SEANCE DU 16 DECEMBRE 2002


M. le président. « Art. 4. - Il est annulé, au titre des dépenses ordinaires des services civils pour 2002, des crédits s'élevant à la somme de 1 461 681 773 euros, conformément à la répartition par titre et par ministère qui est donnée à l'état B annexé à la présente loi. »

Je donne lecture de l'état B annexé :

É T A T B



Répartition, par titre et par ministère,
des crédits annulés au titre des dépenses ordinaires des services civils



(En euros)



MINISTE`RES OU SERVICES


TITRE Ier

TITRE II

TITRE III

TITRE IV

TOTAUX
Affaires étrangères . . 9 300 000 62 784 755 72 084 755
Agriculture et pêche . . 22 385 474 47 401 500 69 786 974

Aménagement du territoire et environnement : I. - Aménagement du territoire

. . 749 000 40 454 000 41 203 000
II. - Environnement . . 16 620 000 9 790 000 26 410 000
Anciens combattants . . » 140 500 000 140 500 000
Charges communes 14 000 000 » 330 000 000 » 344 000 000
Culture et communication . . 4 347 536 9 698 344 14 045 880
Economie, finances et industrie . . 52 189 273 24 224 701 76 413 974

Education nationale : I. - Enseignement scolaire
. . 24 719 940 773 000 25 492 940
II. - Enseignement supérieur . . 4 900 000 » 4 900 000

Emploi et solidarité : I. - Emploi
. . 48 150 000 211 000 000 259 150 000
II. - Santé et solidarité . . 10 622 743 39 054 032 49 676 775
III. - Ville . . 2 130 056 58 000 000 60 130 056

Equipement, transports et logement : I. - Services communs
. . 15 753 047 » 15 753 047
II. - Urbanisme et logement . . 8 700 000 4 000 000 12 700 000
III. - Transports et sécurité routière . . 2 489 635 31 560 000 34 049 635
IV. - Mer . . 2 845 562 25 535 371 28 380 933
V. - Tourisme . . 711 394 » 711 394
Total . . 30 499 638 61 095 371 91 595 009
Intérieur et décentralisation . . 14 350 000 6 300 000 20 650 000
Jeunesse et sports . . 1 000 000 30 305 577 31 305 577
Justice . . 12 812 000 58 900 000 71 712 000
Outre-mer . . » 45 238 286 45 238 286
Recherche . . » 6 000 000 6 000 000

Services du Premier ministre : I. - Services généraux
. . 10 175 567 » 10 175 567
II. - Secrétariat général de la défense nationale . . 60 980 » 60 980
III. - Conseil économique et social . . » » »
IV. - Plan . . 1 150 000 »

1 150 000

Total général 14 000 000 » 596 162 207 851 519 566 1 461 681 773

Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 21, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 49, présenté par MM. Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Charasse, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :
« Titre IV. - Equipement, transports et logement :
« Annulations de crédits : 61 095 371 euros ;
« Réduire ces annulations de crédits de 20 000 000 d'euros. »
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° 21.
M. Thierry Foucaud. L'article 4 prévoit un volume non négligeable d'annulations de crédits, pour un montant total de près de 1,5 milliard d'euros. Le rapport de la commission nous les présente, pour l'essentiel, comme des « économies de constatation ».
Une telle présentation est pour le moins audacieuse, puisqu'elle découle, en fait, pour une bonne part, des mesures de gel de crédits prises dans le cadre du collectif de cet été. Elle correspond finalement à la logique profonde qui sous-tend la gestion des affaires publiques depuis plusieurs mois.
Il s'agit en effet, pour le Gouvernement, de tout mettre en oeuvre afin de réduire la dépense publique, au motif qu'il conviendrait de ne pas dégrader outre mesure le solde budgétaire global.
On ne peut évidemment se dispenser d'examiner d'un peu plus près la nature des postes budgétaires affectés par ces annulations de crédits.
Ainsi, plus de 200 millions d'euros sont économisés au titre de la politique de l'emploi, au motif que la consommation des crédits serait plus faible que prévu s'agissant des contrats de qualification et des contrats d'apprentissage.
Cependant, monsieur le ministre, plutôt que de procéder à l'annulation des crédits correspondants, pourquoi ne pas opérer par redéploiement et mobiliser ces sommes au profit d'autres postes de la politique de l'emploi, par exemple pour faciliter la sortie du dispositif des emplois-jeunes ?
Quant au budget des anciens combattants, qui subit une correction de ses crédits à hauteur de 140 millions d'euros, pourquoi ne pas utiliser ce montant afin de prendre en compte, ainsi que nous le proposions, le préjudice subi par les orphelins de résistants, de déportés et de fusillés sous l'Occupation, qui ont été oubliés par le décret de juillet 2000 indemnisant les victimes des persécutions antisémites ?
Au chapitre des économies discutables, on constate un peu plus de 25 millions d'euros d'annulations de crédits au titre de l'enseignement scolaire. Il s'agit, en particulier, de mesures de réduction des crédits destinés à l'aide sociale en faveur des collégiens et des lycéens, mesures qui ont singulièrement frappé des départements comme la Seine-Saint-Denis, où la demande est particulièrement forte, certains établissements comptant jusqu'à 50 % d'élèves boursiers. Voilà de belles économies et un magnifique exercice de régulation budgétaire !
On le voit, l'ensemble des mesures de l'article 4 constitue un effort fallacieux de sincérité budgétaire. Les économies de constatation évoquées par certains ne sont, le plus souvent, que des économies induites par des choix allant à l'encontre des nécessités de la situation.
Par conséquent, nous proposons à la Haute Assemblée de rejeter purement et simplement l'article 4, en adoptant notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour défendre l'amendement n° 49.
M. Gérard Miquel. Nous ne proposons pas la suppression de toutes les annulations de crédits.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ah bon ? Très bien !
M. Gérard Miquel. En effet, certains crédits actuellement gelés et devenus parfois sans objet ne pourraient plus être consommés.
Cet amendement vise donc seulement à revenir en partie sur les annulations de crédits qui affectent le budget des transports et, plus particulièrement, les crédits d'intervention relatifs à la sécurité routière. Cela permettrait aux services de l'Etat de consommer ces crédits d'ici à la fin de l'année ou au cours de la période complémentaire, voire, quand cela est possible, de les reporter sur l'exercice 2003.
Le groupe socialiste avait cru comprendre que la sécurité routière est l'une des priorités retenues par le Président de la République. Les événements tragiques qui se déroulent quotidiennement sur nos routes et le consensus dont fait l'objet cet engagement attestent d'ailleurs de la pertinence du choix présidentiel. La nécessité de la lutte contre la délinquance routière et de l'éducation à la sécurité, actions de prévention complémentaires et indispensables, justifie pleinement le maintien des crédits alloués à ces politiques.
Selon le Gouvernement, un bon budget n'est pas forcément un budget en croissance. Toutefois, ce beau précepte n'étant pas entièrement fondé, il ne l'applique que très partiellement.
En effet, à l'image de tous ses prédécesseurs, le Gouvernement traduit ses priorités politiques sur le plan budgétaire par des augmentations de crédits : il en est ainsi pour les budgets de la défense et de la sécurité intérieure, par exemple. Ceux de l'éducation ou de l'emploi, a contrario , font les frais d'une sorte de disgrâce, et il serait regrettable que les crédits de la sécurité routière subissent le même sort. Attribuer des moyens financiers a toujours été un acte politique, et cela ne changera pas de sitôt !
A cet égard, nous ne comprenons pas le sens des mesures prises à l'encontre du principal budget concernant la sécurité routière, car les économies réalisées ne sont pas cohérentes avec le discours officiel. Les déclarations du chef de l'Etat, sur un sujet aussi sérieux, n'ont pas vocation, nous semble-t-il, à rester lettre morte. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste propose au Sénat de faire preuve de volontarisme en les traduisant concrètement, par le biais de l'adoption de cet amendement, dans le collectif budgétaire.
Mme Danièle Pourtaud. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission ne peut qu'approuver, monsieur Miquel, votre référence aux propos du Chef de l'Etat, mais permettez-lui de ne pas en tirer les mêmes conclusions que vous.
En effet, l'indépendance nationale, le maintien de la place de la France en Europe, le respect de nos engagements exigent la baisse programmée des déficits publics jusqu'en 2006-2007. Or, si nous réservions une suite favorable à votre proposition, nous sortirions largement des limites de l'épure, et l'ensemble des Françaises et des Français en pâtiraient grandement, de façon croissante au fil du temps.
Par conséquent, mes chers collègues, il n'est pas question, pour la commission, d'approuver les amendements en discussion, car leur adoption conduirait à un déparage absolument inacceptable des finances de l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement doit être bien naïf, puisqu'il espérait des compliments que, manifestement, il ne recevra pas ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Cet espoir tenait à son choix d'inscrire l'ensemble des annulations de crédits dans le collectif budgétaire, alors que la pratique habituelle, auparavant, était de procéder à ces annulations en recourant aux instruments réglementaires. Je pensais donc que le Sénat, sur toutes ses travées, apprécierait l'effort de transparence consenti par le Gouvernement depuis son installation.
Je voudrais par ailleurs rassurer M. Thierry Foucaud tout en l'invitant à retirer son amendement : non seulement l'Etat ne renonce pas à financer des besoins sociaux, mais il a ouvert des crédits que l'on peut qualifier de « sociaux » à hauteur d'environ 1 milliard d'euros. Le Gouvernement est donc, monsieur Foucaud, très attentif aux questions que vous avez évoquées.
Cela étant, il n'y a pas de bonnes et de mauvaises annulations de crédits ; il n'en est que de possibles. A cet égard, je rappellerai maintenant celles que la minorité sénatoriale a approuvées les années précédentes, sinon dans l'enthousiasme, en tout cas par raison.
Ainsi, en 2001, elle n'a pas semblé éprouver d'états d'âme particuliers quand le Gouvernement qu'elle soutenait a réduit de 235 millions d'euros les crédits destinés aux bénéficiaires de l'APL, l'aide personnalisée au logement, de 157 millions d'euros ceux qui étaient consacrés à la lutte contre l'ESB, l'encéphalite spongiforme bovine, de 135 millions d'euros ceux de l'ANPE pour les nouveaux services et les nouveaux emplois, de 114 millions d'euros les dotations aux bourses et aux secours d'études de l'enseignement scolaire et de l'enseignement supérieur. En 2000, 535 millions d'euros furent soustraits aux crédits affectés aux emplois-jeunes, 250 millions d'euros à ceux qui finançaient les dispositifs d'insertion des publics en difficulté, 152 millions d'euros au chapitre concernant la CMU. En 1998 - c'est un exemple parmi bien d'autres -, les crédits d'insertion des publics en difficulté furent amputés de 1,18 milliard d'euros.
J'ai beau interroger ma mémoire, je ne me souviens pas avoir entendu, à l'époque, de critiques sur ces annulations de crédits. Par conséquent, cela m'amène à penser que MM. Foucaud et Miquel accepteront aujourd'hui de retirer leurs amendements ; à défaut, le Gouvernement exprimerait un avis très défavorable. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote sur l'amendement n° 49.
M. Gérard Miquel. Monsieur le ministre, c'est bien parce que nous assistons, chaque année, à un certain nombre d'annulations de crédits que nous ne proposons ici qu'une suppression très partielle des dispositions qui nous sont présentées.
Notre amendement ne vise, en effet, que les crédits liés à la sécurité routière. Il est normal que cette dernière soit érigée en priorité nationale, compte tenu du nombre de morts enregistré chaque week-end sur nos routes. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité revenir sur la suppression de crédits concernant ce secteur, auquel nous devons consacrer des moyens, comme à d'autres domaines que le Gouvernement juge prioritaires. A cet égard, nous ne sommes pas toujours d'accord avec les choix opérés, mais, s'agissant de la sécurité routière, les crédits doivent être maintenus, pour que nous puissions travailler plus vite et plus efficacement.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je voudrais compléter ma réponse à M. Miquel s'agissant de la sécurité routière.
Comme il le sait, nous avons ouvert d'importants crédits à ce titre pour l'exercice 2003, ce qui permettra, conformément à notre souhait commun, d'oeuvrer pour améliorer la sécurité routière.
A cet égard, il est inutile d'alimenter des crédits en report. L'éminent commissaire des finances que vous êtes, monsieur Miquel, sait qu'il faut régler ces questions de report. Les crédits supplémentaires sont donc inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003, car il ne sert à rien de maintenir des crédits qui ne seront pas consommés.
Le Gouvernement émet par conséquent, je le redis, un avis défavorable sur l'amendement n° 49. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 4 et de l'état B annexé.

(L'article 4 et l'état B sont adoptés.)

Article 5 et état C