SEANCE DU 5 DECEMBRE 2002


M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la défense.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget 2003 pour les armées est une bonne nouvelle, en particulier pour notre commission des affaires étrangères et de la défense. Depuis plusieurs années, le président de la commission, M. Xavier de Villepin, ainsi que les différents rapporteurs n'avaient de cesse de mettre en garde le Gouvernement sur les risques qu'il y avait à sous-doter les crédits de défense ou à prélever systématiquement sur les dotations d'équipement des crédits jugés mieux utilisés ailleurs.
En prévoyant une progression globale de 7,5 % hors pension, le projet de budget pour 2003, première annuité d'une loi de programmation ambitieuse, se veut donc la première étape d'un nécessaire effort.
L'effort d'équipement, qui s'accroît de 11,2 %, est considérable. Il devrait permettre de remédier - mais tout juste - au décrochage subi dans le financement de l'acquisition et de l'entretien des matériels.
Il était temps. La professionnalisation de notre armée, réforme essentielle voulue par le Président de la République, suppose, pour prendre tout son sens, une condition militaire revalorisée, un recrutement attractif, des matériels en état, enfin, des possibilités d'entraînement dignes des missions assignées à nos soldats. Ce sont ces priorités que traduisent et la loi de programmation pour les années 2003-2008, dont nous débattrons au mois de janvier, et le projet de loi de finances pour 2003.
Cette remise en ordre est le fruit d'une volonté politique exprimée au plus haut niveau de l'Etat. Il vous revient, madame la ministre, à la fois le mérite et la tâche difficile de la mettre en oeuvre, en dépit des sollicitations quelquefois pressantes du ministère des finances : la commission et, je crois, le Sénat tout entier sont à vos côtés pour y faire face. En effet, la satisfaction éprouvée devant ce budget n'exclura par une attention vigilante des parlementaires sur son exécution.
Face aux menaces multiformes, mais réelles, qui pèsent aujourd'hui sur la population, sur nos intérêts, à l'intérieur comme à l'extérieur du territoire, les Français ont bien compris la nécessité d'une politique de sécurité et de défense ambitieuse et efficace, tant à l'échelon national qu'à l'échelon européen. Sa mise en oeuvre interdit donc la poursuite des habitudes comptables, que je qualifierai de coupables, prises depuis tant d'années au détriment des crédits militaires.
Il y va également du respect des personnels de la défense, civils comme militaires, qui attendaient depuis longtemps une nouvelle politique à la hauteur des réformes majeures qu'ils ont vécues et des missions qu'on leur confie.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, par ce budget, premier jalon de la prochaine loi de programmation, notre pays, hélas ! Presque seul en Europe, se met résolument en situation de répondre à des menaces croissantes dans un contexte international instable. Pour cette raison, votre commission vous recommandera d'adopter les crédits du ministère de la défense pour 2003.
J'en viens maintenant aux questions que je souhaite vous poser, madame la minitre.
La première concerne la capacité de transport stratégique.
Comme vous nous l'avez indiqué tout à l'heure, le projet d'avion de transport militaire A 400 M devrait enfin, après bien des aléas, se concrétiser. Cependant, entre-temps, nous serons confrontés à une lacune capacitaire lourde en ce domaine.
De ce fait, la décision prise dans le cadre de l'OTAN, lors du sommet de Prague du 21 novembre dernier, de constituer une sorte de « pôle » capacitaire par la location de longue durée d'une quinzaine de gros porteurs américains ou soviétiques relève d'un pragmatisme de bon aloi.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous préciser les conditions financières et les conséquences opérationnelles, pour la France, de cette décision et nous éclairer sur la possibilité, pour l'Union européenne, de bénéficier éventuellement de cette capacité pour une mission de gestion de crise qu'elle conduirait seule sans l'OTAN ?
Le risque n'existe-t-il pas, par ailleurs, de voir certains des pays parties au projet de l'A 400 M en remettre plus tard en cause la pertinence, aussi bien industrielle que politique, en termes d'autonomie stratégique ?
Cette inquiétude, peut-être excessive, se fonde en particulier, dans le domaine voisin des avions de combat, sur la décision surprenante de plusieurs de nos partenaires de mobiliser des crédits substantiels - on a parlé de quelque 5 milliards de dollars - pour participer au développement du prochain avion de combat américain, encore livré sur plan, alors que certains de ces pays participent également au programme européen Eurofighter.
Même si les deux projets ne sont pas comparables à plusieurs titres, cette démarche témoigne de la fragilité de certains engagements européens pour la conception d'équipements réalisés en coopération dès lors que l'industrie aéronautique américaine met en oeuvre de multiples instruments d'influence.
Ma seconde question, madame la ministre, concernera notre politique des réserves, complément indispensable de la professionnalisation des armées.
C'est un complément de principe tout d'abord, tant il est vrai que les réserves sont un instrument de cohésion et de solidarité entre la société civile et les armées. Mais c'est également un complément opérationnel, puisque la satisfaction de certains besoins des armées, dans diverses spécialités, impose le recours à des compétences qu'elles ne peuvent détenir en permanence et qu'elles doivent donc solliciter en dehors de leurs personnels.
Or, aujourd'hui, le taux de satisfaction des besoins, pour les sous-officiers et les hommes de troupes, reste insuffisant. Pour développer l'attractivité des réserves, l'idée d'une prime d'engagement - le chiffre de 1 500 euros a été évoqué - pour les candidats à la réserve opérationnelle serait-elle envisageable ?
Ne devrait-on pas également mobiliser les employeurs, notamment ceux qui oeuvrent, directement ou indirectement, dans le secteur de la défense, afin que les périodes de réserves suivies par certains de leurs personnels s'insèrent normalement dans le parcours professionnel comme un temps de formation ? A ce titre, je crois qu'il y aurait des propositions à leur faire.
Je sais, madame la ministre, que vous avez engagé une réflexion sur cette question de l'attractivité et de la valorisation des réserves. Pourriez-vous nous préciser les pistes que vous entendez privilégier ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président de la commission, dans votre intervention, j'ai relevé trois points.
Vous avez parlé d'abord de l'importance du budget et de votre souci de surveiller son exécution. Je vous remercie, car je partage cette préoccupation. Je considère que, à partir du moment où la nation fait un effort aussi important que celui qui est inscrit dans la loi de programmation militaire et dans ce budget pour 2003, il est de la responsabilité du ministère de la défense d'utiliser au mieux ces crédits. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé d'instituer des contrôles de gestion, des contrôles trimestriels de l'exécution mais aussi de mettre en oeuvre des procédures nouvelles pour faciliter, voire accélérer la réalisation d'un certain nombre de programmes dans le cadre de ce budget.
Cette façon de procéder m'a amenée - et je crois que c'est une première dans l'histoire du ministère - à rendre au Premier ministre des crédits de paiement dont nous n'avions pas l'utilisation avant le 31 décembre. J'ai ainsi remis voilà quinze jours à la disposition du Gouvernement 321 millions d'euros de crédits de paiement qui étaient destinés à des opérations dont le paiement n'interviendra que dans le courant de l'année 2003.
M. le Premier ministre m'a envoyé une lettre m'informant que ces crédits me seraient, bien entendu, restitués en 2003 dans la première loi de finances rectificative : je pense qu'en l'occurrence notre démarche est exemplaire.
J'en viens à la capacité de transport stratégique.
C'est vrai que, en raison des problèmes de financements accumulés au cours de ces dernières années, nous avons pris un certain retard que ne comblera pas totalement le projet de loi de programmation qui pourtant permettra la réception de cinq avions Casa 235, l'acquisition de deux avions de transport civil à long rayon d'action et le financement du programme A 400 M.
Nous avons donc envisagé l'affrètement ponctuel de moyens aériens. L'OTAN, c'est vrai, a émis l'idée de créer une agence des transports. En fait, nous sommes assez réticents dans la mesure où cette agence ferait de la location de longue durée. Comme nous n'avons pas de besoins permanents, la location de longue durée, que pratiquent déjà les Britanniques, serait beaucoup plus coûteuse pour nous que le système d'affrètement ponctuel que nous envisageons.
Nous avons donc demandé que l'on puisse, dans le cadre de l'OTAN - d'ailleurs, un certain nombre de nos partenaires nous soutiennent -, avoir recours à des locations ponctuelles plutôt qu'à un système d'agence qui nous paraît beaucoup plus lourd et plus rigide.
En ce qui concerne la France proprement dite, en fonction de nos besoins, et au moment où nous n'aurons plus la possibilité d'utiliser les Transal, notamment, comme nous le faisons actuellement, nous pourrons recourir à la location de C 17 ou d'Antonov, par exemple, qui sont souvent moins chers.
En ce qui concerne les réserves, je peux vous dire qu'elles constituent l'une de mes préoccupations. En effet, une armée professionnelle a besoin de réserves et de réserves importantes.
Aujourd'hui, nos besoins sont satisfaits s'agissant des officiers de réserve, un peu moins s'agissant des sous-officiers ; en revanche, un problème important se pose pour les hommes du rang. Pour cette année, j'ai décidé de reconduire simplement le budget des réserves de l'année dernière, qui s'élevait à 68 millions d'euros.
Mais, au cours des années suivantes, au cours des six années d'application de la loi de programmation militaire, ces crédits doivent croître progressivement, pour atteindre 86 millions d'euros.
Pourquoi n'ont-ils pas augmenté dès cette année ? Pour la simple raison que je n'ai pas eu le temps de mener une réflexion globale sur ce qu'il convenait de faire.
Bien sûr, la prime à la réserve est un élément important de la politique à mener en la matière, mais il faut également mettre en place des éléments de fidélisation. Toutefois, cela ne suffit pas non plus. Doivent être aussi pris en compte les éléments psychologiques. Les réservistes doivent trouver de l'intérêt dans ce qui leur sera demandé et ils ne doivent pas être considérés comme devant simplement remplacer les appelés qui ont disparu. Il faut valoriser leur mission et leur donner le sentiment de réelle appartenance.
Il faut également agir, vous avez tout à fait raison de le souligner, à l'égard des entreprises. J'ai en effet appris, en discutant avec un certain nombre de réservistes, qu'il arrive que certains d'entre eux cachent à leur employeurs qu'ils sont réservistes parce qu'ils craignent, soit d'être montrés du doigt, soit d'être mis à l'écart, alors que ce devrait être exactement le contraire. De ce point de vue, je souhaite réunir - ce que j'ai d'ailleurs commencé à faire - toutes les entreprises, grandes, petites et moyennes, qui travaillent directement ou indirectement pour la défense nationale, pour leur rappeler que l'on ne peut pas travailler pour les armées et se désintéresser de la réserve, voire gêner les réservistes. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes au maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Ma question porte sur l'industrie de défense en France et en Europe, mais je veux avant tout rendre hommage aux victimes de l'attentat de Karachi et exprimer à leurs familles toute ma solidarité.
Voilà quelques années, GIAT-Industries était l'un des fleurons de l'industrie française en matière d'armement terrestre. Aujourd'hui, la situation de cette entreprise est des plus préoccupantes. Sous couvert d'une logique de marché prétendument implacable, l'Etat laisse cette entreprise dépérir. Un sixième plan de restructuration laisse présager de lourdes conséquences sur l'entreprise et les employés sont très inquiets quant à la fermeture éventuelle de sites et au licenciement de personnels.
Si la même politique se poursuit, doit-on craindre que la DCN, la direction des constructions navales, n'emprunte le même chemin, ce qui serait vraiment inadmissible ?
L'an dernier, déjà, je m'étais, avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, opposée au changement de statut de cette entreprise, lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2001. Le plan de charge de l'entreprise pour les années à venir semble annoncer un futur moins sombre que pour GIAT-Industries, mais pouvez-vous nous donner l'assurance, madame la ministre, que la DCN bénéficiera réellement des commandes prévues, alors même qu'elle se trouve en perpétuelle concurrence financière avec d'autres entreprises du secteur privé ?
GIAT-Industries et la DCN sont deux acteurs d'un secteur public qui est indispensable en France. Elles possèdent un savoir-faire incomparable, des personnels qualifiés, et ne demandent qu'à apporter leurs connaissances et leurs compétences en matière d'industrie de défense. Elles possèdent les atouts nécessaires à la mise en oeuvre des moyens de sécurité de notre pays et de son autonomie à condition que nous leur en donnions les possibilités.
L'industrie de l'armement, madame la ministre, ne peut être considérée comme n'importe quelle autre industrie. Celle qui est placée sous le contrôle public doit le rester ; la logique du marché n'a pas sa place, et l'Etat doit prendre ses responsabilités.
Selon cette logique de marché, la France achète des munitions en Israël, soutenant ainsi une industrie de guerre, ce qui est, pour nous, inadmissible, alors qu'elles pourraient être produites en France !
La situation en matière d'industrie de défense se révèle être un paradoxe : les fonds publics sont de plus en plus utilisés pour financer des projets via des entreprises privées leur permettant ainsi de devenir de plus en plus concurrentielles et compétitives, nos propres entreprises nationales se retrouvant dans l'impasse la plus totale.
Une autre conséquence de la politique menée se matérialise de plus en plus par une transatlantisation croissante et incontrôlée de l'industrie de défense. Les industries françaises et européennes sont poussées à conclure des accords avec des entreprises américaines, ce qui aura pour conséquence une grave perte d'autonomie.
Or la France et l'Europe ont aujourd'hui besoin d'une véritable autonomie en matière de décision. Pourtant, certains pays européens confient déjà leurs crédits de recherche aux Etats-Unis, commandent et achètent du matériel américain au détriment du matériel français et européen. L'exemple de Dassault et du Rafale pour la commercialisation rapide duquel notre groupe a plaidé en est éloquent. A la suite du retard pris, l'avion américain d'attaque au sol - JSF Joint Strike Fighter - est commandé par de nombreux pays sous la pression de la politique américaine. A ce propos, madame la ministre, une question se pose : la France veut-elle rester avant tout, compte tenu de son savoir-faire, le pays capable de concevoir le prochain avion de combat ?
Pour le programme d'avion stratégique A 400 M, nous avons appris, par le Journal du Dimanche, et vous venez de nous le redire, que les commandes avaient été confirmées par l'Allemagne ; je m'en réjouis.
Enfin, madame la ministre, quelle est la volonté du Gouvernement de maintenir une industrie d'armement terrestre et maritime garante d'une réelle indépendance de défense de la France ? Quelle position le Gouvernement compte-t-il prendre vis-à-vis des industries de défense nationale comme GIAT-Industries et la DCN ? Enfin, comment voulez-vous et pourrez-vous construire une politique européenne homogène en matière de défense alors même que tous les pays ne poursuivent pas le même objectif ?
C'est en fait, comme vous l'avez compris, une seule et même grande question dans toute sa cohérence.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Oui, le Gouvernement a la volonté de maintenir une véritable industrie de défense terrestre, aérienne et maritime.
S'agissant du Rafale, aujourd'hui, nous passons des commandes. Je ne suis pas responsable de ce qui s'est produit avant moi, et je ne peux que regretter les retards qui, effectivement, nous ont mis dans une situation concurrentielle défavorable par rapport à d'autres offres.
En ce qui concerne DCN, je crois que le savoir-faire de l'entreprise et, en même temps, la réorganisation à laquelle elle est en train de procéder dans le cadre de son passage à un nouveau statut représentent une grande chance pour elle.
Je pense que DCN a effectivement un avenir économique prometteur, non seulement en France - un certain nombre de perspectives sont inscrites dans la loi de programmation militaire, je l'ai dit tout à l'heure -, mais également à l'étranger, car, ne l'oublions pas, s'il est vrai que, de temps en temps, nous achetons à l'étranger, je vous rappelle que nos industries de défense travaillent aussi beaucoup grâce à l'exportation.
Donc, en ce qui concerne DCN, je crois que les choses se passent bien et que les salariés de cette entreprise vont retrouver une visibilité et un véritable projet industriel.
En ce qui concerne GIAT-Industries, vous avez, comme moi, fait le constat que nous arrivions au terme du programme des chars Leclerc. Le contrat de vente prévu avec l'Arabie Saoudite est encore très incertain. Nous saurons probablement, d'ici à quelques semaines, ce qu'il est est.
Mais, nous arrivons, de toute façon, au terme de ce programme et, à partir de là, il faut bien constater qu'en l'absence de besoin il est difficile de le créer simplement pour faire fonctionner telle ou telle activité.
En revanche, le développement d'autres activités liées au MCO, c'est-à-dire à l'entretien et au programme de véhicules blindés de combat d'infanterie, VBCI, représente sans doute une chance pour GIAT-Industries.
Aujourd'hui, le problème de GIAT-Industries est effectivement de se remettre de l'échec de cinq plans successifs. Ces plans ont tous échoué parce que l'on a surestimé à chaque fois les possibilités économiques et que l'on n'a pas tiré les conséquences qui s'imposaient sur le plan social pour permettre à cette entreprise de rester viable.
Mon souci est donc de redonner aux salariés de GIAT-Industries, qui ont véritablement souffert de l'échec des plans successifs, une vraie visibilité et un véritable espoir. Cela passe, d'abord, par l'élaboration d'un projet économique viable et porteur d'avenir, ensuite, par une prise en compte de chaque cas individuel sur le plan social et, enfin, par la mise en place d'une politique d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Madame la ministre, vous faites le même constat que moi en ce qui concerne GIAT-Industries, mais on ne peut évidemment pas faire autrement. Néanmoins, ce sixième plan de restructuration est très préoccupant. Par exemple, la vente du char Leclerc aux Emirats arabes unis a entraîné un déficit d'environ 22 milliards de francs (Mme le ministre acquiesce) , parce qu'il a été bradé, vendu au rabais... Je ne sais pas ce qu'il faut dire.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Je préfère ne pas le savoir !
Mme Hélène Luc. En tout cas, le fait est là.
Par conséquent, n'y aurait-il pas quand même une mesure à prendre pour soulager GIAT-Industries du poids de cette dette, qui n'est pas le résultat d'une mauvaise gestion de l'entreprise ?
Par ailleurs, madame la ministre, - l'idée m'en est venue en vous écoutant - pourquoi ne pas mettre en place, au sein de la commission des affaires étrangères, un groupe de travail afin d'étudier en profondeur le problème de GIAT-Industries.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ce n'est pas à moi qu'il faut le demander !
M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. On va voir...
Mme Hélène Luc. Nous verrons donc avec le président de la commission des affaires étrangères comment ce groupe de travail pourrait être organisé en demandant tous les concours possibles.
En ce qui concerne la DCN, je ne demande qu'à vous croire, madame la ministre. Nous jugerons l'Etat à la manière dont il honorera ses engagements.
En conclusion, je voudrais souligner la faiblesse de la part accordée aux personnels civils dans ce budget. L'Etat a un rôle fédérateur et de tutelle important sur les entreprises publiques de l'armement. Il ne doit pas se désinvestir de sa mission, et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne manqueront pas de vous le rappeler, madame la ministre, et travailleront au côté des salariés.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Madame la ministre, je ne crois pas trop m'engager en affirmant que l'examen de ce projet de budget pour 2003 a dû être un exercice agréable et réconfortant pour nos rapporteurs.
On ne peut en effet que constater une très nette inversion de la désespérante tendance au déclin, ces dernières années, des crédits de la défense.
Ainsi sommes-nous en rupture avec une politique qui frisait l'inconscience, car non seulement elle ruinait notre crédibilité mais, plus directement encore, elle mettait en danger notre sécurité, celle de nos concitoyens et celle de notre pays.
La première annuité de la loi de programmation militaire 2003-2008 que nous examinerons en janvier prochain sera bien la traduction concrète d'un engagement politique pris par le Président de la République au cours de la campagne pour l'élection présidentielle, et elle marquera un redressement radical, de 6,3 %, de l'effort de défense.
Il était temps ! Le contexte international instable, les menaces terroristes, font chaque jour grandir chez nos concitoyens un légitime sentiment d'insécurité que le Gouvernement est en devoir d'apaiser en prenant les dispositions nécessaires.
Les événements récents, depuis l'attentat du 11 septembre jusqu'à celui de Bali, en passant par l'attaque du pétrolier français Limburg doivent nous inciter à faire preuve d'une plus grande vigilance.
Le renforcement des moyens destinés à la protection de notre territoire et l'augmentation des forces déployables à l'extérieur vont donc remonter le moral des troupes et rassurer les Français, qui sont de plus en plus conscients que nul n'est à l'abri d'actes de terrorisme, nouvelle forme de guerre.
Mais notre sécurité intérieure est aussi liée à notre crédibilité. La défense des intérêts de la France dans le monde doit redevenir une priorité. La France doit retrouver toute la place historique qui lui appartenait, au niveau européen comme sur la scène internationale. Le signal fort que vous êtes en mesure de donner à nos voisins grâce à cette nouvelle loi de programmation, vous l'avez indiqué tout à l'heure en filigrane, redonne sa crédibilité à notre pays et illustre ainsi l'ambition de la France de conforter sa place au sein de l'Europe de la défense.
Je constate toutefois que la progression de 48 milliards de dollars du budget de la défense des Etats-Unis dépasse, à elle seule, le montant de l'ensemble des crédits du budget français de la défense. Cela m'amène à vous demander, madame la ministre, où en est l'Europe de la défense.
Le fossé est d'autant plus important que l'écart se creuse entre les deux continents. Pourtant, il semble que les événements récents aient redonné conscience aux Européens que l'Europe doit être capable de gérer les crises dans son environnement proche et d'affirmer son existence dans le monde.
Mais il est évident que l'Europe ne peut avoir de politique commune de défense forte que si chacun de ses membres a lui-même une politique de défense forte et la volonté de participer à cette politique européenne de défense. Vous avez répondu en partie à cette question par anticipation, madame la ministre.
Les différences entre les budgets impartis à la défense sont alarmantes. Le nôtre représente 1,71 % du PIB, celui de l'Allemagne 1,12 %, et celui du Royaume-Uni atteint 2,28 %.
Certes, sur le plan politique, l'Europe de la défense progresse. Les Quinze ont pris l'habitude de nommer des « représentants spéciaux » pour les représenter dans les négociations des crises. Le traité de Saint-Malo de 1998 a redonné du souffle aux mécanismes instaurés par le traité de Maastricht de 1992 et celui d'Amsterdam de 1997 a permis la désignation d'un haut représentant placé auprès du Conseil pour la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC.
Le traité de Nice a consacré les structures politiques et militaires de l'Union. Mais qu'en est-il de la réalisation concrète de cette coopération ?
Il semble que la traduction dans les faits de l'Europe de la recherche et de l'armement marque le pas.
Madame la ministre, il est urgent que nous mettions en cohérence nos déclarations avec nos actions : nous devons donner une nouvelle impulsion à cette Europe de la défense sans laquelle il nous sera impossible de préserver notre paix, notre liberté, notre sécurité et notre dignité.
Vous oeuvrez, je le sais, en faveur de la réalisation d'un processus dit C 4 qui permettrait d'harmoniser et d'améliorer le budget global de la défense. Mais quand prendra-t-il effet ?
Concernant la recherche, les doublons entre laboratoires européens sont très nombreux et souvent contre-productifs.
De même, en matière d'armement, il est urgent de développer une véritable politique européenne industrielle. Je prendrai un seul exemple : comment comprendre l'annonce récente faite par le Royaume-Uni de l'achat de l'avion de combat Joint Strike Fighter, JSF, dans le cadre d'une coopération européenne ?
Où en est le projet de créer, à partir de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, l'OCCAR, une véritable agence européenne de l'armement, seule à même d'assurer la définition commune des besoins, la gestion des programmes et le développement d'une forte interopérabilité qui permettra à la défense européenne d'être efficace et crédible ?
Madame la ministre, en nous présentant ce budget qui est en parfaite conformité avec les objectifs ambitieux de la loi de programmation, vous avez fait la preuve de votre détermination. La France est, grâce à votre action, rapide, efficace et « de retour » sur la scène internationale, comme l'a lui-même annoncé M. le Premier ministre.
Mais il faudrait encore passer à une vitesse supérieure et entrer dans une phase opérationnelle pour que l'Europe soit une entité forte, qu'elle suscite chez ses habitants un sentiment d'appartenance, de fierté et de sécurité.
Quels moyens allez-vous mettre en oeuvre pour parvenir à la concrétisation d'une coopération renforcée, pour développer une politique multisectorielle de l'armement, pour développer l'harmonisation des besoins opérationnels et la préparation du futur, pour renforcer notre base industrielle et technologique de défense et progresser vers un marché européen de l'armement ?
En résumé, et pour conclure, quels moyens allez-vous trouver pour convaincre vos collègues que l'Europe doit exister par elle-même et retrouver son rayonnement dans le monde ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les moyens à mettre en oeuvre. Je vous répondrai : tous les moyens.
Le premier est la volonté politique.
Nous insistons beaucoup et nous participons à la rédaction de la convention sur l'avenir de l'Europe. Nous y inscrivons des intentions afin que tous les membres de l'Union européenne, en adhérant à cette convention, manifestent leur volonté.
Au-delà de la déclaration politique, qui ne suffit pas toujours, comme vous le disiez, au-delà des mots, il faut aussi des actes.
Comme je le rappelais tout à l'heure, nous avons commencé à agir. Ainsi le processus C4 nous a permis de prendre conscience de nos lacunes en matière de capacité.
Quand on reconnaît ces lacunes et que l'opinion publique a besoin de sécurité, c'est une incitation forte à agir.
Ces remarques valent pour les capacités matérielles et pour les capacités de commandement. La France a beaucoup avancé dans ce domaine avec la Grande-Bretagne. Vous me direz que ce sont toujours un peu les mêmes pays qui participent mais c'est quand même une avancée importante.
J'en viens à la mise sur pied de la force d'intervention rapide européenne. Même si ce sont là encore toujours à peu près les mêmes pays qui apportent les plus forts contingents, cette force se construit peu à peu et cela entraîne les autres. Les petits pays s'efforcent de mettre à disposition des contingents - parfois 80 hommes, parfois, 200 hommes - et c'est important.
S'agissant de l'industrie européenne de la défense, c'est probablement le domaine où nous avons le plus de difficulté. Mais c'est souvent par les programmes communs - tels que l'A 400 M dont vous parliez tout à l'heure, Météor, les programmes satellitaires, les frégates - que nous réussissons à progresser.
Pour ce qui est de la construction navale, DCN et le groupe espagnol IZAR travaillent ensemble, notamment pour produire des sous-marins. Cela nous permet de faire avancer l'idée de la défense commune.
Nous disposons d'une agence européenne de l'armement, l'OCCAR, qui répond tout à fait à nos souhaits. Cela fonctionne déjà dans le domaine aéronautique. On peut aller plus loin, mais il faut des points de départ.
Finalement, les choses avancent quand on les fait avancer ! Voyez pour l'Europe monétaire, qui est considérée comme une grande réussite. Combien de temps a-t-il fallu pour la mettre en place ? L'euro n'est pas si vieux !
L'idée d'une Europe de la défense a été lancée il y a beaucoup moins longtemps. Je trouve, pour ma part, que l'on avance beaucoup plus vite aujourd'hui. Bien sûr, on pourrait faire mieux ; mais cela dépendra des budgets que chacun voudra bien y consacrer.
La France donne l'exemple. L'année dernière, le budget de la défense représentait à peu près 1,70 % du PIP. Cette année, il sera largement supérieur et, à la fin de la nouvelle loi de programmation, il représentera un peu plus de 2,1 %. Je crois que c'est tout à fait significatif.
Cette année, le Portugal, malgré les difficultés économiques qu'il rencontre, a décidé d'augmenter son budget de la défense ; le budget de la Grèce est assez élevé ; malgré leurs difficultés, l'Italie, la Belgique et l'Espagne ont décidé de maintenir leur budget. Il est vrai cependant que l'Allemagne traverse une période délicate et que d'autres pays sont à la traîne.
Nous essayons de convaincre ces pays-là d'augmenter leur budget de la défense. Nous essayons surtout de les convaincre que la responsabilité d'un gouvernement est de répondre à ce besoin premier qui est celui de la sécurité de ses citoyens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse. J'ai peut-être dépassé le temps qui m'était imparti et, malgré cela, ma question vous a sans doute paru un peu schématique, voire simpliste.
Naturellement, madame la ministre, je n'ai rien à répliquer à votre remarquable réponse. Je souhaite néanmois vous poser le corollaire de cette question qui porte sur la politique d'exportation de la France. Pour soutenir notre industrie - je crois que nous partageons tous ce souci -, pour lui donner les moyens de se développer, d'être compétitive, bref d'exister, il faut absolument exporter. Et je pense plus spécifiquement aux sous-marins et aux frégates multi-missions au sein de la nouvelle société Armaris qui vient d'être créée et développée.
En définitive, pour que la politique européenne de la défense existe, il faut une politique d'exportation, car tout cela concourt au même but. Finalement, il faut que notre industrie française de l'armement vive, puisse exister et se développer.
M. le président. La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer. Mes interrogations, madame la ministre, portent sur l'avenir de la défense européenne qui a déjà été évoquée il est vrai, ce qui témoigne, au delà d'une absence de concertation en la circonstance, de notre préoccupation dans ce domaine.
La déclaration franco-britannique de Saint-Malo, le 4 décembre 1998, a marqué l'étape fondatrice de la construction d'une Europe de la sécurité et de la défense. Traduisant cette initiative, les deux conseils européens de Cologne et d'Helsinki en 1999 ont donné les moyens à l'Union européenne d'intervenir pour prévenir et gérer les crises, y compris dans le domaine militaire, avec ou sans recours aux moyens de l'OTAN, en définissant des objectifs parmi lesquels figure une force durablement projetable.
La montée en puissance de cette capacité politique et militaire commune a été confirmée par les conseils européens de Feira, de Nice, de Laeken et enfin de Séville. Même si quelques résultats tangibles ont été obtenus en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, le sentiment dominant reste que l'Europe de la défense se heurte encore à deux obstacles majeurs, l'un politique, l'autre financier.
D'un point de vue politique, on peut s'interroger sur les dissensions qui se font jour depuis quelques semaines sur le rôle et sur la place d'une force militaire européenne.
Le 26 octobre, l'Union européenne devait reprendre le flambeau de l'OTAN à la tête de l'opération de maintien de la paix en Macédoine. Cette ambition était certes modeste puisqu'elle ne concernait que 700 hommes, mais il s'agissait d'une première. Il faudra attendre au moins jusqu'à la mi-décembre pour que les Quinze assument cette responsabilité.
Certains de nos partenaires, dont la Grande-Bretagne, conditionnent la mise sur pied de cette opération militaire à la conclusion d'un accord sur les relations permanentes entre l'Union européenne et l'OTAN. Or cet accord bute depuis plus d'un an sur l'opposition entre la Grèce et la Turquie. Si Athènes a accepté fin octobre un texte de compromis, on attend toujours la réponse d'Ankara.
Peut-on espérer une réponse avant le prochain sommet de Copenhague ? Si tel n'est pas le cas, est-il envisageable que l'Union européenne intervienne en Macédoine hors du cadre de l'OTAN ou la mission de cette dernière sera-t-elle renouvelée pour six mois ? Pouvez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur la situation actuelle ?
Le volet financier est lui aussi essentiel. M. Javier Solana parle de débuts prometteurs. Pourtant, un peu partout en Europe, les situations budgétaires se dégradent et rien n'indique que d'autres pays soient prêts à suivre l'exemple de la France et de la Grande-Bretagne dans leurs efforts financiers en matière de défense. Chacun cherche plutôt à dépenser moins, mais mieux. Le budget français, pour sa part, obéit lui aussi à des impératifs économiques en matière d'emploi et d'aménagement du territoire.
Par ailleurs, le processus ECLAP - European capabilities action plan - lancé en février 2002, devait permettre de traiter nos lacunes capacitaires. Pouvons-nous enfin espérer des avancées substantielles dans le domaine de la projection stratégique, notamment pour le programme A 400 M - mais vous avez partiellement répondu à cette question tout à l'heure - ainsi que pour l'observation satellitaire et le drône d'observation ?
Enfin, l'Europe de la défense, c'est l'Europe de l'armement, comme cela a été dit. L'organisation conjointe pour la coopération en matière d'armement, l'OCCAR, était appelée à jouer un rôle majeur dans la conduite des programmes réalisés en coopération. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, où en est l'avancement des travaux de cette organisation qui paraît pour le moins discrète ?
Face à l'accroissement considérable de la concurrence américaine, le temps est venu de réévaluer en bloc le système d'achats militaires et la stratégie industrielle de l'Europe. L'annonce faite par le Royaume-Uni d'une commande de près de 16 milliards d'euros portant sur 150 F-35 JSF, destinés à ses prochains porte-avions, et la décision de six autres pays européens de consacrer une bonne partie de leur maigre budget de défense au développement de cet avion de combat américain portent un sérieux coup à la crédibilité de l'industrie de défense européenne. Peut-on dès lors parler de la génération future d'avions de combat européens ?
Dans le domaine naval, trois programmes importants sont actuellement conduits en coopération : le missile air-air Meteor, le NH 90 et les frégates multimissions. L'inscription dans la loi de programmation 2003-2008 d'un deuxième porte-avions français ouvre une nouvelle perspective. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelle est actuellement l'approche des Britanniques concernant une coopération éventuelle sur ce programme majeur ?
Madame la ministre, la construction de l'Europe de la défense posant en réalité beaucoup plus de questions que je ne pourrai entendre de réponses de votre part dans le temps qui vous est imparti, je vous serais obligé de nous éclairer par écrit sur les interrogations que j'ai soulevées aujourd'hui.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, je vais m'efforcer de répondre brièvement à vos deux questions.
Je vous donnerai d'abord comme exemple des obstacles politiques à la construction de l'Europe de la défense celui de la Macédoine. Nous avons toujours dit que faire relever l'OTAN par l'Union européenne pouvait être une occasion de donner une visibilité à l'Europe de la défense. Techniquement, c'est tout à fait à notre portée, à condition que nous puissions effectivement bénéficier de soutien. En cas de crise, notamment si des besoins d'extractions de personnels se faisaient sentir, ils devraient être pris en charge par l'OTAN. Mais, à l'évidence, cela n'est possible qu'à partir du moment où l'accord OTAN-Union européenne est signé.
Or, comme vous l'avez souligné, jusqu'à présent, le différend entre la Grèce et la Turquie - la Turquie fait partie de l'OTAN, mais pas de l'Union européenne - a bloqué le processus. Nous espérons qu'avant le sommet de Copenhague ou lors de ce sommet, la Turquie donnera son accord. Cela dit, je crains que la contrepartie exigée ne soit relative à Chypre, par exemple. Par conséquent, une incertitude demeure en la matière.
Nous pourrions, il est vrai, réaliser une opération seuls, si je puis dire. Mais cela poserait le problème de la capacité de soutien qui impliquerait, à ce moment-là, une mobilisation beaucoup plus importante.
S'agissant de la Macédoine, nous avions dit que, de toute façon, nous n'interviendrions que si l'OTAN se retirait. En fait, il semble que le mandat de l'OTAN ait été prolongé au-delà du 15 décembre prochain, c'est-à-dire probablement pour un, deux ou trois mois. Ce n'est donc qu'à ce moment-là que l'opération pourra avoir lieu.
En revanche, dans le courant de l'année 2004, il est possible qu'une deuxième opportunité se présente, celle-là beaucoup plus facile : ce serait la relève en Bosnie. Bien entendu, il peut y avoir d'autres cas d'intervention dans des crises d'un autre genre, mais entrant dans les objectifs d'Helsinki.
S'agissant des obstacles financiers, vous avez souligné un certain nombre d'éléments préoccupants, tels que l'adhésion d'un grand nombre de pays au programme JSF pour un avion qui n'est pas encore complètement finalisé, avec une recherche très onéreuse et qui préempte, finalement, une grande capacité de la recherche-développement d'un certain nombre de pays européens. Je crois que des efforts doivent être accomplis, mais peut-être est-ce dû aussi à ce que je disais tout à l'heure, à savoir que, jusqu'à ces derniers mois, un certain nombre de pays n'avaient pas la certitude que l'Europe de la défense se construisait dès lors que la France ne manifestait pas elle-même sa volonté de donner un signal fort en la matière.
En ce qui concerne le deuxième porte-avions - je serai brève, parce que j'ai déjà répondu à un certain nombre des questions que vous avez posées, monsieur le sénateur ; le cas échéant, je vous répondrai par écrit - j'ai été frappée par le fait que les Britanniques, qui ont procédé à leur choix d'avion avant nous, aient voulu préserver la possibilité d'une coopération.
Les Britanniques conservent des systèmes qui sont différents des nôtres. Aujourd'hui, ils ont non pas un système de catapultage, mais un système de tremplin. Pour autant, leurs projets intègrent la possibilité de passer ensuite au catapultage, en changeant d'ailleurs d'avion, ce qu'ils envisagent de faire. Mon collègue Geoffrey Howe m'a téléphoné pour me dire que, s'ils avaient choisi ce modèle, c'était pour préserver la possibilitté d'établir une coopération avec la France.
Dès que votre Haute Assemblée aura voté la loi de programmation militaire, car il ne serait pas convenable de ma part de prendre une décision avant, j'ai l'intention, si tel est bien le cas, de désigner un groupe de travail. Celui-ci sera chargé, dans les six mois, de réaliser une étude sur toutes les données des différents modes de propulsion, des diverses formes de coopération, avec leurs avantages et leurs inconvénients, et les différents coûts, de façon que, avant l'été, nous puissions faire ce choix. J'espère - mais je n'en suis pas sûre aujourd'hui, faute d'avoir les données nécessaires - qu'il pourrait être un exemple de coopération européenne.
M. le président. La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer. Je vous remercie, madame la ministre, des éclaircissements que vous m'avez apportés et de la conviction dont vous faites preuve.
L'édification d'une défense européenne doit effectivement être affirmée comme une priorité. C'est la raison qui nous guide, car nous ne sommes pas en mesure de répondre seuls aux défis qui nous attendent.
Notre peuple aussi, dans sa sagesse, nous le demande, dans une proportion des trois quarts, selon les enquêtes d'opinion qui ont été réalisées dans les pays européens. Parmi ceux-ci et parmi les pays candidats à l'Union européenne, membres de l'Alliance atlantique, notamment les derniers venus, certains sont enclins à penser que la défense collective reste exclusivement du ressort de l'OTAN. D'où la nécessité, me semble-t-il, d'un accord politique clair entre celle-ci et l'Union européenne.
Pour conclure, je crois qu'il n'est pas inutile de rappeler que le but premier de la construction européenne est d'assurer la paix, qui reste notre voeu le plus cher. Mais il est une citation de Végèce qui ne se démode pas avec le temps et que nous gardons en mémoire : Si vis pacem, para bellum. Nous avons réussi l'euro. Nous devons maintenant réussir l'Europe de la défense.
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Monsieur le président, je voudrais tout d'abord, à titre personnel, regretter le choix qui a été fait de confiner nos échanges avec le Gouvernement à quelques questions forcément réductrices, alors qu'un temps d'expression plus classique permettrait aux différents orateurs d'embrasser un champ plus large de réflexion. D'autant que les rapports qui sont présentés et les questions qui vous sont posées, madame la ministre, ont inévitablement tendance à se recouper, ce qui conduit à hacher un débat qui mériterait d'être plus global et, par conséquent, plus cohérent.
Je formulerai une deuxième observation, et non des moindres, tant la situation qui nous est proposée est paradoxale, pour ne pas dire incongrue. On nous demande de débattre et de nous prononcer sur les crédits pour l'année 2003 et l'on nous propose d'aborder, seulement après l'examen d'une une loi de programmation militaire pour 5 années, loi qui inclut notamment cette première annuité budgétaire pour 2003. Rosa Bonheur, peintre champêtre du coeur de la France, aurait pu appeler cette oeuvre gouvernementale « la charrue devant les boeufs ».
C'est faire bien peu de cas du débat parlementaire et tout simplement de la place du Parlement que se contenter d'affirmer que ce budget s'inscrit pleinement dans le cadre du projet de loi de programmation militaire adopté par le conseil des ministres le 11 septembre 2002, et qui ne sera abordé qu'au début de l'année prochaine.
J'ai d'ailleurs trouvé savoureux les propos tenus par MM. les rapporteurs spéciaux se réjouissant de la conformité entre cette loi de finances pour 2003 et la première annuité de la future - mais encore virtuelle - loi de programmation militaire. Il eût été stupéfiant qu'il n'en fût point ainsi !
Je consens volontiers que le suspense quant à l'adoption de cette loi de programmation militaire ne risque pas de nous tenir en haleine très longtemps. Mais après le discours du Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale sur la place éminente due au Parlement, cela prête à sourire.
Le temps qui m'est imparti étant très bref, je concentrerai mon propos sur l'Europe de la défense en posant ma première question.
Ce budget s'inscrit-il dans une réflexion stratégique à long terme et même à moyen terme ? Je m'autorise à en douter, car il n'est en réalité qu'un prolongement des analyses du Livre blanc de 1994, lequel n'était pas pris en compte dans la loi de programmation militaire qui s'achève, et un prolongement du modèle Armée 2015, ce dernier ayant été défini en 1996.
C'est ignorer à tout le moins que le contexte géostratégique a profondément évolué depuis et que l'Europe, qui nous concerne en premier lieu, a, elle aussi, connu des transformations importantes et s'apprête à en connaître de plus importantes encore avec l'élargissement qui va s'effectuer en 2004, quelques mois après un autre élargissement non négligeable, celui de l'OTAN.
Madame la ministre, nous n'ignorons pas la vieille propension française à l'autonomie en matière de sécurité et de défense, comme celle d'ailleurs de nos amis britanniques, mais nous ne pourrons durablement méconnaître les formidables bouleversements qui sont en train de s'opérer autour de nous. Je comprends bien qu'il ait pu y avoir une quelconque urgence en matière de communication, spécialité de M. Raffarin, en direction des militaires qui avaient si adroitement su manifester leur impatience dans les mois précédents, mais nous sommes sur des sujets d'une telle amplitude qu'il est imprudent de les aborder au pas saccadé.
Je n'ignore pas la récente proposition franco-allemande qui s'inscrit dans le cadre de la Convention et que je salue, car elle va, à mon sens, dans la bonne direction. Elle intervient alors que votre budget est « ficelé » et que la loi de programmation militaire est bouclée. L'aviez vous intégrée dans vos deux projets de loi, madame la ministre, et pouvez-vous nous dire, alors que l'accord n'était pas encore finalisé, en quoi les propositions que vous nous faites aujourd'hui en matière budgétaire en ont été réorientées, voire profondément inspirées ?
L'idée de coopérations renforcées, déjà avancée par votre prédécesseur, est un concept qui peut à l'évidence faire avancer l'Europe de la défense si l'on n'oublie pas d'ajouter qu'il y faudra des financements strictement communautaires, notamment en matière d'armement. Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter quelques informations sur deux projets d'armement majeurs qui nous préoccupent et qui relèvent justement de la coopération avec l'Allemagne - nous savons que les Britanniques sont également vigilants - il s'agit, bien sûr, de l'A 400 M, mais également du missile air-air Météor à longue portée ? Cela dit, vous vous avez déjà en partie répondu.
Nous aurons l'occasion, je l'espère, lors du débat sur la loi de programmation militaire, d'élargir nos questions et nos observations à la fois dans le temps et dans l'espace. Le budget que vous nous présentez donne l'impression, en espérant que ce ne soit pas une illusion, d'une sorte d'orientation vers une forme d'autosuffisance militaire, réjouissante comme je l'ai dit tout à l'heure pour quelques vieux réflexes hexagonaux, pas seulement confinés dans les sphères militaires.
Votre budget ne nous rassure pas complètement sur votre volonté de construire une authentique Europe de la défense, qui sera, bien entendu, la seule à même de répondre aux nouveaux défis auxquels nous serons confrontés, l'un des moindres n'étant pas d'ailleurs les choix hégémoniques en matière de sécurité et de défense faits par nos amis américains.
Enfin, pour conclure, madame la ministre, un aspect essentiel de votre budget me préoccupe : sa sincérité.
Tout d'abord, est-il en mesure d'échapper aux rigueurs hivernales de Bercy, mais surtout ne seriez-vous pas en train de nous présenter un budget en trompe l'oeil ?
Je m'explique : c'est la première fois, depuis que je suis parlementaire, qu'un gouvernement est l'auteur, avec la complicité d'une majorité complaisante, pléthorique et silencieuse, de deux projets successifs pour la même année. L'un a été présenté et voté à l'Assemblée nationale et l'autre, différent du premier, est soumis au Sénat. Cette innovation - le double budget, est le prix à payer par le Gouvernement, qui doit faire face à une conjoncture difficile, sans doute, mais qui est surtout victime des mauvais choix de sa propre politique économique, qui l'ont conduit à donner un chiffrage fantaisiste des perspectives pour l'année 2003.
Les gels et suspensions de crédits sont déjà en préparation à Bercy, tout le monde le sait. On nous laisse entendre que le budget de la défense serait « sanctuarisé ». Dont acte ! Nous saurons patienter encore quelques semaines. En attendant, madame la ministre, nous craignons fort que ce budget pour 2003, dont vous êtes si fière, ne connaisse le même sort que les budgets présentés par la même majorité de droite entre 1994 et 1996.
Aussi, dans l'attente de la deuxième annuité de la future loi de programmation militaire, dont chacun sait bien, depuis quarante ans, qu'elle est la plus périlleuse pour tous les gouvernements, le groupe socialiste s'abstiendra en espérant que nos rapporteurs, si euphoriques, n'ont pas d'abord mangé leur pain blanc.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ce budget s'inscrit-il dans une réflexion stratégique à long terme ? Oui, monsieur le sénateur ! La preuve en est qu'il constitue une rupture avec le budget de ces dernières années. En effet, il prend en compte la réalité du danger, ce que mes prédécesseurs n'ont visiblement pas fait, puisqu'ils vous ont présenté des budgets en baisse constante.
En outre - et il représente en cela une deuxième rupture - nous avons tenu compte, dans la loi de programmation militaire, des besoins, notamment en matière de lutte contre le terrorisme. Face à ce terrorisme de masse, qui est nouveau dans notre histoire, nous savons que la première des préventions, c'est le renseignement. C'est la raison pour laquelle des efforts particuliers sont accomplis dans ce domaine : des moyens matériels, notamment par les satellites et par les drones, qui sont prévus dans la loi de programmation militaire, mais également des renseignements humains, avec la création d'un certain nombre de postes.
L'autre élément que, visiblement, le gouvernement précédent n'a pas pris en compte, c'est la multiplication des crises locales. Certains, après la chute du mur de Berlin, je le disais tout à l'heure, qui étaient peut-être empreints de certaines idéologies, tournés vers un certain pacifisme, avaient voulu les ignorer. Pour notre part, nous les voyons, et nous les prenons en compte. Nous disons, notamment, que nous avons besoin de moyens de projection pour faire face à ces situations, en particulier pour protéger à la fois nos compatriotes et les étrangers qui doivent affronter un certain nombre de crises. Aujourd'hui, la Côte d'Ivoire en est un exemple.
Par conséquent, nous insistons sur les moyens de transport stratégiques et nous regrettons que nos prédécesseurs aient pris un tel retard que, nous risquons d'avoir à un moment donné, - cela a été souligné à plusieurs reprises - des ruptures de capacité.
De la même façon, si nous avons choisi d'inscrire maintenant un deuxième porte-avions, alors que cela aurait pu être fait plus tôt, c'est également parce que nous prenons en compte cette nouvelle donne.
Ces quelques exemples montrent, monsieur le sénateur, que ce projet de budget s'inscrit, comme la loi de programmation militaire, dans une vision à long terme, qui s'inspire, il est vrai, des analyses figurant dans le Livre blanc, mais il sait aussi s'adapter aux besoins nouveaux.
Ce budget est-il hexagonal ou intègre-t-il la notion de l'Europe ? Bien entendu, c'est un budget national, par la force des choses. Cela dit, notre vision n'est nullement hexagonale. Nous savons, en effet, que si nous avons besoin d'avoir une certaine autonomie de décision - et c'est la raison pour laquelle nous insistons sur nos capacités d'informations, nos capacités de renseignements et notre capacité à nous défendre nous-mêmes -, la vraie défense ne peut se réaliser que dans un cadre plus large, notamment européen. C'est pourquoi bon nombre de nos programmes intègrent cette coopération renforcée avec un certain nombre de pays.
Ce budget est-il sincère ? Il correspond totalement, je vous l'ai dit, à la loi de programmation militaire qui a été votée la semaine dernière, dans sa première formule, par l'Assemblée nationale.
Il me semble que, s'agissant de la dernière loi de programmation militaire, dès la première année, celle-ci n'a pas été respectée. Eh bien ! pour notre part, nous avons au moins la sincérité d'avoir un premier budget et je peux vous dire que ce ne sera pas simplement le premier budget. Il m'est arrivé de faire certains paris avec des parlementaires. Je suis prête à en faire de nouveaux avec vous pour les prochains budgets. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Madame la ministre, je veux bien parier avec vous : nous avons du pouilly et du sancerre de qualité dans nos régions. (Sourires.)
J'ai bien entendu qu'il s'agissait d'un budget de rupture. J'allais dire, excusez le propos : c'est de bonne guerre, avec un changement de majorité. Nous avons également joué à ce petit jeu en 1997. Malheureusement, on sait que parfois cela ne dure pas aussi longtemps qu'on le souhaiterait.
Vous avez évoqué cette rupture, notamment dans le domaine du renseignement, madame la ministre. Je suis très attentif à ce qui nous est dit par les différents chefs d'état-major, les ministres, les industriels, sur l'état déplorable de nos troupes. Cependant, j'ai cru comprendre qu'en Afghanistan on avait vanté les mérites de nos services de renseignement. D'ailleurs, on a même dit que les Américains s'en étaient servis abondamment pour pouvoir affronter les difficultés du terrain. Si nos services de renseignement avaient été en aussi mauvais état qu'on l'a prétendu au moment de la guerre en Afghanistan, je ne sais pas comment on aurait pu faire.
Il en va de même de l'excellent comportement de nos troupes en Afghanistan. Il n'y a pas très longtemps, on a également vanté l'excellent comportement de nos troupes en Côte d'Ivoire. Alors, soyons rassurés ! Vous n'êtes pas totalement partie de zéro, madame la ministre, et l'état de la situation de nos troupes n'était pas aussi catastrophique qu'on a bien voulu le dire.
Tout à l'heure, j'ai écouté avec attention l'un des rapporteurs spéciaux parler du titre III. Je voudrais tout de même lui faire remarquer que, hors entretien programmé des matériels, le titre III a été en constante augmentation depuis 1997. En ce qui concerne l'annuité 2002, il avait connu une forte augmentation, à peu près équivalente à celle qu'il a enregistrée entre 2002 et 2003.
Par conséquent, il ne faut pas dire que c'est tout blanc ou tout noir. Il est probable que tout n'a pas été fait. Je rends cependant hommage au rapporteur spécial, qui a bien voulu rappeler le travail accompli par le précédent gouvernement quant à la mise en place de la professionnalisation des armées. Celle-ci a été mise en oeuvre au cours des années 1996-1997 dans la plus grande improvisation et nous avons dû y faire face.
M. le président. La parole est à M. Xavier de Villepin.
M. Xavier de Villepin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au-delà des éléments très positifs qui caractérisent le budget de la défense pour 2003 et que nos rapporteurs ont à juste titre soulignés, je voudrais aborder trois interrogations qui concernent l'efficacité de l'Etat dans notre politique d'équipement et nos industries de défense.
Ma première remarque porte sur la délégation générale pour l'armement, la DGA.
La réforme de la DGA constituait l'un des axes forts de la dernière loi de programmation, avec l'ambition de réduire le coût des programmes et de développer la coopération européenne. Le projet de loi de programmation 2003-2008 nous semble discret sur le sujet.
Mme Hélène Luc. Très juste !
M. Xavier de Villepin. Doit-on considérer que les objectifs ont été atteints et que l'évolution est achevée ?
Je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous précisiez vos orientations pour la DGA.
Un chemin important a été accompli. Des progrès ont été obtenus. Cependant, lorsque nous regardons autour de nous en Europe, par exemple en Grande-Bretagne, nous voyons que d'autres pays ont entrepris des évolutions considérables. Ne pensez-vous pas que la France pourrait aller plus loin dans l'allégement et la simplification de l'organisation et des structures ainsi que dans la modernisation des méthodes d'acquisition, qui paraissent toujours lourdes et soumises à de nombreuses contraintes réglementaires et administratives ?
Ma deuxième remarque concerne la DCN.
Le Sénat a approuvé l'an passé, la transformation de la DCN en société, tout en jugeant, madame la ministre, cette réforme tardive et insuffisante, compte tenu de l'évolution très rapide du paysage industriel de la construction navale. Nous avions notamment voté un amendement destiné à permettre l'ouverture du capital de cette société.
Plusieurs hypothèques continuent aujourd'hui de peser sur l'avenir de la DCN : le montant de sa capitalisation, le financement des investissements nécessaires à la modernisation des infrastructures industrielles, la question de la neutralité de l'application de la TVA pour la marine, la capacité à s'adapter à la concurrence sans modifier la structure si particulière de son personnel. Nous avons également constaté la lenteur avec laquelle s'est constituée la société commune avec Thalès.
Mon inquiétude porte sur la possibilité, pour DCN, d'évoluer en profondeur et suffisamment vite pour pleinement faire valoir sa compétence technique dans les évolutions industrielles en cours. Certes, le carnet de commandes est important, mais il faut aussi compter avec la concurrence internationale, qui s'accroît, ce qui exige d'anticiper la restructuration nécessaire.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Xavier de Villepin. Enfin, j'évoquerai GIAT-Industries, dont le plan économique et social vient à échéance en cette fin d'année. Pour de multiples raisons, GIAT-Industries n'est pas parvenue à réaliser son retour à l'équilibre.
Alors que plusieurs recapitalisations successives ont porté à 3,7 milliards d'euros les financements accordés à la société depuis sa création, l'heure est désormais venue, semble-t-il, de fixer des perspectives réalistes pour l'avenir de notre industrie d'armement terrestre. Quelles activités est-il raisonnable de conserver ? Que doit-on regrouper, voire abandonner ? A quelles conditions peut-on définir, pour GIAT-Industries, un périmètre et une organisation viables ?
Je souhaiterais que vous puissiez, madame la ministre, sinon dévoiler les décisions prises par le Gouvernement, du moins nous éclairer sur les grandes options qui se présentent et sur les orientations qui nous semblent les plus souhaitables. En la matière, la clarté et la transparence seront indispensables, à l'égard tant du Parlement que de l'opinion publique et, bien entendu, des personnels.
Je conclurai cette intervention en remerciant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ses rapporteurs et son président, et en vous exprimant, madame la ministre, la profonde estime que m'inspire l'action que vous menez pour assurer la modernisation de la défense nationale. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, ces dernières années, la DGA s'est profondément transformée et modernisée, et ce dans plusieurs sens. L'objectif lui avait été fixé de réduire ses coûts de 20 % à 30 %, il a été atteint pour une bonne part. Elle devait également mieux intégrer ses relations, notamment avec les états-majors. Là aussi, des progrès ont été réalisés. Elle devait, à cet égard, davantage se pencher sur les programmes et se comporter comme un concepteur plus que comme un fabricant. C'est en passe d'être acquis.
Il reste cependant sans doute des progrès à faire. J'ai demandé au directeur général de l'armement ainsi qu'au secrétaire général de l'administration, d'une part, de me faire un bilan très précis des résultats de ces évolutions et, d'autre part, d'examiner les moyens d'aller plus loin encore dans la modernisation, notamment en ce qui concerne les procédures.
A cet égard, nous venons d'ouvrir un portail Internet pour passer des marchés : il sera opérationnel en 2003. C'est une façon d'accélérer un certain nombre de procédures.
De la même façon, j'ai demandé qu'une réflexion soit menée sur des financements innovants qui nous permettront d'aborder ces problèmes d'une façon nouvelle.
En ce qui concerne donc la DGA, des progrès ont été accomplis ; d'autres restent à faire et j'estime qu'ils sont possibles.
J'en viens à DCN. Un certain nombre de lourdeurs liées notamment à son ancien statut public sont en train de disparaître progressivement. Cependant, au-delà de son changement de statut, DCN a aussi un savoir-faire, des qualités et l'expertise des personnels ; il faut les garder. C'est l'ajustement entre les deux qui se fait aujourd'hui. Je ne dis pas que c'est facile - il existe encore des freins et des tensions - mais j'ai vraiment le sentiment, notamment après avoir rencontré les cadres de DCN, qui étaient réunis à Versailles il y a quelques semaines, qu'une véritable volonté, une véritable foi dans l'entreprise les anime. Et c'est ce qui compte le plus.
Finalement, ce que vit DCN est un peu ce que je souhaite pour GIAT-Industries : des perspectives durables, moyennant d'autres efforts, certes, mais des perspectives, autrements dit le contraire de ce qui s'est passé ces dernières années. Car on n'a pas forcément pris la juste mesure de ce qui était économiquement possible et de ce qui ne l'était pas.
Vous le comprendrez, il m'est difficile d'entrer dans les détails. Il revient, en effet, au président de l'entreprise, dans le cadre de procédures spécifiques, d'informer en priorité les représentants des personnels, au risque, sinon, d'annulations, ce que je ne souhaite pas.
Je peux simplement vous donner les grandes orientations. Il s'agit de redonner un vrai projet industriel à GIAT-Industries, qui s'appuie en partie sur le MCO, les munitions, un certain nombre de programmes tels que le VBCI. Mais c'est à la direction de l'entreprise d'opérer les ajustements nécessaires et de proposer des solutions, sous réserve du respect de trois principes.
Le premier principe, c'est une perspective économique viable et solide. La deuxième, c'est la prise en compte de la situation de tous les personnels. La troisième, c'est l'obligation d'une véritable vision de l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Autexier.
M. Jean-Yves Autexier. Madame le ministre, votre budget présente bien des sujets de satisfaction. Le premier est certainement la remise à niveau de l'outil de défense, la remise à niveau d'un budget de défense. Depuis 1996, en effet, le titre V servait à payer les frais des opérations extérieures et de la professionnalisation. Cette politique a engendré des dégâts considérables pour notre industrie de défense et pour la disponibilité des matériels.
Il faut se satisfaire de l'effort que vous faites pour la condition militaire, qui avait également besoin d'un engagement concret.
Les moyens de la dissuasion stratégique, le missile M 51, les deux sous-marins de nouvelle génération sont maintenus, l'effort de simulation poursuivi. C'est l'outil de l'indépendance de notre diplomatie, qui nous permet, avec l'augmentation du budget de la défense, de parler clair, notamment aux Nations unies. De tout cela, très sincèrement, je me réjouis.
Je voudrais cependant vous interroger sur quelques traits anciens que je trouve encore dans ce budget, et d'abord une priorité excessive donnée aux opérations extérieures sur les besoins de la défense du territoire.
Vous le savez, 14 000 hommes sont engagés dans les opérations extérieures. Depuis dix ans, nous y consacrons chaque année en moyenne 620 millions d'euros. Mais la situation a changé depuis le 11 septembre 2001. Les puissances que nous sommes ne sont plus sanctuarisées. La menace est multiforme : elle est bactériologique, elle est chimique. Nos approches maritimes sont vulnérables. Il en est de même des centrales nucléaires, des points d'approvisionnement en eau potable et des relais de radio et de télévision.
Madame le ministre, la défense civile n'est pas liée à la défense militaire, comme notre collègue Paul Girod l'a exposé lors du débat sur le budget du ministère de l'intérieur. La convergence entre la sécurité extérieure et la sécurité intérieure est à inventer.
En résumé, madame le ministre, la panoplie des armements dont nous disposons est-elle adaptée à l'évolution de la menace ? Les concepts restent-ils appropriés ? J'ai beaucoup entendu parler du modèle Armées 2015. Ce modèle n'est-il pas à repenser depuis les événements récents ?
Notre collègue de l'Assemblée nationale, rapporteur des crédits de l'armée de terre, consacre même un chapitre au « poids des missions intérieures ». C'est un poids ? C'est le monde à l'envers ! Non, la défense, c'est, naturellement, d'abord la protection de nos concitoyens. On en est arrivé à une telle priorité donnée aux capacités de projection à l'extérieur que les missions intérieures comme Vigipirate sont devenues un « poids ». Or, vous le savez bien, les moyens alignés contre une éventuelle attaque bactériologique et chimique sont dérisoires.
En matière d'équipement de nos forces navales, le porte-avions, les deux bâtiments de projection et de commandement sont une chose. Mais vous savez que nos approches maritimes sont fragiles. Le naufrage de l' East Sea, le 17 février 2001, a montré que des lacunes subsistaient. J'ai noté que vous mettiez désormais en oeuvre de nuit les sémaphores et que huit sémaphores supplémentaires fonctionneraient en Méditerranée. Le programme SPATIO-NAV devrait entrer en service en 2008. C'est une bonne chose. Cependant, le trafic maritime ne nécessiterait-t-il pas très prochainement une surveillance en amont ? Les dix-sept frégates multimission qui sont programmées - moyennant le délai de livraison - correspondront-t-elles à ce besoin ? Car c'est là que sont désormais les risques et les menaces.
Pourrons-nous assurer la protection des transports pétroliers et, plus globalement, la sécurité de nos approvisionnements maritimes ?
Bref, l'anticipation depuis la haute mer nécessite des moyens de flotte de surface extrêmement importants.
Il en est de même pour l'armée de l'air. J'ai noté que le système de commandement et de conduite des opérations aériennes verrait sa réalisation échelonnée jusqu'en 2010. J'attends des éclaircissements, car la politique de la France paraît, madame la ministre, conditionnée par la volonté de servir de « nation cadre », pour les opérations extérieures, les OPEX.
Mais, sur notre propre territoire, où en est le système de détection et d'alerte, notamment pour les centrales nucléaires ? Les menaces de missiles ? L'essentiel me paraît toujours dirigé vers les opérations extérieures.
Il me semble que le terrorisme réinvente avec beaucoup d'acuité le lien armées-nation et que cette polarisation vers les opérations extérieures risque de nous faire oublier l'essentiel. Je vous interroge donc, madame la ministre : ne vous paraît-il pas nécessaire, au moment où cette menace se fait jour, de réfléchir aux conséquences de l'abandon de la conscription ?
Ne faudrait-il pas creuser l'idée d'une garde nationale de 60 000 hommes et femmes, capables d'assurer des missions rustiques, comme la protection des points d'eau potable ou bien celle des points sensibles en cas de crise terroriste majeure, et ce pendant un service très court ?
Ces questions, madame la ministre, ont trait à des évolutions de longue date. En vous les soumettant, je n'ai nullement l'intention de vous accabler d'une responsabilité qui n'est pas la vôtre. J'ai d'ailleurs commencé par saluer l'effort qui était réalisé avec ce budget.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, la défense de notre territoire est assurée, et elle passe aussi par les opérations extérieures.
Vous avez parlé des réseaux : ils sont protégés.
Vous avez parlé des risques liés à l'accès par mer à notre territoire en notant vous-même que, dans ce budget et encore plus dans la loi de programmation militaire, la protection était mise en place, notamment par le biais de l'informatisation des sémaphores.
Vous auriez pu parler également des radars qui permettent, eux aussi, d'assurer la protection de notre territoire.
Vous avez évoqué les sites sensibles et les centrales nucléaires. Nous y veillons : il existe des systèmes de surveillance que vous me pardonnerez de ne pas vous détailler ici mais qui participent à cette protection.
Donc, la protection du territoire est effectivement prise en compte, et c'est un poids que les armées assument normalement, de la même façon qu'elles assument également le plan Vigipirate, pour lequel un peu moins de 1 800 hommes sont mobilisés. Les armées interviennent aussi par exemple, après une tempête, lorsqu'elle a provoqué de nombreuses destructions et affecté nos concitoyens, ou encore dans les cas de pollutions. Les militaires s'acquittent très volontiers de ces missions, leur rôle étant d'assurer la protection, la sécurité et la défense de nos concitoyens sur notre territoire comme à l'extérieur. C'est alors que nous avons besoin d'une force de projection, pour pouvoir aller défendre nos concitoyens lors de certaines crises dans lesquelles ils sont directement mis en cause et menacés.
Les OPEX sont également nécessaires dans un certain nombre d'autres cas, pour éviter, par exemple, qu'une crise ne dégènère et ne s'étende à l'Europe.
Qu'avons-nous fait dans les Balkans ? Nous sommes intervenus parce qu'une guerre s'y déroulait, à moins de mille kilomètres de nos frontières, et que le risque était grand qu'un autre pays européen ne soit pris dans le conflit, ce qui, compte tenu de nos accords, nous aurait contraints à intervenir. Nous aurions alors été en guerre. Les OPEX servent donc à nous protéger.
S'agissant des nouveaux risques, notamment ceux qui sont liés au terrorisme, il est parfois nécessaire d'engager des poursuites aux sources mêmes comme ce fut le cas enAfghanistan. Certains d'entre nous viennent de rendre hommage au travail qu'ont accompli les troupes françaises. Il a, en effet, été remarquable, car nos militaires protégeaient les Français en faisant disparaître les sources de terrorisme.
C'est la raison pour laquelle je pense que l'on ne peut opposer aux OPEX la protection du territoire et la protection de nos concitoyens sur le territoire national. Dans les deux cas, nos militaires remplissent une même mission, qui consiste à défendre nos concitoyens, à défendre notre territoire et à défendre les valeurs que nous portons tous. (Applaudissements sur les travées du RPR, desRépublicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Autexier.
M. Jean-Yves Autexier. Je vous sais gré, madame le ministre, de votre réponse. Simplement, l'appréciation que l'on peut porter sur l'équilibre entre les opérations extérieures et la défense de l'intégrité du territoire repose pour une part sur les crédits du titre V. Convenons que, sur la période que nous avons connue, les opérations extérieures, comme la professionnalisation des armées, ont été développées et conduites au détriment de crédits du titre V. Je souhaite, comme vous, que de telles pratiques n'aient plus cours. Nous en discuterons naturellement davantage au mois de janvier, lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire.
M. le président. La parole est à M. Paul Dubrule.
M. Paul Dubrule. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le budget de la défense pour 2003, qui constitue la première année d'exécution de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, augmente de 6,3 %.
D'une manière générale, sur les budgets, je me fais l'avocat des réductions et non pas des augmentations, à l'exception des budgets de l'armée, de la police et de la justice.
Le projet de budget de la défense pour 2003 est un bon budget.
Nous constatons enfin une inversion de tendance, qui devra être confirmée et confortée par le vote de la nouvelle loi de programmation militaire que vous défendrez très bientôt devant le Sénat, madame la ministre.
Après une période délicate pour nos armées, la professionnalisation de nos forces est en bonne voie. Ce budget leur donne les moyens d'agir et de progresser.
Ma première question porte sur les effectifs des armées.
Les effectifs des militaires professionnels sont désormais proches des objectifs. Pour autant, certaines catégories, telles que les jeunes sous-officiers, demeurent insuffisamment dotées, malgré un effort de recrutement louable, s'accompagnant de campagnes publicitaires attractives.
C'est dans ce cadre que l'armée de terre bénéficiera en 2003 de crédits, actuellement non répartis entre les armées et qui sont provisionnés sur le plan ministériel pour des mesures d'attractivité et de fidélisation, au sein du fonds de consolidation de la professionnalisation.
J'aurais souhaité, madame la ministre, que vous puissiez me tracer les grandes lignes de l'action que vous allez mener en la matière.
Concernant les personnels civils, le déficit d'effectifs demeure préoccupant, obligeant le redéploiement dans l'armée de terre de personnels militaires au profit des directions chargées du matériel et du soutien des forces.
Ce constat est bien évidemment préoccupant et je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez nous rassurer sur l'évolution de la situation et notamment sur les perspectives de recrutement de personnels formés, personnels dont je tiens à souligner le caractère indispensable, puisqu'ils sont appelés à constituer une composante majeure des éléments non projetables de l'armée de terre.
Enfin, d'après les informations dont nous disposons, les effectifs des réservistes demeurent inférieurs de près de 15 % à l'objectif fixé pour l'année 2002. Or, la contribution des réservistes de l'armée de terre aux opérations extérieures s'est notablement accrue depuis trois ans.
De plus, dans la perspective de la contribution des armées à la sécurité intérieure, la réserve opérationnelle doit être mise en place.
Or les dotations dévolues aux réserves sont maintenues à leur niveau de 2002, alors que le projet de loi de programmation militaire prévoit un renforcement de ces moyens dès 2003, puis tout au long des six prochaines années.
J'aimerais, madame la ministre, que vous puissiez nous rassurer sur ces crédits et sur l'action que vous envisagez pour renforcer l'attractivité de la réserve, car notre armée en a besoin. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, nous avons en effet des problèmes de recrutement, ce qui est d'ailleurs le cas de toutes les armées professionnelles. Cela est dû au fait que nous sommes en concurrence, je le disais, avec un secteur privé qui offre souvent des salaires plus attractifs et dont les contraintes sont moindres.
C'est la raison pour laquelle nous avons créé le fonds de consolidation de la professionnalisation, fonds dont le but est d'accroître l'attractivité et de permettre la fidélisation.
Accroître l'attractivité et la fidélisation, c'est, d'abord, offrir des primes - soyons clairs - pour compenser les insuffisances salariales, notamment dans des secteurs où nous avons des besoins très particuliers en personnels. Je pense aux informaticiens et aux atomiciens, par exemple.
Mais il n'y a pas que cela : compte aussi, et pour beaucoup, l'image que donnent les armées.
Ce n'est pas avec des crédits en baisse, avec ce qu'il faut bien appeler - et qui se savait - une baisse du moral des armées, en partie liée au manque de disponibilité des matériels, et avec non pas un dénigrement, mais en tout cas une moindre considération des armées, que l'on donne envie à des jeunes - puisqu'il s'agit de jeunes gens et de jeunes filles - d'adhérer à une institution. Il faut que celle-ci soit porteuse d'idéal et de fierté, et ce n'était pas le cas au cours des dernières années.
A côté des mesures financières très concrètes dont je parlais tout à l'heure, des mesures sont donc aussi prévues pour porter et revaloriser l'image des armées, dans la loi de finances et dans la loi de programmation militaire : matériels en état, nouveaux matériels dont on puisse être fiers...
Au-delà, tous, nous devons nous attacher à montrer notre estime et notre considération aux hommes et aux femmes qui servent nos armées. J'entends, à cet égard, procéder à toute une série de communications, mais chacune et chacun d'entre nous est un peu responsable : chaque fois que vous le pourrez, en tant que représentants du peuple, manifestez votre considération aux armées. Non seulement, cela fait du bien aux armées, mais cela peut aussi toucher les jeunes que nous voulons recruter.
M. Paul Dubrule. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Sur les effectifs, je conclurai en vous faisant part d'un fait marquant que l'on me signalait hier : ce mois-ci, les demandes de renouvellement des contrats des personnels de l'armée de terre, notamment des sous-officiers, atteignent le taux de 75 %, ce qui ne s'était plus vu depuis longtemps, le taux, au cours de ces dernières années, ayant souvent été inférieur à 50 %. Peut-être la loi de programmation y est-elle pour quelque chose...
Quant aux perspectives de recrutement du personnel formé pour le soutien, elles sont inscrites dans la loi de programmation militaire et programmées dès 2003. Je vous le disais, je souhaite une bonne répartition entre les personnels militaires, dont la mission est militaire, et les personnels civils, qui contribuent au soutien et dont on ne parle probablement pas suffisamment, alors qu'ils ont un grand rôle au sein du ministère de la défense. Puis il y a toute une série d'opérations qui, parce qu'elles ne correspondent pas au métier essentiel du ministère de la défense, peuvent être externalisées de façon à ne laisser à ceux qui, militaires ou civils, ont une vocation pour la défense, que des activités correspondant à cette vocation.
J'en viens aux réservistes. La situation est moins bonne encore que vous ne le disiez : si les résultats sont inférieurs de 15 % aux objectifs, ce n'est vrai que pour les officiers. Les chiffres sont bien pires pour les sous-officiers, et pires encore pour les hommes de rang !
C'est la raison pour laquelle nous devons avoir une vraie politique de la réserve, politique que je pense avoir l'occasion de vous présenter à l'occasion du prochain projet de budget, puisque j'ai l'intention de consacrer l'année 2003 à la mettre en place. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Dubrule.
M. Paul Dubrule. Je suis très satisfait de la réponse et je ne peux résister à l'envie de parler de Rosa Bonheur, peintre animalier et sculpteur de Fontainebleau, qui sculpta un magnifique et puissant taureau qui pourrait être le symbole de l'armée ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame le ministre, permettez-moi tout d'abord de vous remercier en tant qu'ancien maire de Cherbourg. Je vous avais, en effet, alertée, lors d'une question orale, sur le sort des familles des victimes de Karachi. Je tiens à vous dire pour vous en remercier que la réponse qui a été apportée depuis est tout à fait satisfaisante.
Le projet de budget de la défense pour 2003 recouvre la première annuité de la loi de programmation militaire, loi que nous n'avons pas encore discutée et encore moins votée, mais c'est au sujet de DCN que je souhaite vous interroger, madame le ministre.
Le document budgétaire fait mention, à plusieurs reprises, du nécessaire accompagnement de la réforme statutaire de DCN et prévoit à cet effet 100 millions d'euros de crédits. Pourtant, les incertitudes demeurent.
Je rappelle que l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 transforme le « service à compétence nationale DCN » en une « entreprise nationale régie par le code de commerce, dont le capital est détenu en totalité par l'Etat ».
Je voudrais dire à cet instant que les propos de M. Villepin ne manquent pas de m'alarmer. En effet, si on pense dès maintenant ouvrir la capitalisation de DCN, je crains fort que la démarche entreprise n'aboutisse pas aux résultats que l'on attend.
L'article 78 prévoit au moment de la transformation de DCN en société nationale la conclusion d'un contrat pluriannuel entre l'Etat et la nouvelle société. Au-delà de ces 100 millions d'euros, rien ne semble cependant prévu dans le présent budget. Peut-être est-ce normal, mais pouvez-vous nous dire, madame le ministre, où en est ce contrat ? Il est lui-même conditionné par la constitution de la société nationale dont la capitalisation, et non pas la recapitalisation, car c'est une société nouvelle - est actuellement estimée à 540 millions d'euros, soit environ un tiers de son chiffre d'affaires.
Vous nous avez informés, madame le ministre, que cette opération n'entrerait pas dans le périmètre du budget de la défense, ce qui est une bonne chose. Mon inquiétude demeure cependant : la capitalisation aura-t-elle autant d'intérêt qu'elle a d'effets sur le budget ? C'est peut-être là que les propos de M. de Villepin prennent toute leur acuité.
Par ailleurs, dans l'attente de cette transformation, il était prévu, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2002, la somme de 20 millions d'euros pour le fonctionnement de « DCN développement », qui est la société de préfiguration de la future société nationale destinée à recevoir les apports. Si la société nationale n'est pas créée au 1er janvier 2003, ce qui semble probable - vous nous avez dit que la création interviendrait dans quelques semaines et je prends acte de votre déclaration -, la poursuite du financement de « DCN développement » au prorata du temps à courir est-elle prévue dans le projet de budget ?
La décision de créer cette société nationale a suscité de nombreuses réticences dans les établissements de DCN, d'abord du fait du changement de statut, ensuite du fait d'un manque de lisibilité sur l'avenir. Maintenant que la société a été créée, tout retard ne peut qu'ajouter à l'inquiétude et à la confusion au sein des établissements. La question qui inquiète les salariés de DCN, et sur laquelle le présent projet de budget ne donne aucune indication, est de connaître la part envisageable du plan de charge pour DCN dans la future loi de programmation militaire.
Evidemment, telle qu'elle est présentée actuellement, et si elle ne subit pas de modifications au fil des ans et des échéances budgétaires - avec le contrôle trimestriel, vous y veillerez, j'en suis persuadé -, la loi de programmation militaire 2003-2008 affiche des possibilités non négligeables pour DCN. Encore faut-il savoir quelle sera la part attribuée par l'Etat à cette société.
Les inquiétudes portent sur la coopération internationale, notamment pour ce qui concerne le second porte-avions. Le résultat des consultations que vous avez engagées, madame le ministre, n'est pas attendu avant le début de l'été 2003. La part de DCN sera fonction de l'accord qui sera ou non donné et de l'appel d'offres qui en résultera.
En ce qui concerne les frégates multimissiles avec l'Italie, DCN bénéficiera-t-elle de la totalité de la part prévisible, qui devrait être de dix-sept vingt-septièmes pour la France, en particulier dans le cadre de la commande des huit bâtiments prévus sur la durée de la loi de programmation ?
Quelle part restera à DCN dans la construction, à partir de l'année 2004, de six sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda, pour un coût estimé de six milliards d'euros, cette construction pouvant se réaliser en coopération avec l'Espagne ?
Avez-vous, madame le ministre, l'intention de mener une politique visant à des rapprochements industriels et des coopérations étroites avec des industriels français ou européens ? Si oui, avec lesquels ?
Toutes ces questions sont essentielles pour l'avenir de notre industrie d'armement, qui ne peut escompter rivaliser à l'exportation avec ses concurrents - ou son gros concurrent - que si elle dispose d'une part importante sur le marché national.
Les commandes d'exportations, tant pour l'Inde que pour le Portugal, sur lesquelles nous aimerions avoir des informations, devraient concerner des marchés de transfert de technologies. Quel serait le volume des emplois escomptés pour DCN dans ce type de contrat ?
DCN représentera, en 2003, environ 13 600 emplois. Pouvez-vous nous assurer de l'avenir de ces emplois ?
A la date du 30 juin 2002, nous constations déjà un sous-effectif - dont je ne vous tiens pas pour responsable - par rapport aux emplois budgétés dans le cadre de la loi de finances de 2002, notamment parmi les personnels à statut d'ouvriers d'Etat : moins 1 603 pour le groupe 5, et moins 308 pour le groupe 6.
Je tiens à vous préciser, madame le ministre, que les catégories 5 et 6 sont les catégories de jeunes travailleurs de l'Etat. Ils constituent donc l'avenir de l'entreprise.
C'est pourquoi je ne partage pas l'avis du rapporteur : les personnels à statut ne sont en aucun cas un handicap pour DCN. C'est même le contraire, puisque DCN, entreprise d'Etat, avait dégagé un bénéfice à l'exportation de 1 milliard de francs, de 1990 à 2001, ce qui démontre sa capacité à être compétitive.
On sait très bien que le handicap de DCN était structurel, notamment pour la passation des marchés.
Une dernière question, qui ne ressortit pas directement à votre compétence, mais peut-être pourriez-vous, madame le ministre, inciter la société en voie de reconstruction à avancer. La représentation syndicale de cette société doit prendre en compte l'ensemble des salariés et leurs représentants. Il serait souhaitable que cette question soit réglée le plus rapidement possible, et avant le 10 décembre prochain, date de la prochaine discussion.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, s'agissant de l'accompagnement du changement statutaire et des mesures qui y sont liées, le projet de loi de finances pour 2003 prévoit 100 millions d'euros tandis que la loi de finances rectificative prévoit 20 millions d'euros. Je réponds ainsi à notre question.
Comme je vous l'ai indiqué, nous avons obtenu que la capitalisation de la société DCN soit assurée en dehors du budget de la défense, à hauteur des besoins appréciés. Le contrat d'entreprise sera conclu, conformément d'ailleurs à la loi qui le prévoyait, au cours du trimestre suivant le changement de statut. Il est d'ores et déjà en cours de négociation.
Le contrat confortera certains des engagements d'équipement que l'Etat a décidé de confier à DCN, notamment les programmes prévus par le projet de loi de programmation militaire, tels que le quatrième SNLE, le Barracuda, le bâtiment de projection et de commandement. Toutes ces mesures permettent à DCN de « démarrer » et, me semble-t-il, de le faire dans de bonnes conditions.
La direction devra, bien entendu, conquérir ensuite des parts de marché, ce qui me semble tout à fait normal, et elle pourra le faire en coopération avec d'autres entreprises, notamment des entreprises européennes. Ce peut être un point de départ de cette industrie de l'armement européenne dont on parlait tout à l'heure, et je pense en particulier à son partenaire espagnol IZAR avec lequel DCN construit d'ores et déjà des bâtiments.
A toutes vos autres questions, je répondrai, si vous le voulez bien, monsieur le sénateur, par écrit, car je doute que M. le président ne me laisse le temps de le faire !
M. le président. La parole est à M. Jean-PierreGodefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. J'attends votre réponse écrite, madame le ministre !
M. le président. La parole est à M. Serge Vinçon.
M. Serge Vinçon. Madame la ministre, je tiens à vous féliciter et à vous dire que je ne suis pas inquiet - je dirai même que je suis plutôt rassuré - de ce que vous soumettez à notre vote, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, les crédits correspondant à la première annuité d'un projet de loi de programmation militaire qui n'a pas encore été adopté par le Parlement. Cela constitue un beau contraste avec les annuités jamais respectées d'une revue de programme et une revue de programme jamais votée par le Parlement !
Madame la ministre, le Gouvernement a entamé des réflexions et une concertation avec les partenaires sociaux du secteur privé et du secteur public pour réformer, et donc sauvegarder, les retraites. Qu'en sera-t-il au sein des forces armées ?
Il faut en effet rappeler qu'en matière de retraites les militaires sont placés dans une situation bien particulière. D'une part, partir tôt à la retraite a toujours été considéré comme une compensation des charges militaires et, d'autre part, les armées ont, plus que jamais, besoin de soldats et de sous-officiers relativement jeunes pour faire face aux contraintes du combat. Des carrières courtes ouvrant droit à la retraite existent donc depuis plusieurs décennies.
Cette problèmatique particulière justifie un traitement spécifique. C'est pourquoi je serais très heureux que vous puissiez nous indiquer où en sont les réflexions au sein de votre ministère, pour éviter que des craintes ne s'expriment parmi les personnels militaires. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Vous donnez un très bel exemple de concision, monsieur Vinçon !
La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez bien souligné les données du problème. Les retraites des militaires doivent répondre à la fois à un souci de justice et à un besoin réel des individus, mais prendre aussi en compte les nécessités de ce service si particulier qu'est le service des armées.
La réflexion sur l'ensemble des retraites ne fait que s'engager, mais je peux d'ores et déjà vous dire que le Gouvernement sera attentif à ce que les spécificités du métier militaire soient prises en compte dans le cadre de cette réflexion.
M. le président. La parole est à M. Serge Vinçon.
M. Serge Vinçon. En introduction, je disais être rassuré par le fait que vous nous soumettiez les crédits de la première annuité de la programmation. Je suis maintenant rassuré par votre réponse, ce dont je ne doutais pas, madame la ministre.
M. le président. La parole est à M. Robert DelPicchia.
M. Robert Del Picchia. Tout a déjà été dit ou presque, mais je voudrais, madame la ministre, vous poser quelques questions complémentaires.
La situation internationale est incertaine. Nous savons seulement que, en termes de géostratégie, nous sommes condamnés à pratiquer une forme de socratisme, c'est-à-dire que nous ignorons quel sera l'avenir et quelles menaces peuvent apparaître. C'est la raison pour laquelle nous n'avons plus le droit de négliger la cohérence de notre outil de défense. Cette nécessité de la dissuasion ou de la prévention ne nous oblige-t-elle pas à disposer de services de renseignement dotés, d'une part, de capacités d'écoute et d'observation articulées autour d'une triade satellites-avions-drones, et, d'autre part, des moyens de recruter et de conserver analystes et agents de terrain, qui représentent une compétence humaine indispensable ?
Par ailleurs, madame la ministre, l'avenir de nos industries passe par leur viabilité économique, et donc par la garantie de réels débouchés commerciaux excédant la sphère nationale. Peut-être convient-il de s'interroger sur les dispositifs qui permettraient de faciliter l'action de nos industriels ? L'exemple ne doit-il pas être donné sur le plan national ?
S'agissant maintenant des réservistes, ne faut-il pas prévoir des mesures leur permettant de concilier leur engagement avec leur vie professionnelle et les attentes de leurs employeurs ? Ne faut-il pas accorder des contreparties, y compris, éventuellement, des contreparties fiscales ?
Enfin, les problèmes de contrôle maritime ont été évoqués. Ma question paraîtra peut-être naïve au Sénat, mais je crois devoir la poser. Madame la ministre, il existe un contrôle aérien : un avion ne peut pas voler où il veut dès qu'il sort de son couloir aérien, il est rappelé à l'ordre. Ne devrait-on pas mettre en place un contrôle maritime le long des côtes françaises, voire européennes, afin d'éviter des catastrophes ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Face notamment à des menaces terroristes diffuses et très difficiles à appréhender, nous essayons de mettre en place un système satellitaire, qui nous fournit déjà bon nombre de renseignements, en particulier des images, et qui sera encore amélioré grâce aux nouvelles générations de satellites, entre autres Hélios-II et Syracuse. En outre, nos systèmes aéroportés fonctionnent relativement bien, en particulier Hawkeye, et nous développons des drones. Voilà pour les matériels.
Sur le plan humain, par rapport à d'autres pays - vous voyez ce dont je veux parler ! - nous disposons d'un avantage. Cependant, nous devons renforcer nos moyens humains dans le domaine linguistique. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de créer une centaine de postes, de façon à pouvoir obtenir des renseignements, y compris dans des zones où sont pratiquées des langues rares. A l'heure actuelle, c'est un véritable problème : nous avons trop peu d'agents dans un certain nombre de régions par lesquelles transitent de nombreux renseignements nous intéressant très directement.
Par ailleurs, nous essayons de définir des dispositifs visant à faciliter le travail des industriels, notamment leurs exportations. Bien entendu, les industriels sont au premier rang mais nous essayons de les soutenir. Certes, nous n'utilisons pas les méthodes des Américains, qui, pour reprendre la formule très diplomatique employée tout à l'heure par le président de la commission des affaires étrangères, utilisent des « moyens de conviction » (M. le président de la commission des affaires étrangères sourit) divers et pressants, mais nous essayons d'adopter une approche plus respectueuse des pays acheteurs.
On a évoqué tout à l'heure les transferts de technologie, or, au cours de mes déplacements, j'ai été frappée de constater qu'un certain nombre de pays n'ont plus envie d'être considérés comme des vaches à lait, à qui l'on vend d'ailleurs parfois certains matériels à des prix auxquels nous n'accepterions pas de les acheter. Ils attendent de notre part une prise en considération de leurs problèmes, qu'ils soient économiques, de développement ou même d'emploi. Il y a certainement une action à mener en ce sens.
En outre, l'Etat peut accorder des facilités. Ainsi, à propos d'un contrat avec la Pologne portant sur la livraison d'avions et d'hélicoptères, il est intervenu pour offrir les mêmes garanties ou les mêmes avantages, notamment en termes de prêts et de garantie de prêts, que ceux qui sont consentis par d'autres Etats.
En ce qui concerne les réservistes, sachez, monsieur le sénateur, que nous sommes conscients des problèmes. Je souhaite examiner ce dossier à fond au cours de l'année 2003. Les chefs d'entreprise seront consultés, et nous étudierons quelles sont les contraintes et les difficultés, afin de pouvoir proposer des solutions. Au-delà de l'aspect financier, voire fiscal, que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, il existe, chez les réservistes, un vrai sens du devoir et du service, qui mérite d'être pris en compte.
S'agissant enfin du contrôle sanitaire, vous suggérez de mettre en place un certain nombre de couloirs, à l'image de ce qui se pratique dans le secteur aérien. Nous avons d'ores et déjà fait beaucoup de progrès en matière de suivi des navires, mais le problème est probablement plus complexe que pour la surveillance du ciel.
Cela dit, on se dirige vers la mise en place de systèmes de guidage beaucoup plus sophistiqués. A ce propos, la dernière catastrophe écologique en date, consécutive au naufrage du Prestige, va probablement contribuer à sensibiliser les esprits, même si de très fortes oppositions se manifestent. Quoi qu'il en soit, le grand principe de la liberté des mers ne peut plus s'appliquer comme au temps de la marine à voile. Soyez assuré, monsieur le sénateur, que cette composante essentielle de la sécurité de notre pays est prise en compte par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de la défense et figurant aux articles 38 et 39.

Article 38