SEANCE DU 5 DECEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les
ministres, ma question s'adresse à M. Jean-François Mattei, ministre de la
santé, de la famille et des personnes handicapées.
L'offre de santé dans le monde rural a été largement négligée ces dernières
années.
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. René-Pierre Signé.
Encore !
M. Laurent Béteille.
Faute d'un nombre suffisant de médecins, des services ne peuvent maintenir
leur activité et des communes se trouvent dépourvues de praticiens.
Aujourd'hui, on évalue à 800 le nombre de communes rurales où l'unique
généraliste s'apprête à cesser son activité sans avoir trouvé de successeur. De
ce fait, certains patients doivent désormais se déplacer dans une grande ville
de leur département pour espérer obtenir un rendez-vous avec un spécialiste
dans des délais raisonnables. C'est donc bien la santé des Français qui est en
question.
Pourtant, jamais la France n'a eu autant de médecins. Ils sont 196 000
aujourd'hui, soit une densité de 332 praticiens pour 100 000 habitants, contre
130 il y a trente ans.
Comment donc convaincre un médecin de s'installer en milieu rural ?
M. René-Pierre Signé.
Il faut convaincre sa femme !
M. Laurent Béteille.
On parle d'incitation fiscale, de prime d'installation. Ne faut-il pas
également revoir le
numerus clausus
pour compenser la pénurie de
médecins ?
Comment par ailleurs convaincre les internes de choisir des spécialités
délaissées ?
Monsieur le ministre, dès votre arrivée au Gouvernement, vous vous êtes emparé
de ce dossier.
M. René-Pierre Signé.
On est sauvé alors !
M. Laurent Béteille.
Je tiens d'ailleurs à vous remercier de l'attention que vous avez
immédiatement prêtée à ce problème.
Vous avez ainsi demandé au professeur Yvon Berland de faire le point et de
proposer des pistes de réformes pour remédier à cette situation préoccupante.
Le rapport vous a été remis mardi dernier.
Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre au vu de ce
rapport ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei.
ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Monsieur le sénateur, lorsque le problème de la démographie médicale est apparu
il y a quelques années, il est apparu soudainement et a pris en défaut toutes
les prévisions.
Mme Brigitte Luypaert.
Absolument !
M. Jean-François Mattei.
ministre.
La situation que vous décrivez correspond à la réalité. Hier,
un président de conseil général me disait que, dans son département, cinquante
médecins avaient pris leur retraite en l'espace de quelques années sans trouver
de remplaçant, ce qui illustre l'ampleur du problème.
Dès mon entrée en fonctions, j'ai demandé au doyen M. Yvon Berland de
constituer une mission réunissant toutes les parties intéressées. En cinq mois
cette mission a procédé à une large concertation et fait des propositions. Je
résume ses conclusions.
Premièrement, la situation est grave. La mission propose de rehausser sur cinq
ans le
numerus clausus
des étudiants en médecine jusqu'à 8 000, car, à
défaut, nous manquerons prochainement de praticiens.
Deuxièmement, il existe, à l'évidence, des inégalités régionales. Dans le
cadre de la décentralisation, il faut donc décliner en régions des structures
parallèles à l'observatoire national de démographie médicale.
M. René-Pierre Signé.
Il faut des médecins, pas des structures !
M. Jean-François Mattei,
ministre.
Troisièmement, il faut également davantage inciter les médecins
à s'installer dans les zones désertifiées. Nous ne pouvons pas nous contenter
d'accorder une petite prime qui n'a d'intérêt que dans la durée. Il faut des
aides pérennes et suffisamment attractives !
M. René-Pierre Signé.
Il ne faut pas désertifier les campagnes !
M. Jean-François Mattei,
ministre.
Il faut également développer la pratique des cabinets
secondaires ouverts par des médecins ayant leur cabinet principal en ville.
Cela permettra d'irriguer les campagnes.
Quatrièmement, il faut prendre conscience de l'évolution des modalités
d'exercice. Nous devons tout faire pour faciliter la création de cabinets de
groupe, de structures pluridisciplinaires et de maisons médicales à même
d'assurer une permanence des soins et d'offrir à l'ensemble de la population
des services de santé.
Enfin, le rapport Berland va encore un peu plus loin, puisqu'il propose de
redéfinir le cadre des compétences des différentes professions médicales et
paramédicales, ne serait-ce qu'à titre expérimental, ainsi que d'instaurer des
passerelles entre les différentes filières.
Le Gouvernement étudiera ces propositions, il entamera une large concertation
et il prendra les décisions qui s'imposent.
M. René-Pierre Signé.
Si l'on veut des médecins, il ne faut pas désertifier les campagnes !
POLITIQUE EN MATIÈRE D'ASILE