COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
RAPPELS AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, je demande une suspension de séance d'un quart d'heure pour pouvoir remédier aux conséquences d'un quiproquo à propos de l'ordre du jour de la séance, quiproquo lié à l'existence de deux dérouleurs différents. Nos collaborateurs, quel que soit le groupe auquel nous appartenons, sont aussi fatigués que nous, et, pour l'organisation de nos travaux, en accord avec le président de la commission, je souhaiterais que vous nous accordiez un quart d'heure pour remettre de l'ordre dans nos dossiers.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, il n'y a pas réellement d'anomalie, puisque la tradition veut que chaque titre fasse l'objet d'un dérouleur distinct. De là a pu naître la confusion dans votre esprit.
Cela étant, je rappelle ce que j'ai dit hier : « Par courtoisie, j'indique au Sénat que je demanderai, demain matin, la priorité sur les articles 14, 15 et 16, après l'article 13 bis. »
Je n'ai donc pas encore, en cet instant, demandé la priorité, mais j'ai tenu à prévenir publiquement l'assemblée que je le ferais afin que chacun puisse s'y préparer.
Dans l'immédiat, je ne m'oppose pas à une suspension de séance de quelques minutes pour permettre à un groupe de retrouver ses documents.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ou ses esprits !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures cinquante, est reprise à dix heures.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. Robert Bret, pour un rappel au règlement.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 38 du règlement du Sénat, relatif à l'organisation de nos travaux.
Alors que nous débattons de la réforme des retraites et que la qualité des arguments échangés nous amène à réfléchir au fond sur le sens et l'essence d'un certain nombre de questions où l'éthique le dispute à la philosophie, Bercy vient d'apporter cette semaine un éclairage significatif sur le contenu et les finalités de cette réforme.
En effet, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui n'en est pas à son coup d'essai, a annoncé tout à fait tranquillement qu'il faudrait peut-être, en 2004, effectuer une pause dans la baisse générale des taux de l'impôt sur le revenu et envisager de recentrer la dépense fiscale à venir sur quelques priorités.
Il est vrai, chers collègues de la majorité, que le résultat obtenu en termes de croissance économique par cette politique de réduction des impôts n'est guère probant : s'il y a effectivement baisse du produit des impôts il y a aussi hausse du chômage, ralentissement patent de l'activité économique, dévitalisation des comptes sociaux et aggravation des déficits, dont le montant dépasse maintenant les prévisions les plus pessimistes.
L'effet levier des baisses d'impôts ne s'est donc pas manifesté, ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes aux théoriciens du libéralisme forcené qui prônaient hier encore cette politique.
Mais, monsieur le ministre, votre collègue du Gouvernement ne s'en est pas tenu là. M. Mer a en effet clairement annoncé qu'il y aurait un ciblage des baisses d'impôts. Va-t-il relever le seuil d'application des 10 % accordés aux retraités ?
En définitive, M. Mer propose ni plus ni moins qu'une incitation fiscale forte en faveur de la souscription de fonds de pensions, que préconisent en particulier les articles 78 à 84 du projet de loi portant réforme des retraites, articles dont nous devions discuter mardi prochain ; mais nous devrons probablement attendre encore un peu pour les examiner compte tenu du rythme - et de la qualité - de nos débats sur ce texte...
M. Mer, dont nous pourrions solliciter le moment venu l'expertise, nous dit l'essentiel : un important appareillage fiscal va entourer la mise en place des fonds de pensions à la française, et il fera office, pour 2004, de politique de réduction des impôts.
Sans doute cela répond-il à un souci de justice sociale, mais il est sûr que cette annonce donne un autre éclairage à nos débats, qui prennent un tout autre tour...
M. le président. Monsieur Bret, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
DÉPÔT D'UN RAPPORT
EN APPLICATION D'UNE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président de la commission d'examen des pratiques commerciales le rapport de cette commission pour la période 2002-2003, établi en application de l'article L. 440-1 du code de commerce.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
RÉFORME DES RETRAITES
Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 378, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites. [Rapport n° 382 (2002-2003) et avis n° 383 (2002-2003).]
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 12 bis, pour lequel la priorité a été ordonnée.
M. le président. « Art. 12 bis. - Dans un délai de trois ans après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement élabore un rapport sur les résultats de la négociation interprofessionnelle engagée entre les organisations professionnelles et syndicales représentatives au niveau national sur la définition et la prise en compte de la pénibilité ainsi que sur les mesures législatives et réglementaires prises au vue de ces résultats. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 229, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 341, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter in fine cet article par la phrase suivante :
« Ce rapport est transmis au Parlement et donne lieu à un débat en son sein. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 229.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Une fois n'est pas coutume, il s'agit d'un amendement de suppression.
L'article 12 bis est en effet largement satisfait par l'article additionnel introduit après l'article 8 bis par l'amendement n° 220 de la commission, lequel prévoit déjà l'établissement d'un bilan de la négociation collective sur la pénibilité.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 341.
Mme Odette Terrade. Nous souhaitons que le rapport prévu à l'article 12 bis donne lieu à un débat au sein du Parlement. Il s'agit d'une position de principe qui, encore une fois, se justifie par le souci de notre groupe de voir émerger, dans le cadre de l'activité parlementaire, des solutions à la problématique de la pénibilité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 341 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement est incompatible avec l'amendement n° 229.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 229 et il est défavorable à l'amendement n° 341.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, contre l'amendement n° 229.
Mme Odette Terrade. Si l'on suit la logique de la démarche de la commission des affaires sociales, la suppression de l'article 12 bis devrait intervenir par coordination avec la proposition formulée dans l'article additionnel introduit après l'article 8 bis par l'amendement n° 220, article qui prévoit que tous les cinq ans la négociation de branche se penchera en particulier sur la question de la pénibilité du travail.
L'introduction de cet article conduit la commission à proposer non seulement la suppression de l'article 12 bis mais également celle de l'article 16 ter, que nous examinerons plus tard.
On pourra toujours arguer que le champ couvert par l'amendement n° 220 est plus important et que les objectifs qu'il fixe correspond donc davantage aux finalités de la réforme, l'une de ces finalités étant de masquer autant que faire se peut la nécessité pour les travailleurs les plus âgés de travailler quelques années de plus pour percevoir une pension ou une retraite à taux plein.
On met en fait en balance la pénibilité des tâches accomplies dans le cadre de la vie professionnelle avec la gestion prévisionnelle des emplois et l'accès à la formation des salariés âgés.
Nous l'avions souligné, l'un des problèmes posés par l'amendement n° 220 était qu'il ne prévoyait une négociation conventionnelle que tous les cinq ans.
La suppression de l'article 12 bis présente de ce fait quelques défauts majeurs : on fait abstraction du bilan sur les mesures réglementaires et législatives qui auront pu être prises s'agissant de la pénibilité. Cela signifie que nous laissons à la seule négociation conventionnelle le soin de déterminer le champ d'application des éventuelles dispositions qui pourront concerner la pénibilité. Par conséquent, on ne laisse pas au Gouvernement la faculté de prendre toute disposition permettant de mieux assurer la prise en compte de la pénibilité, à moins, bien sûr, que l'on estime suffisant un principe qui ne vaudrait que de-ci de-là, quand un accord minoritaire pourra être signé et, éventuellement, validé ou étendu par décret.
Nous ne pensons donc pas que le choix opéré par la commission soit le plus juste en ce sens qu'il ne permet ni au Gouvernement ni au Parlement de jouer pleinement leur rôle dans la mise en oeuvre d'avancées sociales essentielles.
Alors que 1,6 % seulement des salariés du secteur privé bénéficient d'une prise en compte de la pénibilité de leurs tâches dans le calcul de leurs annuités, on mesure bien que ce n'est pas la seule négociation collective qui pourra faire la différence.
Nous ne pouvons donc pas plus voter cet amendement n° 229 que nous n'avions accepté l'amendement n° 220.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 229.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 12 bis est supprimé et l'amendement n° 341 n'a plus d'objet.
Articles additionnels avant l'article 13 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 342, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est créé à l'article L. 122-6 du code du travail, un 4° ainsi rédigé :
« 4° Si le salarié est âgé d'au moins 40 ans le délai congé est porté à 3 mois minimum, si le salarié est âgé d'au moins 45 ans le délai congé est porté à 4 mois minimum, si le salarié est âgé d'au moins 50 ans le délai congé est porté à 5 mois minimum, si le salarié est âgé d'au moins 55 ans le délai congé est porté à 6 mois minimum. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'objet de cet amendement est d'allonger le délai de préavis de licenciement des salariés de plus de 40 ans afin de dissuader des entreprises de licencier ceux dont le retour à l'emploi sera difficile.
On est ainsi au coeur de la discussion de fond et du projet alternatif de société que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen proposent.
Le projet de la droite libérale consiste à allonger la durée de cotisation sans créer de dispositif destiné à garantir l'emploi de façon que les salariés puissent effectivement bénéficier d'une retraite complète.
Nous estimons pour notre part qu'il existe d'autres solutions, et nous vous en apportons ici un exemple.
Pour inciter les entreprises à pratiquer, sinon l'embauche, du moins le non-débauchage des seniors, il convient d'instituer des mécanismes dissuasifs, d'autant que les mentalités des patrons paraissent bien ancrées quant à l'inutilité des plus de 40 ans et au poids qu'ils représentent pour l'entreprise.
Selon une enquête de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, effectuée en 2001, un employeur sur quatre pense ainsi que la part relative des salariés âgés dans les effectifs a des effets négatifs sur la productivité et près d'un sur deux a une image négative du comportement des salariés âgés face aux nouvelles technologies.
Il convient donc, un peu à l'image de ce qui a été fait en faveur de la parité, d'instituer des conditions contraignantes pour changer les mentalités et dissuader les entreprises de licencier les salariés de plus de 40 ans. Il est d'autant plus nécessaire de respecter cet impératif dans le cadre du présent projet de loi que la durée d'assurance sera allongée : ces salariés, qui auront plus de mal à retrouver un emploi, risquent d'être extrêmement pénalisés pour constituer une carrière complète ouvrant droit à la retraite à taux plein.
On comprend dès lors qu'aussi bien le Conseil d'orientation des retraites, le COR, que le Conseil économique et social appellent à des ajustements des politiques de l'emploi.
En allongeant à trois mois le délai de préavis de licenciement pour les salariés d'au moins 40 ans, à quatre mois s'il s'agit d'un salarié âgé de 45 ans, à cinq mois pour ceux de 50 ans et, enfin, à six mois dès lors que le salarié est âgé d'au moins 55 ans, nous créons les conditions minimales pour éviter la paupérisation des futurs retraités.
C'est d'autant plus nécessaire que le dispositif voté à l'article 10 concernant les préretraites risque - et je vous cite, monsieur le rapporteur - de « dissuader l'embauche de salariés âgés par les entreprises qui, n'étant plus en mesure de rompre le contrat de travail dès que l'intéressé peut bénéficier d'une pension à taux plein, seraient alors dans l'obligation soit de les licencier, soit d'organiser un départ négocié ». C'est une façon comme une autre d'admettre avec fatalisme que les entreprises ne sont pas favorables à l'emploi des seniors !
L'amendement n° 229 vise donc à limiter les effets pervers de la réforme afin que les salariés puissent espérer vivre d'une retraite décente.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, car elle craint qu'à l'instar de la contribution Delalande il ne conduise en fait à dissuader les entreprises d'embaucher des salariés âgés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. A en croire le projet de loi, on va davantage permettre aux salariés âgés de continuer à travailler, car ce serait une des conditions de la réussite de la réforme des retraites. Et, nous venons de le dire, il est en effet grand temps de dissuader le patronat de procéder au licenciement massif de salariés âgés.
Cependant, monsieur le ministre, on constate que l'annonce de la fin du dispositif de préretraite progressive provoque, depuis quelques jours, une sorte d'accélération des missions sociales dans les entreprises. Effet d'aubaine de la réforme Fillon, déjà ou encore ?
Toujours est-il que les bonnes intentions ne suffiront pas et qu'il convient donc de mettre en oeuvre la force de dissuasion que peut constituer la pénalisation du recours au licenciement des travailleurs âgés.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 342.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 343, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Compléter l'article L. 122-9 du code du travail par les phrases suivantes :
« Le taux est majoré de 100 % lorsque le salarié licencié est âgé d'au moins 40 ans, le taux est majoré de 125 % lorsque le salarié licencié est âgé d'au moins 45 ans, le taux est majoré de 150 % lorsque le salarié licencié est âgé d'au moins 50 ans, le taux est majoré de 175 % lorsque le salarié licencié est âgé d'au moins 55 ans. »
La parole est à M.Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Dans le prolongement de nos différentes propositions tendant à favoriser au maximum le maintien en activité des plus de 60 ans, l'amendement que le groupe des sénateurs communistes républicains et citoyens propose à cet article vise à majorer progressivement l'indemnité de licenciement versée aux salariés âgés de plus de 40 ans. Doublée à partir de 40 ans et majorée de 25 % supplémentaires par tranche de 5 ans et ce jusqu'à 55 ans, une telle disposition serait de nature à éviter les situations dramatiques que connaissent actuellement les salariés les plus âgés dans notre pays.
Selon la toute dernière étude de l'INSEE relative aux demandeurs d'emploi, la hausse très forte du chômage cette année touche particulièrement les plus de 50 ans ; plus inquiétant encore, ils sont particulièrement touchés par le chômage de longue et de très longue durée : 67 % - c'est énorme ! - des chômeurs de plus de 50 ans sont à la recherche d'un emploi depuis plus d'un an et ce sont quatre chômeurs sur dix, parmi cette tranche d'âge, qui sont à la recherche d'un emploi depuis plus de 24 mois, soit 200 000 personnes.
Dans ces conditions, comment croire encore en ce dispositif gouvernemental qui prétend que les salariés pourront bénéficier d'une retraite à taux plein ?
Il faut bien se rendre compte que les entreprises en France, comme d'ailleurs en Europe même si c'est dans une mesure moindre, ne sont pas prêtes à intégrer les salariés âgés dans leur organisation.
Pour changer les mentalités, nous avons besoin, de ce point de vue, de deux éléments fondamentaux.
Premièrement, il est absolument nécessaire d'apporter une réponse globale au sous-emploi des seniors, que ce soit en termes de formation, en termes de conditions de travail - réduction du temps de travail, prise en compte de la pénibilité et du stress au travail - ou du point de vue de la lutte contre le chômage.
Deuxièmement, on ne changera pas la situation si on ne met pas en place de dispositif dissuasif pour les entreprises. Je vous ferai d'ailleurs remarquer que tant les Pays-Bas que la Finlande se sont attachés à responsabiliser financièrement les entreprises qui licencient les salariés âgés. C'est probablement pour cette raison que ces pays ont des résultats bien meilleurs que les nôtres.
C'est sur ces deux exigences que se fonde le projet communiste en matière d'emploi des seniors, à l'inverse des préconisations du MEDEF que vous reprenez.
Nous encourageons la formation à tous les âges de la vie quand le MEDEF tente de revenir sur la formation pendant le temps de travail. Ce n'est pas pour rien que les discussions n'avancent pas avec les partenaires sociaux. Nous demandons une prise en compte de la pénibilité du travail quand le MEDEF refuse d'en parler.
Nous plaidons pour la réduction du temps de travail, qui, on le sait avec le prérapport du Conseil économique et social, n'est pas la catastrophe annoncée par le MEDEF.
Nous mettons en place des garde-fous contre le licenciement des salariés les plus âgés, alors que vous allongez la durée de cotisation sans garantir l'emploi des plus de 50 ans.
Voilà toute la différence entre nous. Il ne tient qu'à vous de nous donner la preuve de la réelle volonté du Gouvernement de favoriser l'emploi, dans de bonnes conditions, de ces personnes particulièrement touchées par le chômage : votez avec nous cet amendement !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je crains une fois encore que la mesure proposée ne conduise en fait à entraver l'embauche des salariés de plus de 40 ans.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 343.
En outre, la majoration de l'indemnité de licenciement des salariés les moins jeunes existe déjà : c'est la contribution Delalande.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Cet amendement tend à instaurer une majoration de l'indemnité de licenciement à verser aux salariés âgés.
Ce dispositif, qui participe du principe de dissuasion qui sous-tendait l'amendement n° 342, vise donc en quelque sorte à contraindre les entreprises à « mettre le prix » quand il s'agit de licencier du personnel âgé.
Nous sommes convaincus que, au-delà de la négociation collective, il convient de mettre en oeuvre des mesures susceptibles de pénaliser les comportements les plus négatifs des entreprises. C'est pourquoi nous invitons le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 343.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 1089 rectifié, présenté par MM. Delfau, A. Boyer et Collin, est ainsi libellé :
« Avant l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Au premier alinéa de l'article L. 321-13 du code du travail, remplacer les mots : "douze mois" par les mots : "dix-huit mois". »
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. le président. « Art. 13. - L'article L. 321-13 du code du travail est ainsi modifié :
« 1° Le 7° est ainsi rédigé :
« 7° Rupture du contrat de travail d'un salarié qui était lors de son embauche âgé de plus de cinquante ans et inscrit depuis plus de trois mois comme demandeur d'emploi, lorsque l'embauche est intervenue après le 9 juin 1992 et avant le 28 mai 2003 ; ».
« 2° Après le 7°, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :
« 7° bis Rupture du contrat de travail d'un salarié qui était lors de son embauche âgé de plus de quarante-cinq ans, lorsque l'embauche est intervenue au plus tôt le 28 mai 2003 ; ».
La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, instaurée en 1987, la contribution dite « Delalande » avait pour object déclaré de dissuader les entreprises de se séparer de leurs salariés âgés de plus de 50 ans, qu'elles licenciaient par vagues dans les années quatre-vingts.
Pour toute rupture de contrat de travail d'un salarié quinquagénaire, les entreprises devaient acquitter une cotisation supplémentaire, variable selon leur taille et l'âge du salarié. Il s'agissait donc de les « mettre à l'amende », pour reprendre les mots du rapporteur, afin de les décourager de licencier leurs salariés de plus de 50 ans.
En d'autres termes, la proposition de M. Delalande, député du feu RPR (Exclamations sur les travées de l'UMP)...
Mme Nelly Olin. C'est vraiment une précision inutile !
M. Roland Muzeau. Il faut bien que je vous rappelle les bons souvenirs ! Et je n'ai pas évoqué le RPF ! (Rires sur les travées du groupe CRC.)
Un sénateur de l'UMP. Il fait de l'esprit, en plus !
M. Roland Muzeau. La proposition de M. Delalande se fondait donc sur l'idée que plus le coût du licenciement est élevé, moins les entreprises licencient.
Cette mesure fut proposée en 1987, à la suite de la multiplication des plans sociaux, notamment dans les secteurs de l'automobile et de l'aéronautique. Des dizaines de milliers de salariés avaient alors perdu leur travail. Le souci légitime du promoteur de cette proposition était de freiner ces licenciements. Malheureusement, la disposition fut singulièrement inefficace, même après son durcissement législatif.
L'expérience a montré que les entreprises sont indifférentes à l'augmentation du coût du travail tant que celui-ci n'excède pas le bénéfice qu'elles en tirent. Nous pouvons donc nous interroger sur la volonté du Gouvernement d'assouplir le dispositif dans un des cas de figure.
En effet, prenant acte de l'inefficacité du dispositif que votre collègue de la majorité avait, en son temps, mis en place, vous décidez, monsieur le ministre, son assouplissement. Ainsi, vous souhaitez exonérer les entreprises du paiement de la contribution Delalande lors du licenciement d'un salarié âgé de plus de 45 ans à son embauche.
La logique économique que vous semblez vouloir mettre en oeuvre à votre tour demeure pourtant la même. Pourquoi assouplir le dispositif, si ce n'est pour réduire le coût du travail des quinquagénaires ? Or, pourquoi voudriez-vous que les entreprises, bien qu'elles vous encouragent singulièrement à mettre en place votre réforme, se comportent différemment demain qu'hier ?
De même qu'elles n'ont pas répondu, à l'époque, aux attentes de M. Delalande, elles ne répondront pas aux vôtres. Le problème est non pas le coût de l'emploi des quinquagénaires, mais la stratégie globale de management qu'adoptent les entreprises.
Mme Odette Terrade. Tout à fait !
M. Roland Muzeau. Or cette stratégie n'est pas uniquement conçue en fonction du coût du travail.
Mme Odette Terrade. Hélas !
M. Roland Muzeau. Le COR l'a suffisamment souligné, la démarche du Gouvernement ne comporte aucune mesure importante en faveur de l'emploi des quinquagénaires. La réforme des retraites que vous proposez va pourtant les plonger dans les plus grandes difficultés pour accomplir le nombre d'annuités imposé.
Comme vous l'avez vous-même déclaré, monsieur le ministre, vous proposez aux entreprises de relever un défi. Or les quinquagénaires ont besoin non pas d'un défi - ils seront les dindons de la farce - mais d'une véritable politique de l'emploi en leur faveur, d'une politique active.
En revanche, l'application de la disposition que vous présentez risque d'entraîner des conséquences particulièrement importantes pour les finances de l'UNEDIC. En effet, lorsque le législateur a instauré la contribution Delalande, son souci était également que les caisses de l'Etat ne pâtissent pas trop de l'afflux de nouveaux chômeurs à indemniser. A cet égard, la contribution avait aussi pour objet de faire contribuer les entreprises au financement du régime d'assurance chômage.
C'est ainsi que, en 2002, les recettes de l'UNEDIC ont été abondées de 694 millions d'euros à ce titre. Si l'assouplissement du dispositif de la contribution Delalande n'aura pas d'effet sur l'emploi des quinquagénaires, il risque fort d'avoir une incidence importante sur les indemnisations.
En effet, qui va combler le manque à gagner pour l'UNEDIC ? N'êtes-vous pas en train d'organiser dans le détail le déficit de cet organisme ? Trop de questions restent sans réponse s'agissant de l'article 13. Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que nous ne puissions le voter dans sa rédaction actuelle.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 344 est présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 910 est présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 345, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer le 1° de cet article. »
L'amendement n° 346, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer le 2° de cet article. »
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 344.
M. Robert Bret. La contribution Delalande est un bon dispositif, bien que de portée limitée. Son objet était de réfréner la tendance naturelle des employeurs à considérer que, à partir de 50 ans, le salarié n'est plus performant ou est trop coûteux et qu'il faut, avec l'aide de l'Etat, le mettre à la retraite.
Hélas ! ce dispositif n'a pas permis, loin s'en faut, de sauvegarder les emplois de milliers de salariés victimes de plans sociaux.
Dans les années quatre-vingt-dix, l'abondance des financements du FNE, le Fonds national de l'emploi, destinés à encourager les départs à la retraite anticipés à l'occasion des plans sociaux a eu pour effet de créer une sorte de consensus pour écarter les personnels âgés de 50 ans à 60 ans.
A les entendre, les patrons se désespéraient de voir leurs salariés seniors fatigués, désorientés par les évolutions de l'entreprise, et souhaitaient qu'ils trouvent un second souffle ou partent sous d'autres cieux. A leurs yeux, la plupart des quinquagénaires gardaient toujours un « handicap technologique » par rapport aux juniors, qui ont utilisé un ordinateur dès leur plus jeune âge, et l'acclimatation des seniors aux nouvelles équipes se révélait souvent laborieuse, voire douloureuse, la difficulté étant directement proportionnelle à la différence d'âge avec leurs collègues. Bref, garder les seniors représentait un véritable défi à relever.
Cependant, la donne a changé : les seniors apparaissent comme des facteurs d'équilibre et de sérénité dans un monde instable. C'est ce que l'on appelle, aux Etats-Unis, l'attachement aux grey hair, les cheveux gris : on découvre des vertus insoupçonnées aux seniors !
De ce fait, M. le ministre nous affirme qu'il n'y aura plus de problème, à l'avenir, pour convaincre les employeurs de garder des salariés de plus en plus âgés. Il en est tellement persuadé qu'il nous propose, ni plus ni moins, de supprimer - ah non, excusez-moi ! d'assouplir - le dispositif que ses amis avaient créé voilà seize ans et d'étendre l'exonération de la contribution Delalande aux licenciements de salariés ayant été embauchés entre 45 ans et 50 ans !
C'est d'une parfaite logique, mais c'est dramatique pour ces catégories de salariés, qui ne peuvent pas tous prétendre à des postes de directeur des ressources humaines, de directeur financier ou de responsable des achats, pour lesquels certaines entreprises ne jurent que par les quinquagénaires.
Encore une fois, sous prétexte que le patronat détourne la loi à son avantage, vous nous proposez de supprimer une mesure favorable aux salariés, comme ce fut le cas pour les nouveaux droits créés par la loi de modernisation sociale. Vous ne pourriez mieux, monsieur le ministre, démontrer votre résignation face à l'incivisme patronal, face à la situation catastrophique de l'emploi en France, face à l'attitude arrogante du patronat, fût-il qualifié de « voyou », résignation devant renforcer celle qui peut exister chez nombre de nos concitoyens, qui subissent la violence de la loi « libérale » et ne savent plus vers qui se tourner pour les aider à l'affronter.
Essentiellement conçue comme un dispositif de moralisation avec effet de rétroactivité, consistant à décourager les stratégies de contournement mises en oeuvre par des employeurs peu scrupuleux, la loi du 8 juillet 1999 venait à propos, conformément à une logique différente de la vôtre, restreindre les possibilités d'exonération. Elle n'allait cependant pas encore assez loin, car elle en laissait subsister une dizaine.
Un rapport de la chambre de commerce et d'industrie de Paris en date du 12 avril 2001 reprend vos arguments, monsieur le ministre, à propos de la contribution Delalande :
« En privilégiant une logique de sanction, elle a constitué un véritable frein à l'emploi et a participé à la mise à l'écart de cette population : craignant une forte pénalisation, les entreprises se sont abstenues en majorité de recruter des chômeurs - notamment ceux âgés de 45 à 50 ans. (...) La suppression de la contribution Delalande, qui pèserait peu sur les finances de l'UNEDIC, contribuerait à promouvoir l'emploi des plus de 50 ans et à faire remonter leurs taux d'activité qui sont en moyenne, en France, plus faibles que dans les autres pays industrialisés. C'est d'ailleurs l'un des objectifs que s'est fixée l'Union européenne pour la décennie en cours. »
Vous êtes donc cohérent avec vous-même, monsieur le ministre, en nous proposant un « assouplissement » de la contribution Delalande, en attendant sa suppression pure et simple. Le groupe communiste républicain et citoyen l'est aussi en proposant la suppression de l'article 13. Cette petite contribution, c'est encore trop demander aux employeurs ! Décidément, chers collègues de la majorité, rien n'est trop beau pour les patrons dans notre pays !
M. Philippe François. Ringard !
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour présenter l'amendement n° 910.
M. Serge Lagauche. Cet article, l'avant-dernier du titre Ier, a pour objet d'assouplir la contribution Delalande, créée en 1987 et doublée, en 1992 puis en 1998, pour un certain nombre d'entreprises.
Cette contribution devait initialement permettre d'éviter le licenciement des salariés âgés de plus de 55 ans. Ainsi, une entreprise qui embauchait un salarié de plus de 50 ans inscrit au chômage puis le licenciait se voyait privée du bénéfice de ladite contribution. Il reste que le fait de prévoir, comme à l'article 13, des possibilités d'exonération pour les entreprises licenciant des salariés ayant été embauchés à plus de 45 ans renverse complètement la logique initiale. Etendre l'exonération au cas des salariés âgés de 45 ans à 50 ans à l'embauche, c'est, ni plus ni moins, abroger le dispositif. En effet, est-il sérieux de croire que la réticence à embaucher des salariés âgés de 45 ans à 50 ans sera amoindrie par cette mesure d'assouplissement du droit du travail ?
Par ailleurs, nous ne comprenons pas complètement quel est l'objectif visé par le Gouvernement en la matière. D'une part, il affirme haut et fort vouloir mettre en place une politique de soutien à l'emploi des salariés âgés ; d'autre part, il facilite indirectement le licenciement de ces derniers. Il semble que le Gouvernement eût été mieux inspiré de consulter les partenaires sociaux en vue de mettre en oeuvre une politique prenant en considération la réalité même de la situation des salariés et, plus globalement, du monde du travail.
N'eût-il pas été préférable de réfléchir à des mesures tendant à permettre aux salariés d'évoluer au sein de leur entreprise, de telle sorte que leur degré d'employabilité soit maintenu ? De même, n'est-il pas indispensable de mettre en oeuvre une politique de formation qui puisse permettre de répondre à la problématique que pose la gestion du degré d'employabilité des salariés vieillissants ? Ces pistes de travail et de réflexion, le Gouvernement les ignore, tout comme l'indispensable concertation. Nous pensons, pour notre part, que cet article est contraire aux intérêts des entreprises et des salariés.
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter les amendements n°s 345 et 346.
M. Robert Bret. Monsieur le ministre, l'article 13 est symptomatique d'un certain fatalisme du Gouvernement à l'égard de la situation de l'emploi.
L'amendement n° 345 a pour objet de supprimer le 1° de cet article, qui prévoit de dispenser l'employeur du paiement de l'assurance chômage dans certains cas de rupture du contrat de travail.
Croyez-vous sérieusement, chers collègues de la majorité, que l'atténuation des responsabilités, financières en l'occurrence, de l'employeur en matière de licenciement contribuera à la sauvegarde de notre système de retraite ?
Pour notre part, nous ne le croyons pas, puisque la fragilisation de la situation de l'emploi qui résultera indubitablement de l'application d'une telle mesure ne peut que nuire à l'équilibre du système.
Ce dispositif est donc dangereux au regard des droits des salariés. Il amènera une flexibilité accrue de l'emploi.
En effet, la seule mesure que vous avez imaginée pour inciter à l'embauche des salariés de plus de 45 ans est d'abaisser le coût prévisionnel de leur licenciement, ainsi que de restreindre les garanties sociales qui pourraient leur être apportées à l'avenir.
Monsieur le ministre, comment pouvez-vous justifier la plus grande précarisation de la situation des salariés âgés que pourrait entraîner, à l'avenir, la mise en place du dispositif prévu à l'article 13 du projet de loi ? Nous ne voyons absolument pas la cohérence de votre proposition qui, de toute évidence, favorisera l'extension du chômage des personnes âgées, pour le moins un développement du recours aux préretraites. Pourtant, j'avais cru comprendre que vous étiez plutôt favorable à la régression de l'utilisation de cette dernière formule.
Nous souhaitons bien entendu, pour notre part, permettre aux salariés qui le désirent de poursuivre leur activité jusqu'à l'âge butoir, à condition que les questions liées à la pénibilité du travail soient bien prises en compte, monsieur le ministre.
Cela a été rappelé à maintes reprises dans ce débat : le taux d'emploi des salariés âgés de plus de 50 ans est, en France, particulièrement bas.
Monsieur le ministre, vous affirmez que les dispositions que vous présentez favoriseraient leur embauche grâce à de nouvelles exonérations.
Quant à nous, chers collègues, nous proposons la suppression du premier alinéa de l'article 13, qui est particulièrement important. Nous voulons faire apparaître l'attitude contradictoire du Gouvernement, qui, au nom d'une hypothétique préservation du système par répartition, veut créer une nouvelle sphère de précarité. Le groupe CRC demande que l'amendement n° 345 soit mis aux voix par scrutin public.
En ce qui concerne l'amendement n° 346, il a pour objet de supprimer le 2° de l'article 13.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Au travers de ces quatre amendements, chers collègues de l'opposition, vous venez de formuler une critique de la contribution Delalande et de son aménagement. Or il y a des contradictions que j'ai du mal à accepter, puisque, tout à l'heure, par l'amendement n° 343, vous nous proposiez de majorer l'indemnité de licenciement pour les salariés les moins jeunes, ce qui constituerait, de fait, une nouvelle contribution Delalande !
L'article 13 vise à assouplir, dans une mesure non négligeable, le dispositif de la contribution Delalande afin de favoriser l'emploi des salariés en seconde partie de carrière. La commission estime éminemment souhaitable de procéder enfin à une étude approfondie de l'incidence de cette contribution sur l'emploi des salariés âgés. Il conviendrait alors, au regard des résultats de cette étude, d'envisager une modification plus profonde du régime de cette contribution.
La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements n°s 344, 910, 345 et 346.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux quatre amendements.
L'objet de l'article 13 est de trouver un équilibre entre le renchérissement du coût du licenciement des salariés âgés et l'incitation à l'embauche de salariés expérimentés. Le dispositif Delalande, chacun a pu le constater, engendrait des effets pervers, que nous voulons limiter.
A cette occasion, je voudrais indiquer que les discours misérabilistes que l'on entend sur la capacité des salariés de plus de 50 ans à s'adapter aux nouvelles technologies me semblent surréalistes, eu égard à ce que nous constatons tous dans la vie quotidienne.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. Robert Bret. C'est pourtant le discours que vous teniez en d'autres temps, monsieur le ministre !
M. François Fillon, ministre. Les mêmes salariés, dès qu'ils partent à la retraite, deviennent soudain extrêmement actifs et ouverts aux nouvelles technologies.
Permettez-moi, à cet égard, de vous raconter une petite anecdote.
Dans la ville dont j'ai longtemps été le maire, j'avais ouvert un cyber espace accessible gratuitement pour la population. Après quelques mois de fonctionnement, j'ai dû en limiter l'accès aux retraités, parce qu'il n'y avait plus de temps disponible pour les jeunes ! C'est dire à quel point nos concitoyens âgés sont réfractaires aux nouvelles technologies ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 344 et 910.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 345.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 202
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Pour | 111 |
Contre | 205 |
Je mets aux voix l'amendement n° 346.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
M. le président. « Art. 13 bis. - Au début du premier alinéa de l'article L. 122-45 du code du travail, après les mots : "Aucune personne ne peut", sont insérés les mots : ", notamment par le biais d'une offre d'emploi,". »
L'amendement n° 230, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L'article 13 bis introduit à l'Assemblée nationale vise à préciser l'interdiction de toute discrimination, fondée notamment sur l'âge, lors des procédures de recrutement. Dans cette perspective, il indique expressément que cette interdiction s'applique aussi aux offres d'emploi.
Il est vrai que l'augmentation du taux d'emploi des salariés âgés passe par la disparition des obstacles à l'embauche. Mais je voudrais rappeler que, au nom de la commission des affaires sociales, j'avais été à l'origine de l'introduction dans la loi du 16 novembre 2001 de ce principe d'interdiction de toute discrimination au travail fondée sur l'âge.
Pourtant, en l'occurrence, cette précision apportée par l'Assemblée nationale apparaît inutile. En effet, l'offre d'emploi fait à l'évidence partie intégrante de la procédure de recrutement. Elle est donc satisfaite par le droit existant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Cet article 13 bis, introduit à l'Assemblée nationale, visait à préciser l'interdiction de toute discrimination fondée sur l'âge lors des procédures de recrutement en indiquant expressément que cette interdiction s'adressait aussi aux offres d'emploi.
Personne ne peut contester le bien-fondé de l'intention qui sous-tend cet article, même si, comme le souligne M. Leclerc, cette interdiction était déjà prévue par le droit positif. Donc, face, d'une part, à l'affirmation d'un principe qu'il ne peut que soutenir et, d'autre part, à l'idée selon laquelle la loi ne doit pas répéter des principes qui figurent déjà dans la loi, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 230.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 13 bis est supprimé.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je demande l'examen par priorité des articles 14, 15 et 16, et, par cohérence, des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant ou après ces articles.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
M. Claude Estier. On n'a pas de « dérouleur » !
M. Jean-Pierre Schosteck. On va l'avoir !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, afin que vous puissiez mettre de l'ordre dans vos dossiers.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. La parole est à M. Claude Estier, pour un rappel au règlement.
M. Claude Estier. Les demandes successives de priorité présentées par M. le président de la commission des affaires sociales désorganisent nos travaux !
Nous étions convenus que, et ce n'était pas de notre fait, les amendements visant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er, que nous avions déposés et qui avaient logiquement leur place avant l'article 1er, seraient examinés avant l'article 13. La nouvelle demande de priorité pour les articles 14, 15 et 16 repousse encore l'examen de ces amendements, qui ne figurent d'ailleurs même plus dans le nouveau dérouleur qui vient de nous être distribué. On peut donc s'attendre à une nouvelle demande de priorité qui renverrait encore l'examen de ces amendements après l'article 84. Il faudrait quand même savoir...
M. Gilbert Chabroux. A qui on a affaire ! (Sourires.)
M. Claude Estier. ... à quel moment ces amendements seront examinés, étant entendu que nous avions décidé de défendre seulement certains d'entre-eux. On nous balade !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les choses sont très claires. Ce qui a été indiqué sera respecté : après la discussion de l'article 16, nous ne demanderons pas l'examen par priorité d'autres articles. Nous examinerons ensuite la fin du premier dérouleur, qui portait sur le titre Ier.
M. le président. Nous allons donc examiner maintenenant les articles pour lesquels la priorité a été ordonnée.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU RÉGIME GÉNÉRAL
ET AUX RÉGIMES ALIGNÉS
Article additionnel avant l'article 14 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 347 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 222-5 du code de la sécurité sociale est rédigé comme suit :
« Art L. 222-5. - I. - Sont électeurs pour le conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés les assurés sociaux âgés de plus de 16 ans, affiliés au régime général de la sécurité sociale au titre du risque vieillesse.
« La qualité d'électeur s'apprécie à une date fixée par décret.
« Les personnes énumérées au I de cet article doivent n'avoir encouru aucune des condamnations mentionnées aux articles L. 5 et L. 6 du code élec-toral.
« II. - Sont éligibles au conseil d'administration de la caisse pour chaque catégorie d'administrateurs élus correspondante les électeurs âgés de 18 ans accomplis et n'ayant pas fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou, dans les 5 années précédentes, à une peine contraventionnelle prononcée en application des dispositions du présent code.
« III. - Sont inéligibles, ne peuvent pas être désignés ou perdent le bénéfice de leur mandat :
« 1° Les assurés volontaires, les assurés personnels, les employeurs et les travailleurs indépendants qui ne sont pas à jour de leurs obligations en matière de cotisations de sécurité sociale ;
« 2° Les membres du personnel des organismes du régime général de sécurité sociale, de leurs unions, fédérations ou de leurs établissements, ainsi que les anciens membres qui ont cessé leur activité depuis moins de 5 ans, s'ils exerçaient une fonction de direction dans l'organisme pour lequel ils sollicitent un mandat, ou qui ont fait l'objet depuis moins de 10 ans d'un licenciement pour motif disciplinaire ;
« 3° Les agents exerçant effectivement, ou ayant cessé d'exercer depuis moins de 5 ans, dans le cadre de leur attributions, des fonctions de contrôle ou de tutelle sur l'organisme concerné ;
« 4° Les personnes, salariées ou non, exerçant les fonctions d'administrateur, de directeur ou de gérant d'une entreprise, institution ou association à but lucratif, qui bénéficient d'un concours financier de la part dudit organisme, ou qui participent à la prestation de fournitures ou de services, ou à l'exécution de contrats d'assurance, de bail ou de location ;
« 5° Les personnes qui perçoivent, à quelque titre que ce soit, des honoraires de la part d'un organisme du régime général de sécurité sociale ;
« 6° Les personnes qui, dans l'exercice de leur activité professionnelle, plaident, consultent pour ou contre l'organisme où elles siègent, ou effectuent des expertises pour l'application de la législation de sécurité sociale à des ressortissants dudit organisme.
« L'inéligibilité des candidats n'entraîne pas l'invalidité de la liste sur laquelle ils se présentent.
« Perdent également le bénéfice de leur mandat :
« 1° Les personnes qui cessent d'appartenir à l'organisation qui a procédé à leur désignation au sein du conseil d'administration ;
« 2° Les personnes dont le remplacement est demandé par l'organisation qui a procédé à leur désignation ;
« 3° Les administrateurs qui, sans motif légitime, n'assistent pas à quatre séances consécutives du conseil.
« IV. - Les électeurs sont inscrits sur la liste électorale de la commune de leur résidence. Il pourra être fait exception à cette règle suivant des modalités fixées par décret, pour les résidents à l'étranger.
« L'employeur doit communiquer aux organismes compétents le nom, les prénoms, la date et le lieu de naissance ainsi que la résidence du salarié qu'il emploie.
« Les listes électorales sont établies par le maire, assisté d'une commission administrative, compte tenu des documents qui lui sont transmis par les organismes de sécurité sociale, par les administrations, les établissements ou entreprises publics. Elles sont publiées dans chaque commune.
« Les dispositions des articles L. 25, L. 27 et L. 34 du code électoral sont applicables en cas de contestation portant sur la liste électorale telle qu'elle a été établie par le maire.
« V. - Les listes des candidats représentant les assurés sociaux sont présentées par les organisations syndicales nationales représentatives des salariés au sens de l'article L. 133-2 du code du travail.
« Les listes de candidatures doivent comprendre un nombre de candidats égal au minimum au nombre d'administrateurs à élire et au maximum à une fois et demie ce nombre.
« VI. - Pour assurer aux candidats en présence l'égalité des moyens au cours de la campagne électorale, l'ensemble des candidats de chaque liste disposera de documents dont les caractéristiques, le nombre, les dates d'établissement et d'envoi aux électeurs sont fixés par décret.
« Soixante jours avant la date des élections il est institué une commission présidée par un magistrat et dont la composition est fixée par décret.
« Cette commission est chargée de l'ensemble des opérations matérielles de la propagande électorale et de la préparation du scrutin.
« Les candidats de chaque liste feront procéder eux-mêmes à l'impression de leurs bulletins, circulaires et affiches, dont le coût leur sera remboursé dans des conditions fixées par décret.
« VII. - L'élection des membres du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés a lieu à une date fixée par décret ; celui-ci fixe également la date d'ouverture de la campagne électorale.
« En cas de circonstances faisant obstacles au renouvellement général du conseil d'administration avant la date d'expiration du mandat des administrateurs, les membres du conseil en fonction à cette date continuent, jusqu'à l'installation du nouveau conseil d'administration et pendant un délai ne pouvant excéder six mois, à assumer la gestion et le fonctionnement de cet organisme.
« VIII. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de déroulement du scrutin, notamment celles du vote par procuration et du vote par correspondance.
« L'employeur est tenu d'autoriser les salariés à s'absenter afin de leur permettre de participer au scrutin. Cette absence ne peut donner lieu à aucune retenue de rémunération à condition que le salarié justifie s'être présenté au bureau de vote.
« IX. - L'élection des représentants des assurés sociaux au conseil d'administration a lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle suivant la règle du plus fort reste sans panachage ni rature ni vote préférentiel. Sur chaque liste, les sièges sont attribués aux candidats d'après l'ordre des présentations.
« X. - Le recensement général des votes est opéré par une commission composée, pour chaque collège électoral, du président du tribunal d'instance ou d'un juge désigné par lui, président, et de deux électeurs désignés par l'autorité compétente de l'Etat.
« La commission détermine le nombre de suffrages obtenus par chaque liste. Elle proclame les résultats.
« XI. - Les règles établies par les articles L. 10, L. 59, L. 61, L. 67, L. 86, L. 92, L. 93, L. 113 à L. 116 du code électoral s'appliquent aux opérations électorales.
« Les contestations relatives à l'électorat, à l'éligibilité et à la régularité des opérations électorales sont de la compétence du tribunal d'instance qui statue en dernier ressort.
« XII. - Les dépenses afférentes aux élections sont prises en charge par la caisse d'assurance vieillesse, à l'exception des dépenses de fonctionnement courant exposées à ce titre par les collectivités locales et qui leur seront remboursées par l'Etat et de la rémunération des salariés pendant le déroulement du scrutin qui est à la charge des employeurs. Un décret en fixe les conditions d'application.
« XIII. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement, que tout le monde aura lu attentivement, est suffisamment explicite pour que je ne le développe pas.
Pour le résumer, je dirai qu'il est motivé par notre souhait et par celui des salariés et de leurs représentants de rétablir l'élection des représentants des assurés sociaux au conseil d'administration de la sécurité sociale. Il nous semble important d'en revenir à une telle disposition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. En effet, la question de l'élection au conseil d'administration des caisses a déjà été tranchée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 347 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. « Art. 14. - I. - A l'article L. 222-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré, après le premier alinéa, un alinéa ainsi rédigé :
« La caisse propose toute mesure qui lui paraît nécessaire pour garantir dans la durée l'équilibre de l'assurance vieillesse des travailleurs salariés. »
« II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les propositions et les avis qu'elle émet sont rendus publics. »
La parole est à M. Yves Détraigne, sur l'article.
M. Yves Détraigne. Depuis quelques mois, nous aurons entendu beaucoup de contrevérités sur la réforme de notre système de retraite.
On a tenté de faire croire aux Français que leurs pensions allaient fondre comme neige au soleil et être réduites à la portion congrue. On leur a dit que la capitalisation allait remplacer la répartition, que le Gouvernement travaillait au bonheur des marchés et du MEDEF plutôt qu'à la préservation de notre système de retraite par répartition.
Tout cela est faux, nous le savons bien. Le présent projet de loi est un texte équilibré, un texte salvateur pour la répartition. La seule question que nous avons à nous poser est non pas : « pourquoi une telle réforme ? » mais plutôt : « pourquoi pas plus tôt ? »
En effet, la réforme dont nous débattons aujourd'hui est loin de rompre avec le système actuel. Elle ne fait qu'apporter un aménagement nécessaire de préservation, et non de destruction, de la répartition. Le texte qui nous est présenté s'inscrit de façon très nette dans la continuité et vient asseoir, renforcer les grands principes de base sur lesquels le système de retraite par répartition s'est construit.
L'article 14 du projet de loi est emblématique de la volonté de la majorité de sauvegarder les principes de démocratie sociale auxquels nous tenons tous. Il est capital de renouveler le pacte social en réaffirmant le rôle des partenaires sociaux au sein des caisses d'assurance vieillesse, et particulièrement de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.
Non seulement le projet de loi assoit les principes de la démocratie sociale, mais, en plus, il les renforce. La détermination des grands équilibres financiers de l'assurance vieillesse devra, plus que jamais, être l'affaire de tous, Etat et partenaires sociaux. Nous ne sauverons durablement la répartition que grâce à une prise de conscience collective et à une responsabilisation de tous les acteurs. C'est l'objet de cet article 14 que de le rappeler. Il s'agit donc d'un article particulièrement symbolique.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. Le groupe communiste républicain et citoyen a déposé un amendement visant à rétablir les élections à la sécurité sociale. Une autre disposition concerne un éventuel renforcement du conseil d'administration de la CNAV. Ces deux questions sont intimement liées. Comment vouloir donner plus de pouvoirs aux conseils d'administration des caisses sans s'interroger préalablement sur la légitimité de ces instances, sur leur composition, leur mode de fonctionnement et leur indépendance ? Comment vouloir responsabiliser davantage les assurés sans chercher à démocratiser la sécurité sociale, à associer chacun au débat concernant l'avenir du bien collectif que représente la sécurité sociale ?
Monsieur le ministre, depuis les ordonnances Juppé, ce ne sont plus les assurés eux-mêmes qui élisent leurs représentants au sein des conseils d'administration, ce sont les organisations syndicales représentatives des salariés qui désignent leurs représentants.
La patronat dispose d'autant de sièges que l'ensemble des syndicats, ce qui explique, notamment au sein de la CNAM, les difficultés rencontrées par cette gestion paritaire où la première partie est en position permanente d'arbitre des majorités.
Depuis la décision du MEDEF de se retirer de la gestion des caisses, le débat sur la nécessaire démocratisation du champ social, sur le paritarisme, apparaît encore plus impératif.
Le MEDEF a beaucoup écrit sur la nouvelle gouvernance. Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, a, quant à lui, posé comme principe l'exigence du dialogue social, du renouveau de la démocratie sociale.
Très rapidement, les Français ont vu - les syndicats l'ont appris à leurs dépens - que votre conception du renouveau des pouvoirs des partenaires sociaux est à géométrie variable. Elle est très large lorsqu'il s'agit de matières telles que le droit du travail. En revanche, elle est beaucoup plus restrictive lorsqu'il est question des « fondamentaux » touchant à la protection sociale.
Nous envisageons le sujet différemment. Nous souhaitons que la protection sociale dans son ensemble soit gérée sur la base et à partir des besoins des assurés élus majoritairement par leurs représentants. Il nous semble dangereux de laisser aux gestionnaires, par ailleurs partenaires de l'assurance maladie ou de l'assurance vieillesse - les assureurs -, le soin de définir ou le panier de soins remboursables ou, en l'occurrence, un taux de cotisation.
Dans le contexte actuel, où, d'une part, le thème de la représentativité est en débat et où, d'autre part, vous avez annoncé, monsieur le ministre, un chantier global de la gouvernance des organismes de la sécurité sociale, le présent article 14 apparaît prématuré et nocif.
J'attends, monsieur le ministre, quelques réponses s'agissant des demandes que nous avons formulées.
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, sur l'article.
M. Serge Lagauche. La disposition prévue à l'article 14 entend élargir les compétences du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés. Elle lui confère un pouvoir de proposition en matière d'équilibre des comptes de la branche vieillesse. C'est positif dès lors que la transparence est assurée et que les avis émanant du conseil d'administration sont bien pris en compte dans les débats qui président à la mise en oeuvre de la politique vieillesse.
Pour autant, un certain nombre d'interrogations demeurent en suspens. Ainsi, alors qu'il y a plus de vingt ans qu'aucune élection ne s'est tenue au sein de la sécurité sociale, il semblerait logique que des élections pour les organismes de protection sociale puissent se tenir. Par là même, les conseils d'administration verraient leur légitimité à la fois renouvelée et renforcée. Le Gouvernement compte-t-il donner suite à cette demande ?
Par ailleurs, il nous semble important de débattre de la place des organisations patronales. En effet, quelle dimension prend la concertation ou le paritarisme lorsque les représentants des employeurs refusent de siéger ?
Plus spécifiquement, n'est-ce pas du ressort du conseil d'administration que de débattre puis de fixer les taux de cotisation ?
Enfin, quelle place entend réserver le Gouvernement aux organisations non syndicales au sein de cette architecture ? Nous savons tous que les associations de retraités revendiquent une telle prise en considération depuis de nombreuses années. N'est-ce pas l'occasion pour le Gouvernement d'effectuer des avancées ?
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 348, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 349, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer le I de cet article. »
L'amendement n° 231, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« A. - Dans le texte proposé par cet article pour insérer un alinéa à l'article L. 222-1 du code de la sécurité sociale, après le mot : "propose", insérer les mots : "par l'intermédiaire de son conseil d'administration".
« B. - Dans le même texte, après le mot : "l'équilibre", insérer le mot : "financier". »
L'amendement n° 1033, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Dans le texte proposé par le I de cet article pour insérer un alinéa à l'article L. 222-1 du code de la sécurité sociale, avant les mots : "toute mesure", insérer les mots : ", notamment dans le cadre de l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale,". »
L'amendement n° 350 rectifié, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer le II de cet article. »
La parole est à Mme Odette Terrade, pour défendre l'amendement n° 348.
Mme Odette Terrade. Nous voulons supprimer cet article pour insister sur la nécessité de démocratiser la sécurité sociale.
Il est intéressant, monsieur le ministre, de rappeler que le système de sécurité sociale mis en place en 1945 poursuit la tradition de gestion mutualiste, avec un financement par cotisations sociales et une gestion par les syndicats des salariés.
Les salariés administrateurs géraient eux-mêmes les caisses de sécurité sociale, qui géraient elles-mêmes la part socialisée du salaire qu'est la cotisation, car ce salaire n'appartient qu'aux seuls salariés.
C'est pour s'approprier la sécurité sociale et contrôler sa gestion que le patronat a imaginé, avec le soutien des gouvernements de droite, un système anti-démocratique, le système paritaire, qui revient sur le principe électif et fait la part belle aux syndicats les moins représentatifs.
Avec ce système, les assurés sociaux ont été mis à l'écart des orientations et des choix qui déterminent, sur le plan local comme sur le plan national, leur couverture sociale et sa gestion.
Démocratiser la sécurité sociale est le moyen pour sortir de la crise, pour trouver les conditions d'une gestion efficace, proche des aspirations et des besoins de la population.
Le lien à créer entre l'assuré social et la sécurité sociale constitue le fil conducteur de toute réforme de la protection sociale. C'est pourquoi il nous apparaît plus sage de revenir sur ce point pour conforter la légitimité du conseil d'administration de la CNAVTS afin de lui conférer plus de pouvoirs, aussi justifiés soient-ils.
Pour démocratiser la sécurité sociale, il est urgent de réunir toutes les conditions permettant aux salariés de se réapproprier la sécurité sociale.
Il faut insuffler plus de démocratie participative pour que les salariés puissent s'exprimer sur les grands choix et les priorités à retenir en matière de protection sociale.
Il faut en revenir à l'élection. Cela fait plus de vingt ans qu'il n'y a pas eu d'élections au sein de la sécurité sociale. Or ces élections permettraient aux salariés de choisir leurs représentants parmi les candidats proposés par les organisations syndicales. Elles seraient, en outre, l'occasion d'attribuer aux administrateurs des droits et des moyens pour qu'ils puissent réellement assurer leur mandat.
Il est nécessaire de revoir la composition des conseils d'administration, la place et la représentativité des organisations représentant les employeurs, les administrateurs salariés devant redevenir majoritaires.
Bien sûr, vous allez vous opposer à ces idées, monsieur le ministre, par habitude, d'abord, mais surtout parce que vous rejetez cette ambition démocratique.
Vous n'acceptez les règles de la démocratie que lorsqu'elles vous assurent, à vous et à vos amis du patronat, la conservation réelle du pouvoir.
Il est dans votre logique de refuser les perspectives de cette démocratie sociale que vous appelez de vos voeux. C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen rejette l'article 14 de ce projet de loi de démolition de notre système de retraite et propose donc sa suppression.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre l'amendement n° 349.
M. Roland Muzeau. Pourquoi donner un pouvoir nouveau au conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, alors qu'il n'a aucune légitimité ?
Nous n'oublions pas que le paritarisme tel qu'il a été imposé en 1967 et en 1995 est un instrument de guerre du patronat contre les syndicats. Il a, en effet, été imposé par les ordonnances Juppé, au mépris des règles de démocratie alors en vigueur, c'est-à-dire l'élection des administrateurs. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Il est grand temps de démocratiser la sécurité sociale, car le champ du secteur social souffre d'un grave déficit démocratique
La crise de la sécurité sociale, due à une politique de maîtrise comptable, met en péril cette sécurité sociale. L'opposition à cette politique et le débat entre ses partisans et ceux qui la contestent ont pris de l'ampleur.
Pour créer les conditions d'une véritable réappropriation de la sécurité sociale par les assurés sociaux, il convient de bâtir des propositions pour sa démocratisation, propositions qui sont d'autant plus nécessaires que le MEDEF et la CGPME, en quittant les conseils d'administration, n'ont eu d'autres buts que d'en fragiliser le fonctionnement.
Mais je vais vous exposer deux éléments qui paraissent essentiels à mon groupe pour démocratiser la sécurité sociale.
Tout d'abord, afin de donner aux syndicats la légitimité suffisante, le Parlement devrait décider le rétablissement de l'élection des administrateurs des caisses. En effet, le principe électif étant essentiel en démocratie, la légitimité des décisions des caisses de sécurité sociale ne pourrait qu'être renforcée par l'amélioration de la représentativité de leurs administrateurs.
Ensuite, afin de soustraire la gestion de la sécurité sociale aux mains du patronat, le Parlement devrait revenir sur le principe de paritarisme et, ainsi, renforcer les pouvoirs des syndicats au sein des conseils d'administration des caisses.
Permettez-moi de revenir sur le fonctionnement des instances paritaires, qui suscite à juste titre de nombreuses questions. Du mot « paritaire » au néologisme « paritarisme » intégrant, dans une définition large, tant la parité stricte que la prépondérance ouvrière ou patronale, il faut bien admettre que cette sphère suscite forcément de nombreuses lectures et interprétations.
Le fonctionnement du paritarisme pose en grand les questions de la démocratie, de la place et de l'écoute des salariés dans celle-ci, de leur niveau d'intervention dans la gestion.
Il me paraît des plus paradoxal de donner aux caisses de sécurité sociale un pouvoir que l'on refuse aujourd'hui aux syndicats des salariés. C'est sûrement parce que les caisses, en raison de leurs structures paritaires, restent sous le contrôle de vos amis du MEDEF.
C'est par le renforcement des pouvoirs des organismes paritaires que vous pensez consolider ceux des partenaires sociaux.
Nous ne partageons pas ce point de vue. C'est pourquoi, mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même, nous vous demandons de voter cet amendement n° 349.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 231.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 1033.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement ne nécessite pas un long commentaire. Il s'agit de replacer, dans le cadre de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les propositions formulées par le conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 350 rectifié.
Mme Odette Terrade. Le système des retraites en France est considéré comme un acquis social essentiel, résultat de conquêtes en faveur des salariés depuis les dernières années du xixe siècle jusqu'au paritarisme mis en place progressivement après la Seconde Guerre mondiale.
Mais, contrairement à une idée répandue, le paritarisme ne date pas de 1945. Il a été un instrument de guerre du patronat contre les syndicats.
Parallèlement au régime général, le patronat va créer des régimes complémentaires - retraite et UNEDIC - et instaurer un système paritaire, non parce qu'il serait porté au paritarisme, mais pour pouvoir donner au syndicalisme réformiste une place dans la gestion de ces régimes complémentaires.
Les ordonnances de 1967, qui introduisent le paritarisme, accentuent encore le recul du pouvoir des conseils d'administration des caisses au profit de la tutelle étatique.
Le paritarisme est une gestion patronale puisque, avec cinq syndicats de salariés pour un syndicat patronal, il y a toujours un syndicat qui vote avec les patrons. Le paritarisme, c'est la défaite syndicale.
On le sait, cette gestion est tout à fait catastrophique pour les salariés. A l'UNEDIC, par exemple, les faits parlent d'eux-mêmes. La gestion paritaire est une gestion parapatronale, qui a transformé le régime d'assurance sociale en un régime d'assurance privée dont la prestation est à la mesure de la cotisation.
Mais revenons-en à la gestion des caisses de sécurité sociale et posons-nous une question : qu'est devenue la légitimité des organismes paritaires où le patronat a autant d'influence que les syndicats dans la gestion de la sécurité sociale des salariés ?
Cet article 14 du projet de loi est censé renforcer le rôle des partenaires sociaux en octroyant un pouvoir général de proposition au conseil d'administration de la CNAVTS en matière de garantie de l'équilibre financier du régime général. Quelle disposition désintéressée !
Je vous rappelle à quel point le dernier débat sur la non-compensation des exonérations de cotisations accordées aux employeurs dans le cadre de la mise en place de la réduction du temps de travail a montré combien il importe d'engager une vraie concertation pour une réforme du financement de la sécurité sociale.
Il faudrait élargir l'assiette des cotisations à l'ensemble des éléments constituant la richesse créée par les salariés, et tout particulièrement aux profits financiers.
Vous rejetez toutes nos propositions. Elles entraîneraient pourtant une dynamique positive pour l'emploi, la reconnaissance des qualifications et l'apport du fond de la sécurité sociale.
C'est pourquoi nous avons déposé ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 348, 349, 1033 et 350 rectifié ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission ne peut être que défavorable à l'amendement n° 348. En effet, pourquoi refuserait-on à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés de formuler des propositions ?
Quant à l'amendement n° 349, qui vise à supprimer le I de l'article 14, la commission y est défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 1033, la commission des affaires sociales ne peut être que favorable au fait que la caisse propose des mesures dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Enfin, elle est défavorable à l'amendement n° 350 rectifié. Le II de l'article 14 assure la transparence des propositions et des avis que la caisse nationale d'assurance vieillesse émet et il ne vise pas à lui donner un pouvoir nouveau.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. S'agissant de l'amendement n° 348, le Gouvernement y est défavorable. Il s'étonne même de la violence des propos tenus par le groupe CRC sur le paritarisme.
M. Hilaire Flandre. Oui, c'est surprenant !
M. François Fillon, ministre. C'est, à mon sens, un tournant dans le discours de ce groupe.
On peut émettre un certain nombre de remarques critiques sur fonctionnement du paritarisme, s'agissant notamment de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, mais il est injuste de dire que les problèmes remontent à 1995. En réalité, chacun le sait, aucune élection n'est organisée au sein de cet organisme depuis 1983, pour des raisons liées au fait que la participation était tellement modeste que sa légitimité s'en trouvait affaiblie.
Nous proposons aujourd'hui une mesure qui, à elle seule, ne résout pas le problème. Mais elle vise simplement à réaliser une avancée en donnant un peu plus de pouvoir à la caisse nationale.
Il faudra aller plus loin, notamment lors des débats sur la gouvernance de la sécurité sociale et sur la modernisation du dialogue social. C'est dans le cadre de l'examen de ces deux textes que des avancées décisives pourront être réalisées, afin d'assurer une plus grande association des partenaires sociaux à la gestion de ces organismes.
En attendant, et dans le cadre de l'examen de ce texte, même si l'avancée est insuffisante, il est étonnant que le groupe CRC s'oppose avec cette violence verbale à ce qui constitue incontestablement un progrès par rapport à la situation actuelle.
Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 349.
Il est favorable à l'amendement n° 231, tout comme à l'amendement n° 1033.
En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 350 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit, pour explication de vote sur l'amendement n° 348.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Mon propos sera très bref : je me bornerai à dire à mon excellente collègue Mme Odette Terrade qu'elle est allée un peu trop loin, tout à l'heure, en affirmant qu'aucune élection n'avait lieu au sein des caisses de sécurité sociale.
En effet, la caisse des Français de l'étranger procède à l'élection de son conseil d'administration sans discontinuer depuis 1985. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
J'ai l'honneur de présider cette caisse, dont le conseil d'administration a été renouvelé au début du mois de janvier, et nous allons fêter le vingt-cinquième anniversaire de cet organisme à l'occasion de la prochaine réunion du Conseil supérieur des Français de l'étranger.
Mme Nicole Borvo. C'est un très bon exemple !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Sans anticiper sur le débat sur la gouvernance de la sécurité sociale, j'ai l'honneur de dire à Mme Odette Terrade, ainsi qu'à ses collègues du groupe CRC, qu'une caisse de sécurité sociale bien gérée, avec un personnel de qualité, peut avoir des comptes équilibrés et satisfaire nos compatriotes français à l'étranger. (Très bien ! Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo. Vous avez entendu, monsieur le ministre : les dirigeants de la caisse des Français de l'étranger sont élus !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 348.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 349.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 231.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1033.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 350 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.).
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'article 14.
M. Roland Muzeau. Je suis d'accord avec mon collègue : il est possible de faire des élections au sein d'une caisse de sécurité sociale et de bien la gérer. Il aurait donc pu voter notre amendement.
Monsieur le ministre, l'argument répété relatif à la justification de la suppression des élections au sein des organismes de sécurité sociale fondé sur la faible mobilisation des salariés lors des opérations de vote ne tient pas trois secondes.
Vous pourriez l'appliquer à d'autres scrutins. La participation aux élections des chambres consulaires est catas-trophique, et vous n'avez jamais prétendu ou souhaité supprimer cette consultation.
Sans faire une comparaison abusive et sans vouloir mettre sur un pied d'égalité ces différents exemples, il nous semble donc que ce n'est pas le seul argument à développer.
J'en reviens à mon explication de vote sur l'article 14, que nous souhaitons supprimer.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, le régime général de sécurité sociale, créé en 1945, répond à une vieille revendication des salariés : la garantie d'un revenu en cas de maladie ou d'accident du travail et face à « l'outrage des années ». La gestion de ce système de sécurité sociale est définie par un financement par cotisations sociales et une organisation syndicale et patronale des salariés.
A l'origine, les administrateurs salariés, véritables garants des caisses de sécurité sociale, traduisaient la démocratie sociale par une gestion de la part socialisée du salaire qu'est la cotisation sociale.
Par le jeu du système paritaire, le patronat tend à s'approprier et à contrôler la gestion de la sécurité sociale. En effet, ce dispositif antidémocratique remet au cause le principe électif et privilégie les organisations syndicales les moins représentatives.
Ainsi, le paritarisme est un élément tendant à favoriser la gestion de la sécurité sociale par le patronat et à décharger les syndicats de cette gestion.
Avec ce procédé, les assurés sociaux sont à la marge des orientations et des choix qui sont au coeur de leur couverture sociale tant au niveau local qu'au niveau national.
La démocratie sociale est l'outil indispensable pour échapper à la crise et pour trouver les moyens nécessaires à une gestion efficace de la sécurité sociale. En effet, cet instrument tend à répondre au mieux aux besoins et aux attentes de la population.
La protection sociale est le dispositif qui est directement en charge de la relation entre l'assuré social et la sécurité sociale. A ce titre, il convient d'y revenir pour soutenir la légitimité du conseil d'administration de la CNAVTS et de les octroyer de nouveaux pouvoirs aussi justifiés que nécessaires.
Dans le but de démocratiser la sécurité sociale, il convient de réunir toutes les conditions visant à la réappropriation de celle-ci par les salariés et de rassembler tous les moyens qui maximisent la démocratie participative, reflet des choix et des priorités des salariés concernant la protection sociale.
Alors que l'élection est l'acte pivot de la démocratie, cette dernière n'a guère trouvé son rôle majeur depuis une vingtaine d'années dans le système de la sécurité sociale. Dans ces conditions, les salariés se voient privés du choix de leurs représentants parmi les candidats présentés par les organisations syndicales.
Face à la nécessité de démocratisation des caisses de la sécurité sociale, l'article 14 du projet de loi, censé renforcer le rôle des partenaires sociaux, ne rendra pas aux salariés la gestion des caisses mais soutiendra des instances illégitimes.
C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen rejette l'article 14 de ce projet de loi de démolition de notre système de retraite.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Monsieur Muzeau, je n'ai pas voulu justifier l'absence d'élection par l'insuffisance de la participation.
J'ai simplement dit que cette insuffisance était l'argument qui a été généralement utilisé depuis 1983 par tous les gouvernements et par toutes les majorités. Le seul objectif de ma remarque était de montrer que, contrairement à ce qui figurait dans un exposé des motifs, ce n'étaient pas les ordonnances Juppé qui avaient mis un terme à l'élection des conseils d'administration, c'étaient les gouvernements successifs qui, devant les grandes difficultés de fonctionnement de cette élection, avaient renoncé à l'organiser.
M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
M. le président. « Art. 15.-I. - Au troisième alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, les mots : "une limite déterminée" sont remplacés par les mots : "la limite prévue au deuxième alinéa".
« II. - Les dispositions du I sont applicables aux pensions prenant effet après le 31 décembre 2007.
« III. - Pour les pensions prenant effet après le 31 décembre 2003, la limite mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale est égale à :
« - 150 trimestres pour les assurés nés avant 1944 ;
« - 152 trimestres pour les assurés nés en 1944 ;
« - 154 trimestres pour les assurés nés en 1945 ;
« - 156 trimestres pour les assurés nés en 1946 ;
« - 158 trimestres pour les assurés nés en 1947. »
La parole est à M. Robert Bret, sur l'article.
M. Robert Bret. « La route est droite mais la pente est forte », disait il y a peu le Premier ministre pour définir la politique et les objectifs de son gouvernement.
Mais, à l'examen de l'article 15 du projet de loi, on peut se demander si, d'une certaine manière, cette image ne s'applique pas avec exactitude aux assurés sociaux cotisant aux régimes de retraite par répartition.
Que nous propose en effet cet article 15 ?
Revenons sur quelques-uns des termes du rapport présenté par notre collègue Dominique Leclerc.
Je cite : « Notre commission » - dans sa majorité évidemment - « approuve dans son principe l'harmonisation des deux durées d'assurance de référence permettant de calculer la pension pour une triple raison.
« Premièrement, elle met fin à un avantage sans réelle justification pour les polypensionnés, celui de pouvoir faire prendre en compte plus de 150 trimestres d'assurance.
« Deuxièmement, elle s'inscrit dans l'esprit de la réforme, qui vise à inciter au maintien en activité des salariés âgés. Ainsi, aux termes de cette réforme, un départ anticipé se traduira non seulement par une diminution du taux de pension mais également par une diminution proportionnelle de celle-ci, occasionnée par l'insuffisance de durée d'assurance ; cette remarque n'est fondée que dans la rédaction proposée par l'Assemblée nationale, qui corrige l'inéquité et, ce faisant, l'effet pervers induit en la matière par le texte initial.
« Troisièmement, elle participe à la consolidation financière des régimes de retraite par répartition, à hauteur de 2,4 milliards d'euros à l'horizon 2020. »
Et notre rapporteur de conclure qu'il convient d'adopter cet article 15 sans la moindre modification, compte tenu des corrections que le Palais-Bourbon a déjà apporté au texte.
Quelque part, en fait, cet article 15 est une sorte de résumé des principaux points de la réforme dont nous débattons depuis maintenant quelques jours.
Premier point relevé dans le rapport : l'harmonisation des durées d'assurance. De quoi s'agit-il d'autre que de la promesse de devoir travailler plus longtemps ?
Second point, relevé également dans ce rapport : pour que l'on comprenne bien les choses - au cas où cela aurait encore échappé aux candides que sont les Français - tout départ anticipé sera doublement pénalisé tant en taux de pension qu'en calcul de la durée d'assurance.
Autrement dit, nos concitoyens sont appelés à travailler plus longtemps, et souvent, compte tenu de tout, bien au-delà de l'âge de 60 ans.
Troisième point, qui est sans doute le plus important : l'article participe au redressement des comptes de l'assurance vieillesse puisque des rentrées de cotisations, d'une part, et des économies sur le versement des pensions et retraites, d'autre part, sont attendues.
C'est en quelque sorte l'écot que les salariés sont appelés à verser, pour une bonne part, au financement de cette réforme des retraites.
Perspective enthousiasmante, à n'en pas douter, que celle qui est ouverte par cet article 15, qui met en fait chaque retraité face à lui-même, en ce sens qu'il pousse naturellement à une individualisation profonde de chacune des situations !
Nous ne voterons évidemment pas cet article d'inspiration profondément libérale. Nous démontrerons, à l'occasion de la discussion des amendements, tout ce qu'il recèle comme contraintes nouvelles pour le monde du travail.
M. le président. Je suis saisi d'un certain nombre d'amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Pour pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
Je suis d'abord saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 351 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 352 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 353 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
L'amendement n° 911 est présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 351.
M. Robert Bret. Ainsi que je viens de le dire, l'article 15 est relativement emblématique de ce qu'est cette réforme des retraites que nous propose d'adopter le Gouvernement.
Il est emblématique du fameux effort partagé, dont on fait grand cas depuis quelques temps, pour sauver notre système de retraite par répartition.
Il s'agit donc de revenir quelque peu sur cette notion d'effort partagé, dont on sent d'ailleurs la philosophie généreuse au premier coup d'oeil.
On va ainsi aligner le régime des fonctionnaires - ces scandaleux privilégiés qui gagnent souvent moins de 2 200 euros par mois après quinze ans de carrière - sur celui des salariés du secteur privé, qui, pour leur part, goûtent de plus en plus aux contrats de travail à temps partiel rémunérés sur la base du SMIC horaire.
On va prolonger les durées d'assurance de deux ans pour les salariés du secteur privé et de quatre ans et demi pour les fonctionnaires qui n'avaient pas pris le train de la réforme de 1993, dont l'objectif était déjà de sauvegarder nos retraites.
On va dévaluer chacune des annuités ou des trimestres d'activité accumulés.
On va proratiser les périodes reconnues en équivalence, sans les prendre finalement en totalité.
On va augmenter le taux de cotisation, pour combler le trou éventuel.
On sait, a priori, qu'il va falloir x milliards d'euros pour « sauvegarder » nos retraites ; on fixe donc le montant de la facture, et, ensuite, on regarde qui va payer.
Et, comme par surprise, on trouve...
On va finalement remettre en cause le droit à la retraite à 60 ans, puisque l'incitation à prolonger son activité au-delà de cet âge sera forte, d'autant qu'aucune décote ni minoration ne s'appliquera quand on choisira de partir à 65 ans.
Cela fait beaucoup d'effort partagé, monsieur le ministre, mais partagé entre les salariés, en sus, bien évidemment, des efforts nés de l'intensification du travail et de la productivité.
Quid des obligations du patronat ?
La fin des préretraites ?
Soit, admettons, mais il n'y a pas de problème, le MEDEF, qui a signé des deux mains le protocole du 15 mai et qui refuse de participer à la gestion de quelques-uns de nos organismes sociaux, s'est rapidement adapté à la situation !
Ces derniers temps, il se dépêche d'utiliser les pré-retraites que la vague de plans sociaux aencore intensifiées.
Une vague obligation à négocier sur la pénibilité ?
Soit, mais on a quelques années pour le faire...
Une hausse des cotisations ?
Ce n'est même pas sûr !
Comme l'article 15 ne comporte finalement qu'une série de dispositions touchant de manière exclusive les salariés, vous comprendrez, mes chers collègues, que devant une telle inégalité de traitement, nous ne puissions qu'inviter le Sénat à le supprimer en adoptant cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 352 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Muzeau, pour défendre l'amendement n° 353.
M. Roland Muzeau. Il a déjà été défendu.
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour défendre l'amendement n° 911.
M. Serge Lagauche. L'article 15 organise la proratisation du mode de calcul de la pension sur 160 trimestres au lieu de 150 trimestres. Sous son aspect technique, il aura des conséquences importantes.
Cette disposition vient aggraver largement les effets résultant de la réforme Balladur de 1993, qui n'avait pas osé aller jusque-là en termes de dégradation de niveau des pensions.
Il faut rappeler que, depuis 1993, le pouvoir d'achat des retraités a déjà connu une érosion de plus de 1 % par an du fait de la revalorisation des pensions par l'indexation sur les prix.
Cette mesure sera défavorable aux retraités et aux polypensionnés, dont les trimestres obtenus dans d'autres régimes ne seront pas pris en compte. La perte individuelle sera de 6,25 % pour une durée de cotisation inférieure ou égale à 150 trimestres. Elle sera également très pénalisante pour ceux dont la carrière n'est pas complète, en particulier pour les femmes.
La Cour des comptes montre, dans son rapport 2003, que les femmes seront les principales victimes du changement de la proratisation du nombre de trimestres.
Alors que 84,5 % des hommes ont une carrière complète, ce n'est le cas que pour 39,1% des femmes, dont le taux de chômage est supérieur - 10,7 % contre 7,1 % - et le taux d'activité après 50 ans largement inférieur - 65 % contre 80 %.
L'allongement de la durée de cotisation jusqu'à 42 ans pour bénéficier d'une retraite à taux plein frappera donc très directement les femmes, aggravant l'écart entre le niveau des pensions des hommes et des femmes.
Le COR soulignait lui-même l'intérêt du maintien à 150 trimestres, qui a pour effet de ne pas pénaliser les femmes affiliées au régime général, qui ont des carrières courtes et qui attendent 65 ans pour liquider leurs pensions à taux plein ; elles ont encore à cet âge une durée de cotisation inférieure à 160 trimestres.
Le rapport de Dominique Leclerc, qui détaille le mode de calcul de la pension, montre lui-même que l'allongement de la proratisation à 160 trimestres réduira mécaniquement le niveau des pensions.
C'est même mathématique. En effet, le montant de la pension est obtenu en multipliant le salaire moyen annuel en fonction des vingt-cinq meilleures années - aux termes du décret Balladur - par le taux obtenu en fonction de la durée de l'assurance. Le tout est divisé par le coefficient de proratisation, lui-même calculé en divisant la durée d'assurance réelle par 150. Or, avec cet article 15, on divisera désormais par 160. Comment peut-on obtenir un résultat supérieur en divisant par 160 ?
Cet article va donc parfaitement dans le sens voulu par le Gouvernement : baisse du niveau des pensions et appauvrissement du niveau des retraites. Il constitue un recul social pour celles et ceux qui, pour diverses raisons, n'atteindront pas les 160 trimestres de cotisation.
Selon le Gouvernement, cette mesure devrait rapporter 2,4 milliards d'euros d'ici à 2020. Cette somme non négligeable serait, en fait, gagnée sur le dos des femmes. Cela est inacceptable.
La mise en oeuvre progressive du dispositif, qui n'atteindra son plein objectif qu'au 1er janvier 2008, ne peut masquer l'injustice sociale qui en résulte. Il faudra, dès le 1er janvier 2004, un trimestre supplémentaire alors que la durée moyenne d'assurance des femmes est aujourd'hui de 122 trimestres seulement. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. L'amendement n° 354, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer le I de cet article. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Par cet amendement, le groupe communiste républicain et citoyen propose la suppression du I de l'article 15.
Cette suppression se justifie dans la mesure où la disposition visée tend à allonger la durée de cotisation des salariés pour atteindre 160 trimestres. Or, depuis le début du débat, nous n'avons de cesse de vous démontrer que des solutions de remplacement existent.
En fait d'« harmonisation » comme cela est écrit dans le rapport de la commission des affaires sociales, il s'agit avant tout d'une régression organisée par le Gouvernement.
L'ajustement proposé par l'article 5 s'apparente à un ajustement pénalisant pour l'ensemble des Françaises et des Français.
L'augmentation proposée nous projette des années en arrière à une époque où la vieillesse avait pour corollaire la pauvreté. Mais du chemin a été parcouru depuis, monsieur le ministre, pour rendre de la dignité à celles et ceux qui entament la troisième partie de leur vie.
C'est bien à un appauvrissement des retraités que ce projet de loi aboutira.
Par l'allongement des cotisations imposé ici, vous établissez bien, monsieur le ministre, la seule volonté qui sous-tend toute votre réforme, c'est-à-dire faire peser sur les seuls salariés le coût des retraites. Aucun effort n'est demandé au capital : c'est un comble !
Vous parlez de sauver la retraite par répartition alors que vous engagez inéluctablement son déclin.
Cet allongement entraînera de fait une réduction des pensions. Leur baisse incitera ceux qui en auront les moyens à se tourner vers la capitalisation et autres instruments du privé.
Peu à peu, la répartition sera réduite à la portion congrue, se transformant en simple allocation de base pour la grande majorité de la population. Cela s'est déjà produit dans les pays anglo-saxons et, quoi que vous en disiez, monsieur le ministre, en faisant prendre aux retraites françaises le même chemin chaotique, le Gouvernement n'a pas tiré les enseignements de ces expériences.
Les Françaises et les Français, qui ont largement manifesté leur hostilité à votre réforme, ne s'y sont pas trompés.
Mes chers collègues, nous vous proposons, en adoptant cet amendement, de revenir sur une voie de sagesse.
M. le président. L'amendement n° 355, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer le II de cet article. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement ne vous surprendra pas...
M. Jean-Pierre Schosteck. Sûrement pas !
M. Roland Muzeau. ... puisqu'il est la résultante de notre précédent amendement demandant la suppression du I de cet article.
Si nous rejetons le principe de l'allongement de la durée de cotisation à 160 trimestres, nous ne pouvons que réfuter la disposition qui met en place dans le temps ce changement.
Qu'il s'agisse du Gouvernement ou de la commission, l'idée de base exprimée découle de la volonté de supprimer l'inégalité existant entre les salariés. C'est, au demeurant, une idée louable que nous-mêmes nous défendons, mais malheureusement pas pour les mêmes raisons ni sur les mêmes fondements que vous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur !
M. Jean-Pierre Schosteck. C'est ça le drame !
M. Roland Muzeau. En effet, nous débattons d'une réforme qui en prolonge et même en aggrave une autre, issue - comment aurait-il pu en être autrement ? - d'un précédent gouvernement de droite : la réforme de M. Balladur de 1993.
M. le rapporteur reconnaît que « la divergence entre la durée d'assurance prise en compte pour l'obtention du taux plein et la durée maximale prise en compte par le régime date de la réforme Balladur de 1993 ».
Il est regrettable que vous ne reconnaissiez pas, pour autant, que les mesures qui en ont découlé étaient négatives.
Loin de moi l'idée de réfuter le bien-fondé d'une logique qui voudrait supprimer une inégalité existant entre les assurés selon qu'ils ont cotisé dans un ou plusieurs régimes, bien au contraire ! Mais la question est bien de s'interroger sur l'origine de cette inégalité, car il est facile de se poser en pourfendeur des inégalités sans en préciser l'origine ni en décider les remèdes !
Je viens de vous le dire, nous acceptons le principe de l'égalité et donc le fait de prendre des mesures pour remédier à des dispositions discriminatoires entre les polypensionnés et les unipensionnés.
Mais, monsieur le ministre, cela impliquait-il une harmonisation sur la durée de 160 trimestres ? Je pose la question tout en connaissant à l'avance le type de réponse que vous y apporterez, à moins d'une agréable surprise.
Pourtant, la solution que vous envisagez n'est que le prolongement d'une série de décisions néfastes mises en oeuvre dès 1993 ! C'est cette logique insidieuse instaurée par votre propre majorité que vous poursuivez, et c'est bien elle que nous combattons.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d'adopter cet amendement et d'engager un véritable débat pour qu'émergent enfin des dispositions véritablement favorables à nos concitoyens.
M. le président. Je suis maintenant saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 356 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 357 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 358 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le III de cet article. »
La parole est à M. Robert Bret, pour défendre l'amendement n° 356.
M. Robert Bret. Nous ne pouvons évidemment manquer de souligner encore, à l'appui de la présentation de cet amendement, quelques-uns des effets pervers de cette réforme des retraites.
L'article 15 est, on l'a vu, l'article qui, par excellence, s'appliquera dans toute sa rigueur mathématique à tous ceux dont la carrière est incomplète.
Comme le paragraphe III de l'article vise à ajouter, chaque année, un cran de plus à la mécanique mise en place, nous sommes à peu près certains que l'application de l'article sera relativement constante, le nombre des personnes échappant à sa rigueur n'étant pas a priori en diminution.
On notera que le dispositif mis en place frappe en effet des générations nées entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les premières années de l'après-guerre.
Ce sont là les fameuses années du baby-boom, portées par la libération du territoire national et caractérisées par la mise en oeuvre des orientations sociales du programme du Conseil national de la Résistance, qui ont consisté, notamment, à créer la sécurité sociale, l'assurance vieillesse, sous la forme que nous connaissons pour l'essentiel, et d'autres avancées diverses.
On en vient presque à se demander si ce qui guide le Gouvernement, aujourd'hui, ce n'est pas la volonté de revenir sur la totalité de ces acquis, comme s'il y avait une revanche à prendre, alors qu'ils ont largement contribué, depuis la Libération, au développement économique et social de la France.
Le dispositif de l'article 15 s'appliquera donc dans toute sa rigueur dès lors que la montée en puissance de ses dispositions sera achevée. Il ne pourra, par conséquent, que trouver toujours plus d'applications, ce qui augmentera d'autant le montant des économies que l'on pourra réaliser sur le versement de pensions à taux plein.
Aura-t-on ainsi sauvegardé nos régimes de retraite, monsieur le ministre ? On aura surtout sauvegardé, une fois de plus, la rentabilité du capital, qui n'est jamais assez élevée.
M. le président. L'amendement n° 357 n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour défendre l'amendement n° 358.
Mme Odette Terrade. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 359, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Au III de cet article, supprimer les mots : "152 trimestres pour les assurés nés en 1944". »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement vise, comme les amendements suivants, à supprimer une disposition tendant à allonger la durée de cotisation des salariés nés juste après la guerre.
Il est intéressant de constater que, dans le rapport de la commission des affaires sociales, il est souligné que cette disposition induit une « inéquité » et un « effet pervers ».
Hélas ! une fois de plus, vous n'avez pas tiré les conséquences de vos critiques, monsieur le rapporteur. Cela nous aurait sans doute épargné d'avoir à déposer cet amendement, comme ceux qui vont suivre !
Car, bien évidemment, les personnes nées après la guerre - mais pas seulement elles - vont se retrouver lésées par cette disposition. Le Gouvernement nous prépare ainsi une génération de retraités pauvres, aux pensions les plus faibles.
Toutes les personnes nées entre 1944 et 1947 qui liquideront leurs retraites en 2008 et qui n'auront pas une durée suffisante de cotisation seront fortement pénalisées.
Autant dire que, en une nuit, du 31 décembre 2007 au 1er janvier 2008, le calcul des trimestres pourra varier considérablement, et malheureusement pas dans le bon sens !
Tout ce projet de loi s'articule autour de deux éléments essentiels, qui sont l'allongement des cotisations et la baisse du niveau des pensions : deux éléments défavorables au bien-être des Françaises et des Français. Et vous voudriez leur faire croire le contraire !
Sachez tout de même, monsieur le ministre, que le discernement de nos concitoyens est suffisant pour ne pas se laisser prendre aux allégations que vous leur assénez afin de justifier votre réforme. Les deux millions de manifestants du mois de juin en ont apporté la démonstration.
Les faits sont là, à chaque article, pour prouver à quel point la régression est en marche.
C'est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet amendement, car les représentants du peuple que nous sommes ne sauraient s'inscrire dans une démarche néfaste pour les salariés nés juste après la guerre. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Robert Bret. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 360, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Au III de cet article, supprimer les mots : "154 trimestres pour les assurés nés en 1945". »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Vous prétendez, monsieur le ministre, vouloir réduire les inégalités : une belle magnanimité ! Malheureusement, force est de constater qu'il s'agit encore d'un simple effet d'annonce, car, si votre projet de loi est voté en l'état, il ne vous permettra certainement pas de réaliser cette ambition.
Reprenons l'exemple cité dans le rapport : la pension d'une personne née en 1945 et liquidée avant le 1er janvier 2008 sera calculée par référence à 154 trimestres ; à partir du 1er janvier 2008, la base sera de 160 trimestres.
Ainsi, en l'espace de vingt-quatre heures, une personne verra, sans avoir rien demandé ni rien fait pour cela, sa durée de cotisation allongée de six trimestres, ce qui est loin d'être négligeable, surtout pour celles et ceux qui rencontrent des difficultés pour « boucler » leur fin de carrière. Il en résultera directement une perte lourde et pénalisante sur le montant de la retraite, soit une paupérisation accrue des personnes qui n'auront pas satisfait aux conditions de cotisation établies par votre réforme, monsieur le ministre. Est-ce cela que vous appelez l'égalité ?
Pour ma part, je n'ai jamais entendu dire que l'égalité était synonyme de régression. Sans doute s'agit-il d'un nouveau concept, dont la mise en pratique revient à ce gouvernement !
Mes chers collègues, étant donné que la commission n'a pas déposé d'amendement pour modifier les effets négatifs du paragraphe III de cet article, alors même qu'elle reconnaît qu'il ne va pas dans le sens d'un plus juste traitement des personnes nées après la guerre, vous feriez oeuvre utile en adoptant cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 361, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Au III de cet article, supprimer les mots : "156 trimestres pour les assurés nés en 1946". »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement a pour finalité de supprimer la référence à 156 trimestres pour les assurés nés en 1946.
Cette disposition est notamment en contradiction avec la prétendue politique de l'emploi que vous envisagez de mener, monsieur le ministre.
Il nous avait pourtant semblé que vous vouliez assortir votre réforme de tout un dispositif de maintien de l'emploi des salariés dits « âgés ».
Or, qu'il s'agisse de mesures contraignantes ou incitatives, l'intention que vous affichez n'est apparemment pas en adéquation avec le paragraphe III du présent article.
Dans le rapport de la commission des affaires sociales, M. le rapporteur écrit : « Cette inéquité induit inévitablement l'effet pervers d'encourager le départ précoce, pour les personnes nées avant 1945 et pour celles nées entre 1944 et 1945. »
J'ajouterai à votre remarque, monsieur le rapporteur, que l'effet pervers vaudra pour tous ceux qui sont nés après la guerre et qui, en 2008, auront entre 60 ans et 65 ans.
Il s'agit de personnes qui ont connu les fortes récessions économiques qui se sont succédé dès les années soixante-dix, qui ont souffert de l'accroissement du chômage, de la précarisation de l'emploi ; nombre d'entre eux ont alterné périodes d'activité et périodes d'inactivité.
Lésés par ce texte, ils auront, à l'évidence, bien du mal à accepter cette perte brutale de leur pension. Il ne serait pas étonnant qu'ils cherchent à quitter plus rapidement le monde du travail afin de ne pas perdre le peu qu'ils pourraient percevoir.
Votre politique, monsieur le ministre, ne favorise en aucun cas les retraités, pas plus qu'elle ne favorise l'emploi.
Nos amendements, pour leur part, ont pour objet de procéder à une redéfinition de la retraite et de l'emploi, différente de celle que le Gouvernement envisage.
M. le président. L'amendement n° 362, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Au III de cet article, supprimer les mots : "158 trimestres pour les assurés nés en 1947". »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Dorénavant, toute carrière incomplète fera dégringoler le niveau des pensions puisque chaque trimestre manquant aura un double effet négatif : l'application d'une décote de 2,5% par trimestre manquant, une réduction de pension du fait que le salarié ne justifie pas du maximum de trimestres requis.
Malheureusement, moins + moins ne fera jamais plus, et tous les salariés qui ne pourront pas avoir les 160 trimestres requis se verront attribuer une retraite très réduite.
On sait qui sera visé : les jeunes qui n'ont pas de qualification et qui peinent à trouver un emploi stable, voire un emploi tout court, les femmes, dont on sait qu'elles ont souvent des retraites incomplètes, qu'elles aient élevé des enfants ou qu'elles aient travaillé à temps partiel.
Là encore, la lecture de la dernière enquête emploi de l'INSEE - elle titre, je vous le rappelle, sur la très forte hausse du chômage entre le 1er trimestre 2002 et le 1er trimestre 2003 - est pour le moins éclairante. On y apprend notamment que « les inégalités entre hommes et femmes face au chômage subsistent » et qu'elles sont particulièrement marquées entre 30 et 49 ans, âges où les femmes font face aux charges familiales les plus lourdes. A ces âges, ce sont 10,4% des femmes qui sont au chômage, contre 7,1% des hommes.
On ne peut pas dans le même temps afficher une politique familiale en faveur du libre choix des femmes, mettre les parents à l'index dans le cadre de la délinquance des mineurs - je vous rappelle les sanctions financières en cas d'absentéisme scolaire - et ne pas tenir compte de cette situation au regard des droits à la retraite des femmes qui ont opté pour un congé parental ou un temps partiel pour élever des enfants.
Je voudrais vous renvoyer à l'audition, sur ce point, du secrétaire général adjoint de la CFTC : « Les mesures que le Gouvernement nous propose sont synonymes de baisse des pensions. Nous pensons qu'il faut envisager différemment la réforme. Soyons clairs : les salariés ne sont pas les seuls responsables de leurs années de cotisation manquantes ! Nous devons nous interroger sur la cause des carrières incomplètes ... Emploi des jeunes et politique familiale constituent selon nous les deux lacunes fondamentales des propositions actuelles. Peut-être ces exigences sont-elles difficiles à traduire dans un projet de loi, mais elles doivent soutenir la réforme. Il est dès lors essentiel que le Gouvernement et la majorité présidentielle s'engagent sur ces deux chapitres importants. »
Voilà pourquoi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le III de cet article.
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par Mme Létard et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Il est inséré, après le troisième alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les personnes ayant eu un minimum d'enfants, le nombre d'années civiles d'assurance prises en considération dans les modalités de calcul du salaire annuel de base sus-mentionné est réduit à due concurrence des périodes de congé prises au titre des articles L. 122-28, L. 122-28-1 et L. 122-28-9 du code du travail. Les modalités d'application de cette disposition seront définies par décret. »
« II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes pour la sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Elever trois enfants ou plus représente pour les familles un engagement fort, que notre société doit reconnaître à sa juste valeur.
Les études du COR montrent que, dans les familles qui ont fait ce choix, les femmes ont beaucoup de mal à valider des carrières complètes.
Selon une enquête de l'INSEE, si le taux d'activité des femmes vivant en couple et ayant un ou deux enfants est de 80 %, ce taux n'est que de 64 % pour les femmes ayant trois enfants d'au moins trois ans.
Même si le taux d'activité féminin tend à se rapprocher de celui des hommes, les projections réalisées montrent qu'un différentiel continuera en tout état de cause de subsister ; dans les familles dites « nombreuses », un des deux parents - et le plus souvent la mère - continuera de mettre sa carrière professionnelle entre parenthèses pour s'occuper de ses enfants.
Afin de ne pas pénaliser les parents effectuant ce choix, qui a souvent des conséquences financières non négligeables, il est souhaitable que les périodes ainsi consacrées aux enfants puissent être décomptées dans le calcul des vingt-cinq meilleures années, qui serviront de référence pour la liquidation de la retraite, et cela dans la limite raisonnable de cinq ans.
Tel est l'objet de cet amendement, qui va dans le sens de la politique familiale que le Gouvernement veut promouvoir.
Sachant, monsieur le ministre, que vous y êtes sensible, j'ose espérer un avis favorable du Gouvernement. Ce serait adresser un signe tout à fait positif aux familles. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 911 ainsi qu'aux amendements n°s 351 à 362.
Mais je voudrais apporter quelques précisions.
Lors de la réforme Balladur, la durée maximale d'assurance prise en compte au régime général n'avait pas été augmentée. Il y avait donc une désarticulation entre la durée d'assurance tous régimes exigée pour bénéficier d'une retraite à taux plein et la durée prise en compte au seul régime général.
Plusieurs exemples sont donnés dans le rapport pour bien faire comprendre que la durée actuellement prise en compte au régime général est de 150 trimestres. Si un assuré justifie de 150 trimestres au lieu de 160 trimestres, il subira une décote, mais sa pension ne sera pas proratisée, alors que, s'il justifie de 140 trimestres, il subira une décote et une proratisation calculée sur 150 trimestres.
Dans le rapport, je me suis permis de faire figurer plusieurs exemples pour bien expliquer que le projet de loi prévoit d'élever la durée maximale d'assurance la prise en compte pour l'harmoniser avec la durée d'assurance tous régimes. La conséquence de cette harmonisation est mentionnée à la page 160. Il est bien évident que cela incite l'assuré à travailler 160 trimestres pour ne pas voir sa pension réduite proportionnellement.
Il y a aussi, et c'est le côté juste de cette mesure, une progressivité.
S'agissant de ceux qui sont nés entre 1944 et 1948, j'explique effectivement dans mon rapport qu'il y a une injustice. Mais il faut lire aussi le haut de la page. L'Assemblée nationale a apporté une correction. Prenons l'exemple d'une personne née en 1944 et qui travaille au-delà de 2008 parce qu'elle n'a pas atteint auparavant les 160 trimestres. Dans la version initiale du texte, elle se voyait imposer l'année couperet 2008. Du 31 décembre 2007 au 1er janvier 2008, il lui était demandé de travailler 10 trimestres supplémentaires.
L'amendement de l'Assemblée nationale a gommé cette injustice.
Pour ce qui est de l'amendement n° 36, présenté par nos collègues de l'Union centriste, il répond à la demande de ceux qui, parce qu'ils interrompent leur carrière, se trouvent pénalisés dans le calcul de leur salaire moyen de référence. L'amendement introduit une dérogation à la réforme Balladur, et la commission souhaite connaître préalablement l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'ensemble des amendements visant à supprimer, d'une manière ou d'une autre, les dispositions contenues dans cet article, qui a pour objet d'homogénéiser la durée nécessaire à l'obtention d'une pension à taux plein et celle qui est prise en compte pour le calcul de la pension.
La durée de référence est restée fixée, depuis la mise en oeuvre de la réforme Balladur, à 150 trimestres, sans cohérence avec la condition de durée d'assurance applicable au taux plein, ce qui induit une inéquité entre polypensionnés et monopensionnés, au détriment de ces derniers.
Je note au passage que la réforme Balladur a été mise en oeuvre pendant dix ans par trois gouvernements différents. Mesdames, messieurs les sénateurs communistes, votre groupe s'est, à plusieurs reprises, élevé contre cette réforme.
M. Roland Muzeau Merci de le rappeler !
M. François Fillon, ministre. Si vraiment cette dernière avait tous les effets effrayants que vous lui attribuez, vous auriez dû en tirer toutes les conséquences. Moi, dans la même situation, je n'aurais pas pu rester dans une majorité qui soutenait une réforme aussi scélérate ! (Très bien ! Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC)
Plusieurs orateurs ont évoqué la portée de cette mesure, notamment sur les femmes. Or les personnes ayant eu des carrières incomplètes ou mal validées, en particulier les femmes, bénéficieront, vous le savez, d'autres mesures.
D'une part, la revalorisation du minimum contributif est prévue à l'article 18. Le minimum contributif concernant les femmes - elles représentaient environ 62 % des nouveaux prestataires en 2001 -, cette revalorisation, négociée avec les partenaires sociaux, s'effectuera à leur profit.
D'autre part, la prise en compte, pour le calcul du salaire annuel moyen, d'un nombre d'années réduit au prorata de la durée passée dans chaque régime permettra de corriger, cette fois en faveur des polypensionnés, une distorsion qui leur était dommageable.
De manière plus générale, une mesure consistant à neutraliser les années qui ne valident pas de trimestres permettra également d'améliorer le niveau des pensions.
Voilà pourquoi j'émets un avis défavorable sur les amendements n°s 351, 352, 353, 911, 354, 355, 356, 357, 358, 359, 360, 361 et 362.
En ce qui concerne l'amendement n° 6, déposé par les membres du groupe de l'Union centriste, naturellement, le Gouvernement partage le souci de ses auteurs de ne pas défavoriser les personnes ayant pris un congé parental au regard de leurs droits à la retraite. Cet amendement est néanmoins satisfait par un certain nombre de dispositions qui figurent dans le texte même du projet de loi et de mesures réglementaires que le Gouvernement a annoncées.
Les périodes de congé parental sont d'ores et déjà prises en compte au titre de la retraite. Elles donnent droit à une majoration de durée d'assurance qui peut aller jusqu'à trois ans, et un amendement adopté par l'Assemblée nationale prévoit que cette majoration est accordée de préférence à la majoration de droit commun, ce qui n'était pas le cas auparavant.
En outre, les bénéficiaires d'un congé parental d'éducation sous condition de ressources sont affiliés gratuitement à l'assurance vieillesse du régime général auprès de laquelle ils acquièrent des droits à la retraite sur la base du SMIC à temps plein, sans contrepartie de l'activité professionnelle. Ces deux modes de prise en compte n'emportent pas de pénalisation au regard du salaire de référence : soit aucun salaire n'est reporté au compte, soit le salaire reporté est au moins égal au SMIC.
Si le congé parental ne couvre pas la totalité de l'année et que l'assuré ne perçoit qu'un très faible salaire, il peut y avoir pénalisation. Mais cette question, qui ne concerne pas que les personnes en congé parental sera résolue par l'une des mesures réglementaires d'accompagnement annoncées par le Gouvernement : elle consiste à exclure de la base de calcul de la pension de retraite les salaires annuels de très faible montant qui ne permettent pas de valider des trimestres de cotisations. Cette mesure, principalement destinée aux salariés les plus modestes, sera susceptible de profiter aux personnes qui, pour se consacrer à l'éducation de leurs enfants, ont choisi de se mettre en congé parental d'éducation.
Monsieur le président, tous les amendements déposés à l'article 15, à l'exception de l'amendement n° 36, ont pour objet de supprimer cet article. Afin de donner plus de lisibilité aux débats et aux votes de la Haute Assemblée, un vote bloqué sur l'ensemble de ces amendements constituerait une bonne solution. Par conséquent, en application de l'article 42, alinéa 7, du règlement du Sénat, j'ai l'honneur de demander à votre assemblée de bien vouloir se prononcer par un seul vote sur l'article 15, en ne retenant aucun des amendements déposés.
M. le président. En application de l'article 44, dernier alinéa, de la Constitution et de l'article 42, alinéa 7, du règlement, le Gouvernement demande au Sénat de se prononcer par un seul vote sur l'article 15, dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, à l'exclusion de tout amendement.
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo. Nous avons donc un vote bloqué !
« Monsieur le ministre, pourquoi vous attaquez-vous aux pauvres ? » (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Ce n'est pas à vous que cela s'adressait, cette interpellation, monsieur le ministre, mais à l'un de vos homologues de la IIIe République, qui répondit alors : « Parce qu'ils sont les plus nombreux. » (Sourires.) Certains s'en souviennent.
M. Roger Karoutchi. Sous la IIIe République, nous n'étions pas là !
Mme Nicole Borvo. Effectivement, monsieur Karoutchi, mais je suppose que vous connaissiez cette anecdote. En tout cas, l'examen de l'article 15 nous la rappelle étrangement.
Puisqu'il s'agit de consolider le régime général, nous nous permettrons un petit calcul relativement simple.
Il s'agit d'arracher, à la sueur des salariés cotisants du régime général, quelque 2,4 milliards d'euros.
Si l'on rapporte ce chiffre au nombre des salariés cotisants, cela représente un effort d'environ 160 euros par salarié.
Finalement, on pourrait dire, pour reprendre le titre d'une des pièces de Shakespeare, Beaucoup de bruit pour rien - ou presque - ou, pour citer celui d'un film de Claude Lelouch, Tout ça... pour ça !, sauf que cet effort qui est demandé aux salariés vient s'ajouter aux autres.
En tout cas, ce qui est certain, c'est que le redressement du régime d'assurance vieillesse tel que vous l'entendez se fera encore sur le dos des mêmes personnes parce que, précisement, ce sont les plus nombreuses. Ainsi, une fois de plus seront épargnés ceux qui peuvent économiser ou, mieux encore, ceux qui sont adossés à leur héritage.
On va donc contraindre, avec cet article 15, les salariés à faire le deuil de la retraite à 60 ans, et leur offrir l'opportunité de prolonger au-delà de cet âge leur activité professionnelle, sans que nous ayons la moindre assurance sur ce qui se passera effectivement durant cette vie professionnelle complémentaire. D'autres que moi l'ont dit : les vieux feront des petits boulots ; ce n'est pas réjouissant !
Vous nous permettez donc encore une fois de nous opposer à l'adoption d'un article qui caractérise profondément le contenu réactionnaire de cette réforme, et qui appelle quelques réflexions philosophiques complémentaires.
Pourquoi depuis une bonne vingtaine d'années, les gouvernements de droite s'évertuent-ils à piloter des réformes de la protection sociale ou des retraites marquées par une série de reculs sociaux, qui provoquent en général la légitime mobilisation du monde du travail, telle qu'elle a eu lieu en 1993, en 1995 et cette année encore ?
Pour quels motifs ces gouvernements se sont-ils successivement attaqué aux retraites, puis à l'assurance maladie, avant de s'en prendre aussi à l'assurance chômage ? Il n'y a qu'à voir le dossier des intermittents du spectacle...
M. Robert Del Picchia. Ah ! On n'en avait pas encore parlé !
Mme Nicole Borvo. ... qui, hélas ! prive les Français des festivals de l'été.
M. Philippe Nogrix. La faute à qui ?
M. François Fillon, ministre. A la CGT !
Mme Nicole Borvo. D'où cela peut-il venir ? Nous nous poserons encore cette question au fil du débat, vous vous en doutez bien. Pour notre part, nous estimons que les salariés ont déjà largement payé leur écot en matière de réforme des retraites. Je regrette que le gouvernement précédent ne soit pas revenu sur la réforme Balladur. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Nelly Olin. Il ne fallait pas y rester !
Mme Nicole Borvo. En tout cas, ce gouvernement l'a payé largement.
En conclusion, nous ne pouvons que proposer au Sénat la suppression de l'article 15.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.
M. Pierre Laffitte. Je suis bien entendu d'un avis différent de celui du groupe CRC, que l'on a beaucoup entendu s'exprimer dans ce débat.
Je m'étonne d'ailleurs que l'Europe n'ait pas davantage été évoquée au cours de nos discussions. Vous le savez, mon groupe est particulièrement pro-européen.
L'Europe sociale est à construire.
M. Robert Bret. Par le haut !
M. Pierre Laffitte. Mais croyez-vous que l'on y parviendra en assassinant la retraite par répartition,...
Mme Nicole Borvo. Voyez, monsieur Fillon !
M. Pierre Laffitte. ... ce qui est finalement votre objectif, ou du moins en serait la conséquence ? Car si nous ne faisons rien, la retraite par répartition, à coup sûr, disparaîtra.
Mme Nicole Borvo. Nous faisons des propositions !
M. Pierre Laffitte. Je pense d'ailleurs qu'il faudra compléter la retraite par répartition par des dispositifs analogues à ceux dont bénéficient d'ores et déjà les fonctionnaires avec la Préfon, par exemple.
Car c'est bien cela le fond du problème. Et quand l'ensemble des pays européens se demandent s'ils ne vont pas être obligés de faire passer l'âge de la retraite de 65 à 70 ans, à l'instar de ce qui se passe en ce moment au Danemark ou en Allemagne.
M. Robert Bret. C'est le progrès social !
M. Pierre Laffitte. ... ils ne le font pas de gaieté de coeur, ni parce qu'ils ont à leur tête un gouvernement ultraréactionnaire ! C'est le réalisme qui commande.
Ce projet de loi sur les retraites me paraît extrêmement mesuré ; probablement faudra-t-il aller plus loin, comme nous le pensons tous. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. Avec le MEDEF, on y va tout droit !
M. Pierre Laffitte. Nous nous réjouissons de l'allongement de la durée de vie, nous sommes pour le progrès,...
M. Roland Muzeau. Et pour l'allongement du temps de travail !
M. Pierre Laffitte. ... mais il faut que ce progrès puisse être financé. Allons-nous être obligés de construire une ligne Maginot pour empêcher nos scientifiques, nos ingénieurs de partir à l'étranger ? Or ce sont ceux qui induisent le plus d'emplois quittant le pays. En effet, la plupart des emplois futurs sont liés aux hautes technologies.
Ecoutez ce que disent les gens qui travaillent dans ce secteur, qu'il s'agisse des employeurs ou des employés ! Ils sont consternés par les 35 heures notamment, qu'ils n'appliquent pas. (Mme Nicole Borvo s'exclame.)
Il est donc nécessaire d'approuver ce projet de loi, qui est un texte de progrès. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. Nous avons tout entendu à propos de ce texte et, par conséquent, au nom du groupe UMP, je demande, en application de l'article 38 de notre règlement, la clôture du débat.
M. le président. En application de l'article 38 du règlement, je suis saisi d'une demande de clôture des explications de vote sur l'article 15.
Je vous rappelle qu'en application de l'alinéa 1 de l'article 38, la clôture peut être proposée par le président ou tout membre du Sénat lorsqu'au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus dans les explications de vote sur un article.
En application de l'alinéa 2 de l'article 38, cette demande de clôture n'ouvre droit à aucun débat.
Conformément à l'alinéa 4 du même article, je consulte le Sénat à main levée.
(La clôture est prononcée.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 15.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 203 :
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Pour | 205 |
Contre | 111 |
Articles additionnels avant l'article 16 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 363, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 351-7 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à la condition d'âge prévue au premier alinéa de l'article L. 351-1, les travailleurs reconnus handicapés par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel peuvent, sur leur demande, ouvrir droit à une pension pour inaptitude dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article, à partir de l'âge de 55 ans.
« II. _ Les taux des contributions portant sur les revenus définis aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Le présent amendement vise à permettre aux travailleurs handicapés de bénéficier d'une pension pour inaptitude à partir de l'âge de 55 ans au lieu de 60 ans actuellement.
Dans la mesure où, depuis le début de la discussion sur ce projet de loi, l'ordre d'examen des articles a été bousculé, il est assez difficile d'évoquer à présent la question de la retraite des personnes en situation de handicap. Le groupe communiste républicain et citoyen a proposé que ces dernières puissent, dans les conditions dérogatoires au droit commun, liquider leur retraite avant l'âge de 60 ans.
La commission des affaires sociales a, quant à elle, envisagé la mise en place d'un dispositif permettant aux personnes handicapées ayant travaillé de bénéficier d'une retraite anticipée. Mais la commission et le Gouvernement ne conçoivent cette dérogation qu'à partir de l'âge de 60 ans. Par ailleurs, il est aujourd'hui difficile de savoir excactement quelles seront les conditions fixées par voie réglementaire qui ouvriront droit au bénéfice de ce dispositif.
Le rapporteur de la commission des affaires sociales a fait référence à un taux d'incapacité égal à 80 % et à une période significative de travail de trente années.
Mes chers collègues, je crains fort que la disposition susvisée, présentée comme « une première réponse à la situation des personnes handicapées », ne se révèle en fait purement symbolique, car excluant le plus grand nombre des personnes concernées.
Il est pourtant indiscutable que les personnes handicapées exerçant une activité professionnelle subissent des contraintes et des sujétions, du fait même de leur handicap, auxquelles ne sont pas soumises les personnes valides. L'équité et la solidarité exigent que notre système de retraite tienne compte de leur situation spécifique qui a des conséquences importantes tant sur le déroulement de la carrière que sur le calcul de la pension. L'entrée dans le monde du travail est plus tardive, les périodes d'activité sont hachées, plus souvent interrompues. Nous pensons qu'il faut tenir compte de ces réalités, de ces inégalités devant l'accès à la retraite.
Pour toutes ces raisons, il conviendrait d'envisager un régime particulier pour le calcul des droits à l'assurance vieillesse des personnes handicapées. On pourrait envisager, par exemple, d'assortir les années d'activité professionnelle d'un coefficient. Les associations proposent 1,33. Par ailleurs, pourquoi ne pas ouvrir aux travailleurs handicapés qui le désirent le bénéfice d'une retraite pour inaptitude dès l'âge de 55 ans ?
Tel est le sens du présent amendement que je vous demande d'adopter, amendement qui participe à la reconnaissance par notre société des droits des personnes handicapées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait par un amendement de la commission portant article additionnel après l'article 16, qui vise à retenir un taux d'incapacité de 80 %, trente ans de travail et 55 ans d'âge.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que la commission. Si nous partageons évidemment le souci du groupe CRC, nous pensons toutefois que l'amendement n° 233 de la commission, qui sera examiné après l'article 16, plus centré sur les personnes ayant travaillé en tant que handicapés, traite mieux le problème. Je souhaite donc que le groupe CRC retire son amendement et se rallie à celui de la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 363.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 364, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Par mesure de justice sociale, les personnes ayant débuté leur activité professionnelle à l'âge de 14 ans, 15 ans ou 16 ans peuvent liquider leur retraite à taux plein, respectivement à l'âge de 54 ans, 55 ans ou 56 ans dès lors qu'ils totalisent quarante annuités de cotisation validées.
« II. - Les taux des contributions portant sur les revenus définis aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
M. François Fillon, ministre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Monsieur le président, j'invoque l'article 40 de la Constitution sur cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 364 n'est pas recevable.
M. le président. Art. 16. - I. - A la section 1 du chapitre Ier du titre V du livre III du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 351-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 351-1-1. - L'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 est abaissé, pour les assurés qui ont commencé leur activité avant un âge et dans des conditions déterminées par décret et ont accompli une durée totale d'assurance et de périodes reconnues équivalentes dans le régime général et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée totale ayant donné lieu à cotisations à la charge de l'assuré. Un décret précise les modalités d'application du présent article et notamment les conditions dans lesquelles le cas échéant une partie des périodes de service national peut être réputée avoir donné lieu au versement de cotisations. »
« II. - A la section 2 du chapitre IV du titre III du livre VI du même code, il est inséré un article L. 634-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 634-3-2. - L'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 est abaissé, pour les assurés qui ont commencé leur activité avant un âge et dans des conditions déterminées par décret et ont accompli une durée totale d'assurance dans les régimes d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales, industrielles et commerciales et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires et de périodes reconnues équivalentes au moins égale à un seuil défini par décret, tout ou partie de cette durée totale ayant donné lieu à cotisations à la charge de l'assuré. Un décret précise les modalités d'application du présent article et notamment les conditions dans lesquelles le cas échéant une partie des périodes de service national peut être réputée avoir donné lieu au versement de cotisations. »
La parole est à M. Robert Bret, sur l'article.
M. Robert Bret. L'article 16 du présent projet de loi revêt une certaine importance. Le rapport écrit y consacre, au total, un peu plus de quatre pages, et le débat sur les amendements risque de nous occuper encore quelque temps.
Au seuil de cette intervention sur l'article, nous sommes obligés de revenir à l'essentiel du sujet qu'il recouvre. Il s'agit du départ anticipé à la retraite des personnes ayant commencé à travailler jeunes et qui ont atteint les 160 trimestres requis pour bénéficier d'une pension ou d'une retraite à taux plein.
Dans les faits, ce sont au total 850 000 personnes qui auraient pu être concernées directement par le dispositif de l'article 16. On sait désormais qu'il en sera tout à fait autrement, puisque le mécanisme mis en place restreindra de fait le nombre des bénéficiaires potentiels de la mesure. On parle, en effet, de plus ou moins 200 000 personnes, et non plus de 850 000.
Nous sommes donc contraints, monsieur le ministre, de procéder à une analyse du choix opéré dans la rédaction initiale du projet de loi, que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale n'a pas profondément modifié.
L'aspiration à cesser toute activité professionnelle est assez fortement partagée par toutes celles et tous ceux qui font partie des salariés ayant commencé à travailler très tôt, notamment dans les années cinquante et soixante.
De manière générale, les emplois qu'ils ont occupés ou qu'ils occupent encore sont peu qualifiés, bien souvent astreignants et pénibles.
On observera d'ailleurs que les personnes concernées par l'article 16 peuvent, pour une part non négligeable, faire demain partie des salariés bénéficiant d'une prise en compte de la pénibilité de leur activité professionnelle au titre de la retraite, ce qui rend le présent article encore plus insuffisant.
Sur le niveau de qualité de l'emploi, force est de constater que, bien souvent, une vie professionnelle précoce va de pair avec une vie scolaire rapidement interrompue, avec tout ce que cela implique en termes de formation initiale.
C'est donc un dispositif en sifflet que met en place l'article 16, en décalant à chaque fois l'âge à partir duquel les choses pourront se mettre en oeuvre.
Au-delà de ces règles de calcul, le plus important est qu'il soit effectivement fait droit à l'attente des salariés concernés, attente que nous avions exprimée par le dépôt d'une proposition de loi qui, nous le regrettons, n'avait pu être discutée et adoptée à l'Assemblée nationale lors de la précédente législature.
L'article 16, s'il est corrigé et rendu plus directement opérationnel, quel que soit son coût théorique, sera la façon la plus humaine, à notre sens, de faire droit au départ en retraite anticipée.
Il sera en tout cas plus positif que le processus de licenciement de salariés âgés de 50 à 55 ans qui est encore à l'oeuvre dans de nombreuses entreprises, et plus positif que les dispositifs de préretraite, s'ils ne prévoient pas expressément l'embauche de jeunes salariés en contrepartie.
Il pourra être une réponse humaine et sociale à l'aspiration légitime de travailler moins longtemps quand on s'est mis à la tâche très jeune.
L'article 16 doit donc être amélioré. C'est le sens des amendements que nous présenterons et que nous vous demandons d'adopter.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, sur l'article.
Mme Claire-Lise Campion. Cet article traite du départ à la retraite avant 60 ans.
Cette disposition concerne nos concitoyens qui ont effectué une longue carrière professionnelle : celles et ceux qui ont commencé à travailler entre 14 et 16 ans et qui disposent de 40 annuités de cotisation. Ces personnes ont exercé bien souvent des professions particulièrement éprouvantes. Dans leur immense majorité, elles n'ont pu bénéficier de formation et se sont usées précocement.
Ce sont 800 000 salariés qui devraient pouvoir partir en retraite à taux plein avant 60 ans. Or il n'en est rien, et nombreux sont celles et ceux qui, au regard de leurs légitimes attentes, se sentiront dupés. En effet, cette disposition est suspendue à certaines conditions d'âge et de durée de cotisation qui seront précisées ultérieurement par décret.
Beaucoup de bruit a été fait autour de ce dispositif, mais, je vous le dis de nouveau, la déception de nombre de salariés est à prévoir. En effet, tous les salariés qui ont commencé à travailler tôt ne pourront pas forcément partir à la retraite ; alors pourquoi avoir fait autant de « tapage médiatique » ? C'est une duperie, car seules 150 000 personnes sur plus de 800 000 vont bénéficier de cette mesure.
A l'époque, M. le ministre avait omis de préciser que ne serait prise en compte que la durée effective d'assurance cotisée. Cela exclut beaucoup de monde : les femmes avec trois enfants, par exemple, et un grand nombre de travailleurs du bâtiment, car la durée d'apprentissage ne compte pas !
Dans les faits, pour pouvoir bénéficier de cette « moitié de progrès social », il faudra, pour partir à 56 ou à 57 ans, avoir cotisé 42 ans et, pour partir à 58 ans, avoir cotisé 41 ans. La déception de ces centaines de milliers de salariés risque d'être proportionnelle à l'espoir qu'a suscité une communication gouvernementale partielle, pour ne pas dire partiale.
M. Robert del Picchia. Allons !
Mme Claire-Lise Campion. En outre, cette disposition ne peut avoir de sens que si les partenaires sociaux parviennent à s'entendre sur le montant de la retraite complémentaire. On devra, sinon, s'en tenir à la seule retraite de base, qui sera bien maigre avec un plafonnement à 45 % ou à 50 % du SMIC. Croyez-vous que cela puisse suffire pour vivre ?
Monsieur le ministre, on ne peut guère parler de progression sociale. Il n'est vraiment pas possible de vivre avec le SMIC. Alors, avec 45 à 50 %...
Que se passera-t-il pour les bénéficiaires de votre disposition jusqu'au début des négociations des partenaires sociaux quant à la retraite complémentaire, sachant que les négociations ne devraient débuter que l'année prochaine ? Donnez-nous au moins l'assurance qu'ils pourront en bénéficier dès lors qu'ils feront valoir leurs droits.
Monsieur le ministre, avez-vous peur du progrès social pour établir cette disposition à demi-mesure ?
Monsieur le ministre, nous vous demandons de ne pas hésiter à aller jusqu'au bout, non pas de votre réforme, mais de cette faveur faite aux salariés qui ont débuté leur carrière très jeunes. Je le répète, ce dispositif finalement restreint quant à sa portée est étonnamment différent de ce qui était rédigé dans le courrier de propagande envoyé à l'ensemble de nos concitoyens.
Sans doute allez-vous nous opposer le coût d'une telle disposition pour tous. Il n'est toutefois pas aussi important que vous voulez bien nous le dire. Il a d'ailleurs été estimé à 3,9 milliards d'euros alors que vous avez parlé de 11 milliards d'euros. Mais sans doute avez-vous une explication à nous donner.
Dans la mesure où vous avez accepté la prise en compte d'une année de service national dans la durée de cotisation, allez-vous élargir cette mesure aux salariés qui ont commencé à travailler tôt en effectuant un apprentissage ?
M. le président. Je suis saisi de quinze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 913, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi cet article :
« Après le premier alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle garantit également une pension de retraite à taux plein, à l'assuré qui en demande la liquidation lorsqu'il justifie de la durée requise d'assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires, avant l'âge de 60 ans.
« Les personnes qui bénéficient de l'allocation équivalent retraite prévue à l'article L. 351-10-1 du code du travail peuvent opter pour la liquidation de leur pension de retraite à taux plein. »
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 365 est présenté par MM. Fischer, Bret et Coquelle, Mmes David, Didier et Luc et M. Renar.
L'amendement n° 366 est présenté par Mmes Demessine, Beaufils et Beaudeau, M. Foucaud, Mme Mathon, MM. Le Cam et Biarnès.
L'amendement n° 367 est présenté par Mme Borvo, M. Muzeau, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Terrade et M. Loridant.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale :
« I. - Art. L. 351-1-1. - L'assurance vieillesse garantit également une pension de retraite à taux plein à l'assuré qui en demande la liquidation lorsqu'il justifie de la durée requise d'assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, avant l'âge mentionné au premier alinéa de l'article L. 351-1 du présent code. »
« II. - Les dispositions du I sont applicables au plus tôt le 1er janvier 2004 et à compter de l'entrée en vigueur des arrêtés portant extension et élargissement d'avenants aux accords nationaux interprofessionnels prévus à l'article L. 921-4 prévoyant que les personnes concernées peuvent percevoir leurs pensions de retraite complémentaire au même âge et sans coefficient d'abattement.
« III. - Compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les taux des contributions prévus aux articles L. 136-6 et 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
L'amendement n° 369, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots : "est abaissé", par les mots : "n'est pas opposable". »
L'amendement n° 370, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots : "qui ont commencé leur activité avant un âge et dans des conditions déterminées par décret et ont" par les mots : "ayant". »
L'amendement n° 37, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : "conditions déterminées par décret", insérer les mots : ", qui prend notamment en compte dans le décompte des périodes d'assurance les périodes, à compter de quatorze ans, pendant lesquelles l'assuré a été aide familial,".
« II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes pour la sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
L'amendement n° 371, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots : "au moins égale à une limite définie par décret", par les mots : "cent soixante trimestres". »
L'amendement n° 914, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots : "au moins égale à une limite définie par décret" par les mots : "de cent soixante trimestres validés". »
L'amendement n° 232 rectifié, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« I. - Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce décret précise également les conditions dans lesquelles la pension est majorée lorsque l'assuré a accompli, postérieurement à la date à laquelle il remplit les conditions ci-dessus et avant l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, des périodes d'assurance ayant donné lieu à cotisations à sa charge. Les dispositions du présent alinéa sont applicables aux périodes accomplies à partir de l'entrée en vigueur du décret précité. ».
« II - Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 634-3-2 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce décret précise également les conditions dans lesquelles la pension est majorée lorsque l'assuré a accompli, postérieurement à la date à laquelle il remplit les conditions ci-dessus et avant l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, des périodes d'assurance ayant donné lieu à cotisations à sa charge. Les dispositions du présent alinéa sont applicables aux périodes accomplies à partir de l'entrée en vigueur du décret précité. »
L'amendement n° 368, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 634-3-2 du code de la sécurité sociale :
« I. - Art. L. 351-1-1. - L'assurance vieillesse garantit également une pension de retraite à taux plein à l'assuré qui en demande la liquidation lorsqu'il justifie de la durée requise d'assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, avant l'âge mentionné au premier alinéa de l'article L. 351-1 du présent code.
« II. - Les disposition du I sont applicables au plus tôt le 1er janvier 2004 et à compter de l'entrée en vigueur des arrêtés portant extension et élargissement d'avenants aux accords nationaux interprofessionnels prévus à l'article L. 921-4 prévoyant que les personnes concernées peuvent percevoir leurs pensions de retraite complémentaire au même âge et sans coefficient d'abattement.
« III. - Compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... Les taux des contributions prévus aux articles L. 136-6 et 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
L'amendement n° 372, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 634-3-2 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots : "est abaissé", par les mots : "n'est pas opposable". »
L'amendement n° 373, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 634-3-2 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots : "qui ont commencé leur activité avant un âge déterminé par décret et ont", par les mots : "ayant". »
L'amendement n° 374, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 634-3-2 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots : "au moins égale à un seuil défini par décret", par les mots : "à cent soixante trimestres". »
L'amendement n° 1099 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« III. - Aux articles L. 341-15 et L. 341-16 du même code, les mots : "l'âge minimum auquel s'ouvre le droit à pension de vieillesse" sont remplacés par les mots : "l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1".
« Au deuxième alinéa du IV de l'article 19 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, les mots : "l'âge minimum auquel s'ouvre le droit à une pension de vieillesse ou à une pension de réversion" sont remplacés par les mots : ", respectivement, l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1 et l'âge prévu à l'article L. 342-6". »
M. François Fillon, ministre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. J'invoque l'article 40 de la Constitution sur les amendements n°s 913, 365, 366, 367, 369, 370, 37, 371, 914, 368, 372, 373 et 374.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'article 40 de la Constitution est-il applicable à ces treize amendements ?
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, les amendements n°s 913, 365 à 367, 369, 370, 37, 371, 914, 368, 372 à 374 ne sont pas recevables.
Seuls les amendements n°s 232 rectifié et 1099 rectifié restent donc en discussion.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 232 rectifié.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L'article 16 prévoit une dérogation en faveur des personnes justifiant d'une longue carrière. Le départ de ces personnes qui ont commencé à travailler jeunes, à 14, 15 ou 16 ans, et qui justifient d'une durée d'assurance supérieure à 40 annuités était posé comme une question d'équité par les partenaires sociaux.
Le projet de loi prend en compte cette revendication. Toutefois, la commission s'est interrogée sur deux points. Tout d'abord, si les salariés ne veulent pas partir à la retraite avant 60 ans, est-il juste qu'ils ne bénéficient d'aucun avantage en retour de leur effort supplémentaire ? Par ailleurs, les salariés qui partent à la retraite ne vont-ils pas subir une diminution de leur retraite du fait d'une perte de points dans les régimes complémentaires ?
La commission a donc estimé qu'il n'appartenait pas aux pouvoirs publics de trancher a priori ce qui relève d'un choix de vie du salarié. Aussi, pour permettre à ces assurés d'effectuer un véritable choix, la commission propose d'instaurer à leur bénéfice une surcote pour les périodes où ils demeurent en activité après leur éligibilité au système.
J'ajoute que ce système est conforme à l'esprit du projet de loi tendant à encourager le maintien en activité, car il permet d'améliorer la pension des salariés qui en font le choix, sans oublier qu'il a bien évidemment une incidence économique sur les régimes.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 1099 rectifié et pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 232 rectifié.
M. François Fillon, ministre. Je voudrais d'emblée répondre aux sénateurs qui sont intervenus sur l'article 16.
Le Gouvernement a décidé de prendre en compte, pour la première fois dans notre pays - c'est d'ailleurs une disposition tout à fait unique en Europe -, la situation des personnes ayant commencé à travailler tôt : il a donc proposé une mesure de départ anticipé à la retraite.
Tous les assurés réunissant avant 60 ans la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une retraite à taux plein ne peuvent cependant pas entrer dans le champ d'une telle mesure, dont le coût serait alors de nature à compromettre gravement l'équilibre financier des régimes de retraite.
Même si une mesure générale était restreinte aux seuls assurés âgés de 58 ou 59 ans, par exemple, le surcoût annuel à la charge de la collectivité s'élèverait à environ 4,3 milliards d'euros, auxquels il faut naturellement ajouter une perte de cotisations de sécurité sociale estimée à 890 millions d'euros.
Selon les conditions d'ouverture du droit au départ anticipé telles qu'elles résultent du relevé de décisions qui a été signé par le Gouvernement et par les responsables syndicaux le 15 mai dernier - je rappelle en effet que cette disposition est le fruit de la négociation avec les partenaires sociaux -, près de 200 000 personnes pourront bénéficier en 2004 d'un départ anticipé à la retraite.
Sur cette base, le coût d'une telle mesure avoisinerait, pour le seul régime général, 1,2 à 1,3 milliard d'euros. Si ces chiffres sont le résultat d'une estimation, c'est parce qu'il est naturellement impossible de prévoir précisément combien de personnes choisiront cette opportunité.
Ces chiffres seront cependant inévitablement supérieurs du fait de la mesure adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale qui consiste à prendre en compte - sous certaines conditions - les périodes de service militaire. Le surcoût de cet amendement est estimé à 170 millions d'euros.
Entre 2004 et 2005, cet avantage pourra être financé par l'excédent de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, lequel devrait s'établir respectivement à 1,6 et à 1,2 milliard d'euros. A partir de 2006, en revanche, une hausse de 0,2 point des cotisations vieillesse est prévue, notamment pour financer cette mesure.
Au-delà, l'équilibre des comptes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse sera lié à la situation de l'emploi. Mais, à partir de 2010, le coût de la mesure devrait réduire sensiblement, pour s'établir à quelque 300 millions d'euros en 2020.
En ce qui concerne l'application de la mesure dans les régimes complémentaires, je rappellerai que l'accord obtenu par le Gouvernement le 15 mai dernier sur la mesure de départ anticipé a toute son importance parce que les signataires sont précisément les partenaires sociaux en charge des régimes complémentaires. En signant cet accord, ils se sont aussi engagés sur cette mesure.
L'article 16 représente une avancée sociale considérable qui était réclamée depuis des années par de nombreux parlementaires, aussi bien sur les bancs de l'Assemblée nationale que sur les travées du Sénat. Certains peuvent naturellement considérer qu'elle ne va pas aussi loin qu'ils l'auraient souhaité, et je viens d'expliquer pourquoi on ne peut le faire. Je pense toutefois que tous ceux qui, pendant des années, ont refusé cette mesure, n'ont rien fait et ont opposé l'article 40 de la Constitution à une proposition du groupe communiste et républicain à l'Assemblée nationale sont extrêmement mal placés pour venir nous donner des leçons sur ce sujet ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
En ce qui concerne l'amendement n° 232 rectifié de la commission des affaires sociales, il est cohérent avec l'un des objectifs du projet de loi, qui est de favoriser le maintien en activité des salariés âgés par des mesures incitatives laissant à l'assuré une véritable liberté de choix. La proposition de la commission soulève toutefois deux problèmes que je voudrais évoquer.
D'abord, la surcote envisagée par M. le rapporteur, contrairement à celle prévue par l'article 17, devrait être coûteuse pour les régimes. La possibilité de retraite anticipée qui est offerte par l'article 16 s'adresse, en effet, à des personnes ayant ont commencé à travailler très jeunes et ayant eu de très longues carrières. Comme nous l'ont expliqué les partenaires sociaux, particulièrement attachés à cette mesure, ces personnes aspirent à partir plus tôt à la retraite.
Pour celles qui, pour des raisons personnelles, auraient en toute hypothèse choisi de ne pas utiliser la faculté de départ anticipé, une surcote représenterait systématiquement un surcoût.
En second lieu, cette mesure entraînerait pour les régimes - j'attire particulièrement votre attention sur ce point - des charges de gestion considérables. Elle obligerait en effet à vérifier pour tous les assurés, qu'ils aient ou non demandé la retraite anticipée, à quel âge ils ont commencé à travailler et combien de périodes cotisées ils ont effectuées dans l'ensemble des régimes dont ils ont relevé. Les régimes n'auront en tout cas pas cette capacité avant au moins deux ans. Il faudrait donc, en toute hypothèse, pour que l'amendement n° 232 rectifié puisse être mis en oeuvre, en retarder l'application jusqu'au 1er janvier 2006.
Si la commission acceptait de rectifier son amendement, le Gouvernement émettrait alors un avis favorable.
J'en viens à l'amendement n° 1099 du Gouvernement. La pension d'invalidité est automatiquement convertie en pension de vieillesse à partir de l'âge minimum auquel s'ouvre le droit à la retraite, c'est-à-dire 60 ans aujourd'hui.
L'article 16 ouvrant droit, pour une partie des assurés, à un départ plus précoce, il convient de remplacer les renvois à cette notion d'âge minimum par un renvoi explicite à l'âge de droit commun. Il s'agit donc d'un amendement de cohérence.
M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 232 rectifié dans le sens suggéré par M. le ministre ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. J'ai écouté avec attention M. le ministre et j'accepte de préciser dans l'amendement que les dispositions seront applicables à compter du 1er janvier 2006.
Nous tenons, je le répète, à cet amendement, qui est conforme à l'esprit du projet de loi, et je suis très sensible au fait qu'il reçoive l'accord du Gouvernement.
Ainsi, l'assuré peut faire son propre choix et, s'il le souhaite, poursuivre son activité, même après 42 ans de cotisation, pendant quelques années, jusqu'à l'échéance des 60 ans.
Par ailleurs, j'indique que la commission est favorable à l'amendement n° 1099 rectifié du Gouvernement.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 232 rectifié bis, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
« I. - Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce décret précise également les conditions dans lesquelles la pension est majorée lorsque l'assuré a accompli, postérieurement à la date à laquelle il remplit les conditions ci-dessus et avant l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, des périodes d'assurance ayant donné lieu à cotisations à sa charge. Les dispositions du présent alinéa sont applicables aux périodes accomplies à compter du 1er janvier 2006. »
« II. - Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 624-3-2 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce décret précise également les conditions dans lesquelles la pension est majorée lorsque l'assuré a accompli, postérieurement à la date à laquelle il remplit les conditions ci-dessus et avant l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, des périodes d'assurance ayant donné lieu à cotisations à sa charge. Les dispositions du présent alinéa sont applicables aux périodes accomplies à compter du 1er janvier 2006. »
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 38 du règlement du Sénat.
Le fait d'invoquer l'article 40 de la Constitution pour empêcher l'examen de nos amendements mérite d'être souligné, même si nous pouvions nous y attendre.
M. Robert Del Picchia. C'est logique !
Mme Nicole Borvo. Le Gouvernement considère qu'ils ne sont pas recevables sur le plan financier.
L'article 40 nous a déjà été opposé précédemment, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, mais cela fait longtemps que nous essayons de défendre le droit des salariés qui ont commencé à travailler jeunes, souvent à 14 ans, de prendre leur retraite avant 60 ans. Par conséquent, même cause, mêmes effets !
Je trouve scandaleux que ce débat ne puisse aller à son terme et que l'irrecevabilité financière soit opposée à une simple mesure de justice sociale attendue depuis longtemps !
La question posée est pourtant simple : voulons-nous, oui ou non, mettre en place un dispositif d'une portée réelle pour résoudre durablement le problème du départ à la retraite de ceux qui ont effectué des carrières longues, et permettre ainsi un plus grand renouvellement des générations de salariés ou de travailleurs ?
Nous pouvons, nous, trouver dans la réduction du nombre des sans-emploi motif à alléger une partie du coût social du sous-emploi des jeunes. En matière de coût, il faut raisonner globalement. Nous savons ce qu'il en coûte des jeunes qui ne trouvent pas d'accès au travail.
Ne pouvons-nous pas faire un effort financier pour permettre à quelques vieux travailleurs de bénéficier de leur temps de retraite avec leurs petits-enfants ? D'autant que, chacun le sait, ce sont souvent ceux qui ont commencé à travailler à 14 ans qui n'ont pas l'espérance de vie la plus longue. Vous connaissez les inégalités en matière d'espérance de vie et vous savez, hélas ! combien l'injustice est grande ! Souvent, ces travailleurs ne profitent pas longtemps de leur retraite, et c'est encore vrai au XXIe siècle, excusez-moi de vous le rappeler !
Pour ces raisons, monsieur le ministre, nous protestons vivement contre la décision que vous avez prise d'invoquer l'article 40, mettant ainsi fin au débat, alors qu'il eût été à l'honneur du Sénat d'adopter notre amendement n° 365.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Je mets aux voix l'amendement n° 232 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1099 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote sur l'article 16.
Mme Claire-Lise Campion. Cet article est important, puisque les carrières longues sont l'un des points sur lesquels les discussions ont permis une forme d'avancée. Le débat sur le départ à la retraite à 60 ans pour certains salariés est indissociable de celui de la pénibilité.
Il existe chez les salariés qui ont commencé à travailler très jeunes, dès 14 ans ou 15 ans, une très forte aspiration à cesser leur activité et à profiter sans attendre d'une retraite plus que méritée. Ces hommes et ces femmes ont connu des conditions de travail pénibles, souvent précaires, pour accomplir les tâches les plus ingrates. Peu qualifiés, ils ont, de plus, la plupart du temps, touché de petits salaires.
Au-delà du principe annoncé, auquel nous souscrivons et auquel nous avions souscrit bien avant, cette proposition étant inscrite dans le programme de Lionel Jospin, nous avons quelques inquiétudes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Tout d'abord, c'est un décret qui devra déterminer la durée totale d'assurance. Quelle sera cette durée ?
Monsieur le ministre, nous sommes inquiets, et le rapporteur de l'Assemblée nationale n'a pas réduit notre inquiétude en mettant l'accent sur le coût non négligeable d'une telle mesure, coût qu'il semble difficile d'assumer au vu de la conjoncture économique actuelle.
On estime en effet à près de 800 000 le nombre de personnes qui peuvent prétendre à un départ à la retraite à 60 ans, compte tenu de leur durée de cotisation. Or, au regard des financements que vous allez mobiliser, le dispositif ne permettra pas, en réalité, de toucher plus de 150 000 personnes.
Je voudrais insister sur un autre élément : ce dispositif n'a de sens que si les partenaires s'entendent sur le montant de la retraite complémentaire. Si, malheureusement, la négociation aboutit à un blocage - on connaît les comptes des régimes AGIRC ! -, cela aura une incidence profonde sur les salaires.
En effet, si l'on ne s'appuie que sur une retraite de base, sans retraite complémentaire, une personne ayant cotisé 40 annuités risque de se retrouver avec une pension de retraite de l'ordre de 45 % à 50 % du SMIC.
Ce dispositif aurait pu être plus dynamique et chargé d'espoir. Nous regrettons que ce ne soit pas le cas.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. L'article 16 vise des assurés ayant commencé leur activité très jeunes, à l'âge de 14, 15 ou 16 ans. Le dispositif législatif actuel ne leur permet pas, en effet, après leurs 40 annuités de cotisation, de bénéficier d'un départ anticipé avant 60 ans.
Cette situation est particulièrement injuste au regard de la nature du travail généralement pénible effectué par ces personnes. Certains, par exemple, ont exercé leur profession en équipes de trois-huit, rythme dont on connaît les effets négatifs sur la santé humaine. D'autres - ce sont souvent les mêmes d'ailleurs - ont, travaillant sur une chaîne de production, été soumis à des rythmes de travail élevés. Je pense à ces ouvrières du secteur du textile et de l'habillement qui ont débuté à 15 ans ou à 16 ans sur la chaîne. Elles ont connu les grands bouleversements technologiques qui ont conduit à rationaliser la production, à augmenter de manière drastique les gains de productivité et, parallèlement, l'intensité du travail. Avant 60 ans, monsieur le ministre, ces femmes sont usées !
Par ailleurs, les plans massifs de licenciements menés par les grands groupes depuis plusieurs années ont provoqué de véritables drames : beaucoup de femmes, âgées, pour certaines d'entre elles, de 55, 56 ou 57 ans et ayant toujours, depuis l'âge de 14 ans, 15 ans ou 16 ans, travaillé dans la même entreprise, ont été licenciées.
Monsieur le ministre, ce serait une mesure d'équité sociale que de permettre à ces assurés de bénéficier de leur retraite à taux plein, dès lors qu'ils cumulent les 40 annuités de cotisation.
Or, en ce domaine, vous présentez cet article 16 comme un progrès social, alors que votre réforme allonge à 42 ans le nombre d'annuités nécessaires, y compris pour cette catégorie de population ayant commencé à travailler très tôt.
Vous donnez d'un côté pour reprendre de l'autre. Cette façon de procéder fait que le gain pour ces personnes risque d'être nul.
En 2001, notre groupe avait déposé une proposition de loi visant à permettre aux salariés ayant atteint 40 annuités de cotisation de bénéficier du droit à la retraite à taux plein, sans pour autant atteindre l'âge de 60 ans. Nous soulignions qu'il s'agissait là à la fois d'une mesure de justice sociale, d'une preuve de modernité pour une société développée et d'une solution au problème du chômage. Cette mesure permettrait, en effet, de redynamiser l'emploi par la création de centaines de milliers d'emplois dont les jeunes générations sont actuellement privées.
Au fond, et ce projet de loi en est l'exacte illustration, vous refusez de mener une véritable politique globale de l'emploi tenant compte de l'ensemble des variables sur lesquelles on peut agir efficacement pour redresser la situation économique, sans accroître les inégalités.
Le secteur des PME, de l'artisanat et du commerce subit aujourd'hui de plein fouet les conséquences de votre politique. S'il a pu jouer un rôle d'amortisseur de la crise lorsque les grands groupes se livraient à des saignées d'emploi, son dynamisme est de plus en plus entravé par des conditions d'accès extrêmement difficiles ou inédites, alors que les marchés financiers continuent d'attirer les flux financiers. Les pressions à la baisse des coûts qu'exercent dans le même temps les grandes entreprises donneuses d'ordres ont pour conséquence une détérioration des conditions de travail et une précarisation accrue.
Dans de telles conditions, il nous paraît d'autant plus essentiel que les salariés de ces secteurs ayant débuté leur activité professionnelle très tôt puissent partir à la retraite après 40 annuités de cotisation.
Mais nous ne partageons pas la même conception du choix de société, car nous demeurons attachés au souci de conjuguer progrès social, lutte contre le chômage et développement de la solidarité entre les générations.
Enfin, comment ne pas souligner que l'on ne résoudra pas la situation actuelle de cette catégorie sociale si l'on ne réexamine pas l'âge légal de la liquidation de la retraite complémentaire, qui demeure fixé à 65 ans ?
Cet article laisse donc en suspens, comme on vient de le montrer, un certain nombre de questions qu'il faudra bien que vous ayez l'audace et le courage de mettre en débat !
Mais cela suppose de discuter sur le fond de l'ensemble de votre politique, qui, loin de favoriser la croissance et la création d'emplois, nous condamne à une situation de chômage durable sur fond d'accroissement des inégalités sociales et d'appauvrissement d'une grande partie des Français.
Tel est le sens de nos amendements, dont nous regrettons de ne pouvoir débattre puisque vous leur avez opposé l'article 40 de la Constitution. Nous dénonçons cet oukase qui nous interdit de discuter de questions qui sont au coeur des préoccupations de toutes les personnes qui ont souffert, tout au long de leur carrière professionnelle, dans des emplois pénibles. Nous ne proposions qu'une mesure de justice sociale.
Dans ces conditions, pour marquer notre protestation, nous refuserons de participer au vote de l'article 16.
M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
M. le président. Les articles appelés par priorité ayant été examinés, nous en revenons maintenant aux articles additionnels avant l'article 1er.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de trente-trois amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er.
Les douze premiers peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Mais, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
L'amendement n° 803, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Pour garantir un niveau élevé de pensions et le droit à la retraite à soixante ans, la réforme des retraites doit s'appuyer sur une politique économique forte en faveur de l'emploi, avec la mise en oeuvre d'un pacte national pour l'emploi favorisant l'accès à l'emploi pour les jeunes, réduisant le recours à l'emploi précaire, notamment pour les femmes, et le maintien en activité des salariés âgés de plus de cinquante ans. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Le groupe socialiste voulait présenter un certain nombre d'amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er, amendements à caractère politique, pour tenter de réorienter le projet de loi ; mais vous avez décidé de passer en force.
Après avoir refusé une véritable négociation avec les partenaires sociaux, vous avez ouvert un débat parlementaire dont vous avez fixé les limites, je dirai même les contraintes. Ici, vous utilisez toutes les ficelles de la procédure.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, c'est du bon sens !
M. Jean-Pierre Schosteck. Vous aussi !
M. Gilbert Chabroux. Vous exercez des pressions (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Inadmissible !
M. Gilbert Chabroux. ... voire des tentatives d'intimidation (Rires et exclamations sur les mêmes travées.)
Si nous persistions et signions, nous aurions une séance cet après-midi et une séance ce soir.
M. Jean Chérioux. Nous sommes prêts !
M. Roger Karoutchi. Même demain, si vous voulez !
M. Gilbert Chabroux. Mes chers collègues, nous avons déposé deux cents amendements. Considérez que ce n'est pas excessif sur un texte d'une telle importance. Nous n'avons pas fait d'obstruction.
M. Jean Chérioux. Il vaut mieux que vous l'affirmiez !
M. Gilbert Chabroux. Nous voulions débattre.
Le choix que vous faites, le choix délibéré d'imposer votre réforme coûte que coûte, est lourd de conséquences. La droite a ainsi semé de la rancoeur et provoqué un sentiment d'humiliation et de mépris (Oh ! sur les travées de l'UMP) chez tous ceux qui se sont mobilisés pour demander une véritable négociation, « la rue », et nous avons entendu à ce sujet vos propos, teintés vraiment d'une connotation très péjorative.
M. Roger Karoutchi. Non !
M. Gilbert Chabroux. Une réforme de cette importance ne pouvait pas être élaborée autrement que dans le dialogue, la transparence et la recherche du compromis. Mais vous avez contribué et réussi à créer un mauvais climat et à semer la confusion. Le débat est devenu incohérent.
A quoi cela servirait-il de présenter maintenant ces amendements qui devaient éclairer le projet d'une réforme des retraites, réforme dont nous savons bien qu'elle est inéluctable ? Nous voulions pouvoir la réorienter, et ces amendements avaient leur place, leur importance et tout leur sens.
Nous voulions démontrer qu'il n'existe pas de pérennisation possible des régimes de répartition sans un taux d'activité élevé et un niveau d'emploi satisfaisant pour tous les salariés, notamment pour les plus de 50 ans.
M. Jean Chérioux. C'est un scoop !
M. Gilbert Chabroux. Nous devrions être d'accord sur ce point. Cette constatation fait apparaître la nécessité d'une politique économique forte en faveur de l'emploi, avec la mise en oeuvre d'un pacte national pour l'emploi. Nous voulions présenter ce pacte destiné à favoriser, entre autres, l'accès à l'emploi pour les jeunes, à réduire le recours au travail précaire, notamment pour les femmes, et à permettre le maintien en activité des salariés âgés de plus de 50 ans. Nous voulions également insister sur le rôle de la formation professionnelle.
Vous conviendrez avec moi qu'il s'agit de points essentiels. Nous voulions les développer pour engager un débat.
Mais, compte tenu de la situation, je m'interroge. Nous jouerons bien entendu notre rôle et nous remplirons notre mission jusqu'au bout. Mais, chers collègues, nous avons compris : nous allons réduire le nombre de nos interventions. Nous ne présenterons que quelques-uns des trente-trois amendements qui viennent maintenant en discussion.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas trop !
M. Gilbert Chabroux. L'amendement n° 803 a trait à la politique économique, qui est un sujet important.
Permettez-moi de citer des propos que nous avons tous relevés dans la presse, voilà quelques jours : « Il faut maintenant revenir à des sujets un peu oubliés ces derniers temps : l'emploi, celui des jeunes et celui des seniors, la pénibilité de certains métiers et l'emploi précaire, notamment celui des femmes. Derrière les retraites, c'est toute la question du travail et de l'emploi durable qui est posée.
« Hélas ! le Gouvernement n'a pas de politique de l'emploi. Jean-Pierre Raffarin fait quatre erreurs. Il attend tout de la reprise économique. Il tourne le dos aux politiques d'accompagnement social et il baisse les charges sociales sans demander de contrepartie en termes d'emplois aux entreprises. Sa dernière erreur, c'est son obsession de la baisse des impôts, qui engendre de l'épargne plutôt que de la consommation, des déficits supplémentaires ou une diminution purement comptable des dépenses publiques. »
Qui tient ces propos ? Vous avez reconnu, bien entendu,...
M. Roger Karoutchi. Le MEDEF !
M. Gibert Chabroux. Non, ce n'est pas le MEDEF !
M. Roger Karoutchi. Ah, je croyais ! (Sourires.)
M. Gilbert Chabroux. C'est François Chérèque, secrétaire général de la CFDT !
En lisant ces lignes parues dans le journal Les Echos,...
M. Roger Karoutchi. Bonne lecture !
M. Gilbert Chabroux. ... on a envie de dire que, même pour des syndicalistes que l'on peut qualifier de modérés, l'incohérence de la politique de l'emploi menée sous la direction de M. Jean-Pierre Raffarin est une évidence. Cela mérite un débat !
Certes, il y a dans votre politique sociale, considérée globalement, une cohérence : celle de la régression. Nous avons déjà eu l'occasion de le dire dans ce débat, et nous y reviendrons certainement à l'automne, lorsque le Gouvernement s'attaquera au dossier de l'assurance maladie des Français.
Au demeurant, si les propos de M. Chérèque frappent juste, je crois qu'ils ne sont pas encore assez précis quant à la baisse des impôts, sujet que nous avons à peine évoqué. Cette baisse est en effet sélective, et ce d'une manière tout à fait intéressante. Certes, le Président de la République fait les plus grands efforts pour tenir ses engagements. Ceux qui en bénéficient en sont certainement satisfaits.
M. Hilaire Flandre. Vous en êtes !
M. Gilbert Chabroux. J'en suis ! Et vous aussi !
M. Hilaire Flandre. Non, moi, je n'en suis pas !
M. Gilbert Chabroux. Mais je suis là pour défendre non pas l'intérêt de mon parti, mais l'intérêt de la patrie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mais quand les collectivités territoriales sont obligées, dans le même temps, d'augmenter les impôts locaux, il y a là un fâcheux effet de compensation. En d'autres termes, quand l'impôt sur le revenu baisse de 6 % sur deux ans et que les impôts locaux augmentent de 4 %, les ménages aisés continuent à y gagner, les ménages aux revenus plus moyens perdent au change.
Quant aux ménages modestes, ils sont trop rarement exonérés de la taxe d'habitation et sont donc totalement perdants. Et ce ne sont certes pas eux qui vont bénéficier des accommodements gouvernementaux sur l'impôt sur la fortune.
Ce n'est donc pas une politique en faveur des classes moyennes que vous menez, comme certains ont voulu le croire, monsieur le ministre. C'est bien une politique en faveur des plus favorisés, de ceux qui ont un patrimoine important et les revenus les plus confortables.
Si je tiens à rappeler cela, c'est qu'il n'est pas possible tout à la fois de soutenir que nous devons tous consentir à des sacrifices pour sauver l'économie et d'en exonérer méthodiquement les catégories les plus riches.
Au demeurant, tout cela n'a pas échappé à l'opinion publique, qui perçoit très bien que les diminutions d'impôts ne sont que des transferts et des illusions.
Autrefois, ceux qui voulaient persifler disaient : « Il vaut mieux taxer les pauvres, ils sont plus nombreux. »
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas nous !
M. Gilbert Chabroux. Mes chers collègues, je pose des questions ; je n'allongerai pas mon propos, afin de ne pas nuire au dynamisme de nos débats.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Merci !
M. Gilbert Chabroux. Nous serions néanmoins heureux de connaître votre avis, monsieur le ministre. Je ne me suis pas éloigné du problème des retraites, ni du projet de loi que vous nous présentez...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oh non !
M. Gilbert Chabroux. Pas du tout !
Ce projet de loi fait porter l'effort sur les seuls salariés, alors que les entreprises en sont exonérées. Ce n'est pas une solution équitable. C'est comme pour le problème de l'impôt : les solutions justes existent, à condition de sortir du dogme libéral selon lequel tout impôt est, par définition, une charge insupportable, surtout pour les entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur Chabroux, la présentation de l'amendement n° 803 vaut-elle pour l'ensemble des amendements qui font l'objet de la discussion commune ? (M. Gilbert Chabroux fait un signe de dénégation.)
Pourriez-vous alors nous indiquer ceux que vous allez défendre, afin de faciliter le débat ?
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, j'essaierai d'être bref : j'ai compris ! Mais des problèmes se posent s'agissant des femmes, de la précarité, du financement, des jeunes ou des plans sociaux, et il faut bien en parler !
M. Jean Chérioux. Vous en avez déjà parlé !
M. Gilbert Chabroux. On a parlé à tort et à travers dans ce débat qui n'est pas organisé et qui est sans queue ni tête.
M. Jean Chérioux. Le débat est désorganisé à cause de vous ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gilbert Chabroux. Qui a créé cette situation ? J'ai entendu dire qu'il fallait faire preuve de pédagogie. Croyez bien que je ne demande que cela ! Nous sommes tous, ici, des pédagogues,...
M. Jean Chérioux. Des démagogues !
M. Gilbert Chabroux. Non !
... mais comment peut-on faire de la pédagogie dans de telles conditions ?
Je propose que nous examinions les amendements n°s 804, 805, 807, 813, 826, 827, 820 et 814. Nous pourrons alors partir en week-end, aller défiler et « voir et complimenter l'armée française ». (Sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 804, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La réforme des retraites doit s'appuyer sur une politique économique forte en faveur de l'emploi, avec la mise en oeuvre d'un pacte national pour l'emploi favorisant l'accès à l'emploi pour les jeunes, réduisant le recours à l'emploi précaire notamment pour les femmes et le maintien en activité des salariés âgés de plus de cinquante ans, avec un effort important pour la formation professionnelle continue tout au long de la vie et la création d'une véritable sécurité sociale du travail permettant aux salariés d'assurer la continuité de leurs carrières professionnelles. »
La parole est Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Parmi les questions qu'il pose en matière de solidarité et de choix de société, le projet de loi sur les retraites ne peut éluder celle de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Nous craignons qu'il ne néglige totalement la situation spécifique sur le plan familial et le vécu professionnel des femmes. Ce faisant, il aggravera les inégalités entre les hommes et femmes.
Le régime de retraite des salariés a été instauré à une période où peu de femmes étaient salariées. Certes, les femmes travaillaient et assuraient gratuitement les soins du ménage, l'éducation des enfants, la participation aux travaux agricoles, un travail d'employé sans statut chez les commerçants et artisans.
Pratiquement, seules les femmes qui travaillaient dans l'industrie ou étaient employées de bureau se voyaient reconnaître un statut. Encore n'occupaient-elles que des emplois subalternes et moins bien rémunérés que les hommes, même à travail égal. La plupart des femmes ne bénéficiaient donc que de droits dérivés. Il faudra attendre la loi Roudy de 1983 pour voir les choses changer de manière significative.
Aujourd'hui, 80 % des femmes entre 25 et 50 ans travaillent. Les inégalités d'emploi ont régressé, mais les femmes restent victimes de la pesanteur sociale, qui se traduit souvent par des discriminations économiques.
Ce sont d'abord les femmes qui sont désignées, comme si c'était une loi naturelle, pour interrompre leur carrière afin de s'occuper des enfants, des personnes âgées, malades ou handicapées dans leur famille. Ce sont les femmes - qui cela est lié - forment 80 % des salariés à temps partiel.
Dans un tel contexte, il est du rôle des politiques de prendre en compte ces inégalités de fait pour les réduire, mais d'abord pour ne pas les aggraver.
Ce projet de loi va dans un sens diamétralement opposé. Il faut souligner que 39 % des femmes retraitées n'ont pu faire une carrière complète, que les retraites des femmes sont de 42 % inférieures à celles des hommes et que 83 % des retraités pauvres sont des femmes.
Nous avons eu plusieurs occasions, je le sais, d'évoquer ces chiffres au cours du débat, mais il est utile de les rappeler encore et toujours.
L'allongement de la durée de cotisation exigé par le projet de loi va donc toucher les femmes encore plus durement que leurs collègues masculins. Encore moins de femmes partiront avec une retraite à taux plein. Les femmes, je le répète, touchent, en moyenne, 773 euros par mois de retraite contre 1524 euros pour les hommes.
A moins que vous n'envisagiez de faire travailler les femmes encore plus longtemps que les hommes ! C'est déjà le cas aujourd'hui : Les femmes prennent leur retraite en moyenne deux ans plus tard que les hommes par manque d'annuités, puisqu'elles ont dû interrompre leur activité ou travailler à temps partiel.
La politique suivie par les gouvernements conservateurs ne fait qu'aggraver les choses. L'extension de l'allocation parentale d'éducation, l'APE, au deuxième enfant en 1994 a fait sortir du monde du travail 500 000 femmes dont les salaires étaient proches du SMIC. Certes, cela fait de la place pour d'autres, et c'est bon pour les statistiques du chômage. Mais comment ces femmes reviennent-elles sur le marché de l'emploi ensuite, si ce n'est souvent dans la précarité ? Quant à celles qui s'arrêtent totalement de travailler, elles connaissent les plus grandes difficultés arrivées à l'âge de la retraite.
Le projet gouvernemental d'accorder l'APE dès le premier enfant est un leurre supplémentaire, qui permettra de diminuer artificiellement le nombre de chômeurs. Il correspond à la suppresison des fonds spécifiques pour les crèches collectives ; nous l'avons dit en avril dernier, lors de la conférence sur la famille. Il s'agit bien, sans aucun souci de leurs moyens d'existence présents et futurs, de renvoyer les femmes à faible qualification à la maison, et ce afin d'alléger les statistiques du chômage...
M. Hilaire Flandre. Et de la délinquance !
Mme Claire-Lise Campion. ... et de diminuer la dépense pour la garde et les activités d'éveil des enfants.
C'est une vision comptable et à courte vue. Au demeurant, même sur le plan comptable, ce calcul peut être pris en défaut.
En effet, c'est oublier que les femmes ont une capacité contributive importante en termes de cotisations, d'autant plus importante qu'elles sont formées, qu'elles ne seront pas condamnées aux emplois atypiques et qu'elles seront payées correctement.
Ce faisant, l'activité des femmes donne naissance à des activités nouvelles, à des emplois induits en grand nombre. Elle est créatrice de croissance, dont on connaît l'importance pour le développement de l'économie et de l'emploi.
Se résigner à « renvoyer les femmes à la maison » participe d'une politique à fondement malthusien, qui va à rebours de la nécessité de financer les retraites.
C'est pourquoi nous vous demandons, monsieur le ministre, si le Gouvernement envisage de mettre en oeuvre une véritable politique qui favorise l'emploi et la formation professionnelle des femmes.
M. le président. L'amendement n° 805, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La réforme des retraites doit s'appuyer sur une politique économique forte en faveur de l'emploi, avec la mise en oeuvre d'un pacte national pour l'emploi favorisant l'accès à l'emploi pour les jeunes, réduisant le recours à l'emploi précaire notamment pour les femmes et le maintien en activité des salariés âgés de plus de cinquante ans, avec un effort important pour la formation professionnelle continue et l'instauration d'un passage progressif de l'activité à la retraite. »
La parole est M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Par cet amendement, je souhaite attirer votre attention sur le problème de la formation professionnelle.
Nous ne saurions dire avec trop de force qu'un haut niveau d'emploi est une condition indispensable pour assurer le maintien du niveau des pensions.
Or, actuellement, en France, plus de 60 % des actifs entre 25 et 39 ans et 75 % des actifs de plus de 50 ans ont un niveau de formation inférieur ou juste équivalent au baccalauréat.
Ces salariés, faiblement ou pas qualifiés, sont aussi les moins rémunérés, et beaucoup ne dépasseront pas un niveau voisin du SMIC. Ils ne percevront donc qu'une pension minimale.
Durant la période où ils doivent travailler et donc cotiser, ils sont aussi les plus exposés au risque de perte d'emploi, avec une reconversion d'autant plus difficile que leur formation initiale est faible et qu'ils ne bénéficient pratiquement jamais d'une formation continue.
De plus, ces salariés non qualifiés assurent plus fréquemment que d'autres des tâches pénibles, avec un travail posté ou de nuit, des travaux physiquement épuisants ou des mouvements répétitifs générateurs de troubles musculaires et articulaires de tous ordres, les fameux troubles musculaires squelettiques, les TMS.
Ils courent plus de risques d'accidents professionnels et ont d'ailleurs une espérance de vie inférieure de quatorze ans à celle des travailleurs les moins exposés. Cela devrait nous faire réfléchir !
M. Hilaire Flandre. Et qui fera le travail ? Les immigrés, bien sûr !
M. Gilbert Chabroux. Bien sûr, et dans les conditions que nous connaissons ! Ce sont toujours les moins qualifiés !
Plus encore que pour les autres salariés, le droit à une formation professionnelle tout au long de la vie est pour eux un impératif. Sinon, j'y insiste, ces salariés non qualifiés seront terriblement exposés au chômage et à la précarité et, arrivés à l'âge de la retraite, dans l'impossibilité d'accéder à une pension à taux plein.
A cet égard, vous me permettrez de rappeler la mise en place de la validation des acquis de l'expérience, dont les premiers effets sont indéniablement positifs. Les salariés peu qualifiés y trouvent le moyen de faire reconnaître leurs compétences, dont ils ont souvent eux-mêmes trop peu conscience. Ils peuvent fonder sur cette base un nouveau projet de développement personnel et professionnel.
Le renouvellement accéléré des techniques de production et de distribution sollicite toujours davantage l'initiative et la compétence des salariés, qui doivent pouvoir s'adapter en permanence.
Il est donc indispensable que les plans de formation des entreprises incluent les salariés de tous âges et de toutes qualifications.
Il importe que les négociations qui ont lieu en ce moment entre les partenaires sociaux prennent pleinement en compte cette dimension, faute de quoi toute perspective de société de plein emploi s'éloignera inexorablement.
Les éléments que l'on peut avoir sur les discussions actuelles nous font craindre que notre préoccupation ne soit pas pleinement partagée par tous les négociateurs.
La discussion - la presse s'en est d'ailleurs fait l'écho - semble se focaliser sur la question du financement. Certes, ce point n'est pas négligeable. Les salariés interrogés par sondage, en France comme en Europe, expriment clairement qu'une contribution de leur part serait un obstacle majeur à leur formation. Tout simplement parce qu'ils n'en ont pas les moyens ou le temps.
Et je prolongerai l'intervention qui a été faite voilà quelques instants par Claire-Lise Campion. Les femmes, notamment, qui doivent encore accomplir l'essentiel des tâches ménagères à l'issue de leur journée de travail professionnel, seraient gravement pénalisées par des dispositions de co-investissement en temps.
Il serait catastrophique pour notre économie que l'on ratiocine sur le nombre d'heures et sur les modalités d'exercice du droit individuel à la formation dont doit bénéficier chaque salarié tout au long de sa vie.
Il serait également dangereux que l'obligation légale soit remplacée par une simple obligation conventionnelle. Il s'agit là non pas d'une fixation de législateur, mais d'une inquiétude fondée sur l'expérience. Par exemple, qu'arrivera-t-il faute d'accord ? Quels dispositifs de contrôle seront mis en place ?
Nous sommes au milieu du gué. Selon que l'on parviendra à trouver ou non un véritable équilibre, la formation professionnelle trouvera ou non son second souffle et prendra ou non en compte les salariés qui ont le plus besoin de formation. Ce n'est pas seulement une exigence sociale, c'est aussi une nécessité économique si l'on veut diminuer le chômage et son coût humain et financier. De cela dépendra pour beaucoup l'avenir de notre système de retraite.
M. le président. L'amendement n° 807, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La garantie du système de retraite par répartition avec un niveau élevé de pension et le départ à la retraite à l'âge de soixante ans implique la mise en oeuvre d'une politique favorable à la croissance, ayant pour objectif d'instaurer le plein emploi. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Permettez-moi de revenir sur l'absence de politique de l'emploi gouvernementale telle que la déplore M. Chérèque - ce n'est donc pas le MEDEF - dans son interview du 30 juin dernier.
Mme Nelly Olin. L'ami Chérèque !
M. Gilbert Chabroux. Il est à la tête d'un syndicat tout à fait respectable et modéré. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Nous pouvons donc être attentifs aux propos de M. Chérèque.
M. Roger Karoutchi. Il fallait l'inviter à votre congrès !
M. Gilbert Chabroux. Non, non, non ! Nous sommes très respectueux de tous les syndicats, de tous les syndicats, mes chers collègues.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Ah bon ?
M. Jean Chérioux. Cela ne se voit pas beaucoup !
M. Gilbert Chabroux. Nous souhaiterions que vous partagiez le même respect, car nous avons entendu des propos affligeants sur tel ou tel syndicat.
M. Roger Karoutchi. Jamais !
M. Gilbert Chabroux. Mais, il est vrai, il ne s'agissait pas de la CFDT !
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas parce qu'il ne s'agit pas de la CFDT que tous les syndicats se conduisent bien pour autant !
M. Gilbert Chabroux. Je voudrais donc revenir sur le texte de M. Chérèque, qui est d'une très grande richesse.
Ainsi, M. Chérèque regrette que « le Gouvernement attende tout de la reprise économique ».
Il est incontestable que, lorsque l'on prétend fonder le financement d'une réforme des retraites en partie sur le retour de la croissance et la reprise, il vaut mieux que celle-ci ne tarde pas trop. Sinon, on se trouve, au bout de quelques années, dans l'obligation soit d'augmenter les prélèvements, soit de diminuer les pensions. En fait, ici, ce sera les deux !
Qu'en est-il donc des prévisions de croissance ? Nous avons, dans un passé qui semble maintenant lointain,...
M. Roger Karoutchi. Oh oui !
M. Gilbert Chabroux. ... régulièrement connu un taux de croissance supérieur à 3 % ; puis, les taux annuels ont baissé dans l'ensemble des pays industrialisés.
De 1998 à 2002, la France a encore connu une croissance d'un demi-point supérieure à celle de la zone euro. A l'époque, le Gouvernement avait, il est vrai, une politique de l'emploi qui permettait de tirer le meilleur parti de la croissance, qui permettait, comme on disait alors, de « l'enrichir en emplois ». C'est ce qui donnait confiance, qui soutenait la consommation, qui portait l'économie.
Aujourd'hui, M. Seillière, que nul ne soupçonne de vouloir entraver l'action du Gouvernement, indique que l'Institut d'études patronales Rexecode prévoit une croissance de 0,8 %. Malheureusement, je dois le reconnaître, nous sommes plutôt d'accord sur ce point avec M. Seillière.
Les prévisions de croissance et d'investissement des entreprises ne sont pas favorables. Le taux d'utilisation des capacités productives continue de décroître. Dans un climat de forte incertitude, les perspectives de production sont mauvaises et demeurant à un niveau très inférieur à leur niveau de long terme. L'indicateur d'opinion des chefs d'entreprise est à moins 59, soit son plus bas niveau jamais atteint.
Qui plus est, la consommation plonge, alors qu'elle était le soutien principal de la croissance. Et le chômage remonte.
Cette situation n'est pas conjoncturelle. Déjà, les petites entreprises ne créent plus d'emplois ; l'emploi industriel est en baisse ; même le bâtiment ralentit.
L'intérim, qui est le premier indicateur des évolutions de l'emploi, est en recul. Certes, on ne saurait se plaindre d'une création moindre des emplois précaires. Il n'en demeure pas moins que le passage de 750 000 salariés intérimaires à 650 000 signifie une aggravation considérable de la situation de l'emploi.
Si, en 2002, les entreprises ont freiné sur l'emploi précaire, elles risquent maintenant de s'attaquer au noyau dur des effectifs. Déjà, les départs à la retraite sont très peu remplacés, ce qui explique l'aggravation du chômage des jeunes. Dans certains départements, il y a eu autant de plans sociaux au premier trimestre que durant toute l'année 2002 !
Les allocataires de l'UNEDIC sont inévitablement de plus en plus nombreux. Le Gouvernement annonce lui-même une aggravation du chômage pour la fin de l'année. L'OFCE, l'Observatoire français des conjonctures économiques, prévoit un taux de chômage de près de 10 % pour la fin du mois de décembre.
Certes, les politiques sociales ont un coût, mais elles ont des effets bénéfiques non seulement pour les populations concernées, mais aussi, par diffusion, sur toute l'économie.
Les experts et les observateurs sont d'accord sur ce point : la dégradation du marché du travail affecte la confiance des Français en l'avenir et les conduit à développer une épargne de précaution plutôt qu'à consommer.
Gouverner, surtout dans un monde qui connaît des mutations aussi importantes, c'est, plus que jamais, prévoir, c'est aussi choisir ; en tout cas, ce n'est pas attendre le retour de la croissance.
La croissance ne viendra pas de réductions d'impôts illusoires et à contretemps ; elle ne viendra pas de la dégradation organisée des services publics ; elle ne viendra pas de la disparition des emplois-jeunes, des attaques contre les dispositifs d'insertion ou de la suppression des protections des salariés menacés de licenciement.
Ce qui est déjà là, en revanche, c'est l'angoisse des Français devant un avenir de plus en plus sombre et de moins en moins solidaire. Ce projet de loi de réforme des retraites, qui fait porter tout l'effort sur les salariés, n'en est qu'un facteur supplémentaire.
M. le président. Les amendements n°s 808 à 812 sont déposés par M. Estier et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 813, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La pérennisation des régimes de retraites par répartition avec un haut niveau de pensions nécessite la mise en oeuvre d'une politique permettant d'instaurer un niveau élevé d'activité et de protéger les salariés face aux licenciements, notamment par l'obligation de négocier la réduction du temps de travail avant de licencier, en donnant la possibilité pour les syndicats de proposer des alternatives aux licenciements, en conditionnant toute exonération de cotisation sociale à l'emploi, en contrôlant l'utilisation des aides publiques, avec le cas échéant leur remboursement, en pénalisant les comportements abusifs et de favoriser les reclassements par une politique de formation continue. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Compte tenu de l'heure, je serai bref ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je fais un effort !
Mme Nelly Olin. On l'apprécie !
M. Gilbert Chabroux. Si tout le monde avait fait un effort, nous n'en serions pas là. (M. Emmanuel Hamel applaudit.) Je vous assure que, si nous avions pu nous exprimer au moment où nous devions le faire,...
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. Gilbert Chabroux. ... nous ne serions pas dans la même situation maintenant.
M. Claude Estier. Exactement !
Mme Claire-Lise Campion. Tout à fait !
M. Gilbert Chabroux. J'aurais voulu évoquer plus longuement les problèmes de financement de votre plan, monsieur le ministre. Je vous ai dit qu'il fallait d'abord mener une politique de plein emploi. Nous n'en prenons pas le chemin : la situation s'est sensiblement aggravée. Il est vrai que le phénomène est mondial. Ainsi, aux Etats-Unis, le taux de chômage est à un niveau proche de celui qui avait été atteint lors de le crise de 1933-1934 ; l'économie américaine affiche une perte de 30 000 emplois en juin 2003, malgré des prévisions qui étaient à la hausse, perte qui s'ajoute à une baisse de 70 000 emplois déjà constatée au mois de mai.
Je ne vais pas parler plus qu'il ne le faut des Etats-Unis, mais on peut tout de même s'interroger sur ces tendances, sur cette évolution et nourrir quelques inquiétudes.
Les prévisions optimistes sur lesquelles vous vous fondez, monsieur le ministre, ne nous rassurent absolument pas et nous laissent plein d'interrogation quant au financement de votre plan.
La situation est comparable chez nos amis allemands. Permettez-moi de citer les économistes de Natexis : « L'évolution récente du marché allemand nous montre que baisse de la population active et hausse du chômage peuvent aller de pair si la croissance n'est pas au rendez-vous. »
Mais je m'en tiens là pour la présentation de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 826, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche etVantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La garantie du système de retraite par répartition implique la mise en oeuvre d'une politique de plein emploi. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, où en sont les travaux de la task force sur les plans sociaux ? Elle devait travailler à la suite du rapport Viet sur les mutations économiques.
Nous avons beaucoup parlé de ces problèmes lorsque vous avez demandé à la majorité de suspendre l'application de la loi de modernisation sociale. Où en sommes-nous maintenant ?
La gestion des plans sociaux, surtout lorsqu'ils ont tendance à se multiplier, ce qui est le cas, n'est jamais chose facile. Le gouvernement précédent avait pris quelques mesures fortes dans la loi de modernisation sociale pour dissuader les employeurs d'agir avec fébrilité et précipitation. Les procédures de négociation avaient été modifiées afin de garantir que toutes les possibilités avaient été envisagées avant tout plan social.
Le gouvernement actuel est revenu sur cette disposition jugée par trop encombrante par le patronat. Il est vrai qu'en cas de délocalisation il importe de ne pas traîner pour s'implanter le premier dans ces lieux accueillants, dépourvus des plus élémentaires droits sociaux !
Il a donc confié une étude à des experts. Une mission a été créée. Or on constate qu'un an après un licenciement économique, 60 % des salariés sont encore au chômage et que 36 % n'ont pas retrouvé d'emploi cinq ans après. On peut tout de même s'interroger !
Vous aviez vous-même évoqué certaines pistes de travail, monsieur le ministre : donner la priorité à l'anticipation ; mobiliser les acteurs dans une attitude dynamique - je ne parle pas des intermittents du spectacle... - ; concentrer l'action des pouvoirs publics sur les zones en reconversion et les filières fragiles ; développer de nouvelles solidarités ; soutenir les acteurs pouvant vivre une restructuration ; donner toute sa place à la négociation.
Sans entrer plus avant dans la comparaison avec des pays comparables, j'abrège mon propos ; je vous demande simplement de répondre à nos préoccupations, monsieur le ministre.
M. le président. L'amendement n° 827, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche etVantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La garantie du système de retraite par répartition implique la mise en oeuvre d'une politique de plein emploi, en soutenant la croissance et l'innovation, en favorisant la création d'emploi, en protégeant les salariés face aux licenciements et en créant une sécurité sociale du travail qui comprenne notamment le droit à la formation tout au long de la vie. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Même si, décidément, ce n'est plus l'heure (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP),...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Achevez !
M. Gilbert Chabroux. ... et si je suis très préoccupé par cette façon de faire, je reviens tout de même un instant sur la suspension de l'application de plusieurs articles de la loi de modernisation sociale, qui a ouvert aux entreprises une véritable « fenêtre de tir » pour licencier.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !
M. Roland Muzeau. C'est sûr !
M. Gilbert Chabroux. Les hésitations sur le nombre de contrats emploi solidarité et leur financement, le cafouillage sur la bourse d'accès à l'emploi du programme TRACE - trajet d'accès à l'emploi -, l'interminable attente du projet CIVIS - contrat d'insertion dans la vie sociale - et, surtout, le plus grand plan social jamais vu avec la fin brutable des emplois-jeunes, rien de tout cela n'est fait pour nous rendre optimistes.
La seule mesure positive aurait pu être le contrat jeunes en entreprise. Je vous rappelle d'ailleurs que, au bénéfice du doute, nous nous étions abstenus lors de la première lecture. Or 30 % seulement des jeunes sans qualification qui en ont bénéficié étaient demandeurs d'emploi auparavant.
M. François Fillon, ministre. Et alors ?
M. Gilbert Chabroux. Les 70 % restants représentent donc un effet d'aubaine pour les employeurs.
M. François Fillon, ministre. Ils passent d'un CDD à un CDI !
M. Gilbert Chabroux. Mais j'espère bien que vous me répondrez sur ce point, monsieur le ministre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 803, 804, 805, 807, 813, 826 et 827 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il est intéressant, après avoir examiné les seize premiers articles du projet de loi, de revenir sur les amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er présentés par nos collègues. Je ne reprendrai pas à mon compte les propos de M. Chabroux, qui déplore que le débat n'ait « ni queue ni tête »...
M. Claude Estier. La faute à qui ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Laissez-moi m'exprimer ! Nous avons écouté M. Chabroux avec beaucoup d'attention.
M. Gilbert Chabroux. C'est vrai !
M. Jean Chérioux. Avec beaucoup d'attention et beaucoup de courage, aussi !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La faute à qui, dites-vous ? Si nous continuons sur cette pente, nous ne sommes pas sortis d'affaire !
Le débat n'a ni queue ni tête, en effet. Vous venez de passer en revue un certain nombre de thèmes : la pénibilité, la formation professionnelle, la condition de la femme au travail, l'accompagnement social. Or ces thèmes ont été et seront encore abordés tout au long des cinq titres de ce projet de loi.
Certes, le projet de loi évoque le temps de retraite qui, bien évidemment, a son corollaire dans le temps de travail, et on peut, comme vous l'avez fait, reprendre tous les débats auxquels ont donné lieu les lois antérieures, on peut même refaire toute une politique de l'emploi.
Cher collègue Chabroux, le thème fort du projet de loi que nous examinons est le partage entre temps de travail et temps de retraite pour tenir compte de l'amélioration de l'espérance de vie.
Vous comprendrez donc qu'après tous les tours et détours auxquels vous nous avez contraints, il soit bien délicat pour le rapporteur de donner l'avis de la commission sur des amendements qui ne sont que l'occasion d'évoquer pendant des heures et des heures l'ensemble d'une politique économique, l'ensemble d'une politique sociale. Et pourquoi pas, tant que nous y sommes, l'ensemble de la politique de la santé ?
Mes chers collègues, l'action politique demande une certaine humilité, car bien des certitudes sont source de désillusions.
Ce que je ne peux comprendre, et ce que je n'admettrai jamais, c'est la caricature.
M. Jean Chérioux. Ils sont orfèvres !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Dire que nous ne portons le projet que d'une partie de la société et de sa représentation est indigne. Dire que nous ne nous préoccupons que de certains Français, c'est la négation de la politique. Personne n'a le monopole de la générosité. Ce texte, on l'a bien compris, exprime beaucoup de générosité.
Cela étant, on ne peut être généreux que quand le portefeuille est plein : ne mettons pas la charrue devant les boeufs. La seule politique économique qui favorise le progrès social est celle que l'on peut payer !
Nous n'aurions donc que mépris pour certains et considération pour d'autres. Quelle caricature ! Encore une fois, quelle négation de la politique. C'est là que nous risquons de ne pas être compris par nos concitoyens. Non, mes chers collègues, il n'y a pas les uns, d'un côté, et les autres, de l'autre : ce projet de loi tient compte de l'ensemble des Français.
Qu'il est facile d'opposer des catégories de Français entre elles, en distinguant, notamment, les travailleurs du secteur privé et ceux du secteur public. Vous savez bien que nous ne nous abaisserons jamais à ce niveau, et il vous sera alors facile - trop facile - de nous reprocher l'absence de débat.
Cette méthode a d'ailleurs eu indirectement sa sanction quand, hier et avant-hier, à plusieurs reprises, on a vu certains de nos collègues spontanément participer à la discussion : c'est que nous ne discutions que de l'article en discussion, et de rien d'autre.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai, le président Fourcade !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous avons connu alors de véritables débats parce que la discussion était centrée sur l'objet même de l'article. Dans ces conditions-là, le débat trouve toute sa signification et n'est pas « sans queue ni tête ». (Sourires.)
Le texte se déroule en cinq titres avec un certain nombre de chapitres. Eh bien, croyez-moi, monsieur Chabroux, aujourd'hui, quand j'écoute vos déclarations, je n'y trouve pas la moindre chance de débat.
Débattre d'un projet de loi, c'est examiner chacun de ses articles en eux-mêmes. Les amendements que vous venez de défendre sont purement déclaratifs et hors sujet. La commission a donc émis un avis défavorable.
Si l'on veut refaire la France, les textes ne manqueront pas. Il y en aura, demain, qui déclineront certains aspects de la vie quotidienne : la santé, mais aussi les conditions de travail, les déplacements, le logement, notamment.
On peut fort bien débattre d'un thème pendant des jours et des semaines et, pourquoi pas, des mois. Aujourd'hui, revenons à la raison et à la sagesse qui doivent présider aux travaux de la Haute Assemblée. Consacrons nos travaux à l'intérêt général, avec volonté, sens des responsabilités et courage, qualités dont le Gouvernement a voulu empreindre ce texte. Il s'agit pour nous de garantir aux Français, par cette démarche progressive, une vie de retraite raisonnable et, ce faisant, de répondre aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens quant à leur troisième temps de vie, celui du repos après le travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le Gouvernement demande au Sénat de rejeter ces amendements et félicite M. le président de la commission de sa remarquable gestion des débats, qui a notamment permis de jeter une lumière cruelle sur tous les amendements déposés avant le titre Ier, amendements qui, à l'évidence, sont hors sujet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix successivement les amendements n°s 803, 804, 805, 807, 813, 826 et 827.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Les amendements n°s 817, 819 et 829 sont déposés par M. Estier et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
L'amendement n° 820, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« La garantie du système de retraite par répartition avec le maintien d'un niveau élevé de montant de pension pour les femmes implique la mise en oeuvre d'une politique de lutte contre l'emploi précaire, le temps partiel subi et de mise en application de l'égalité professionnelle. »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. J'ai bien compris que tous nos propos étaient « hors sujet » : il n'y a qu'un sujet,...
M. François Fillon, ministre. ... les retraites !
M. Gilbert Chabroux. ... le vôtre.
M. Jean Chérioux. C'est plutôt l'inverse !
M. Gilbert Chabroux. Il n'y a qu'un projet de réforme possible, le vôtre.
M. Jean Chérioux. Il y a la logique des débats, c'est tout !
M. Gilbert Chabroux. Il n'y a rien de plus ! Nous ne pouvons pas discuter et nous ne pouvons rien modifier. Cela ne sert à rien, ai-je compris, si ce n'est à faire perdre du temps.
M. Jean Chérioux. Eh oui !
M. Gilbert Chabroux. Le président de la commission des affaires sociales a bien géré le temps,...
M. Roger Karoutchi. C'est vrai !
M. Gilbert Chabroux. ... le temps de ce simulacre de débat. Je crois qu'il en tirera, pour l'histoire, un motif de fierté.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout !
M. Gilbert Chabroux. Il est remarquable d'avoir procédé ainsi...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est mon devoir !
M. Gilbert Chabroux. ... et d'avoir entravé le débat, qui aurait dû se dérouler normalement, c'est-à-dire d'une façon cohérente et, je l'espérais, pédagogique.
Il n'y a pas eu de négociation avec les partenaires sociaux.
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas vrai !
M. François Fillon, ministre. Mais si, il y en a eu !
M. Gilbert Chabroux. Il n'y a pas de légitimité sociale,...
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas vrai !
M. Gilbert Chabroux. ... et il n'y aura pas plus de légitimité politique, dans de telles conditions. Ce n'est pas la démocratie politique. Nous n'étions pas habitués à cela, il va falloir nous y faire ! La droite se montre sous son véritable visage. (Exclamations sur les travées de l'UMP !)
M. Philippe François. Cela frise l'injure !
M. Gilbert Chabroux. Bien qu'ayant un peu d'expérience, j'avoue que j'ai été assez naïf jusqu'à présent : je n'y croyais pas.
M. Jean Chérioux. Fausse indignation !
M. Gilbert Chabroux. Je n'imaginais pas que l'on pouvait être à ce point dénué de scrupules à l'égard des exigences du débat démocratique. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Vous avez multiplié les incidents de procédure. Vous avez tout bloqué : sur la discussion des articles, sur la discussion des amendements, vous avez prononcé la clôture. De la même manière, il faudrait prononcer la clôture de cette session, qui, vraiment, n'aura servi à rien. Je vous y invite fortement.
M. Roland du Luart. Retirez vos amendements !
M. Gilbert Chabroux. Balayez tout cela ! Dites-le : « C'est notre projet qui était le bon, c'était le seul, il faut admettre que l'opposition n'y a rien changé, ne pouvait rien y changer, n'a même pas fait de propositions alternatives », que sais-je encore... !
L'opposition n'existe pas : il n'y a dans ce pays que la droite.
M. Jean-Pierre Schosteck. La gauche a été absente !
M. Gilbert Chabroux. Plus précisément, il n'y a que l'UMP. Voilà où nous en sommes arrivés ! Voilà le constat, à ce point du débat !
Eh bien, mes chers collègues, devant une situation aussi affligeante, je renonce à défendre les amendements suivants !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 820.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Les amendements n°s 814, 816, 828, 832 à 842 et 846 à 848 sont déposés par M. Claude Estier et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.
Articles additionnels avant l'article 5 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 152, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 5 insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter du 1er août 2003, pour les exercices clos ou la période d'imposition arrêtée conformément au deuxième alinéa de l'article 37 du code général des impôts, les personnes morales sont assujetties à une contribution égale à 10 % de l'impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au 1 de l'article 219 du même code.
« II. - La contribution est payée spontanément au comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs, au plus tard à la date prévue au 2 de l'article 1668 du code général des impôts pour le versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés.
« Pour les entreprises dont l'exercice est clos en 2003 avant le 1er juin, la contribution due au titre de cette année est payée au plus tard le 15 septembre 2003.
« Pour les exercices arrêtés au cours des mois de mars à décembre ou pour la période d'imposition mentionnée au 1, la contribution donne lieu, au préalable, à un versement anticipé à la date prévue pour le paiement du dernier acompte d'impôt sur les sociétés, avant la clôture dudit exercice ou la fin de ladite période ; la somme due est alors égale à 10 % du montant de l'impôt sur les sociétés calculé sur les résultats de l'exercice ou de la période qui précède, imposables aux taux mentionnés au 1 de l'article 219 du code général des impôts.
« Lorsque la somme due au titre d'un exercice ou d'une période d'imposition en application de l'alinéa précédent est supérieure à la contribution dont l'entreprise prévoit qu'elle sera finalement redevable au titre de ce même exercice ou de cette même période, l'entreprise peut réduire ce versement à concurrence de l'excédent estimé. Elle remet alors au comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs, avant la date d'exigibilité du versement anticipé, une déclaration datée et signée.
« Si la déclaration mentionnée à l'alinéa précédent est reconnue inexacte à la suite de la liquidation de la contribution, la majoration prévue au 1 de l'article 1762 du code général des impôts est appliquée aux sommes non réglées.
« III. - La contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
« IV. - Pour les personnes mentionnées au 1 qui sont placées sous le régime prévu à l'article 223 A du code général des impôts, la contribution est due par la société mère. Elle est assise sur l'impôt sur les sociétés afférent au résultat d'ensemble et à la plus-value nette d'ensemble définis aux articles 223 B et 223 D du même code.
« V. - Pour les personnes mentionnées au 1 qui sont placées sous le régime prévu à l'article 209 quinquies du code général des impôts, la contribution est calculée d'après le montant de l'impôt sur les sociétés, déterminé selon les modalités prévues au I, qui aurait été dû en l'absence d'application de ce régime. La contribution n'est ni imputable ni remboursable.
« VI. - La contribution n'est pas admise parmi les charges déductibles pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés.
« Les avoirs fiscaux ou crédits d'impôt de toute nature ainsi que la créance visée à l'article 220 quinquies du code général des impôts et l'imposition forfaitaire annuelle mentionnée à l'article 223 septies du même code ne sont pas imputables sur cette contribution.
« VII. - Le produit de la contribution visée au 1 est versé à la Caisse nationale d'assurance vieillesse. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. « Pour le Gouvernement, il ne fait aucun doute que la contribution de 10 % est exceptionnelle. Elle revêt donc bien un caractère temporaire. Ce n'est pas seulement du langage politique ou parlementaire, c'est aussi du langage fiscal.
« Le Gouvernement s'engage dès à présent à proposer au Parlement la suppression ou l'atténuation de cette charge conjoncturelle dès que le redressement des finances publiques le permettra. J'espère que la disparition définitive de cette charge sera possible dès 1998. »
C'est ainsi que le 27 juillet 1995, lors d'une séance de la session extraordinaire - encore une ! -, M. François d'Aubert, alors secrétaire d'Etat au budget, avait présenté devant le Sénat l'article 2 d'un collectif budgétaire marqué par deux mesures qui étaient autant de crève-coeur pour la majorité parlementaire d'alors : l'augmentation de l'impôt sur les sociétés et celle de l'impôt de solidarité sur la fortune par l'application d'une surtaxe spécifique de 10 % sur l'un et l'autre de ces impôts.
On se souvient aussi que, à l'époque, l'on avait procédé à une autre augmentation, celle du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette mesure qui avait d'ailleurs été disjointe du collectif budgétaire pour être intégrée dans un texte de loi destiné à la mise en oeuvre de mesures d'urgence pour l'emploi et la protection sociale et créant notamment la ristourne dégressive sur les bas salaires, cette dernière étant donc gagée sur la hausse du taux normal de la TVA.
En tout cas, c'est un gouvernement de droite qui avait procédé à la création de ces impôts nouveaux.
Aujourd'hui, la situation est telle que l'on ne peut réellement penser l'améliorer sans opter pour un accroissement des recettes de l'assurance vieillesse. Car, je le rappelle, la commission des comptes de la sécurité sociale a fixé à 8,2 milliards d'euros le montant du déficit de l'assurance vieillesse.
Notre amendement vise à instaurer une contribution exceptionnelle, portant sur l'impôt sur les sociétés, similaire à celle qui a eu cours en 1995, quand la situation des comptes publics l'exigeait, à cela près que, à l'époque - un peu comme aujourd'hui -, les déficits publics allaient de pair avec quelques bénéfices importants.
Notre proposition est donc exclusive des modes traditionnels de correction de l'impôt sur les sociétés, notamment de l'imputation des avoirs fiscaux ou du report en arrière des déficits, ce qui en situe le rendement à un niveau relativement élevé.
On notera aussi, au sujet du financement de la compensation entre les régimes de retraite, que le régime général fournit une part déterminante des recettes du budget annexe des prestations sociales agricoles puisque, par exemple, ce ne sont pas moins de 5,6 milliards d'euros que le régime général consacre au financement de ce budget annexe, en lieu et place de l'Etat, et que, du fait de la dégradation démographique accentuée du régime agricole, ces sommes portent essentiellement sur l'assurance vieillesse.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, tout l'enjeu que peut représenter l'adoption de cet amendement n° 152, dont la portée peut s'avérer déterminante pour la liquidité immédiate du régime général, mais également pour l'avenir.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 889, présenté par MM. Estier, Chabroux et Domeizel, Mmes Campion et Blandin, M. Courteau et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La question des durées de cotisations ne peut être réglée qu'à travers la négociation avec les partenaires sociaux qui doit tenir compte de la pénibilité des métiers, de l'espérance de vie, de l'effort contributif, de la situation familiale, du temps de formation. »
La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier. Il est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 889.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 5 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 198, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les personnes reconnues handicapées reconnues par la COTOREP bénéficient, si elles le souhaitent, d'un droit à liquidation de leur pension de retraite après 27,5 annuités de cotisations.
« Le calcul de leur pension est effectué, à titre dérogatoire, sur les 5 meilleures années d'activité. Pour autant, le taux brut de remplacement de leur pension ne peut être inférieur à 75 % de leur dernier salaire brut ou dernier traitement brut, ni, le cas échéant, être inférieur à 100 % du SMIC brut.
« II. - Les taux des contributions portant sur les revenus définis aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
M. François Fillon, ministre. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Monsieur le président, j'invoque l'article 40 de la Constitution sur les amendements n°s 198, 293, 294 et 295 rectifié.
M. le président. L'article 40 est-il applicable à ces quatre amendements, monsieur Bourdin ?
M. Joël Bourdin, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Oui, monsieur le président, il l'est.
M. le président. L'article 40 étant applicable, les amendements n°s 198, 293, 294 et 295 rectifié, présentés par Mme Michelle Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, ne sont pas recevables.
L'amendement n° 899, présenté par MM. Estier et Chabroux, Mmes Campion et Blandin, MM. Frimat, Krattinger et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement engagera sans délai une négociation avec les partenaires sociaux visant à fixer les conditions de mise en oeuvre de la retraite progressive. »
La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier. Il est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 899.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 199, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article L. 351-11 du code de la sécurité sociale, insérer un article additionnel (L. 351-11 bis) ainsi rédigé :
« Art. L. 351-11 bis. - Le montant de la pension liquidée pour l'assurée dans les conditions déterminées au présent chapitre est exonéré de la cotisation prévue à l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996. »
« II. - Les taux des contributions portant sur les revenus définis aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence. »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. La contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, a été créée autoritairement, je le rappelle, par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, validée par l'adoption, à la suite d'une question préalable positive, du projet de loi autorisant le gouvernement Juppé à légiférer par ordonnances.
Elle a pour effet d'entamer le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes.
La plupart des pensionnés et retraités sont soumis à cette contribution, qui est venue réduire encore le pouvoir d'achat des pensions, désormais indexées sur les prix.
Nous estimons pour notre part que, si l'on souhaite donner un certain sens à la notion de « haut niveau de pension », il convient d'alléger les prélèvements pesant sur les pensions.
C'est la raison essentielle qui nous pousse aujourd'hui à vous proposer d'exclure de l'assiette de la CRDS l'ensemble des pensions et retraites, d'autant que cette contribution a de moins en moins de raisons d'être, eu égard à la situation cumulée des comptes sociaux.
Aujourd'hui, d'ailleurs, la CRDS est un peu « mise à toutes les sauces », puisque la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, vient au secours du budget de l'Etat pour payer les exonérations de cotisations sociales accordées sans contrepartie aux entreprises.
Les pensionnés, les retraités, ou encore les chômeurs seraient sans doute heureux d'apprendre que leur CRDS alimente aujourd'hui le financement des aides aux entreprises qui licencient à tour de bras ou qui usent sans vergogne des plans de mise en préretraite autoritaires.
C'est donc sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter l'amendement n° 199.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, dont l'adoption fragiliserait l'équilibre financier de la CADES. Sa position est confortée par le rapport de notre collègue M. Alain Vasselle sur la situation de la CADES et par l'estimation des pertes qu'entraînerait pour cette dernière l'exonération de CRDS proposée dans l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Je m'étonne toujours de voir à quel point le groupe communiste républicain et citoyen est attentif aux problèmes de ceux de nos concitoyens qui disposent des revenus les plus confortables.
Dans la mesure où la CRDS fait déjà l'objet d'une exonération pour les retraités qui ne sont pas imposables, cet amendement vise à exonérer de CRDS les retraités imposables. On sait par ailleurs que le niveau de vie des retraités est aujourd'hui, après des années de rattrapage, strictement équivalent à celui des actifs. Cet amendement est donc pour le moins surprenant !
Le Gouvernement émet un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 199.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 6 (priorité)
M. le président. L'amendement n° 900, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les différents paramètres des régimes de retraite sont suivis de manière régulière afin que les assurés disposent de la meilleure information possible sur les conditions de garantie du pouvoir d'achat de leur pension. »
L'amendement n° 901, présenté par MM. Estier, Chabroux et Krattinger, Mmes Campion et Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les assurés doivent disposer de la meilleure information possible sur le montant futur des pensions par rapport aux salaires. »
La parole est à M. Claude Estier.
M. Claude Estier. Ces deux amendements visaient à améliorer les dispositifs d'information pour les futurs retraités. Naturellement, ils avaient leur place, sous forme d'articles additionnels, avant l'article 6. Ils n'ont plus grand sens maintenant. C'est pourquoi je les retire.
M. le président. Les amendements n°s 900 et 901 sont retirés.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 15 juillet 2003, à dix heures, à seize et le soir :
1. Suite de la discussion du projet de loi (n° 378, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites.
Rapport (n° 382, 2002-2003) fait par M. Dominique Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 383, 2002-2003) de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
2. Eventuellement, navettes diverses.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Sous réserve de sa transmission, projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (AN, n° 950) (urgence déclarée) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 16 juillet 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 17 juillet 2003, à dix heures.
Pour chacun des textes inscrits à l'ordre du jour de la session extraordinaire, à l'exception du projet de loi portant réforme des retraites et du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, la conférence des présidents a fixé le délai limite pour le dépôt des amendements à dix-sept heures, la veille de la discussion du texte.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures cinquante-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du samedi 12 juillet 2003
SCRUTIN (n° 202)
sur l'amendement n° 345 présenté par Mme Michelle Demessine et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, à l'article 13 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites.
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages
exprimés : 316
Pour : 111
Contre : 205
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 22.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :
Contre : 27.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Pour : 6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.
Contre : 9.
Abstentions : 2. _ MM. Nicolas Alfonsi et Rodolphe Désiré.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Pour : 83.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :
Contre : 164.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Contre : 5.
Ont voté pour
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
Nicolas Alfonsi et Rodolphe Désiré.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, Guy Fischer, qui présidait la séance, et Emmanuel Hamel.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages
exprimés : 316
Majorité absolue des suffrages exprimés : 159
Pour :
112
Contre : 204
Mais, après vérification, ces nombres ont été
rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 203)
sur l'article 15, dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale à l'exclusion de tout amendement, du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites (vote unique).
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages
exprimés : 316
Pour : 205
Contre : 111
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre : 22.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :
Pour : 27.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Pour : 9.
Contre : 6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.
Abstentions : 2. _ MM. Nicolas Alfonsi et Rodolphe Désiré.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Contre : 83.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :
Pour : 164.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. Christian Poncelet, président du Sénat, et Emmanuel Hamel.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Pour : 5.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Ont voté contre
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
Nicolas Alfonsi et Rodolphe Désiré.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, Guy Fischer, qui présidait la séance, et Emmanuel Hamel.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages
exprimés : 317
Majorité absolue des suffrages exprimés : 159
Pour :
206
Contre : 111
Mais, après vérification, ces nombres ont été
rectifiés conformément à la liste ci-dessus.