
J'ajouterai brièvement, avant de terminer, quelques indications liées à
l'actualité politique en réponse aux questions de plusieurs des orateurs, en
particulier MM. André Dulait, Guy Penne et André Vallet, sur la situation en
Côte d'Ivoire, dont je comprends qu'elle préoccupe la Haute Assemblée.
Afin d'appuyer le processus de sortie de crise en Côte d'Ivoire, M. Dominique
de Villepin s'est rendu successivement à Lomé, Abidjan, Ouagadougou, Bamako,
Libreville et Dakar, entre le 26 et le 28 novembre.
Face aux risques d'enlisement des négociations en cours à Lomé dans le cadre
de la médiation pilotée par le Président du Togo et aux risques de reprise des
affrontements sur le terrain, ce déplacement rapide avait pour objet de « faire
bouger les lignes » et de souligner l'urgence d'une solution politique,
pacifique et négociée.
Il s'est inscrit dans la droite ligne de la position adoptée par la France
depuis le début de la crise, à savoir le soutien aux autorités et aux
institutions légitimes, la préservation de la souveraineté de l'Etat et de
l'intégrité du territoire, le maintien de la stabilité régionale et l'appui aux
médiations africaines.
En l'état actuel des choses, nous pouvons établir un premier bilan de ce
déplacement.
M. Alassane Ouattara, qui était à l'ambassade de France à Abidjan depuis
plusieurs semaines, a pu la quitter.
Cela a d'ailleurs contribué à diminuer sensiblement les tensions
antifrançaises qui s'étaient manifestées à Abidjan depuis plusieurs
semaines.
Le 27 novembre dernier, à Lomé, la délégation représentant le gouvernement
ivoirien et la délégation des rebelles du Nord ont rédigé une déclaration
commune appelant à un règlement pacifique et énonçant les points pouvant faire
désormais l'objet d'un dialogue politique élargi.
Ensuite, sous l'égide du président malien Touré, une rencontre a été organisée
à Bamako hier, mardi, entre le président du Burkina Faso, Blaise Campaoré, et
le président de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo. Cette rencontre, qui a duré
cinq heures, a débouché sur un communiqué.
A ce propos, puisque M. Vallet a fait allusion à un certain nombre de rumeurs,
de montages, sur des complots qui pourraient, ici ou là, être à l'origine de la
crise très grave de la Côte d'Ivoire, j'en profite pour dire la nécessité
d'être extrêmement méfiant à l'égard de toutes les rumeurs et de toutes les
désinformations qui circulent. Il a notamment fait état de rumeurs mettant en
cause un pays de la péninsule arabique et le Burkina Faso qui ne me paraissent
pas être fondées sur des faits objectifs.
Les principaux points du communiqué dont je parlais sont les suivants :
privilégier le dialogue pour parvenir à une paix durable, rechercher une
solution pacifique, s'abstenir de tout acte d'agression contre l'intégrité
territoriale de chacun des pays, accélérer le déploiement de la force de la
CEDEAO, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, et, enfin,
engager une réflexion approfondie pour des réformes politiques et
institutionnelles en Côte d'Ivoire.
De son côté, le président Abdoulaye Wade, qui préside la force de la CEDEAO, a
désigné l'officier général qui va prendre le commandement de cette force.
Une nouvelle réunion, prévue à Accra, de l'ensemble des chefs d'Etat de la
CEDEAO devrait préciser les modalités d'envoi et la mission de la force de la
CEDEAO, qui est attendue sur le terrain.
Je vous rappelle que les troupes françaises présentes en Côte d'Ivoire, dont
les effectifs ont été plus que doublés pour atteindre près de 1 400 hommes,
assurent depuis le début de la crise la sécurisation et, le cas échéant,
l'évacuation de ressortissants français et étrangers qui seraient en danger. En
outre, depuis le 19 octobre dernier, et à la demande des autorités ivoiriennes,
elles assurent la sécurisation du cessez-le-feu qui est intervenu à cette
date.
Ainsi, le mouvement d'accélération donné au processus politique de sortie de
crise avait de bonnes raisons d'être jugé très positif. Toutefois, est apparue,
de manière simultanée, une nouvelle zone de combats à l'ouest de la Côte
d'Ivoire. Des rebelles, apparemment indépendants de ceux du Nord et appartenant
au clan des partisans de feu le général Gueï, ont pris le contrôle de plusieurs
localités à la frontière du Liberia.
C'est dans ces conditions que les troupes françaises ont procédé, entre samedi
et lundi, à la sécurisation et à l'évacuation des ressortissants français et
étrangers de Man et de Touba.
S'agissant de la défense européenne, je serai plus bref, bien que le sujet
soit considérable. M. Dulait, président de la commission des affaires
étrangères, a eu raison d'insister sur cette question essentielle pour l'avenir
de l'Europe et d'indiquer que ce dossier connaissait des hauts et des bas.
Parmi les succès, citons la contribution commune de la France et de
l'Allemagne à la Convention européenne, ainsi que notre loi de programmation
militaire, qui nous permet d'accroître notre capacité d'intervention.
En dehors des succès, il existe également des limites, c'est vrai, qui
résident surtout dans les difficultés à trouver un accord avec la Turquie pour
permettre, demain, la coopération entre l'OTAN et la future force
d'intervention européenne.
Mais il ne faut pas désespérer. Nous connaissons tous le processus européen,
avec ses allers et retours. Une solution pourrait intervenir assez rapidement,
peut-être au sommet de Copenhague.
En ce qui concerne le terrorisme, Mme Cerisier-ben Guiga et d'autres orateurs
se sont exprimés. Je partage complètement leur point de vue et, par conséquent,
je serai bref.
Je dirai simplement que, sur ce dossier, la France est active à l'égard de ses
partenaires européens. Ainsi, au niveau européen, nous avons adopté le mandat
d'arrêt unique. Nous avons renforcé Europol. Nous avons mis au point un
système beaucoup plus performant d'échange de renseignements et nous avons
établi une liste commune des organisations territoristes interdites.
Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit tout à l'heure en ce qui concerne
l'Afrique ; d'autres occasions se présenteront peut-être.
M. Dauge a évoqué un problème ponctuel, à savoir l'écart entre deux chiffres :
celui des prévisions de décaissement qui seraient nécessaires pour l'Agence
française de développement en 2003 - 160 millions d'euros - et celui des
crédits inscrits au projet de budget, qui ne s'éléveraient qu'à 137 millions
d'euros. En réalité, les 160 millions d'euros ne sont qu'une prévision,
laquelle dépend évidemment du rythme de mise en oeuvre effective des projets et
de la situation générale des pays bénéficiaires. L'expérience nous montre qu'il
est peu probable que l'intégralité des projets se réalisera selon le calendrier
prévu. Par conséquent, les 137 millions d'euros de crédits de paiement
devraient suffire. Si, par bonheur, ils ne suffisaient pas, des mesures
seraient prises en cours d'année.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai été plus long
que je ne l'aurais voulu, mais le sujet est immense. Je vous demande de m'en
excuser et je laisse la parole à mon collègue Renaud Muselier.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames,
messieurs les sénateurs, je suis heureux d'être aujourd'hui parmi vous avec
Pierre-André Wiltzer pour proposer à votre approbation le budget des affaires
étrangères.
Je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de la très
grande qualité et de la pertinence de vos interventions, auxquelles je vais
m'employer à répondre avec le plus de précision possible.
Le projet de budget pour 2003 du ministère des affaires étrangères s'élève à 4
113,9 millions d'euros, soit une augmentation de 13,4 % par rapport à la loi de
finances initiale pour 2002.
Nous affichons, en toute sincérité, une forte augmentation de 484 millions
d'euros de nos crédits. Plusieurs dotations, dont les insuffisances ont donné
lieu, les années précédentes, à d'importantes ouvertures de crédits en loi de
finances rectificative ont été remises à niveau. C'est le cas des crédits du
fonds européen de développement - vous l'avez souligné, monsieur Charasse -, ou
des contributions obligatoires.
De ce fait, par rapport à la loi de finances initiale pour 2002, augmentée des
crédits ouverts en loi de finances rectificative, l'accroissement du budget ne
s'élève qu'à 5,6 %.
Ainsi que l'ont souligné MM. Branger et Chaumont, ce budget ne répond pas
totalement à nos attentes, mais il porte nos ambitions et s'efforce de répondre
à quatre préoccupations : premièrement, redynamiser notre action diplomatique ;
deuxièmement, réaffirmer notre devoir de solidarité internationale, ce dont
Pierre-André Wiltzer vient de vous entretenir ; troisièmement, répondre aux
attentes des Français de l'étranger ; enfin, quatrièmement, contribuer
efficacement à la maîtrise des flux migratoires.
Je vous propose d'examiner d'abord les points que je viens d'indiquer, avant
de répondre aux questions spécifiques sur notre action diplomatique qui m'ont
été posées au cours de ce débat.
La première de nos préoccupations est de redynamiser notre action
diplomatique.
J'évoquerai tout d'abord les moyens de fonctionnement.
Les crédits destinés aux rémunérations, aux missions et au fonctionnement des
services et des postes augmentent de 3,2 %. Ces crédits conditionnent,
notamment, la sécurité de nos postes, que je veux en priorité renforcer. Ainsi,
quinze emplois nouveaux de gendarmes ont été ouverts.
Les crédits de fonctionnement font l'objet, habituellement, d'une régulation
budgétaire importante. A l'avenir, ainsi que le suggèrent la Cour des comptes
et M. Jacques Chaumont, un contrat d'objectifs et de moyens pourrait être
envisagé avec le ministère du budget, comme l'a fait la direction des relations
économiques extérieures, la DREE. Je suis convaincu que l'effort de réflexion
sur nos missions, notre organisation et nos moyens exposé par Pierre-André
Wiltzer débouchera sur une approche contractuelle de ce type.
Nous veillerons également à nos investissements immobiliers. J'ai demandé une
meilleure maîtrise des coûts, la mise à niveau des installations techniques et
de sécurité et l'insertion optimale dans le site. Ces objectifs sont dictés par
trois priorités essentielles : la standardisation, l'unification et la
sécurisation de nos emprises.
Nos crédits en autorisations de programme et en crédits de paiement reculent
en apparence, mais cette baisse sera compensée par d'importants reports de
crédits liés aux rythmes différents d'avancement des programmes de travaux.
J'en viens au réseau diplomatique et consulaire. Ces moyens sont dédiés à un
réseau en constante adaptation. J'ai bien pris note des remarques formulées
notamment MM. Chaumont, Branger, Charasse et de Montesquiou.
Vous le savez - vous l'avez dit, je le répète, mais on ne le dira jamais assez
-, la France dispose du second réseau diplomatique et consulaire après celui
des Etats-Unis. Membre permanent du Conseil de sécurité, elle est présente dans
le monde avec cent cinquante-deux ambassades, vingt et une représentations
permanentes et cent cinq postes consulaires.
La France est puissante et forte de son réseau. Ce réseau est régulièrement
adapté aux évolutions et aux réalités internationales. Des postes sont créés ou
transformés cette année à Kaboul, Gaborone ou Douchanbé.
Pierre-André Wiltzer, évoquant la réforme du ministère et de l'action
extérieure de l'Etat, vous a indiqué qu'une réflexion d'ensemble sur la
cohérence de notre réseau va être engagée, notamment en Europe, toutes
administrations confondues.
Je veillerai tout particulièrement, à cette occasion, comme l'ont fort bien
souligné le président Dulait et M. Branger, à ce que l'ambassadeur voie son
autorité affirmée sur l'ensemble des services de l'Etat à l'étranger, comme le
préfet dans son département.
(Très bien ! sur les travées de l'Union
centriste.)
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Enfin !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
Notons que 5 716 agents, contre 3 993 à
l'administration centrale, travaillent au sein du réseau à l'étranger, soit 4
201 dans le réseau diplomatique et consulaire et 1 515 dans le réseau culturel
et de coopération. Par ailleurs, 5 874 agents de recrutement local sont
également employés dans le réseau diplomatique et consulaire et 6 173 dans le
réseau culturel. Le ministère des affaires étrangères s'attache, dans le cadre
d'un plan d'action volontariste, à améliorer la situation sociale du personnel
local.
Pour répondre plus précisément à M. de Montesquiou, comment envisageons-nous
l'évolution du réseau consulaire ?
La France dispose de quatre-vingt-neuf consulats généraux, dont quelques
postes mixtes avec la DREE ou l'action culturelle et de coopération, de dix
consulats et de dix chancelleries détachées et antennes consulaires.
La coopération au sein de l'Union européenne modifie déjà la fonction
consulaire, notamment dans son volet relatif à la protection des personnes. Il
y a évidemment lieu de s'interroger sur le maintien de divers consulats en
Europe, d'autant que des structures d'accueil sont créées - dans les centres
culturels, les alliances françaises ou sous forme d'agences consulaires - et
qu'un consul honoraire est nommé partout où le ministère des affaires
étrangères ferme un poste. Il reste, nous le savons tous, que toute fermeture
de poste consulaire est ressentie défavorablement par la communauté
française.
Plus généralement, la réflexion sur le réseau consulaire portera sur plusieurs
domaines : la fermeture des consulats dans certaines capitales, avec
l'ouverture d'une section consulaire à l'ambassade ; le regroupement
d'activités, telles que les visas - au Maroc, par exemple, les visas étudiants
sont centralisés au consulat général à Casablanca - ; la spécialisation de
certains consulats - ainsi, le consulat général à Bruxelles regroupera, en
2003, l'essentiel de l'activité consulaire, les autres postes consulaires en
Belgique conservant une fonction de relations publiques, travail politique et
presse, et des services de proximité - ; enfin, l'allégement des procédures,
telle que l'harmonisation des frais de visas et la généralisation du réseau
mondial des visas.
Toutes ces mesures sont examinées par le comité de pilotage de la réforme qui
a été installé, voilà quelques semaines, par Dominique de Villepin.
J'en viens maintenant aux contributions obligatoires et volontaires, autre
élément substantiel de notre présence internationale.
La France doit tenir son rang, notamment à l'égard du système des Nations
unies. Cette ambition se traduit par une progression de 11 % des contributions
obligatoires de la France pour le fonctionnement des organisations
internationales et pour le financement des opérations de maintien de la paix.
Ces contributions atteignent désormais 679 millions d'euros, soit 16,5 % des
crédits du ministère.
En revanche, nos contributions volontaires ne représentent plus que la moitié
de ce qu'elles étaient en 1992, alors qu'elles sont à 96 % comptabilisées dans
l'aide publique au développement. Alors qu'elle est le quatrième contributeur
obligatoire au système des Nations unies, la France, toutes administrations
confondues, n'est plus que le douzième contributeur volontaire. La faiblesse de
ces contributions remet désormais gravement en cause notre influence et notre
présence dans ces organisations, Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Branger et
Chaumont l'ont dit avec force et justesse.
Je souligne que nous avons fait le choix, cette année, d'honorer sans à-coup
nos engagements à l'égard du système des Nations unies. Mais il faut que la
France rejoigne rapidement les dix principaux contributeurs aux grandes agences
humanitaires et de développement des Nations unies. Nous avons l'ambition de
vous présenter un budget dans ce sens l'an prochain.
J'en viens aux conférences internationales en 2003. Autre signe de notre
dynamisme international, la France accueillera, en 2003, deux grandes
conférences internationales : le sommet des chefs d'Etat de France et
d'Afrique, à Paris, du 19 au 21 février, et le sommet du G8, à Evian, du 1er au
3 juin. Les crédits destinés aux conférences internationales progressent donc
de 7 millions d'euros, soit 37 % d'augmentation. Des moyens supplémentaires
devront néanmoins être dégagés dès l'an prochain.
Ce budget tend également à répondre aux attentes des Français de l'étranger,
notamment en ce qui concerne la représentation des Français à l'étranger.
M. Robert Del Picchia.
Très bien !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
Je dirai un mot, d'abord, sur ce qu'on appelle
désormais la réforme du CSFE, que MM. Durand-Chastel et Del Picchia ont
évoquée. Le Conseil supérieur des Français de l'étranger a lui-même lancé une
réflexion sur son organisation et son fonctionnement, tant la nécessité d'une
évolution se faisait sentir. Vous le savez, le ministère des affaires
étrangères est prêt à participer à cette réflexion. Cette évolution peut
contribuer, en effet, à l'esprit de réforme et de rénovation de nos méthodes
que Dominique de Villepin veut insuffler à ce ministère.
Je souhaite que le mouvement en faveur d'une plus grande participation des
élus à la gestion des affaires de la cité soit étendu, sous des formes
appropriées, aux Français de l'étranger et à leurs élus.
M. Robert Del Picchia.
Très bien!
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
En tout état de cause, la présence du Premier
ministre, après-demain, à la réunion du CSFE est bien la preuve, mesdames,
messieurs les sénateurs, de l'attention que le Gouvernement porte à cette
institution.
J'en arrive à la sécurité des Français.
La sécurité de nos compatriotes est l'une des priorités du Gouvernement, à
l'étranger comme en France. Je partage à ce sujet l'analyse de MM. Guerry et
Durand-Chastel.
Depuis mai dernier, nous avons dû faire face à plusieurs crises : l'attentat
de Karachi, la rébellion en Côte d'Ivoire, l'attentat contre le pétrolier
Limbourg
, le naufrage du
Joola
, l'attentat de Bali, la tentative
de coup d'Etat en République centrafricaine. Presque toujours, des Français se
trouvaient parmi les victimes. Nous avons réagi rapidement pour assurer la
sécurité du plus grand nombre, entourer les familles des victimes et évacuer
les personnes désemparées.
J'ai salué pour son efficacité la cellule de crise du Quai d'Orsay, qui a su,
en toutes circonstances, apporter des réponses appropriées aux familles
inquiètes. Je rends également hommage à l'action discrète, mais efficace, du
comité d'entraide aux Français rapatriés, qui accueille et réinsère chaque
année un millier de nos concitoyens revenant de l'étranger dans la
précarité.
Face aux nouvelles menaces, il nous faut anticiper davantage et agir vite. Nos
ambassades doivent disposer de moyens plus efficaces, notamment en matière de
communication et d'équipements de protection individuels. Les crédits destinés
à la sécurité de nos compatriotes à l'étranger bénéficient donc d'une
augmentation de l'ordre de 9,3 %. C'est une première étape.
Dans le même temps, nous renforçons notre capacité d'analyse des risques et de
la coopération entre services. Dominique de Villepin a confié cette tâche à un
comité de sécurité interministériel, qui s'est réuni pour la première fois le
23 octobre 2002.
J'aborde maintenant l'action sociale.
Dans un esprit d'équité, il faut réduire l'écart entre la protection sociale
apportée à nos compatriotes en France et à l'étranger. Nous avons obtenu le
dégel intégral des crédits bloqués - soit 2,6 millions d'euros - du chapitre
46-94 qui soutient ces dépenses indispensables.
Par ailleurs, je prends pleinement en compte toutes les préoccupations
exprimées par M. Cantegrit, et je salue à cette occasion l'action qu'il mène à
la tête de la caisse des Français de l'étranger.
L'augmentation de 4,5 % des crédits du fonds d'action sociale inscrits au
budget pour 2003 répond à la croissance continue des besoins sociaux et
médicaux de nos ressortissants les plus démunis. En 2002, 5 750 Français ont
perçu une aide sociale consulaire permanente, dont 3 500 personnes âgées et
près de 1 500 personnes handicapées, soit, au total, une augmentation de la
population assistée de 3 % par rapport à 2001. Le nombre de personnes
rapatriées aux frais de l'Etat a fait un bond de 112 % en cinq ans !
Le montant des allocations a été revalorisé de façon significative, afin de
pallier les conséquences d'un effet change/prix défavorable dans de nombreux
postes.
Dans le même temps, à la suite du rapport de Mme Cerisier-ben Guiga, notre
dispositif d'aide sociale a été adapté aux besoins : développement des aides à
l'enfance, création de fonds de roulement pour l'avance des frais médicaux,
amélioration des aides aux enfants handicapés, création à titre expérimental
d'aides à l'insertion sociale et professionnelle. Des aides financières pour la
formation professionnelle ou la création de micro-entreprises ont été
expérimentées dans quelques consulats. Elles vont être étendues.
Enfin, l'enveloppe des subventions en faveur des sociétés françaises de
bienfaisance a été revalorisée de 13 %. En 2002, près d'une centaine
d'associations ont bénéficié d'une aide du département.
Parallèlement, nous menons une politique sociale plus active suivant trois
axes : d'abord, l'évaluation équitable du montant des allocations servies aux
personnes âgées et handicapées, avec la prise en compte plus juste du coût de
la vie dans chaque pays ; ensuite, le développement des aides à la réinsertion
de nos compatriotes en difficulté ; enfin, plus d'autonomie des postes
consulaires dans la gestion de leurs aides sociales.
En ce qui concerne les retraités français des caisses africaines de sécurité
sociale, MM. Del Picchia et Cantegrit l'ont dit, les intéressés rencontrent
souvent des difficultés pour percevoir les pensions de retraite qui leurs sont
dues par les caisses locales.
Nous intervenons, souvent en relais de vos propres démarches, messieurs les
sénateurs, auprès des caisses africaines en négociant le transfert en France
des cotisations versées localement. C'est ce qu'on appelle le droit d'option,
il existe avec le Mali et la Côte d'Ivoire et il vient d'être négocié avec le
Gabon ; il améliore sensiblement la situation des Français titulaires d'une
pension africaine.
La question a été en partie réglée à Djibouti par l'utilisation de subventions
d'ajustement structurelles de 1994 et 1997 pour payer les arriérés dus par
l'Office de protection sociale.
La situation reste préoccupante au Cameroun, au Niger et au Congo et, dans une
moindre mesure, au Tchad et en Centrafrique. Nous négocierons le droit d'option
dès que possible.
Il reste que la meilleure garantie de nos compatriotes contre des défaillances
de régimes étrangers de sécurité sociale est proposée par le système français
de protection sociale sous la forme d'une adhésion à l'assurance volontaire
vieillesse de la caisse des Français de l'étranger.
En dernier recours, nos compatriotes titulaires de pensions étrangères peuvent
bénéficier, sous conditions de ressources, du minimum vieillesse s'ils résident
en France et d'une allocation de solidarité différentielle s'ils vivent à
l'étranger.
Mmes Pourtaud et Brisepierre, MM. Chaumont, Del Picchia, Durand-Chastel et
Guerry, notamment, ont exprimé les préoccupations de la représentation
nationale, des Français de l'étranger et des enseignants quant à l'avenir de
l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Madame Cerisier-ben Guiga, vous avez relayé avec force ces inquiétudes et vous
vous êtes fait le porte-parole de l'ensemble de la commission des affaires
étrangères. Le Gouvernement est particulièrement sensible à cette question et
il s'emploie à apporter à ce problème une solution de fond.
Le réseau de l'enseignement français à l'étranger, qui scolarise chaque année
près de mille enfants français supplémentaires, doit être préservé, et il
convient de mener une réflexion sereine sur ses missions.
L'AEFE doit assumer pleinement sa mission de service public éducatif rendu à
nos enfants à l'étranger et sa vocation de formation des élites tournées vers
la France. Or nous avons trouvé, en prenant nos fonctions, une agence au bord
de l'asphyxie financière, alors même que les enseignements dispensés sont de
grande qualité.
Que proposons-nous ?
La réforme engagée du statut du personnel enseignant expatrié doit être menée
à son terme. Le lien avec l'éducation nationale doit être raffermi, car cet
ancrage est le garant de la qualité des enseignements. Il n'est pas exclu, même
si je ne puis à ce stade l'affirmer, que l'éducation nationale soit appelée, en
2003, à contribuer au financement des bourses attribuées aux enfants des
familles françaises nécessiteuses. Voilà l'amorce d'une réponse à M. Jacques
Chaumont et ceux qui suggèrentl'élargissement du périmètre de financement de
l'agence.
M. Guy Penne.
On peut toujours rêver !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
De même, le maillage du réseau doit être examiné en
prenant en compte les deux missions que je viens de rappeler. Nous n'avons pas
vocation à nous substituer aux systèmes éducatifs nationaux ; nous ne devons
pas nous maintenir là où nos établissements sont le legs de situations
révolues.
Là où c'est justifié, nous ménagerons des financements transitoires et
recourrons à des opérateurs reconnus, tels que la mission laïque, qui scolarise
déjà vingt mille élèves dans soixante-huit établissements. Nous nous
appuierons, bien sûr, sur les associations de parents d'élèves - je salue, à ce
titre, l'engagement personnel, bénévole et précieux des membres de leurs
bureaux - pour adapter sans heurts le réseau.
Il est évident qu'un tel plan - que nous sommes déterminés à mettre en oeuvre
- ne peut être lancé dans la précipitation et sans concertation. Nous avons
obtenu un aménagement de la mesure d'économie de 6,4 millions d'euros que
prévoit le projet de loi de finances. Les 4 millions d'euros obtenus en loi de
finances rectificative vont permettre de limiter la portée effective des
économie à 2,4 millions d'euros seulement. Nous savons que l'Agence est bien
gérée : un très récent rapport de la Cour des comptes vient de le confirmer.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Alors là, c'est bien ! (Sourires)
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
Nous savons que l'Agence a fait des gains de
productivité substantiels puisque, avec des effectifs en légère déminution
depuis quelques années, elle accueille plus d'élèves, des enfants français
notamment.
A la demande du ministre des affaires étrangères, la direction de l'Agence et
sa tutelle vont proposer un plan stratégique d'adaptation du réseau qui se
traduira non pas par des suppressions d'emplois, mais pas leur redéploiement là
où notre présence éducative se justifie le plus. De même, lorsque nos
établissements assument prioritairement une mission d'aide au développement,
nous proposerons que les crédits de l'aide publique au développement prennent
en tout ou partie le relais des financements de l'Agence. Ce pourrait être la
préfiguration du contrat d'objectifs et de moyens que M. Jacques Chaumont
propose pour tirer l'Agence du mauvais pas où elle se trouve.
Je voudrais à cet égard rassurer Mme Danièle Pourtaud : nous limiterons le
recours à l'augmentation des droits d'écolage aux seules zones où le revenu
moyen de nos concitoyens le permet effectivement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'aimerais que vous soyez convaincus
qu'avec l'appui de M. le Premier ministre nous avons transformé une mesure
aveugle d'économie en une démarche concertée d'adaptation du réseau de
l'Agence. Il n'est pas question - je l'affirme avec la plus grande conviction -
de sacrifier l'un des outils les plus pertinents et les plus efficaces de
l'influence et du rayonnement de la culture française dans le monde.
Je voudrais enfin évoquer la contribution du ministère des affaires étrangères
à la maîtrise des flux migratoires.
M. Jacques Chaumont,
rapporteur spécial.
Ah !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
S'agissant des visas, nos consulats sont les premiers
acteurs de la maîtrise des flux migratoires. L'examen des demandes de visas ne
se limite toutefois pas à la seule mission de contrôle d'accès au territoire :
soyez convaincus que cet examen a également pour but de faciliter la venue en
France de ceux qui contribuent à la vitalité de nos échanges et de nos
relations bilatérales. Les visas font pleinement partie de notre politique
étrangère.
Les interrogations de MM. Chaumont et Branger sur l'insuffisance des moyens
alloués à la fonction consulaire montrent combien vos rapporteurs sont
conscients de son importance au sein de notre politique extérieure. Je voudrais
souligner, à cet égard, que l'un des six chantiers ouverts par le comité de
pilotage de la réforme du ministère est la revalorisation des métiers
consulaires.
Les visas de moins de trois mois représentent 80 % du total des visas
délivrés. Ils sont harmonisés dans le cadre des accords de Schengen. Dans ce
domaine, la compétence nationale appartient au passé. Nos efforts communs,
engagés lors du Conseil européen de Séville, sont également tournés vers le
renforcement des mesures de sécurité liées aux menaces terroristes. A cet
égard, nous comptons organiser rapidement avec le ministère de l'intérieur un
partage de l'information sur les visas délivrés afin que ces derniers ne
deviennent pas un moyen détourné d'immigration définitive.
Ce partage de l'information va permettre également de renforcer la lutte
contre la falsification des documents d'identité. Nous travaillons sur ce
point, en liaison avec la Commission européenne, à l'établissement de documents
de voyage comportant des informations biométriques d'identification des
personnes.
Notre réseau consulaire, c'est-à-dire 216 postes dans le monde, a enregistré
près de 3 millions de demandes en 2001 et quelque 2,1 millions de visas ont été
délivrés. La France est le pays de l'Union européenne qui reçoit, de loin, le
plus de demandes.
Une douzaine de pays représentent à eux seuls près de la moitié des visas
délivrés, au premier rang desquels on trouve l'Algérie, la Russie et le
Maroc.
Cette activité mobilise des moyens humains et matériels importants. L'effectif
total affecté à l'étranger représente 650 personnes, parmi lesquelles 236
expatriés et 316 recrutés locaux. Ce personnel est régulièrement formé.
J'évalue le déficit actuel des effectifs dans ces services à quelque 80 agents
: c'est une urgence à laquelle il faudra faire face sans tarder.
L'adaptation des locaux aux volumes d'activité et aux contraintes de sécurité,
notamment en Afrique et en Chine, est également une nécessité. Le déploiement
des moyens informatiques se poursuit ; l'ensemble du système sera équipé de la
nouvelle version du « réseau mondial des visas » d'ici à juillet 2003.
La solution aux difficultés que rencontre le ministère dans le financement de
cette activité stratégique réside sans doute dans l'extension du principe du
paiement des services rendus. Au 1er janvier 2003, toutes les demandes de visas
seront payantes, conformément aux règles communautaires. J'ai demandé que l'on
étudie également les modalités du paiement des actes délivrés par le service
central de l'état civil à Nantes et vous présenterai sans doute un projet en ce
sens.
M. Michel Charasse,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
Je terminerai cet exposé par la réforme du droit
d'asile, dont Dominique de Villepin a annoncé les grandes lignes le 25
septembre dernier.
Jacques Chaumont a réclamé plus de cohérence dans le dispositif de l'asile ;
nous nous y employons.
La demande d'asile a triplé en trois ans en France. Notre pays est l'un des
premiers pays d'accueil en Europe. Or l'allongement des délais de traitement
des dossiers et le cumul des procédures ont détourné l'asile de son objet
initial de protection, le transformant en vecteur d'immigration irrégulière. Il
faut mettre un terme à ces dysfonctionnements.
La réforme doit permettre de raccourcir les délais d'instruction à deux mois
maximum pour mettre fin aux maintiens injustifiés sur notre territoire. Elle
repose sur un guichet unique, l'OFPRA, une procédure unique et un recours
unique. La condition sociale des réfugiés va s'en trouver améliorée.
Le corollaire indispensable de cette réforme est la reconduite effective dans
leur pays d'origine des étrangers déboutés du droit d'asile. Le ministère des
affaires étrangères, dans le respect des conventions internationales et, le cas
échéant, des accords passés avec les Etats d'origine, coopérera avec le
ministère de l'intérieur afin que l'asile ne devienne pas un moyen détourné
d'immigration irrégulière.
M. Jean-Guy Branger,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour les affaires étrangères.
Très bien !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement soumettra ce projet de loi au
Parlement au début du printemps 2003.
D'ici au 1er janvier 2004, le stock considérable de dossiers en attente va
être résorbé et la gestion de l'OFPRA dynamisée pour améliorer sa productivité.
Un contrat d'objectifs et de moyens avec sa tutelle concrétisera ces efforts de
modernisation.
Les crédits ouverts pour l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés
augmentent donc de 24,6 % dans le projet de loi de finances pour 2003. A ces
moyens supplémentaires s'ajoutent 6 millions d'euros obtenus dans le collectif
budgétaire de la fin de l'année 2002. Ces moyens permettront de recruter
quelque 180 agents supplémentaires et d'installer l'Office dans des locaux
mieux adaptés à sa mission.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales orientations
de ce premier budget, qui traduit déjà clairement nos ambitions de rayonnement,
de solidarité et d'influence pour la France dans le monde.
J'en viens maintenant aux réponses que je souhaite apporter aux questions qui
m'ont été posées sur certains aspects de notre activité diplomatique.
Permettez-moi de dire à M. Penne que le sourire, l'humour et la détermination
sont des atouts qui renforcent mon travail.
En ce qui concerne la coopération franco-allemande, je peux vous assurer,
monsieur Hoeffel, que le moteur franco-allemand tourne aujourd'hui « à plein
régime ».
J'en veux pour preuve l'accord trouvé entre le Président de la République et
le Chancelier, le 24 octobre dernier, en marge du Conseil européen de
Bruxelles, sur le financement de la politique agricole commune. La France et
l'Allemagne ont ainsi ouvert la voie de la conclusion, lors du Conseil européen
de Copenhague, de l'élargissement de l'Union européenne.
Les ministres français et allemand des affaires étrangères, aujourd'hui
membres de la Convention, ont déjà transmis à cette dernière deux contributions
communes, l'une sur la défense, l'autre sur la justice et les affaires
intérieures. Ces réalisations augurent bien du nouvel élan que nous entendons
donner à la coopération franco-allemande dans le cadre du quarantième
anniversaire du traité de l'Elysée.
A cette occasion se réunira une session commune de l'Assemblée nationale et du
Bundestag à Versailles, devant laquelle le Président de la République et le
Chancelier devraient exprimer leur vision commune de nos deux pays avançant
ensemble pour l'Europe.
En tant qu'élu du Sud, je suis très attentif, pour ma part, à la politique
euroméditerranéenne. Si je suis convaincu que l'Europe réussit et réussira, je
sais aussi qu'elle doit se doter d'une véritable politique euroméditerranéenne.
Nous devons tendre la main aux peuples du bassin méditerranéen, autour de cette
mer Méditerranée appelée
mare nostrum. (Applaudissements.)
M. Robert Del Picchia.
Très bien !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
S'agissant de votre question sur la charte européenne
de l'autonomie locale, élaborée sous l'égide du Conseil de l'Europe pour
renforcer le principe de la démocratie locale, je vous confirme que, ouverte à
la signature en 1985 et entrée en vigueur en 1988, cette convention n'a pas pu
être ratifiée par notre pays. Le Conseil d'Etat a en effet émis, le 5 décembre
1991, un avis négatif sur le projet de loi autorisant sa ratification. Il reste
que la France applique déjà la plupart des dispositions prévues dans ce texte
dans le cadre des lois de décentralisation et qu'un réexamen de cette question
pourrait être envisagé à l'avenir.
S'agissant de la situation au Proche-Orient, évoquée en particulier par Mme
Bidard-Reydet, permettez-moi de vous indiquer que la crise qui secoue
aujourd'hui cette région doit être au coeur des préoccupations de la communauté
internationale et mobiliser toutes nos énergies.
Sur le plan politique, tout paraît bloqué et nous sommes revenus à une
situation bien pire qu'avant le processus d'Oslo. L'angoisse d'un côté, le
sentiment d'injustice de l'autre, rendent les deux gouvernements incapables de
se projeter dans l'avenir.
La communauté internationale doit donc se mobiliser davantage : les
propositions de règlement discutées au sein du Quartet - Union européenne,
Etats-Unis, ONU, Russie - sont bonnes. Il faut que la feuille de route vers le
règlement du conflit discutée par le Quartet soit adoptée vers le 20
décembre.
Il faut cependant faire preuve de plus d'audace, parce que la crise irakienne
rend plus que jamais indispensable le règlement du conflit israélo-arabe. Il ne
doit pas y avoir deux poids, deux mesures au Moyen-Orient. En effet, seule une
intervention extérieure forte peut amener Israéliens et Palestiniens à se
diriger vers la coexistence dans la paix et la sécurité. La crise
israélo-palestinienne est en outre emblématique des frustrations et des
injustices du monde. En apportant une solution durable à cette crise, nous
supprimerons un foyer essentiel d'instabilité dans le monde.
Mme Danielle Bidard-Reydet.
C'est vrai !
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
S'agissant précisément de la situation en Irak, sur
laquelle MM. Dulait, Mathieu et Vallet ont attiré mon attention, la diplomatie
française joue un rôle central depuis plus de deux mois : les objectifs de
légitimité, d'efficacité et d'unité de la communauté internationale que la
France s'était fixés ont prévalu. La résolution 1441, adoptée le 8 novembre
2002, respecte les prérogatives du Conseil de sécurité et entérine notre
démarche en deux temps : l'automaticité du recours à la force ne figure pas
dans la résolution et ce texte affirme clairement la détermination de la
communauté internationale d'obtenir le respect par l'Irak de ses obligations en
matière de désarmement. Il a été voté à l'unanimité des membres du Conseil.
L'Irak a accepté la résolution 1441 et coopère : les inspections ont repris le
27 novembre dernier et se passent bien jusqu'à présent.
Je précise qu'une intense mobilisation a permis ce résultat. Nous avons
mobilisé notre réseau diplomatique auprès de nos partenaires du P5, des membres
non permanents du Conseil et des pays arabes.
Pour l'avenir, la France entend continuer à jouer tout son rôle pour que la
résolution soit mise en oeuvre. Elle doit pouvoir, notamment, affirmer
pleinement sa présence dans les missions d'inspection. En termes de personnel,
nous sommes le second contributeur à la mission d'inspection des Nations unies,
après les Américains.
Enfin, s'agissant des zones de non-survol en Irak, que vous avez évoquées,
monsieur Dulait, notre position n'a pas changé. Notre priorité aujourd'hui est
la mise en oeuvre de la résolution 1441, qui prévoit qu'il appartient aux seuls
inspecteurs de faire rapport au Conseil de sécurité en cas de manquement par
l'Irak à ses obligations en matière de désarmement.
La France a par ailleurs fait valoir dernièrement que, dans la période
actuelle, tout acte de la part de l'Irak susceptible d'aggraver la tension
devrait être évité. Nous appelons l'Irak à assumer pleinement le choix de la
coopération.
Permettez-moi de vous dire que la lutte contre le terrorisme ne souffre aucune
faiblesse ni aucune complaisance. Nous devons continuer à faire preuve de la
même détermination dans le combat que nous menons contre les organisations
terroristes.
Monsieur Dulait, vous m'avez enfin interrogé sur la mission
Amber Fox
.
L'OTAN a décidé de mettre fin à cette mission en Macédoine le 15 décembre
prochain. Une présence militaire intérimaire sera néanmoins maintenue. L'OTAN
procédera à l'examen de cette présence en février 2003, à la lumière des
décisions prises par l'Union européenne. Par conséquent, l'option d'une relève
par l'Union reste ouverte, conformément aux conclusions du Conseil européen de
Bruxelles.
Il reste à finaliser les engagements entre l'Union européenne et l'OTAN sur la
mise à disposition des moyens de l'Alliance pour une opération de l'Union. Les
négociations à ce sujet se poursuivent sous l'égide du haut représentant, M.
Javier Solana. Elles doivent respecter des lignes claires : le respect de
l'autonomie de décision de l'Union européenne et la non-discrimination entre
les membres de l'Union. C'est à l'aune de ces principes que nous examinerons
les propositions qui nous seront faites, notamment dans la perspective du
sommet de Copenhague.
Madame Bidard-Reydet, s'agissant de la Tchétchénie, la position française
prend en compte la condamnation du terrorisme sous toutes ses formes, le
respect de l'intégrité des frontières, y compris celles de la Russie, la
vigilance sur les droits de l'homme - je rappelle la dernière démarche de
l'Union européenne en la matière le 26 novembre, à Moscou - ainsi que la
conviction qu'il n'y a pas d'autres solutions à ce conflit que politiques.
Cette position a été rappelée à nos interlocuteurs russes à tous les niveaux,
dans le cadre tant des relations bilatérales lors du conseil franco-russe de
coopération sur les questions de sécurité que du dialogue entre l'Union
européenne et la Russie.
Monsieur Mathieu, vous m'avez interrogé sur l'Albanie, territoire que
j'affectionne tout particulièrement.
J'ai pu constater, au cours d'un très récent déplacement, les efforts que les
autorités albanaises ont accomplis pour contribuer à la stabilité et au
développement de la région. Vous pouvez être assuré de l'attention que je
porterai au suivi des projets de coopération entre la France et l'Albanie. Je
tiens à cet égard à souligner à quel point ce pays a pu changer en moins de
cinq ans.
Mesdames, messieurs les sénataeurs, je veux vous dire combien je suis honoré
de contribuer, depuis six mois, auprès de M. le Président de la République, de
M. Dominique de Villepin, de Mme Brigitte Girardin ainsi que de M. Pierre-André
Wiltzer, à démultiplier la voix et l'action de la France à travers le monde.
Que ce soit en Amérique latine, dans le sud du Caucase, en Asie centrale ou
bien encore en Asie du Sud-Est, la France est sollicitée plus que jamais et
nous devons être à la hauteur de ce défi.
Porteur d'une ambition pour l'Europe comme pour le monde, M. le Président de
la République, par son autorité et par sa vision des grands enjeux de notre
temps, a défini une politique étrangère d'action et de mouvement. Cette
politique exige de nous un engagement plein et entier auquel je suis fier de
participer, et je sais pouvoir compter sur votre soutien, notamment ce soir,
mesdames, messieurs les sénateurs.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant les affaires étrangères.
ÉTAT B