SEANCE DU 5 DECEMBRE 2002
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
le ministère de la défense.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a
opté pour la formule expérimentée ces deux dernières années et fondée sur le
principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants,
rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, Mme le ministre répondra immédiatement et successivement aux deux
rappoteurs spéciaux ; puis aux cinq rapporteurs pour avis ; puis au président
de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;
et, enfin, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de
discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq
minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur ; ce
dernier disposera d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose
sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole
impartis.
La parole est à M. Maurice Blin, rapporteur spécial.
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour l'exposé d'ensemble et les dépenses
en capital.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers
collègues, traiter en quelques minutes d'un budget aussi complexe et sensible
que celui de la défense nationale relève de la gageure. Pour respecter le temps
limité qui m'est imparti, je m'en tiendrai donc à l'essentiel.
Ce sera d'abord pour me féliciter, et surtout vous féliciter, madame la
ministre, du sursaut que représente le budget de l'an prochain. L'ensemble des
crédits augmente de 6,14 %, qui se répartissent entre 11,2 % pour le titre V et
4,25 %, hors pensions, pour le titre III. Ce budget met ainsi un terme à la
dérive qui a vu, au cours des dernières années, les dépenses d'équipement
régulièrement sacrifiées au bénéfice des dépenses de fonctionnement. Certes, la
professionnalisation de l'armée, cette révolution - je crois que le mot n'est
pas trop fort - annoncée et voulue voilà six ans par le Président de la
République, a été menée à bien. Dans la France d'aujourd'hui vouée à la
réforme, elle peut servir d'exemple. Mais elle a eu un coût élevé et elle s'est
payée d'une réduction alarmante des crédits consacrés à l'équipement de nos
forces.
Au terme de la loi de programmation militaire qui s'achève, c'est une année
entière de financement qui a été perdue. En effet, dans le même temps, la part
du produit intérieur brut que la France a consacrée à la défense est tombée à
1,7 %, loin derrière les Etats-Unis - 2,8 % - la Grande-Bretagne - 2,3 % - et
la Suède - 2,1 %.
Ce déclin, mes chers collègues, a eu des conséquences désastreuses. Le
vieillissement et l'indisponibilité des matériels - cette dernière atteint
quelquefois 40 % - se sont aggravés jusqu'au point de rupture ; le coût de leur
entretien a explosé ; le retard pris par les programmes en cours n'a cessé de
s'allonger. Il a frappé hier le porte-avions
Charles de Gaulle
et le
Rafale. C'est ainsi qu'il se déroulera trente et un ans entre le début du
développement de l'avion et la livraison du dernier appareil en 2020. Ce retard
affecte aussi des appareils nouveaux tel le NH 90, hélicoptère de transport de
troupes qui ne sera plus disponible qu'en 2011, et on pourrait, je le crains,
multiplier les exemples.
La situation de la recherche militaire est pire encore : entre 1997 et 2002,
ses crédits ont diminué de 30 %, alors que, dans le même temps, l'effort des
Etats-Unis et de la Grande-Bretagne ne fléchissait pas. Ce déclin est d'autant
plus redoutable que, dans les domaines clés de l'espace, de la
télécommunication, de la sécurité, le lien entre le militaire et le civil est
de plus en plus étroit. A travers la recherche militaire - faut-il rappeler
qu'on lui doit Internet ? - c'est la compétitivité de l'économie tout entière
d'un pays qui est en jeu.
Le budget pour 2003, qui est aussi, je le rappelle, la première année de la
prochaine loi de programmation militaire, consacre le redressement impatiemment
attendu par les armées. Les crédits d'entretien, après les 100 millions d'euros
inscrits dans le collectif de l'été dernier, augmentent - ce chiffre est
important et nécessaire - de 8,6 % ; le temps d'entraînement des personnels
retrouve un niveau décent ; les moyens de la gendarmerie sont en forte
croissance.
Enfin et surtout, madame la ministre - j'insiste sur ce point pour vous en
féliciter - le budget de la défense sera désormais libéré de la charge très
lourde que représente la recapitalisation de la Direction des constructions
navales, la DCN, dont la réforme se poursuivra, et surtout de la charge plus
lourde encore du Groupement industriel des armements terrestres, le GIAT, comme
il sera libéré des crédits attribués à la Polynésie depuis l'arrêt des
expérimentations nucléaires dans le Pacifique.
On voudrait qu'il puisse en être de même du coût des opérations extérieures,
les OPEX, qui, selon une recommandation de la Cour des comptes, devrait être
inscrit en loi de finances initiale, ce qui éviterait de l'imputer, comme ce
fut le cas dans le passé, sur les crédits du titre V.
Enfin, deux décisions majeures sont à saluer : d'une part, celle de construire
un second porte-avions et, d'autre part, l'engagement résolu de notre pays dans
le programme de l'A 400 M, avion de transport futur qui répond aux exigences de
la projection de nos forces et qui assurera, au surplus, l'autonomie de la
défense européenne.
En revanche, on relève dans le budget que vous nous présentez, madame la
ministre, quelques points faibles : la modestie des crédits consacrés aux
drones, ces appareils sans pilote, aujourd'hui d'observation, demain sans doute
de combat, et dont la production ne devrait aboutir qu'en 2008-2009 ; le retard
pris par la production du véhicule blindé de combat d'infanterie, le VBCI, qui
sera d'au moins dix-huit mois ; enfin, l'absence d'un projet clair concernant
la protection civile, qui s'impose à l'heure où le terrorisme reste menaçant.
Mais nous aurons l'occasion d'en reparler, madame la ministre, lors du prochain
examen de la loi de programmation militaire 2003-2007.
Enfin, je ne veux pas omettre - il s'agit d'un fait positif - l'annonce de la
création d'un « contrôle trimestriel » de l'exécution du budget de la défense
auquel participeraient les rapporteurs des assemblées. Instance de concertation
et d'information régulière entre civils et militaires, ce contrôle répondra à
un souci de clarté et de rigueur propre à entretenir la confiance qui doit
régner entre la nation et son armée.
J'ai dit, madame la ministre, les mérites de votre budget. Ils sont grands et
ils sont à la mesure du déclin qui menaçait nos armées. Ce budget a donc reçu
la pleine approbation de la commission des finances. Il ne doit pas, cependant,
et j'en terminerai par là, faire oublier l'ampleur des défis qu'il va nous
falloir relever.
Le premier, c'est la surpuissance militaire écrasante des Etats-Unis
d'Amérique. Confirmés depuis le 11 septembre 2001 dans leur vocation de rempart
contre le terrorisme et dans leur rôle de gendarme du monde, ils sont tentés de
traiter leurs alliés en protégés, sinon même en obligés.
Je citerai quelques chiffres : en deux ans, la seule augmentation du budget
américain de la défense aura représenté l'équivalent de la totalité du budget
français des armées. Il en va de même des crédits de la recherche militaire
américaine, qui représentent à eux seuls quatre fois le budget d'équipement de
la France. Au total, les Etats-Unis dépensent, en matière de défense, beaucoup
plus du double de l'ensemble des pays européens. Un dernier chiffre - et il dit
tout - donne la mesure de cet effort colossal : le budget de défense des
Etats-Unis d'Amérique représente presque 1 milliard de dollars - j'ai bien dit
de dollars - par jour.
Leur industrie d'armement étend son emprise sur le vieux continent. L'un des
deux chantiers navals allemands, qui occupe 70 % du marché mondial en pleine
expansion des sous-marins classiques, est passé sous sa coupe. Il en va de même
de l'industrie d'armement naval espagnole.
Mais il y a plus inquiétant encore. Cinq pays d'Europe sont d'ores et déjà
convenus de participer au financement du développement du JSF américain, avion
de combat concurrent demain de l'Eurofighter et du Rafale. Cette contribution
représentera rien de moins que 80 % du coût du développement de l'avion
français.
M. Serge Vinçon.
C'est désespérant !
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial.
C'est autant qui sera retranché aux crédits, déjà
insuffisants, que l'Europe consacre à la recherche militaire. L'avenir de
l'avion français, en dépit de ses qualités reconnues, mais victime de son
retard, n'en sera que plus difficile encore.
L'autre motif d'inquiétude, mes chers collègues, tient aux défaillances de la
coopération européenne. J'en citerai quelques exemples.
Dans le passé, la frégate Horizon a subi, après de longues années d'étude en
commun, la défection britannique. Aujourd'hui, les hésitations de l'Allemagne
mettent en péril le missile Meteor destiné à la fois à l'Eurofighter et au
Rafale. Il en va de même de l'A 400 M, dont la mise en service n'est plus
prévue qu'en 2009, notre voisin proposant, en attendant, la location d'un
appareil concurrent américain. Dans le domaine des satellites, la France
assume, seule, une part accrue de programmes coûteux.
Ces défaillances répétées de nos partenaires - je rappelle que l'Allemagne et
l'Italie ne consacrent pas plus de 1 % de leur PIB à leur défense - laissent
mal augurer de la résistance que l'Europe peut opposer à la domination de son
tout-puissant partenaire.
Le troisième défi tient à la situation particulière de notre pays, seule
nation moyenne qui soit parvenue, jusqu'à présent, à déployer son effort dans
tous les domaines de la défense à la fois : poursuivre les armements classique
et nucléaire engagés avant l'affaissement de l'Union soviétique ; se donner les
moyens d'une projection des forces ; s'efforcer de combler, et cela au bénéfice
de l'Europe tout entière, le retard que celle-ci a pris dans le domaine de
l'espace et du renseignement ; enfin, assumer le coût d'entretien d'équipements
tragiquement vieillis, coût qui ne s'effacera pas en un jour.
Et puis, il nous faudra peut-être, le temps venu, répondre à l'invite
américaine de participer au lourd et coûteux système d'une défense anti-missile
dans la mesure où l'Europe serait, tout autant et même plus que les Etats-Unis
en raison de sa proximité géographique, exposée à une agression qui viendrait
de ce que l'on a appelé, dans une formule manifestement trop abrupte et pas du
tout diplomatique, les « Etats voyous ».
A quoi s'ajoute enfin la double contrainte, j'allais dire la contradiction, à
laquelle doit répondre l'armée professionnelle d'aujourd'hui : d'une part, la
qualité d'équipements sophistiqués dont le coût de production et de maintenance
est de plus en plus élevé ; d'autre part, la nécessité de répondre à la tâche
spécifique du maintien de la paix par une culture nouvelle du combattant où la
psychologie, l'histoire, la maîtrise des langues jouent un rôle important. Ce
souci d'un adversaire qu'il ne suffit plus de vaincre, mais qu'il faut
aujourd'hui convaincre, semble bien être une singularité européenne. En tout
cas, maints exemples l'ont prouvé, elle est certainement française.
Ces multiples défis pourront-ils être tous relevés ? Serons-nous demain
condamnés à des choix ? Quoi qu'il en soit, ne nous y trompons pas, mes chers
collègues, c'est un effort important et durable que la France devra accomplir
au cours des prochaines années. Toute nouvelle annulation de crédits, tout
retard dans la réalisation des programmes en cours ou à venir nous seraient
fatals. En clair, il faudra « sanctuariser » - le mot n'est pas trop fort -
demain le budget des armées.
Madame la ministre, nous comptons sur votre détermination pour que se
poursuive le redressement entrepris avec le budget que vous nous présentez.
Nous savons qu'elle est grande. Sachez, en tout cas, que vous pourrez compter
non seulement sur la vigilance, mais également sur le soutien résolu de notre
Haute Assemblée.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les dépenses ordinaires.
Madame
le ministre, tout d'abord, je me réjouis de vous voir en charge de cette
fonction, mais je me réjouis encore plus des premières améliorations que vous
avez déjà apportées au titre III d'un budget qui a beaucoup souffert.
Puisque les budgets parfaits n'existent pas, je dirai que le vôtre est bon, et
qu'il est surtout meilleur, incomparablement meilleur, que les précédents.
En 2001, ici même, je disais que le budget de la défense était en voie de
paupérisation. Les temps ont changé. C'était urgent !
Avec 17,4 milliards d'euros, contre 16,5 milliards d'euros l'an dernier, le
titre III du budget de la défense augmente de 4,7 % et représente 56,1 % du
budget de la défense.
Votre premier mérite, madame le ministre, est de nous présenter un budget pour
2003 qui est strictement conforme à la première année d'une loi de
programmation militaire. Vous auriez aimé faire voter ce texte plus tôt ; le
Sénat l'examinera en janvier prochain, mais il se devrait d'être respecté dès
cette année. D'ores et déjà, pour nous, la loi de programmation existe, et nous
le vérifions ici.
On aurait aimé pouvoir saluer un même respect pour la loi de programmation
militaire par les budgets de la défense précédents. Ce n'est pas le cas, et je
veux dire, à cette tribune et en cet instant, que, si la gestion de gauche a eu
le mérite d'avoir mené à terme la professionnalisation des armées - ce qui
n'était pas une mince affaire -, ses budgets de la défense ont été, sur les
autres points, exécrables, absolument exécrables.
Globalement, la gauche s'est comportée, en matière de défense, de manière
irresponsable. Le budget de la défense, en effet, n'est pas un budget comme les
autres, à telle enseigne que, naguère, il était quasi sanctuarisé pour le
Parlement.
Qu'on en juge : une loi de programmation militaire amputée de 20 % de son
contenu, des programmes de matériels saccagés, des commandes passées par les
armées aux industriels annulées ou retardées, une industrie nationale
d'armement lâchée par l'Etat - son principal client - et exposée par lui à
perdre ses exportations !
En fait, le gouvernement précédent n'a montré aucun intérêt pour les besoins
des militaires et de la défense - à l'exception du cas heureux de la
gendarmerie nationale -, et la défense est restée pendant cinq ans la mal-aimée
des lois de finances, le budget sacrifié, la variable de tous les ajustements.
D'imprévisions en virements, de gels en annulations, le tableau offert est
édifiant.
Alors même que les crédits inscrits pour le titre V étaient déjà chaque année
inférieurs aux prévisions de la loi de programmation, ils ont été, en outre,
amputés systématiquement des sommes nécessaires au bouclage des titres III
insuffisamment provisionnés.
Le rapporteur spécial, M. Maurice Blin, l'a fort bien dit, et je dois le
répéter après lui, parce que tout se tient et que tous les chapitres et tous
les titres - III ou V - ont souffert de ces inconséquences.
Les résultats de cette politique destructrice peuvent être chiffrés. En 1980,
le budget de la défense représentait 4 % du PIB et 16 % du budget général. En
2002, il se réduisait à 1,8 % du PIB et à 11 % du budget général, alors que des
autorités supérieures de l'armée déclaraient, en 2001, que le chiffre de 3 % du
PIB était incontournable ! Et elles le disent encore.
En 2003, madame le ministre, avec 31 milliards d'euros, soit quelque 2 % du
PIB, votre budget concrétise un effort considérable. C'est un budget de
restauration.
Je m'interroge : est-il suffisant pour rattraper les retards, tous les retards
? Combien de temps faudra-t-il, selon vous, pour obtenir un vrai et total
rétablissement sur les points les plus importants ?
Le non-respect de la loi de programmation a entraîné des retards prolongés des
programmes de matériels ; ces retards, ces à-coups dans la programmation et
dans les commandes ont un coût, et ce coût est considérable.
Vous le savez bien sûr, madame le ministre, et les rapports du CPRA, le comité
des prix de revient des fabrications d'armement, qui examine en permanence le
coût de possession de tous les programmes achevés ou en cours de réalisation,
le démontrent clairement.
Ces travaux, auxquels je participe, sont cruels et apportent une réponse
cinglante à ceux qui croient que l'on peut impunément saucissonner les
programmes ou les renvoyer au lendemain.
Nos matériels, qui ont vieilli, sont, d'une part, de plus en plus coûteux à
entretenir et, d'autre part, indisponibles quand ils ne sont pas assez
entretenus. Rappelons le nombre ahurissant de navires, d'hélicoptères, de chars
Leclerc immobilisés faute d'entretien et de pièces de rechange !
Ce n'est pas étonnant, les chiffres sont parlants.
De 1997 à 2002, soit sur six ans, les moyens pour l'entretien et le
fonctionnement courant des matériels ont baissé de 13,1 %, ce qui a entraîné,
par rayonnement, une réduction drastique des taux d'activité des forces.
Les moyens de fonctionnement courant et d'activités ont été amputés de 152
millions d'euros, 1 milliard de francs, sur la période de la loi de
programmation militaire, soit 10 %. M. Blin a parfaitement analysé cette
situation.
Par voie de conséquence, les taux d'activité de l'armée de terre, de la marine
et ceux, dans une moindre mesure, de l'armée de l'air ont longtemps été
au-dessous des normes françaises et encore plus de celles de l'OTAN. Une
réaction tardive, et notoirement insuffisante, de la loi de finances de 2002
n'a pas - et de loin - compensé les déficits subis et accumulés.
Vous avez donc, madame le ministre, redressé une situtation très dégradée et
vous avez garanti le présent. Les taux d'activité sont bons : les entraînements
reprendront et l'armée de terre aura des camps et des entraînements à
l'étranger, ce qui était réclamé depuis longtemps.
En ce qui concerne les crédits de carburants, vos prévisions sont ce qu'elles
sont. Nous savons tous ici, au Sénat, que les armées en sont chaque année
réduites à faire un véritable pari sur le prix du pétrole et sur le cours du
dollar pour l'année et l'année suivante. On ne peut, dans cette matière, que
tenter de prévoir, et guère plus.
La condition militaire avait un urgent besoin de bénéficier de mesures
tangibles et de crédits nouveaux. En 2002, votre précédesseur a prévu une
grosse « fournée » de ces mesures, qui sont bienvenues, légitimes et depuis
trop longtemps attendues, mais ne vous en a-t-il pas laissé l'essentiel à
financer cette année ?
Pendant des années, les rapporteurs de ce budget au Sénat et leurs collègues
de la majorité de la Haute Assemblée ont réclamé davantage de considération de
la part du Gouvernement pour les militaires, leurs familles et, d'une manière
générale, pour les conditions de travail et de vie de toute ce monde.
La condition militaire réclame des militaires discipline, efficacité,
expertise et disponibilité. Ces qualités, que le pays exige depuis toujours des
armés françaises, les militaires les ont toujours montrées sans rechigner,
malgré les contraintes majeures pour eux de leur condition.
J'y aurais ajouté l'obligation de réserve, si la présence des gendarmes sur la
voie publique l'an dernier n'avait clairement signifié que trop, c'était trop.
Mais ce qu'ont exprimé les gendarmes, en choquant l'opinion et les responsables
politiques, c'est ce que pensent tous les autres militaires, qu'il s'agisse de
l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air. Sur ce point, ni vous,
madame le ministre, ni nous, parlementaires, ne devons nous masquer les
réalités : il ne sera plus possible de faire comme si les militaires seuls, en
France, étaient obligés de vivre sous le régime de l'astreinte permanente, sans
contrepartie, tandis que les autres salariés français vivent sous celui des 35
heures, ou moins !
Madame le ministre, vous avez doté la condition militaire de crédits
importants ; vous avez tenu compte des besoins les plus urgents. Outre les
crédits de financement des mesures de 2002, vous dotez les mesures nouvelles de
crédits à hauteur de 75 millions d'euros.
Ces décisions étaient nécessaires ; elles seront utiles et bien accueillies.
Je rappelle ici à quel point, en 2002, le doublement de la « solde à la mer »
avait fort opportunément enrayé la désaffection croissante des marins
embarqués.
Indissociables de la condition militaire des soldats, les conditions de vie
des familles comptent tout autant. Une armée professionnelle, qui exige des
chefs de famille de longues périodes d'éloignement et des multiples changements
de résidence au cours de la carrière, se doit d'apporter aux familles beaucoup
de choses qui n'existent pas encore, tant s'en faut. Quelles sont, sur ce
point, madame le ministre, vos intentions ?
J'évoquerai maintenant un point sur lequel je me permets d'attirer
particulièrement votre attention.
L'association générale de prévoyance militaire, l'AGPM, l'assureur des
militaires, comme l'ASA, l'action sociale des armées, et la CNMSS, la caisse
nationale militaire de sécurité sociale, règlent les problèmes de santé et
constituent l'accompagnement social du monde militaire.
Or l'AGPM, qui assure les militaires contre les risques liés à leurs
activités, y compris, bien entendu, le risque de guerre, rencontre une
difficulté majeure. Les services fiscaux de l'Etat lui refusent, en effet,
depuis des années le droit de constituer des réserves défiscalisées pour
prévoir ces risques. Si cette mesure était maintenue, les conséquences sur le
fonctionnement de l'AGPM seraient très importantes. Je vous demande donc,
madame le ministre, d'intervenir pour faire cesser cette anomalie flagrante
dans le fonctionnement du système de prévoyance des militaires.
Le moral des armées va mieux, c'est manifeste. Soyons conscients cependant que
cette amélioration s'appuie sur la confiance accordée à des promesses. Ne les
décevons pas !
Madame le ministre, vous avez accordé une grande attention aux problèmes de
recrutement, de renouvellement de contrats, de fidélisation de ces contrats et
de reconversion après l'armée. Sans vous demander de préciser le nombre de
recrutements ou de renouvellement dont il s'agit, quoique cet aspect de la
question nous intéresse, nous voudrions savoir quelles qualités vous voulez
donner aux contrats de l'armée française, surtout par comparaison, en
particulier, avec les méthodes anglo-saxonnes en la matière.
Les campagnes de recrutement et de communication, très modernes, mises en
oeuvre tout récemment par les armées, sont-elles pertinentes et efficaces ?
Comment comptez-vous vous y prendre, en fonction des moyens dont vous disposez,
pour assurer, ce qui est essentiel, une très bonne fidélisation de ces contrats
?
En termes d'effectifs, des déficits en emplois civils existaient ces dernières
années. Persistent-ils ? Pour la marine, ce déficit atteindrait 729 emplois, ce
qui est beaucoup.
Enfin, dernière question sur ce chapitre, les premières tentatives
d'externalisation sont-elles concluantes ? Pensez-vous, avec l'expérience, que
l'externalisation doive se poursuivre pour aboutir à déléguer ou concéder
toutes les tâches qui ne sont pas spécifiquement militaires, sous réserve, bien
entendu, du respect des contraintes, de la sécurité et de l'indépendance de nos
armées ?
Vos services - ce n'est pas une question mineure - sont-ils maintenant
vraiment adaptés aux procédures requises, qui les ont longtemps tracassés ?
Le service de santé des armées, le SSA, service vital s'il en est, a souffert
énormément de la disparition du service national. Faut-il rappeler que,
autrefois, ce service fournissait quasi gratuitement aux armées tous ses
chirurgiens dentistes, et un pourcentage considérable de médecins, toutes
spécialités confondues, et de personnels paramédicaux ?
Pendant la professionnalisation, le SSA a fermé neuf de ses dix-huit hôpitaux
et 2 400 de ses 5 600 lits d'origine.
La lecture de l'excellent et récent rapport du député Christian Ménard nous
apprend que les armées souffrent d'un important déficit en officiers médecins.
Ce déficit était de 5 % en 1998, de 9,4 % en 2001 et de 12,5 % en 2002.
Pourrait-il, à conditions inchangées, s'élever à 20 % en 2007 ?
Compte tenu des déficits spécifiques en anesthésistes-réanimateurs,
radiologues, urgentistes et en militaires infirmiers et techniciens
paramédicaux, qu'adviendra-t-il dans ce domaine, madame le ministre ?
Par ailleurs, que le financement des opérations extérieures ne soit pas
inscrit dans ce projet de budget ne laisse pas de nous inquiter, tant nous
avons désapprouvé les tours de passe-passe auxquels s'est livrée la gauche pour
les financer chaque année.
Pour 2002, l'estimation était de 566,22 millions d'euros pour le seul titre
III.
Aux termes d'un amendement de l'Assemblée nationale, que vous avez sûrement
approuvé, la loi de programmation militaire doit désormais programmer les
opérations extérieures. Comment allez-vous régler ce problème, alors même qu'en
2002 vous l'avez très heureusement résolu avec des suppléments en loi de
finances rectificative ?
Je terminerai en évoquant deux dossiers qui m'irritent depuis deux ans, madame
le ministre.
Parviendra-t-on un jour à chiffrer le coût de la multitude des missions et
tâches accomplies par les armées au titre de missions de service public ?
A longueur d'année, en métropole, en outre-mer et à l'étranger, les armées
interviennent pour apporter une aide aux populations civiles françaises ou
étrangères. Il faut citer, à ce titre, les tempêtes, les marées noires, les
cyclones outre-mer, les inondations, mais aussi les sauvetages en mer, les
évacuations sanitaires aériennes ou héliportées, l'assistance technique aux
collectivités locales aux prises avec des sinistres. Le plan Vigipirate
renforcé coûte 1 800 hommes, le plan « Euro » en a coûté 2 500, les tempêtes 1
300.
Toutes ces missions essentielles, dont les armées s'acquittent fort bien et
qui, par leur utilité, contribuent aussi à maintenir le lien armées-nation,
coûtent très cher.
Les armées, accoutumées depuis toujours à apporter leur aide, ne savent même
pas en calculer le prix et ne pensent pas souvent à en demander le
remboursement. Cela tombe bien : l'Etat n'y songe pas non plus !
Pendant le temps de ces missions, les militaires, détournés de leur tâches
professionnelles, cantonnés pendant des semaines à des travaux complètement
étrangers à leur besogne première, regrettent une « surchauffe » qui nuit aux
programmes réguliers de travail et de formation.
Ainsi, on ne peut préciser quelle part du budget de fonctionnement des armées
est dépensée pour des tâches civiles, et c'est très regrettable.
Le vrai budget du titre III serait celui dont on aurait soustrait ces
dépenses, madame le ministre.
Quant à la gendarmerie nationale, elle assume des fonctions essentielles pour
le pays. Elle est admirablement répartie sur le territoire. Elle a toutes les
qualités morales et techniques d'une grande formation militaire. Elle est une
institution respectée. Cependant, 95 % des activités de la gendarmerie ne sont
pas militaires. Vous l'avez vous-même confirmé dans une réponse à une question
écrite d'un député, ce qui m'a permis d'être sûr que mes chiffres étaient bons
!
Encore une fois, si nous pouvions soustraire certaines missions civiles, nous
serions en mesure, d'une part, de savoir quelle part la France consacre
vraiment à ses armées, d'autre part, d'établir des comparaisons plus précises
avec les programmes étrangers, notamment britanniques.
Du reste, sur le plan politique, ce serait également beaucoup plus clair, car,
face aux critiques de ceux-là mêmes qui nient la nécessité d'une défense
nationale et européenne, il faut éviter de grossir artificiellement le budget
de la défense avec des crédits qui pourraient tout aussi bien être affectés au
ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Madame le ministre, tel qu'il est, le titre III de votre budget, comme M. Blin
l'a dit pour les dépenses d'ensemble et le titre V comporte beaucoup d'éléments
corrigeant les erreurs d'un passé pénible, mais beaucoup d'espoir aussi pour
une armée mieux prise en considération, normalement payée et mieux équipée.
La commission des finances, sur ces bases-là, a donné un avis favorable à
l'adoption de ce budget.
(Applaudissements sur les travées des Républicains
et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie,
ministre de la défense.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais
vous dire tout le plaisir que j'ai à être parmi vous pour vous présenter ce
projet de budget de la défense pour 2003 et profiter de l'occasion qui m'est
donnée de vous remercier de l'accueil que vous avez réservé, aujourd'hui et
lors des auditions auxquelles vos deux commissions m'ont conviée pour la
présentation de mes crédits.
Mais je dois remercier tout particulièrement les deux rapporteurs spéciaux
qui, en quelque sorte, ont fait les trois quarts de mon travail
(Sourires)
, en présentant eux-mêmes ce budget, et d'une façon très
brillante. Je n'aurai donc plus maintenant qu'à répondre aux questions qu'ils
ont posées.
Permettez-moi, en préambule, de replacer ce budget dans son contexte. Il est
vrai que nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation mondiale instable et
dangereuse.
Certains ont pu croire que, avec la chute du mur de Berlin, nous allions
toucher les dividendes de la paix, mais ce qui se passe, jour après jour,
montre qu'il n'en est rien, loin de là. Il suffit effectivement d'ouvrir les
journaux pour se rendre compte que les situations de crise se multiplient. Il
s'agit souvent de crises locales, mais qui peuvent s'étendre et mettre en cause
nos intérêts et ceux de nos compatriotes.
Par ailleurs, la menace terroriste s'est développée. Nous l'avions déjà subie
sur notre territoire voilà de nombreuses années, dès 1985, puis en 1995. Mais
il est vrai que, depuis les attentats de New York de 2001, le terrorisme s'est
développé et a sensibilisé l'ensemble des pays, si bien qu'aujourd'hui nous
voyons bien, en particulier avec les récents attentats de Karachi, du
Limburg
et de Bali, que plus aucun pays n'est à l'abri, que plus aucune
ville n'est à l'abri et que, finalement, plus personne n'est à l'abri.
Cela appelle évidemment de la part d'un Etat responsable une réaction. Il
convient de fixer au premier rang des responsabilités d'un Etat la protection
des citoyens non seulement sur son territoire, mais aussi partout où ils se
trouvent dans le monde. Tels sont l'objectif et l'ambition de ce projet de loi
de finances pour 2003, qui s'inscrit effectivement dans la perspective de la
loi de programmation 2003-2007 que j'aurai le plaisir de vous présenter au mois
de janvier. Vous n'en serez pas surpris, les deux textes sont en conformité
totale.
En fait, la première caractéristique de ce projet de loi de finances est un
paradoxe : il sera, en effet, voté avant la loi de programmation militaire dont
il constitue pourtant la première année ! Mais les agendas électoraux des
parlementaires sont ce qu'ils sont ! Ce projet de loi, en tout état de cause,
tient les engagements pris, ce qui fait, vous l'avez dit, monsieur le
rapporteur spécial, effectivement, l'une de ses autres caractéristiques.
Les questions que vous m'avez posées sont, je crois, de deux ordres. Le budget
que je vous présente aujourd'hui est-il suffisant pour répondre à un certain
nombre d'objectifs, notamment à ceux qui sont fixés par la loi de programmation
et qui sont exigés par la situation actuelle ? Son contenu lui-même est-il
adapté à un certain nombre des défis d'aujourd'hui ?
Le budget est-il suffisant ? Il faut savoir quels sont, finalement, les
objectifs. Le premier objectif, c'est, en conformité avec la loi de
programmation 2003-2007, d'arriver à un rattrapage du plan Armées 2015. Le
Président de la République, en 1996, a procédé, à partir du Livre blanc qui
avait été élaboré, à l'analyse de la situation de la sécurité et de la défense,
telle qu'elles se présentaient alors. Déjà, à l'époque, nous avions pu intégrer
un certain nombre de données puisque, malheureusement, comme je le rappelais,
en 1985 et en 1995, nous avions déjà été confrontés au terrorisme. Bien
entendu, compte tenu du caractère mouvant de la situation, des adaptations sont
toujours nécessaires, mais nous restons sur ce modèle d'Armées 2015.
La professionnalisation a été acquise. Il est vrai que, dans le même temps,
malgré une période de croissance extraordinaire pour notre pays, la plus forte
que l'on avait connue depuis quatre-vingts ans, une réduction massive des
crédits avait été décidée par rapport à ceux qui étaient prévus dans la loi de
programmation 1997-2002.
Aujourd'hui, il s'agit de rattraper ce retard. Disons-le très clairement, un
certain nombre de choses sont irrattrapables, ce qui nous place en situation
extrêmement difficile, jusqu'au risque de rupture. En particulier en matière de
transport aérien et de transport de troupes, nous allons connaître plusieurs
années de rupture et il faudra bien trouver des solutions intermédiaires. Il en
va de même pour le Rafale, pour lequel nous avons perdu un grand nombre
d'années que nous payons très cher, d'ailleurs, en termes de commerce extérieur
aujourd'hui. En effet, à l'époque où le Rafale était seul sur le marché, il eût
été plus facile de conquérir un certain nombre de marchés, tandis que, avec la
concurrence d'aujourd'hui, la situation est plus difficile.
Il en va de même pour le véhicule blindé de combat d'infanterie. Pour de
multiples raisons, le VBCI a pris du retard et, même si aujourd'hui le
programme peut démarrer, nous sommes obligés de prévoir un programme de
reformatage de l'AMX 10, ce qui, en effet, nous coûtera très cher. Je précise
que ce sont les crédits MCO, ou maintien en condition opérationnelle, qui
seront mobilisés, et non les crédits affectés au programme VBCI, mais nous
aurions pu nous épargner cela.
Dans d'autres domaines, les retards sont rattrapables, et je pense en
particulier à la maintenance.
Vous l'avez souligné, un effort particulier est fait en la matière. Grâce à
vous, le collectif budgétaire adopté cet été allouait déjà 100 millions d'euros
à la maintenance, ce qui était d'ailleurs tout à fait extraordinaire puisque
c'était, je crois, une « première » dans un collectif budgétaire.
Ces crédits ont d'ores et déjà permis d'engager des actions, que nous
poursuivrons, puisque les crédits prévus à cette fin dans le budget 2003 sont
supérieurs à l'annuité moyenne de la programmation militaire.
Pour répondre précisément à une question qui m'a été posée, j'estime que le
retard sera rattrapé en deux ans environ.
Quant aux nouveaux programmes, ils sont installés et nous allons tenter
d'accélérer au maximum leur réalisation, même si tous les retards ne sont pas
rattrapables.
Dès cette année, des crédits nous permettent d'augmenter la durée des
entraînements et d'améliorer leur niveau, et, bien entendu, l'effort sera
poursuivi dans les prochaines années.
J'en viens à la consolidation de la professionnalisation.
La professionnalisation était nécessaire, mais, aujourd'hui, les armées se
trouvent en situation de concurrence avec le secteur privé. Nos personnels
allient à la capacité d'utiliser la plus haute technologie une éthique de
l'Etat remarquable, que nous devons tous saluer. Pour autant, il ne faut pas
qu'il y ait de distorsions trop importantes entre ce que peuvent offrir les
armées, avec toutes les contraintes qu'elles imposent, et le secteur privé, qui
serait alors beaucoup plus attractif.
Le fonds de consolidation de la professionnalisation nous permettra d'apporter
des compléments de salaires, voire des primes, pour rétablir l'équilibre dans
la concurrence.
Cela ne suffit cependant pas et, à très juste titre, messieurs les rapporteurs
spéciaux, vous avez évoqué l'environnement social, humain et immobilier des
professionnels de nos armées.
Sur ces plans aussi, vous l'avez dit, un effort très important est fait, pour
la gendarmerie - mais pas seulement - et en matière de constructions neuves -
mais pas seulement, puisque des crédits sont consacrés à la rénovation - ce à
quoi s'ajoute un effort en faveur de l'installation de terrains de sport ou de
systèmes de garde pour les enfants, ces éléments, auxquels j'attache une grande
importance, faisant partie d'un tout.
Puis, il faut également assurer la tranquillité d'esprit de nos personnels.
Vous avez parlé, monsieur le rapporteur spécial, de l'AGPM. Des améliorations
sont sans doute possibles, et je crois savoir que le Sénat a l'intention de
déposer un amendement en ce sens. Je puis d'ores et déjà vous dire que c'est
avec beaucoup d'intérêt que le Gouvernement l'examinera.
Le présent projet de budget me paraît donc suffisant pour rétablir nos chances
d'atteindre l'objectif 2015.
Est-il suffisant pour faire face à la concurrence des Etats-Unis ? Vous avez
posé la question, je vous réponds non, bien entendu.
(Sourires.)
M. Maurice Blin,
rapporteur spécial.
Nous nous en doutions !
Mme Michèle Alliot-Marie,
ministre.
C'est l'évidence. Néanmoins, ils nous donne une autre
posture.
J'ai constaté, à travers les contacts que j'ai pu avoir aussi bien à l'OTAN
qu'à Washington, que le fait que la France ait décidé de faire un effort
particulier pour sa défense et d'y consacrer les crédits nécessaires lui donne
une autre place et lui vaut une autre considération, ce qui s'est immédiatement
traduit par un changement de ton de la part de nos interlocuteurs et par une
beaucoup plus grande réceptivité aux idées que nous défendons. Nous le savons,
cela a été un élément important, dans la situation actuelle, y compris lorsque
nous avons défendus notre position aux Nations unies. Je crois que le poids de
la France s'est trouvé conforté par le fait qu'elle manifestait sa volonté de
prendre les choses en main, d'assurer sa défense, de tenir ses engagements et
de retrouver sa place sur la scène internationale.
On n'occupe pas de place sur la scène internationale, sauf quand on est le
Vatican, si on ne dispose pas des moyens d'être crédibles.
La France, seule, ne peut agir, mais, étant à nouveau crédible, elle peut
jouer un rôle non pas - et d'abord parce que ce n'est pas français - de
leader
mais de chef de file pour tenter de relancer la construction de
l'Europe de la défense.
Si un pays seul ne peut concurrencer les Etats-Unis, l'Europe de la défense
peut, elle, représenter non pas un équivalent, mais un contrepoids, intéressant
dans tous les cas, ou un complément, dans les cas où nos intérêts sont
communs.
Malgré la rencontre de Saint-Malo, qui avait relancé sur le plan des idées
l'Europe de la défense, la situation que j'ai trouvée était relativement
morose. J'avais en effet l'impression que nos partenaires, constatant que la
France ne faisait pas d'efforts particuliers en matière de défense, se disaient
qu'elle n'était finalement pas très attachée à la construction de l'Europe de
la défense. Nos actes étant maintenant accordés à notre discours et ce discours
ayant changé, notre détermination apparaît, et je constate un intérêt renouvelé
de la part de nos partenaires, ce qui nous permet d'avancer.
Je me réjouis qu'après plusieurs rencontres notre partenaire allemand ait
confirmé son appartenance au programme de l'A 400 M.
M. André Dulait,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie,
ministre.
C'était d'ailleurs indispensable. A défaut, le programme
n'aurait pu être poursuivi. Je m'en félicite d'autant plus que l'Allemagne a
accepté, semble-t-il, les chiffres que j'estimais indispensable d'atteindre
pour « tenir » le programme.
Il en va de même pour METEOR, et l'accord que j'ai signé lors du dernier
sommet franco-italien sur les frégates multimissiles est encore une façon
d'avancer.
Autre exemple, en matière de satellite, avec Galileo : même si cela nous pose
quelques problèmes dans nos rapports avec les Etats-Unis, ce que nous faisons
démontre que nous sommes réellement en train de construire une Europe de la
défense.
Nous arrivons aujourd'hui à la fin du processus
European capabilities
,
l'ECAP, qui nous a permis, entre Européens, de déterminer quelles étaient nos
lacunes capacitaires. D'ores et déjà, et depuis Rethymnon, j'ai demandé à nos
partenaires que nous lancions des projets nous permettant d'appliquer ce
processus, avec notamment des projets d'examen sur les financements, sur les
commandements, sur la mise en oeuvre réelle. Je pense que nous avançons
effectivement, en dehors même des programmes que nous pouvons mener en
commun.
De la même façon, nous mettons en place des systèmes de commandement pour
permettre dès 2003 à la force d'intervention rapide européenne de 60 000 hommes
susceptibles d'intervenir entre cinq et trente jours de le faire, y compris à
l'extérieur du territoire européen. C'est donc maintenant une réalité.
Ce qui nous manque encore aujourd'hui, mais j'espère que ce ne sera plus le
cas dans les prochains mois, c'est la visibilité. Il faut une opération où les
forces européennes interviennent elles-mêmes, par exemple en relais de l'OTAN,
que ce soit en Macédoine, en Bosnie ou sur d'autres théâtres. C'est une façon
de concevoir différemment nos rapports avec les Etats-Unis, sans être
totalement écrasés par eux.
Cela étant dit, il faut aussi une prise de conscience. C'est ce que je
rappelais à mes homologues européens. On ne peut pas dire que l'on veut faire
l'Europe de la défense et que l'on tient à la PAESD si, dans le même temps, on
n'accepte pas d'y consacrer les moyens nécessaires. Je crois franchement que
certains devraient dire pour quelle raison ils ne mettent pas en accord leurs
actes avec leurs propos.
Est-ce un choix politique ? « Pour nous, la défense, c'est secondaire »,
pensent-ils peut-être. Après tout, chaque pays a le droit de penser ce qu'il
veut, mais qu'il ne dise pas alors qu'il veut faire l'Europe de la défense !
Est-ce réellement à cause du pacte de stabilité qui empêcherait certains pays
de faire l'effort de défense nécessaire ? Je repose dans ce cas la question de
savoir si la défense de nos concitoyens, dans une situation aussi dangereuse,
ne vaut pas que l'on passe au-delà de certaines règles juridiques.
J'espère avoir répondu à vos questions sur l'Europe. J'ajouterai une dernière
précision : il est indispensable en effet que l'on privilégie l'industrie
européenne de l'armement. Cela se fera au fur et à mesure.
La deuxième question est de savoir si ce budget est crédible et si son contenu
est adapté.
Le budget est-il crédible ?
Nous avons, vous l'avez constaté, « débourré » le budget, c'est-à-dire que
nous avons éliminé les dépenses qui n'y avaient pas leur place, comme les
prélèvements relatifs à la Polynésie, des provisions pour risques ou les
recapitalisations de certaines industries. Ces dépenses ne seront pas financées
sur le budget du ministère de la défense, et je crois que c'est une bonne
chose.
Vous avez, messieurs les rapporteurs spéciaux, l'un et l'autre soulevé le
problème des OPEX. Il a été décidé que, désormais, ces dernières seraient de
toute façon financées en plus. Cependant, comme elles interviennent en cours
d'année, c'est le plus souvent en collectif budgétaire ou en collectif de fin
d'année qu'elles sont réglées. J'ai obtenu cette année, que, dans le collectif
que vous avez bien voulu voter au mois d'août, les OPEX soient déjà
partiellement prises en compte. Nous sommes en train d'examiner, en
collaboration avec le ministère des finances, quelle est la part que nous
pourrons faire figurer immédiatement, donc dès 2003, en loi de finances
initiale. Le principe de la répartition est donc déjà acquis : nous affinons
aujourd'hui sa mise en oeuvre.
Le contenu de ce budget est-il adapté ? Il l'est, je vous l'ai dit, dans
plusieurs domaines.
Vous m'avez interrogée sur les personnels civils. Aujourd'hui, je cherche à
recentrer les personnels militaires sur leurs missions de défense, ce qui
laisse aux civils davantage de missions, missions qui doivent être
valorisantes. C'est pourquoi l'externalisation doit être étudiée presque au cas
par cas et de façon extrêmement pragmatique - c'est ce que nous faisons
actuellement -, afin de laisser aux personnels civils les tâches intéressantes
en les dégageant de celles qui ne le sont pas.
Nous avons enregistré un lourd déficit de personnels civils. Ce déficit a été
partiellement comblé au cours des deux dernières années à la suite du dégel de
postes. Aujourd'hui, nous pouvons dire, même si quelques adaptations - et
notamment une légère augmentation des salaires - restent à faire, que nous
allons disposer des personnels adaptés aux nouveaux profils des postes
civils.
Nous avons en revanche d'importantes difficultés de personnels au service de
santé des armées, alors que ce service est un élément essentiel pour le moral
des troupes. C'est en même temps un service de très haute qualité, raison pour
laquelle j'ai décidé d'augmenter sensiblement ses moyens et d'ouvrir de 220
postes de médecin et de 350 postes de militaire infirmier et technicien des
hôpitaux des armées. Cette très importante mesure permettra de combler une
lacune, mais reste à savoir si nous trouverons les personnes à recruter, car
nous sommes confrontés au même problème que le secteur privé.
Vous avez enfin parlé du rôle des gendarmes et de l'aide au service public. Le
budget de la gendarmerie fait tout naturellement partie intégrante du budget du
ministère de la défense, car les gendarmes sont des militaires. Ils tiennent à
ce statut et, je le dis, ils le garderont : le statut militaire fait partie de
leurs caractéristiques, en même temps qu'il leur donne cette rigueur, cette
proximité et cette humanité qui sont très rercherchées, notamment dans nos
zones rurales.
Les gendarmes, en tant que militaires, ont plusieurs missions : opérations
relevant directement de la défense, missions de protection, de prévôté, etc.
Toutes ces missions sont extrêmement importantes.
Par ailleurs, ils jouent un grand rôle dans le domaine de la protection civile
et c'est tout naturellement qu'ils participent à la protection de nos
concitoyens contre tous les risques naturels qui peuvent survenir, notamment à
l'occasion des tempêtes, comme nous l'avons vu, mais également contre les
marées noires.
Il me paraît précisément important de souligner l'état d'esprit qui les
caractérise : ce sont des militaires et ils sont au plus près de nos
concitoyens.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. André Boyer, rapporteur pour avis.
M. André Boyer,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères de la défense et
des forces armées, pour la section « Marine ».
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, menée avec un succès sur lequel chacun
s'accorde, l'opération Héraklès en mer d'Arabie, qui a vu le premier
déploiement en opération du groupe aéronaval français, a constitué une
excellente illustration des forces et des faiblesse de notre marine.
Le budget de 2003, tant au titre III qu'au titre V, est satisfaisant dans le
contexte des évolutions qui affectent la marine et des enjeux auxquels elle est
confrontée concernant l'activité des forces, l'entretien des matériels et le
renouvellement des équipements, et alors que se poursuit la réforme profonde
liée au changement de statut de la direction des constructions navales, la
DCN.
L'impératif que constitue l'amélioration de la disponibilité des équipements,
en particulier, est considérable et suppose des évolutions importantes dans les
métiers présents au sein de la marine. Lorsque la DCN, à l'issue de sa
restructuration, sera devenue le partenaire attendu, il conviendra que la
marine puisse disposer des capacités de contractualisation nécessaires et que
l'expertise dans ce domaine soit renforcée.
L'avenir de la DCN - et nous nous en réjouissons - ne semble pas compromis
alors que la société à venir paraît en mesure d'être présente sur des marchés
porteurs, et que la future loi de programmation lui ouvre des perspectives de
commandes de la marine. Cette société aura cependant besoin d'un accompagnement
pour affronter de façon satisfaisante l'introduction dans un marché
concurrentiel.
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, de quelle façon s'appliquera la
neutralité fiscale dont vous avez confirmé le principe devant notre commission
pour les contrats en cours d'entretien de la flotte ? Et, globalement,
disposez-vous d'informations plus précises sur le calendrier du changement de
statut, sur les modalités et le niveau de capitalisation de la nouvelle société
? Pouvons-nous aujourd'hui avoir l'assurance que l'accompagnement nécessaire de
la réforme ne se fera pas au détriment des crédits d'équipement des armées ?
Ma seconde question portera sur un aspect spécifique et sensible du
renouvellement des équipements.
La commission des affaires étrangères au cours de ses auditions, a eu
l'occasion d'évoquer le remplacement du bâtiment-école
La Jeanne-d'Arc
qui porte le poids des ans et dont la marine ne pourra prolonger longtemps la
durée de vie, alors même que la formation des officiers de l'école navale passe
de deux à trois ans. Quelles solutions est-il possible d'explorer pour le
remplacement du bâtiment-école ? Une coopération européenne est-elle
envisageable dans ce domaine alors que les Allemands ne disposent plus de ce
type de bâtiment et que les Britanniques manifestent leur intérêt pour notre
modèle de formation initiale des officiers de la marine ?
Je voudrais aborder enfin une question dont l'actualité souligne l'importance
et qui concerne l'action de l'Etat contre la pollution de notre domaine
maritime. Les moyens de la marine devaient pour cela être renforcés par un
navire antipollution. Aucun bâtiment présent sur le marché n'a pu répondre aux
spécifications.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer où en est la réflexion sur les
spécifications de ce bâtiment et quelles sont les solutions qui pourraient
répondre à ce besoin de notre marine ? Une coopération européenne est-elle
envisageable sur ce type de programme ?
Telles sont, madame la ministre, les interrogations que je souhaitais formuler
pour éclairer nos collègues après l'avis favorable donné par notre commission à
l'adoption du budget de la défense pour 2003.
(Applaudissements sur les
travées du RDSE, du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. André Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées, en remplacement de M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour le
nucléaire, l'espace et les services communs.
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, je remplace donc mon collègue Jean
Faure, empêché, pour poser quelques questions concernant le domaine du
nucléaire et celui de l'espace.
Après plusieurs années d'érosion continue, les dotations consacrées à la
dissuasion nucléaire connaissent une augmentation notable, liée à la montée des
besoins financiers pour la modernisation des deux composantes et pour la
simulation. Ces dotations resteront toutefois sensiblement inférieures à celles
de 1997, ce qui relativise certains commentaires sur le poids de la dissuasion
dans notre effort de défense.
Dans un monde plus incertain, mais toujours marqué par le fait nucléaire, la
dissuasion demeure la garantie ultime de nos intérêts vitaux, y compris face
aux menaces nouvelles, comme l'a souligné le Président de la République en juin
2001 à propos de la prolifération des armes de destruction massive. Une grande
continuité s'impose donc dans l'effort financier consacré aux objectifs très
cohérents définis en 1996, dans une logique de « stricte suffisance » qui
n'exclut pas, bien au contraire, l'adaptation de nos moyens à la variété et à
la nature des menaces.
Nous avons noté que le démantèlement des usines de la vallée du Rhône serait
financé en partie par un fonds spécifique, hors budget de la défense. Nous
déplorons, depuis plusieurs années, l'étalement excessif de ces opérations,
surtout pour l'usine de Marcoule. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner
des précisions sur la création de ce fonds spécifique et sur la façon dont il
sera alimenté ? Les charges pesant sur votre budget seront-elles allégées, et
peut-on espérer une accélération d'opérations qui engendrent des coûts fixes
importants ?
Dans le domaine spatial, les financements prévus permettent le renouvellement
des programmes d'observation optique et de télécommunications. L'acquisition
d'une capacité d'observation tout temps est désormais liée à un partenariat
avec l'Allemagne et l'Italie. Pouvez-vous confirmer l'engagement de ces deux
pays dans ces programmes, ainsi que les échéances de réalisation et l'économie
générale des accords qui nous permettront d'accéder à leurs capacités ?
Plus globalement, notre effort dans le domaine spatial sera simplement
stabilisé lors de l'exécution de la prochaine loi de programmation. N'est-ce
pas paradoxal, alors que les systèmes spatiaux verront leur place s'accroître à
tous les stades de la gestion des crises ? Nous craignons que le fossé ne se
creuse davantage encore entre l'Europe et les Etats-Unis. Il est urgent
d'entraîner nos partenaires pour doter l'Europe des capacités spatiales
nécessaires en matière non seulement d'observation, mais également de
télécommunications à haut débit et d'alerte avancée.
S'agissant du renseignement, l'effort réalisé pour les moyens techniques devra
s'accompagner, nous semble-t-il, d'un renforcement des effectifs. Il faudra que
les services, notamment la direction du renseignement militaire, obtiennent des
armées la mise à disposition des personnels nécessaires, pour que les postes
budgétaires soient effectivement pourvus.
Notre observation suivante concerne la transformation de la DCN en société. Il
s'agit d'une réforme tardive mais indispensable. Quelle sera son incidence
budgétaire ? A quel montant s'élèveront, en particulier, les charges liées à la
restructuration ? Comment s'annonce la capitalisation de la future société ?
Enfin, la commission se réjouit bien entendu de l'augmentation de 15 % du
budget du service de santé des armées. Voilà près de quatre ans que nous
soulignons les difficultés considérables de ce service, en particulier le
sous-effectif en médecins. Le redressement amorcé devra être poursuivi,
notamment par des mesures ciblées, mais comme vous avez déjà répondu en grande
partie sur ce point, madame la ministre, je n'y reviendrai pas.
En conclusion, le domaine du nucléaire, de l'espace et des services communs
retrouvera, en 2003, un niveau de crédits compatible avec les objectifs définis
pour notre modèle d'armée. Il bénéficiera, également, de mesures très attendues
de clarification du périmètre budgétaire, comme la neutralisation des
transferts au budget civil, de recherche et de développement, et le
financement, hors budget d'équipement, de l'aide à la Polynésie, problèmes que
nous avons déjà évoqués. Ces éléments sont à mettre au crédit d'un projet de
budget auquel la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a donné un avis favorable.
(Applaudissements sur les travées
de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Philippe François, rapporteur pour avis.
M. Philippe François,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section « Gendarmerie ».
Monsieur le
président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour
2003 de la gendarmerie constitue à la fois la première annuité de la loi
d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, votée
cet été pour les années 2003 à 2007, et la première annuité de la future loi de
programmation militaire pour les années 2003-2008, que nous examinerons au
début de l'année 2003.
Le budget de la gendarmerie pour 2003 s'élève à 4,2 milliards d'euros. Les
crédits de la gendarmerie augmentent de 8,4 %, et le titre III progresse de 6,6
%. Les crédits d'investissement s'accroissent de 53 % en autorisations de
programme et de 27 % en crédits de paiement.
En 2003, 1 200 postes de militaire seront créés, et l'effectif budgétaire
total de la gendarmerie sera supérieur à 99 000 personnels, militaires et
civils. De plus, d'importants moyens sont dégagés pour financer les mesures
indemnitaires en faveur de la condition militaire.
Cependant, certaines mesures attendues n'ont pas été budgétées, comme
l'intégration dès l'âge de cinquante ans de l'ISSP, l'indemnité de sujétions
spéciales de police, dans le calcul de la pension et la prise en compte des
repas de service pour certains militaires. A cet égard, pourrez-vous, madame le
ministre, nous indiquer quels sont les axes de travail que vous avez retenus en
vue d'apporter rapidement satisfaction à ces demandes ?
En matière d'investissements, l'effort est considérable. Les crédits
permettront la livraison de trois hélicoptères EC 145, de 3 000 véhicules et de
42 000 gilets pare-balles, ainsi que la commande de 3 620 véhicules pour les
brigades et de 42 000 gilets pare-balles à port discret.
Enfin, en matière d'infrastructures, le projet de budget pour 2003 prévoit la
construction ou la rénovation de 1 235 unités de logement.
Après avoir présenté les principaux éléments du projet de budget pour 2003, je
voudrais insister, mes chers collègues, sur la nécessité de conforter le statut
militaire de la gendarmerie.
Dans un monde marqué par le terrorisme et l'effacement de la frontière entre
sécurité intérieure et sécurité extérieure, la gendarmerie reste l'institution
la mieux à même de faire le lien, dans la continuité, entre la défense civile
et la défense militaire. Face à une menace ou à un attentat terroriste majeur,
le statut militaire demeure particulièrement utile.
M. André Dulait,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Il est indispensable !
M. Philippe François,
rapporteur pour avis.
Il nous faut donc chercher à le conforter en
maintenant, en rétablissant et en adaptant les liens qui existent aujourd'hui,
en matière de recrutement et de formation continue, avec les autres armées.
Je crois également qu'il nous faut veiller à ce que la gendarmerie continue
d'être disponible pour remplir ses missions proprement militaires auprès des
autres armées, notamment dans le cadre des OPEX. Vous y avez fait allusion tout
à l'heure, madame le ministre.
Enfin, son savoir-faire en matière de maintien de l'ordre dans les situations
les plus difficiles doit être entretenu et valorisé, afin de renforcer la
complémentarité avec la police et les armées. Le maintien de l'ordre ne relève
pas, en effet, des missions des armées.
En conclusion, mes chers collègues, je crois que le projet de budget de la
gendarmerie pour 2003 est très bon. Les réformes déjà engagées et l'annonce des
moyens nouveaux à venir ont d'ores et déjà, madame le ministre, produit un
effet significatif sur le moral et sur le travail des personnels, comme vous
avez pu le constater. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères, de
la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur le projet de
budget de la gendarmerie pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis.
M. Serge Vinçon,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section « Forces terrestres ».
Monsieur le
président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de six années de
profonde transformation, l'armée de terre voit certaines difficultés
s'atténuer, grâce au niveau satisfaisant des recrutements d'engagés, à
l'allégement du poids des opérations extérieures et à la récente prise en
compte des questions liées à la condition militaire, sur lesquelles nous avions
alerté à plusieurs reprises le précédent gouvernement.
Elle a, en revanche, traversé une véritable « crise » de la disponibilité de
ses matériels, alors que la mauvaise exécution de la loi de programmation a
engendré de nombreux retards et alimenté un sentiment de dégradation de l'outil
de travail, la relève de beaucoup de matériels vieillissants restant encore
lointaine.
Après que les crédits des forces terrestres eurent atteint, en 2002, leur
niveau le plus bas depuis de nombreuses années, le projet de budget pour 2003
marque une ferme volonté de redressement en vue de préserver la cohérence du
modèle d'armée, redressement que vous engagez avec détermination, madame la
ministre.
S'agissant du titre III, la commission des affaires étrangères s'est
particulièrement félicitée de la remise à niveau des crédits indemnitaires, de
l'augmentation des dotations consacrées à l'entraînement, qui permettra
d'atteindre la norme des cent jours d'activité, et, surtout, de la
transformation en postes d'engagé d'un certain nombre de postes de volontaire
qui demeuraient vacants. Nous suggérions, depuis deux ans, cette mesure, qui
permettra un renforcement des effectifs.
On peut, en revanche, s'interroger sur la suppression d'environ cent cinquante
postes de personnel civil, car leur nombre nous semblait appelé à augmenter au
cours de l'exécution de la prochaine loi de programmation.
En ce qui concerne le titre V, la commission des affaires étrangères approuve
le relèvement des dotations, qui était indispensable pour ne pas ajouter de
nouveaux retards à ceux qu'avaient provoqués les abattements de ces dernières
années, lesquels ont fait perdre une annuité complète à l'armée de terre comme
à l'ensemble de la défense.
La très forte progression des crédits d'entretien programmé des matériels
traduit la priorité accordée, à juste titre, au rétablissement de la
disponibilité opérationnelle de ceux-ci, indispensable à une armée
professionnelle et projetable.
S'agissant des programmes d'équipement, nous souhaiterions faire le point avec
vous, madame la ministre, sur le choix d'une version polyvalente dite « HAD »
de l'hélicoptère de combat Tigre. Où en sont les discussions avec l'Espagne ?
La France pourra-t-elle développer cette version, mieux adaptée, nous
semble-t-il, à ses besoins ?
Je rappelle également que la commission des affaires étrangères reste
fortement préoccupée par la chute annoncée de notre capacité de transport
aéromobile - vous y faisiez allusion tout à l'heure, d'une certaine manière,
madame la ministre - d'ici à la livraison du NH 90, toujours fixée à 2011,
alors que l'armée de terre allemande en sera équipée dès 2004. Tous les moyens
d'atténuer les conséquences opérationnelles de ce déficit méritent, à nos yeux,
d'être activement recherchés.
Le parc de blindés légers souffre lui aussi d'un vieillissement inquiétant,
notamment le véhicule chenillé de transport de troupes AMX 10 P. Le programme
de véhicule blindé de combat d'infanterie, le VBCI, revêt donc un caractère
prioritaire et doit se poursuivre sans nouveau retard. Nous souhaiterions
également connaître les perspectives de relève des engins blindés roues-canon,
l'échéance nous semblant assez tardive.
Enfin, les annulations de crédits liées au collectif budgétaire d'automne
amènent à poser la question de l'entrée dans la prochaine loi de programmation.
Celle-ci pourra-t-elle s'effectuer sans report de charges majeur ?
En conclusion, le projet de budget de la défense pour 2003 offre à l'armée de
terre des perspectives très positives, lui permettant de consolider sa
professionnalisation et de renouer avec les objectifs d'équipement qui lui ont
été assignés en 1996 par le Président de la République. C'est pourquoi la
commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées lui a
donné un avis favorable.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.
M. Xavier Pintat,
rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées, pour la section « Air ».
Monsieur le président,
madame la ministre, mes chers collègues, comme les autres composantes des
forces de l'armée française, l'armée de terre dispose, pour 2003, d'un budget à
la hauteur des enjeux liés à nos engagements européens et internationaux.
En effet, les crédits de paiement affectés par le projet de loi de finances
progressent globalement de 10,03 %, la hausse étant de 2,93 % pour le
fonctionnement et de 16,6 % pour l'équipement. Au total, ce sont de 5,567
milliards d'euros dont disposera cette armée, soit près de 20 % des 31
milliards d'euros de crédits de paiement affectés au budget global de la
défense en 2003, lui-même en progression de 7,47 % par rapport à 2002.
Ces chiffres satisfaisants méritent d'être assortis de deux commentaires, que
je livrerai sous une forme interrogative.
Premièrement, c'est le projet de loi de finances rectificative, adopté le 20
novembre dernier en conseil des ministres, qui complètera les autorisations de
programme prévues dans le projet de budget, pour permettre la commande de
quarante-six Rafale-Air. Ma première question, madame la ministre, sera
technique : pourquoi l'habitude a-t-elle été prise d'insérer ces crédits
destinés aux commandes globales dans le projet de loi de finances
rectificative, et non dans le projet de loi de finances ? Ce dernier ne peut
s'interpréter qu'à la lecture d'une loi de finances complémentaire, et cela
nuit, à mon sens, à l'appréciation pleine et entière du projet de budget.
Deuxièmement, des inquiétudes s'expriment çà et là sur la réelle exécution de
ce budget ainsi complété. La situation économique, peut-être plus dégradée que
prévu, pourrait imposer des coupes budgétaires qui se répercuteraient
nécessairement sur tous les ministères, particulièrement sur ceux qui
enregistrent une progression de leurs dotations, comme le ministère de la
défense. Quelles assurances concrètes, à même de lever l'hypothèque qui pèse
déjà sur les prévisions de nos états-majors, pouvez-vous nous apporter, madame
la ministre ?
Par ailleurs, est-il besoin d'insister aussi sur l'importance, pour l'armée de
l'air, de disposer de l'avion de combat Rafale, dont le programme accuse,
malheureusement, pas moins de neuf années de retard, du fait de carences
budgétaires répétées ? Pouvez-vous nous présenter le calendrier de
développement de ses standards F2 et, surtout, F3, ce dernier permettant la
frappe nucléaire ? Enfin, quelle est l'évaluation globale des besoins de
financement pour la mise au point de chacun de ces standards ?
En outre, ne conviendrait-il pas d'accélérer le développement des drones
d'observation, qui constituent un élément essentiel du dispositif de
renseignement et permettent de déclencher les frappes aériennes dans des
conditions de danger minimales pour nos pilotes comme pour les populations
civiles ? Celles-ci constituent, en effet, sur les théâtres d'opération, comme
on l'a vu en Afghanistan, des otages involontaires des conflits qu'elles
subissent. Notre pays ne gagnerait-il pas beaucoup en crédibilité en
fournissant un effort plus marqué qu'actuellement dans ce domaine ?
Enfin, il n'est, bien sûr, pas possible d'évoquer les programmes d'équipement
qui structurent notre armée de l'air, comme celles, d'ailleurs, de nos
principaux partenaires européens, sans évoquer les incertitudes qui ont trop
longtemps pesé sur l'avion de transport A 400 M. La France en a commandé
cinquante exemplaires, pour un objectif total de production de cent quatre
vingt-treize appareils, qui conditionne le maintien du coût sur lequel
l'industriel constructeur s'était engagé. La récente décision du partenaire
allemand, qui vient de confirmer une commande de soixante exemplaires, au lieu
des soixante-treize prévus, va-t-elle débloquer définitivement la mise en
construction de cet élément indispensable à la projection de nos forces, dont
nos armées ne bénéficieront, au mieux, qu'à compter de 2009 Doit-on craindre,
au contraire, que cette réduction de la commande allemande suscite de nouvelles
négociations financières qui pourraient retarder l'exécution de ce projet ?
De surcroît, M. Struck, le ministre de la défense allemand, a également prévu
de réduire à six cents le nombre de missiles Air Météor commandés par
l'Allemagne, alors que ce pays avait retenu un objectif de 1 488 missiles.
Pouvez-vous nous confirmer que la Grande-Bretagne compensera cette baisse par
un accroissement de ses propres commandes ?
En conclusion, permettez-moi, madame la ministre, de saluer la qualité du
volet « défense » de ce projet de loi de finances. L'effort budgétaire
important dénote le souci qui est le vôtre de restaurer enfin la capacité
opérationnelle de nos armées et - il faut aussi le souligner - de maintenir le
savoir-faire de nos industries de défense, comme le montre d'ailleurs votre
récente venue en Gironde aux AIA, les Ateliers industriels de l'aéronautique, à
Floirac.
Je vous remercie de vos réponses qui, j'en suis sûr, conforteront la position
de la commission des affaires étrangères et de la défense, laquelle a émis un
avis favorable sur les crédits de l'armée de l'air pour 2003.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie,
ministre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, mes réponses seront assez
elliptiques, compte tenu du temps prévu pour l'examen de ce budget.
En ce qui concerne la DCN, comme je vous l'ai confirmé tout à l'heure,
monsieur André Boyer, la TVA ne sera pas prise sur le budget. Il y aura une
neutralité fiscale. L'accord a été passé avec le ministère des finances. Le
besoin d'accompagnement de la DCN est prévu dans la loi sur le changement de
statut. Le projet de loi de finances pour 2003 comprend 119 millions d'euros
d'autorisations de programmes pour des marchés pouvant intéresser la DCN. Le
changement de statut interviendra au début de l'année 2003. Il y aura
probablement quelques semaines de retard par rapport à la date du 1er janvier,
mais guère plus.
Vous avez évoqué le retrait de
La Jeanne-d'Arc.
Il est effectivement
prévu pour 2006. Néanmoins, on peut éventuellement étudier une prolongation, si
cela s'avérait nécessaire. Nous souhaitons que son remplacement soit étudié
dans un cadre européen. Les Allemands en étaient d'accord. Ils viennent de nous
faire savoir que, notamment compte tenu de leurs restrictions budgétaires très
importantes, qui ont été évoquées par d'autres rapporteurs pour avis, ils
réfléchissaient et envisageaient un retrait. Je vais adresser à nos partenaires
européens une invitation à participer à la campagne 2003-2004 et j'espère que
nous repartirons sur une nouvelle voie. Les Britanniques, vous l'avez dit, sont
effectivement intéressés.
Par ailleurs, aujourd'hui, nous manquons de navires antipollution. Compte tenu
des événements actuels, c'est dans le cadre d'une coopération européenne que la
situation doit être envisagée. L'intérêt des Espagnols et des Portugais se
manifeste de façon évidente.
M. Dulait m'a interrogé sur le fonds consacré au démantèlement des
installations nucléaires. Ce fonds est en cours de constitution. La défense
disposera d'un droit de tirage. L'économie que nous escomptons est de l'ordre
de 70 millions d'euros en 2003, ce qui n'est pas négligeable.
Dans le domaine spatial, qui est effectivement un enjeu stratégique important,
un certain nombre d'efforts sont faits en termes de programmation. On ne peut
pas dire que nous nous désintéressons de ce domaine. Je pense notamment aux
programmes HELIOS II et SYRACUSE, s'agissant des télécommunications. Mais la
coopération est bien sûr indispensable à l'échelon européen. A cet égard, j'ai
signé, à Schering, en septembre dernier, un accord avec les Allemands pour
garantir notre accès aux capacités de nos différents partenaires.
En ce qui concerne le renseignement, vous l'avez noté, j'ai prévu un
renforcement des effectifs, notamment des linguistes, dont nous risquons
d'avoir besoin.
J'en viens, monsieur François, à la gendarmerie et à l'intégration de
l'indemnité spéciale pour sujétion de police dès cinquante ans. Aujourd'hui, le
traitement des gendarmes n'est pas identique à celui des policiers, qui
bénéficient, eux, de ce régime. J'ai personnellement saisi mes deux collègues
chargés respectivement des finances et de la fonction publique afin de remédier
à cette inégalité de traitement injustifiée. Je suis attentivement ce dossier,
car vous avez, à juste titre, rappelé ce que sont les contraintes des
gendarmes.
Vous avez évoqué le problème des primes de repas. J'étudie cette question afin
que, en cas de contraintes spécifiques, un dispositif corresponde aux besoins
des différentes armées. En effet, le dispositif actuel est très
inégalitaire.
Concernant la nécessité de conforter le statut militaire de la gendarmerie, je
suis tout à fait d'accord avec vous. J'ai d'ailleurs annoncé, voilà une dizaine
de jours, que j'annulais une disposition qui avait été prise par mon
prédécesseur et qu'il serait de nouveau possible de recruter dans les grandes
écoles militaires les officiers de gendarmerie.
(Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Vinçon a évoqué les suppressions d'emplois civils dans l'armée de terre. En
effet, quelques suppressions sont intervenues. Elles portent essentiellement
sur des postes d'ouvriers d'Etat et de fonctionnaire technicien, mais ces
postes étaient vacants. Au titre de la contribution du ministère de la défense
à la maîtrise des emplois du secteur public, j'ai accepté la suppression de ces
postes puisqu'ils n'étaient pas pourvus. En contrepartie, j'ai obtenu la
revalorisation du contenu des emplois des personnels civils et une aide
supplémentaire dans le domaine social pour les personnels civils. Je rappelle
que, en la matière, sur l'année 2003, l'effort budgétaire sera supérieur à
celui qui avait été obtenu pour l'ensemble des cinq années précédentes. Il
s'agissait donc d'une opération tout à fait raisonnable.
M. Vinçon a également évoqué le problème de l'hélicoptère Tigre. La
négociation que nous menons avec l'Espagne a beaucoup avancé. Cela montre bien
que l'Europe de la défense évolue sans doute. Lorsque j'ai pris mes fonctions,
les Espagnols envisageaient de recourir à un hélicoptère américain. Ensuite,
nous sommes parvenus à un système cinquante-cinquante. Aujourd'hui, il
semblerait que leur projet repose principalement sur l'hélicoptère Tigre. Cela
impliquerait que nous développions une version multirôles du Tigre, qui serait
également adoptée par la France. Compte tenu de ces modifications, nous
pourrions disposer du nouveau modèle à partir de 2008. En l'occurrence, nous
attendons la décision définitive de l'Espagne, qui interviendra au premier
semestre 2003. Le dossier me paraît bien avancé.
L'entrée prochaine dans la loi de programmation sans amputation, c'est bien
entendu le but que nous poursuivons, en faisant un effort considérable. En
effet, nous avions pris un retard considérable, notamment en matière
d'investissement, au cours des cinq dernières années. L'objectif est de
rattraper ce retard.
Monsieur Pintat, si un certain nombre d'autorisations de programme ont été
inscrites en loi de finances rectificative plutôt qu'en loi de finances
initiale, c'est simplement parce que l'ouverture des autorisations de programme
nécessaire pour des commandes globales s'accompagne généralement, en fin
d'année, d'un redéploiement des crédits qui ont été rendus disponibles par le
décalage de certains programmes en cours d'exécution. Par ailleurs, le fait
qu'elles soient inscrites en loi de finances rectificative nous permet de
passer certaines commandes dès la fin de cette année, et ainsi de gagner
quelques semaines. Dans certains cas, nous essayons effectivement de gagner des
semaines !
La certitude de la mise en oeuvre de la loi de programmation réside d'abord
dans la volonté exprimée par le Président de la République et par le
Gouvernement, elle est très fortement inscrite dans la loi de programmation
militaire et dans la loi de finances. Elle tient également à ce qui s'est passé
depuis quelque temps. Pour la première fois, en effet, une loi de finances
rectificative a été présentée au mois d'août. Elle prévoyait un montant de
crédits très important : quasiment 1 milliard d'euros, dont, 100 millions
d'euros pour la maintenance des appareils ce qui était une première puisque,
généralement, aucun crédit concernant le titre V n'est inscrit en loi de
finances rectificative.
La certitude de la mise en oeuvre de la loi de programmation tient aussi au
fait que le ministère de la défense a effectivement été sanctuarisé, y compris
par Bercy, puisque tous les crédits qui avaient été gelés, comme cela se fait
souvent au mois d'août, ont été dégelés. Je tenais à le souligner.
Vous avez également évoqué le calendrier de développement des Rafale et leur
coût. Le coût du standard F 2 est de 1,2 milliard d'euros. Nous ne connaissons
pas encore le coût du F 3, car il est en cours de négociation. Les trois
premiers escadrons entreront en service respectivement en 2006, en 2008 et en
2009 en ce qui concerne l'armée de l'air, bien sûr, puisque la marine en
dispose déjà.
J'en viens au développement des drones d'observation. Comme l'a souligné un
des rapporteurs de la commission des finances, ils ne sont peut-être pas
suffisamment nombreux. Cela étant dit, il n'a pas été facile de les inscrire
dans la loi de programmation. Si nous avons pu le faire, c'est simplement en
raison du montant très élevé de cette loi de programmation. Par ailleurs, il y
a toujours une certaine souplesse dans la loi au niveau des équipements. Aussi,
en fonction des besoins et des possibilités, il y aura peut-être moyen
d'intervenir, y compris dans le cadre de coopérations, qui ne sont pas à
exclure.
Concernant les A 400 M, j'apporterai une petite rectification. Le programme A
400 M s'est vu fixer une base minimale de 180 appareils. Nous étions au-dessus
de ce chiffre, avec 196 appareils commandés, avant que les Portugais n'annulent
- nous verrons s'ils reviendront sur leur décision - la commande de trois
appareils, ce qui laissait une petite marge de manoeuvre. C'est ce que j'ai
expliqué à M. Struck, lors de sa venue à Paris. C'est sur cette base que les
Allemands se sont calés pour réduire leurs commandes, compte tenu de leurs
contraintes budgétaires, mais sans descendre au-dessous du seuil de viabilité
du programme.
Telles sont les réponses que je souhaite vous apporter.
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures
quinze.)