PROTOCOLE À LA CONVENTION SUR LA
PRÉVENTION DE LA POLLUTION DES MERS
RÉSULTANT DE L'IMMERSION DE DÉCHETS
Adoption d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 310, 2001-2002) autorisant l'adhésion de la France au protocole de 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets. [Rapport n° 190 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, à un moment où chacun s'insurge dans notre pays contre les pollutions marines qui créent des dommages irréparables à nos côtes et aux activités qui s'y déploient, il est inutile d'insister sur l'importance du protocole qui vous est aujourd'hui soumis.
Le protocole du 7 novembre 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion des déchets s'inscrit en effet dans la triste actualité de ces derniers mois et années, marqués par une série de naufrages de pétroliers qui ont causé des dégâts absolument catastrophiques en tous points. Toutefois, il ne vise pas directement les hydrocarbures, il faut le préciser. Il vise tous les rejets non accidentels en mer effectués par les navires chargés de déchets de toute nature.
C'est à la fin des années soixante que la communauté internationale a pris conscience du fait que le pouvoir auto-épurateur de la mer était limité et que le milieu marin ne pouvait indéfiniment recevoir, sans dommages irréversibles, les déchets de toute nature qui y étaient déversés sans aucune retenue ni aucun contrôle.
La convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets, entrée en vigueur le 30 août 1975, prévoit que les immersions sont autorisées, moyennant certaines dispositions particulières.
Les dispositions de cette convention initiale étant vite apparues à l'expérience insuffisantes, deux amendements de 1978 puis de 1993 ont été adoptés pour durcir la réglementation internationale en interdisant, cette fois-ci, toute immersion de « déchets industriels ».
Les principes et concepts nouveaux issus de la déclaration de Rio de Janeiro de 1992 et l'entrée en vigueur de la convention sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 devaient remettre très largement en question les bases de la convention de Londres, en appliquant une approche encore plus restrictive des immersions.
Tel est l'objet du protocole du 7 novembre 1996, qui vise à concilier développement économique et protection de l'environnement dans une perspective de développement durable, et innove par rapport à la convention de Londres de 1972 sur trois points importants.
Ainsi, il érige en principe l'interdiction d'immersion de déchets ou d'autres matières. Sept exceptions ont cependant été introduites dans le protocole. Elle concernent notamment les délais de dragage, les boues de stations d'épuration, les déchets de poisson, les immersions de navires, de plates-formes ou autres ouvrages artificiels en mer. Leur immersion est cependant encadrée et subordonnée à la délivrance de permis par l'autorité nationale, accordés seulement après examen des solutions alternatives permettant d'éviter l'immersion en mer.
Le protocole interdit également les immersions de déchets radioactifs, les parties contractantes étant invitées à adopter des normes « minimales », c'est-à-dire devant être considérées comme n'ayant aucun impact sur les milieux naturels, conformément aux normes qui sont édictées par l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA.
Enfin, les définitions de l'immersion retenues dans le protocole sont particulièrement favorables à la protection de l'environnement marin dans la mesure où cette immersion est assimilée à « l'entreposage à partir de navires ou d'aéronefs, de déchets ou d'autres matières sur le fond des mers ou dans leur sous-sol » et où le texte prohibe « l'abandon ou les renversements sur place de plates-formes ou d'autres ouvrages artificiels en mer, dans le seul but de leur élimination délibérée ».
Le protocole, il faut le souligner, a également introduit les avancées conceptuelles de la conférence de Rio de Janeiro : le principe pollueur-payeur, le principe de précaution auquel l'Europe est particulièrement attachée et la participation du public.
Il convient, en outre, de se féliciter que la convention de 1972, telle qu'elle est amendée par le présent protocole, soit cohérente avec les dispositions prévues par diverses conventions régionales auxquelles la France est partie : la convention de Paris du 22 septembre 1992 relative à la protection du milieu marin de l'Atlantique du nord-est, la convention de Barcelone du 16 février 1976 pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution et son protocole sur la prévention de la pollution de la Méditerranée par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions du protocole du 7 novembre 1996 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion des déchets qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la convention sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion des déchets, signée à Londres le 29 décembre 1972, a pour objet le contrôle de toutes les sources de pollution de l'environnement marin par immersion volontaire, à l'exception des rejets dus à l'exploitation des navires, régis par la convention « pour la prévention de la pollution par les navires », dite MARPOL.
La pollution par immersion de déchets à partir des navires représente environ 10 % de la pollution globale des mers, principalement constituée de pollution tellurique, c'est-à-dire évacuée à partir de la terre, mais c'est la concentration de cette pollution sur certaines zones marines - Méditerranée, Atlantique du nord-est - qui a conduit à l'élaboration d'un instrument international.
La convention de Londres est entrée en vigueur le 30 août 1975. Son secrétariat en est assuré par l'Organisation maritime internationale.
Le texte procède à une répartition en trois groupes des déchets ou autres matières : ceux dont l'immersion est interdite ; ceux dont l'immersion est subordonnée à la délivrance d'un permis spécifique ; enfin, toutes les autres substances ou matières qui peuvent être immergées après délivrance d'un permis général.
C'est sur la base de ce texte que les différentes législations nationales relatives à l'immersion de déchets ont été élaborées.
Le projet de loi qui nous est aujourd'hui présenté vise à une révision complète de la convention par un protocole, adopté à Londres, le 7 novembre 1996. Dans le droit-fil des principes définis lors de la conférence de Rio, en 1992, il prend en compte le principe de précaution et le principe pollueur-payeur.
Le principe de précaution commande l'ensemble du nouveau dispositif, qui est subordonné à l'exigence du développement durable : il s'agit de « gérer les activités humaines de manière que l'écosystème marin continue à supporter les utilisations légitimes de la mer et à répondre aux besoins des générations actuelles et futures ».
L'approche de précaution est définie au sens large : elle s'applique « même en l'absence de preuves concluantes de l'existence d'un lien causal entre les apports et leurs effets ».
En conséquence, il appartiendra aux acteurs qui souhaitent effectuer une opération d'immersion de prouver qu'elle n'est pas nuisible pour l'environnement.
Le protocole supprime donc la logique de « liste noire » et pose le principe de l'interdiction de toute immersion assorti de quelques exceptions.
Ces exceptions concernent les déblais de dragage, les boues d'épuration, les déchets de poisson, les navires et plates-formes, les objets volumineux principalement constitués de fer, d'acier et de béton dans les cas d'isolement géographique du lieu de production des déchets. Dans tous les cas, ces rejets en mer doivent satisfaire à des normes de radioactivité définies par l'AIEA.
Les cas d'urgence et de force majeure font également exception au principe général d'interdiction, mais ils sont strictement encadrés par des procédures définies par le protocole.
Le protocole proscrit totalement le procédé qui consiste à incinérer des déchets en mer, selon un mouvement d'interdiction engagé de longue date et rendu effectif par étapes. De fait, ce procédé a été largement abandonné sous la pression des opinions publiques.
Le champ d'application de ce texte est relativement large, puisque chaque partie peut en prescrire l'application non seulement aux navires et aéronefs immatriculés sur son territoire ou battant son pavillon, mais également aux navires et aéronefs chargeant des déchets sur son territoire, ainsi qu'aux navires, aéronefs et plates-formes présumés effectuer des opérations d'immersion ou d'incinération en mer dans les zones où elle est habilitée à exercer sa juridiction.
Le protocole innove aussi sur un point important, puisqu'il prévoit la réglementation de l'immersion dans les eaux marines intérieures : chaque Etat partie opte entre l'application des dispositions du protocole dans ses eaux intérieures et l'élaboration de mesures nationales d'octroi de permis et de réglementation.
Le dispositif proposé, qui repose sur une approche de précaution, ne peut qu'emporter l'adhésion, la capacité des mers à absorber des quantités croissantes de déchets n'étant pas illimitée. Il s'inscrit dans un mouvement général de gestion des déchets selon des procédés plus respecteux de l'environnement.
C'est pourquoi la commission des affaires étrangères vous recommande l'adoption de ce projet de loi, mes chers collègues. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
Le discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'adhésion de la France au protocole de 1996 à la convention de 1972 sur la prévention de la pollution des mers résultant de l'immersion de déchets, fait à Londres le 7 novembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la ministre, vous avez posé le juste problème, à savoir les limites de l'auto-épuration de la mer. Hélas ! les hommes ont souvent considéré la mer comme les urbains regardent la campagne : on la veut belle et lieu d'évasion ; on la veut productive et garante d'alimentation, mais on la considère comme un espace sans fin ni fragilité et l'on y déverse des déchets.
L'inventaire de ce qui y fut jeté délibérément et légalement a de quoi faire frémir. Souvenons-nous des premières luttes de Greenpeace contre ces rejets, avec leurs petits bateaux gonflables près des cargos !
Le constat de ce qui y fut englouti illicitement est pire encore. On ne compte plus les naufrages prémédités, débarrassant des armateurs peu scrupuleux et d'un navire vétuste et de cargaisons toxiques.
Ce protocole est donc bienvenu. Il ne nous exonère en rien ni des moyens de contrôle et de sanction ni de la responsabilité des industriels pour toute mise sur le marché de produits ou de matières dont on n'aurait pas prévu l'élimination.
Bien que je n'approuve pas la possibilité qui reste d'engloutir des matières très peu radioactives, car les faibles doses cumulent leurs effets dans les organismes, je considère ce texte comme une bonne avancée et je le voterai.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Hamel, pour explication de vote.
M. Emmanuel Hamel. Vous me pardonnerez ma naïveté, madame le ministre, mais comment se fait-il, s'agissant d'un sujet aussi important, qu'il ait fallu attendre six ans et demi entre la rédaction du protocole et la demande faite par le Gouvernement au Parlement de le voter ? C'est incompréhensible !
Par ailleurs, j'espère que vous veillerez à l'application des textes que vous nous demandez d'adopter, car il ne suffit pas de solliciter l'adhésion du Parlement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre intervention, qui souligne l'importance de ce sujet et l'attente de nos populations face aux catastrophes qui ont eu lieu récemment.
S'agissant du délai de six ans et demi que vous avez mentionné, je me permets de vous signaler que l'actuel gouvernement n'était pas en place à l'époque. Pour notre part, nous avons accéléré le processus de ratification ces derniers mois, et il était temps, comme vous avez eu raison de le souligner.
Je me porte garante de l'application de cette convention et d'une accélération du processus législatif communautaire, afin de prévenir les catastrophes auxquelles nous avons été malheureusement confrontés. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté à l'unanimité.)
CONVENTIONS SUR LES POLLUANTS
ORGANIQUES PERSISTANTS ET
CERTAINS PRODUITS CHIMIQUES ET
PESTICIDES DANGEREUX
Adoption de deux projets de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion :
- du projet de loi (n° 395, 2001-2002) autorisant l'approbation de la convention sur les polluants organiques persistants (ensemble six annexes) [Rapport n° 173 (2002-2003)] ;
- et du projet de loi (n° 396, 2001-2002) autorisant l'approbation de la convention sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international (ensemble cinq annexes). [Rapport n° 173 (2002-2003).]
La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avec ces deux conventions, nous sommes confrontés à la même problématique que précédemment et que vient de souligner M. Hamel, à savoir les rapports entre la protection de l'environnement et la mondialisation. Les conventions qui vous sont soumises ont pour objet de répondre pour partie à cette problématique.
La convention sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable dans le cas de certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international, adoptée à Rotterdam le 10 septembre 1998, ainsi que la convention sur les polluants organiques persistants, adoptée à Stockholm le 22 mai 2001, sont complémentaires.
Ces deux textes, négociés dans le cadre du programme des Nations unies pour l'environnement et désignés par les spécialistes par les charmants surnoms de PIC et POP (Sourires), visent essentiellement à protéger la santé humaine et l'environnement des polluants organiques persistants et des produits chimiques et pesticides dangereux.
Les polluants organiques persistants sont des substances chimiques persistantes qui s'accumulent dans les tissus adipeux, se propagent dans la chaîne alimentaire et sont extrêmement nocives pour la santé et pour l'environnement. Ces substances franchissent en outre aisément les frontières internationales, transportées par les courants marins ou dans l'atmosphère, pour atteindre les régions les plus reculées. Elles posent donc un problème mondial requérant, comme je l'indiquais tout à l'heure, une solution globale.
De la même façon, les risques que peuvent présenter certains produits chimiques et pesticides dangereux pour l'environnement et pour la santé à la faveur de l'essor de la production et du commerce international de ces produits appelaient également une solution globale.
En conséquence, ces deux conventions visent principalement à renforcer les capacités de gestion des polluants organiques persistants et des produits chimiques et pesticides dangereux, qui sont souvent insuffisantes, en particulier dans les pays en développement et dans les pays à économie en transition. En effet, des stocks grandissants de pesticides et de produits chimiques toxiques qui, la plupart du temps, ne sont pas gérés, s'accumulent dans ces pays d'une manière extrêmement dangereuse pour l'ensemble de la planète, et pas seulement pour les populations de ces pays.
A terme, les deux instruments juridiques contraignants qui sont soumis à votre approbation devraient permettre d'identifier les sources d'émission des polluants organiques persistants, de les réduire, de mettre en place une véritable politique de gestion des produits chimiques et des pesticides dangereux, et de promouvoir l'utilisation indispensable de substances de substitution.
A l'appui de cette politique de gestion, les parties échangent des renseignements scientifiques, techniques, économiques et juridiques et apportent une assistance technique aux pays en développement et aux pays à économie en transition.
L'approbation de ces deux conventions ne nécessitera que peu de modifications du droit communautaire et de notre droit interne. Comme je l'ai déjà indiqué à propos de précédents protocoles ou conventions internationaux, l'acquis de ces droits en matière d'environnement est particulièrement riche. Ainsi, les produits soumis à la procédure de consentement préalable en application de la convention de Rotterdam sont déjà strictement réglementés en Europe par le règlement communautaire n° 2455/92 du 23 juillet 1992 modifié concernant les exportations et les importations de certains produits chimiques dangereux. En revanche, en ce qui concerne la convention de Stockholm, il sera nécessaire de réviser la directive 76/769/CE relative à la limitation de mise sur le marché et d'emploi de produits chimiques dangereux, afin d'interdire leur production et leur exportation.
La convention de Rotterdam a été ratifiée à ce jour par quarante Etats et celle de Stockholm par vingt-neuf Etats. Elles entreront en vigueur lorsque le seuil de cinquante ratifications ou approbations sera atteint. Le Gouvernement souhaite que ce seuil soit atteint le plus tôt possible.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions des conventions de Rotterdam et de Stockholm, qui font l'objet des projets de loi qui sont aujourd'hui soumis à votre approbation. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Pelchat, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons à examiner deux conventions internationales qui sont effectivement complémentaires : la première vise à réglementer le commerce international de certains produits chimiques et pesticides dangereux - il s'agit de la convention de Rotterdam du 19 septembre 1998 - la seconde a pour objet l'élimination ou la réglementation de l'usage de produits « polluants organiques persistants » - c'est la convention dite de Stockholm du 22 mai 2001.
En raison des sujets traités et du cadre commun de négociation, ces deux conventions contiennent un certain nombre de dispositions identiques et obéissent aux mêmes principes généraux. De plus, certains produits entrent dans le champ d'application des deux conventions. Selon les cas, la convention qui s'appliquera sera soit la plus rigoureuse, soit celle qui est en vigueur entre les Etats concernés.
Nous devons retenir deux points principaux de ces conventions : la volonté de lutter contre les conséquences dramatiques de certains produits dangereux et celle de mettre en oeuvre le principe de précaution et ses différents corollaires.
Avant l'adoption de la convention de Rotterdam, le commerce international des produits chimiques et des pesticides faisait l'objet de mesures de régulation, mais il ne s'agissait pas de dispositions juridiquement contraignantes, et leur application restait soumise à la bonne volonté des Etats.
Ces deux conventions ont donc pour objet d'imposer des règles contraignantes, afin de protéger la santé des personnes et l'environnement des dommages que peuvent causer ces produits. La convention de Stockholm, notamment, revêt une importance humaine et écologique particulière. En effet, les « polluants organiques persistants » sont des produits qui ont la capacité de rester actifs plus de six mois dans le sol, dans l'eau ou dans l'air. De ce fait, ils ont une dispersion qui dépasse, par exemple, très largement les surfaces agricoles traitées. Enfin, et surtout, ces produits s'accumulent dans les organismes vivants et se transmettent au travers de la chaîne alimentaire.
Certains de ces produits ont des conséquences très graves sur les plantes, sur les animaux et, en particulier, sur l'homme, entraînant des malformations, des handicaps physiques et mentaux, des stérilités et d'autres effets particulièrement dramatiques. Ces situations sont d'autant plus inacceptables que ces produits ne sont pratiquement plus utilisés que dans les pays en développement en raison de leur faible coût. Il y a donc, mes chers collègues, dans ces deux conventions, avant même la légitime préoccupation écologique, un aspect humanitaire fondamental à l'attention des populations des pays pauvres.
Par ailleurs, ces conventions marquent la volonté des Etats de ne pas accepter une mondialisation sans frein qui se ferait au détriment de l'environnement et de la santé humaine, tout particulièrement dans les pays pauvres.
Au cours des négociations, l'Union européenne s'est trouvée en pointe pour défendre un libre-échange tempéré, alors que certains pays, notamment le Japon, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Suisse, le Canada et, bien entendu, les Etats-Unis refusaient que des normes environnementales viennent limiter la libéralisation économique. Les textes adoptés ont néanmoins recueilli une large approbation parmi les autres pays.
A travers ces deux conventions, les Etats signataires appellent de leurs voeux la complémentarité des politiques commerciales et environnementales afin d'assurer l'avènement d'un développement durable.
Dans le cadre des échanges de produits chimiques et pesticides, les Etats pourront, en fonction de la dangerosité des produits, réglementer ou interdire l'importation et l'exportation, recourir à la procédure de consentement préalable en connaissance de cause et demander à l'exportateur toutes les informations utiles pour limiter les risques.
Les Etats sont en outre autorisés à mettre en oeuvre le principe de précaution et à appliquer le principe pollueur-payeur.
Enfin, ces conventions, tout particulièrement la convention de Stockholm, explicitent la responsabilité des pays développés à l'égard des pays en développement pour les aider à faire face à ces pollutions.
Madame le ministre, vous me permettrez un commentaire personnel sur ce point. Il serait bon que la communauté internationale, même en l'absence de toute convention, se préoccupe de l'utilisation intensive, excessive, de DDT, notamment dans les pays les plus pauvres touchés par le paludisme, utilisation aux effets, on le sait, ô combien nocifs pour la santé humaine, notamment pour celle des habitants de ces pays.
Pourquoi une telle utilisation ? Simplement parce que le taux de mortalité lié, notamment, au paludisme est considérable dans ces pays, qui ne disposent que d'un seul moyen de lutte contre les moustiques : le DDT. C'est le moyen le plus économique ; il en existe d'autres, mais ils sont plus coûteux, et il faudrait l'aide de la communauté internationale pour que ces pays y aient accès.
C'est là un voeu personnel que je me permets de formuler à l'occasion de l'examen de ces deux conventions.
En conclusion, monsieur le président, mes chers collègues, il me paraît souhaitable que la France ratifie ces deux conventions internationales, qui sont cohérentes avec sa politique étrangère, axée notamment sur la régulation de la mondialisation et du libre-échange, sur le développement durable et sur la solidarité avec les pays pauvres. Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir adopter ces deux projets de loi. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons que saluer la ratification par la France de ces deux conventions qui encadrent la commercialisation, l'utilisation, la fabrication des polluants organiques persistants et de tous les produits toxiques et dangereux.
Certes, la présence de DDT dans la graisse des phoques du pôle Nord n'a jamais beaucoup ému le grand public. Mais on comprend l'importance de ces décisions au regard du nombre élevé de produits de consommation courante contaminés.
Dans le lait maternel se trouvent désormais des dioxines, des PCBs, des furanes, du DDT, du dieldrine, du chlordane, de l'heptachlore, des HCBs, du mirex, du toxaphène, et je ne vous parle pas des PCTs, PCNs, PBDEs et autres phtalates, polychlorobenzènes, DEHA et pentachlorophénol... On voit l'importance d'agir quand on sait que le lait maternel est ce qu'il y a de meilleur pour le nourrisson.
Ces ratifications sont fondamentales ; je tiens cependant à soumettre trois questions à la Haute Assemblée.
Tout d'abord, l'arrêt de l'utilisation du DDT, insecticide qui permet de lutter contre la malaria, implique de pouvoir disposer d'un autre produit ou de techniques alternatives. Il faut pour cela donner à tous les pays les moyens financiers et technologiques de développer la recherche et faire en sorte que les pays en voie de développement puissent se procurer ces produits alternatifs à un coût inférieur à celui du DDT. Il faut aussi que ces pays puissent détruire leurs stocks de DDT.
Ensuite, les cinquante ratifications nécessaires à la mise en oeuvre de ces conventions doivent intervenir rapidement. Pour cela, la France doit s'efforcer de convaincre le plus grand nombre de pays de ratifier ces conventions. Alors seulement, aux douze produits déjà interdits pourront s'ajouter d'autres substances chimiques.
Enfin, les rejets de produits répertoriés dans l'annexe C de la convention de Stockholm, émis de manière non intentionnelle, par des incinérateurs par exemple - c'est le cas des dioxines -, doivent être très rapidement éliminés pour ne plus nuire à l'environnement et à la santé publique.
Par ailleurs, l'Union européenne est en train d'élaborer une directive REACH - Registration and Autorisation of Chemicals. A cette fin, elle vient de publier un Livre blanc sur la politique définie en matière de substances chimiques, dont voici quelques-unes des recommandations : assurer une haute protection sanitaire et environnementale, qui est d'ailleurs bien souvent contraire aux intérêts économiques de l'industrie chimique ; donner un rôle central au principe de précaution en se préoccupant du danger plutôt que des risques ; contribuer aux objectifs de la convention dite OSPAR - pour « Oslo » et « Paris » - de prévention de la pollution marine en organisant l'arrêt des rejets de toutes les substances dangereuses d'ici à 2020 ; fixer des échéances à l'industrie pour qu'elle fournisse des informations de base sur les propriétés des substances chimiques, « pas d'informations, pas de commercialisation » ; interdire les substances chimiques les plus préoccupantes en dehors des usages soumis à autorisation ; promouvoir la substitution des substances chimiques dangereuses par des substances plus sûres ; s'engager à fournir des informations sur la dangerosité des substances chimiques pour le public, notamment en rendant obligatoire l'étiquetage des produits de consommation.
J'invite donc le Gouvernement à tout faire pour que de telles recommandations ne restent pas lettre morte et qu'une directive européenne ambitieuse soit adoptée, dont les objectifs devront être l'arrêt de la production, de l'utilisation et du rejet de toutes les substances pouvant être nocives pour l'humanité.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
PROJET DE LOI N° 395
M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 395.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention sur les polluants organiques persistants (ensemble six annexes), faite à Stockholm le 22 mai 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
PROJET DE LOI N° 396
M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique du projet de loi n° 396.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation de la convention sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international (ensemble cinq annexes), faite à Rotterdam le 10 septembre 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
ACCORD AVEC LE LUXEMBOURG RELATIF
AU RACCORDEMENT DU GRAND-DUCHÉ
DE LUXEMBOURG AU TGV EST-EUROPÉEN
Adoption d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 130, 2002-2003) autorisant l'approbation du protocole d'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif au raccordement du Grand-Duché de Luxembourg au TGV Est-européen (ensemble trois annexes). [Rapport n° 189 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg ont signé, le 28 janvier 2002 à Rémilly, en Moselle, un protocole d'accord en vue du raccordement du Luxembourg au TGV Est-européen. Cet accord concrétise la volonté des deux gouvernements de favoriser le développement des échanges par mode ferroviaire entre la France et le Luxembourg, et fait suite à un premier protocole, signé à Metz le 17 septembre 1992.
J'ajoute que cet accord s'inscrit dans le cadre de la mission qui m'a été impartie de défendre et de valoriser la vocation européenne de Strasbourg et de sa région ; c'est pourquoi je me félicite qu'il soit aujourd'hui soumis à votre approbation.
Le premier protocole, que j'évoquais à l'instant, signé à Metz, avait pour objectif la construction d'une ligne nouvelle et la modernisation des lignes existantes sur l'itinéraire Paris-Luxembourg-Strasbourg, en vue de réduire la durée du trajet Paris-Luxembourg de trois heures trente à deux heures quinze et la durée du trajet Luxembourg-Strasbourg, de deux heures cinq à une heure vingt-cinq. Il prévoyait les travaux à réaliser et le principe de la participation financière du Luxembourg, qui devait être fixée par voie d'avenant.
Le protocole du 28 janvier 2002 est donc la traduction concrète de ces objectifs fixés dès 1992.
Le projet de TGV Est-européen consiste, je le rappelle, à réaliser 406 kilomètres de ligne nouvelle entre Vaires-sur-Marne en Seine-et-Marne et Vandenheim dans le Bas-Rhin. Il prévoit, en outre, la réalisation de trois gares nouvelles. Il a été inscrit sur la liste des quatorze projets prioritaires à réaliser dans le cadre du réseau transeuropéen de transport lors du Conseil européen d'Essen en décembre 1994. Le projet a ensuite été déclaré d'utilité publique par décret en Conseil d'Etat du 14 mai 1996.
Enfin, le 29 janvier 1999, il a été décidé de réaliser une première phase de travaux entre Vaires-sur-Marne et Baudrecourt en Moselle, ce qui a conduit à la signature d'une convention de réalisation et de financement de la première phase entre tous les partenaires le 7 novembre 2000, à Paris.
Le protocole d'accord du 28 janvier 2002 qui est soumis à votre approbation a pour objet de confirmer la participation financière luxembourgeoise au projet pour un montant de 117 millions d'euros. Au-delà de cet aspect financier, l'accord fixe les modalités techniques de raccordement et d'exploitation des lignes Paris-Luxembourg et Luxembourg-Strasbourg, ainsi que la nature des travaux à réaliser. Ceux-ci augurent favorablement de la réalisation d'infrastructures de transport qui revêtent, pour nous, une importance capitale.
Je tiens en effet à souligner l'intérêt pour nous de cet accord et son caractère exemplaire, dans la mesure où le financement luxembourgeois porte sur un projet qui est situé intégralement sur le territoire français. Il met en exergue les potentialités de la coopération transfrontalière au sein de l'Union européenne, ce qui, là encore, est un atout important.
En l'espèce, l'accord permettra d'améliorer considérablement la qualité des relations entre Paris et Luxembourg par une forte réduction du temps de parcours entre les deux villes et, dans un deuxième temps, ce qui est pour moi tout aussi important, entre les deux capitales européennes que sont Strasbourg et Luxembourg. Les échanges entre nos Etats devraient en être renforcés. Permettez-moi de répéter que le rayonnement du site européen de Strasbourg s'en trouvera également accru, ce qui est d'autant plus indispensable à mes yeux que l'Europe s'élargit vers l'Est aux Etats de l'Europe centrale et orientale.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions du protocole qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève, Mme la ministre ayant expliqué parfaitement quelle était la nature de l'accord qui est soumis à l'approbation du Sénat.
Cet accord permet au Luxembourg de financer pour partie, à hauteur de 117 millions d'euros, la liaison TGV Paris-Strasbourg jusqu'au franchissement de la Moselle, et ensuite la liaison Metz-Luxembourg. La participation du Luxembourg représente tout de même 3,76 % du coût total du projet, ce qui est tout à fait remarquable.
Il s'agit donc là d'une bonne opération pour notre pays puisque, comme vous l'avez indiqué, madame la ministre, la totalité du parcours s'effectue sur le territoire national.
Mais quel est l'intérêt du Luxembourg dans cette affaire ? En bénéficiant de cette liaison ferroviaire rapide qui diminuera le temps de transport entre Paris et Luxembourg, le Grand-Duché souhaite, dans un second temps, se raccorder à la liaison entre Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg lorsque la seconde phase du TGV Est-européen sera réalisée, ce qui ne se fera tout de même pas dans l'immédiat. La contrepartie demandée par le Luxembourg porte sur quatre liaisons journalières entre Paris et Luxembourg, le risque commercial étant assuré par la SNCF.
Mes chers collègues, voilà une série de bonnes raisons pour voter ce projet de loi qui a été approuvé à l'unanimité par la commission des affaires étrangères. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée l'approbation du protocole d'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg relatif au raccordement du Grand-Duché de Luxembourg au TGV Est-européen (ensemble trois annexes), signé à Rémilly (Moselle) le 28 janvier 2002, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)