M. le président. « Article 24. - I et II. - Non modifiés.
« III. - Le code de l'environnement est ainsi modifié :
« 1° à 13°. - Non modifiés.
« 13° bis. - Supprimé.
« 14° à 16° septies. - Non modifiés.
« III bis. - Supprimé.
« IV. - Non modifié.
« V. - L'article 6 de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive et la loi n° 2001-153 du 19 février 2001 tendant à conférer à la lutte contre l'effet de serre et à la prévention des risques liés au réchauffement climatique la qualité de priorité nationale et portant création d'un Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer sont abrogés. »
Je mets aux voix l'article 24.
(L'article 24 est adopté.)
M. le président. « Art. 28. Les ordonnances doivent être prises dans les délais suivants :
« 1° Dans les six mois suivant la publication de la présente loi pour celles qui sont prises en application de l'article 25 ;
« 2° Dans les douze mois suivant la publication de la présente loi pour celles qui sont prises en application des articles 1er à 22 ter et des 1° et 2° de l'article 26 ;
« 3° Dans les dix-huit mois suivant la publication de la présente loi pour celles qui sont prises en application des 3° et 4° de l'article 26 et de l'article 27.
« Pour chaque ordonnance, un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication. » - (Adopté.)
Les autres dispositions du projet de loi d'habilitation ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi d'habilitation.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant l'une de la commission et l'autre du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées à l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
163313285143171114 Le Sénat a adopté définitivement.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON,
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Mercredi 11 juin 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 15 heures et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la chasse (n° 300, 2002-2003).
Jeudi 12 juin 2003 :
A 9 h 30 :
Ordre du jour prioritaire
1° Conclusions de la commission des lois (n° 333, 2002-2003) sur la proposition de loi organique de MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Henri de Raincourt, Xavier de Villepin, Daniel Hoeffel et de plusieurs de leurs collègues portant réforme de la durée du mandat et de l'élection des sénateurs, ainsi que de la composition du Sénat (n° 312, 2002-2003) ;
2° Conclusions de la commission des lois (n° 334, 2002-2003) sur la proposition de loi, déposée par MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Henri de Raincourt, Xavier de Villepin, Daniel Hoeffel et de plusieurs de leurs collègues portant réforme de l'élection des sénateurs (n° 313, 2002-2003) ;
La conférence des présidents a décidé :
- que les conclusions sur ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune ;
- d'attribuer un temps de parole spécifique de dix minutes au représentant de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- de fixer à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
- de fixer au mercredi 11 juin 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 11 juin 2003 ;
A 15 heures et le soir :
3° Questions d'actualité au Gouvernement ;
L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures ;
Ordre du jour prioritaire
4° Suite de l'ordre du jour du matin.
Lundi 16 juin 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 16 heures et le soir :
Projet de loi relatif à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (n° 336, 2002-2003) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au vendredi 13 juin 2003, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 13 juin 2003.
Mardi 17 juin 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 11 heures :
1° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part (ensemble dix annexes, deux protocoles, un acte final et quatorze déclarations) (n° 183, 2002-2003) ;
2° Projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud (n° 235, 2002-2003) ;
3° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part (ensemble six annexes, sept protocoles, un acte final, cinq déclarations communes et neuf déclarations unilatérales) (n° 184, 2002-2003) ;
4° Projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen instituant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République libanaise, d'autre part (ensemble deux annexes, cinq protocoles, un acte final, treize déclarations communes et deux déclarations unilatérales) (n° 185, 2002-2003) ;
5° Projet de loi autorisant la ratification de la convention entre la République française et la Confédération suisse portant rectifications de la frontière entre les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie et le canton de Genève (n° 221, 2002-2003) ;
6° Projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil modifiant l'acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976 (ensemble une annexe) (n° 246, 2002-2003) ;
7° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise (n° 256, 2002-2003) ;
8° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion à la convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (n° 257, 2002-2003) ;
9° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne relatif à l'exploitation, à l'entretien, à la sécurité et, le cas échéant, à l'évolution du tunnel routier du Somport (ensemble un échange de lettres) (n° 258, 2002-2003) ;
10° Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (n° 259, 2002-2003) ;
A 16 heures et le soir :
11° Projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive (n° 320, 2002-2003) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 16 juin 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 16 juin 2003.
Mercredi 18 juin 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 15 heures et le soir :
1° Eventuellement, suite du projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive ;
2° Deuxième lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale avec modifications, pour l'initiative économique (n° 338, 2002-2003) ;
La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 17 juin 2003, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 17 juin 2003.
Jeudi 19 juin 2003 :
Ordre du jour réservé
A 9 h 30 :
1° Question orale avec débat n° 18 de M. Jean Bizet à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les organismes génétiquement modifiés ;
En application des premier et deuxième alinéas de l'article 82 du règlement, la conférence des présidents a fixé à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 18 juin 2003 ;
L'ordre du jour des séances du lundi 23 juin au jeudi 26 juin 2003 sera aménagé par la conférence des présidents lors de sa prochaine réunion.
Lundi 30 juin 2003 :
Ordre du jour prioritaire
A 16 heures et le soir :
Sous réserve de sa transmission, projet de loi portant réforme des retraites (urgence déclarée) (A.N., n° 885) ;
Les modalités de discussion de ce texte seront déterminées ultérieurement.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programme pour l'outre-mer.
« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à désigner ses représentants au sein de cette commission.
« J'adresse ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale, une demande tendant aux mêmes fins.
« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.
« Signé : Jean-Pierre Raffarin »
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.
COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT
M. le président. M. le président du Sénat avait saisi, le 23 mai 2003, M. le Premier ministre d'une demande de consultation de l'Assemblée de la Polynésie française, du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'Assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna, du Conseil général de Mayotte et du Conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon sur la proposition de loi organique portant réforme de la durée du mandat et de l'élection des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat (n° 312, 2002-2003) et sur la proposition de loi portant réforme de l'élection des sénateurs (n° 313, 2002-2003).
M. le président a reçu de M. le Premier ministre, par lettre en date du 10 juin 2003, un avis de consultation de ces assemblées sur ces propositions de loi. Cette communication comprend en outre l'avis du Conseil général de Mayotte sur ces textes.
Acte est donné de cette communication.
Ces documents ont été transmis à la commission compétente.
CHASSE
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 300, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la chasse. [Rapport n° 326 (2002-2003).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que je vous présente aujourd'hui a été adopté en conseil des ministres le 26 mars 2003. L'Assemblée nationale l'a examiné en première lecture les 13 et 14 mai. Il traduit les principes qui guident mon action à la tête du ministère de l'écologie et du développement durable : sécurité, transparence et participation.
Appliqués à la gestion de la faune sauvage et à la pratique de la chasse, ces principes se déclinent selon quatre axes : donner à notre action une assise scientifique incontestable ; responsabiliser les acteurs et donner davantage de proximité à nos décisions et à notre action ; clarifier et simplifier la réglementation pour en faciliter la compréhension et rendre plus lisible notre politique ; enfin, restaurer la confiance entre les acteurs, chasseurs et non-chasseurs, et les pouvoirs publics.
Les fondements de cette politique ont été tracés par M. le Président de la République dans le discours sur le développement des territoires qu'il a prononcé à Ussel le 13 avril et par le Premier ministre dans la déclaration de politique générale qu'il a présentée devant vous le 3 juillet dernier. J'ai pu développer ma vision, mon programme et mon calendrier de travail lors du débat organisé le 11 février dernier à l'Assemblée nationale.
La concertation a été élargie et enrichie, ce qui a permis d'avancer dans la voie des réformes annoncées. J'en rappellerai les principales étapes.
L'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats a été installé. Son organisation et sa composition ont été précisées par l'arrêté que j'ai publié le 15 février.
Son conseil scientifique, composé de onze scientifiques reconnus proposés par les principaux partenaires de l'Observatoire que sont les chasseurs et les institutions scientifiques et naturalistes et désignés par moi-même, a commencé son travail.
Un programme a été décidé. Il porte notamment sur la connaissance des populations d'oiseaux migrateurs et de leurs habitats.
J'attends de cet observatoire qu'il me fournisse des données validées, issues des observations de terrain, qui me permettent, dans quelques semaines, de fixer des périodes de chasse scientifiquement fondées et incontestables. (M. Jean-Louis Carrère manifeste son scepticisme.)
Je lui ai demandé en particulier de travailler à une régionalisation des données, compte tenu de la diversité des situations observées sur le terrain. C'est la raison pour laquelle je ne vous propose pas de fixer les dates de chasse dans la loi.
La question a été longuement débattue à l'Assemblée nationale, qui a confirmé cette position : nos lois, comme les directives européennes, doivent établir les fondements et les principes ; mais il ne leur appartient pas de fixer des dates qui répondent davantage aux lois de la nature, aux fluctuations de la météorologie et à la dynamique propre des populations d'oiseaux. (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.)
Il nous faut en outre sortir de la logique exclusive de gestion des populations par les périodes de chasse pour revenir à une véritable logique de gestion intégrée des territoires et des populations. Cela passe par une connaissance des populations au minimum à l'échelle européenne, mais plus judicieusement à l'échelle de ce que les spécialistes appellent la « zone du paléarctique occidental » et qui correspond à l'ensemble de l'aire colonisée par les espèces migratrices concernées.
Par ses travaux, l'Observatoire contribuera à donner à notre action et à nos décisions une assise scientifique incontestable, ce qui est le premier principe de mon action.
S'agissant du deuxième principe - responsabiliser les acteurs et donner davantage de proximité à nos décisions et à notre action -, le projet de loi dont vous avez à débattre contribue pleinement à son application, j'y reviendrai dans quelques instants lors de la présentation du texte lui-même.
Le troisième principe guidant mon action à la tête de ce ministère consiste à simplifier et à clarifier la réglementation. Un groupe de travail réunissant des spécialistes appelés à rédiger ou à appliquer les textes relatifs à la chasse a été constitué. Le Sénat y est associé.
Ce groupe s'est attaché à proposer des simplifications concernant la pratique quotidienne de la chasse. Un premier rapport d'étape vient de m'être remis. Ses propositions seront intégrées au prochain projet de loi sur la ruralité ou, plus directement, traduites en textes réglementaires.
Enfin, il nous fallait restaurer la confiance entre les chasseurs et les pouvoirs publics. Après s'être détournés de leur ministère de tutelle - et on peut les comprendre -, les représentants des chasseurs ont repris leur place parmi les associations et les institutions reçues avenue de Ségur. Les rencontres régulières, les nombreuses réunions de travail nécessaires à l'élaboration de cette loi, témoignent de la normalisation de la situation.
M. Jean-Louis Carrère. Mais rien n'a changé !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je suis d'ailleurs étonnée du fort décalage qui existe entre le discours critique que certains s'emploient à maintenir à l'échelon national et la qualité de l'accueil, la cordialité que je constate lors de mes rencontres avec les chasseurs ou leurs représentants.
MM. Gérard César et M. Michel Doublet. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J'ai déjà dénoncé ceux qui ont intérêt à exacerber les crispations et à attiser les conflits. Il convient, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas entrer dans leur jeu.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Pourtant, vous vous y employez !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. S'agissant du conflit qui a opposé les fédérations et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, un médiateur a été désigné pour régler à l'amiable la situation complexe issue des contentieux croisés concernant les frais de garderie et les excédents de réserves des fédérations.
Au-delà de cette médiation, un travail en profondeur doit être conduit afin de tracer de vraies perspectives pour l'ONCFS et de rétablir la confiance indispensable entre les institutions de la chasse.
Cette chasse vivante et vigoureuse que j'appelle de mes voeux sera d'autant mieux comprise et respectée de l'ensemble de nos compatriotes qu'elle s'ouvrira et s'adaptera. L'avenir de la chasse appartient aux chasseurs, mais il n'appartient pas aux seuls chasseurs. Ces derniers ne doivent pas s'isoler dans leurs propres institutions ; ils doivent au contraire participer au débat concernant les territoires, les habitats et la faune sauvage, et se tourner vers les autres acteurs de l'espace naturel.
Le projet de loi qui vous est proposé aujourd'hui constitue l'une des étapes législatives relatives à la chasse.
La première étape a été franchie avec la loi d'habilitation qui vient d'être définitivement adoptée, dont l'article 9 autorise le Gouvernement à prendre une ordonnance portant sur la mise en place du guichet unique pour la validation annuelle du permis de chasser.
Cette mesure de simplification administrative pourra être mise en oeuvre dès cette année par les fédérations qui le souhaitent. Elle simplifiera sensiblement les démarches que doivent effectuer les chasseurs. Je constate d'ailleurs que certaines fédérations ont d'ores et déjà mis le dispositif en place, à la très grande satisfaction de leurs adhérents.
La prochaine étape sera la loi sur la ruralité, qui comportera un chapitre sur la chasse et traitera plus particulièrement de la protection des territoires et des habitats, c'est-à-dire les zones humides et les haies ; des plans de gestion cynégétique, notamment des schémas départementaux de gestion cynégétique ; de l'équilibre agro-sylvo-cynégétique, et plus particulièrement du système d'indemnisation des dégâts de grands gibiers aux cultures, auquel nous travaillons en liaison avec les services du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ; de la pratique de la chasse, avec notamment les propositions du groupe d'étude que je viens d'évoquer.
Enfin, en 2004 pourront de nouveau figurer dans la loi, grâce à un texte portant sur le patrimoine naturel, des mesures intéressant la pratique de la chasse et la gestion des espèces et de leurs habitats. Je pense notamment à la réflexion que nous avons engagée sur le statut des espèces et à la notion de bête fauve ou de nuisible.
Vous le voyez, si la tâche est ambitieuse, le calendrier législatif nous donne les moyens de l'inscrire dans la durée et nous permet d'aborder les questions relatives à la chasse de façon échelonnée, en traitant les sujets selon les grandes thématiques et au fur et à mesure de l'avancement des travaux et des consultations - car je veux respecter la concertation.
Il suppose, en contrepartie, de ne pas vouloir traiter toutes les questions simultanément.
Le nombre d'amendements déposés lors de l'examen à l'Assemblée nationale témoigne - et, là encore, on peut le comprendre - d'une certaine impatience à voir régler toutes ces questions sans délai.
Les députés, dans leur grande sagesse, ont souhaité que le Gouvernement puisse achever la concertation sur ces questions afin d'être en mesure de présenter de façon globale et cohérente lors de l'examen du projet de loi sur la ruralité.
Votre commission des affaires économiques, sur proposition de son rapporteur, M. Ladislas Poniatowski - je tiens à le remercier tout particulièrement -, a fait preuve de la même modération.
Je peux vous assurer que l'ensemble des thèmes que je viens d'évoquer figure bien dans le projet de texte qui est actuellement soumis aux discussions interministérielles et à la concertation.
Par ailleurs, le travail sur les textes réglementaires se poursuit, tant pour préparer les textes d'application de la loi que nous examinons aujourd'hui - ces textes vous ont été communiqués dans un souci de transparence - que pour adopter d'autres dispositions qui ne relèvent pas du domaine législatif.
J'en viens maintenant au projet de loi lui-même, dont je souhaite tout d'abord vous présenter l'économie générale.
S'il ne comporte qu'une trentaine d'articles, le texte n'en a pas moins nécessité un long travail préparatoire, tant avec les représentants des chasseurs, au premier rang desquels la Fédération nationale des chasseurs, qu'avec les parlementaires, en particulier avec ceux d'entre vous qui, membres du groupe d'étude sur la chasse, ont été très présents lors de sa rédaction.
Je voudrais les en remercier, et tout spécialement Ladislas Poniatowski, président du groupe d'étude sur la chasse et rapporteur du projet de loi. Je souhaite également associer à mes remerciements M. Gérard Larcher, dont chacun apprécie la très grande connaissance du dossier... (M. Jean Chérioux applaudit.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Et de la pratique !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. ... et de la pratique, et qui m'a toujours aidée de ses précieux conseils.
Le projet de loi a également été présenté aux différentes instances de conseil de mon ministère et aux associations de protection de la nature.
Deux thèmes principaux y sont abordés : la pratique de la chasse, avec l'abrogation du mercredi sans chasse, et la réforme des statuts des fédérations des chasseurs.
Je le sais, cette dernière réforme n'est sans doute pas la plus attendue par les chasseurs, car elle ne concerne pas leur pratique quotidienne. C'est pourtant celle par laquelle il m'a semblé judicieux de commencer, parce que les fédérations assument une responsabilité importante et qu'il convient de restaurer la confiance en supprimant un ensemble de dispositions contraignantes, considérées à juste titre comme vexatoires, issues de la loi « chasse » du 26 juillet 2000.
Le statut des fédérations est traité de l'article 1er à l'article 13 du projet de loi. Les mesures proposées rappellent le statut associatif des fédérations, précisent les différentes catégories d'adhérents et adaptent le mode de scrutin. Sans remettre en question la participation de tous les chasseurs adhérents aux fédérations, j'ai souhaité rendre une place aux associations intermédiaires qui organisent la chasse au plus près du terrain et participent à la gestion des territoires.
Par ailleurs, les conditions de représentation sont assouplies, afin de faciliter l'organisation des assemblées générales : les statuts types feront passer de dix à cinquante le nombre de pouvoirs pouvant être confiés à un adhérent.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est plus un homme, une voix !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le projet de loi allège sensiblement les contrôles parfois redondants et rend aux assemblées générales la pleine responsabilité de fixer le niveau des cotisations en fonction des projets et des missions des fédérations.
M. Jean-Louis Carrère. Ça sent la « magouille » !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Un amendement de l'Assemblée nationale est venu modidier le projet du Gouvernement, qui instituait un contrôle a priori limité à deux missions d'intérêt général identifiées - l'indemnisation des dégâts de gibier et la formation à l'examen du permis de chasse - et permettait au préfet d'agir rapidement pour éviter tout risque de blocage de la fédération.
Je ne suis pas certaine que la procédure qui résulte de cet amendement ne mette pas en difficulté certaines fédérations et, par conséquent, les bénéficiaires de ces missions d'intérêt général, les agriculteurs notamment, en raison des délais trop longs de mise en oeuvre d'une ou de deux solutions ; nous y reviendrons lors de la discussion des articles.
Enfin, le projet de loi soumet chaque fédération au contrôle d'un commissaire aux comptes, qu'elle choisit parmi ceux qui sont agréés.
Les réformes que nous vous proposons rétablissent un juste équilibre entre, d'une part, l'indispensable confiance qu'il convient d'accorder à des associations dont les instances délibératives doivent pleinement jouer leur rôle et, d'autre part, les contrôles nécessaires qui permettent à l'Etat de s'assurer que les missions d'intérêt général confiées aux fédérations ont été correctement menées.
L'article 14 du projet de loi concerne le statut des associations communales de chasse agréées, les ACCA. Celles-ci doivent intégrer à leurs statuts des clauses obligatoires prévues par décret en Conseil d'Etat. Or cette disposition réglementaire - il s'agit de l'article R. 222-63 du code rural - n'a pas de fondement légal. Tel est l'objet de cet article.
L'article 15 traite du fichier national des permis de chasser, qui a été créé par la loi du 26 juillet 2000. Ce fichier est géré par l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Il sera élargi à la validation du permis de chasser. En effet, cela permettra d'actualiser ce fichier chaque année en fonction des validations annuelles. Cette mesure accompagne la mise en place du guichet unique et permet aux fédérations de s'assurer que le chasseur qui demande la validation de son permis n'est pas frappé d'une mesure de suspension dans un autre département.
Un amendement des députés a prévu la transmission de ce fichier à la Fédération nationale des chasseurs. Je n'y vois aucun inconvénient, mais je consulte la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, pour savoir si les informations contenues dans ce fichier peuvent être intégralement mises à la disposition d'une association.
L'article 16 traite de l'abrogation du mercredi sans chasse. Un observateur extérieur pourrait avoir le sentiment que le débat sur la chasse en France se résume à ce fameux « mercredi ». Cette question est, certes, devenue un symbole, car on n'a pas su, ou pas voulu, la traiter comme elle devait être traitée. Elle est en tout cas emblématique de l'extrême complexité juridique du dossier.
La mesure d'interdiction générale de la chasse le mercredi est issue de la loi du 26 juillet 2000. Elle ne correspond d'ailleurs pas au projet initial débattu au Parlement, qui prévoyait la possibilité d'en fixer le jour sur le plan local au regard des circonstances, à défaut du mercredi.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est exact !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. L'interdiction du mercredi, vous le savez, repose sur un malentendu : le partage de l'espace comme moyen de régler les questions relatives à la sécurité de la chasse.
Par ailleurs, elle laisse penser que la chasse est une activité dangereuse pour les non-chasseurs, ce qui est très exagéré et particulièrement faux si on la compare à d'autres activités sportives pouvant impliquer des personnes extérieures.
Depuis des décennies, l'amélioration constante de la sécurité des chasseurs, comme de celle des non-chasseurs, tient davantage à l'instauration d'un examen pour le permis de chasser - lequel sera assorti, à partir de cette année, d'une épreuve pratique sur la sécurité -, aux consignes données par les responsables de chasses ou à l'information apportée sur le terrain lors des chasses qu'à une interdiction de la chasse tel ou tel jour de la semaine.
M. Roland du Luart. Tout à fait !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les dispositions de la loi du 26 juillet 2000 n'ont d'ailleurs eu aucun effet sur les statistiques d'accidents de chasse mettant en cause les non-chasseurs.
En revanche, cette mesure rigide s'est traduite par un recul. Avant son adoption, les préfets avaient instauré, dans une majorité de départements, et à la demande de la fédération départementale des chasseurs, un à plusieurs jours sans chasse. Le fait d'imposer le mercredi a incité les fédérations à ne pas demander d'autres jours, si bien que, dans bon nombre de départements, on est passé de deux voire quatre jours sans chasse à la seule journée du mercredi.
M. Jean-Louis Carrère. Vous avez tous voté ainsi !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le porte-parole de l'une des principales fédérations régionales de protection de la nature n'avait-il pas lui-même qualifié cette interdiction du mercredi comme « une petite supercherie, car déjà, dans la plupart des départements existe un jour sans chasse » ?
Rendons à chaque territoire sa vocation première, sans atteinte au droit de propriété, tout en respectant le principe d'ouverture et d'accueil propre à notre pays. Il n'est pas de territoire façonné et entretenu par l'homme qui n'appartienne à quelqu'un. Pour autant, dans le respect de la propriété, des récoltes et des usages locaux, ces territoires sont généralement ouverts à tous. D'ailleurs, dans les forêts publiques ou les territoires à vocation d'accueil du public, l'usage est que l'on ne chasse pas les jours de forte fréquentation. C'est ainsi que l'Etat, dans ses forêts domaniales, fixe non pas les jours sans chasse, mais, au contraire, le ou les jours hebdomadaires de chasse, lesquels font l'objet d'une publicité.
Dans le cahier des clauses générales pour la location de la chasse, l'Office national de forêts précise, dans son article 27, que, dans les forêts domaniales très fréquentées certains jours de la semaine, notamment les samedis, dimanches et jours fériés, la chasse à tir est interdite.
C'est pourquoi, dans le respect du droit de la propriété, je souhaite rendre l'initiative aux acteurs de terrain, afin qu'ils parviennent à des solutions concertées et adaptées aux situations locales, aux vocations des territoires concernés et aux pratiques de nature.
Je vous sais partagés sur ce sujet. Certains d'entre vous souhaitent l'abrogation pure et simple de cette mesure ; d'autres, conscients des difficultés, préconisent un simple aménagement.
Le projet de loi voté en première lecture par les députés a le mérite de la clarté : il abroge, dès cette saison de chasse, l'interdiction nationale du mercredi et rétablit le dispositif antérieur à la loi de 2000 en rendant l'initiative aux fédérations pour proposer aux préfets un ou plusieurs jours sans chasse à tir.
Je ne peux cependant vous cacher les interrogations que cette solution n'a pas manqué de susciter auprès de certains d'entre vous, et même auprès de nombreux présidents de fédérations et de chasseurs.
Le Gouvernement, en effet, préconisait une solution équilibrée entre les souhaits légitimes des chasseurs et une demande sociale croissante. Le choix d'une déconcentration sur le terrain, résultant d'une concertation avec l'ensemble des acteurs locaux, répondait à cet objectif. La loi lui donnait un fondement juridique solide et permettait d'en préciser les conditions, en encadrant les décisions des préfets.
La solution finalement retenue est, je ne vous le cache pas, juridiquement fragile et ne nous met pas à l'abri de contentieux. Elle tend à faire croire que l'on chasse sur le territoire tous les jours, ce qui est faux, vous le savez bien, et correspond à l'image donnée par les chasseurs.
Si le texte voté à l'Assemblée nationale donne satisfaction à court terme, il ne contribue pas à faciliter l'indispensable travail de reconquête de l'opinion par les chasseurs.
Nous aurons l'occasion d'en discuter plus longuement lors de l'examen des articles, mais je n'exclus pas que nous ayons, hélas ! à rouvrir ce dossier d'ici à quelque temps.
L'article 17 concerne le déplacement des hutteaux. Cette mesure de simplification permet de prendre en compte le caractère particulier de ces postes fixes qui ne sont installés que pendant l'action de chasse.
Quelques articles ont été ajoutés en première lecture à l'Assemblée nationale. Je citerai, en particulier, le dépôt par le Gouvernement d'un rapport présentant ses initiatives européennes visant à résorber les difficultés d'application de la trop célèbre directive Oiseaux du 2 avril 1979, ainsi que la ratification de l'accord AEWA - African-Eurasian water bird Agreement - sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie, ou encore la chasse de nuit du gibier d'eau.
En outre, trois amendement ont été acceptés par le Gouvernement, sur lesquels je ne reviendrai pas, si ce n'est pour évoquer la liste de ces départements concernés par la chasse de nuit. Il apparaît, en effet, que l'un des départements, la Vendée, ne pratiquait pas ce mode de chasse traditionnelle et que les chasseurs eux-mêmes, représentés par leur fédération, n'ont pas souhaité cette extension. Nous en avons discuté longuement avec M. le rapporteur. Je vous présenterai donc un amendement à cet égard lors de la discussion des articles.
L'article 18, également ajouté par voie d'amendement, permet le tir de nuit du sanglier dans les trois départements de droit local, d'Alsace et de Moselle. Il correspond à une pratique propre à ces territoires et doit permettre, en complément d'autres mesures de gestion des populations de sangliers, de mieux répondre aux préoccupations du monde agricole face aux dégâts de plus en plus importants que commettent les sangliers sur les cultures.
M. Roland du Luart. Il ne faut pas oublier les renards !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce projet de loi n'a pas la prétention de régler tous les problèmes de la chasse : beaucoup sont d'ordre réglementaire ou relèvent de l'initiative des chasseurs eux-mêmes. Il favorise cette initiative, il est un signe de confiance qui permet aux chasseurs de s'affirmer pleinement comme acteurs de l'espace rural et d'apporter une contribution significative à la connaissance et au maintien de la biodiversité.
C'est ainsi que la chasse et les chasseurs doivent être perçus par la société. C'est en tout cas ainsi que je les perçois.
Ce texte répond à ma double préoccupation de maintenir dans notre pays une chasse vivante, démocratique et durable et d'assurer la préservation et la gestion d'une faune sauvage et des habitats menacés par l'urbanisation, la pollution et certaines pratiques agricoles.
Cette nouvelle vision de la chasse s'appuie sur ce qui fonde l'action de notre gouvernement : responsabilité, décentralisation, développement durable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de loi relatif à la chasse soumis aujourd'hui à notre examen doit être replacé dans un objectif plus large affiché par le Gouvernement et que nous soutenons très largement, à savoir restaurer un climat de confiance et de concertation avec le monde de la chasse pour conforter et légitimer durablement une chasse démocratique et populaire.
Dès l'installation du nouveau gouvernement, sénateurs et députés, membres des groupes d'étude « chasse » des deux assemblées, nous nous sommes fait l'écho auprès du Premier ministre et de vous-même, madame la ministre, des inquiétudes légitimes des chasseurs, qui restaient profondément marqués par le contexte de suspicion et de défiance résultant du contenu de la loi du 26 juillet 2000 et des conditions dans lesquelles ce texte avait été préparé et adopté.
Sur notre initiative, plusieurs réunions de travail ont été organisées pour jeter les bases d'une véritable politique de la chasse. Et, lors du débat sur la chasse organisé le 11 février dernier à l'Assemblée nationale, les principes de l'action gouvernementale, auxquels j'adhère totalement, ont été clairement énoncés.
Il s'agit, d'abord, de rechercher prioritairement une assise scientifique incontestable, notamment pour les périodes de chasse aux oiseaux migrateurs.
Il s'agit, ensuite, de responsabiliser les acteurs que sont les fédérations départementales de chasseurs et d'agir au plus près du terrain, afin d'encourager une gestion efficace de la chasse.
Il s'agit également de simplifier la réglementation, de façon à faciliter la pratique quotidienne de la chasse.
Il s'agit, enfin, de restaurer la confiance entre les différents acteurs, notamment entre les chasseurs et les pouvoirs publics.
En matière législative, le plan d'action proposé se décline en trois étapes au travers de trois textes.
Dans le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, deux dispositions concernant la chasse étaient très attendues. Le Gouvernement est désormais habilité à prendre des ordonnances, d'une part, pour simplifier les procédures de validation du permis de chasser en instaurant, sur la base du volontariat, le guichet unique dans les fédérations départementales des chasseurs et, d'autre part, pour moderniser la procédure d'adjudication des droits de chasse dans les forêts domaniales.
La deuxième étape s'incarne dans ce projet de loi, sur lequel je reviendrai plus en détail, qui réforme deux mesures très symboliques de la loi du 26 juillet 2000, en replaçant le fonctionnement des fédérations de chasseurs dans le droit commun associatif et en supprimant la disposition emblématique du mercredi, jour de non-chasse.
La troisième étape - que vous avez rappelée longuement, madame la ministre, et je vous en remercie -, est prévue à l'automne, dans le cadre du projet de loi relatif aux affaires rurales en cours de préparation et dans lequel des mesures plus spécifiques concerneront les territoires, l'organisation et la pratique de la chasse, l'indemnisation des dégâts de gibier - j'insiste sur ce point, car certains amendements aborderont ce sujet et Mme la ministre et moi-même appellerons leurs auteurs à attendre l'examen dudit projet de loi - mais aussi la clarification des missions, du fonctionnement et du financement de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Je rappelle également que, sur proposition du Sénat, le Parlement avait voté la suppression du timbre « gibier d'eau » en juillet dernier. Parallèlement, des mesures réglementaires ont d'ores et déjà été prises et d'autres font l'objet d'un examen approfondi.
Je souligne, pour m'en féliciter, la création de l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats, par décret du 17 juillet 2002. La mise en place de cet organisme répond au voeu du Premier ministre, rappelé dans sa déclaration de politique générale, qui souhaite « fonder la gestion de la faune sauvage et des espèces sur des données scientifiques établies et partagées ».
On peut, à ce sujet, regretter que l'organisation et la composition de cet observatoire aient pris un peu de temps et que son programme de travail pour 2003 n'ait été réellement arrêté qu'en avril dernier.
Il est impératif que les travaux que l'observatoire va conduire en mobilisant un vaste réseau d'experts nous permettent, notamment, de sortir des contentieux incessants sur les dates de chasse, en mettant à disposition des données scientifiques fiables et reconnues par l'ensemble de la communauté scientifique, sur les plans national et communautaire.
En effet, et au-delà du cadre législatif et réglementaire que je viens d'évoquer, je souhaite insister sur l'importance qu'il y a à engager une négociation européenne permanente, afin d'obtenir une interprétation ou une modulation de la directive Oiseaux du 2 avril 1979, pourquoi pas au travers d'une relecture de la directive Habitat de 1992...
M. Jean-Louis Carrère. Ce sont les copains de l'UMP !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Non, c'est une bonne stratégie !
... se traduisant par des résultats tangibles à moyen et long terme pour les chasseurs d'oiseaux migrateurs. Il serait, en effet, malhonnête de laisser croire que des résultats immédiats peuvent être obtenus, notamment pour la période de chasse 2003-2004.
M. Jean-Louis Carrère. Tiens, tiens !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les avancées toutes relatives obtenues par le Gouvernement pour la campagne 2002-2003 le démontrent aisément.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La lecture très restrictive que fait le Conseil d'Etat de la directive Oiseaux dans ses arrêts successifs équivaut à autant de coups de massue sur la tête des chasseurs d'oiseaux migrateurs.
M. Jean-Louis Carrère. Il fallait le lui dire !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est un organisme indépendant, monsieur Carrère !
M. Jean Chérioux. Cela les gêne !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit d'un combat long et difficile, d'autant que la Cour de justice des Communautés européennes semble vouloir conforter son interprétation restrictive de la directive Oiseaux. J'en veux pour preuve les conclusions de l'avocat général, rendues le 6 mai dernier, sur le renvoi préjudiciel formé par le Conseil d'Etat à l'occasion d'un recours en annulation contre le décret du 1er août 2000 relatif aux dates de chasse aux oiseaux d'eau et au gibier de passage. L'interprétation qu'il propose des dérogations accordées au titre de l'article 9 est très restrictive.
Mais cela ne doit pas nous dissuader d'agir et il faut que le Gouvernement fasse preuve, à cet égard, d'une volonté politique forte, inscrite dans la durée, pour inverser la tendance et obtenir des résultats significatifs à propos des périodes de chasse. L'Observatoire national de la chasse et de la faune sauvage constitue l'un des outils indispensables pour conduire cette politique.
C'est pourquoi, mes chers collègues, vous ne trouverez ni dans le projet de loi ni dans les amendements déposés par la commission des affaires économiques de propositions de dates de chasse, car cela ne s'inscrirait pas dans cette stratégie à long terme que je défends.
M. Roland Courteau. C'est nouveau !
M. Jean-Louis Carrère. Il en a fallu du temps !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J'en viens maintenant au contenu du projet de loi tel qu'il a été amendé par l'Assemblée nationale.
Initialement composé de dix-sept articles, ce texte en comporte désormais vingt-huit.
S'agissant du projet de loi lui-même, une première série de dispositions tend à responsabiliser les fédérations des chasseurs gestionnaires de la chasse, en rétablissant notamment un régime simplifié de droit commun associatif en ce qui concerne leur fonctionnement et leur contrôle.
L'article 4, sans remettre en cause le principe démocratique « un chasseur, une voix », restaure l'expression des gestionnaires de territoires de chasse adhérents de la fédération. Il s'agit de reconnaître le rôle irremplaçable du niveau intermédiaire de représentation des chasseurs, notamment celui des associations communales de chasse agréées.
Cet article, complété par les statuts, détermine les règles de procuration, le système proposé étant équilibré : par le jeu des procurations, un adhérent chasseur peut disposer de cinquante voix au maximum et un territoire adhérent de cinquante voix au maximum au titre de la superficie de son territoire.
M. Jean-Louis Carrère. Est-ce qu'on le fera pour les élections sénatoriales ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Les articles 5 à 8 allègent notablement les contrôles exercés par le préfet sur le budget de la fédération départementale en les limitant aux dépenses liées à l'indemnisation des dégâts de gibier et à la formation à l'examen du permis de chasser.
A l'inverse, chaque fédération est soumise au contrôle d'un commissaire aux comptes, qu'elle choisit. Si ce dernier constate que la continuité de l'activité de la fédération risque d'être compromise, une procédure propre au droit associatif est mise en oeuvre et le préfet en est tenu informé.
Enfin, et par voie de conséquence, le contrôle économique et financier de l'Etat est supprimé.
L'article 9 soumet les deux fédérations interdépartementales aux mêmes dispositions que les fédérations départementales. Je vous soumettrai cependant un amendement prenant en compte la spécificité de la fédération interdépartementale de Paris.
En ce qui concerne la fédération nationale des chasseurs, l'article 11 précise que son président, comme dans toutes les associations, est élu par son conseil d'administration.
Dans le souci de responsabiliser les fédérations départementales, la fédération ne fixe plus le montant maximum des cotisations dues par les chasseurs aux fédérations et le plafond fixé par décret en Conseil d'Etat est supprimé. Il s'agit de prendre en compte, d'une fédération à l'autre, la très grande variabilité des sommes en jeu, notamment au titre de l'indemnisation des dégâts de gibier.
Enfin, on peut indiquer que les contrôles auxquels est assujettie la fédération nationale sont simplifiés, comme pour les fédérations départementales.
Mes chers collègues, sur ces différents points, l'Assemblée nationale a apporté des précisions utiles qu'il convient globalement de conserver. Elle a néanmoins modifié les règles permettant au préfet pour les fédérations départementales et au ministre chargé de la chasse pour la fédération nationale d'inscrire d'office les dépenses et les recettes liées aux indemnisations des dégâts de gibier et à la formation à l'examen du permis de chasser, en imposant la saisine du tribunal administratif.
Compte tenu des inquiétudes du monde agricole devant l'allongement des délais que cette procédure risque d'entraîner et des difficultés que le juge administratif rencontrera pour apprécier la situation des fédérations, il vous sera proposé d'en revenir au texte du projet de loi.
En revanche, s'agissant des procédures de gestion d'office en cas de manquement grave et persistant, je suis favorable à la disposition introduite par l'Assemblée nationale qui tend à faire intervenir les chambres régionales des comptes ou la Cour des comptes.
Le deuxième volet important de ce projet de loi concerne, à l'article 16, l'abrogation de l'interdiction de la chasse à tir le mercredi sur l'ensemble du territoire national.
Le projet de loi, dans sa rédaction initiale, maintenait le principe d'un jour hebdomadaire sans chasse à tir, mais en déconcentrant la procédure au niveau des préfets, après consultation des fédérations départementales, aux fins de protection du gibier et de conciliation des différents usages de la nature. Le préfet pouvait également, dans le respect de ces mêmes objectifs, fixer des jours différents sur certaines parties du territoire et excepter de l'interdiction la pratique de certains modes de chasse à tir.
Après de très longs débats, l'Assemblée nationale, sur proposition de la commission des affaires économiques, a préféré supprimer le dernier alinéa de l'article L. 424-2 du code de l'environnement afin de revenir à la situation antérieure à la loi du 26 juillet 2000, c'est-à-dire que le préfet peut interdire de chasser un, voire plusieurs jours par semaine, après avis des fédérations départementales des chasseurs, en application de l'article R. 224-7 du code rural.
Je ne ferai ici que rappeler l'opposition du Sénat à l'instauration d'une mesure si hautement controversée.
M. Jean-Louis Carrère. L'opposition de la totalité du Sénat !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est exact !
Nos arguments n'ont pas changé. Ainsi, l'allégation de la sécurité doit être récusée - je vous remercie, madame la ministre, d'avoir défendu cette position -, lorsque l'on sait que, grâce aux initiatives prises par les fédérations départementales, le nombre d'accidents diminue tendanciellement et que l'immense majorité des accidents concerne les chasseurs eux-mêmes.
Certes, je reste, comme beaucoup, convaincu qu'un vrai débat sur la conciliation des différents usages de la nature devra avoir lieu, car l'engouement pour les sports de nature correspond à une demande sociale forte et irréversible qui ne peut être ignorée. Mais la réponse ne se trouve pas au niveau national, en réservant un jour à telle activité et un autre jour à telle autre. La concertation sur un usage partagé ne se décrète pas, elle doit être recherchée au niveau local, en tenant compte des différents types de territoire et en dégageant des consensus.
Mes chers collègues, vous vous en doutez, la solution n'est pas identique selon qu'il s'agit d'un massif forestier périurbain ou de marais situés en milieu rural profond. On oublie trop souvent d'ailleurs ou certains feignent de l'ignorer que, depuis de nombreuses années, il n'y a plus de chasse à tir le week-end dans la plupart des forêts domaniales périurbaines, notamment, monsieur Larcher, en région parisienne.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Depuis vingt ans, et à la demande des chasseurs !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Or ces forêts-là sont les plus fréquentées par les promeneurs.
Je rappelle qu'il y a quinze millions de visiteurs par an en forêt de Fontainebleau.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Et dix millions à Rambouillet ! (Sourires.)
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La prochaine fois, je n'oublierai pas de mentionner les dix millions de promeneurs en forêt de Rambouillet ! (Nouveaux sourires.)
En outre, il faut souligner les effets pervers entraînés par l'instauration du mercredi sans chasse. Alors que, pendant la saison de chasse 1999-2000, un, voire plusieurs jours de non-chasse avaient été institués dans plus de la moitié des départements français, après le vote de la loi du 26 juillet 2000, seuls trois départements de montagne avaient conservé une réglementation ajoutant une journée totale ou partielle de non-chasse au mercredi.
Je considère enfin, comme les députés, que la notion juridique de « conciliation des différents usages de la nature » proposée par le Gouvernement n'était pas assez précise et qu'elle risquait de susciter de multiples recours et contentieux. En outre, il n'est sans doute pas souhaitable, en l'état, qu'elle soit reconnue comme un motif d'intérêt général justifiant une atteinte, même limitée, au droit de propriété en limitant les jours de chasse.
Pour toutes ces raisons, je vous demanderai d'adopter conforme l'article 16 tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale.
M. Alain Vasselle. Bravo !
M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes d'accord !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je sais, par ailleurs, que les fédérations départementales ont déjà devancé la mise en place de ce dispositif pour rétablir un ou plusieurs jours de non-chasse dans leurs assemblées départementales qu'elles ont tenues en avril, en mai et en ce début de mois de juin.
M. Roland du Luart. C'était ce qui était fait avant, et c'était très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes d'accord !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'Assemblée nationale a enfin adopté un certain nombre d'articles additionnels que j'évoquerai brièvement, mais que je n'entends pas modifier.
Il s'agit notamment de l'instauration de la double tutelle sur l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, et les statuts de la fédération nationale des chasseurs, mesure que nous avions unanimement défendue, ici, au Sénat - mais en vain - lors du vote de la loi du 26 juillet 2000.
MM. Jean-Louis Carrère et Roland Courteau. Exactement !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s'agit également de la transmission d'une copie des procès-verbaux d'infraction aux présidents des fédérations départementales, mesure que le Sénat avait également défendue en son temps pour que les fédérations soient mieux informées, afin éventuellement de se porter partie civile ou de mener des actions pédagogiques auprès des chasseurs.
Enfin, s'agissant de la législation de la chasse de nuit dans sept départements supplémentaires, il s'agit d'inscrire dans la loi la liste des départements - à l'exception de la Vendée, il est vrai - pour lesquels le décret du 1er août 2000 autorisait la chasse de nuit dans certains cantons.
En tout état de cause, cette modification ne remet pas en cause le principe prévu par l'article L. 424-5 du code de l'environnement selon lequel la chasse de nuit ne peut se pratiquer qu'à partir de postes fixes existants au 1er janvier 2000 dans les départements énumérés.
M. Jean-Louis Carrère. Principe légalisé par l'ancien texte.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Absolument !
En conclusion, les amendements que j'ai proposés et qui ont été adoptés par la commission des affaires économiques ne remettent pas en cause l'architecture du texte adopté par l'Assemblée nationale, hormis les propositions relatives au contrôle de l'exécution des missions de service public par les fédérations départementales des chasseurs et par la fédération nationale.
La commission des affaires économiques a enfin adopté deux articles additionnels qui constituent des avancées confortant une gestion plus décentralisée des espèces de gibier et de leurs habitats.
Votre projet de loi, madame la ministre, était initialement qualifié de « petite loi chasse » en raison de son faible nombre d'articles. A deux ou trois exceptions près, vous avez accepté que l'Assemblée nationale le renforce par des articles additionnels.
Je souhaite, bien sûr, que vous acceptiez les modifications que le Sénat propose à son tour, qu'il s'agisse de celles qui reviennent à votre rédaction initiale - je n'ai pas de crainte à ce sujet -, mais aussi de celles qui le renforcent en précisant l'activité cynégétique de notre pays.
Ce texte, qui constitue votre deuxième étape, devient nettement plus ambitieux, à l'image du contenu du volet « chasse » du projet de loi relatif aux affaires rurales que vous préparez. Mais il ne faut pas oublier la quatrième étape, madame la ministre, je le rappelle d'une manière un peu solennelle ici, celle qui doit se jouer au niveau communautaire s'agissant des dates pour la chasse des oiseaux migrateurs.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Notre objectif, au Sénat, est identique à celui de nos collègues de l'Assemblée nationale et au vôtre : restaurer un climat de confiance et de concertation avec le monde de la chasse pour conforter et légitimer une chasse démocratique et populaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vient très justement de le rappeler M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission des affaires économiques, ce texte doit être replacé dans une démarche plus large que nous soutenons tous, à savoir le rétablissement d'un climat de confiance et de concertation entre les chasseurs, leurs représentants et les pouvoirs publics, afin de conforter durablement une chasse démocratique, populaire et comprise par la société majoritairement urbaine d'aujourd'hui. C'est aussi l'un des défis qui sont devant nous.
Cet objectif sera atteint si notre démarche se structure autour de quelques principes forts que je souhaite résumer en quatre points.
Tout d'abord, premier principe, les chasseurs doivent s'affirmer et être reconnus comme des acteurs incontournables d'une gestion efficace et raisonnée des espaces naturels pour permettre aux différentes espèces de gibier de vivre dans un milieu équilibré favorisant leur développement, équilibre qu'il faut également trouver avec les activités agricoles, sylvicoles et humaines comme la protection des habitats et le statut des espèces et des milieux. A ce titre, un volet « chasse » s'inscrira tout naturellement dans le futur projet de loi sur les affaires rurales. Il est indispensable qu'une étroite concertation se poursuive sur ces sujets entre le ministère de l'écologie et du développement durable et le ministère de l'agriculture. Cela explique aussi notre soutien à l'instauration de la double tutelle du ministre chargé de la chasse et du ministre de l'agriculture sur l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.
J'en viens au deuxième principe. Le mouvement associatif puissant et diversifié qui structure le monde de la chasse doit être reconnu et renforcé, car il participe très largement à l'animation et à la vie économique et sociale de nombre de nos territoires ruraux. A ce titre, les articles du présent projet de loi qui replacent tout simplement les fédérations départementales des chasseurs dans le droit commun du régime associatif ne sont que justice. Ils réaffirment également les missions de service public exercées par les fédérations, au premier rang desquelles se trouvent l'indemnisation des dégâts de grand gibier et l'examen du permis de chasser.
Dans cette logique, il est satisfaisant de constater que les modalités de contrôle desdites fédérations par l'autorité administrative retrouvent le droit commun. En revanche, dans le cadre des missions de service public auxquelles les fédérations participent, il convient de prévoir des règles de contrôle simples et efficaces qui ne risquent pas de susciter des contentieux au sein des acteurs du monde rural. Le rapporteur vous proposera des mesures en ce sens.
J'en viens au troisième principe. Il est indispensable, madame la ministre, que la communication permanente reprise avec la Commission européenne se poursuive sur des bases objectives et reconnues par tous au plan scientifique. D'où l'importance de l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats créé en juillet 2002, doté, en avril, de son programme de travail. Il nous permettra prochainement de disposer de données scientifiques reconnues de tous.
J'en arrive au quatrième principe. Je salue, à cette occasion, le travail remarquable de concertation, d'écoute et d'approfondissement du texte qu'a accompli M. le rapporteur sur le partage de la nature, c'est-à-dire l'accès du plus grand nombre aux espaces ouverts, lequel doit se concevoir à la fois dans le respect du droit de propriété et la définition d'un juste équilibre entre les droits et les devoirs de tous les usagers de la nature.
L'ambition est claire : il s'agit de concilier la pratique de la chasse avec son temps et d'admettre, comme le disait notre rapporteur, que la demande sociale en faveur des sports de nature est légitime et doit être prise en compte. Les chasseurs doivent sortir de l'isolement dans lequel certaines personnes n'appartenant pas toujours au monde de la chasse ont parfois voulu les cantonner. Leurs fédérations doivent poursuivre leur ouverture aux autres usagers de la nature et participer au débat sur les territoires et la faune sauvage. C'est possible et cela a d'ailleurs existé pendant près d'une décennie dans la région la plus dense de France.
Au-delà de ce projet de loi, qui comporte des avancées significatives et qui permet, sur le plan psychologique, de « laver » ce qui a été ressenti comme un affront par de nombreux chasseurs lors de l'adoption de la loi du 26 juillet 2000, il me paraît essentiel que la collectivité des chasseurs dans son ensemble se place dans une perspective d'avenir pour inventer la chasse du xxie siècle, comme le propose M. Victor Scherrer dans le rapport qu'il a présenté au Conseil économique et social en décembre dernier. Une chasse passion, une chasse raison, une chasse comprise, voilà, me semble-t-il, les trois défis et les trois valeurs de la chasse d'aujourd'hui. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire : 98 minutes ;
Groupe socialiste : 52 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 14 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la chasse qui nous est présenté prétend, une nouvelle fois, tenter de parvenir à une pratique sereine de la chasse, dans un contexte apaisé.
S'il s'agit d'apaiser les relations entre les mouvements politico-cynégétiques comme Chasse, pêche, nature et traditions, le CPNT, et les mouvements anti-chasse comme le ROC, le Rassemblement des opposants à la chasse, je pense être suffisamment objectif pour pouvoir dire que c'est aussi compliqué que le conflit israélo-palestinien. (Mme la ministre s'esclaffe.)
S'il s'agit, en revanche, de rapprocher toutes celles et ceux qui sont plutôt hostiles à la chasse, souvent par intoxication médiatique, ignorance ou sensiblerie, alors, oui, cela relève du domaine du possible, mais ce ne sont pas les mesures contenues dans ce texte qui y contribueront, celles-ci étant orientées vers les chasseurs et le mode de fonctionnement de leurs fédérations.
Le retrait du jour de non-chasse le mercredi est plutôt mal perçu par l'opinion publique. Par ailleurs, la suppression de la notion d'« usage non appropriatif de la nature » ne me semble pas être de bon augure pour apaiser les esprits.
J'y reviendrai point par point et formulerai des propositions concrètes qui, à mon sens, contribueraient à améliorer sensiblement ce texte, à rapprocher le monde de la chasse de celui de la non-chasse, à démocratiser le fonctionnement des fédérations, à promouvoir une chasse accessible pour les plus modestes, autrement dit, une véritable chasse populaire où tous les modes de chasse soient accessibles, quels que soient les choix et les goûts des uns et des autres.
Le fait que le débat sur la chasse soit présenté en pièces détachées est inacceptable et ne contribue pas à la clarté. Ainsi, il n'est pas sûr que le guichet unique du permis de chasser dans les fédérations, mesure inscrite dans le texte intitulé « Simplification et codification du droit », simplifie réellement la vie des chasseurs, qui souvent devront parcourir plus de cent kilomètres pour aller chercher leur permis à la fédération départementale au lieu de se rendre à la perception.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est faux !
M. Gérard Le Cam. Le texte que nous examinons aujourd'hui constitue le deuxième étage de la fusée chasse ; le plat de résistance, réservé pour la fin de l'année dans le cadre de l'examen du projet de loi sur les affaires rurales, traitera, quant à lui, de l'essentiel des finances des fédérations à travers les dégâts de gibier et le devenir de l'ONCFS.
Qu'est-ce qui justifie vraiment ces mesures en trois temps de la part du Gouvernement, mesures qui flattent le monde de la chasse sans résoudre les vrais problèmes ?
S'agit-il de nous refaire le coup de 1998, avec les ultras de CNPT qui, dans 90 % des cas, sont allés soutenir la droite dans les conseils généraux et régionaux et continuent d'activer les tensions pour exister ?
S'agit-il de construire un pôle de radicalité au service de la droite où la ruralité, la chasse, la pêche, pourraient agglomérer tout ce qui ne va pas dans nos campagnes et venir compenser l'affaiblissement du poids électoral des agriculteurs ?
Enfin, s'agit-il de casser tout ce qui a été réalisé par le précédent gouvernement, loi après loi ? La démolition systématique est en cours et cela ira toujours dans le même sens, vers toujours plus de libéralisme, toujours moins de services publics, toujours plus de cadeaux fiscaux aux possédants et toujours plus de taxes aux plus modestes !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est faux !
M. Gérard Le Cam. Venons-en à l'examen du texte qui nous est présenté.
L'article 1er A nouveau est très louable puisqu'il montre l'intention du Gouvernement de prendre des initiatives visant à résorber les difficultés d'application de la directive 79/409/CEE que notre honorable collègue M. Jean François-Poncet avait signée en 1979.
Je ne peux pas vous reprocher de tenter de corriger vos erreurs passées et de rétablir un peu de subsidiarité dans notre pays, cette fameuse notion de subsidiarité qui aurait dû permettre à la France de conserver un certain nombre d'avantages liés à ses traditions, son histoire, ses moeurs. C'est votre conception libérale et maastrichienne, messieurs de la majorité,...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Et la gauche plurielle !
M. Gérard Le Cam. ... qui a mis à mal la subsidiarité elle-même. Nous n'en serions pas là aujourd'hui si l'Union européenne s'était construite autour de bases plus sociales, plus solidaires. Nous n'en serions pas là, qu'il s'agisse de la chasse, bien sûr, mais surtout de nos services publics, de nos transports, de notre énergie, de notre poste, tous livrés à la concurrence sauvage du libéralisme au nom d'une prétendue lutte contre les monopoles.
Vous avez mis le loup du libéralisme dans la bergerie des subsidiarités ; le résultat est là. Cet article pose clairement le problème de l'inscription ou de la non-inscription des dates d'ouverture et de fermeture dans la loi. La majorité actuelle, après de fortes annonces en direction des chasseurs concernant l'inscription des dates, est bien obligée de battre en retraite au regard de l'interprétation restrictive du Conseil d'Etat à propos de la directive 79/409.
La mise en place de l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats devrait mettre un terme aux querelles de scientifiques sur les périodes de migration et de reproduction des migrateurs, à moins que l'Union européenne elle-même et ses experts ne viennent contredire les conclusions de l'Observatoire et anéantir, une fois de plus, toute possibilité de subsidiarité.
A ce sujet, je pense qu'il est urgent d'inscrire des dates limites d'ouverture et de fermeture par espèce au plan national, libre ensuite au ministère, en accord avec le monde de la chasse, de déterminer chaque année des dates à l'intérieur de ce cadre, selon les observations de populations, les critères climatiques et autres.
L'article 1er B supprime la notion même d'usage non appropriatif de la nature dans le code de l'environnement. C'est l'exemple même d'inintelligence qui contribuera à accroître le fossé entre les chasseurs et la société.
Je propose naturellement de rétablir cette notion et de la faire vivre par l'établissement, dans toutes les communes de France, d'un schéma communal des usages non appropriatifs de la nature, SCUNAN annexé au PLU, où figureraient l'ensemble des droits non appropriatifs du territoire - droits d'accès, de stationnement, de collecte, de circulation, contrats avec les domaines privés...
Voilà, mes chers collègues, une mesure qui viserait à clarifier des situations fréquentes d'incompréhension ou de conflits rencontrées notamment dans le monde rural, situations qui exposent tout particulièrement les nouveaux arrivants, les rurbains et les touristes, et figent les oppositions. Cette idée est révolutionnaire, non pas par l'idée qu'elle porte, mais par sa concrétisation dans le droit rural et environnemental. Elle ne porte pas atteinte au droit de propriété, mais elle ouvre des perspectives modernes d'usage de la nature.
L'article 1er C place l'ONCFS sous la double tutelle des ministères de l'environnement et de l'agriculture. Les communistes s'étaient déjà opposés à la double tutelle en 2000. Mes camarades de l'Assemblée nationale ont proposé d'instituer un secrétariat d'Etat à la chasse ; ce n'est pas une mauvaise idée, mais je ne la reprendrai pas, même si elle était susceptible de me permettre un prestigieux développement de carrière politique dans un gouvernement à venir ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Bravo !
M. Gérard Le Cam. Plus sérieusement, cette double tutelle est une véritable défiance à l'égard de l'environnement en général et des ministres successifs qui en ont eu la charge.
Cette mesure de double tutelle est également la préparation à la séparation des missions techniques et des missions de police de l'ONCFS, idée que je ne partage pas, au même titre qu'une très grande majorité des agents de cet office qui craignent à juste titre de disparaître par leur absorption dans la gendarmerie nationale.
M. Philippe François. Ce serait une bonne chose !
M. Gérard Le Cam. Nous proposons donc de conserver l'ONCFS sous la tutelle du ministère en charge de l'écologie et du développement durable et de conforter ainsi les missions environnementales qui contribuent à grandir les objectifs du monde de la chasse.
L'article 1er conforte le caractère associatif des fédérations de chasseurs au détriment de leurs missions de service public. Il anticipe l'article 6 qui affaiblit le contrôle de l'Etat. Rappelons que nos fédérations de chasseurs manipulent beaucoup d'argent. Or, réduire ainsi la transparence des comptes ne contribue pas à améliorer l'image de la chasse, qui, financièrement, pèse lourd dans notre pays.
L'article 1er bis prévoit la transmission des procès-verbaux aux fédérations par les gardes de l'ONCFS. D'après mes informations, cette disposition est illégale. Aussi, nous amenderons cet article afin que le procureur de la République, seul habilité à transmettre, soit sollicité par les fédérations. Soulignons d'ailleurs que cette transmission des procès-verbaux peut porter atteinte à la présomption d'innocence.
L'article 2 relatif aux bénéficiaires de plans de chasse et de plans de gestion n'appelle pas de commentaires de notre part.
L'article 1er D, visant à ratifier l'accord AEWA, African-Eurasian migratory waterbird agreement, ne peut que recueillir notre approbation dans la mesure où il constitue un progrès par rapport à la directive 79/409.
L'article 3 élargit les possibilités d'adhésion aux fédérations, mais réintroduit la notion de territoire, de cotisation territoriale et de droit de vote. Nous amenderons cet article afin d'abroger le droit censitaire des territoires et de rendre leur cotisation proportionnelle à leur surface, voire à leurs plans de chasse.
L'article 4 remet en cause le principe « un chasseur, une voix » et porte atteinte à la démocratie au sein des assemblées générales qui, à l'instar d'autres organismes et associations, deviennent de véritables mascarades de démocratie.
Nous déposerons des amendements afin de revenir à l'esprit de la loi de 2000, de faciliter le vote par correspondance, afin que ne soit donné qu'un seul pouvoir à un autre chasseur et un nombre maximal de dix voix aux élus des associations de chasse.
L'article 5 soumet les fédérations de chasseurs au contrôle d'un commissaire aux comptes, ce qui est déjà très souvent le cas. Signalons que ce commissaire est juge et partie, puisqu'il est rémunéré par les fédérations. Aussi, nous amenderons l'article 5 afin de permettre aux présidents et aux administrateurs de désigner un commissaire aux comptes indépendant et de transmettre son rapport à l'assemblée générale annuelle.
L'article 6 limite le contrôle de l'autorité préfectorale aux dégâts de gibier et à la formation initiale. Il instaure une véritable usine à gaz pour la saisine de la Cour des comptes qui, d'ailleurs, a bien autre chose à faire et ne dispose pas des moyens humains nécessaires. Pour le vivre actuellement dans ma fédération, je peux vous assurer que, même sous le régime de la loi de 2000, obtenir la saisine de la Cour des comptes est un véritable parcours du combattant. Demain, tous les coups seront permis en matière de financements occultes, d'attribution de privilèges exorbitants, de déviation des objectifs associatifs des fédérations. Voilà ce qui nous attend derrière cet article.
En revanche, l'article 6 bis libère les fédérations de l'épée de Damoclès qui pesait sur leurs réserves financières. Dans la mesure où il s'agit de l'argent des chasseurs, il semble normal qu'il soit utilisé, dans le respect des statuts, au service de la chasse. La pression exercée par l'Etat sur ces réserves a d'ailleurs eu l'effet pervers d'accélérer des dépenses d'investissement qui n'étaient pas toujours justifiées.
Nous proposerons également de supprimer l'article 7 afin de rétablir, conformément à la loi de 2000, les possibilités de contrôle de l'Etat, qui ne sont nullement pesantes d'ailleurs quand on n'a rien à se reprocher ou à cacher.
C'est également pourquoi, à l'article 8, par cohérence, nous proposerons de rétablir le contrôle de l'Etat sur les missions associatives des fédérations.
Enfin, les déclinaisons de la loi appliquées aux fédérations régionales et nationales relèvent des mêmes remarques que celles que j'ai précédemment énoncées.
J'en viens à l'article 16, qui tend à supprimer le jour de non-chasse du mercredi. En 2000, nous n'avons pas soutenu la notion de jour de non-chasse du mercredi dans la mesure où celui-ci ne se justifiait pas au titre de la sécurité. Effectivement, il y a beaucoup plus de personnes dans la nature le week-end ou pendant les vacances. De surcroît, cette contrepartie accordée aux environnementalistes et aux anti-chasse n'a satisfait personne.
Le jour de non-hasse est en réalité un faux problème, dans la mesure où, très souvent, plusieurs jours sans chasse existent dans les départements et dans les sociétés de chasse, où l'on ne chasse, pour l'essentiel, qu'un ou deux jours par semaine.
Autre imperfection du jour sans chasse : il ne concerne que la chasse à tir et comporte de nombreuses exceptions, notamment la chasse à courre, à postes fixes, dans les enclos et sous terre, ce qui ne contribue pas à la clarté.
Nous proposerons un amendement visant à protéger la chasse du dimanche, d'abord pour ceux qui, travaillant la semaine, n'ont pas d'autres possibilités. Notre amendement précisera également la teneur des jours sans aucune chasse, démocratiquement décidés par les chasseurs, en accord avec l'autorité préfectorale.
La situation des postes fixes au gibier d'eau et aux colombidés peut néanmoins être étudiée et aménagée.
Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, les principales remarques que m'inspire ce texte de loi.
Vouloir une chasse apaisée suppose, tout d'abord, de lui donner une bonne image grâce à des fédérations démocratiquement gérées et transparentes sur le plan financier, à une volonté réelle de donner un cadre légal aux usages non appropriatifs de la nature, par une réhabilitation médiatique objective, montrant ce que sont réellement les divers modes de chasse et l'important travail de terrain effectué par les chasseurs dans le domaine cynégétique.
Vouloir une chasse apaisée suppose ensuite d'encourager davantage ce travail de terrain, de le valoriser, de mobiliser des moyens publics pour lutter contre la myxomatose et le VHD, la maladie virale hémorragique, qui ont laminé la chasse de base en France en réduisant les populations de garenne comme peau de chagrin.
Ce qui se passe dans nos sociétés communales témoigne de la capacité des chasseurs à rassembler autour d'un banquet, d'une fête champêtre, d'une collecte de déchets dans la nature.
Des intérêts communs existent entre les usagers de la nature. Sachons les valoriser, coopérer sans se compromettre ou capituler : c'est l'avenir même de la chasse qui en dépend.
Telle est, madame la ministre, mes chers collègues, la position équilibrée et cohérente du groupe communiste républicain et citoyen. Elle prolonge l'attitude qui fut la nôtre lors des débats sur la précédente loi relative à la chasse, en favorisant les relations entre la chasse et l'environnement, la transparence financière et le fonctionnement démocratique des fédérations. Il s'agit enfin d'une position équilibrée sur la question épineuse du jour ou des jours sans chasse.
Les attaques contre la chasse frappent d'abord les chasseurs les plus modestes, regroupés au sein des associations communales de chasse agréées, les ACCA. C'est à eux qu'il nous faut penser en premier lieu afin qu'ils puissent se livrer, pour de nombreuses décennies encore, à leur passion favorite. C'est dans cet esprit que nous tentons d'améliorer un texte qui ne répond pas exactement à ce que doit être la chasse dans notre société moderne.
Aussi, en l'état actuel de ce texte, nous ne pourrons pas le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - Jean-Louis Carrère applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, assurément ce projet de loi sur la chasse vient à son heure. Il est accueilli avec soulagement par les chasseurs au regard de l'abrogation des mesures les plus vexatoires : le mercredi sans chasse et la multiplication des contrôles injustifiés sur les fédérations départementales.
M. le rapporteur, Ladislas Poniatowski, a très bien analysé ces points et il a déposé quelques amendements bienvenus qui enrichissent ce projet de loi. A l'issue du débat au Sénat, ce qu'il est convenu d'appeler la « petite loi » sera peut-être dénommé ainsi la « moyenne loi » chasse.
A titre personnel, j'aurais aimé compléter davantage ce texte sans attendre la future loi sur les affaires rurales. Mais il n'est pas toujours efficace de « courir deux lièvres à la fois ». (Sourires.) C'est pourquoi je me contenterai, pour le moment, de suggérer quelques pistes de réflexion complémentaires.
Je me réjouis de la double tutelle environnement-chasse instituée sur l'ONCFS. A cet égard, je souhaiterais que les missions des fédérations ne soient pas définies de manière trop stricte et que soit mieux pris en compte l'apport de ces dernières à l'environnement et à l'aménagement rural.
En Charente-Maritime, par exemple, la fédération conduit aussi bien des actions d'éducation à l'environnement que des programmes d'accueil du public dans les réserves de chasse.
Il me semble également opportun de mieux définir les tâches qui incombent à l'Etat et aux fédérations pour ce qui concerne l'organisation du permis de chasser, au regard des difficultés rencontrées en 2002.
D'un côté, l'Etat ne peut dégager que dix inspecteurs chargés de faire passer l'examen à 33 000 candidats et, de l'autre, les fédérations dépensent des sommes considérables pour construire et gérer les installations adéquates.
Je vous demande donc, madame la ministre, s'il ne serait pas envisageable de confier de nouveau aux fédérations, sous le contrôle de l'Etat, la gestion complète du plan de formation et de l'examen des futurs chasseurs.
Le projet de loi sur les affaires rurales devra régler un problème très important, celui du financement de l'Office national de la chasse. Il n'est plus admissible, au regard du nouveau statut des gardes, que des fonctionnaires de l'Etat soient rémunérés à partir du produit des redevances versées par les seuls chasseurs.
Cette situation est politiquement incompréhensible ; elle est même d'ailleurs juridiquement fragile puisque le Conseil constitutionnel a rendu deux décisions rappelant que les fonctionnaires de l'Etat devaient être rémunérés sur les recettes du budget général de la nation.
Par ailleurs, les gardes-chasse devront s'inscrire dans une nouvelle organisation. Le Premier ministre vient de déclarer, au sujet des communautés de brigade de gendarmerie en zone rurale, qu'il fallait y intégrer « de façon coordonnée et dans le respect des prérogatives de chacun des administrations essentielles comme les gardes de l'ONCFS ». Pouvez-vous dès à présent, madame la ministre, nous en dire un peu plus sur l'état d'avancement de ce projet ?
S'agissant de l'article 14 relatif aux associations communales de chasse agréées, les ACCA, certains craignent de voir dériver la liberté associative en statuts types qui ne disent pas leur nom, statuts types rejetés d'ailleurs par l'association des fédérations de chasseurs en ACCA.
Il serait sans doute judicieux de rappeler à cette tribune, madame la ministre - la pédagogie est parfois l'art de la répétition - qu'il ne s'agit que de valider l'actuel article R. 222-63 du code rural en lui donnant une meilleure sécurité juridique. C'est d'ailleurs ce qui ressort de l'excellent rapport de notre collègue Ladislas Poniatowski. Des craintes infondées seraient ainsi certainement apaisées.
Sénateur d'un département où 99 % des communes sont constituées en ACCA, je peux vous assurer qu'il serait bien utile que vous consacriez quelques secondes à apporter cette confirmation qui est attendue.
L'élaboration des orientations régionales de gestion de la faune sauvage et d'amélioration des habitats suscite, quant à elle, un certain nombre d'interrogations et de critiques.
Cette politique ambitieuse semble en effet se complaire dans une déviation technocratique. Je me demande donc s'il ne conviendrait pas, dès à présent, de réfléchir à une simplification de ce dispositif, en envisageant de donner un rôle plus affirmé au département et au schéma départemental de gestion cynégétique.
Une autre solution, évoquée par le Premier ministre, serait de confier l'élaboration de ces orientations aux conseils régionaux. Cela mérite expertise, mais il me semble que la priorité devrait être accordée à la simplification et à la confiance vis-à-vis du terrain.
Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, un certain nombre de propositions et de points de réflexion s'appliquant au projet de loi relatif aux affaires rurales.
Le texte présenté aujourd'hui à notre examen a été parfaitement analysé par notre rapporteur, et je le voterai, bien entendu, tel qu'il sera enrichi par les amendements de la commission.
C'est, en définitive, un texte attendu et bienvenu. Il ouvre le débat sur la chasse de manière, cette fois-ci, réellement apaisée et constructive. Il ne traite pas - j'en comprends bien les raisons - des problèmes de la chasse au gibier d'eau ni des dates d'ouverture et de fermeture, mais ces problèmes n'en sont pas réglés pour autant.
Vous avez annoncé à l'Assemblée nationale, madame la ministre, que vous alliez vous attacher à une renégociation de la directive de 1979. Par ailleurs, le Premier ministre a décidé d'utiliser les dérogations autorisées par l'article 9 de cette directive, même si les conclusions de l'avocat général de la Cour de Luxembourg ne semblent pas très encourageantes en la matière.
Bien entendu, je vous soutiendrai dans ces deux initiatives intéressantes et je forme des voeux pour que vous ayez de bonnes nouvelles à nous annoncer lors de notre prochain rendez-vous parlementaire, à savoir l'examen du projet de loi relatif aux affaires rurales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté porte sur un sujet depuis de trop nombreuses années polémique et passionnel. Je tenterai donc d'éviter cet écueil, intervenant non pour défendre un camp contre un autre ou pour dresser une partie des Français contre l'autre, mais pour défendre la position mûrement réfléchie d'une élue d'un département rural au patrimoine naturel particulièrement riche et aux paysages d'une grande diversité.
Je remercie d'ailleurs le groupe Chasse du Sénat, que préside notre collègue Ladislas Poniatowski, car il a contribué au mûrissement de cette position.
Il s'agit donc de remédier, par ce texte, aux dysfonctionnements et aux injustices nés de la loi du 26 juillet 2000.
« Ce compromis, nous proposons de le réaliser autour de trois objectifs : créer les conditions d'une coexistence pacifiée entre les chasseurs et les autres usagers des espaces naturels, clarifier et moderniser les missions et le rôle des structures qui organisent le monde de la chasse, moderniser notre droit interne pour mettre fin aux contentieux », déclarait Mme Voynet, le 28 mars 2000, pour justifier certaines dispositions de son texte devant l'Assemblée nationale.
Nous voilà au coeur du débat, car loin de remettre en cause la sincérité des propos de celle qui vous a précédée, madame la ministre, force est de constater que la réalité est bien cruelle et qu'elle justifie les dispositions que vous nous présentez.
Je commencerai par établir un bilan de la loi de juillet 2000.
S'agissant de la création des « conditions d'une coexistence pacifiée », l'instauration du jour de non-chasse a en fait largement contribué au sentiment de mise en accusation des chasseurs et à un repli identitaire bien légitime.
En outre, d'un point de vue pratique, cette disposition n'a pas permis d'améliorer les rapports entre usagers de la nature. Croire que l'usage des espaces naturels peut se répartir dans le cadre d'un agenda hebdomadaire, c'est croire à une utopie. Il y aurait un jour pour les non-chasseurs et le reste de la semaine appartiendrait aux chasseurs, mais c'est chaque jour que les questions d'usage de l'espace se posent, et pas seulement entre chasseurs et non-chasseurs : elles se posent également entre agriculteurs et randonneurs, entre naturalistes et promeneurs du dimanche.
Promener un chien en liberté ou le laisser divaguer en période de reproduction ou de nidification est source de dérangement pour la faune sauvage. D'ailleurs, ce phénomène est souvent dénoncé d'une même voix par les chasseurs et les naturalistes. Doit-on pour autant déterminer par la loi les jours autorisés ou non à ce type d'activité ?
Le second argument en faveur des jours de non-chasse avait trait à la sécurité. Outre le caractère intellectuellement faux de cette argumentation, vous avez rappelé, madame la ministre, que les accidents de chasse concernant des tiers restaient très rares et que de nombreuses autres activités étaient également extrêmement dangereuses.
Peut-être est-ce du fait de mon ancienne profession, mais il me semble qu'il y a aussi là une question d'éducation, notamment des jeunes enfants. Peut-être serait-il souhaitable d'apprendre dès l'enseignement primaire aux enfants à mieux connaître leur espace rural ?
Le deuxième objectif affiché était celui de la clarification et de la modernisation des structures régissant le monde de la chasse.
Je ne crois pas que modernisation rime avec suspicion et contrôles permanents. Vous le savez, notre famille politique est très attachée à la notion de contrat et de responsabilisation des acteurs, et c'est vers ce point que nous devons tendre, y compris pour la chasse.
De même, il me paraît inexact de dire que la loi de juillet 2000 avait clarifié le rôle des structures ; l'exemple de l'ONCFS est à ce titre éclairant, sur le plan tant de ses missions que de sa composition ou de son financement.
Enfin, le troisième objectif était de mettre fin aux contentieux.
M. Jean-Louis Carrère. Je ne suis pas sûr qu'elle y soit parvenue !
Mme Jacqueline Gourault. La loi de 2000 n'a-t-elle pas plutôt conduit à l'exacerbation des rapports entre les acteurs et, parce qu'elle restait approximative sur de nombreux points, n'a-t-elle pas largement contribué à l'expansion des contentieux ?
Madame la ministre, pour toutes ces raisons, le présent texte était très attendu. Cependant, sur la méthode, je veux vous alerter sur les risques d'une segmentation trop accentuée des dispositions qui peuvent concerner la chasse. Sans aller jusqu'à dire que tout est dans tout, je crois en effet que l'activité cynégétique est l'une des composantes de la problématique rurale à laquelle nous avons à faire face actuellement. Ainsi, lorsque nous débattrons de la grande loi sur les affaires rurales dont l'examen est prévu pour l'automne prochain, nous devrons veiller à donner de la chasse une vision globale, cohérente et lisible par l'ensemble de nos concitoyens.
Sans reprendre dans le détail les articles du présent projet de loi, je souhaite dire en quoi ce texte permet de répondre réellement aux attentes du monde de la chasse et relever les points que nous aurons à approfondir dans les mois qui viennent.
S'agissant de la coexistence pacifiée tout d'abord, tout s'était cristallisé autour du jour de non-chasse.
Dans votre texte initial, vous proposiez, madame la ministre, le maintien d'un jour de non-chasse laissé à la libre appréciation des acteurs au niveau local, comme vous l'avez rappelé. Votre objectif était de proposer une mesure équilibrée entre chasseurs et non-chasseurs, et d'éviter que ne naissent de nouvelles polémiques, issues cette fois du rang des écologistes, ou plutôt des structures dites écologistes. Je ne souscrivais pas totalement à cette disposition, mais vous vouliez ainsi faire preuve d'une modération que je tiens à saluer, car elle rompait avec les pratiques antérieures.
Toutefois, nos collègues de l'Assemblée nationale, comme les membres de la commission des affaires économiques du Sénat, ont pensé plus clair de supprimer toute mention au jour de non-chasse. Il ne s'agit pas, je crois, d'une victoire d'un camp contre un autre ; il s'agit plutôt de corriger une injustice et de créer les conditions d'un dialogue sur le partage de l'espace qui devra s'effectuer au plus près du terrain.
J'ajoute que - pour prendre l'exemple de mon département, le Loir-et-Cher - les chasseurs n'ont pas attendu la loi Voynet pour prendre les mesures nécessaires au maintien des espèces : l'instauration de jours de non-chasse et, plus encore, la mise en place de plans de gestion du petit gibier tel que la perdrix sont autant de signes qui démontrent que leur engagement en ce domaine est « naturel »...
Les chasseurs sont par ailleurs conscients de la nécessité d'améliorer leurs rapports avec l'ensemble des utilisateurs de l'espace.
La suppression du jour de non-chasse ne nous exonère donc pas, comme l'a fort bien souligné M. le rapporteur, d'une véritable réflexion sur cette notion de partage de l'espace, mais ce partage doit être revu dans un cadre plus global et avec tous les ruraux. Cette notion ne pouvait être réduite au seul jour de non-chasse et la réussite de ce partage dépend pour une large part des comportements des différents acteurs ; la grande majorité des chasseurs y sont favorables.
Le partage entre usagers de l'espace ne relève pas, à mon sens, du législateur ; il tient aux échanges, aux négociations locales, aux comportements de chacun, et c'est cela que nous devons chaque jour encourager.
S'agissant ensuite de la modernisation des structures, la responsabilisation et la confiance ont prévalu pour l'élaboration des dispositions que vous nous présentez.
Les fédérations se voient déchargées d'une partie importante du contrôle a priori qui faisait d'elles une exception au regard du contrôle des associations. En rétablissant un régime simplifié de droit commun associatif, le texte fait oeuvre de justice.
Les articles ayant trait au fonctionnement démocratique des fédérations des chasseurs tendent à mieux définir les différentes catégories d'adhérents à une fédération et permettent de pallier les effets négatifs de la loi de juillet 2000 en termes de représentation des structures intermédiaires et de représentation des chasseurs.
Cependant, nous aurons à reprendre le débat sur le statut des organismes scientifiques ou techniques ayant trait à la chasse. L'objectif doit être de disposer de données reconnues par les uns et par les autres, mais également d'éviter la confusion entre les représentants des associations de protection de la nature et les scientifiques.
Pour être respectées, les données scientifiques doivent être présentées objectivement. Leur interprétation et les actions à en tirer relèvent toutefois d'un débat entre, d'une part, les associations de protection de l'environnement et, d'autre part, les chasseurs. Ne confondons pas les fonctions et les rôles.
Enfin, en ce qui concerne la mise en conformité de la réglementation nationale, je partage, madame la ministre, votre approche. Certains auraient voulu que nous allions plus vite et plus loin en ce domaine. A mon sens, les démarches engagées auprès de la Commission européenne doivent prévaloir avant toute fixation de dates d'ouverture et de fermeture, notamment pour le gibier d'eau. Nous prendrions le risque sinon de rendre ce texte inopérant.
L'obstacle de Bruxelles ne me paraît d'ailleurs pas insurmontable : la directive Oiseaux aurait dû laisser une large place au débat quant à l'interprétation. Ne cherchons pas systématiquement un bouc émissaire, mais tentons peut-être de préciser nos positions nationales.
Plus globalement, nous devrons veiller, au-delà de ce texte, à sécuriser légalement la pratique de la chasse, car je comprends l'inquiétude de chasseurs qui voient chaque année les dates d'ouverture et de fermeture modifiées ou, dans un autre domaine, les arrêtés de nuisibles cassés par les tribunaux administratifs.
Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, ce texte constitue donc une étape importante dans la voie de l'apaisement et nous invite à mieux préparer les dispositifs d'ensemble sur le monde rural.
La chasse est une activité déterminante pour nombre de territoires ruraux. Vous me permettrez d'évoquer son rôle dans la région Centre, pour le maintien d'espaces ouverts et entretenus, par exemple en Brenne ou en Sologne, ou comme source de revenus complémentaires pour de nombreux acteurs ruraux. Elle est, enfin, une activité à forte valeur symbolique pour des territoires ruraux qui se sentent à la fois abandonnés à leur sort et trop encadrés dans ce qui leur reste d'activité.
Je souhaite pour terminer remercier notre rapporteur de la qualité du travail qu'il a accompli sur ce texte. Chacun connaît son engagement au service d'une chasse modernisée et vivante au sein de nos territoires, et je tiens à le saluer.
M. Henri de Raincourt. Il le mérite !
Mme Jacqueline Gourault. Madame la ministre, parce que votre texte est un point de départ très satisfaisant qui permettra à tous les acteurs du monde rural de reprendre le chemin du dialogue, le groupe de l'Union centriste le votera. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fernand Demilly.
M. Fernand Demilly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après des années marquées par la confusion, l'incompréhension et l'impossibilité de parvenir à la fixation de règles consensuelles, le texte qui nous est proposé devrait permettre aux pratiquants de la chasse de retrouver enfin leur place au coeur d'un monde rural reconnu et respecté.
Le projet de loi comporte une première série de mesures qui visent à adapter les statuts types des fédérations de chasseurs afin de mieux responsabiliser celles-ci. Ainsi, le contrôle a priori des budgets ne porte plus que sur les principales missions d'intérêt général ; le mode de scrutin est modifié afin de prendre en compte l'important tissu associatif - on compte 70 000 associations - qui organise la chasse au plus près du terrain ; le libre choix du montant des cotisations est restitué aux assemblées générales.
Une deuxième série de mesures concerne la pratique de la chasse et tend notamment à déconcentrer le choix des jours de chasse.
L'interdiction de chasser le mercredi sur l'ensemble du territoire national introduite par la loi du 26 juillet 2000 est abrogée. Cette mesure, censée concilier et apaiser les relations entre les chasseurs et les non-chasseurs, n'a pas eu l'effet escompté et s'est traduite par la suppression de jours supplémentaires de non-chasse décidés auparavant dans de nombreux départements.
Enfin, le projet de loi, amendé par l'Assemblée nationale, prévoit la constitution d'un fichier national des permis de chasser auprès de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage.
Ce nouveau projet de loi était absolument nécessaire et impatiemment attendu depuis l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2000, qui, loin d'apaiser les esprits grâce à des normes consensuelles, n'avait en réalité satisfait personne. Le dialogue était devenu impossible entre, d'une part, des chasseurs préoccupés par une diminution sensible de leur liberté et, d'autre part, des associations fondamentalement opposées à toute forme de chasse.
Ainsi, n'a-t-on pas vu tel élu ou tel responsable d'association écologiste pris à partie par des chasseurs excédés d'être désignés comme des ennemis de la nature et, par ailleurs, des responsables de chasse traduits devant les tribunaux ?
Dans un département comme la Somme, les difficultés s'étaient multipliées depuis le vote de la loi de juillet 2000. D'ailleurs, à chaque élection locale, la liste et les candidats Chasse, pêche, nature et traditions ont réalisé des scores impressionnants, ce qui traduit l'impact de la chasse et des chasseurs dans notre milieu rural.
Au-delà des chasseurs eux-mêmes et du poids de nos traditions ancestrales, la chasse a également un impact économique très important. Elle est génératrice d'activités, d'emplois et de revenus. On estime à plus de 350 euros la moyenne des dépenses annuelles d'un chasseur : vêtements de chasse, armurerie, activités touristiques, hôtellerie, restauration, gastronomie...
La chasse attire dans notre département de nombreux adeptes, séduits par la richesse de notre patrimoine cynégétique et les spécificités de notre terroir, notamment en matière de gibier d'eau et d'oiseaux migrateurs, et, dans les budgets communaux, les locations d'étangs et de huttes représentent une part non négligeable.
Mais nous savons dans la Somme que les chasseurs sont aussi des acteurs de choix dans la gestion et la protection de notre environnement. Leur connaissance du terroir et des espèces et le rôle qu'ils jouent dans l'équilibre de la faune en font de véritables partenaires dans les domaines de l'aménagement et de la préservation de nos espaces naturels. On ignore trop que les chasseurs travaillent tout au long de l'année, laissant le fusil au ratelier, pour participer à la sauvegarde du milieu naturel et des espèces, ne s'adonnant finalement à leur passion que quelques jours par an.
Le texte qui nous est présenté va donc indéniablement dans le bon sens. Il repose sur des principes aussi simples qu'efficaces : proximité et responsabilité, confiance et simplification.
Il constitue la première étape d'un ensemble de mesures législatives et réglementaires susceptibles de résoudre les difficultés liées à la chasse. Les deux projets de loi à venir, sur les affaires rurales et sur le patrimoine naturel, nous donneront l'occasion de compléter ces dispositions.
Mais il est, madame la ministre, un second point sur lequel je souhaite insister, car il me laisse perplexe : l'attitude des pouvoirs publics s'agissant de l'application des textes.
Ainsi, certains arrêtés relatifs aux dates d'ouverture et de fermeture de la chasse ont été purement et simplement annulés par le Conseil d'Etat en raison d'une prétendue non-conformité à une directive européenne.
Depuis trop longtemps existe un flou juridique, voire une complète contradiction, entre la directive européenne de 1979 relative à la protection des oiseaux migrateurs et les diverses dispositions législatives chargées de la faire respecter dans notre pays. Quid, d'ailleurs, de la subsidiarité ?
Un rapport parlementaire de notre collègue député Daniel Garrigue ne souligne-t-il pas que les problèmes soulevés par la directive européenne sur les oiseaux sont dus davantage à la sévérité du Conseil d'Etat qu'à Bruxelles ? Ce ne sont pas tant les institutions de Bruxelles, qui ont toujours été mesurées, que les interprétations données par le Conseil d'Etat et les tribunaux administratifs qui sont à l'origine des problèmes d'application de la directive.
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, l'a également souligné : « Quant à la directive européenne sur les oiseaux, elle énonce les grands principes, mais il appartient à chaque Etat membre de préciser les moyens et les modalités de sa mise en oeuvre dans le droit interne. »
Il convient, madame la ministre, de renouer un dialogue clair avec la Commission de Bruxelles pour revoir, réadapter et réactualiser des dispositions qui, à défaut d'empêcher la disparition de certaines espèces, tendent néanmoins à limiter abusivement la pratique traditionnelle et ancestrale de la chasse, alors même que la directive permet aux Etats membres de notifier à la Commission des dérogations aux régimes de chasse à la condition de les motiver scientifiquement. La France pourrait donc fournir, grâce à l'Observatoire national de la chasse, de la faune sauvage et de ses habitats, des données scientifiques actualisées. Pourquoi alors ne pas renégocier cette directive, qui fut signée, voilà maintenant vingt-quatre ans, par neuf Etats seulement ?
Une trop grande confusion existe entre les deux sources normatives du droit communautaire et de la loi nationale, et les pouvoirs publics ne parviennent pas toujours à trouver les solutions satisfaisantes. On en arrive alors à une jurisprudence contestable, car incohérente, partiale et passionnée. Finalement, les arrêts pris pour limiter plus encore la chasse ne profitent bien souvent qu'au braconnage.
Madame la ministre, les chasseurs français ne veulent plus subir de traitements discriminatoires de la part du Conseil d'Etat et des tribunaux administratifs au titre d'une directive vieillissante, alors même que leurs homologues belges, anglais, espagnols ou italiens ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.
Madame la ministre, je tiens à saluer votre volonté de travailler sur ce sujet avec pragmatisme, « pour rétablir une chasse vivante, démocratique, populaire et durable », selon vos propres termes. J'apprécie le texte qui nous est présenté, qui va redonner espoir à plus de 1 500 000 chasseurs dans notre pays, 1 500 000 chasseurs indissociables du monde rural, auquel le Sénat reste, par essence, intimement lié...
Avec ceux qui ont à coeur l'entretien des réserves naturelles et des zones humides, la régulation des espèces, la restauration des forêts, je voterai ce projet de loi que nous attendions avec impatience, ainsi que les amendements judicieusement étudiés par la commission des affaires économiques. Je tiens, à cet égard, à saluer tout particulièrement l'important travail réalisé par le rapporteur Ladislas Poniatowski. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier M. le rapporteur et les membres de la commission des affaires économiques pour la qualité du travail effectué, même si, bien qu'habitué aux pratiques politiques, j'ai dû me pincer, tout à l'heure, en écoutant MM. Larcher et Poniatowski ! En effet, je croyais m'entendre intervenir voilà quelques années ! Subitement, ces deux chasseurs, ces deux amis de la chasse faisaient preuve d'un bon sens exceptionnel, que nous essayons nous-mêmes de prôner !
Ce n'est pas, madame la ministre, que j'aie approuvé, en d'autres temps, le projet de loi qui a été voté en seconde lecture à l'Assemblée nationale après échec de la commission mixte paritaire. Non, je n'y étais pas favorable, même si, en tant que chasseur, j'avais apprécié certaines dispositions introduites dans ce texte, par exemple la légalisation de la chasse de nuit. A l'époque, j'avais essayé, avec d'autres membres de mon groupe, en particulier MM. Roland Courteau, Philippe Madrelle et Michel Charasse, de tout faire pour que le Sénat se prononce par un vote unanime, afin d'exercer une forme de pression sur la commission mixte paritaire et l'Assemblée nationale. Or je dois reconnaître objectivement que certains amis de la chasse, avec qui j'ai plaisir à travailler, ont préféré, en la circonstance, la politique politicienne à la défense de l'avenir de la chasse dans notre pays. (M. Jean Chérioux s'exclame.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Je le regrette profondément, et je me devais de faire ce rappel à la tribune, même si je reconnais que de telles tentations se présentent dans tout parcours politique !
Quoi qu'il en soit, madame la ministre, l'élection présidentielle a eu lieu...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. ... dans les conditions que l'on sait.
M. Chirac a bénéficié de suffrages, dont le mien, qui n'étaient pas positifs. (M. Pierre Martin s'exclame.) Je votais contre quelqu'un, je ne votais pas pour lui.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. On vote toujours pour quelqu'un !
M. Jean-Louis Carrère. Il faut d'ailleurs le rappeler sans cesse. Il ne s'agit pas ici de donner des leçons, mais le Gouvernement doit faire attention à ce qu'il fait : le Président de la République n'a pas été élu par 82 % des Françaises et des Français pour qu'il mène une politique de droite rude et rigoureuse.
A cet égard, madame la ministre, si nous discutons aujourd'hui au Sénat d'un sujet très important, un débat d'une tout autre ampleur s'ouvre à l'Assemblée nationale,...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Certes !
M. Jean-Louis Carrère. ... et j'ai une pensée pour mes collègues députés du groupe socialiste qui vont essayer de se battre pour préserver ce qui, à nos yeux, est l'un des socles de la République : la retraite de celles et de ceux qui n'ont pas d'autre source de revenus lorsqu'ils cessent leur activité professionnelle.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Et elle est bien modeste, cette retraite !
M. Jean-Louis Carrère. Mais revenons-en au texte dont nous débattons aujourd'hui.
Il est vrai que le climat était devenu détestable ces dernières années, et que la loi du 26 juillet 2000 n'avait pas contribué à l'améliorer. En outre, certains se sont employés, madame la ministre, à faire en sorte que les choses ne s'arrangent pas ; je pourrais même citer quelques noms, si cela devenait souhaitable. (M. Roland Courteau sourit.)
Dans tous les camps, pour des raisons qui n'échappent à personne, le comportement des uns se nourrissant du comportement des autres, on avait intérêt à surenchérir, dans un contexte d'opposition frontale. Dans le même temps, on a souvent perdu de vue de quelle chasse il s'agissait. Même aujourd'hui dans cette enceinte, hormis M. le rapporteur et, par bribes, quelques orateurs, on oublie trop souvent de préciser que l'on est en train de défendre une chasse démocratique et populaire. C'est d'ailleurs surtout dans le milieu des chasseurs aux gibiers migrateurs que s'expriment les plus forts mécontentements. Là est le problème le plus préoccupant, et c'est pour cette raison qu'il est quelque peu maladroit de désigner des responsables qui ne connaissent pas du tout la chasse aux oiseaux migrateurs. Les gouvernements successifs procèdent parfois à des nominations sans tenir suffisamment compte du sujet à traiter, ce qui est bien dommage.
S'agissant donc de chasse aux oiseaux migrateurs, nous vivons depuis de nombreuses années une folle période en termes de contentieux. Les préfets, les directeurs départementaux de l'agriculture et de la forêt et les différentes structures que vous pouvez interroger vous le confirmeront, madame la ministre. Dans mon département des Landes, j'ai eu ainsi à connaître des contentieux collectifs et individuels.
L'honnêteté me commande de dire que je soutenais, sous la précédente législature, un gouvernement dont certains éléments n'étaient pas très favorables à la chasse.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jean-Louis Carrère. En effet !
A cette époque, il était donc logique que je rencontre des difficultés. Cependant, j'ai réussi à les résoudre - on m'y a aidé -, et ce point est aisément vérifiable. Paradoxalement, madame la ministre, alors que le Gouvernement auquel vous appartenez est beaucoup plus permissif en matière de chasse et que vous vous déclarez une amie des chasseurs, que vous rencontrez souvent - cela est d'ailleurs très bien, je vous engage à continuer dans cette voie -, c'est cette année que les contentieux ont été les plus nombreux !
M. Jean Chérioux. Il va regretter Mme Voynet !
M. Jean-Louis Carrère. Oh non, mais je tiens à rétablir la vérité, mon cher collègue ! Je voudrais vous rappeler, à cet instant, une maxime d'un homme politique qui m'a quelque peu inspiré : « Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire. »
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Nous pouvons tous faire nôtre cette maxime ! Pour ma part, mon cher collègue, je préfère dire la vérité à Mme la ministre, afin qu'elle ne fasse pas fausse route au moment où elle veut régler les problèmes de la chasse.
Madame la ministre, en ma qualité de sénateur du département des Landes, en Aquitaine, je puis vous dire qu'il faut être très attentif au comportement des hommes et des femmes chargés de la police de la chasse. En effet, on constate quelquefois une anticipation des textes, que Mme Gourault, il me semble, a déjà soulignée. Cela permet à certains de prendre des positions très dérangeantes en matière de chasse.
Je m'explique plus avant, pour mieux me faire comprendre : le débat sur certaines espèces - je veux parler ici du pinson et de l'ortolan - est très complexe. Je sais que vous en avez été informée ; vous savez pour quelles raisons le bruant ortolan a dû être classé comme espèce protégée, et, si vous l'ignoriez, l'actuel maire de Bordeaux pourrait vous en parler savamment, lui qui connaît bien cet oiseau...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Et qui aime le déguster ! (Sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. ... et qui avait contribué, lorsqu'il était Premier ministre, à ce que sa chasse puisse se poursuivre. Cependant, c'était reculer pour mieux sauter, faute de régler le problème de la dérogation. Vous savez en effet très bien, madame la ministre, que la directive Oiseaux et son annexe n'autorisaient absolument pas de chasser sans dérogation certaines espèces, dont le bruant ortolan.
Cela étant, quand on observe la population des adeptes des chasses traditionnelles comme je le fais depuis de très nombreuses années, on constate d'abord qu'elle se réduit - « hélas ! », serais-je tenté de dire -, ensuite que bien trop peu de jeunes viennent à ces pratiques - a priori interdites, certes -, enfin que ceux qui continuent à les pratiquer dans l'illégalité vieillissent. Leurs cheveux blanchissent, comme les nôtres, mes chers collègues ! (Sourires.) Mais il y a plus grave encore : on jette l'opprobre sur l'ensemble des hommes et des femmes - très peu nombreuses - qui pratiquent les chasses traditionnelles sans vendre de gibier parce que quelques personnages célèbres souhaitent consommer des oiseaux. Il ne s'agit d'ailleurs pas uniquement de personnalités politiques, mais aussi de figures du « show-biz », dont vous connaissez certainement les noms !
M. Henri de Raincourt. Eh bien non ! J'aimerais les connaître !
M. Jean-Louis Carrère. Pour trouver une solution à cette question de la chasse à l'ortolan, qui est extraordinairement importante dans notre département, je suis allé rencontrer les juristes de la Commission européenne. Je suis d'ailleurs l'un des rares parlementaires français à l'avoir fait et je ne me suis pas heurté à une fin de non-recevoir. Il me semble, madame la ministre, que vous avez pu prendre connaissance du compte rendu de cette rencontre, que j'avais eu la courtoisie de transmettre à l'un de mes collègues de la majorité, pour qu'il en fasse bon usage. Cela dit, les choses tardant quelque peu, je préfère prendre les devants ! (Sourires.)
Il nous avait quand même été clairement annoncé que, sous réserve de négociations entre le Gouvernement français et la Commission européenne, une prolongation de cette pratique, analogue en quelque sorte à celle dont bénéficient les bouilleurs de cru, pourrait être obtenue, ainsi que, peut-être, la mise en oeuvre d'un programme Life, afin de mettre à contribution les agriculteurs et de travailler sur les habitats des espèces. Grâce à une meilleure comptabilisation des couples nidificateurs et à une connaissance plus approfondie des conditions de reproduction, on aurait alors pu envisager d'autoriser de nouveau un prélèvement sur les populations de bruants ortolants et de pinsons.
Parallèlement, certains départements ou régions prennent des initiatives en matière de recherche, qui sont systématiquement mises à mal. Certes, je comprends que certains aient intérêt à ce que l'on interdise ces chasses et que l'on brutalise une catégorie de la population qui compte d'ailleurs de nombreux anciens résistants, mais à quoi cela mène-t-il, sinon à créer un climat détestable ?
M. Jean Chérioux. C'était Mme Voynet !
M. Jean-Louis Carrère. Non, Mme Voynet n'y est pour rien ! C'est une question qui revient de manière récurrente depuis beaucoup trop longtemps, monsieur Chérioux !
M. Jean Chérioux. Je parle trop fort, excusez-moi !
M. Jean-Louis Carrère. Je vois que vous avez besoin que l'on vous précise les choses et que l'on étoffe votre culture en matière de chasse !
M. Jean Chérioux. J'ai été un chasseur, moi aussi, et j'aime la chasse !
M. Jean-Louis Carrère. Je suis heureux d'avoir l'occasion d'éduquer quelque peu les Parisiens à cet égard,...
M. Jean Chérioux. Je n'en ai pas besoin !
M. Jean-Louis Carrère. ... parce que, très souvent, une formidable distance sépare la ville de la campagne, ce qui est source d'incompréhension.
M. Jean Chérioux. Mais les Parisiens sont aussi des provinciaux !
M. Jean-Louis Carrère. Pour ma part, je m'interdis, je vous l'assure, de jouer de ce clivage. Cependant, il faut avoir conscience que les hommes et les femmes qui ont pour mission de faire vivre et d'entretenir nos territoires, dans des conditions chaque jour plus difficiles, s'imaginent, à tort ou à raison, que les parlementaires, de plus en plus souvent d'origine urbaine, prennent des dispositions qui les pénalisent et qui, en tout état de cause, rendent leur vie de moins en moins agréable.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ce n'est pas faux !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. Madame la ministre, pour éviter les écueils, il faut veiller à ce que les populations comprennent bien quelle est la véritable position du Gouvernement auquel vous appartenez. Je ne vous le cache pas : si j'ai cru, encore une fois, que vous vous inscriviez, comme vous l'avez indiqué tout à l'heure, dans une démarche plus souple, visant au rapprochement des points de vue et à l'amélioration du droit de chasse, j'ai été quelque peu « refroidi » par le non-interventionnisme de vos services et par la prolifération des contentieux à laquelle j'ai été confronté sur le terrain. Ainsi, un restaurateur de Magescq, dans les Landes, a été menotté, sa propriété a été encerclée ; un garde champêtre, à Castets, a été arrêté parce qu'il avait placé une vingtaine de matoles : de telles situations ne devraient pas se produire, s'agissant de personnes qui, leur vie durant, ont travaillé et respecté absolument toutes les lois de la République, alors que chacun sait que l'on essaie actuellement de trouver des solutions juridiques acceptables pour permettre les pratiques concernées.
Je tiens également à vous dire, madame la ministre, que mon groupe, au nom duquel je m'exprime ici, se réjouit de la création de l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats, même si elle a été marquée, comme le faisait observer M. le rapporteur, par une certaine lenteur. Nous apprécions cette initiative.
M. Jean Chérioux. Ah !
M. Jean-Louis Carrère. En effet, madame la ministre, une source d'incompréhension tient au fait que les seuls experts consultés, que j'ai rencontrés moi-même à plusieurs reprises, étaient...
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... orientés !
M. Jean-Louis Carrère. ... peu en phase, c'est le moins que l'on puisse dire, avec les chasseurs. Je trouve donc particulièrement pertinent de consulter aussi des spécialistes acceptés par le monde de la chasse. (Mme la ministre approuve.) Cela me paraît, objectivement, de bonne méthode, et je tenais à vous le dire.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. Par ailleurs, il faut être encore plus clair avec le monde de la chasse qu'on ne l'a été jusqu'à présent. Il a fallu beaucoup de temps à certains - je pense ici, en particulier, à MM. Poniatowski et Larcher - pour admettre que ce n'était pas le droit national qui fixait les dates de chasse. Ils m'ont même reproché de ne pas avoir voté un texte à cette fin, ce que j'ai d'ailleurs fait par la suite afin que l'on ne puisse pas m'accuser de porter un mauvais coup à la chasse, tout en sachant que les dates retenues seraient immédiatement rejetées par la première juridiction saisie. Et c'est bien ce qui s'est passé !
Par conséquent, il faut bien dire aux chasseurs que la seule façon de régler ce problème, c'est de s'attaquer à la question de la directive 79/409/CEE !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. En ce qui me concerne, je n'aurai pas la légèreté, madame la ministre, de prétendre que la chose est facile et qu'il suffit de l'entreprendre pour réussir. Non, je sais combien la démarche est compliquée. Je sais, de surcroît, quels risques nous pourrions courir en nous engageant dans une procédure de révision de la directive, parce que si nous savons d'où nous partons, nous ne savons pas exactement où nous aboutirons. C'est pourquoi je suis de ceux qui ne souhaitent aborder cette question qu'après une préparation objective et longue, avec toutes celles et tous ceux qui peuvent entrer dans ce processus.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est ce que je fais !
M. Jean-Louis Carrère. Laisser entendre que l'on va apaiser le débat sur la chasse et dire aux chasseurs d'oiseaux que l'on va pouvoir régler leurs problèmes par ce texte, même s'il comprend des éléments de qualité, c'est méconnaître les vraies questions qui sont posées au monde de la chasse.
Pardonnez-moi de vous le dire brutalement : les vraies questions, ce ne sont pas le jour de non-chasse le mercredi ou certaines vexations, même si je les réprouve et si mes amis et moi-même voterons tout à l'heure un certain nombre de dispositions permettant d'y remédier, mais c'est bel et bien mettre un terme à l'évolution incessante de réduction des périodes de chasse, incomprise par les chasseurs de certaines espèces, décidée de manière non démocratique, sous le sceau de Bruxelles ou pour d'autres raisons : les chasseurs ont l'impression que, souvent, ces décisions sont prises pour les brimer. Leur comportement le justifierait-il ? A-t-on essayé de les brimer avant et n'a-t-on pas provoqué les débordements que nous connaissons ?
Pour ma part, je considère qu'un élu digne de ce nom ou un gouvernement dans une République doit avoir pour objectif de rapprocher les hommes et les femmes, d'éviter qu'ils ne s'affrontent et ne se divisent. De ce point de vue, il faut prendre en compte la demande récurrente des chasseurs d'oiseaux, notamment d'espèces migratrices, et trouver, à l'échelon européen, les accomodements qui permettront de régler cette problématique.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Louis Carrère. En tout état de cause - et il ne s'agit pas de coopération ni de promesses en l'air, madame la ministre - les membres de mon groupe et moi-même nous ne manquerons pas d'apporter notre aide chaque fois qu'il sera possible d'améliorer la situation s'agissant de la chasse aux oiseaux migrateurs et du problème de la fixation des périodes de chasse.
M. Jean Chérioux. Il est temps !
M. André Vantomme. Il n'est jamais trop tard pour bien faire !
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur Chérioux, encore une fois, pardonnez-moi de vous le dire, mais avec gentillesse -,...
M. Jean Chérioux. C'est beau, c'est touchant !
M. Jean-Louis Carrère. ... vous perdez d'extraordinaires occasions de vous taire.
M. Jean Chérioux. Absolument pas !
M. Jean-Louis Carrère. J'ai déjà essayé de vous le faire remarquer dernièrement s'agissant des MI-SE, les maîtres d'internat et surveillants d'externat, lorsque vous interveniez pour défendre M. Ferry.
M. Jean Chérioux. Moi ? Vous vous trompez d'orateur !
M. Jean-Louis Carrère. Je le comprends : vous êtes loyal à l'endroit des ministres.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je reconnais que M. Carrère a toujours tenu le même discours et qu'il n'a jamais changé, qu'il soit ou non dans l'opposition.
M. André Vantomme. Mais cela pourrait changer ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Laissez M. Carrère s'exprimer !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. Merci, monsieur le président.
Monsieur Chérioux, c'est avec plaisir que je prendrai la peine de vous expliquer un certain nombre de choses. Ainsi, lorsque mon collègue communiste M. Lefebvre, sénateur du Nord, et moi-même avions refusé d'adopter un texte proposé par votre majorité, ce n'était pas par idéologie. Nous opposions à cette proposition un texte différent qui nous permettait déjà, il y a cinq ou six ans, d'aller débattre au niveau européen de la modification de la directive 79/409/CEE. En effet, c'est là que le bât blesse. Je n'ai pas peur de le dire à cette tribune : M. Riboulet, chasseur de Gironde, président d'une association dont je ne partage pas toutes les analyses et qui a connu de nombreux désagréments, a été un précurseur sur ce point. Il a toujours eu raison. A chaque fois, il nous a dit : « Chers amis, vous demandez aux gouvernements qui se succèdent de corriger les errements d'une directive, mais ils ne peuvent pas le faire, même s'ils le souhaitent, parce que le droit européen s'impose au droit national. »
Mme Jacqueline Gourault. Absolument !
M. Jean-Louis Carrère. Vous le savez, mes chers collègues, c'est en résumé ce qui se passe.
Pour le reste, je suis sensible au fait que le projet de loi vise à mettre un terme à certaines mesures vexatoires à l'égard du monde associatif et des fédérations de chasseurs. D'ailleurs, MM. Vantomme, Courteau et moi-même, nous avons décidé de voter certains amendements et certaines dispositions qui vont dans ce sens.
MM. Madrelle et Dussaut m'ont demandé d'en témoigner à cette tribune : nous sommes très favorables aux mesures de simplification que vous avez proposées et dont se sont déjà emparées certaines fédérations. Vouloir compliquer la vie des gens à souhait, ce n'est pas la meilleure méthode pour rapprocher des points de vue si éloignés.
Comme précédemment, je fais observer que la légalisation de la chasse de nuit est une grande victoire. Mme Voynet, qui n'a pas besoin de ma voix pour être défendue - et cela vaut mieux pour elle d'ailleurs -,...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin. ministre. Et pour vous !
M. Jean-Louis Carrère. ... avait introduit dans son projet de loi une importante avancée : la légalisation de la chasse de nuit, qui, je le rappelle, était auparavant illégale.
Lorsque je vous vois ajouter sept départements supplémentaires, je serais tenté de dire : « pourquoi pas ? ». D'ailleurs je ne vois pas pour quelle raison ni de quel droit je m'y opposerais. Faire de la politique, c'est décider, c'est choisir, mais c'est aussi être capable de dire : voilà les critères, n'allons pas au-delà. Selon moi, en l'occurrence, on assouplit cette légalisation qui avait un sens sur le plan juridique, qui avait du corps. Je ne voudrais cependant pas que cet assouplissement la vide de sa substance ! Néanmoins, si l'on s'en tient à ces sept départements et si certains de leurs cantons pratiquent déjà ce type de chasse, il n'y aura pas de difficulté.
S'agissant du principe « un homme, cinquante pouvoirs », je réponds : non ! Madame la ministre, vous avez devant vous un homme ordinaire, mais qui a beaucoup travaillé au sein du mouvement associatif de la chasse, qui a présidé une association communale de chasse agréée pendant de très nombreuses années et qui a milité dans une fédération de chasseurs. Je ne dirai pas que le mouvement associatif de la chasse est un mouvement dans lequel existent des manoeuvres et des malversations en termes de voix. Pas plus qu'ailleurs ! (Sourires.)
M. Joël Bourdin. Pas moins qu'ailleurs !
M. Jean-Louis Carrère. Quand je dis « pas plus qu'ailleurs », je n'ai pas la discourtoisie de dire « pas moins » ! Je suis très attaché au principe « un homme, une voix ». Comme vous, madame la ministre, monsieur le rapporteur, je suis un républicain, je crois à l'honnêteté et à la transparence. Au moment où nous voulons réhabiliter non pas la chasse, mais la pratique de la chasse et certains chasseurs au sein de l'opinion de notre pays, il serait préférable de ne pas revenir sur ce principe, même si, je le reconnais, cela complique les choses. En effet, dans les très grandes fédérations qui comptent de nombreux membres, comme en Gironde, dans les Landes ou dans les Pyrénées-Atlantiques, cela devient un problème.
Mais je vais vous donner un contre-exemple, madame la ministre. J'ai présidé, pendant de très nombreuses années, une ACCA, au sein de laquelle j'ai encore un peu d'influence. Cette association comprend une cinquante de chasseurs, qui s'expriment librement. Mais si je suis porteur, moi et moi seul, de ces cinquante voix, croyez-vous que je vais calculer, comme nos amis du groupe du RDSE, où vont les voix ? (Sourires.) Comment fait-on dans ce cas ? (Exclamations amusées sur les travées du RDSE.) Mais je respecte nos amis du groupe du RDSE, car eux savent le faire ! (Sourires.)
M. Henri de Raincourt. Vous n'allez tout de même pas leur tirer dessus ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Louis Carrère. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, je ne suis pas sûr que ce soit adroit - je lâche le mot - si l'on veut réhabiliter le monde de la chasse. Mais je suis certain que vous et moi partageons la même obsession, qui est d'essayer d'y parvenir.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est un vrai problème, dont nous débattrons lors de l'examen de l'article 4 !
M. Jean-Louis Carrère. Si les fédérations estiment que c'est quelque chose d'absolument nécessaire, pourquoi pas ? On verra bien.
S'agissant du mercredi, jour de non-chasse, ayons le courage politique de l'affirmer : il est faux de dire qu'il y avait auparavant des jours de non-chasse. Dans mon département, chers amis, il y avait bien deux jours de non-chasse, mais cela ne concernait que le gibier sédentaire.
Puisque nous sommes la deuxième chambre du Parlement - ce qui est tout de même important -, il convient de dire la vérité : certes, il y avait deux jours de non-chasse pour le gibier sédentaire, mais ce type de gibier est de moins en moins nombreux. D'ailleurs, dans certaines zones en France, on chasse de plus en plus d'oiseaux migrateurs. Il faut savoir ce que l'on veut !
J'ai été très sensible aux arguments de Mme la ministre, qui a bien montré les difficultés auxquelles elle était confrontée s'agissant du mercredi jour de non-chasse. Là encore, nous avons voté contre, à l'unanimité. Donc, moi, je ne me dédirai pas. Je suivrai mes amis de la commission des affaires économiques, car là n'est pas le problème, mais sommes-nous sûrs que c'est rendre service au monde de la chasse ? Et j'espère que personne ne saisira le Conseil constitutionnel ! Aujourd'hui, certains me disent qu'il ne faut pas le saisir pour que nous soyons sûrs qu'il n'intervienne pas. Mais la dernière fois, chers amis de l'UMP, qui l'avait saisi ?...
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. André Vantomme. M. Chérioux ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Je ne me croyais pas si important !
M. Jean-Louis Carrère. J'entends un silence assourdissant !
Certes, et chacun l'a bien compris, je ne suis pas venu pour régler des comptes, mais je demande un peu de considération.
Madame la ministre, j'ai été sensible aussi à une question qui m'interpelle et qui a été évoquée par Mme la sénatrice du Loir-et-Cher, je veux parler de la segmentation des textes. Cela peut être une habileté, et cela peut être intéressant ; cela peut aussi être mal compris. Je ne suis pas sûr que le monde de la ruralité, dans lequel on trouve en grande partie le monde de la chasse, soit enclin à des stratégies de cette finesse, non pas parce qu'il serait médiocre ou qu'il n'aurait pas la capacité de compréhension, mais parce qu'il aspire à ce que ces questions soient réglées.
On peut admettre cette segmentation des textes pour des effets à la fois tactiques, juridiques et d'ordonnancement des débats, mais il faut bien l'expliquer, annoncer les dates et dire comment cela va se passer. En un mot, il faut que les chasseurs comprennent.
Permettez-moi de m'expliquer. Le monde de la chasse, vous l'aurez compris, madame la ministre, est moins en ébullition qu'il ne le fut. D'ailleurs, je ne suis pas certain que ceux qui l'avaient mis en ébullition la dernière fois seraient ravis si d'autres le mettaient de nouveau en ébullition en ce moment. Or le monde de la chasse va écouter nos débats et sera attentif au texte qui résultera de nos travaux.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est sûr !
M. Jean-Louis Carrère. C'est évident. Mais, si les chasseurs se contentent de la lecture d'un texte, même si celui-ci est positif, sans avoir de visibilité sur ce qui pourra se passer dans les deux ans à venir, l'incompréhension demeurera. Et les échéances électorales se rapprochent ! Je n'y comprends pas grand-chose, mais je subodore ce qui pourrait se passer...
Il en est de même de votre silence concernant la volonté du Gouvernement d'aller à Bruxelles pour renégocier la directive Oiseaux, si toutefois elle est politiquement renégociable, c'est-à-dire si l'on peut engager ce type de procédure. Pour ma part, je ne suis pas fondamentalement contre cette directive. Elle a apporté un certain nombre d'éléments très positifs. Mais cette directive comporte déjà plus de mille dérogations. Et que dire d'une directive à laquelle on déroge plus de mille fois ?
Le problème, ce n'est pas tant la directive elle même, c'est l'interprétation juridique qui en est faite à l'échelon européen et sur laquelle on ne peut plus revenir, sinon très difficilement.
Il faut parler clairement aux chasseurs et leur dire que l'on a conscience que de cette directive et de son interprétation viennent un certain nombre d'aléas. On va réfléchir et essayer de trouver une solution pour éviter toute interprétation très restrictive. Cela signifie qu'il nous faudra dégager une majorité. Le monde de la chasse sera alors plus enclin à nous comprendre, à admettre cette directive et à nous soutenir que si l'on feint de vouloir régler ses problèmes par des textes législatifs.
Madame la ministre, je n'aurai pas la discourtoisie de vous dire que ce projet de loi était un petit texte qui devient un grand texte. Pour moi, il n'y a ni petit ni grand texte. Comme je l'évoquais en préambule, le débat sur les retraites est, me semble-t-il, un peu plus important sur le plan de la démocratie française et de la République...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Certes !
M. Jean-Louis Carrère. ... que le débat qui nous occupe aujourd'hui. Pourtant, ce débat sur la chasse me passionne, me tient à coeur,...
M. Henri de Raincourt. Il faut les deux !
M. Jean-Louis Carrère. ... et je sais qu'il est très important pour l'avenir et la cohésion sociale dans nos zones rurales.
Madame la ministre, le groupe socialiste, vous l'avez compris, ne prendra pas exemple sur les différentes composantes de l'UMP qui avaient joué un peu avec la chasse au préalable. Nous, nous resterons sérieux, et dans la mesure où votre texte pourra être un peu amélioré, nous irons peut-être même jusqu'à le soutenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Philippe François applaudit également)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Merci !
M. Jean Chérioux. C'est bien ! C'est noble ! Bravo !
M. le président. Longue intervention, mais on ne s'est pas ennuyé !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Très bonne intervention !
M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.
M. Pierre Martin. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, malgré le plaisir que j'éprouve à débattre d'un sujet qui me tient à coeur, la chasse, je regrette tout de même de devoir l'aborder à nouveau devant vous aujourd'hui. De toute évidence, nous n'en serions pas là si, en mai et juin 2000, le Gouvernement, à l'Assemblée nationale, s'en était remis à la sagesse du Sénat, dont le rapporteur à l'époque, Mme Heinis, s'était fait le porte-parole.
M. Jean Chérioux et M. Henri de Raincourt. Effectivement !
M. Roland Courteau. Nous vous l'avons expliqué ! Vous n'avez pas écouté !
M. Pierre Martin. J'ai bien écouté !
M. Roland Courteau. Non !
M. Pierre Martin. Certes, ce projet de loi n'aurait pas tout arrangé, mais au moins aurait-il ouvert une porte à la reprise de négociations constructives à l'échelon européen et permis ainsi de régler dans le temps les points sensibles liés à l'interprétation de la directive Oiseaux.
Helas ! le résultat tangible de cette loi imposée, mais sûrement pas apaisée, s'est rapidement fait sentir. Il s'est traduit par une déstabilisation de la politique cynégétique, de ses institutions représentatives, par une opposition accentuée entre urbains ou rurbains et ruraux, mais surtout entre les défenseurs et les pourfendeurs de la chasse, ce qui a engendré une multiplication des contentieux.
C'est à vous qu'il revient aujourd'hui, madame le ministre, de réorganiser la gestion de cette pratique populaire et démocratique, garante de la préservation de la faune et de l'habitat.
Votre souci de renouer les liens entre chasseurs et écologistes, qui sont, finalement, tous deux amoureux de la nature, vous conduit non pas à imposer un vaste projet d'ensemble, mais à travailler par touches successives, à la manière des impressionnistes. (Mme la ministre sourit.)
C'est d'abord le projet de loi autorisant le Gouvernement à simplifier par ordonnance la très prochaine création du guichet unique et l'autorisation pour les fédérations départementales des chasseurs qui le désirent de valider les permis de chasser.
C'est aussi la simplification du régime du droit de chasse en forêt domaniale.
Vient ensuite le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui. Il marque votre volonté, madame le ministre, de dépolitiser le dossier - la démonstration vient d'en être faite par l'orateur qui m'a précédé -, en élargissant considérablement la responsabilité des intervenants locaux, sans lesquels on ne saurait construire une chasse d'avenir.
C'est ainsi que vous précisez le statut des fédérations, et notamment des fédérations départementales, sur lesquelles il faudra désormais s'appuyer. Fortes de leur proximité, elles sauront, je l'espère et je le crois, non seulement répondre aux attentes des chasseurs, mais aussi rester à l'écoute des autres acteurs de la vie rurale et traduire la diversité et la richesse de nos territoires. Ainsi informées, c'est à elles que doit revenir, après échange avec le terrain, le soin d'organiser le repos du gibier et de fixer les jours avec ou sans chasse, en s'appuyant sur leur connaissance des contraintes biologiques et environnementales et des particularismes locaux. Ce n'est qu'ensuite, et seulement alors, qu'il reviendra au préfet d'appliquer cette mesure. Vous êtes là à l'origine d'un acte fort de décentralisation.
En ce qui concerne la gestion du gibier, je me permets d'évoquer le problème que pose l'absence de cohérence entre les départements à propos des prélèvements maximaux autorisés pour la bécasse. Nous reviendrons sur cette question. Au cours de la discussion, je proposerai qu'il soit procédé à une révision de la chasse accompagnée, ainsi qu'à une adaptation du décret Bouchardeau.
Viendra ensuite la troisième étape de la réforme, comprise dans le futur projet de loi relatif aux affaires rurales.
Je ne saurais achever mon propos sans mettre de nouveau l'accent sur le problème crucial et urgent, en particulier dans la Somme, mon département, de la détermination des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs.
Votre réforme ne pourra aboutir, madame le ministre, si ce problème n'est pas traité rapidement.
En effet, la Cour européenne de justice resserre chaque fois un peu plus l'étau juridique. Le Conseil d'Etat se fait, lui aussi, le gardien jaloux d'une interprétation restrictive de la directive de 1979. Il procède à de nombreuses annulations d'arrêtés ministériels fixant les dates de chasse pour telle espèce, dates qui dérogent, comme le permet la loi du 26 juillet 2000, à la période générale d'ouverture allant du 1er septembre au 31 janvier. « C'est en France que le juge pousse son contrôle le plus loin », déplore le député Daniel Garrigue, qui vient de remettre un rapport comparatif sur ce sujet à l'Assemblée nationale.
Cette querelle, qui dure depuis vingt-quatre ans, tourne à la confusion juridique. Il est grand temps d'y mettre fin. Il est urgent de retenir des dates reconnues par les chasseurs, mais également par l'Observatoire, c'est-à-dire des dates incontestables proposées par les uns et acceptées par les autres.
C'est ce que vous préconisez dans vos interventions. Régulièrement interrogée sur ce sujet, vous ne cessez de rappeler qu'il appartient aux Etats membres de fixer ces dates après avoir fondé leurs décisions sur des données scientifiques validées.
A cette fin, vous avez créé l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats. Je souhaite connaître, madame le ministre, l'état d'avancement de ses travaux. L'évolution du dossier européen, qui doit être traité sans plus attendre, en dépend.
Pour conclure, je rappellerai, madame le ministre, que la chasse est une passion. La démonstration nous en a été faite il y a quelques instants. Pour ma part, mon cher collègue Carrère, je ne parlerai pas de l'ortolan puisque je ne pratique pas assez cette chasse. (Sourires.)
M. Philippe François. C'est pourtant bon l'ortolan ! (Nouveaux sourires.)
M. Pierre Martin. Mais si la chasse est une passion, c'est aussi une tradition, c'est-à-dire un lien entre le passé et le présent, une coutume transmise de générations en générations. C'est une richesse de notre pays, de notre ruralité, mais également un sport et un loisir. Loisir doit rimer avec plaisir. Ce n'était plus tout à fait le cas ces temps derniers.
Madame le ministre, conjuguons nos efforts pour que, dans l'intérêt de tous, soient recréées les conditions qui permettront de vivre dans notre pays ces moments de convivialité. Les moments de chasse sont souvent des instants de convivialité qui favorisent la solidarité, fort utile par les temps qui courent. Dans ce projet de loi, j'ai trouvé un certain nombre d'avancées, ce dont je me réjouis. C'est la raison pour laquelle le groupe de l'UMP le votera.
Enfin, je voudrais remercier mon ami Ladislas Poniatowski pour le travail très positif qu'il a effectué, démontrant la volonté des uns et des autres de trouver une bonne solution pour les chasseurs de France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour ma part, je voudrais évoquer quelques points particuliers concernant le problème de la chasse.
Tout d'abord, ce débat - il n'est pas terminé, mais il a déjà été long - a montré que, sur un sujet passionnel comme celui-ci, peut s'engager une discussion tout à fait franche, parfaitement modérée, tant sur la forme que sur le fond. Si, à l'échelon national, notre société pouvait adopter la même règle de conduite lorsque sont abordés les problèmes de chasse, nous aurions fait, me semble-t-il, oeuvre utile.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. François Fortassin. Par ailleurs, je tiens à dire que la chasse est avant tout un loisir ; c'est même un élément culturel, patrimonial, certes, de la France rurale essentiellement, mais aussi bien au-delà.
Il y a, bien évidemment, une réglementation en matière de chasse. Elle doit être stricte, mais l'éthique et l'état d'esprit doivent l'emporter, me semble-t-il, sur la réglementation.
En effet, il ne faut pas s'en tenir à la seule réglementation, à son application froide, assortie de sanctions ; la chasse vaut plus que cela. Permettez-moi d'en rappeler quelques idées fortes.
Premièrement, un permis de chasser donne à son détenteur le droit de se promener dans la nature avec un fusil, éventuellement avec un chien, mais il ne lui donne en aucun cas le droit de tirer sur ce qui bouge ni celui d'aller tuer quelques volatiles au plumage multicolore qui ont été élevés dans des conditions si détestables qu'on ne peut même pas les manger ! (Sourires.)
Il faudrait dire aux chasseurs, notamment aux plus jeunes, que la prudence en matière de chasse doit être la même que celle qui s'impose à toute personne ayant une arme entre les mains.
Cette arme ne doit pas être ressentie comme un élément de puissance. S'il est vrai que l'on dénombre peu d'accidents concernant les tiers, ils ne sont pas rares, hélas ! entre pratiquants. Je pense que cela doit être rappelé très fermement.
Il faudrait dire également que le gibier de tir ne devrait être autorisé que dans des espaces clos. En aucun cas d'ailleurs le gibier de tir ne devrait être assimilé à du gibier, car on met en péril les animaux qui ne sont pas tués. Ils subissent un stress tel que, dès la première soirée, ils sont la proie de n'importe quel prédateur. Si on aime la nature, on doit respecter ce gibier.
Il serait peut-être souhaitable d'obliger les sociétés de chasse à prévoir des enclos, de manière que le gibier puisse s'habituer au milieu naturel avant les lâchers.
M. Fernand Demilly. Eh oui !
M. François Fortassin. Personnellement, je préconise vivement un rapprochement - et cela n'est pas impossible - entre les chasseurs et les « environnementalistes ». Car les chasseurs, même s'ils sont parfois décriés par une partie de la société, ont au moins une qualité que l'on ne peut pas leur contester : ils connaissent le milieu naturel.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Tout à fait !
M. François Fortassin. Enfin, il serait nécessaire à mon avis de limiter l'usage des armes à longue portée du type des carabines à lunettes. Je ne préconise pas leur interdiction ; je propose simplement que ces armes ne puissent être utilisées par les chasseurs qu'après une période probatoire ; qui pourrait être fixée à cinq, voire à dix ans. Sinon, le gibier n'a plus sa chance.
Prenons un isard, espèce que nous connaissons bien dans les Pyrénées, qui est le cousin du chamois alpin. Si vous utilisez un fusil de type classique, vous aurez peu de chance de l'atteindre, car il ne se laisse pas approcher à moins de cent cinquante mètres. En revanche, avec une carabine à lunettes, s'il est arrêté, vous pourrez le tuer à quatre cents mètres. Dans ces conditions, ce n'est plus de la chasse, c'est de la destruction, car, compte tenu de la distance, l'animal a l'impression d'être protégé. Les jeunes chasseurs ont tendance, par manque d'expérience - on ne peut pas le leur reprocher -, à tirer du gibier qu'ils vont certainement blesser sans tuer.
L'autre problème que je souhaite évoquer est celui des oiseaux migrateurs. Mon ami Jean-Louis Carrère a évoqué les pinsons et les ortolans, qu'il connaît bien. Il aurait pu également parler de la palombe.
La palombe est quelque chose d'extraordinaire, surtout dans notre Sud-Ouest. Ce n'est pas pour rien si l'on parle de « fièvre bleue » ! Or, aujourd'hui, on est en train de mettre à mal cette chasse, qui est pratiquée depuis des générations, et de mettre à mal l'oiseau lui-même, qui, pourtant, est exceptionnel. Il n'a d'ailleurs qu'une lointaine ressemblance avec un pigeon ordinaire.
M. Jean-Louis Carrère. Il faut le dire à notre collègue Chérioux ! (Sourires.)
M. François Fortassin. La chasse à la palombe et le comportement de ce gibier se sont considérablement modifiés. D'abord, en raison du ramassage mécanique des cultures, ces oiseaux trouvent maintenant beaucoup de nourriture dans les champs. Ensuite, à cause des réserves, qui constituent pour eux des lieux de tranquillité totale, ils émigrent de moins en moins. Auparavant, ils partaient des lieux de nidification au nord de l'Europe et allaient jusqu'au Portugal, au sud de l'Espagne, au Maroc, voire plus loin. Aujourd'hui, au moins une bonne moitié d'entre eux restent dans les réserves de notre Sud-Ouest.
Madame la ministre, je préconise que, pendant la période de chasse, qui dure un mois et demi, on fasse disparaître la notion de réserve. En étant chassés, ces oiseaux franchiront les cols pyrénéens et trouveront naturellement les forêts d'altitude, où ils auront beaucoup plus de tranquillité que dans les zones plates. On évitera ainsi une prolifération. A défaut d'une telle mesure, je prends le pari que, dans dix ans, on devra détruire les palombes, qui constitueront une gêne considérable pour les cultures. Même si elle n'est peut-être pas de nature à prendre un caractère législatif, cette mesure me paraît très importante.
Je dirai au passage qu'il serait nécessaire également de relancer l'activité chasse auprès des jeunes en envisageant une action pédagogique en leur direction.
Enfin, madame la ministre, je tiens à dire - et c'est ici le praticien qui fut jadis légèrement braconnier qui s'exprime (Sourires.) - que le braconnier n'est pas forcément un destructeur de l'espèce, puisqu'il essaie de « garder la souche », comme on dit dans nos pays. Il faut certes lutter contre le braconnage, notamment lorsqu'il revêt un caractère commercial, mais il est parfois sanctionné de manière par trop rigoureuse.
Les délits de chasse doivent être sanctionnés, j'en conviens, mais force est de constater que, dans notre société, mieux vaut commettre bien d'autres délits que de tuer un chevreuil. Or, dans certaines zones, ces animaux prolifèrent de façon considérable.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Personne ne veut les chasser ni les tuer !
M. François Fortassin. Aussi, madame la ministre, il serait bon d'inciter l'administration à faire preuve d'une compréhension plus grande à cet égard.
En effet, la chasse, activité ludique, requiert beaucoup de tolérance. C'est un loisir très populaire et démocratique, qui doit le rester. C'est aussi un moment de convivialité et ce n'est pas le président du Sénat qui me contredira.
M. Christian Poncelet, président du Sénat. Pas du tout !
M. François Fortassin. Je lui lance d'ailleurs une invitation pour venir tuer un cerf dans les Pyrénées. (Sourires et applaudissements.)
M. le président. Merci beaucoup, monsieur Fortassin. M. le président du Sénat sera ravi de cette invitation. (Nouveaux sourires.)
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la ministre, le sujet que vous inscrivez à l'ordre du jour d'un Parlement préoccupé de l'actuelle situation sociale et économique ne méritait pas tant de zèle pour démonter, pièce par pièce, les textes de vos prédécesseurs. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Si je dis cela, c'est tout simplement parce que je ne comprends pas que l'on passe quatre heures à débattre de la chasse et seulement deux heures sur le RMI et ses modifications.
M. Gérard César. Cela n'a rien à voir !
M. Philippe François. Ce n'est pas pareil !
Mme Marie-Christine Blandin. Mais, puisque vous avez fait ce choix, j'en profite pour m'exprimer en évitant de tomber dans les caricatures qui ont trop souvent entouré ce débat.
Dans un monde pollué, bruyant, bétonné, qui ne comprendrait l'émoi de celui qui pratique la nature de bon matin, dans la rosée, dans la brume qui se lève et à qui on a fait croire un moment que ces sorties allaient lui être interdites ?
Qui, d'ailleurs, avait intérêt à répandre de telles contre-vérités dans un passé récent ?
M. Hilaire Flandre. Qui a fait croire cela ?
Mme Marie-Christine Blandin. Je sais comme eux l'odeur de l'humus, le bruit du bois mouillé sur lequel pèse le pied, l'envol soudain des oiseaux au petit matin, le chevreuil qui se découpe dans la lumière d'un chemin.
Là s'arrête ma communauté de pratique, car je photographie et le chasseur tue. Quand je rate mon geste, la photo est floue. Quand le chasseur rate son geste, l'animal est blessé.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pas toujours !
Mme Marie-Christine Blandin. En dehors de toute sensiblerie, je ne comprends pas ce plaisir. Toutefois, parce que je suis démocrate, parce que le parti que je représente construit un projet pour tous, je m'efforce de participer rationnellement à la qualité de la loi.
Les Verts rappellent que la chasse est acceptable aux conditions suivantes : le prélèvement doit être raisonnable et ne pas menacer la survie des espèces chassées ni celles qui vivent dans le même milieu - nous ne pouvons qu'être d'accord -, le comportement des chasseurs doit être respectueux des autres usagers des milieux naturels - qui s'y opposerait ? - et ces activités doivent contribuer à la sauvegarde de la faune, de la flore et des habitats.
Les Verts réaffirment que la réglementation de la chasse doit prendre en compte les intérêts cynégétiques, bien sûr, mais aussi ceux de la conservation de la nature et ceux de l'ensemble des usagers des milieux naturels. A des fins de loisirs dans les milieux naturels, elle doit être le résultat d'un dialogue équilibré entre les différentes parties concernées, notamment entre les chasseurs, les associations de protection de la nature et les usagers économiques.
Pour que la chasse survive, la priorité des priorités doit être la sauvegarde du gibier et de son habitat : sans gibier, il n'y a pas de chasseurs.
Il est donc surprenant que le Gouvernement donne la priorité, au moins chronologique, puisque j'ai entendu l'annonce de futurs textes sur la ruralité, aux structures de la chasse. En fait, ce projet est essentiellement destiné à renforcer le pouvoir des fédérations de chasse, y compris en ce qui concerne les moyens.
Il y a en France une majorité de chasseurs raisonnables qui ne demandent qu'une chose : pratiquer leur loisir en paix. Ils en ont assez d'être l'enjeu des politiques. Ils comprennent parfaitement qu'il faut un minimum de contraintes et de contrôles pour éviter les abus. Ils admettent les restrictions destinées à assurer la survie du gibier. Ils souhaitent entretenir de bonnes relations avec les autres usagers du milieu naturel, que ce soit à des fins économiques ou récréatives.
Mais il y a aussi une minorité d'extrémistes qui veulent chasser le plus possible, être les maîtres du territoire et qui, nostalgiques de la lampe à pétrole, veulent chasser comme au siècle dernier.
Les chasses traditionnelles peuvent certes rappeler un certain art de vivre et exiger un savoir-faire, mais nous sommes au xxie siècle. De nombreux milieux naturels ont été détruits, les autres sont en mauvais état. La destruction des haies, l'assèchement des zones humides, les monocultures se sont développés à un rythme jamais atteint. L'utilisation des pesticides et la pollution n'ont jamais connu un tel développement. Dans ces conditions, la chasse ne peut plus se pratiquer comme il y a cent ans.
La tradition n'est pas un argument de raison. L'excision des fillettes en Afrique est une tradition ! Badigeonner de terre une plaie ouverte fut en France une tradition pendant de nombreux siècles, ou encore saigner les malades, comme nous le conte Molière ! Nous avons heureusement renoncé à de telles pratiques.
Hélas ! madame la ministre, votre projet de loi donne satisfaction à la fraction la plus extrémiste des chasseurs. Pour certains, peu nombreux heureusement, le projet de loi idéal se résume à un seul article : « La chasse est autorisée en tous temps, en tous lieux et par tous les moyens. »
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Caricature !
Mme Marie-Christine Blandin. Ce projet de loi comprend de nombreuses mesures destinées à renforcer le pouvoir des fédérations et laisse la place à ces extrémistes : la remise en cause du principe « un homme, une voix » et le rétablissement du suffrage censitaire dans les fédérations de chasseurs, comme en 1942 ; la suppression des contrôles a priori et a posteriori sur les finances ; la suppression du taux maximal de la cotisation des fédérations ; la très large possibilité d'utiliser les réserves ; l'élection du président de la fédération nationale par le conseil d'administration de celle-ci et non plus par l'assemblée générale.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est très bien, tout cela !
Mme Marie-Christine Blandin. L'attribution des voix aux titulaires de droits de chasse, parmi lesquels on compte un grand nombre de présidents de sociétés de chasse, a pour effet de limiter le corps électoral à quelques-uns et interdit ainsi à la majorité des chasseurs de s'exprimer directement. Cette analyse est confortée par les projets de système de procuration que vous nous avez communiqués.
Quand on sait que, de surcroît, la plupart des sociétés locales de chasse ou des ACCA reçoivent des subventions de la fédération, on imagine très bien les tractations auxquelles certains votes donneront lieu !
Les fédérations départementales des chasseurs bénéficient, dans le système associatif français, de deux privilèges exorbitants qui les placent en situation de monopole : l'adhésion obligatoire et l'interdiction du choix de la fédération d'adhésion. Il est donc logique qu'en contrepartie elles soit soumises à un contrôle de l'Etat, particulièrement sur leurs finances.
Le passé, même récent, fournit de nombreux exemples de dérives auxquelles l'existence d'un contrôle a permis de mettre un terme rapidement. Il y a peu, la Cour des comptes a eu l'occasion de dénoncer l'utilisation abusive de l'argent des chasseurs, y compris à des fins électorales.
Selon certains, soumettre les fédérations de chasseurs à un contrôle financier a priori serait faire preuve de suspicion et serait insultant pour elles. Pourtant, tous les directeurs d'administration centrale des ministères sont soumis a priori au contrôleur financier. Madame la ministre, auriez-vous plus confiance dans les fédérations de chasseurs que dans les directeurs de votre administration ?
La cotisation étant obligatoire, il est tout à fait normal qu'un contrôle soit exercé. Si les chasseurs ne veulent pas être soumis à plus de contrôles que les autres associations, nous n'y sommes pas opposés, mais cela implique, comme pour les autres associations, une adhésion facultative et volontaire et au moins la possibilité de choisir sa fédération d'adhésion.
Le pouvoir que vous donnez aujourd'hui aux fédérations départementales et à la fédération nationale est inacceptable.
En comparaison, le sort que vous réservez aux associations de protection de la nature est pitoyable. Pourtant, la plupart d'entre elles, loin d'être opposées à la chasse, contribuent à sa survie en se battant pour la sauvegarde des milieux naturels. Or vous leur reprochez d'engager des contentieux contre vos décisions. Le problème n'est pas qu'elles les engagent ; le problème est qu'elles les gagnent !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pas toujours !
Mme Marie-Christine Blandin. Si les juridictions administratives leur donnent raison, c'est que vous aviez violé la loi ! Ce sont vos textes qui sont contestables, pas les associations.
Chacun sait que la chasse apaisée, que tout le monde ici appelle de ses voeux, passera par le rétablissement du dialogue entre les associations de protection de la nature et les associations cynégétiques. Ces dernières années, le Gouvernement a essayé de tout faire pour le rétablir. Il a échoué en raison du refus des chasseurs. En renforçant aujourd'hui le pouvoir des fédérations de chasseurs, vous diminuez les chances de reprise de ce dialogue.
Vous voulez autoriser la transmission des procès-verbaux des infractions de chasse aux présidents de fédération. Je ne suis pas certaine qu'il soit conforme à la Constitution que des procédures judiciaires puissent être communiqués à des tiers étrangers aux parquets et aux sièges ! Mais, si cela était possible, pourquoi limiter cette communication aux seules fédérations de chasseurs et ne pas l'étendre aux associations de protection de la nature ?
Chasseurs et protecteurs de la nature ont un intérêt commun : la protection des milieux naturels. Ce devrait être d'ailleurs aussi le nôtre, et le vôtre !
Vous avez annoncé que le premier projet de loi sur la chasse porterait uniquement sur les structures. Pourtant, il y a deux entorses majeures : l'augmentation du nombre de départements où la chasse de nuit est autorisée...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Non, il n'y a pas d'augmentation !
Mme Marie-Christine Blandin. ... et la suppression du mercredi sans chasse.
La loi de juillet 2000 avait établi, après une longue enquête, une liste de vingt et un départements où la chasse de nuit était traditionnelle. Vous voulez aujourd'hui en ajouter sept.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais non ! Je ne fais que légaliser !
Mme Marie-Christine Blandin. Vous semblez d'ailleurs vous être vous-même rendu compte de l'activisme des lobbies, qui ont réussi à inscrire la Vendée sur la liste précitée, contrairement à l'avis de la fédération locale !
Une grande majorité des fédérations de chasseurs avait établi un jour, parfois deux, de non-chasse. Personne ne peut contester sérieusement la nécessité de ce jour de pause pour la nature, pour la sécurité.
Madame la ministre, j'ai entendu vos arguments et j'ai pris note de votre comptabilité, mais trente morts par an, c'est quand même trop !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce n'est pas le jour de non-chasse qui va permettre de réduire ce nombre ! Les morts sont des chasseurs !
Mme Marie-Christine Blandin. Des divergences existent sur le choix du jour. En 2000, le Parlement avait jugé qu'il était préférable de s'en remettre à la sagesse locale. Mais, après l'intervention de la droite, le Conseil constitutionnel a décidé de limiter ce jour au seul mercredi.
Aujourd'hui, vous voulez retourner à l'ancien système, qui introduisait de grandes disparités.
Pour satisfaire les revendications de ceux qui cherchent à politiser la chasse, vous acceptez que l'Office national de la chasse et de la faune sauvage soit placé sous la double tutelle de votre ministère et de celui de l'agriculture. Quel intérêt représente pour l'Etat cette double tutelle ? Votre gouvernement se fait fort de rationaliser les structures de l'Etat. Croyez-vous que mettre un établissement public de l'Etat sous la tutelle de deux ministères corresponde à cet objectif ?
Je terminerai en évoquant une mesure positive qui a été introduite par les députés, à savoir la ratification de l'accord international sur les oiseaux d'eau. Il y avait urgence. Cela permettra notamment d'accélérer l'utilisation de la grenaille sans plomb, métal dont cette convention interdit l'utilisation à partir de 2000.
Je précise bien que ce n'est pas une mesure anti-chasse. Les consommateurs de gibiers et les personnes qui fréquentent les milieux humides sont les premières victimes de cette prolifération du plomb.
M. Jean-Louis Carrère. D'accord !
Mme Marie-Christine Blandin. Cela étant, madame la ministre, je déplore l'esprit et la lettre de votre projet, notamment en ce qu'il multiplie les entorses aux règles qui gouvernent la chose publique.
J'ajoute enfin que mettre en perspective un quelconque infléchissement de la directive de 1979, ce que font les partisans de ce texte, c'est ancrer dans les esprits une illusion nocive : elle ne fera que différer l'apaisement qui était à portée de main.
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat.
M. Xavier Pintat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la chasse qui vient aujourd'hui en débat dans notre assemblée marque une nouvelle étape législative de ce dossier, devenu symbolique, ô combien ! en raison des incessantes joutes politiques et juridiques auquel il donne lieu.
Et c'est bien là tout le problème. La chasse s'est muée en objet de discorde, d'opposition sur la perception et l'usage de la nature. Elle s'en serait bien passée !
Alors que la chasse fait partie de notre histoire, de nos traditions, et reflète fidélement l'identité culturelle de nos territoires, elle doit aujourd'hui, une fois encore, apporter la preuve de sa légitimité.
En une décennie, ce ne sont pas moins de trois lois qui ont été votées pour adapter la chasse à un environnement juridique de plus en plus complexe. En vain.
La volonté de sortir des contentieux et des blocages divers sont tenus en échec par les contructions jurisprudentielles de la Cour de justice des Communautés européennes, appliquées avec zèle par le Conseil d'Etat plus d'ailleurs que par les juridictions analogues d'autres pays.
Cela va trop loin ! La Commission européenne elle-même s'emploie à élaborer un guide interprétatif pour encadrer l'application de la directive Oiseaux.
Face à ce triste bilan, la loi du 26 juillet 2000 n'aura fait que relancer les antagonismes et enfermer un peu plus la chasse dans une impasse.
Madame la ministre, vous avez compris qu'il était urgent de régler ce dossier et de mettre fin aux années de harcèlement qui ont engendré une défiance légitime du monde de la chasse à l'égard des pouvoirs publics. C'est pourquoi je tiens à saluer votre démarche patiente et courtoise, qui a consisté ces derniers mois à renouer les fils du dialogue avec tous les acteurs de ce dossier.
Le sens de l'écoute dont vous avez fait preuve, les multiples réunions de travail que vous avez organisées et auxquelles vous avez étroitement associé notre groupe d'études sur la chasse nous ont redonné à espérer. Je tiens personnellement à vous en remercier.
En effet, de nouvelles perspectives se dessinent pour la chasse. Notre « feuille de route » est claire et repose enfin sur une stratégie d'ensemble, propre à pacifier durablement la pratique de la chasse.
Madame la ministre, votre décision de créer un Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats constitue à ce titre un progrès indéniable.
La réactualisation de nos connaissances scientifiques est en effet un préalable incontournable pour avancer sur la fixation des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux oiseaux migrateurs, qui est au coeur des difficultés du dossier « chasse ».
Je ne saurais donc trop insister sur la nécessité d'explorer rapidement cette voie, car les prochaines campagnes cynégétiques se rapprochent. Nous venons de connaître les périodes de chasse les plus courtes. Il serait inconcevable que ce fâcheux précédent se répète.
J'en viens au texte du projet de loi lui-même, qui a été largement amendé par nos collègues de l'Assemblée nationale et qui offre de nombreux motifs de satisfaction.
Deux mesures particulièrement fortes, car symboliques, sont à mettre au crédit des travaux menés par l'Assemblée nationale : l'abrogation pure et simple du jour de non-chasse et la double tutelle des ministères chargés de la chasse et de l'agriculture sur l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et sur les statuts de la fédération des chasseurs.
S'agissant du jour de non-chasse, nous sommes nombreux dans cette enceinte a l'avoir vivement combattu. Non seulement nous l'avions jugé parfaitement inutile, car il s'agissait d'une pratique courante dans de nombreux départements, mais, en outre, cette mesure nous apparaissait déjà à l'époque comme totalement contre-productive. Elle n'apportait aucune valeur ajoutée à la gestion raisonnée des espèces et procédait à un partage dogmatique de la nature, ne reposant sur aucun fondement objectif.
M. Gérard César. Très bien !
M. Xavier Pintat. L'abandon de cette mesure s'imposait.
L'instauration de la double tutelle constitue un geste politique fort, attendu de longue date par les chasseurs. En anticipant quelque peu sur le prochain débat relatif aux affaires rurales, cette mesure permet de reconnaître le travail des fédérations pour la préservation des milieux naturels. Le lien entre l'agriculture et la chasse est plus qu'ancestral. Cette réalité implique à l'évidence le renforcement du rôle du ministère de l'agriculture, dont la vocation originelle est bien d'être le ministère de tous les espaces ruraux. Je proposerai d'ailleurs d'inscrire à l'article 1er du présent projet de loi la contribution des fédérations départementales à l'aménagement rural.
Par ailleurs, madame la ministre, votre texte aménage opportunément l'organisation institutionnelle de la chasse en France.
L'existence de ce mouvement associatif puissant, couvrant tout le territoire, est une véritable chance. Aussi, les modifications proposées qui consistent à mieux reconnaître le rôle des fédérations, à revenir au régime de droit commun des associations et à renouer avec une plus grande autonomie de gestion vont toutes dans le bon sens. Elles redonnent l'initiative aux acteurs de terrain, tout en les responsabilisant, ce qu'illustre parfaitement la possibilité reconnue aux présidents des fédérations départementales d'être enfin destinataires des procès-verbaux d'infraction.
Dans le même ordre d'idées, on peut citer la transmission du fichier national des permis à la fédération nationale des chasseurs, la libre utilisation des réserves et la libre détermination du montant des cotisations.
Ces mesures confortent toutes le rôle des fédérations en leur donnant les moyens d'assumer leurs missions.
En revanche, je demeure plus réservé quant aux solutions retenues, sur l'initiative de notre confrère Charles de Courson, s'agissant du contrôle des fédérations. En effet, s'il était nécessaire de revenir sur le contrôle a priori des budgets des fédérations, leur alignement pur et simple sur le contrôle de légalité applicable aux collectivités locales fait peser bien des incertitudes.
M. Gérard Le Cam. C'est vrai !
M. Xavier Pintat. Notre excellent rapporteur, Ladislas Poniatowski,...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Excellent, en effet !
M. Xavier Pintat. ... l'a parfaitement expliqué. Recourir à la procédure du référé paraît contre-productif au regard des obligations en jeu.
Revenons donc au texte initial, qui encadrait strictement le contrôle du préfet tout en maintenant le recours à la chambre régionale des comptes en cas de manquement grave.
S'agissant des procédures d'élection des instances des fédérations, si l'on peut se réjouir des aménagements apportés au principe « un chasseur, une voix » pour prendre en compte l'importance des territoires de chasse, je crois utile de clarifier le régime électoral des assemblées générales des fédérations. Je défendrai un amendement en ce sens.
Vous me permettrez une petite digression sur l'opportunité de renouveler intégralement en 2004 les conseils d'administration des fédérations de chasseurs. Je reste persuadé qu'un renouvellement par moitié serait plus approprié, et cela pour deux raisons : d'abord, la nécessité de prendre en compte l'expiration normale des mandats en cours ; ensuite, l'opportunité du moment. L'élection va se tenir en pleine campagne des régionales et des européennes. Les tentatives de politisation seront fortes !
M. Jean-Louis Carrère. Pas en Gironde ! (Sourires.)
M. Xavier Pintat. Bien sûr, pas en Gironde ! (Nouveaux sourires.)
Quoi qu'il en soit, cette décision n'est pas de notre ressort.
Madame la ministre, nous sommes conscients que nul ne pouvait attendre du Gouvernement qu'il traite en une année le passif accumulé sur ce dossier.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est bien vrai !
M. Xavier Pintat. Le chemin est encore long, les incertitudes juridiques sont encore trop nombreuses. Mais votre projet de loi présente des avancées indéniables. Il permet au monde de la chasse de retrouver sa place au coeur de la société.
Car, ne l'oublions pas, il s'agit là avant tout d'une question de société. Le problème est de savoir quelle vision nous avons de l'organisation de la majeure partie de notre territoire. Cela touche à l'équilibre du monde rural, à la saine gestion d'un patrimoine dont la protection est devenue incontournable en raison de l'évolution de notre société.
Ce texte nous permet enfin, et ce n'est pas le moindre de ses mérites, de nous mettre en ordre de marche pour une chasse légitimée et gestionnaire.
A ce titre, madame la ministre, pouvez-vous réitérer l'engagement du Gouvernement d'entamer des négociations avec la Commission européenne pour modifier la directive Oiseaux ? Pouvez-vous également nous préciser quand débuteront ces négociations et quels résultats vous en attendez ?
Il est en effet illusoire de croire que l'autorisation, contenue dans ce texte, de ratifier l'accord international sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie, c'est-à-dire l'AEWA ou African-Eurasian migratory waterbird agreement (Très bien ! et sourires sur plusieurs travées)...
M. Roland du Luart. Very good !
M. Xavier Pintat. Isn't it. Thank you ! (Nouveaux sourires.)
... sera considérée comme significative par le juge communautaire et le juge national au point de les conduire à assouplir leur jurisprudence concernant les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse des migrateurs.
La prochaine présidence de l'Italie me semble offrir une réelle « fenêtre de tir » pour revenir, autant que faire se peut, à la lettre de la directive Oiseaux.
Quoi qu'il en soit, madame la ministre, nous sommes à vos côtés pour vous aider dans ce travail de longue haleine.
Puisse donc notre débat apporter aujourd'hui modestement sa pierre à un retour durable de la paix cynégétique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)