SEANCE DU 16 DECEMBRE 2002
M. le président.
« Art. 18. - Il est inséré, dans le code des douanes, un article 265
bis
A ainsi rédigé :
«
Art. 265
bis
A
. - 1. Les produits désignés ci-après, élaborés
sous contrôle fiscal en vue d'être utilisés comme carburant ou combustible,
bénéficient, dans la limite des quantités fixées par agrément, d'une réduction
de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, dont les
tarifs sont fixés au tableau B du I de l'article 265. Pour l'année 2003, cette
réduction est fixée à :
«
a)
35 EUR par hectolitre pour les esters méthyliques d'huile végétale
incorporés au gazole ou au fioul domestique ;
«
b)
38 EUR par hectolitre pour le contenu en alcool des dérivés de
l'alcool éthylique incorporés aux supercarburants dont la composante alcool est
d'origine agricole.
« 2.
Supprimé.
« 3. Pour bénéficier de la réduction de la taxe intérieure de consommation sur
les produits pétroliers, les unités de production des esters méthyliques
d'huile végétale et dérivés de l'alcool éthylique doivent être agréées avant le
31 décembre 2003 par le ministre chargé du budget après avis du ministre chargé
de l'agriculture et du ministre chargé de l'industrie, sur procédure d'appel à
candidatures publiée au
Journal officiel
des Communautés européennes.
« 4. La durée de validité des agréments délivrés ne peut excéder six ans. Ces
agréments ne sont pas renouvelables.
« 5. L'opérateur dont les unités sont agréées est tenu de mettre à la
consommation en France ou de céder aux fins de mise à la consommation en France
la quantité annuelle de biocarburants fixée par l'agrément qui lui a été
accordé. Il est également tenu de mettre en place auprès d'une banque ou d'un
établissement financier une caution égale à 20 % du montant total de la
réduction de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers
correspondant à la quantité de biocarburants qu'il doit mettre à la
consommation au cours de la même année en application de la décision
d'agrément.
« En cas de mise à la consommation ou de cession aux fins de mise à la
consommation en France d'une quantité inférieure à la quantité annuelle fixée
par l'agrément, cette dernière peut être réduite dans les conditions fixées par
décret.
« 6. La réduction de la taxe intérieure de consommation sur les produits
pétroliers est accordée lors de la mise à la consommation en France des
carburants et combustibles mélangés dans des entrepôts fiscaux de production ou
de stockage situés dans la Communauté européenne aux produits désignés au 1,
sur présentation d'un certificat de production émis par l'autorité désignée par
l'Etat membre de production et d'un certificat de mélange délivré par
l'administration chargée du contrôle des accises sur les huiles minérales.
« 7. Un décret précise les modalités d'application de ces dispositions.
Toutefois, les règles relatives au premier appel à candidatures devant
intervenir en application du 3 sont fixées par le ministre chargé du budget.
»
La parole est à M. Marcel Deneux, sur l'article.
M. Marcel Deneux.
Je souhaite attirer l'attention du Sénat sur le sujet important qui est évoqué
dans l'article 18. Je pense en effet qu'il mérite mieux que le non-débat que
nous aurons sur ce sujet cet après-midi.
Lorsque je me suis aperçu, la semaine dernière, qu'une réduction des crédits
sur les biocarburants était prévue, j'ai été étonné. L'Assemblée nationale a
discuté de cette question, mais le problème n'est pas réglé pour autant. Bien
sûr, je suis un jeune parlementaire - en durée de mandat !
(Sourires)
-
et sans doute suis-je encore plein de naïveté ; mais je voudrais vous faire
partager mon inquiétude, voire ma stupéfaction, face à la situation dans
laquelle nous sommes.
Il y a trois mois, j'ai été convié à accompagner M. le Président de la
République au sommet mondial sur le développement durable qui s'est tenu à
Johannesburg. J'ai pu constater comment l'ensemble des pays présents - ils
étaient 104 - appréhendaient les problèmes du développement durable, les
problèmes de pollution, notamment ceux qui sont liés au gaz à effet de
serre.
J'ai écouté quatre discours prononcés par le Président de la République - ils
ont, me semble-t-il, été peu diffusés en France. J'ai entendu que la France -
je le savais - avait ratifié les accords de Kyoto, que le problème qui nous
était posé était plus un problème de transport, auquel nous avons peu de
réponse, et que nous avions pris des engagements quant aux énergies
renouvelables. Il faut croire que ceux qui prennent les engagements ne sont pas
forcément ceux qui prennent les décisions en découlant !
Nous nous sommes donc engagés à faire passer la part que représente l'énergie
renouvelable dans le total de l'énergie que nous utilisons de 15 % à 21 % avant
2010. Ce n'est pas la filière éolienne qui nous permettra d'y parvenir ! Le
vrai problème qui se pose est celui de la consommation d'énergie par les
transports. Or, dans ce domaine, plusieurs pistes sont possibles. Certaines
nous permettraient d'atteindre cet objectif d'ici à une ou deux décennies : je
veux parler des véhicules hybrides, des véhicules à piles ou à carburant. Mais
il existe déjà aujourd'hui une filière qui fonctionne, dont la technologie est
maîtrisée, dont la production industrielle est bien organisée et dont le bilan
énergétique est bon. Il faut donc l'encourager. C'est ce qu'a fortement
préconisé l'Union européenne au cours des derniers mois.
Voilà trois semaines, un comité interministériel s'est réuni pendant cinq
heures autour de sept ministres ; quatre-vingts fiches allant dans le même sens
ont été rédigées ! Je les ai reçues ; vous aussi sans doute, mes chers
collègues.
Je souhaite par mon intervention en appeler au Gouvernement pour qu'il se
ressaisisse et redevienne cohérent.
La position qu'il prend en réduisant les crédits affectés aux biocarburants
est un mauvais signal. C'est en tout cas un signal inadapté à la situation de
la France par rapport aux gaz à effet de serre, inadapté à la politique de la
France dans le monde, inadapté par rapport au développement et aux relations
Nord-Sud et, plus grave, inadapté quant à l'avenir des générations qui vont
nous succéder.
Dans ces conditions, mes chers collègues, je vous conseille de prendre vos
responsabilités et d'adopter les amendements que nous allons vous proposer.
M. le président.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Deneux, Soulage, Amoudry,
Arnaud, Badré, Biwer, Borotra, J. Boyer et Détraigne, Mme Férat, MM. Franchis
et C. Gaudin, Mme Gourault, MM. Hyest et Kergueris, Mme Létard, MM. Moinard,
Nogrix et Vanlerenberghe, est ainsi libellé :
« I. - Au début du
b
du I du texte proposé par cet article pour insérer
un article 265
bis
A dans le code des douanes, remplacer le nombre :
"38" par le nombre : "42".
« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus,
compléter,
in fine
, cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de la fixation de la
réduction de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers
appliqués à l'éthanol à 42 euros par hectolitre est compensée à due concurrence
par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et
575 A du code général des impôts. »
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 30 rectifié est présenté par M. Détraigne, Mme Férat, MM.
Badré, Adnot et Deneux, Mmes Gourault et Létard et M. Vanlerenberghe.
L'amendement n° 53 est présenté par MM. Bizet, Girod, P. André, Deneux,
Détraigne et François.
Ces amendements sont ainsi libellés :
« I. - Au troisième alinéa
b
du texte proposé par cet article pour
insérer un article 265
bis
A dans le code des douanes, remplacer le
nombre : "38" par le nombre : "41,7".
« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus,
compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de la fixation de la
réduction de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers
appliqué à l'éthanol à 41,7 euros par hectolitre est compensée à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Deneux, pour défendre l'amendement n° 29 rectifié.
M. Marcel Deneux.
Il s'agit, mes chers collègues, de modifier le chiffre fixé par l'Assemblée
nationale et de porter de 38 à 42 euros la réduction de la TIPP applicable aux
biocarburants.
Ce chiffre a été établi à partir des coûts de production réels et actuels de
la filière compte tenu de son état d'amortissement. Il ne prend pas en compte
les investissements nouveaux nécessaires pour répondre aux besoins de
développement de composés oxygénés.
Après un large débat, l'Assemblée nationale a obtenu une substantielle
amélioration du dispositif d'exonération de la TIPP sur les biocarburants.
Ainsi, le texte transmis au Sénat prévoit, s'agissant de l'éthanol, une
réduction de 38 euros par hectolitre. Néanmoins, cette réduction ne semble pas
encore suffisante pour les professionnels de la filière dans la mesure où le
niveau actuel est de 50,23 euros par hectolitre.
Afin de trouver un équilibre acceptable pour toutes les parties, nous
proposons, par l'amendement n° 29 rectifié, de porter la réduction à 42 euros
par hectolitre.
Cet équilibre ne vaudrait toutefois que dans l'hypothèse d'un maintien du prix
du pétrole à 25 dollars le baril, ce qui n'est pas acquis. En effet, il est
essentiel que, en dépit de la suppression par l'Assemblée nationale de la
formule de calcul qui permettait de maintenir l'équilibre économique de la
filière en calant l'exonération partielle sur l'évolution des cours des
matières premières, le décret prévu au 7 du texte proposé pour l'article 265
bis
A tienne compte de l'évolution des cours du pétrole.
Quant aux amendements n°s 30 rectifié et 53, qui sont identiques, ce sont des
amendements de repli.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Ce sujet est à la fois important et difficile. J'y
suis, personnellement, très sensible, me souvenant notamment de tous les
combats menés par notre collègue Michel Souplet, ancien sénateur de l'Oise, qui
fut, dans cette assemblée, à l'origine du groupe de travail sur les
biocarburants et qui, en Picardie, cher Marcel Deneux, et plus particulièrement
dans l'Oise, a inlassablement lutté en faveur de cette diversification
agricole.
Dans les années 1980 et au début des années 1990, le contexte était assez
différent. La grande crainte qu'exprimaient alors à juste titre un grand nombre
d'exploitants agricoles et leurs représentants était inspirée par la mise en
jachère de vastes superficies, du fait du fonctionnement des marchés agricoles
au sein de l'Union. Dans un tel contexte, le fait de trouver de nouveaux
débouchés grâce aux agro-industries était une idée extrêmement prometteuse au
regard de la volonté de maintenir à la fois nos paysages et la capacité
opérationnelle des exploitations.
Il était évident, dès cette époque-là, que les filières de biocarburants, qui
présentaient un grand intérêt tant écologique qu'agricole, ne se
développeraient au départ qu'avec une assez forte dépense fiscale.
Comme tout ce qui concerne la politique agricole, cette matière doit
évidemment, à présent, être jugée à l'aune des règles communautaires. Nous
savons, nous Français, ce que nous devons à la politique agricole commune :
nous tenons d'autant plus à celle-ci que notre pays peut, dans l'ensemble, se
prévaloir d'un bilan favorable, un bilan que nous défendons d'ailleurs bec et
ongles vis-à-vis de l'ensemble de nos partenaires.
La question qui se pose par ailleurs est celle des progrès technologiques et
économiques qu'a connus la filière des biocarburants issus de la betterave à
sucre ou des céréales et la filière des biocarburants issus des oléagineux et
protéagineux. Si l'amélioration des rendements de ces procédés avait été plus
rapide, il est clair que la demande d'aides fiscales aurait décru en
proportion. Or force est de reconnaître, en toute lucidité, que l'évolution du
bilan économique de ces procédés n'a peut-être pas été aussi rapide qu'on
l'imaginait il y a quinze ou dix ans.
Mais je reviens à la disposition qui nous occupe.
Le Gouvernement est contraint de modifier le régime fiscal de l'ETBE, pour des
raisons d'harmonisation européenne et tout simplement pour respecter la
décision du Conseil de l'Union européenne du 25 mars 2002 qui autorise la
France, dans certaines conditions, à appliquer un taux différencié de droit
d'accises sur les biocarburants, conformément à l'article 8 de la directive
92/81 CE. Ce qui importe, en la matière, c'est la combinaison de l'article 1er
et de l'article 3 de cette décision.
Je rappelle les termes de cet article 3 : « Les réductions d'accises sont
modulées en fonction de l'évolution des coûts des matières premières afin que
lesdites réductions ne conduisent pas à une surcompensation des coûts
additionnels liés à la production des biocarburants. »
Sans avoir évidemment la prétention de maîtriser tous les aspects de ce
dossier très technique, j'ai le sentiment que le Gouvernement était allé à
l'Assemblée nationale aussi loin qu'il lui était possible d'aller. En effet, il
s'agit d'apprécier la limite de l'aide d'Etat : à partir de quel seuil
passe-t-on dans le régime, critiquable au regard du droit communautaire, de
l'aide d'Etat ?
En vérité, il est très difficile d'apprécier les paramètres de cette
contrainte. Il faut tenir compte des termes de référence : par rapport à quelle
référence économique évalue-t-on ces fameux coûts additionnels ? Il faut tenir
compte également de l'existence de deux filières différentes qui sont visées
par le texte issu de l'Assemblée nationale : celle des esters méthyliques
d'huiles végétales, ou EMHV, d'une part, celle de l'éthyl-tertio-butyl-éther,
ou ETBE, d'autre part.
La commission souhaite, bien entendu, entendre le Gouvernement sur ce sujet
et, plus précisément, sur l'appréciation de la notion d'aide d'Etat, qui est au
coeur de la question. Estimant que le système tel qu'il nous est proposé à
l'issue de la discussion à l'Assemblée nationale est équilibré et plus
favorable que le texte initial, estimant que l'on doit s'en tenir aux normes
communautaires - étant entendu que la latitude d'interprétation est faible -,
la commission est finalement conduite à solliciter le retrait de l'amendement
n° 29 rectifié.
Toutefois, si le Gouvernement, après avoir revu tous les paramètres du calcul,
nous expliquait qu'il y a encore une petite marge avant que soit atteint le
seuil préoccupant de l'aide d'Etat, monsieur le ministre, nous nous laisserions
volontiers convaincre.
(Sourires.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
J'ai beaucoup appris à l'Assemblée nationale sur le
régime fiscal des biocarburants, et aussi en écoutant ici le rapporteur
général, qui est un expert en la matière !
Je me permettrai de dire à Marcel Deneux que ses propos ont peut-être dépassé
sa pensée ; il pourra en juger en relisant le compte rendu de ce débat.
En tout cas, je lui rappelle que l'article 18 adapte tout simplement le régime
d'imposition des biocarburants à la TIPP, qu'il s'agisse des EMHV, de l'ETBE ou
des dérivés d'alcool éthylique, c'est-à-dire les DAE. Comme l'a dit le
rapporteur général, il s'agit de prendre en compte la décision du Conseil de
l'Union européenne en date du 25 mars dernier.
Par souci de transparence, le Gouvernement a souhaité indiquer très clairement
les montants de défiscalisation applicables aux biocarburants. Les niveaux de
réduction qui sont désormais inscrits dans le texte sont issus de données
fournies par les opérateurs des différentes filières de production de ces
biocarburants.
S'agissant de la filière de l'ETBE, mes services se sont rapprochés des
professionnels du secteur de la betterave et du blé. Des échanges fructueux ont
ainsi eu lieu pendant plus d'un an, dans un esprit constructif, afin de
déterminer, notamment, le coût des unités de fabrication existantes.
Comme l'a souligné le rapporteur général, nous sommes tenus de fixer des
niveaux de réduction tels qu'ils ne conduisent pas à une surcompensation des
coûts, laquelle constituerait en effet une aide d'Etat incompatible avec le bon
fonctionnement du marché.
Cela étant, le Gouvernement a entendu les préoccupations des professionnels,
et c'est ce qui l'a d'ailleurs amené à accepter à l'Assemblée nationale, après
un très long débat, la proposition de M. Philippe Auberger et de plusieurs de
ses collègues qui tendait à faire passer la réduction de TIPP, dans un cas, de
33 euros à 35 euros et, dans l'autre cas, de 34,2 euros à 38 euros, ce qui
représente des hausses non négligeables puisqu'elles sont respectivement de 6 %
et de 11 %.
Ces montants de 35 euros et de 38 euros correspondent à la juste compensation
des coûts additionnels inhérents à la fabrication de ces biocarburants. Aller
au-delà reviendrait à surcompenser ces coûts additionnels, ce qui est
expressément proscrit par la décision du Conseil du 25 mars 2002.
L'article tel qu'il est actuellement rédigé ne me paraît donc pas justifier
l'émoi que j'ai perçu tout à l'heure.
Nous sommes nombreux ici à ne pas nous contenter de prononcer des discours sur
le sujet : quand nous exerçons des responsabilités locales, nous les traduisons
dans les faits, en utilisant ces biocarburants le plus possible et chaque fois
que c'est possible.
Je vous assure, monsieur Deneux, que le Gouvernement est allé aussi loin qu'il
le pouvait eu égard à ce qui était « communautairement correct ». C'est ce qui
me conduit à vous demander le retrait de ces amendements ; à défaut, je serai
contraint d'émettre un avis défavorable.
M. le président.
Monsieur Deneux, les amendements n°s 29 rectifié, 30 rectifié et 53 sont-ils
maintenus ?
M. Marcel Deneux.
Je dirai à M. le ministre que son raisonnement n'est vrai que pour partie.
Sans vouloir donner une tournure trop technique à ce débat, je veux rappeler
que, pour obtenir du diester, carburant détaxé destiné aux moteurs Diesel, on
fabrique de l'huile dégommée à partir du colza. Quant à l'alcool, on l'obtient
par un procédé de craquage de céréales et, selon la nature de la colonne de
distillation, on obtient plus ou moins de « coproduits ». Or c'est le marché
des « coproduits » qui fait la rentabilité de la filière.
Actuellement, le débat porte sur le prix de base des céréales. Nous sommes en
divergence fondamentale avec M. Franz Fischler : nous souhaitons que le prix
intérieur des céréales augmente, de manière à demander moins de crédits au
titre de la politique agricole commune. Si le prix de départ est plus élevé, il
est évident que la rentabilité ne sera pas de même nature.
C'est pourquoi on ne peut pas tenir le même raisonnement pour le diester et
pour l'éthanol.
Sous le bénéfice de ces précisions, je maintiens mes amendements.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sur ce sujet
important, le Gouvernement souhaite que sa majorité tienne compte de son avis.
Si des doutes subsistent, je préfère qu'ils soient clairement exprimés. Je
demanderai alors au Sénat de prendre ses responsabilités et de se prononcer par
scrutin public, afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté. C'est ce que je serai
inévitablement conduit à faire si M. Deneux maintient sa position.
M. le président.
La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux.
Monsieur le ministre, à ce stade, je souhaiterais que vous me disiez quel sort
vous entendez réserver à l'amendement n° 31 rectifié, que j'ai également
cosigné et qui porte sur la formule algébrique permettant de fixer le prix des
matières premières ? Dans l'hypothèse où cet amendement serait retenu, mes
craintes s'effaceraient pour partie.
M. le président.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Pour ma part, je ne défendrai pas la présence de cette
formule algébrique dans la loi. Elle n'y figure d'ailleurs plus depuis le
passage du texte à l'Assemblée nationale.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Par souci de clarté, je précise que, compte tenu des
confirmations qui nous ont été apportées par M. le ministre, la commission
exprime un avis défavorable sur les amendements présentés par M. Deneux.
Je rappelle que, si le Gouvernement est dans l'obligation de proposer à
présent un nouveau régime fiscal pour ces productions, c'est parce que le
précédent régime a été annulé par le juge communautaire.
En disant que, au-delà d'un certain point on entre dans l'aide d'Etat et que
ce n'est pas conforme au traité, on décrit un risque qui n'a rien de théorique.
Nous devons nous situer dans le monde tel qu'il est et non tel que nous
voudrions qu'il soit : il nous faut donc tenir compte de cette réalité.
M. le président.
Monsieur Deneux, que décidez-vous finalement ?
M. Marcel Deneux.
Je retire les trois amendements, monsieur le président.
M. le président.
Les amendements n°s 29 rectifié, 30 rectifié et 53 sont retirés.
L'amendement n° 67, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - Dans le b du 1 du texte proposé par cet article pour insérer un article
265
bis
A dans le code des douanes, après les mots : "dérivés de
l'alcool éthylique", insérer les mots : "(éthyl-tertio-butyl-éther)".
« II. - En conséquence, dans le 3 du texte proposé par cet article pour
insérer un article 265
bis
A dans le code des douanes, remplacer les
mots : "dérivés de l'alcool éthylique" par les mots :
"d'éthyl-tertio-butyl-éther". »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement qui
supprime la référence à l'ETBE dans l'article 18. Seule subsiste donc
l'expression « dérivés de l'alcool éthylique », c'est-à-dire les DAE.
L'objectif des députés était de prévoir l'extension de l'exonération partielle
de la TIPP à l'incorporation directe d'alcool éthylique d'origine agricole, ou
bioéthanol, aux supercarburants.
Il est proposé de revenir sur ce point au texte initial du Gouvernement.
En effet, en ce qui concerne l'adjonction aux supercarburants, compte tenu des
technologies actuelles, le produit le plus fiable issu de dérivés d'alcool
éthylique est l'ETBE. En tout état de cause, l'ETBE étant le seul produit issu
de DAE produit et utilisé en France, il est mentionné expressément dans le
texte initial du Gouvernement.
Par elle-même, la suppression de la référence à l'ETBE dans le texte ne permet
en aucun cas d'incorporer directement l'éthanol dans les supercarburants, comme
le souhaitaient les députés auteurs de l'amendement.
Le Gouvernement souhaite, en tout cas, conserver les mécanismes actuels, qui
présentent les garanties nécessaires en matière de contrôle.
Il convient de rappeler que les biocarburants ne peuvent bénéficier de
l'exonération fiscale que s'ils sont élaborés dans une unité de production
agréée par l'Etat et dans la limite d'un volume de production défini
annuellement. Ces produits sont en effet placés sous le régime suspensif
douanier de l'usine exercée. En d'autres termes, ils sont fabriqués sous
surveillance douanière permanente. La défiscalisation s'applique lors de la
sortie des biens dudit régime, pour mieux assurer un contrôle optimal de
l'exonération, ce qui ne serait pas le cas si un opérateur pouvait incorporer
directement l'éthanol aux supercarburants.
Telles sont les raisons pratiques, mesdames, messieurs les sénateurs, qui
conduisent le Gouvernement à vous proposer d'adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement vise à revenir au texte initial du
Gouvernement. L'Assemblée nationale avait adopté un amendement qui substitue,
s'agissant de l'incorporation directe des biocarburants, l'ensemble des dérivés
de l'alcool éthylique au seul ETBE, afin de favoriser le développement du
bioéthanol.
Or ce texte est sans portée effective. En effet, l'ETBE est le seul dérivé de
l'alcool éthylique produit et utilisé en France, l'utilisation de l'éthanol
posant à la fois des problèmes techniques - présence d'eau dans les carburants
et inexistence de pompes dédiées - et des problèmes juridiques : produire de
l'éthanol nécessite en effet l'obtention du statut d'entrepositaire agréé qui
comporte beaucoup de contraintes pour les producteurs ; il faut, en
particulier, tenir une comptabilité matières, être soumis à des contrôles
douaniers, etc.
Pour toutes ces raisons, il semble techniquement nécessaire d'en revenir au
texte initial du Gouvernement. C'est pourquoi la commission a émis un avis
favorable sur cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 67.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° 31 rectifié, présenté par M. Détraigne, Mme Férat, MM. Badré,
Adnot et Deneux, Mmes Gourault et Létard et M. Vanlerenberghe, est ainsi
libellé :
« I. - Après le 1 du texte proposé par cet article pour insérer un article 265
bis
A dans le code des douanes, insérer dix alinéas ainsi rédigés :
« La réduction R pour le contenu en alcool des dérivés de l'alcool éthylique
incorporés au supercarburant dont la composante "alcool" est d'origine agricole
est calculée selon la formule suivante :
« R = 0,84A + 7B + 384 + 1,99Y - 2,87C.
« Avec :
« - A : moyenne des cotations du blé tendre rendu Rouen, classe 2, majorations
mensuelles incluses ;
« - B : prix d'opportunité de la betterave fixé à 22 euros/tonne ;
« - C : moyenne des cotations Franco Bord (FOB) du supercarburant sans plomb
pour la zone Nord-Ouest/Europe ;
« - Y : moyenne des cotations du « Brent daté » sur le marché de Londres.
« Le montant annuel sera définitivement fixé à chaque fin d'année en fonction
des évolutions des prix des produits pétroliers sur l'année écoulée.
« La réduction de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers
ne doit pas excéder 50,23 euros par hectolitre pour le contenu en alcool des
dérivés de l'alcool éthylique incorporés aux supercarburants dont la composante
"alcool" est d'origine agricole.
« Un décret précise les modalités d'application de ces dispositions. »
« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus,
compléter,
in fine
, cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat des modifications apportées à
la réduction de taxe intérieure sur les produits pétroliers pour le contenu en
alcool des dérivés de l'alcool éthylique incorporés au supercarburant dont la
composante "alcool" est d'origine agricole est compensée à due concurrence par
la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575
A du code général des impôts. »
La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux.
La formule ci-dessus, certes complexe, a été proposée et discutée pour la
filière bioéthanol et l'administration française dès mars 2002. Elle a été
établie à partir des coûts de production réels de la filière. Il s'agit d'une
innovation réclamée spécifiquement pour les biocarburants par l'administration
française dans sa demande de dérogation fiscale satisfaite par la décision du
Conseil de l'Union européenne du 25 mars 2002. Cette décision autorise la
France à appliquer un taux différencié de droits d'accises sur les
biocarburants à condition qu'il soit indexé sur les cours des matières
premières. Ce mécanisme d'indexation a été également repris dans les projets de
directives sur la fiscalité et la promotion des biocarburants, actuellement en
deuxième lecture au Parlement européen.
La justification de cette formule est liée à la volatilité des cours des
matières premières, notamment pétrolières. Son application sur la base des
cours réellement constatés pendant la période mentionnée permet d'éviter tout
effet retard potentiellement préjudiciable à la filière de bioéthanol comme au
budget national. De plus, le principe du recours à une formule a fait l'objet
d'une validation par le Conseil d'Etat.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Cet amendement vise à réintroduire dans l'article 18
la formule de calcul qui intègre l'évolution du cours des matières premières
entrant dans la composition de l'ETBE afin de définir le niveau des surcoûts
additionnels évoqués par la décision communautaire que nous avons tous citée
tout à l'heure.
Le texte initial comportait deux formules de calcul très complexes. Il nous
faudrait, monsieur le président, disposer d'un écran pour pouvoir faire des
simulations.
M. le président.
Cela viendra...
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'espère vivement au nom de la commission que cela
viendra un jour, pour que l'on puisse raisonner sur des chiffres plutôt que de
manière littéraire sur des sujets arithmétiquement aussi complexes.
Il y avait dans l'article 18 d'origine deux formules de calcul extrêmement
complexes, l'une pour les extraits d'huile végétale et l'autre pour l'ETBE,
formules censées permettre la prise en compte, dans la fixation du montant de
la réduction de TIPP dont bénéficient les biocarburants, du cours des matières
premières, comme le blé, la betterave ou les produits oléagineux qui entrent
dans leur composition.
L'Assemblée nationale ayant supprimé ces deux formules, différents problèmes
peuvent se poser.
D'abord, comme le disait M. le ministre, sous l'oeil de Portalis, l'inclusion
dans la loi de formules mathématiques ou arithmétiques de ce genre montre bien
que l'on est arrivé aux bornes de la loi et qu'on les a même peut-être
dépassées.
Par ailleurs, il faut s'interroger sur l'impact économique ou fiscal de ces
formules. Les études qui ont été réalisées montrent - je parle sous le contrôle
d'éminents spécialistes infiniment plus compétents que moi, notamment notre
collègue Marcel Deneux - que la réintroduction des formules initiales serait
nettement moins avantageuse que le dispositif voté par l'Assemblée
nationale.
Quant à la formule qui figure dans l'amendement n° 31 rectifié, la question de
sa compatibilité avec le droit communautaire se pose. Il s'agit donc du même
problème que tout à l'heure, à savoir la marge de manoeuvre très étroite par
rapport à ce droit européen. La formule suggérée par notre collègue Marcel
Deneux et ses cosignataires aboutirait à des taux de réduction de TIPP trop
élevés compte tenu du cours actuel des matières premières, et l'on entrerait
dans le domaine des aides d'Etat.
Pour l'ensemble de ces raisons, et en vertu de cette analyse, la commission
sollicite le retrait de l'amendement. Elle considère une nouvelle fois que,
compte tenu des contraintes qui s'imposent à nous, on ne peut réellement faire
mieux que l'équilibre atteint à l'Assemblée nationale.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
Sur le fond, je pense que nous avons tranché cette
question lors du débat précédent et que, excepté sur le plan juridique, cet
amendement ne devrait pas venir en discussion maintenant.
Je suis heureux d'avoir répondu par avance à Marcel Deneux sans connaître son
point de vue à propos de la présence d'une formule algébrique dans la loi.
Très franchement, monsieur Deneux, je fais amende honorable, puisque cette
formule algébrique - la situation était fâcheuse - figurait dans le projet de
loi. On peut toujours se tromper ! Il s'agit d'une question de démocratie,
mesdames, messieurs les sénateurs. Si nous commençons à élaborer une norme
législative qui ne reste pas intelligible pour nos concitoyens, la loi perd
tout objet, nous devons en être conscients.
M. Michel Charasse.
Très bien !
M. Alain Lambert,
ministre délégué.
En ce qui concerne la forme, puisque nous avons déjà
discuté du fond, je souhaite que Marcel Deneux retire cet amendement. A défaut,
je serai en effet contraint d'émettre un avis défavorable, ce que je ferai à
regret, compte tenu de la haute considération que j'ai pour son travail.
M. le président.
Monsieur Deneux, l'amendement est-il maintenu ?
M. Marcel Deneux.
Monsieur le ministre, moi aussi, je peux faire amende honorable, mais je
relève quand même que cette formule, qui ne semble pas avoir sa place dans un
texte de loi, émanait du Gouvernement.
Par conséquent, pourquoi, étant parti sur une formule de cette nature, ne pas
l'améliorer ?
Je souligne par ailleurs que, s'il est nécessaire d'introduire dans un texte
de loi, c'est-à-dire dans ce qu'il y a de plus fort en matière de contrat, des
formules de ce genre, c'est que le climat de confiance entre les partenaires
n'est que moyen. Je souhaite donc, monsieur le ministre, lorsque j'aurai retiré
cet amendement, que vous vous engagiez à veiller au comportement loyal des
partenaires les uns envers les autres.
Enfin, monsieur le rapporteur général - c'est un détail qui a son importance
dans une discussion aussi technique -, cette formule algébrique ne peut pas
s'appliquer, telle qu'elle figure à l'article 18, pour les diesters, puisque
les oléagineux ne sont pas concernés. Il s'agit simplement de la filière
éthanol qui, elle, ne concerne que le sucre et les céréales.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je fais amende honorable !
M. Marcel Deneux.
Cela étant, monsieur le président, je retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 31 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 18, modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19