SEANCE DU 16 DECEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 16. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
« I. - Il est inséré un article 209-0 B ainsi rédigé :
«
Art. 209-0 B. - I. -
Les entreprises dont le chiffre d'affaires
provient pour 75 % au moins de l'exploitation de navires armés au commerce
peuvent, sur option, être soumises au régime défini au présent article pour la
détermination des bénéfices imposables provenant de l'exploitation de ces
navires.
« Sont éligibles à ce régime les navires armés au commerce :
«
a.
Qui ont une jauge brute égale ou supérieure à 50 unités du système
de jaugeage universel (UMS) ;
«
b.
Qui soit sont possédés en pleine propriété ou en copropriété à
l'exception de ceux donnés en affrètement coque nue à des sociétés qui ne sont
pas liées directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 ou à des
sociétés liées n'ayant pas elles-mêmes opté pour le présent régime, soit sont
affrétés coque nue ou à temps ;
«
c.
Qui sont affectés au transport de personnes ou de biens, au
remorquage en haute mer, au sauvetage ou à d'autres activités d'assistance
maritime, à des opérations de transport en relation avec l'exercice de toutes
autres activités nécessairement fournies en mer ;
«
d.
Dont la gestion stratégique et commerciale est assurée à partir de
la France ;
«
e.
Et qui n'ont pas été acquis, pendant la période d'application du
présent régime, auprès de sociétés liées directement ou indirectement au sens
du 12 de l'article 39 n'ayant pas opté elles-mêmes pour ce régime.
Les navires affrétés à temps qui ne battent pas pavillon d'un des Etats
membres de la Communauté européenne ne peuvent pas bénéficier du présent régime
s'ils représentent plus de 75 % du tonnage net de la flotte exploitée par
l'entreprise.
«
II. -
Le résultat imposable provenant des opérations directement
liées à l'exploitation des navires éligibles est déterminé par application à
chacun de ces navires, par jour et par tranche de jauge nette de 100 unités du
système de jaugeage universel (UMS), du barème suivant :
Tonnage (en unités du système de jaugeage universel) |
Jusqu'à 1 000 |
De 1 000 à 10 000 |
De 10 000 à 25 000 |
Plus de 25 000 |
---|---|---|---|---|
Montant en euros | 0,93 | 0,71 | 0,47 | 0,24 |
« Pour l'application de l'alinéa précédent, la jauge nette de chaque navire
est arrondie à la centaine supérieure.
« Le barème s'applique également pendant les périodes d'indisponibilité des
navires.
« Le résultat imposable résultant de l'application de ce barème est majoré du
montant :
«
a.
Des abandons de créance, subventions et libéralités accordés par
des sociétés liées directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39
n'ayant pas elles-mêmes opté pour le présent régime ;
«
b.
Des résultats de participations dans des organismes mentionnés aux
articles 8, 8
quater
, 239
quater
, 239
quater
B et 239
quater
C à l'exception des résultats de copropriétés de navires soumis
au présent régime ;
«
c.
Des plus ou moins-values provenant de la cession ou de la
réévaluation des navires éligibles et des éléments de l'actif immobilisé
affectés à leur exploitation ;
«
d.
Des réintégrations prévues au
d
du 3 de l'article 210 A
;
«
e.
D'un intérêt calculé au taux mentionné au 3° du 1 de l'article 39
sur la part des capitaux propres qui excède deux fois le montant des dettes de
l'entreprise majoré du montant des redevances de crédit-bail restant à payer à
la clôture de l'exercice et du prix d'achat résiduel des biens pris en
crédit-bail.
« Les plus et moins-values mentionnées au
c
sont déterminées
conformément aux dispositions de l'article 39
duodecies
. Pour
l'application de ces dispositions, le résultat imposable résultant de
l'application du barème est réputé tenir compte des amortissements pratiqués
par l'entreprise.
« Le bénéfice tiré des opérations qui ne sont pas directement liées à
l'exploitation de navires éligibles est déterminé dans les conditions de droit
commun. Pour la détermination de ce bénéfice, les charges d'intérêts sont
imputées à proportion de la valeur comptable brute des éléments d'actif
concourant à la réalisation de ces opérations par rapport à la valeur comptable
brute de l'ensemble des éléments d'actif.
«
III. -
L'option prévue au I doit être exercée au plus tard au titre
d'un exercice clos ou d'une période d'imposition arrêtée avant le 1er janvier
2005. Pour les entreprises qui deviennent éligibles, pour la première fois, au
présent régime au titre d'un exercice clos à compter du 1er janvier 2004,
l'option peut être exercée au plus tard au titre de l'exercice suivant.
« Pour les sociétés qui sont membres d'un groupe mentionné à l'article 223 A,
cette option n'est ou ne demeure valable que si elle est exercée par l'ensemble
des sociétés membres du groupe susceptibles de bénéficier du régime défini par
le présent article. Une société qui n'a pas opté dans les conditions prévues au
premier alinéa peut, lorsqu'elle devient membre d'un groupe mentionné à
l'article 223 A dont les sociétés membres ont exercé cette option, opter au
titre de l'exercice d'entrée dans le groupe.
« L'option est formulée pour une période irrévocable de dix années et est
renouvelable au terme de cette période.
«
IV. -
Les dispositions du présent article cessent de s'appliquer à
compter de l'exercice ou de la période d'imposition au titre duquel survient
l'un des événements suivants :
«
a.
La société ne possède ou n'affrète plus aucun navire éligible ;
«
b
La société ne remplit plus la condition de pourcentage minimum de
chiffre d'affaires provenant de l'exploitation de navires armés au commerce
mentionnée au I ;
«
c.
La société ayant opté pour le présent régime devient membre d'un
groupe mentionné à l'article 223 A dont les sociétés membres susceptibles de
bénéficier du présent régime n'ont pas exercé cette option ;
«
d.
Une des sociétés membre d'un groupe mentionné à l'article 223 A
susceptible de bénéficier du présent régime n'a pas exercé l'option prévue au
III.
« V. - En cas de sortie du présent régime dans les cas prévus au IV, le
résultat de l'exercice ou de la période d'imposition au titre duquel ce régime
cesse de s'appliquer est augmenté de l'avantage retiré de ce régime, évalué
forfaitairement à la somme des bénéfices ayant été déterminés en application du
barème mentionné au II.
« En cas de réalisation de l'un des événements mentionnés au 2 de l'article
221 avant le terme de la période décennale prévue au III, à l'exception des
apports et des opérations de fusion et de scission placées sous le régime prévu
à l'article 210 A, le résultat de l'exercice en cours à la date de cet
événement est majoré de la somme définie à l'alinéa précédent.
« Un décret fixe les modalités d'option et les obligations déclaratives.
« II. - L'article 209 est ainsi modifié :
« 1° - Il est inséré un III
bis
ainsi rédigé :
«
III
bis. - En cas d'option pour le régime défini à l'article 209-0 B,
les déficits reportables à l'ouverture du premier exercice couvert par cette
option ne peuvent pas être imputés sur les bénéfices réalisés au titre des
exercices clos au cours de la ou des périodes décennales visées au III dudit
article. Ces déficits peuvent être, soit déduits, dans les conditions prévues
aux I à III présent, des résultats de l'exercice au titre duquel ce régime
cesse de s'appliquer et des exercices suivants, soit imputés sur la somme
mentionnée au deuxième alinéa du V de l'article 209-0 B. Pour la computation du
délai de report prévu au troisième alinéa du I, la période au cours de laquelle
l'entreprise a bénéficié du régime défini à l'article 209-0 B n'est pas prise
en compte ».
« 2° Il est complété par un V ainsi rédigé :
«
V. -
Pour la détermination du résultat imposable des entreprises
bénéficiant ou ayant bénéficié du régime prévu défini à l'article 209-0 B, le
montant des plus ou moins-values provenant de la cession de navires éligibles à
ce régime et réalisées pendant ou après la période couverte par l'option visée
au III de ce même article est réduit à concurrence du rapport existant entre la
durée de détention pendant la période couverte par cette option et la durée
totale de détention.
« Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas en cas de sortie du
régime prévue à l'article 209-0 B dans les conditions prévues aux
b
et
d
du IV dudit article ou de cession de navires pendant la période
mentionnée au III de ce même article à des sociétés n'ayant pas opté pour le
régime prévu à l'article 209-0 B précité et liées directement ou indirectement
au sens du 12 de l'article 39. »
« III. - Les dispositions du présent article s'appliquent au titre des
exercices ouverts à compter du 1er janvier 2003. »
La parole est à M. Jacques Oudin, sur l'article.
M. Jacques Oudin.
J'ai dit pendant la discussion générale l'opinion extrêmement favorable que
j'avais de l'article 16. Mais j'ai également exposé dans un autre domaine,
celui du financement de la politique routière, les incohérences dont la France
a été la victime au cours des quarante dernières années, durant lesquelles un
certain nombre de taxes et de dispositifs destinés à financer notre politique
routière et autoroutière ont été créés, puis supprimés, puis finalement
abandonnés. Il en est allé de même pour la politique maritime.
L'article 16, qui est excellent, instaure la taxation au tonnage. Il montre
cependant que, si nous sommes parfois capables de prendre de bonnes décisions,
nos choix ont été si mauvais par le passé que notre flotte maritime se trouve
dans la situation que l'on sait.
Il y a quelques années, l'Office parlementaire d'évaluation des politiques
publiques avait, à ma demande, confié une étude au commissariat du Plan, qui
avait accompli un travail tout à fait considérable. M. Philippe Marini, au nom
de la commission des finances, avait examiné ce rapport et fait apparaître
certains axes de développement de notre politique maritime. Qu'en est-il
ressorti, sous la gestion précédente ? Rien, si ce n'est un record du monde :
celui de la brièveté de vie d'un texte législatif, la loi qui instaurait les
quirats, votée en juillet 1996 abandonnée en décembre 1997 !
Nous avons beaucoup discuté du dispositif des quirats dans cette enceinte,
certains de nos collègues estimant que c'était là un avantage fiscal indu, une
niche fiscale inacceptable, alors même que toutes les grandes nations maritimes
avaient procédé au renouvellement de leur flotte en y recourant. Pourtant, il
s'agissait simplement de drainer un certain type d'épargne vers un secteur à
risque afin d'en assurer le développement, ainsi que l'ont fait des pays comme
la Norvège, comme les Pays-Bas, comme l'Allemagne.
Bref, nous avions pris une bonne mesure. Elle a été supprimée pour des raisons
idéologiques et remplacée par un groupement d'intérêt économique, ou GIE
fiscal, certes intéressant, mais qui n'offrait sûrement pas les mêmes
possibilités. Résultat des courses, si je puis m'exprimer ainsi : notre flotte
de commerce compte 212 bateaux, soit quatre à six fois moins que nos grands
concurrents, et nous sommes au vingt-huitième rang mondial. Il faut reconnaître
la situation, il faut être sincère et clair avec un passé qui n'est pas
excellent.
Aujourd'hui, l'Europe prend une autre dimension. Avec le sommet de Copenhague,
qui s'est achevé dimanche dernier - hier ! -, Malte et Chypre, les cinquième et
sixième flottes mondiales, sont en passe d'intégrer l'Europe, qui, avec la
Grèce, la Norvège, la Hollande, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, sera la
première puissance maritime mondiale. Cela implique des efforts de notre part,
car nous ne pouvons pas être un nain au sein d'un ensemble qui est un géant
maritime.
Mais, me direz-vous, que vient faire l'article 16 dans ce dispositif ? Il
commence à poser la première brique de ce qui, j'espère, sera une politique
maritime globale, ambitieuse et financièrement acceptable. La taxe au tonnage,
qu'ont déjà instaurée nos voisins européens, est une excellente disposition :
elle donnera plus de lisibilité, plus de simplicité, plus de clarté à la
gestion de nos armements. Mais de grâce, mes chers collègues ! Ne pensez pas
que nous fassions là des cadeaux indus ! Tout à l'heure, nous examinerons les
amendement concernant les sociétés SOFIDOM ou SOFIFLUVIAL, calquées sur la
SOFIPECHE, que nous avons créée voilà quelques années. Je tiens à préciser à
mes collègues de l'opposition qu'il ne s'agit ni de lubies ni de cadeaux
fiscaux ; il s'agit d'une politique cohérente visant à drainer une certaine
épargne vers des secteurs sensibles.
Je sais que le ministère des finances est toujours très réticent à tout
avantage fiscal déterminé. Qui plus est, il n'est guère ouvert sur la mer :
Bercy serait plutôt ouvert sur le fleuve.
(Sourires.)
Il n'a jamais été,
de ce point de vue, à la pointe de l'imagination ou du progrès. Je ne le dis
pas comme une critique, c'est un simple constat : je le pratique depuis si
longtemps que je l'aime bien ; et quand on aime bien les gens, il faut leur
dire la vérité.
Je souhaite qu'à l'avenir, sur la base de cet article 16, qui est peut-être la
première lueur d'espoir sur le chemin du redressement, nous puissions
réellement bâtir le financement d'une politique maritime efficace.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
M. Jacques Oudin aime la vérité : je lui dirai donc,
tout d'abord, que je me réjouis des conditions dans lesquelles nous avons
travaillé puisque cet article est en fait la réponse à l'engagement que j'avais
pris devant lui et devant le Sénat de traiter ce problème.
Vérité pour vérité, cher ami Jacques Oudin, penser que le problème peut être
résolu par la seule fiscalité me paraît ne pas tenir compte d'un élément non
négligeable : le droit social.
M. Jacques Oudin.
C'est exact ! Il n'y a rien à redire : vous avez raison.
M. le président.
Je mets aux voix l'article 16.
(L'article 16 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 16