SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2).
Economie, finances et industrie
SERVICES FINANCIERS (p. 3)
M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mmes Odette Terrade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la consommation et la concurrence ; Marie-Claude Beaudeau.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.
Crédits du titre III (p. 4)
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Vote des crédits réservé.
Crédits des titres IV à VI. - Vote réservé (p. 5)
CHARGES COMMUNES
ET COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR (p. 6)
M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les charges communes.
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Angels
M. Paul Loridant, rapporteur spécial de la commission des finances pour les comptes spéciaux du Trésor ; Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.
CHARGES COMMUNES (p. 7)
Crédits des titres I et II. - Adoption (p. 8)
Crédits du titre III (p. 9)
Amendement n° II-8 rectifié de la commission. - MM. Yves Fréville, rapporteur spécial ; Mme la ministre déléguée, MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Simon Loueckhote, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.
Suspension et reprise de la séance (p. 10)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
3. Intempéries dans le sud de la France (p. 11).
MM. le président, Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement.
4. Questions d'actualité au Gouvernement (p. 12).
CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE (p. 13)
MM. André Boyer, Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement.
INONDATIONS DANS LE SUD DE LA FRANCE (p. 14)
MM. Alain Dufaut, Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable.
SUITES RÉSERVÉES À « L'AMENDEMENT GARRAUD »
SUR LE DÉLIT D'INTERRUPTION INVOLONTAIRE
DE GROSSESSE (p. 15)
Mmes Yolande Boyer, Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle.
LUTTE CONTRE LE SIDA (p. 16)
M. Serge Franchis, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
INTÉGRATION DES HANDICAPÉS
AU SEIN DES UNIVERSITÉS (p. 17)
M. Nicolas About, Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
SERVICE MINIMUM GARANTI
DANS LES TRANSPORTS PUBLICS (p. 18)
MM. Bernard Plasait, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
PROJET D'AMNISTIE FISCALE (p. 19)
Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
DÉCENTRALISATION ET FISCALITÉ LOCALE :
PÉRÉQUATION ENTRE COMMUNES (p. 20)
MM. Philippe Darniche, Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales.
DÉSINDUSTRIALISATION DANS LA RÉGION
DE CHÂTEAUBRIANT (LOIRE-ATLANTIQUE) :
SOCIÉTÉ FOCAST (p. 21)
M. Charles Gautier, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.
PUBLICATION DES DÉCRETS D'APPLICATION DE LA LOI
SUR L'ACTION SOCIALE ET MÉDICO-SOCIALE (p. 22)
M. Georges Mouly, Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
Suspension et reprise de la séance (p. 23)
PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon
5. Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 24).
Economie, finances et industrie (suite) (p. 25)
CHARGES COMMUNES (suite) (p. 26)
Crédits du titre III (suite) (p. 27)
Amendement n° II-8 rectifié (suite) de la commission. - MM. Simon Loueckhote, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Mme Odette Terrade, M. Daniel Raoul. - Adoption par scrutin public.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre IV (p. 28)
Mme Marie-Claude Beaudeau ; Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.
Amendement n° II-9 de la commission. - M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits du titre VI. - Adoption (p. 29)
Article 74 bis. - Adoption (p. 30)
Article additionnel après l'article 74 bis (p. 31)
Amendement n° II-7 rectifié bis de la commission. - M. le président de la commission, Mme la ministre déléguée, MM. Robert Laufoaulu, Henri de Raincourt.
Suspension et reprise de la séance (p. 32)
Amendement n° II-7 rectifié ter de la commission. - M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Mme la ministre déléguée, M. Daniel Raoul, Mme Odette Terrade, M. le président de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
COMPTES SPÉCIAUX DU TRÉSOR (p. 33)
Article 50 (p. 34)
Amendement n° II-40 du Gouvernement. - Mme la ministre déléguée, M. Yves Fréville, rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 51 à 56. - Adoption (p. 35)
Budget annexe des Monnaies et médailles (p. 36)
M. Michel Moreigne, en remplacement de M. Bertrand Auban, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mmes Marie-Claude Beaudeau, Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.
Adoption des crédits figurant aux articles 48 et 49.
Economie, finances et industrie (suite)
INDUSTRIE (p. 37)
MM. Jean Clouet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'industrie ; Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour les technologies de l'information et la poste ; Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'énergie ; Yves Coquelle, Christian Gaudin, Philippe François, Georges Othily, Pierre-Yvon Trémel, Daniel Raoul, Jean Besson.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Vote des crédits réservé.
Article 76 bis. - Adoption (p. 38)
6. Modification de l'ordre du jour (p. 39).
MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le président, Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.
7. Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 40).
Economie, finances et industrie (suite)
PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES,
COMMERCE ET ARTISANAT (p. 41)
MM. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Bernard Joly, Mme Odette Terrade, MM. Joël Bourdin, Bernard Dussaut.
Suspension et reprise de la séance (p. 42)
8. Décision du Conseil constitutionnel (p. 43).
9. Loi de finances pour 2004. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 44).
Economie, finances et industrie (suite)
PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES,
COMMERCE ET ARTISANAT (suite) (p. 45)
MM. Christian Gaudin, François Marc.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
Vote des crédits réservé.
Article 75 (p. 46)
Amendement n° II-6 de M. Philippe Richert. - MM. Francis Grignon, Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances ; le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° II-53 de M. Alain Fouché et sous-amendement n° II-57 du Gouvernement. - MM. Francis Grignon, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Adoption de l'article modifié.
Article 76 (p. 47)
Amendement n° II-52 rectifié bis de M. Adrien Gouteyron. - MM. Francis Grignon, le rapporteur spécial, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article.
COMMERCE EXTÉRIEUR (p. 48)
MM. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances ; Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Odette Terrade, MM. Aymeri de Montesquiou, François Marc, Louis Moinard, André Ferrand, Auguste Cazalet.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
Crédits des titres III à VI. - Adoption (p. 49)
Services du Premier ministre
I. - SERVICES GÉNÉRAUX (p. 50)
MM. François Marc, rapporteur spécial de la commission des finances ; Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Vote des crédits réservé.
II. - SECRÉTARIAT GÉNÉRAL
DE LA DÉFENSE NATIONALE (p. 51)
MM. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances ; Didier Boulaud.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Crédits des titres III et V. - Adoption (p. 52)
III. - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL (p. 53)
M. Michel Moreigne, en remplacement de M. Claude Lise, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Marie-Claude Beaudeau.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Crédits des titres III et V. - Adoption (p. 54)
IV. - PLAN (p. 55)
MM. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan ; Joël Bourdin.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Crédits du titre III (p. 56)
Mme Evelyne Didier.
Adoption des crédits.
Crédits des titres IV et VI. - Adoption (p. 57)
Budget annexe des Journaux officiels (p. 58)
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Marie-Claude Beaudeau.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Adoption des crédits figurant aux articles 48 et 49.
10. Dépôt d'une proposition de loi (p. 59).
11. Ordre du jour (p. 60).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à onze heures quinze.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n° 72, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 73 (2003-2004).]
Economie, finances et industrie
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services financiers.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quels enseignements pouvons-nous tirer du budget des services financiers pour 2004 ?
Ce budget est, tout d'abord, l'un des seuls à être réellement marqué par une maîtrise de la dépense, puisqu'il diminue en volume. C'est ensuite le budget de l'un des seuls grands ministères à avoir limité les remplacements des départs à la retraite.
Il affiche deux phénomènes vertueux qui sont le résultat d'efforts engagés depuis plusieurs années.
Premièrement, les investissements réalisés en matière informatique portent leurs fruits et dégagent des marges de manoeuvre significatives en ce qui concerne le fonctionnement. La hausse de 24 % des crédits de paiement relatifs à l'investissement informatique a pour corollaire une modération de la dépense de fonctionnement, dont la progression s'établit à 0,6 %.
Cette évolution, que je réclamais depuis de nombreuses années, est caractéristique d'un budget marqué par le développement des investissements de modernisation, lesquels engendrent à leur tour des économies de personnels croissantes.
Les projets informatiques accompagnent ainsi le passage d'une administration de main-d'oeuvre à une administration de compétences.
Deuxièmement, les contrats de performance signés en 2003 par la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique, dans la continuité des contrats d'objectifs et de moyens existant précédemment, me paraissent prometteurs. Je regrette d'ailleurs que la direction générale des douanes et des droits indirects n'ait pas cru nécessaire de signer un tel document. Ces contrats, en effet, affichent des indicateurs de performance précis et crédibles. Ils comportent des clauses budgétaires novatrices. Les deux directions générales, en contrepartie d'engagements d'économies souscrits dans le cadre d'une programmation pluri-annuelle, bénéficient de dotations budgétaires garanties, qui constituent le juste retour des efforts de productivité réalisés.
De plus, les services sont budgétairement intéressés au dépassement de leurs performances. L'intéressement porte sur des indicateurs ayant un impact budgétaire, le dépassement de chacun d'entre eux donnant lieu à attribution de crédits supplémentaires dans un plafond annuel, fixé à 10 millions d'euros pour la direction générale des impôts et à 8 millions d'euros pour la direction générale de la comptabilité publique.
Je constate, à travers ces deux exemples, que les réflexions et expérimentations en cours depuis plusieurs années commencent à déboucher sur des résultats concrets.
Quels sont les objectifs d'une réforme de Bercy ?
J'en vois trois : efficacité, qualité du service et encouragement des agents du ministère.
La réforme de Bercy obéit, tout d'abord, à un impératif d'efficacité, à travers la rationalisation des structures territoriales, le redimensionnement de l'administration centrale et le réexamen des processus administratifs.
Pour ma part, je demeure très attentif à la permanence du service public sur l'ensemble du territoire. Pour cette raison, madame la ministre, je souhaite vous interroger sur les fermetures en cours de trésoreries du réseau rural de la direction générale de la comptabilité publique.
Le nombre de fermetures me paraît excessivement élevé et concentré sur un petit nombre de départements. Ainsi, dans l'Yonne ou le Puy-de-Dôme, ce ne sont pas moins de huit trésoreries qui vont fermer en 2004. Quelles sont les solutions que vous envisagez de mettre en place pour garantir la continuité du service public dans ces départements ?
En effet, la qualité du service ne doit pas être absente des préoccupations du ministère. Je me félicite d'ailleurs de la formalisation de neuf engagements très concrets en faveur d'une meilleure qualité du service, qu'il s'agisse de la règle qui consiste à réceptionner, acheminer et traiter tout dossier présenté par le contribuable, même s'il ne s'est pas adressé spontanément au bon service, ou du principe de ne laisser aucun appel téléphonique sans réponse immédiate ni aucun courrier sans réponse dans un délai strict de trente jours.
Il s'agit là d'exigences normales en matière de service public. Elles ne pourront être respectées qu'au prix d'une requalification de la structure des emplois de Bercy, d'un effort significatif de formation des agents et d'une amélioration de l'organisation des services.
Toutefois, ces mesures, d'ambition modeste mais utiles, ne dispensent pas d'un débat, trop rapidement écarté, sur la retenue à la source.
Les difficultés rencontrées par le chantier de la déclaration préremplie, voire son échec probable, nécessitent une véritable réflexion sur l'amélioration de service que pourrait engendrer l'imposition à la source, pratiquée dans l'ensemble des pays européens, à l'exception de la France. A titre personnel, je suis favorable à ce que la retenue à la source s'intègre dans une réforme profonde de l'impôt sur le revenu.
Je conclurai par un autre débat, très à la mode, sur la rémunération au mérite. Celle-ci constitue-t-elle vraiment un facteur de motivation pour les agents ?
Je ne peux, certes, qu'être satisfait des mesures prises pour mieux évaluer le travail des agents : la généralisation de l'entretien annuel d'évaluation dès 2004, l'introduction d'une réelle lisibilité puisque l'agent saura, à l'issue de l'entretien, quelles seront les conséquences de la note qui lui aura été attribuée, et l'octroi, pour les agents les mieux notés, de meilleures conditions d'avancement qu'aujourd'hui.
Je me demande, en revanche, s'il est opportun d'introduire une rémunération au mérite pour l'ensemble des agents, et ce pour deux raisons.
Premièrement, la refonte du système indemnitaire du ministère, qui a duré trois années, vient tout juste de s'achever. Elle a donné lieu à des négociations sans doute difficiles, et l'on peut se demander s'il est opportun d'ouvrir de nouveau le chantier des primes.
Deuxièmement, compte tenu de l'enjeu que représente la réforme de Bercy, on peut se demander si ce chantier est prioritaire par rapport aux réformes de structure à mener et s'il ne risque pas de constituer la pierre d'achoppement des discussions à venir sur des sujets autrement plus importants ?
C'est donc sur ces réserves, madame la ministre, que je conclus mon intervention relative aux crédits des services financiers pour 2004, crédits que la majorité de la commission des finances a décidé d'approuver. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la consommation et la concurrence. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de la concurrence et de la consommation pour 2004 s'élève à 197 millions d'euros contre 196 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2003, soit une augmentation de 0,7 %, cette légère augmentation étant due pour une large part à un changement de périmètre.
Ces crédits recouvrent les moyens de fonctionnement et d'investissement de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes - la DGCCRF - et comprennent les subventions à l'Institut national de la consommation - l'INC - à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments - l'AFSSA - ainsi qu'aux organismes de défense des consommateurs.
Conformément au souhait exprimé par le bureau de la commission des affaires économiques, j'ai choisi d'examiner plus particulièrement un aspect précis de l'activité de cette direction générale : le contrôle de la restauration hors du domicile.
La restauration mérite une attention particulière alors qu'une baisse de la TVA sur cette activité à fort coefficient de main-d'oeuvre est envisagée. Pourrez-vous nous indiquer les dernières évolutions de ce dossier, madame la ministre ?
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : il y a en France 120 000 points de restauration. Ce chiffre recouvre 80 000 entreprises en restauration assise traditionnelle, 25 000 restaurants en hôtels et 15 000 points de restauration rapide.
Ce secteur représente un chiffre d'affaires de 30 milliards d'euros, avec un fort coefficient de main-d'oeuvre puisque, avec 13 % du chiffre d'affaires du secteur des services, la restauration comprend 30 % des salariés.
Le contrôle de la restauration constitue une des tâches principales de la DGCCRF. J'ai pu, dans le cadre de la préparation de ce rapport, accompagner une mission de contrôle sur le terrain, ce qui fut tout à fait instructif.
Les contrôles portent essentiellement sur l'information du consommateur et sur le respect des règles d'hygiène.
Depuis 1993, on est passé d'une logique de moyens, aux termes de laquelle la DGCCRF contrôlait le respect d'un certain nombre de points techniques - par exemple, la hauteur du carrelage sur les murs des cuisines - à une logique de résultat, selon ce qu'on appelle la « nouvelle approche ». Désormais, les inspecteurs s'intéressent plus précisément au résultat final pour le consommateur.
Un point doit être souligné : ces résultats reposent sur l'autocontrôle permanent des restaurateurs. Le respect des règles d'hygiène, notamment, est un combat de tous les jours, presque de toutes les heures.
La tâche est rude pour les restaurateurs, d'autant qu'ils n'ont pas nécessairement bénéficié d'une formation adéquate, puisque l'installation en tant que restaurateur est libre.
En 2002, les agents de la DGCCRF ont procédé au contrôle de plus de 17 500 établissements. Le contrôle de la sécurité alimentaire représente l'essentiel des enquêtes, soit 76 %.
Les autres aspects du contrôle portent sur la loyauté de l'information du consommateur : exactitude des dénominations et des prix, remise d'une note détaillée en fin de repas.
Ces 17 500 contrôles ont donné lieu à la transmission au parquet de 2 200 dossiers, ce qui représente 12,5 % de l'ensemble. Les principales infractions relevées concernaient le non-respect des règles d'hygiène - date limite de consommation dépassée, procédure de congélation ou de décongélation défectueuse, locaux mal entretenus - et des pratiques de publicité mensongère ou de tromperie.
Si l'on s'intéresse aux différents types de restauration, on constate que les taux d'anomalie sont très semblables dans la restauration rapide et dans la restauration traditionnelle : ils sont légèrement inférieurs à 20 %.
En revanche, on constate un taux nettement inférieur, de l'ordre de 6 %, dans le secteur de la restauration collective. Les anomalies liées aux prix ou à l'information des consommateurs y sont très faibles, et les anomalies liées à l'hygiène, quoique plus nombreuses, sont, pour l'essentiel, mineures.
Les agents de la DGCCRF mènent une activité de contrôle tout à fait intense. C'est, du reste, l'intérêt de cet avis thématique : il permet d'appréhender à sa juste valeur la réalité administrative, qui restait parfois quelque peu désincarnée dans les documents de présentation budgétaire.
Il faut savoir qu'à Paris les 16 000 points de restauration sont contrôlés par neuf inspecteurs ! Ceux-ci contrôlent plus de 1 500 établissements par an, avec des méthodes de travail souples et évolutives en fonction du terrain, en ciblant leurs interventions. Il convient d'avoir cela à l'esprit lorsqu'on analyse le taux d'anomalies dans la restauration : ce taux n'est pas un taux moyen puisque les inspecteurs vont, en priorité, contrôler les établissements dont ils pensent qu'ils pourraient être en infraction.
Les agents de la DGCCRF jouent également un important rôle de conseil auprès des professionnels. En effet, ils informent les restaurateurs sur les prescriptions à suivre et sur les améliorations à apporter, afin qu'ils s'y conforment. C'est pourquoi la plupart des contrôles ne débouchent que sur des observations, et non sur des sanctions.
L'activité de contrôle de la restauration constitue donc un exemple très concret de l'apport des services publics administratifs à la vie quotidienne de nos concitoyens.
C'est pourquoi j'ai regretté, devant la commission, la diminution des effectifs de la DGCCRF, ainsi que la fermeture d'antennes infradépartementales, et cela pour la deuxième année consécutive.
Malgré mes réserves, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable quant à l'adoption des crédits de la consommation et de la concurrence. A titre personnel, je voterai contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est évident que notre pays ne peut durablement voir dériver les comptes publics au point de dépasser très largement ce qui est supportable en matière de déficit public.
Chacun le sait, le projet de loi de finances dont nous débattons depuis quelques jours fait, pour le moment, apparaître un niveau de déficit particulièrement important : plus ou moins 55 milliards d'euros.
Ce montant s'avère d'ailleurs relativement proche de celui qui a été constaté dans le projet de loi de finances rectificative pour 2003, où il s'établit à hauteur de 54,1 milliards d'euros en article d'équilibre, et peut-être à 56 milliards d'euros en constatation.
La réalité des chiffres est donc crue : nous avons atteint en 2003 un niveau de déficit public jamais vu dans le passé et le niveau du déficit de 2004 devrait être tout aussi préoccupant.
On pourrait d'ailleurs nous demander pourquoi nous accordons, dans ce débat sur l'activité des services financiers de l'Etat, quelques instants à une analyse de la situation budgétaire générale.
Une telle introduction, qui pourrait avoir sa place dans le débat sur le budget des charges communes, permet cependant de poser la question essentielle des moyens matériels et humains que l'Etat s'accorde pour permettre le juste recouvrement de ses propres créances, par le biais de l'action de ses administrations financières.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le déficit public que nous déplorons a pour corollaire un déficit essentiel en termes de moyens d'intervention de nos administrations financières.
Derrière le discours convenu sur l'amélioration de l'efficacité des services de la direction générale du Trésor ou de la direction générale des impôts, il y a incontestablement un recul de la capacité d'intervention de ces services, dont les effectifs sont réduits sans cesse depuis plusieurs années.
Ce projet de budget pour 2004 n'échappe pas, à l'évidence, à la règle tacite qui s'applique depuis que notre pays s'est engagé dans des politiques de maîtrise des coûts de l'action publique et qui veut qu'il contribue de manière exemplaire à cet effort en réduisant ses effectifs.
Les chiffres sont incontournables. On attend en effet près de 900 suppressions d'emplois dans les services des impôts, plus de 600 dans le réseau de la comptabilité publique, plus de 200 à la direction générale des douanes et des droits indirects, près de 100 dans les services de l'INSEE et près d'une trentaine au sein de la DGCCRF.
On connaît la « règle d'or » qui préside à ces mesures : il s'agit de ne pas remplacer entre un tiers et la moitié des agents partant en retraite et de « rationaliser » le réseau d'implantation de nos administrations financières.
Une fois de plus, les conditions sont créées pour conduire la représentation nationale à accepter la fermeture de recettes-perceptions, le démantèlement de services entiers de la direction générale des impôts, et l'Etat dans son ensemble à mener une réforme relevant de plus en plus d'une simple logique de réduction des effectifs et de l'implantation des services publics.
Tout cela correspond à une conception sous-jacente de l'emploi public : il serait coûteux. Mais ceux qui applaudissent à cette orientation sont aussi ceux qui nous invitent à passer un grand coup d'éponge sur l'évasion fiscale constatée dans notre pays, au travers de dispositions tendant à l'amnistie de contrevenants que nous ne sommes d'ailleurs pas encore parvenus à bien identifier.
Evidemment, une telle orientation, fût-elle assortie - comme c'est toujours le cas - d'une volonté de modernisation des services financiers, ne peut nous agréer.
La réalité concrètement vécue par les agents de nos administrations financières est bien différente du discours habituellement tenu : la charge de travail pesant sur chaque agent augmente sans cesse, tant en volume de tâches à accomplir qu'en maîtrise de la technicité et des procédures suivies pour instruire les dossiers et résoudre les questions pratiques que soulève l'activité quotidienne des services.
Le rôle irremplaçable des administrations financières dans la connaissance de la réalité sociale et économique du pays doit être réaffirmé. Or cette dimension est absente du projet de budget pour 2004, qui fait des services financiers une variable d'ajustement de la réforme de l'Etat. C'est pourquoi nous voterons clairement contre.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, comme cela a été souligné, ce projet de budget a été construit dans le souci de concilier la maîtrise de la dépense et la recherche de l'efficacité au service des Français.
Il traduit, pour 2004, la poursuite de la dynamique de « Bercy en mouvement » et s'inscrit dans une démarche de performance, comme en témoignent les contrats pluriannuels signés par la direction générale des impôts et par la direction de la comptabilité publique. La direction générale des douanes et droits indirects devrait, elle aussi, s'engager dans cette voie contractuelle l'année prochaine.
Je répondrai brièvement aux différents points qui ont été développés concernant ce budget.
J'évoquerai tout d'abord l'adaptation de l'organisation des services dans le respect de l'aménagement du territoire.
« Bercy en mouvement » comporte un volet important de réorganisation territoriale, avec 1 200 implantations en moins sur les 8 000 du ministère. Ce volet, je le précise, n'a pas pour objectif principal de réaliser des économies d'emplois, mais d'adapter l'organisation et de l'implantation des services aux besoins des usagers et aux évolutions réglementaires et technologiques.
La grande majorité de ces réorganisations concerne la fusion - toujours dans la même ville - des centres des impôts et de recette des impôts, afin d'offrir aux PME, à l'instar de la DGE pour les grandes entreprises, un interlocuteur fiscal unique.
Vous avez exprimé votre préoccupation au sujet de l'évolution du réseau du Trésor public et des projets de fermeture des trésoreries.
Ces fermetures suscitent, nous le comprenons, une certaine émotion dans quelques départements. Pourtant, ce réseau, dense, représentant près de 3 800 postes, doit s'adapter au temps présent, sauf à perdre son efficacité.
Je vous rappelle, à cet égard, que le Trésor public compte près de 1 200 postes de trois agents ou moins, qui ne peuvent plus apporter aux usagers l'ensemble des services légitimement attendus d'eux. Bon nombre des fermetures ne font d'ailleurs qu'entériner des situations de fait.
J'ajoute que les particuliers ont de moins en moins besoin de se rendre dans les trésoreries : il n'y a plus de comptes particuliers ; il n'y aura plus de placements à la Caisse nationale de prévoyance à compter du 1er janvier 2004 ; de plus en plus, les impôts sont acquittés par titre interbancaire de paiement ou par prélèvements mensuels. Certaines trésoreries n'enregistrent qu'une à deux opérations par jour ! Ce sont de moins en moins des guichets.
Bien entendu, nous mettons parallèlement en place des modalités nouvelles de présence du service sur le territoire. Elles font l'objet, dans chaque département, d'une concertation menée entre le trésorier-payeur général, le préfet et les élus.
S'agissant des douanes, les conditions de fonctionnement des contributions indirectes et les relations avec les opérateurs ont totalement changé : il s'agit d'en prendre acte.
Enfin, la fermeture des implantations infradépartementales de la DGCCRF, dont l'utilité était liée au contexte de l'après-guerre, dans le cadre d'une économie de pénurie et de contrôle des prix, vise à regrouper, dans un souci d'efficacité, les services administratifs, afin de permettre que les agents passent le maximum de temps sur le terrain, au service des consommateurs.
En un mot, l'adaptation des structures territoriales du ministère des finances a pour objet premier la meilleure qualité de service possible aux usagers. Je veillerai personnellement, en préalable à toute évolution, à la concertation nécessaire avec les élus.
J'en viens donc à l'évolution vers une administration de service, particulièrement dans le domaine fiscal.
Le passage d'une administration de procédure à une administration de service est au coeur de la démarche de « Bercy en mouvement ». Elle guide, au premier chef, la mission du ministère au service du plus grand nombre de Français, s'agissant de l'impôt des particuliers.
Ainsi, nous mettrons en oeuvre dès 2004 un ensemble de mesures regroupées sous le nom de « Pour vous faciliter l'impôt », afin d'améliorer concrètement les rapports entre les services fiscaux et les particuliers.
Nous continuons d'approfondir le chantier des modalités de recouvrement de l'impôt, afin d'en améliorer la performance et de simplifier la tâche des particuliers.
Notre démarche s'inscrit dans la perspective de faire du prélèvement automatique le mode de recouvrement de référence de l'impôt et de parvenir, si possible, à la déclaration préremplie pour l'impôt sur le revenu, sans pour autant perdre de vue l'hypothèse de la retenue à la source.
Je rappelle ce que je disais l'année dernière : la retenue à la source n'est pas d'actualité pour la présente législature. Il s'agit, non de l'enterrer pour l'avenir, mais d'identifier les difficultés éventuelles ainsi que les sujets qui font débat et qui doivent être préalablement tranchés.
La retenue à la source, sans même évoquer l'importante difficulté que soulèverait la gestion de l'année de transition, suppose d'apporter des réponses sur deux points essentiels : la conjugalité de l'impôt et la transmission à l'employeur d'informations à caractère privé.
La question de la retenue à la source n'est pas un simple sujet de technique de recouvrement. Elle conduit à s'interroger sur notre conception même de l'impôt sur le revenu, donc elle suppose probablement, comme vous le suggérez, qu'il soit d'abord réformé.
En attendant ce débat qui aura lieu sur le fondement du travail préparatoire dont j'ai fait état, nous nous penchons, sans en méconnaître la complexité, sur la déclaration préremplie. La résolution des difficultés qu'elle comporte serait de toute façon un préalable à un éventuel passage à la retenue à la source : il faut en effet parvenir à un haut niveau de fiabilité des données, par exemple en ce qui concerne l'identifiant fiscal.
Afin de simplifier l'impôt pour le contribuable, nous développons le recours à la déclaration de l'impôt sur le revenu par Internet : avec 150 000 télédéclarants en 2002 et 600 000 cette année, nous nous fixons l'objectif d'un million de télédéclarations en 2004.
Le recouvrement automatique présente, à nos yeux, des avantages pour tous, qu'il s'agisse des prélèvements mensuels ou des prélèvements à échéance. Pour le rendre plus incitatif, nous avons décalé du 8 au 15 du mois la date de prélèvement, de manière à la rendre compatible avec la date de virement des pensions, et nous avons prévu un dispositif de prise en compte facile et rapide des variations annuelles de revenu.
Généraliser les prélèvements automatiques et mettre en place la déclaration préremplie engendrera des gains de productivité substantiels, sans doute assez proches de ceux qui sont susceptibles d'être réalisés grâce à la retenue à la source.
On voit bien que le critère des gains de productivité, à savoir des économies d'emplois, n'est pas pertinent pour décider la retenue à la source, à supposer que toutes les difficultés techniques soient surmontées. Le véritable avantage de la retenue à la source, comme l'a souligné le Conseil des impôts, est la suppression du décalage d'un an entre la perception des revenus et leur imposition.
En face de cet avantage très réel, il faudra, comme je l'ai dit tout à l'heure, trancher les questions fondamentales de l'imposition par foyer fiscal et de la transmission à l'employeur des éléments de revenus autres que salariaux. Ce sont des questions qui devront être débattues au Parlement.
Monsieur Angels, vous avez soulevé le problème de la motivation des agents et de la rémunération au mérite. « Bercy en mouvement » ne peut réussir qu'avec les agents. C'est la raison pour laquelle la stratégie ministérielle de réforme comporte un volet important consacré à ceux-ci et inclut dans sa réflexion l'ensemble des outils favorisant l'adhésion des personnels à la mise en mouvement du ministère : qualification, formation, rénovation du dialogue social.
La rémunération au mérite est l'un de ces outils ; il n'est certes pas le seul. Pour les 800 cadres de direction, cela se traduira par la modulation de la part indemnitaire de leur rémunération, en fonction de leurs résultats.
Pour la plupart des agents, le support de cette politique ne sera pas le système indemnitaire. L'instrument utilisé sera la notation, sur la base d'un entretien annuel d'évaluation. Nous pensons qu'il est juste, en effet, que les agents les plus méritants puissent bénéficier d'une progression de carrière accélérée par le jeu d'avancements différenciés d'échelon. Pour le faire de façon incontestable, nous allons mettre en place un dispositif d'évaluation garantissant totalement l'objectivité.
J'indique à Mme Terrade, rapporteur pour avis, que, dans un contexte de maîtrise de la dépense et de non-remplacement de tous les départs à la retraite, notre souci a été de préserver la capacité de présence sur le terrain de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Dans cet esprit, nous avons engagé la politique de réorganisation visant à supprimer les structures infradépartementales. Au 1er janvier 2003, cette administration comprenait vingt-cinq secteurs ou antennes comptant entre un et seize agents. La taille de ces structures excessivement fractionnées et l'effectif de la DGCCRF à l'échelon départemental ne permettaient plus une action de service public efficace.
Il a donc été décidé de procéder au regroupement au chef-lieu du département de l'ensemble des implantations infradépartementales. C'est une démarche qui s'inscrit dans une volonté de réforme de l'Etat et de modernisation des services publics. Elle constitue l'un des éléments de « Bercy en mouvement et permettra » - c'est là son objectif essentiel - un meilleur fonctionnement des services.
Plusieurs sites ont d'ores et déjà été regroupés, notamment à Arles dans les Bouches-du-Rhône et à Saint-Quentin dans l'Aisne. Celui de Saint-Nazaire en Loire-Atlantique le sera prochainement. Ces regroupements conduisent à mettre en place une nouvelle organisation de travail fondée sur une utilisation optimale des outils informatiques et sur une planification rénovée de l'activité à l'échelon local en vue d'une couverture plus homogène du terrain.
L'objectif de cette réorganisation est de parvenir à une action administrative plus efficace en améliorant la programmation des contrôles et en diminuant le coût de la structure.
Il s'agit, je le répète, d'une mesure d'organisation interne à la DGCCRF. Elle a pour but d'améliorer l'efficacité des unités départementales et d'adapter les modalités de fonctionnement afin de leur permettre de réaliser, dans les meilleures conditions possibles, un contrôle de proximité efficace.
Ce contrôle vise à assumer en priorité la protection de la santé et de la sécurité des consommateurs. En 2002, la DGCCRF a mené 253 000 actions de contrôle en matière de qualité des produits et services, 214 000 actions relatives à la sécurité des produits et services et 216 000 actions concernant la protection économique du consommateur.
En ce qui concerne les contrôles alimentaires, la DGCCRF suit, à l'échelon européen, les indices de dangerosité qui lui sont communiqués par les autorités des Etats membres de l'Union européenne. Elle participe à toutes les actions de sécurité domestique. Ces dernières peuvent conduire à des prélèvements qui sont ensuite analysés par les laboratoires de la direction générale ou par des laboratoires agréés.
Au sujet de la sécurité des produits industriels et des services, je puis vous assurer que la vigilance est permanente : elle est essentiellement orientée vers les domaines présentant des risques particuliers, notamment les équipements sportifs et de loisirs.
S'agissant de la protection économique du consommateur, l'activité s'est poursuivie dans les secteurs en pleine expansion ou ceux dont la complexité est particulière ; elle a porté notamment sur les relations entre les consommateurs et les banques, les éclaircissements à apporter dans le secteur de la téléphonie mobile, le contrôle du commerce électronique.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je tenais à vous apporter. Notre ambition, à travers ce projet de budget, est de mettre les services financiers en mouvement pour offrir à nos concitoyens le meilleur service, au meilleur coût. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de groupe de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'économie, les finances et l'industrie seront mis aux voix aujourd'hui même, à la fin de l'examen des crédits affectés au commerce extérieur.
M. le président. « Titre III : 38 779 003 euros. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur les crédits du titre III.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cette intervention sur le titre III du budget des services financiers portera sur deux des aspects de la politique de l'Etat en matière de consommation : le fonctionnement de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, d'une part, et la place et le rôle des autorités de régulation, d'autre part.
Nous considérons que les deux questions sont liées.
Cela fait plusieurs années que les services de la DGCCRF connaissent une réduction progressive de leurs effectifs, illustrant d'une certaine manière la logique qui préside au fonctionnement du ministère des finances, c'est-à-dire celle de la transformation des gains de productivité en suppressions d'emplois budgétaires.
L'intervention de la DGCCRF est pourtant particulièrement importante dans le contexte de vigilance des consommateurs, qui a d'ailleurs marqué un certain nombre de domaines ces dernières années.
Qu'il s'agisse de la traçabilité des produits alimentaires - et singulièrement des viandes, dans le contexte de crise de l'encéphalite spongiforme bovine -, qu'il s'agisse du développement des réseaux de communication comme la téléphonie mobile ou Internet, avec le lancement plus ou moins réussi du commerce dit électronique, les enjeux nécessitent de manière évidente l'intervention du service public de l'Etat.
Dans un ordre d'idées similaire, la qualité des prestations d'hôtellerie et de restauration dans notre pays exige, notamment lorsque l'on souhaite développer encore notre potentiel touristique, de se donner les moyens de la fiabilité du service rendu aux consommateurs.
Est-ce avec une nouvelle contraction de ses effectifs que la DGCCRF pourra y répondre ?
Est-ce aussi avec le développement des autorités de régulation dites indépendantes que l'on pourra durablement s'assurer la confiance des consommateurs face à la qualité des biens et services proposés dans le commerce ?
Les autorités de régulation, dont la philosophie générale est assez largement inspirée d'exemples étrangers, participent ainsi d'une certaine manière à la réforme de l'Etat. Mais jouent-elles tout à fait le rôle que l'on est en droit d'attendre d'elles ?
Si l'on examine, par exemple, l'activité de l'autorité de régulation des télécommunications, force est de constater que cette dernière joue aujourd'hui un rôle pour le moins déroutant de « commis voyageur » de la conception du service public des télécommunications telle qu'elle est définie par les directives européennes.
Il n'est pas certain, de ce point de vue, que les conditions de la libéralisation du secteur de la téléphonie aient réellement conduit à l'amélioration du service, ni d'ailleurs à celle de la situation financière de l'opérateur historique, c'est le moins que l'on puisse dire.
La qualité de service n'est pas tout à fait au rendez-vous en ce domaine.
Il est d'ailleurs à craindre qu'une telle constatation ne soit faite, dans les mois et années à venir, pour l'autorité de régulation de l'énergie qui semble relativement plus attachée, pour le moment, à favoriser la mise en concurrence des « gros clients » en matière énergétique qu'à assurer la qualité de service pour les particuliers.
Ce sont là quelques points qu'il convenait, selon nous, de souligner à l'occasion de la discussion de ces crédits.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 34 020 317 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 521 030 000 euros ;
« Crédits de paiement : 137 184 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 846 253 000 euros ;
« Crédits de paiement : 181 526 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les services financiers.
CHARGES COMMUNES
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les charges communes et les compte spéciaux du Trésor.
La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les charges communes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes confrontés au paradoxe suivant : le budget des charges communes est méconnu, voire inconnu de nos concitoyens et, pourtant, avec 120 milliards d'euros de crédits bruts, il représente plus du tiers du budget général et, avec 56 milliards d'euros de crédits nets, c'est le premier budget de l'Etat, avant même celui de l'enseignement scolaire.
Ce budget fut pendant longtemps un budget actif, celui des interventions du Trésor. C'est désormais un budget passif, de constatation, qui enregistre les dégâts budgétaires causés par l'irrésistible croissance de la charge de la dette financière, qui s'élèvera à 38,6 milliards d'euros en 2004 et, en exécution, par la non moins irrépressible augmentation de la charge de la dette viagère des pensions de retraite, à hauteur de 31,4 milliards d'euros hors PTT.
Pourtant, ce projet de budget des charges communes n'explose pas en 2004. Les crédits bruts n'augmentent que de 0,7 % et, si les crédits nets diminuent, c'est en raison de mesures diverses, telles que la suppression de la subvention au budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, ou la stabilité du point d'indice de la fonction publique.
Ce dernier point sera l'objet d'un autre débat.
S'agissant de la charge de la dette, on constate que cette dernière augmente peu si l'on prend comme référence la loi de finances de l'année dernière. En revanche, si l'on prend comme base l'estimation révisée dans le futur collectif budgétaire pour 2003, la charge de la dette devrait augmenter de l'ordre de 1,97 % en 2004.
J'ai parlé tout à l'heure de budget passif. Ce qualificatif ne doit pas induire en erreur. L'Agence France Trésor pratique une gestion active de la dette et elle le fait par anticipation dans le cadre rénové d'un projet expérimental conforme à LOLF, la loi organique relative aux lois de finances.
A cet égard, je vous soumets deux séries d'observations, madame la ministre, les unes sur la gestion de la dette, les autres sur l'extension de la réforme budgétaire aux charges communes.
La gestion active de la dette est soumise à des contraintes lourdes qui résultent des politiques budgétaires et financières macro-économiques.
En premier lieu, le stock de la dette est une donnée pour sa gestion. Il équivaut au cumul des déficits passés. Au 30 septembre 2003, il atteignait un montant net de 819 milliards d'euros environ. Au cours de la dernière année, la dette a augmenté de 50 milliards d'euros.
Le stock de dettes est sans cesse à refinancer. Il faut savoir qu'en 2004 le Trésor devra non seulement absorber la charge du déficit budgétaire de 55 milliards d'euros mais aussi amortir 70 milliards d'euros de dette venant à échéance. Au total, le Trésor devra placer plus de 120 milliards d'euros de nouveaux emprunts en 2004.
Il faut aussi savoir qu'une fraction importante de cette dette est émise à l'étranger auprès de non-résidents et qu'un tiers des crédits que le Sénat est appelé à voter au titre de la charge de la dette partira à l'étranger.
La seconde contrainte est celle des taux d'intérêt. Ces derniers ne dépendent plus aujourd'hui ni du Gouvernement ni du marché financier. Les taux à long terme sont fixés sur un marché européen et les taux à court terme dépendent de la politique monétaire de la Banque centrale européenne.
A l'instigation de M. Jean Arthuis, les taux retenus depuis 1996 pour l'établissement du budget sont ceux qui résultent du consensus des économistes. C'est une bonne méthode. Au cours des dernières années, elle a conduit à des prévisions relativement pessimistes. En 2003, par exemple, la charge de la dette sera légèrement inférieure à ce qui avait été prévu lors du vote du budget de l'an dernier.
Les taux prévus sont, pour le long terme, en 2003, de 4 %. C'est en 2004 que le budget aura à absorber la charge des intérêts des OAT, les obligations assimilables du Trésor, qui ont été émises cette année. Le taux à court terme prévu est de 2,1 %. C'est un taux faible, qui reflète le consensus des économistes. Il est possible qu'il soit dépassé au cours de l'année 2004, car les satisfactions que l'on a connues en 2003 ne se reproduiront peut-être pas.
Telles sont les deux contraintes qui sont des données pour la gestion active. Heureusement, vous pouvez le constater, ces deux contraintes ont joué en sens inverse l'une de l'autre au cours de ces dernières années. La dette a augmenté considérablement, mais son coût moyen a diminué en raison de la baisse des taux d'intérêt. Il y a dix ans, le coût moyen s'élevait à 8,45 %. Pour l'année 2004, il est de 4,65 %. Cette baisse, presque de moitié, est très significative. En effet, chaque fois que l'on refinance une OAT qui a été émise à un taux élevé par une OAT nouvelle à un taux inférieur, on réalise un gain de refinancement.
Une nouvelle stratégie de gestion de cette énorme dette a été mise en place en 2001, sous forme d'une réduction de la durée moyenne de la dette. Sa justification est simple : les taux à court terme sont inférieurs aux taux à long terme : 2 %, contre 4,5 %, par exemple. Mais, évidemment, si l'on raccourcit la durée de la dette, si l'on augmente la proportion de titres courts, on a un risque avéré de refinancement.
Rappelez-vous la situation du Trésor américain en 1992, dont la dette était composée, pour la plus grande part, de titres à court terme. Du fait de la très forte augmentation des taux à court terme consécutive au resserrement de la politique monétaire, il a vu la charge de sa dette exploser.
Donc, voilà le risque qu'il faut bien mesurer. C'est en raison de ce risque que, voilà un an et demi, le ministre des finances a décidé d'interrompre ce qu'on appelle la politique des swaps, la politique d'échanges de taux longs contre des taux courts, tant que la situation ne serait pas stabilisée sur le marché des taux à long terme.
En revanche, madame la ministre, vous avez continué, d'une autre manière, à réduire la durée moyenne de la dette, en augmentant les émissions de bons du Trésor à taux fixe, les BTF, par rapport à ce qui avait été prévu dans le tableau de financement l'année dernière.
En d'autres termes, nous assistons, comme en 2002, à une augmentation du déficit budgétaire liée à la souscription plus importante de BTF, résultant du fait que les dépôts des comptes chèques postaux, d'une part, et les dépôts du fonds de réserve des retraites, d'autre part, ne seront plus affectés à la trésorerie de l'Etat. Il y a donc une contradiction entre deux objectifs.
Je comprends très bien que, sur un plan économique, il soit intéressant de souscrire des emprunts à un taux très faible - 2 % -, avec le risque que j'ai indiqué. En revanche, lorsque l'on émet de pareils emprunts, on se met en porte-à-faux par rapport aux dispositions de la LOLF - qui, soit dit en passant, ne sont encore que partiellement appliquées, - selon lesquelles le Parlement, lors de l'adoption de la loi de finances, se prononce sur le montant des émissions à long et à moyen terme. Il ne faudrait pas court-circuiter cette disposition par un accroissement des emprunts à court terme.
Sans entrer, mes chers collègues, dans le détail de la gestion active de la dette mise en place par l'Agence France Trésor, je soulignerai simplement que les commissions des finances du Parlement contrôlent régulièrement cette gestion.
A cet égard, je veux rendre hommage au directeur de l'agence France Trésor, au moment où il quitte ses fonctions, pour la qualité du service qu'il a apporté à la gestion de cette dette.
Je terminerai sur la question de la gestion de la dette, mes chers collègues, en précisant que les effets bénéfiques dont je viens de parler ne sont que transitoires. La baisse des taux atteindra nécessairement un plancher, et les gains de refinancement finiront par s'épuiser. Alors, la charge de la dette finira par rejoindre le rythme de la croissance de la dette, beaucoup plus élevé, et il faudra bien que, la croissance revenue, nous affections des crédits, si les recettes progressent, à la réduction de la dette, ou tout au moins à sa stabilisation en pourcentage du PIB.
J'en viens au second axe de mon intervention.
Quel est l'avenir du budget des charges communes dans le cadre de la LOLF ? Disons-le très simplement : ce budget est à l'agonie, et sa mort est programmée. Elle l'a été non par la volonté du Gouvernement, mais par celle du Parlement qui a voté la LOLF. En effet, nous aurons deux comptes spéciaux qui permettront de gérer, d'une part, la dette et, d'autre part, le régime des pensions. Par ailleurs, nous avons mis en place un certain nombre de missions spécifiques, par exemple pour gérer les pouvoirs publics, c'est-à-dire le budget de la Présidence de la République, celui du Parlement et celui des hautes autorités judiciaires. A cet égard, le budget du Parlement sera majoré l'an prochain de 1,8 % ; celui du Sénat, en particulier, augmentera de 5,55 millions d'euros.
Je me dois, malgré tout, d'évoquer le sort qui est réservé, dans ce nouveau contexte général, d'une part, aux dégrèvements et remboursements d'impôts locaux, d'autre part, aux crédits de pension.
Les dégrèvements et remboursements d'impôts locaux, madame la ministre, ne sont pas des recettes d'ordre. Il faudra bien les traiter comme de vraies dépenses dans un programme spécifique pour que l'on distingue clairement l'apport de l'Etat aux collectivités locales, ou plus exactement aux contribuables locaux.
Ces dégrèvements atteignent cette année environ 9,5 milliards d'euros, en brut, ce qui représente près de 13 % des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales.
Si l'on a éclairci le problème en matière de prélèvements dans le projet de loi de finances, on doit le faire s'agissant des dégrèvements d'impôts locaux.
Les dégrèvements de taxe professionnelle diminuent légèrement, et passent de 6 milliards d'euros à 5,6 milliards d'euros cette année. Le principal dégrèvement résulte du plafonnement des cotisations des entreprises en fonction de la valeur ajoutée. Puisque les entreprises paient une part de plus en plus faible de la taxe professionnelle, les dégrèvements devraient diminuer. Mais, en période de conjoncture défavorable, la faible croissance de la valeur ajoutée en sens inverse, ce qui explique que ces dégrèvements n'aient pas diminué autant que l'on aurait pu l'espérer.
Quoi qu'il en soit, il devient très difficile de savoir ce que paient les entreprises au titre de la taxe professionnelle, car, en échange de ces dégrèvements, elles acquittent une cotisation minimale de taxe professionnelle de plus en plus importante. Nous sommes ainsi au royaume de l'Absurdie ! Si l'on majore la taxe professionnelle dans une commune faiblement imposée, l'entreprise qui est assujettie à cette cotisation minimale ne paiera rien de plus. C'est l'Etat qui perdra une recette alors que les collectivités locales verront leurs ressources s'accroître. Nous ne sommes donc pas dans un système qui nous permet de prendre de bonnes décisions fiscales au niveau des collectivités locales.
Le cas des dégrèvements de taxe d'habitation est plus grave, parce que ces dégrèvements continuent de progresser, les crédits s'établissant au total, cette année, à 2,8 milliards d'euros.
Dans le rapport d'information que j'ai présenté à la commission des finances...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Remarquable !
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. ... je me suis efforcé d'expliquer cette explosion des dégrèvements de taxe d'habitation.
Je suis absolument certain qu'il faudra, en ce domaine, prendre des mesures pour renforcer les tickets modérateurs, insuffisamment efficaces, qui ont été introduits dans la loi. Il est tout à fait anormal que ces dégrèvement jouent systématiquement en faveur des collectivités locales qui ont le plus augmenté la pression fiscale. Et ce ne sont pas nécessairement celles où les habitants ont les revenus les plus modestes ni celles où la taxe professionnelle est la plus faible qui bénéficient le plus de ces dégrèvement.
Un autre aspect du réajustement du budget des charges communes dans la nouvelle structure concerne les crédits de pension.
Le partage actuel des inscriptions budgétaires entre les charges communes et les autres fascicules ne permet pas d'avoir une vision exacte du problème. Le regroupement dans un compte unique est donc excellent.
D'ailleurs, les informations que vous avez transmises au Parlement permettent de constater que la cotisation implicite de l'Etat aux crédits de pension est passée de 49 % il y a quatre ans à 55 % cette année, c'est-à-dire qu'ils équivalent à 55 % de la masse des traitements de la fonction publique.
Il serait tout à fait intéressant que, dans la nouvelle présentation budgétaire, ce taux de cotisation implicite puisse servir à calculer le coût complet des charges de retraite dans chaque département ministériel. Ainsi, les décisions qui devront être prises en matière de fongibilité entre les crédits de fonctionnement, d'une part, et les crédits de personnels, d'autre part, le seront en tenant compte des charges induites pour l'Etat par la prise en compte des pensions.
Voilà, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais faire sur ce budget des charges communes.
L'Assemblée nationale n'a apporté que des modifications très marginales au projet de budget des charges communes, la principale étant d'utiliser 91 millions des crédits d'un chapitre réservoir de dépenses accidentelles.
La commission des finances se réjouit que, cette année, des circonstances favorables, en particulier la baisse des taux d'intérêt, permettent au budget des charges communes de ne pas obérer l'utilisation d'une marge de manoeuvre fort restreinte pour le Gouvernement, qui veut maîtriser la dépense publique.
La commission des finances vous invite donc à voter les crédits des charges communes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
(M. Bernard Angels remplace M. Serge Vinçon au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, rapporteur spécial.
M. Paul Loridant, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les comptes spéciaux du Trésor. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, serai-je le dernier rapporteur des comptes spéciaux du Trésor ? Telle est la question qui se pose lorsque l'on examine l'évolution de ce budget. Le rapport budgétaire sur les comptes spéciaux du Trésor pour 2004 présente ainsi le caractère d'une nécrologie : quatre comptes disparaîtront l'année prochaine et le mouvement programmé de suppression d'un grand nombre de comptes spéciaux du Trésor ne semble pas devoir cesser.
Pourquoi cette disparition programmée ?
La raison tient, tout d'abord, à un fonctionnement actuel des comptes spéciaux du Trésor peu satisfaisant. Beaucoup de comptes de commerce masquent des services de l'Etat mal en point, incapables de se transformer, pour des raisons d'équilibre budgétaire, en établissements publics.
En ce qui concerne les comptes d'affectation spéciale, nombre d'entre eux enregistrent des reports importants, pouvant aller jusqu'à une année de crédits. Il faut le rappeler encore une fois : un compte spécial du Trésor, plus particulièrement un compte d'affectation spéciale, ne peut, en règle générale, constituer un bon support budgétaire pour effectuer des investissements publics. Pourtant, que financent la plupart des comptes d'affectation spéciale ? De l'investissement !
Il en est ainsi du fonds national de développement pour le sport. L'augmentation majeure des reports de 2002 à 2003 sur ce compte, de 150 millions d'euros, conduit à s'interroger sur les raisons qui ont pu conduire à doter le fonds pour 2004 de crédits en hausse de 13,57 %, soit 248 millions d'euros.
Les dysfonctionnements observés sur les comptes d'affectation spéciale conduisent logiquement à la rebudgétisation progressive de ceux dont le niveau des reports était devenu problématique : en 2004, il s'agira du fonds national de développement pour les adductions d'eau - que j'ai été amené à contrôler en brigade, cette année, avec Joël Bourdin, rapporteur spécial des crédits de l'agriculture - et du fonds national de développement de la vie associative.
Que vont devenir, ensuite, les comptes spéciaux du Trésor au regard de la loi organique relative aux lois de finances, dont les dispositions sont sur le sujet plus restrictives, et sans doute plus vertueuses ?
Beaucoup vont disparaître d'ici à 2006. Il est en effet prévu, aux termes de l'article 21 de la loi organique, que les recettes des comptes d'affectation spéciale doivent être « par nature en relation directe avec les dépenses concernées ». Le fonds national de développement du sport, financé par un prélèvement sur la Française des Jeux, et le fonds de provisionnement des charges de retraite, financé par l'UMTS, sont de ce fait condamnés.
L'article 21 dispose également que les recettes des comptes d'affectation spéciale ne pourront plus être complétées par des versements du budget général que dans la limite de 10 % des crédits initiaux de chaque compte, contre 20 % aujourd'hui.
Le compte d'emploi des taxes parafiscales affectées au financement des organismes du service public de la radiodiffusion sonore et de la télévision, dont 16 % des ressources sont aujourd'hui constituées par un versement du budget général, pourrait voir son fonctionnement remis en cause.
Par ailleurs, l'article 20 de la loi organique précise que chacun des comptes spéciaux dotés de crédits constitue une mission. Cette disposition pourrait exclure certains comptes n'ayant pas la « taille critique » ou ne pouvant définir un champ d'activité suffisamment large pour constituer une mission. Elle implique également que le compte d'affectation spéciale devienne le support d'une mission « cohérente ». Ce n'est sans doute pas le cas du compte d'affectation spéciale de soutien à la presse et à l'expression radiophonique, que j'avais qualifié en 2002 de « compte fricassée du ministère de la culture ».
Après 2006, j'ai le sentiment que la physionomie des comptes spéciaux du Trésor se limitera pour l'essentiel aux trois comptes créés de droit par la loi organique, à savoir un compte d'affectation spéciale retraçant les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'Etat, un compte des pensions et avantages accessoires à partir duquel seront payées les pensions des fonctionnaires, et un compte de la dette et de la trésorerie de l'Etat. Les comptes spéciaux seront donc moins nombreux, mais d'une importance stratégique plus grande.
J'en viens au seul compte d'affectation spéciale du budget 2004 dont l'importance stratégique est réelle : il s'agit du compte de privatisations.
Je me félicite, bien entendu, de la création de l'agence des participations de l'Etat, qui permettra un suivi plus performant des entreprises publiques. Il faut se féliciter aussi de la publication d'un rapport sur l'Etat actionnaire, un « jaune » désormais, de bien meilleure facture que l'an passé. La commission des finances n'y est pas étrangère, comme elle n'est pas étrangère aux travaux en cours sur les comptes combinés des quarante entités les plus significatives contrôlées par l'Etat, qui avancent enfin.
Je veux formuler trois remarques sur ce compte.
La première est d'ordre général. Je déplore la tactique des coups de marché consistant à céder des titres de sociétés dès que s'ouvre une « fenêtre de tir », sans que se dégage une vision cohérente de la stratégie industrielle de l'Etat actionnaire autre que la maximisation des recettes.
Les deux autres remarques sont d'ordre budgétaire.
D'une part, les dotations à Réseau ferré de France sont réintégrées au sein du budget général, dans le fascicule des transports, et sont donc « sorties » du compte d'affectation spéciale. Est-ce réellement cohérent ? Il semble dommage que, peut-être pour afficher des dépenses en hausse dans tel ou tel ministère, ou pour augmenter « artificiellement » les crédits d'investissement inscrits au budget général, le compte de privatisations ne regroupe plus l'ensemble des dotations en capital, rendant ainsi peu lisibles sur le plan budgétaire les mesures de recapitalisation des entreprises publiques.
D'autre part, le choix d'inscrire les recettes issues de cessions d'éléments du patrimoine immobilier de l'Etat en recettes non fiscales sur le budget général, pour 500 millions d'euros, me laisse dubitatif. La diminution du patrimoine de l'Etat, plutôt que d'être traitée sur le plan budgétaire en recettes courantes, aurait dû être compensée par un désendettement à due concurrence ou par des dotations en capital à des entreprises publiques.
Telles sont, mes chers collègues, mes observations sur les crédits des comptes spéciaux du Trésor qui ont fait l'objet, ainsi que les articles 50 à 56 rattachés, d'un vote favorable de la majorité de votre commission des finances, qui vous demande de les adopter. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget des charges communes a la particularité d'occuper une part relativement réduite de la discussion budgétaire tout en constituant, dans les faits, le plus important budget ministériel, en termes de montants engagés.
En effet, ce sont plus de 120 milliards d'euros qui figurent, pour cette année 2004, au total des engagements en la matière.
Le premier poste examiné dans ce cadre est évidemment celui de la dette publique qui, du fait de la détérioration des comptes publics, présente ces derniers temps une certaine tendance à l'accroissement.
De la fin de 2002 à la fin de 2004, selon les projections associées, la dette publique négociable sera passée de 716 milliards à 841 milliards d'euros, cette dette étant toutefois aujourd'hui marquée par une réduction progressive du taux d'intérêt moyen pesant sur les titres émis.
Le taux pondéré de la dette publique s'établissait en effet à 3,56 % à la fin de juillet 2003, taux qu'il convient cependant de considérer, selon nous, à concurrence de l'évolution réelle du produit intérieur brut en valeur. Or, dans un contexte affirmé de dégradation de la situation économique, ce taux n'a, à notre avis, qu'un intérêt limité.
Un taux de 3,56 % avec une croissance de 0 à 0,5 % l'an, cela reste une formidable pression sur les comptes publics et fait du service de la dette un facteur déterminant dans la consommation des faibles marges budgétaires dont nous disposons.
A la vérité, le poids de la dette publique est un obstacle majeur à toute définition d'une politique budgétaire réellement ambitieuse, d'autant que le solde primaire budgétaire s'avère lui-même détérioré par la récession économique.
Nous payons très cher la dépendance de notre politique budgétaire aux règles des marchés financiers, comme nous payons très cher notre soumission aux impératifs européens et au maintien, bien au-delà de toute logique, de la parité de l'euro.
Je ne reviendrai pas spécialement sur les dépenses du titre II - même s'il y aurait à dire en la matière -, mais vous me permettrez de conclure cette intervention sur la question des dépenses du titre IV, singulièrement sur les dépenses de financement des régimes de retraite.
Comme nous l'avons souligné dans d'autres discussions budgétaires, le financement des retraites des agents du secteur public demeure trop largement lié à la sollicitation du budget des charges communes, dans lequel figurent encore près de 7 milliards d'euros à ce titre.
Une telle situation n'est pas satisfaisante et tout doit tendre à ce que ces retraites soient, demain, totalement prises en compte par les chapitres ministériels correspondants.
Ce serait, à notre avis, faire oeuvre utile, indépendamment de la question fondamentale que pose le maintien du pouvoir d'achat des prestations servies.
On notera cependant, sur ce chapitre du financement des régimes de retraite, que le budget des charges communes tire pleinement parti, cette année, de la réforme du BAPSA pour s'alléger de la contribution de l'Etat au financement des prestations des non-salariés du régime.
Nous ne voterons donc pas ce budget des charges communes qui, malgré la haute technicité dont font preuve les parties prenantes, illustre à la fois la soumission de notre pays à la loi d'airain des marchés et l'absence de lisibilité des mesures destinées à faire face, ponctuellement, à telle ou telle dépense publique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget des charges communes, et les comptes spéciaux du Trésor présentent des enjeux considérables : 120 milliards d'euros de crédits pour les charges communes et des masses financières de près de 70 milliards d'euros pour les comptes spéciaux du Trésor.
Les charges communes, évoquées tout à l'heure par M. Fréville, représentent ainsi 34 % des dépenses brutes du budget général. Toutefois, la part des dépenses d'ordre est, au sein de ce budget, de 67 milliards d'euros. Ainsi, seuls 54 milliards d'euros pèsent sur les dépenses nettes.
Ces 54 milliards d'euros se répartissent en trois catégories : la charge nette de la dette, à hauteur de 38,6 milliards d'euros ; les crédits de personnels non ventilés sur les budgets des ministères, qui représentent 10,8 milliards d'euros ; enfin, les autres dépenses, qui atteignent 4,5 milliards d'euros et qui comprennent notamment des subventions aux régimes spéciaux de retraite, des interventions en faveur du logement, un fonds d'aide à la Polynésie et les crédits des pouvoirs publics.
M. Fréville a évoqué, à très juste titre, l'avenir de cette masse hétérogène de crédits. Cet avenir est clair : je vous confirme, monsieur le rapporteur spécial, qu'il n'y aura plus de budget des charges communes dans la forme actuelle à compter du 1er janvier 2006. C'est donc l'avant-dernière fois que nous en débattons.
La loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, prévoit elle-même le sort de la plupart des crédits qui sont inscrits à ce budget. Les quelques crédits des charges communes dont le sort n'est pas réglé par la loi organique seront répartis dans les missions et programmes susceptibles de les accueillir.
Ces crédits sont peu nombreux et leur montant s'établit à environ 1,8 milliard d'euros, dont quelque 1,4 milliard d'euros est alloué aux primes d'épargne logement.
Je souhaite revenir quelques instants, après M. Fréville, sur la principale dépense des charges communes, à savoir la charge de la dette.
Premier constat : la charge de la dette nette n'augmente que faiblement dans le projet de loi de finances pour 2004. Par rapport à la loi de finances pour 2003, la dérive est de 300 millions d'euros. En prenant pour référence la prévision d'exécution de 2003, l'augmentation s'établit toutefois à 750 millions d'euros. En effet, la charge de la dette sera moins importante en 2003 qu'il n'était prévu en loi de finances initiale, à concurrence de 450 millions d'euros.
Deuxième constat : le répit risque de n'être que temporaire. Nous bénéficions actuellement de conditions favorables, avec des gains de refinancement élevés. Mme Beaudeau a d'ailleurs insisté sur ce point, même si elle en tire évidemment des conséquences différentes des nôtres.
Un retournement de tendance sur les marchés nous exposerait à une forte croissance de la charge de la dette. Si nos gains de refinancement disparaissaient, le niveau actuel du déficit budgétaire nous exposerait mécaniquement à une croissance annuelle d'environ 2 milliards d'euros de la charge de la dette.
M. Fréville explique très clairement ce point dans son rapport écrit en distinguant l'effet volume et l'effet prix dans la formation de la charge de la dette. Nous devons collectivement méditer ce chiffre : 2 milliards d'euros, c'est, par exemple, plus de deux fois ce que nous consacrons chaque année aux investissements routiers. Nous risquons purement et simplement de perdre cette somme, parce que nous sommes en déficit. Maîtriser la dépense, comme s'y emploie le Gouvernement, n'en est que plus indispensable.
Troisième et dernier constat : la dette peut et doit faire l'objet d'une gestion active, comme l'observe à juste titre le rapporteur spécial.
Je ne m'étendrai pas sur l'ensemble des procédures mises en place par l'Agence France Trésor, qui sont décrites dans le programme « dette » du fascicule « charges communes ». J'évoquerai simplement trois questions à propos de la gestion de la dette.
J'envisagerai d'abord les perspectives de reprise des opérations de swap de taux. Ces opérations ont été arrêtées en juillet 2002. Néanmoins, l'encours des swaps réalisés auparavant rapportera 290 millions d'euros en 2004. Il s'agit là d'une recette appréciable.
Dans son principe, ce type d'opérations est bénéfique dès lors que les risques sont très sérieusement encadrés. A cet égard, nous avons posé deux conditions à la reprise des swaps : un niveau des taux longs adéquat et une volatilité limitée. Or les niveaux requis ne sont pas encore atteints. Nous ne comptons donc pas reprendre les swaps de taux dans l'immédiat.
L'autre point que je voudrais mentionner pour conclure sur la gestion de la dette est l'importance, pour l'équilibre du budget, des recettes de placement de la trésorerie. Nous estimons ces recettes à 600 millions d'euros pour 2003. Celles-ci ne sont possibles que grâce à une gestion fine de la trésorerie supposant une bonne information de l'agence France-Trésor. C'est pourquoi le Gouvernement accorde une place toute particulière aux dispositifs d'information de l'agence par les collectivités locales concernant leurs mouvements importants de fonds. Ce dispositif est prévu par un article de la deuxième partie du projet de loi de finances que le Sénat examinera la semaine prochaine et dont je souligne dès aujourd'hui, le caractère essentiel.
Enfin, M. le rapporteur spécial m'a interrogée sur la délicate question du plafond d'emprunt et des émissions de bons à taux fixe, les BTF.
Il est exact, monsieur Fréville, que le plafond d'emprunt ne vise pas les BTF. Il ne peut d'ailleurs pas en être autrement puisque ces titres ont une durée infra-annuelle et que le plafond d'emprunt est, par construction, annuel.
Il est également exact que nous avons beaucoup recouru aux BTF en 2002 et en 2003, et cela dans l'intérêt du contribuable puisque les taux courts étaient particulièrement bas. Toutefois, à l'avenir, le recours aux BTF ne devrait pas s'accroître, ou alors de manière très modérée. Cette précision doit permettre de satisfaire votre préoccupation.
M. le rapporteur spécial a par ailleurs insisté sur la question des dégrèvements d'impôts locaux.
En ce qui concerne plus particulièrement les dégrèvements de taxe d'habitation, nous estimons, comme vous, qu'il n'est pas souhaitable qu'une collectivité fasse évoluer ses abattements à la base uniquement dans un souci d'optimisation fiscale, afin d'augmenter le volume des dégrèvements de taxe d'habitation pris en charge par l'Etat.
J'ai donc le plaisir de vous indiquer que nous sommes d'accord pour travailler avec vous d'ici à l'examen du collectif de fin d'année au Sénat pour concevoir un dispositif qui responsabilise les collectivités et ne fasse pas assumer à l'Etat les conséquences de leurs choix fiscaux.
S'agissant des comptes spéciaux du Trésor, à la suite de l'intervention de M. le rapporteur spécial, Paul Loridant, je présenterai trois observations.
Ma première observation concerne l'application progressive de la LOLF. Dans le domaine des comptes spéciaux comme dans celui des charges communes, nous avançons dans la mise en oeuvre progressive de la loi organique. C'est ainsi que deux comptes incompatibles avec ce texte sont supprimés dans le projet de loi de finances pour 2004 : le fonds national pour le développement de la vie associative et le fonds national de l'eau. Ces deux comptes bénéficiaient d'une recette sans lien avec leur objet, assise sur les enjeux du PMU. Les crédits nécessaires ont été budgétisés au budget général.
M. Paul Loridant nous a rappelé les conclusions de son contrôle sur pièces et sur place concernant le fonds national de l'eau. J'observe qu'il rejoint le Gouvernement sur l'opportunité d'une budgétisation de ce compte spécial et je l'en remercie, sans m'étendre plus avant sur cette question qui a déjà fait l'objet d'un vaste débat lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances. Nous poursuivrons l'an prochain ce mouvement de rationalisation des comptes spéciaux.
Ma deuxième observation concerne l'action du Gouvernement à l'égard des entreprises publiques, action qui vise résolument à leur modernisation. Trois principes guident la politique du Gouvernement en ce domaine.
Tout d'abord, une entreprise publique, comme toute entreprise, doit avoir pour premier objectif d'être performante et en bonne position stratégique dans son domaine. Les résultats atteints ces derniers mois montrent que cette recherche de performance porte ses fruits pour les entreprises dont l'Etat est actionnaire, comme pour toute autre entreprise. Je rappelle trois de ces résultats : le redressement engagé par France Télécom, l'alliance conclue par Air France avec KLM et le repositionnement stratégique de Thomson sur l'ensemble des métiers de la chaîne de l'image dans le cadre d'un accord avec un partenaire chinois sur les activités « téléviseurs ».
Il reste aujourd'hui, bien sûr, des défis immenses à relever pour les entreprises publiques en matière de compétitivité et de positionnement stratégique. Le Gouvernement s'y est attelé avec les directions des entreprises concernées.
Ainsi, le contrat de plan de La Poste, qui sera signé après les consultations en cours, fixe les principaux objectifs pour chacun des trois métiers de La Poste, dans le but de permettre notamment à la branche courrier d'affronter la concurrence.
GIAT-industries poursuit les négociations sociales pour mettre en oeuvre un plan industriel indispensable pour assurer l'avenir de l'entreprise. Vous nous faites part dans votre rapport écrit, monsieur Loridant, de vos inquiétudes sur l'avenir de cette entreprise. Le plan social décidé par le Gouvernement est effectivement indispensable. Une fois mis en oeuvre, il permettra d'envisager plus sereinement l'avenir de l'entreprise.
La direction des constructions navales, DCN, est désormais une entreprise à part entière qui dispose des outils nécessaires pour améliorer ses performances. La préparation du changement de statut d'Aéroports de Paris a par ailleurs été engagée.
Notre action vise ensuite à réformer les méthodes de travail de l'Etat envers les entreprises dont il est actionnaire. Vous avez relevé, monsieur le rapporteur spécial, le manque d'identification de la fonction d'actionnaire et les inconvénients qui pouvaient en résulter. La création de l'agence des participations est destinée à y remédier, comme vous l'avez vous-même relevé.
Je voudrais par ailleurs souligner qu'un travail important d'information a été réalisé dans le cadre du rapport annuel sur l'Etat actionnaire, qui a fait l'objet cette année d'un effort particulier afin de donner la vision la plus complète et la plus précise possible de la situation et des enjeux propres à chaque entreprise publique.
Nous répondrons ainsi à une demande émise de longue date par votre commission des finances.
Enfin, la gestion des parts de l'Etat dans le capital doit répondre à deux objectifs : l'intérêt stratégique des entreprises et l'intérêt patrimonial de l'Etat.
Le Gouvernement a appliqué avec pragmatisme, au cours des douze derniers mois, le principe selon lequel l'Etat n'a pas vocation à rester durablement actionnaire d'entreprises concurrentielles. Cette approche pragmatique a conduit, selon les cas, soit à privilégier les opérations favorisant un projet stratégique de l'entreprise, soit à saisir des conditions de marché favorables pour réaliser une cession.
On peut citer deux cas d'opérations favorisant le développement stratégique de l'entreprise : Air France et France Télécom. L'Etat a, par ailleurs, réalisé depuis douze mois quatre opérations de cession destinées à lui permettre de valoriser au mieux son patrimoine : la cession de sa participation au capital du Crédit Lyonnais par mise aux enchères, la réduction de 10 % de sa participation au capital de Renault par opération de marché accélérée, la cession de ses participations dans Dassault Systèmes et dans Thomson.
Le produit cumulé de ces cessions représente environ 5 milliards d'euros. Ces recettes de cession et les dotations en capital à des entreprises ou établissements publics comme Réseau ferré de France, l'établissement public de financement et de réalisation, l'EPFR de défaisance du Crédit lyonnais ou Charbonnages de France, passent par le compte 902-24 qui reflète les entrées et les sorties en capital de l'Etat.
Le projet de loi de finances se doit de donner une estimation sur le volume de ces flux en 2004. Un chiffre indicatif de 4 milliards d'euros a été inscrit pour 2004. Il ne s'agit ni d'une obligation de recette ni d'une obligation de dépense. Les recettes du compte dépendront, comme cette année, des opportunités de cession. S'agissant des dépenses, le calendrier de désendettement des entreprises concernées sera ajusté en fonction des recettes de cessions.
Pour conclure sur les entreprises publiques, je crois utile de souligner trois points importants concernant l'utilisation des produits de cession d'actifs : d'abord, la participation de l'Etat à l'accord de financement du groupe Alstom sera financée à hauteur de 500 millions d'euros à partir des produits de cession réalisés cette année ; ensuite, 150 millions d'euros ont été réservés en 2004 au financement des fondations de recherche ; enfin, dans la loi de finances pour 2004, le Gouvernement a jugé indispensable que le financement actuel de Réseau ferré de France soit repris pour une large part sous forme de dotation budgétaire, ce choix transparent est de surcroît conforme à la nature de ces dépenses en comptabilité européenne.
Pour conclure sur les comptes spéciaux, je voudrais vous apporter quelques éléments de réponse, monsieur Loridant, sur la question des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales.
Vous avez rappelé le rapport d'information que vous avez présenté à ce propos au nom de la commission des finances. Vous y envisagez la possibilité de rémunérer les dépôts des collectivités locales au Trésor, ce qui conduirait à poser la question d'ensemble des flux financiers entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Or un paramètre nouveau intervient cette année : le compte d'avances sur le montant des impôts locaux est de nouveau déficitaire, à concurrence d'une soixantaine de millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2004. Cela provient de l'achèvement de la réforme de la part salaires de la taxe professionnelle. Il semble, de ce fait, qu'un certain déséquilibre soit de nouveau à constater au détriment de l'Etat. La rémunération des dépôts ne pourrait donc s'envisager que si ce paramètre était pris en compte.
Il s'agit d'une question infiniment complexe. Comme vous l'avez observé, monsieur le rapporteur spécial, l'Etat a fait un premier pas avec l'assouplissement des règles de dépôt, prévu en deuxième partie du projet de loi de finances. Il nous paraît donc sage d'en rester là pour l'instant.
Après avoir fait ces quelques observations en réponse aux rapporteurs spéciaux, je vous demande de bien vouloir adopter les crédits des charges communes et des comptes spéciaux du Trésor. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant à l'état B et concernant les charges communes.
M. le président. « Titre I : 4 095 000 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre I.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre II : 14 198 217 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre II.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre III : moins 592 234 960 euros. »
L'amendement n° II-8 rectifié, présenté par MM. Fréville et Braun, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Augmenter la réduction des crédits du titre III de 5 000 000 d'euros.
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 597 234 960 euros. »
La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Mes chers collègues, la commission des finances vous propose une réduction de 5 millions d'euros des crédits de pension des charges communes.
Les retraités titulaires d'une pension de l'Etat justifiant d'une résidence effective à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou à Wallis-et-Futuna bénéficient, vous le savez, d'une majoration de pension.
Les fonctionnaires de l'Etat doivent, d'une part, justifier de six mois de présence sur le territoire et, d'autre part, répondre à l'obligation de résidence toute l'année, les absences ne pouvant excéder une période de quarante jours.
Or un certain nombre de personnes viennent dans ces territoires et bénéficient de l'indemnité temporaire - que je ne remets pas en cause - en contournant cette obligation de présence effective.
Madame le ministre, cet amendement a essentiellement pour objet de vous demander de contrôler cette présence effective. Je me souviens de ma grand-mère, institutrice en retraite, se rendant tous les mois chez le percepteur de sa commune pour que lui soit versée sa pension. Je suis certain qu'un système analogue vous permettrait d'assurer un contrôle.
Telle est, mes chers collègues, la raison de cette demande de réduction de crédits.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui lui pose plusieurs problèmes.
Tout d'abord, il est indissociable de l'amendement n° II-7 rectifié, que nous examinerons dans un instant, visant à restreindre le champ de la majoration de pension. Sans une telle restriction, en effet, le montant de 5 millions d'euros d'économie serait très difficile à atteindre.
Le Gouvernement étant défavorable à l'amendement n° II-7 rectifié, il l'est évidemment, par cohérence, avec le présent amendement de réduction de crédits.
Toutefois, même en faisant abstraction de cet amendement n° II-7 rectifié, il ne m'est pas possible d'accepter une réduction des crédits sur le chapitre des pensions.
Je puis vous assurer, monsieur le rapporteur spécial, que le Gouvernement va étudier toutes les possibilités de mieux contrôler la résidence effective outre-mer des bénéficiaires de la majoration de pension. Il est toutefois impossible de chiffrer précisément l'effet budgétaire de cette mesure.
Il nous semble donc préférable de constater a posteriori le bénéfice d'une action plutôt que d'adopter une démarche de réduction immédiate des crédits.
L'amendement proposé reviendrait à créer, de fait, une sous-budgétisation, au moins potentielle. Je ne pense pas que le Sénat souhaite aller dans cette direction.
Je vous demande donc, monsieur le rapporteur spécial, de bien vouloir retirer cet amendement. A défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable, tout en ayant bien entendu votre appel à lutter contre la fraude.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la ministre, j'ai bien entendu vos observations et la position qu'a prise le Gouvernement à l'encontre de l'amendement que vient de présenter Yves Fréville, rapporteur spécial pour les charges communes.
Tout à l'heure, j'aurai l'honneur de vous présenter l'amendement n° II-7 rectifié, et j'enregistre d'ores et déjà votre opposition au dit amendement.
Ce débat n'est pas nouveau : il a déjà eu lieu au Sénat, à l'occasion de l'examen de la loi de programme pour l'outre-mer. J'avais alors présenté un amendement de même nature, qui était cosigné par le rapporteur général et par moi-même. Nous voulions mettre un terme à une dérive qui fait offense à l'idée que nous nous faisons de la justice au sein de la République.
Les retraités titulaires d'une pension de l'Etat justifiant d'une résidence effective à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou à Wallis-et-Futuna bénéficient d'une majoration dont le montant varie entre 35 et 75 %. Cette disposition est issue, pour les pensions civiles et militaires, du décret n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et elle ne concerne ni la Guyane, ni la Guadeloupe, ni la Martinique. La seule condition posée par ce décret porte sur les conditions de résidence, qui doivent être au moins équivalentes à celles qui sont imposées aux fonctionnaires en activité.
Yves Fréville a évoqué la difficulté d'assurer un contrôle et la probable absence de vigilance de la part du Gouvernement. Cette dérive a été dénoncée par la Cour des comptes dans des termes non ambigus.
Aujourd'hui, des fonctionnaires métropolitains ont, semble-t-il, l'opportunité d'aller prendre leur retraite dans les départements que je viens de rappeler sans que l'on se montre très exigeant sur les conditions de résidence. Ils bénéficient alors d'un supplément de retraite qui n'a pas de justification. Par ailleurs, ils sont soumis à l'impôt sur le revenu sur la base des barèmes prévus pour les départements concernés.
Si les données publiées par la Cour des comptes sont exactes, ce dont je ne doute pas, le coût des dispositions s'élève, pour 2001, à 158,8 millions d'euros. Et la progression est très vive : on relève en effet une activation du dispositif, qui s'explique par la prise de conscience de ces avantages chez les intéressés.
L'amendement que je vous présenterai tout à l'heure prévoit un décret précisant, d'une part, que les avantages acquis ne seront pas remis en cause et, d'autre part, que les agents en poste dans les territoires concernés pendant les cinq années qui précèdent la liquidation de leur retraite pourront bénéficier de ce supplément de retraite. Nous voulons mettre un terme à une pratique qui est une perversion et dont nous ne pouvons en aucune façon nous accommoder.
Le propos que vous venez de tenir, madame la ministre, c'est celui que Mme Girardin a tenu voilà un peu plus de six mois. Qu'a fait le Gouvernement depuis six mois ? Rien !
La commission des finances du Sénat a longuement délibéré à ce sujet et c'est au terme d'un débat interne qu'elle a pris cette position.
Vous savez combien je serais désireux d'aller au devant de votre souhait, madame la ministre, en retirant cet amendement. Mais la commission ne m'y a pas autorisé. Elle a souhaité, au contraire, que le Sénat se prononce sans ambiguïté pour mettre un terme à une dérive qui fait offense à la justice au sein de la République.
M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote, contre l'amendement.
M. Simon Loueckhote. Cet amendement, de même que le prochain que nous aurons à examiner et qui a été cosigné par le président de la commission des finances et par le rapporteur général, participent de la même volonté : s'attaquer à ce que l'on peut appeler les abus outre-mer. Cette détermination est partagée par notre assemblée, qui souhaite mettre fin aux abus de toute sorte. Je salue cette volonté.
Les parlementaires de l'outre-mer qui siègent au Sénat sont animés de la même volonté. J'attire néanmoins votre attention sur les effets de telles mesures outre-mer. J'en veux pour preuve la sagesse dont ont fait preuve notre assemblée et le Gouvernement au moment où nous avons eu a débattre de l'« amendement TVA ». Nous avons tous insisté sur les effets catastrophiques que provoquerait le non-versement de l'équivalent de la TVA aux départements d'outre-mer.
M. Jean Arthuis. président de la commission des finances. effectivement !
M. Simon Loueckhote. A ce moment-là, le Gouvernement et le Sénat ont décidé de surseoir à cette opération, de faire le point de la situation en 2004 et, éventuellement, de revoir cette question en 2005.
Ne pourrait-on pas, dans le même esprit, nous accorder une année pour procéder à une vérification - mais une véritable vérification de ce dispositif - qui présente des abus manifestes dénoncés par tous ?
Monsieur le président de la commission, je souhaiterais vous rencontrer à ce propos, parce que je préside par ailleurs l'intergroupe des parlementaires de l'outre-mer et que cette question a déjà fait l'objet de discussions entre nous.
Nous souhaitons également mettre fin à tout ce qui pourrait être considéré comme des abus. Nous pouvons même formuler des propositions ! Mais il ne me paraît ni de bonne politique ni de bonne gestion d'agir ainsi. Ces dispositions ne sont pas récentes : elles datent de 1952. Il y a donc forcément une bonne raison à leur maintien en vigueur jusqu'à ce jour.
La Cour des comptes a eu beau dénoncer les abus commis, le Gouvernement n'a rien fait, pas plus que le Parlement, qui a pourtant une possibilité d'initiative en la matière. Eh bien ! je propose que le Sénat s'attaque à ce problème si le Gouvernement ne le fait pas. Donnons-nous l'année 2004 pour le faire : ainsi, lors de l'examen de la loi de finances pour 2005, nous pourrons formuler des propositions.
Je souhaite donc moi aussi que cet amendement soit retiré. Nous pourrons revoir cette question lors de l'examen de la loi de finances pour 2005 ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je souhaite tout d'abord rendre hommage au sens des responsabilités dont fait preuve notre collègue Simon Loueckhote, président de l'intergroupe parlementaire de l'outre-mer, car, mes chers collègues, le sujet n'est pas facile.
De mauvaises habitudes ont peut-être été prises, mais changer les habitudes n'est pas simple, on le sait bien, que ce soit dans la république insulaire - quelles que soient les îles, d'ailleurs - ou dans la république continentale. Cela nécessite à la fois de la compréhension et du temps.
Cependant, mes chers collègues - et je crois que ce sujet mérite mieux que des quolibets - ayons la lucidité de rappeler que ce problème est déjà posé depuis longtemps ; Yves Fréville, qui connaît très bien cette question, ainsi que le président Arthuis, pourraient le rappeler. En effet, ces dysfonctionnements ne datent pas d'hier. Mais on ne peut plus les admettre.
A partir du moment où la Cour des comptes a consacré des travaux détaillés à ce sujet, et dès lors que nos collègues de la commission des finances de l'Assemblée nationale se sont rendus sur place afin de se faire leur opinion, faut-il encore, mes chers collègues, reporter notre décision ?
Quel est l'objet de l'amendement n° II-7 rectifié qui, bien que n'ayant pas encore été présenté, est au coeur de cette discussion ? Il s'agit tout simplement de poser une condition de bon sens. Le président de la commission des finances l'a dit : les primes versées aux retraités d'outre-mer et qui majorent leur niveau de vie sont issues d'une vision économique de la situation des départements concernés ; mais, pour que cette vision soit légitime, il faut que les bénéficiaires de ces mesures soient réellement des résidents de ces territoires et qu'ils vivent vraiment selon les conditions économiques locales. Il doivent aussi mériter cet avantage, car c'est un avantage : les bonifications de pension sont très significatives.
Peut-on admettre qu'il suffise de faire élection de domicile dans les départements concernés le jour où l'on demande la liquidation de ses droits à la retraite pour bénéficier d'une telle bonification ?
A la vérité, la justification du dispositif en vigueur, qui, certes, existe depuis les années cinquante, est fragile : il heurte l'équité, voire des principes juridiques communément admis en droit fiscal.
Nos collègues d'outre-mer doivent bien comprendre que le souci de la commission des finances est non pas, bien entendu, de sanctionner l'outre-mer, mais de rendre à ce régime spécifique une justification solide, faute de quoi l'outre-mer subira des critiques croissantes.
Tout cela étant maintenant bien élucidé, nous n'avons pas besoin du délai supplémentaire que demandait - et je le comprends fort bien - notre collègue Simon Loueckhote. Il faut trancher aujourd'hui et voter à la fois le présent amendement et celui que j'ai cosigné avec M. Arthuis, et sur lequel je me suis engagé au sein de la commission. Ce régime sera mieux admis, mieux compris et plus justifié. Il aura donc plus de chance d'être préservé que le statu quo.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur Loueckhote, je salue votre attitude très responsable. C'est bien volontiers que je me tiens à votre disposition, ainsi qu'à celle de nos collègues de l'outre-mer, pour que nous puissions étudier ensemble, dans la sérénité, toutes ces questions.
Je confirme ce qu'a dit Philippe Marini. Par ce vote, nous prenons aujourd'hui position : nous mettons un terme à un dispositif qui génère des abus manifestes et qui, d'une certaine façon, affecte la bonne image de marque des territoires ultramarins. Simultanément, nous nous engageons à étudier l'ensemble des problèmes pour faire émerger les bonnes réponses et pour donner toutes leurs chances de réussite à ces territoires ultramarins qui ont notre sympathie, notre amitié et nos encouragements.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous devons impérativement reprendre la séance à quinze heures pour les questions d'actualité au Gouvernement.
En conséquence, je suis obligé d'interrompre ce débat, qui se poursuivra à l'issue des questions d'actualité.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
INTEMPÉRIES DANS LE SUD DE LA FRANCE
M. le président. Mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, à l'ouverture de cette séance, et au nom du Sénat tout entier, permettez-moi de témoigner de notre solidarité et de notre sympathie à l'égard des victimes des terribles intempéries qui frappent durement le sud de la France.
Face aux inondations, parfois meurtrières, les élus locaux, notamment les maires, mais aussi les personnels, pompiers comme militaires, se trouvent, une fois encore, en première ligne sur le front de l'urgence, pour protéger les populations et porter secours aux sinistrés.
Après le drame, il faudra réparer les dommages, dans la mesure du possible : je souhaite que des moyens financiers soient rapidement mobilisés pour manifester aux victimes, en cet instant de détresse, la solidarité de la nation.
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est particulièrement mobilisé et, depuis trois jours maintenant, tous les moyens disponibles sont déployés.
M. le Premier ministre a, en particulier, activé le comité de gestion interministériel de crise, et les ministres concernés ont veillé par leur présence sur le terrain, mais également depuis Paris, à ce que les premiers secours puissent arriver rapidement.
J'ajoute que les premiers dossiers de demande de déclaration d'état de catastrophe naturelle ont d'ores et déjà été examinés avec la plus grande attention, notamment celui de Marseille.
QUESTIONS D'ACTUALITÉ
AU GOUVERNEMENT
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conformément à la règle posée à l'unanimité par la conférence des présidents, je rappelle que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent, chacun, de deux minutes trente.
Chaque intervenant aura à coeur, par courtoisie, de respecter le temps de parole qui lui est imparti, afin que toutes les questions et toutes les réponses puissent bénéficier de la retransmission télévisée.
CONFÉRENCE INTERGOUVERNEMENTALE
M. le président. La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
M. René-Pierre Signé. Il n'est pas là !
M. André Boyer. Voilà deux mois, jour pour jour, les vingt-cinq chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union élargie lançaient solennellement à Rome les travaux de la conférence intergouvernementale chargée d'adopter la future Constitution européenne.
Ce rendez-vous attendu a révélé d'emblée combien l'exercice s'annonçait délicat et incertain. Tandis que les six pays fondateurs mettaient en garde contre toute tentative de « détricotage » du texte de la Convention, des divergences profondes sont apparues avec d'autres groupes d'Etats sur des points majeurs : système de vote au Conseil, composition de la Commission, extension de la majorité qualifiée, référence à l'héritage chrétien et approfondissement de la politique de défense.
On aurait voulu croire que les uns et les autres s'étaient simplement prêtés au jeu de rôles traditionnel d'un début de négociation. Malheureusement, après huit semaines de travaux, force est d'admettre que les chances sont faibles d'aboutir à un consensus au Conseil européen des 12 et 13 décembre.
L'accord sur la défense européenne intervenu à Naples, lors du « conclave » des ministres des affaires étrangères, ne saurait masquer en effet la persistance des blocages sur les autres points et l'isolement croissant des pays favorables au projet de la Convention.
Par ailleurs, cet accord, qui reprend le contenu de celui qui a été négocié la semaine dernière entre Paris, Londres et Berlin sur les coopérations structurées et la clause de défense mutuelle, ne fait aucune allusion à la capacité de planification et de conduite d'opérations, sans doute par souci de ménager nos relations avec les Américains, qui craignent un affaiblissement de l'Alliance atlantique avec l'émergence d'une défense européenne autonome. Mais ce volet de l'accord tripartite est crucial.
Je souscris, bien sûr, aux propos de M. de Villepin à l'issue du conclave : « Un échec de la conférence intergouvernementale ne manquerait pas d'affaiblir durablement l'Union européenne, mais nous ne pouvons nous satisfaire d'une Constitution au rabais. » Néanmoins, compte tenu du rapport de forces actuel, il paraît difficile d'envisager un succès lors du prochain sommet sans consentir à faire des concessions.
Quelles sont les limites, affichables aujourd'hui, que le Gouvernement s'est fixées ? L'introduction d'une « clause de rendez-vous » sur les points clés de la négociation pourrait-elle être une solution de compromis ? Dans ce cas, je crois que l'expression : « Constitution européenne », qui a fait naître chez les Français, notamment chez les jeunes, l'espoir d'une Europe ambitieuse et généreuse, deviendrait tout à fait impropre.
Au moment où nous nous apprêtons à autoriser la ratification du traité d'élargissement, et à six mois des élections européennes, vous comprendrez que les parlementaires comme les citoyens souhaitent avoir une idée de ce que sera la future architecture de l'Union.
M. René-Pierre Signé. En somme, c'est une question d'architecture !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d'abord vous prier d'excuser mon collègue Dominique de Villepin, qui participait ce matin à une réunion ministérielle de l'OTAN qu'il a dû quitter en début d'après-midi pour rejoindre le Président de la République en Tunisie.
Vous avez rappelé les échéances décisives auxquelles est confrontée l'Europe, particulièrement l'élargissement de l'Union.
Le Sénat sera appelé, mercredi prochain, à autoriser la ratification du traité d'adhésion des dix nouveaux Etats membres. Cet élargissement commande une ambition nouvelle, pour une Europe que nous voulons plus efficace, plus démocratique, plus transparente.
L'oeuvre de la Convention européenne présidée par Valéry Giscard d'Estaing, ce projet de Constitution forgé dans des conditions remarquables de transparence et de démocratie, répond à cette ambition.
La Convention a proposé, vous le savez, plusieurs avancées très importantes : dans le domaine économique et social, dans le domaine culturel aussi, avec le maintien de la diversité culturelle, dans le domaine de la justice et de la sécurité publique et, enfin, dans le domaine institutionnel.
La semaine prochaine, à Bruxelles, vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, il s'agira de conclure la conférence intergouvernementale. Dans cette phase finale, chacun dramatise les enjeux. Mais la conférence avance, comme le montre le conclave de Naples auquel vous faisiez référence et qui a été l'occasion pour Dominique de Villepin de rappeler le plein soutien de la France au projet de la Convention et de progresser sur de très nombreux points, en particulier la défense.
M. René-Pierre Signé. Et le social ?
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Vous avez regretté l'absence de toute mention de la capacité de planification et de conduite d'opérations : c'est normal, car ce sujet ne relève pas de la Constitution, mais l'engagement du Gouvernement à son égard est total.
Je vous le confirme, la France n'acceptera pas une Constitution au rabais. L'attente est grande ; nous voulons que l'Europe y réponde ; nous croyons que les gouvernements seront au rendez-vous des peuples.
M. René-Pierre Signé. Référendum !
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Telle est notre ambition ; telle est notre volonté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
INONDATIONS DANS LE SUD DE LA FRANCE
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le président, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, à l'heure où je vous parle, des milliers de Provençaux et, depuis hier, des habitants du Languedoc-Roussillon vivent dans la détresse à cause d'inondations d'une intensité exceptionnelle, qui donnent à tous les systèmes de protection en place un aspect totalement dérisoire.
Le Rhône à 7,70 mètres, il est vrai que c'est du jamais vu, chez nous !
J'étais mardi soir, sur la plus grande île fluviale du Rhône, la Barthelasse, en Avignon - elle s'étend sur 650 hectares - pour évacuer, avec les pompiers, des centaines de familles qui abandonnaient leurs domiciles, leurs biens, leurs voitures, leurs récoltes, face à l'envahissement du Rhône.
Si la formidable mobilisation des secours, sur le terrain, est exemplaire, qu'il s'agisse des services de l'Etat, de l'armée, des pompiers, des collectivités locales, on n'en constate pas moins que les sinistrés sont à la fois abattus et excédés, car, l'an dernier, en septembre 2002, ils ont vécu le même drame dans la vallée du Rhône. Souvenez-vous d'Aramon ! La fréquence des inondations tend, hélas, à augmenter. N'oublions pas non plus que le Vaucluse a connu la catastrophe de Vaison-la-Romaine en septembre 1992.
Madame le secrétaire d'Etat, cette mobilisation, forte et collective, doit s'inscrire dans le long terme. Il ne suffit pas de colmater les brèches dans l'urgence ; il faut aussi travailler sur la prévention.
Dans mon canton, sur l'île de la Barthelasse, par exemple, les syndicats de digues montent des dossiers pour conforter les digues, les rehausser, créer des chemins de sécurité pour l'évacuation des populations. Les collectivités locales, de leur côté, s'engagent sur les financements et les études préalables. Cependant, la validation de ces dossiers par les services responsables, et principalement par la Compagnie nationale du Rhône, la CNR et par Voies navigables de France n'intervient quasiment jamais. On nous impose des études hydrauliques sans fin, financées par les collectivités locales.
Franchement, nous avons le sentiment de faire face à une certaine obstruction, et cela, les populations ne peuvent plus l'admettre.
Quant au dragage du fleuve, qui incombe à l'Etat, personne ne veut prendre la décision de l'entreprendre, et pourtant, tout le monde sait que le Rhône doit être dragué pour assurer une meilleure fluidité.
M. René-Pierre Signé. Que de critiques !
M. Alain Dufaut. Seul l'établissement public Territoire Rhône essaie d'être concret et soutient les collectivités.
En fait, nous sommes convaincus que l'entretien d'un fleuve comme le Rhône et sa gestion en période de crue doivent être considérablement revus. Les catastrophes se succèdent année après année ; les populations locales et les élus locaux ont le sentiment que rien ne bouge.
M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas fini !
M. Alain Dufaut. Face à ce dramatique constat, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour remédier à cette situation et donner enfin un signe d'espoir à toutes les populations concernées ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. La catastrophe finale, c'est l'UMP !
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat au développement durable. Monsieur Signé, la prévention est affaire d'anticipation des années en arrière : nous sommes donc tous concernés par le drame que les populations vivent aujourd'hui.
Monsieur Dufaut, vous avez raison d'insister sur la nécessité de prévenir les inondations.
Comme l'a dit M. Jean-François Copé, le Gouvernement et tous les services de l'Etat se sont mobilisés ces derniers jours pour sauver des vies humaines. Malheureusement, nous dénombrons cinq victimes.
Plus de 20 000 personnes ont été mises en sécurité, et je tiens à rendre hommage à la sécurité civile, car plus de 7 000 agents sont actuellement sur le terrain.
Monsieur le président, vous nous avez interpellés sur les moyens financiers ; je tiens d'ores et déjà à vous annoncer que M. le Premier ministre a débloqué hier 12 millions d'euros.
M. René-Pierre Signé. Oh là là !
Mme Tokia Saïfi, secrétaire d'Etat. Au-delà de cette mobilisation, la multiplication des phénomènes climatiques exceptionnels impose de développer une vraie politique de prévention, vous avez raison.
C'est précisément ce à quoi s'est attaché le ministère de l'écologie et du développement durable avec le vote, en juillet dernier, de la loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
Nous avons également doté de moyens humains, financiers et matériels nos services d'annonces des crues pour les transformer en services de prévision des crues. Le service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations, le SCHAPI, installé à Toulouse, comporte des personnels de très haut niveau technique.
Enfin, en avril dernier, nous avons demandé au préfet coordonnateur du bassin Rhône-Méditerranée-Corse de piloter la mise au point des maîtrises d'ouvrages du programme de prévention des inondations sur le bassin du Rhône et de les organiser, comme nous l'avons fait pour la Loire, il y a quelques années, et pour la Saône, en juin dernier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
SUITES RÉSERVÉES À « L'AMENDEMENT GARRAUD »
SUR LE DÉLIT D'INTERRUPTION INVOLONTAIRE
M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Yolande Boyer. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Elle concerne l'interruption involontaire de grossesse, nouveau délit créé au détour d'un amendement qui n'a rien à voir avec le texte concerné, à savoir la lutte contre la grande criminalité, et que votre ministre de la justice a accepté.
Ce n'est d'ailleurs pas la première tentative. La précédente avait eu lieu il y a six mois. Fort heureusement, la Haute Assemblée avait rejeté la disposition qu'on lui proposait.
De quoi s'agit-il, sur le fond ?
Il s'agit d'utiliser la douleur de femmes victimes d'un avortement à la suite, par exemple, d'un accident de la route pour modifier en profondeur un pan entier de notre droit.
Ce texte donne ainsi au foetus un statut juridique autonome en le reconnaissant comme une personne.
Que vous l'admettiez ou non, vous ouvrez ainsi une brèche dans le difficile équilibre obtenu par la loi Veil. Il n'y a qu'à voir la satisfaction des associations anti-avortement, qui n'ont jamais désarmé et qui reprennent du poil de la bête ! (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous remettez en cause les droits des femmes et le long combat des associations depuis les années soixante-dix.
Mme Odette Terrade. Absolument !
Mme Yolande Boyer. Enfin, vous mettez les médecins en danger. Leur responsabilité risque d'être engagée face à des problèmes liés à un examen ; je pense, par exemple, à l'amniocentèse.
Cet épisode est une fois de plus révélateur de votre méthode de gouvernement. A peine la décision est-elle prise qu'elle est déjà reniée !
En spécialiste du tango, un pas en avant, deux pas en arrière,...
M. Christian Cointat. Ce n'est pas le tango, cela !(Sourires.)
Mme Yolande Boyer. ... le garde des sceaux lance maintenant une concertation, certes, mais après le vote. Pourquoi ne pas l'avoir fait avant ? Les termes du débat étaient connus depuis plusieurs mois !
Je pourrais citer d'autres exemples, dans d'autres domaines, d'utilisation par le Gouvernement de la méthode du « ballon d'essai » : je lance, et j'attends le retour !
Nombreux sont nos concitoyens qui ont envie de vous dire : assez de cafouillages et de dérapages ! Mais quelle image donnez-vous de l'action politique !
Il y aurait encore beaucoup à dire, mais le temps est compté. J'en viens donc à ma question. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Elle est claire, nette et précise : allez-vous, oui ou non, retirer purement et simplement non seulement pour aujourd'hui, mais aussi pour demain, ce texte inutile et inacceptable sur l'interruption involontaire de grossesse ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Madame la sénatrice, personne ne peut penser un seul instant que le Gouvernement veuille remettre en cause le droit à l'IVG. (Bravo ! et applaudissements sur les travées l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Simon Sutour. Oh si ! Il y a toutes les raisons de le penser !
M. Robert Bret. Il semble que ce soit l'objectif !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Il s'agit là d'un acquis irréversible et d'une liberté fondamentale dont je me sens aussi, en titre, garante, puisque je suis en charge des droits de la femme. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Simon Sutour. Le titre ne suffit pas !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Au demeurant, M. le garde des sceaux, Dominique Perben, a immédiatement fait référence à cette loi, qui est fondamentale, lors de l'examen de l'amendement en question.
Cependant, c'est vrai, des ambiguïtés demeurent sur cette disposition d'initiative parlementaire. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo. Cet amendement, nous n'en voulons pas !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Je suis sensible à ces ambiguïtés, et le Gouvernement aussi.
M. René-Pierre Signé. Le ministre l'a soutenue, cette disposition !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. C'est pourquoi - et c'est une méthode qui est ouverte, transparente et intelligente (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Approbations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Gournac. Exactement !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. ... la concertation a été engagée avec les associations...
Mme Nicole Borvo. On vote un amendement et on mène la concertation après !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. ... pour que, effectivement, un éclairage utile soit apporté et permette de concilier une loi qui, je le répète, est fondamentale et constitue un acquis irréversible. (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Mahéas. C'est une loi... pour l'instant !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. C'est un acquis irréversible. Comment faut-il que le vous le dise ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En retirant cette disposition !
Mme Nicole Borvo. Vous le remettez en cause à l'occasion d'un texte qui traite de la grande criminalité !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Il s'agit donc de concilier cet acquis irréversible avec une juste interrogation, puisque vous avez vous-même évoqué le drame que connaissent certaines de ces femmes.
Madame la sénatrice, je puis vous assurer que, à titre personnel, je suis particulièrement sensible à ce sujet. J'ai d'ailleurs réuni hier les membres de la commission permanente du conseil supérieur de l'information sexuelle afin que toutes les ambiguïtés soient levées dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socilaiste et du groupe CRC.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Retirez l'amendement !
M. le président. La parole est à M. Serge Franchis.
M. Serge Franchis. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé.
La seizième journée mondiale de lutte contre le sida a offert l'occasion d'actualiser notre connaissance de l'état de progression de cette pandémie.
Je rappellerai quelques chiffres : 40 millions de séropositifs dans le monde, dont les trois quarts en Afrique et 7,5 millions en Asie ; 11 millions d'enfants africains orphelins, 20 millions en 2010 ; un décès toutes les dix secondes ; 14 000 infections quotidiennes ; une espérance de vie inférieure à trente ans dans tel ou tel Etat. Or 50 000 Africains seulement auraient accès aux soins.
Le plan d'envergure annoncé par l'Organisation mondiale de la santé, qui vise à mettre sous traitement trois millions de malades d'ici à 2005, bien qu'il soit insuffisant, est un signe d'espoir et de progrès que l'implication de bailleurs de fonds, l'arrivée des médicaments génériques et la baisse du prix des traitements rendent crédible.
Jusqu'ici, la volonté politique de la communauté internationale a fait défaut. Le directeur de l'OMS rappelle que « la prévention et le traitement du sida constituent peut-être la tâche la plus difficile à laquelle le monde ait jamais été confronté ».
En France, après six années consécutives de baisse, le nombre de nouveaux cas de sida ne diminue plus. Quant aux cas d'infection par le VIH diagnostiqués, ils s'établissent à 3 000 entre le mois de mars et le 15 novembre dernier.
Dès lors, ma question est la suivante : devant cette situation extrêmement préoccupante - selon les termes mêmes d'une déclaration récente du Président de la République - qui mobilise d'importants moyens de nos services de santé, n'envisagez-vous pas, monsieur le ministre, dans le cadre de votre politique de prévention, de lancer une campagne de communication qui s'inscrive désormais de manière quasi permanente dans l'univers quotidien de la population, en particulier des jeunes, qui, connaissant désormais l'efficacité des trithérapies, a pu être conduite à négliger l'usage du préservatif ?
En outre, pensez-vous pouvoir renforcer le dépistage et la prise en charge des personnes contaminées originaires d'Afrique subsaharienne, qui sont souvent en situation de précarité dans notre pays ?
Pouvez-vous, enfin, indiquer à la Haute Assemblée quelle est la part d'engagement de la France dans la mobilisation internationale ainsi qu'en matière de recherche publique ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de Jean-François Mattei qui comme vous le savez, accompagne le Président de la République en Tunisie. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Pour défendre les droits de l'homme ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Et Mitterrand, qu'a-t-il fait ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Vous n'êtes jamais allés en Tunisie, vous, avec le gouvernement précédent ? (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Seule Mme le secrétaire d'Etat a la parole.
Ne vous laissez pas interrompre, madame.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Monsieur Franchis, je partage votre analyse : la situation est très préoccupante. La lutte contre le sida doit impérativement rester une priorité forte de la politique de santé publique.
Cette année, malgré un contexte économique difficile, Jean-François Mattei a tenu à ce que le budget de santé publique consacré à la lutte contre le VIH soit reconduit en totalité, à hauteur de 64 millions d'euros. Il en sera de même pour l'année 2004.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il aurait fallu l'augmenter !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Le succès de notre politique réside - ce point est très important - dans notre capacité à accentuer nos efforts en direction des publics les plus exposés tout en maintenant la vigilance du grand public, en particulier des jeunes.
L'année dernière, la campagne télévisée portait sur l'incitation au dépistage et s'adressait directement aux personnes les plus exposées. Elle a permis de voir augmenter le recours au dépistage ; de même, les appels des migrants d'Afrique subsaharienne à Sida Info Service sont en progression de 73 %. Cette campagne a été rediffusée en juillet 2003.
Par ailleurs, le 27 novembre dernier, le ministre de la santé a présenté la nouvelle campagne, qui porte sur la promotion du préservatif et vise à inscrire celui-ci dans l'univers quotidien. Cette campagne est en cours de diffusion depuis le 28 novembre et se poursuivra jusqu'au 18 décembre : en moyenne, 90 % de la population verra ces spots plus de dix fois.
Elle sera accompagnée de différentes actions visant à promouvoir l'accessibilité des préservatifs masculins et féminins.
En outre, toujours à la demande du ministre de la santé, plusieurs hôpitaux ont mis en place des consultations de prévention s'adressant aux personnes séropositives et à leurs partenaires.
Enfin, le partenariat instauré entre les ministères de la santé, de l'éducation nationale et de l'agriculture vient d'être renforcé par le contrat-cadre de partenariat en santé publique, qui prévoit des actions dans le domaine de l'éducation à la sexualité, de la prévention des infections sexuellement transmissibles, du sida et des grossesses non désirées.
M. René-Pierre Signé. Rideau !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Pour terminer, monsieur le sénateur, je préciserai que, sur le plan international, la solidarité de notre pays s'est manifestée depuis plusieurs années par un engagement fort de la France en faveur de l'accès aux traitements des pays en voie de développement. Le ministre de la santé a également soutenu le programme ESTHER - Ensemble pour une solidarité thérapeutique hospitalière en réseau contre le sida -, dont Bernard Kouchner vient d'accepter la présidence. Enfin, le Président de la République lui-même a annoncé récemment le triplement de notre contribution annuelle au Fonds mondial contre la tuberculose, le paludisme et le sida.
Vous le voyez, il n'est pas question de relâcher notre effort et de laisser s'essouffler la lutte contre le sida, ni sur le plan national ni sur le plan international. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées de RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Elle a besoin d'encouragements !
INTÉGRATION DES HANDICAPÉS
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Monsieur le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, dans le cadre tant de l'« année européenne des personnes handicapées » que de la prochaine réforme de la loi de 1975, souhaitée par le Président de la République, un projet d'intégration en direction des étudiants handicapés a retenu toute mon attention.
Il s'agit du projet de création d'une résidence universitaire « intégrative » sur le campus de Nanterre, soutenu par l'association Soutien-entraide-dévouement, dont l'objectif est de permettre à une vingtaine d'étudiants lourdement handicapés de poursuivre leurs études à l'université tout en disposant d'un hébergement adapté.
Je rappelle à cet égard qu'il n'existe actuellement, dans toute la région parisienne, aucun logement adapté dans une quelconque résidence universitaire ou sur un campus étudiant. Pourtant, le nombre de jeunes handicapés accédant à l'université a plus que doublé en dix ans.
Cette absence de logements met de nombreux étudiants handicapés dans l'obligation de quitter leur région d'origine pour aller faire leurs études ailleurs, ou d'y renoncer purement et simplement ! Ainsi, de nombreux jeunes, qui, souvent au prix d'efforts considérables, sont parvenus jusqu'au baccalauréat, voient se refermer devant eux les portes de l'intégration universitaire, et donc, plus tard, l'intégration sociale et professionnelle, et cela pour un simple problème d'hébergement.
Monté en partenariat avec la faculté de Nanterre, le CROUS - centre régional des oeuvres universitaires - de Versailles, le conseil régional d'Ile-de-France et le conseil général des Hauts-de-Seine, ce projet de résidence intégrée semblait pourtant avoir toutes les chances d'aboutir, les financements ayant été trouvés.
Or, depuis septembre 2002, un blocage est apparu à la direction du CROUS de Versailles remet durablement en cause l'ensemble du projet.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il a été gelé !
M. Nicolas About. Sur le site initialement envisagé, préférence serait désormais donnée à des étudiants valides !
L'adaptation de logements pour des étudiants handicapés serait repoussée d'autant. Certains évoquent les jeux Olympiques de 2012 ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur le ministre, est-ce une provocation délibérée de la part du CROUS, en cette année où le Président de la République a réaffirmé le handicap comme priorité ? Les étudiants handicapés, qui avaient placé tous leurs espoirs dans ce projet, sont aujourd'hui dans l'incompréhension la plus totale et s'interrogent sur leur avenir. Pouvez-vous, monsieur le ministre, les rassurer ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. Les étudiants sont « à bout » !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le sénateur, je tiens tout d'abord à excuser mon collègue Luc Ferry, qui aurait souhaité pouvoir répondre personnellement à cette question importante mais qui est retenu avec Michèle Alliot-Marie à la Sorbonne, où ils participent au colloque « Education à la défense ».
M. Jean-Pierre Sueur. Il n'est pas en Tunisie ?
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée. Vous l'avez rappelé, l'intégration des étudiants handicapés s'inscrit dans le cadre plus large des efforts engagés par le Gouvernement en faveur de l'autonomie des personnes handicapées dans la cité.
L'accessibilité sous toutes ses formes est l'une des priorités du chantier présidentiel que constitue la politique du handicap.
Je tiens à vous rappeler que les établissements d'enseignement supérieur accueillent, en 2003, près de 7 700 étudiants en situation de handicap. Ce chiffre ne cesse d'augmenter, et il est sans doute partiellement sous-évalué : en effet, certains étudiants handicapés ne souhaitent pas se déclarer comme tels et ne sont donc pas recensés à ce titre par les services de la scolarité.
C'est dans le cadre des contrats quadriennaux que cet effort se traduit, d'abord par le souci de l'amélioration constante de l'accessibilité du cadre bâti et des campus en général. Il se concrétise encore par la création de permanences d'accueil pour les étudiants handicapés : il faut en effet qu'une personne qualifiée et disponible puisse les accompagner dans leurs démarches et leur faciliter l'accès aux études. Il se manifeste, enfin, par un accompagnement dans les études, qui peut prendre des formes diverses : soutien, tutorat, auxiliaires de vie. Ce dernier dispositif, qui, pour l'enseignement supérieur, relève de la responsabilité du secrétariat d'Etat aux personnes handicapées, propose aussi des codeurs en langage parlé complété, des interprètes en langue des signes, des transcriptions en Braille...
Dans le cadre du plan d'accompagnement social, le logement des étudiants handicapés fait partie de nos priorités.
Dans cette perspective, le directeur de l'enseignement supérieur présidera, le 19 décembre prochain, une réunion sur ce sujet, qui se tiendra au ministère. Y seront associés les recteurs de Paris, de Créteil et de Versailles, la région d'Ile-de-France, le ministère de la santé, les mutuelles étudiantes ainsi que le directeur de la Cité universitaire internationale.
Sera examinée la possibilité de créer à très court terme une résidence universitaire intégrative en Ile-de-France, dont il conviendra de déterminer le lieu précis d'implantation ainsi que la capacité d'accueil. Compte tenu de la nécessité d'un accompagnement médical, ce dossier ne pourra être traité qu'en étroite collaboration avec le ministère de la santé.
Concernant le projet spécifique sur le campus de Nanterre, que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, Luc Ferry vous propose que soit organisée une réunion avec le recteur de Versailles, le conseil général des Hauts-de-Seine, la région d'Ile-de-France, le CROUS de Versailles et, évidemment, vous-même. Vous savez que la création de logements adaptés a permis l'intégration d'étudiants handicapés à Grenoble et à Nancy. Nous tiendrons compte de ces expériences réussies pour résoudre ce problème important. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
SERVICE MINIMUM GARANTI
M. le président. La parole est à M. Bernard Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le ministre des transports, 81 % des Français sont pour ; 85 % des salariés du secteur privé, mais aussi 77 % des salariés du secteur public l'approuvent ; 92 % des sympathisants de notre majorité, mais aussi 76 % de ceux de l'opposition l'appellent de leurs voeux.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela doit être une augmentation !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. On a voté ?
Mme Nicole Borvo. On n'a pas fait de référendum, que je sache !
M. Bernard Plasait. Tels sont les résultats d'un sondage de l'institut BVA réalisé en mai dernier...
Vous l'avez compris, mes chers collègues : il s'agit de l'instauration d'un service minimum garanti dans les transports en commun en cas de grève ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Nicole Borvo. On vous souhaite bien du plaisir !
M. Bernard Plasait. Mais le service minimum, c'est l'Arlésienne ! Il est évoqué à chaque grève dans les transports, mais il s'évapore aussitôt, au motif que l'on ne peut ni négocier ni légiférer dans l'urgence, à chaud !
Aujourd'hui, loin de l'atmosphère surchauffée des périodes de grève, le sujet est d'actualité. Tout le monde en parle,...
Mme Nicole Borvo. Voilà dix ans que vous en parlez !
M. Bernard Plasait. ... et le Gouvernement s'en préoccupe. Tant mieux !
Toutefois, il est vrai que la question est délicate, car il s'agit de trouver le juste équilibre entre le droit de grève, droit sacré s'il en est,...
Mme Hélène Luc. C'est un droit sacré, oui !
M. Bernard Plasait. ... et le droit au transport pour aller travailler, que l'on devrait considérer comme tout aussi sacré. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Roland Muzeau. Et le droit au travail ?
M. Robert Bret. Et le pouvoir d'achat ?
Mme Nicole Borvo. Le travail aussi est sacré !
M. Bernard Plasait. A juste titre, le Gouvernement veut réhabiliter le travail. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. On le voit !
M. Jacques Mahéas. C'est pour cette raison qu'il gèle les salaires des fonctionnaires !
M. Marcel Debarge. Vivent les sondages Raffarin !
M. Bernard Plasait. Il serait donc sans doute souhaitable que, dans l'avenir, le droit de grève puisse s'exercer sans que soient interdits de travail les non-grévistes.
Alors, monsieur le ministre, puisque vous avez osé lever le tabou,...
Mme Nicole Borvo. Il y a d'autres tabous à lever !
M. Bernard Plasait. ... ce qu'aucun gouvernement n'avait eu le courage de faire avant vous, pourquoi ne pas proposer une loi-cadre,...
Mme Hélène Luc. Essayez, vous verrez !
M. René-Pierre Signé. Demandez à Juppé ! M. Bernard Plasait. ... qui instaure le service garanti et qui conduise à la négociation de ses modalités précises pour chacun des modes de transport régulier de voyageurs ?
M. Bernard Piras. Faites-le avant le 21 mars !
M. Bernard Plasait. On gagnerait ainsi beaucoup de temps !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Plasait !
M. Bernard Plasait. Je peux vous assurer que, si vous leur faites ce beau cadeau de fin d'année, les millions d'automobilistes coincés dans des embouteillages interminables, les millions de Franciliens qui, à chaque grève, sont exaspérés d'être pris en otages, vous diront un grand merci ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. Essayez donc de prendre le métro un jour de service minimum !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, la continuité du service public pour répondre à la nécessité de se déplacer, même en cas de grève, est indispensable. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
Pourquoi ? Pour une raison d'équité, mesdames, messieurs les sénateurs, à laquelle tout le monde peut souscrire ! Car, en cas de grève, notamment de grève dans les transports, ce sont souvent les gens les plus fragiles, les gens les plus modestes, ceux qui n'ont pas de voiture, ceux qui ont besoin d'aller se faire soigner, ceux qui ont besoin d'aller en formation, ceux qui ont besoin de leur journée de travail, aussi, pour boucler la fin de mois, ce sont eux qui ont le plus grand besoin de se déplacer ! (Nouvelles marques d'approbation sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Henri de Raincourt. Oui, ils ont besoin de travailler !
M. Jacques Mahéas. Surtout de travailler le lundi de Pentecôte !
M. Gilles de Robien, ministre. Il faut donc réaliser ce juste équilibre entre deux principes constitutionnels : le droit de grève et la continuité du service public.
M. René-Pierre Signé. C'est pour cela que vous supprimez le droit de grève !
Mme Nicole Borvo. Il faut que les plus faibles aussi aient le droit de grève !
M. Gilles de Robien, ministre. Pour atteindre cet équilibre, monsieur le sénateur, je ne vois qu'une seule méthode : c'est celle du dialogue, de la concertation et de la pédagogie.
Nous allons, bien sûr, utiliser cette méthode : c'est celle du Gouvernement, et elle ne variera pas. Il ne s'agit pas de repousser un problème, il ne s'agit pas de se réfugier dans l'immobilisme !
Mme Nicole Borvo. Quand il n'y aura plus de service public, sa continuité sera assurée !
M. Robert Bret. Ce sera la continuité sans le service public !
M. Gilles de Robien, ministre. Il s'agit, autour de cette question grave, qui est une question de société, de trouver le partenariat le plus large pour réussir cette réforme.
Dix syndicats des transports sur quinze m'ont accompagné à travers l'Europe, et chacun a pu constater que nombre d'exemples étaient positifs,...
Mme Nicole Borvo. Certains sont négatifs ! C'est comme les prisons !
M. Gilles de Robien, ministre. ... et que d'autres étaient moins intéressants. Aucun n'est transposable intégralement dans notre pays.
J'ai remarqué aussi que le système de l'alarme sociale, comme il existe par exemple à la RATP, lorsque je le décrivais, suscitait de l'envie dans bien des pays européens !
Aujourd'hui, nous disposons de cette expérience. J'estime que la première des priorités, c'est justement de tout faire pour éviter le recours à la grève,...
M. Jacques Mahéas. C'est intelligent !
M. Gilles de Robien, ministre. ... recours à la grève qui est toujours un échec pour les salariés, notamment, je l'ai dit, pour les plus modestes. Et si le conflit se produit néanmoins, il faut respecter l'usager, il faut respecter le client. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.
Je préfère donc prendre un peu plus de temps et aboutir à une réforme durable dont les fondamentaux seront partagés par le plus grand nombre. Cela permettrait de montrer que notre culture du service public, c'est aussi la conciliation de l'exercice du droit de grève avec la continuité du service public. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE)
Mme Nicole Borvo. Renforcez les services publics, ce sera bien !
M. Alain Fouché. Bravo, le Gouvernement !
M. Jacques Mahéas. M. le ministre a raison. Patience !
M. René-Pierre Signé. S'ils sont contents avec ça...
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, après le vote d'énormes avantages fiscaux pour les entreprises et les plus gros contribuables, MM. Carrez et Marini, membres influents de votre majorité, proposent maintenant d'instaurer une amnistie fiscale, autrement dit une prime aux fraudeurs du fisc.
M. Alain Gournac. C'est affreux !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ils veulent permettre à ceux qui se sont soustraits à l'impôt, c'est-à-dire à la solidarité nationale, en transférant illégalement des capitaux à l'étranger...
M. Henri de Raincourt. Pourquoi illégalement ?
M. Jean Bizet. A cause de vous !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... de les rapatrier en France, moyennant un prélèvement libératoire fixé à un taux ridiculement bas.
Ils se verraient ainsi exemptés du remboursement de l'impôt dû et due toute pénalité. Pour solde de tout compte, ils s'acquitteraient d'un prélèvement inférieur à ce qu'un salarié de bonne foi qui n'a pas pu régler ses impôts à temps doit payer au seul titre des intérêts de retard.
Avec cynisme, MM. Carrez et Marini prétendent vouloir favoriser l'emploi et réhabiliter la valeur travail.
M. Philippe François. Ils ont raison !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le monde du travail a autre chose à faire de son argent que de le placer au Luxembourg. Lui, il ne fraude pas !
Pourtant, c'est bien sur lui et sur ses représentants que s'abattent les sanctions, que se multiplient les recours patronaux devant les tribunaux pour le seul exercice de leur liberté syndicale.
M. Joseph Ostermann. Oh !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Comment peut-on affirmer que l'amnistie fiscale, cette incitation à l'incivisme, pourrait apporter de l'argent dans les caisses d'Etat ?
En revanche, c'est une formidable opportunité qui serait offerte pour le blanchiment d'argent sale, l'anonymat des retours de fonds étant au coeur de ces propositions.
Au nom de l'harmonisation européenne, c'est la course au dumping fiscal, l'alignement sur les paradis fiscaux que votre majorité propose. MM. Carrez et Marini laissent entendre que l'évasion fiscale atteint des niveaux considérables, et, en même temps, monsieur le ministre, vous supprimez 900 postes d'agents des impôts...
M. Henri de Raincourt. Ils ne servent à rien !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... qui pourraient être affectés à la répression de la délinquance financière.
Aujourd'hui, les entreprises ne peuvent être contrôlées par le fisc qu'une fois tous les soixante-neuf ans en moyenne...
M. Henri de Raincourt. C'est déjà beaucoup !
Mme Marie-Claude Beaudeau. ... et le secret bancaire continue à sévir.
M. Alain Gournac. C'est faux !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, irez-vous jusqu'à adresser à ceux qui spéculent contre l'emploi sur les marchés financiers mondiaux ce signal : « Trichez tranquilles, vous pourrez toujours rapatrier vos capitaux impunément ! »
M. Marcel-Pierre Cléach. C'est la lutte des classes !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, voici ma question : allez-vous désavouer cette proposition d'amnistie fiscale dont M. Alain Lambert dit qu'elle n'est pas taboue ? Pour le Gouvernement, c'est l'amnistie sociale qui semble être taboue ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Après l'IVG, l'ISF !
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame Beaudeau, je vous rassure, ce projet n'est pas à l'ordre du jour des réflexions du Gouvernement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais qu'en pense-t-il ?
M. Jacques Mahéas. Il émane du rapporteur général M. Carrez !
M. Francis Mer, ministre. M. Lambert l'a déclaré, et je vous le confirme. Nous avons bien trop d'autres sujets à traiter, y compris en matière fiscale !
M. Robert Bret. Les élections, par exemple !
M. Francis Mer, ministre. Quant à la « performance » de la direction générale des impôts que vous avez évoquée, selon vous, plus il y aurait d'inspecteurs des impôts, mieux les entreprises seraient contrôlées.
Sachez, madame Beaudeau, que la qualité d'un service n'est pas directement ni proportionnellement liée à la quantité des effectifs. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo. Il faut le dire à M. Sarkozy ! S'il y avait moins de policiers, tout irait mieux !
M. Francis Mer, ministre. Vous avancez des moyennes qui n'ont pas de sens, madame. Lorsque l'on divise le nombre d'entreprises surveillées chaque année par le nombre total des entreprises, y compris les entreprises unipersonnelles, on obtient peut-être soixante-neuf ans, mais cette division n'a aucune signification.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Francis Mer, ministre. Y compris en matière de rendement fiscal, je me dois de conduire une politique ciblée sur les enjeux importants. Qu'un certain nombre de petites entreprises, voire de très petites entreprises, échappent pendant toute leur vie aux contrôles fiscaux...
Mme Nicole Borvo. Mieux vaut s'occuper de François Pinault, c'est sûr !
Mme Odette Terrade. Il n'y a que les grosses entreprises qui y échappent !
M. Francis Mer, ministre. ... c'est peut-être grave du point de vue de l'esprit civique, esprit, chacun le sait, qui nous anime tous, mais, en tout cas, ce ne l'est pas pour les finances de l'Etat.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Si vous aviez contrôlé Gemplus !
M. Francis Mer, ministre. Nous devons, dans ces domaines, mener une politique intelligente, et c'est ce que nous nous efforçons de faire.
Nous investissons beaucoup, y compris dans les services informatiques, pour améliorer la qualité de nos performances afin que le maximum d'entreprises puissent être contrôlées et d'une manière générale, afin que le plus d'argent possible entre dans nos caisses.
Cela va de soi, mais n'en tirez pas des conclusions erronées. Ce n'est pas parce que nous multiplierons par deux le nombre d'inspecteurs des impôts que nous aurons deux fois plus de rentrées fiscales ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Piras. On n'a pas dit cela !
M. René-Pierre Signé. Il n'y a pas eu de réponse !
DÉCENTRALISATION ET FISCALITÉ LOCALE :
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, mesdames, messsieurs les ministres, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
M. Jacques Mahéas. Il n'est pas là !
M. René-Pierre Signé. Ah ! L'absentéisme des ministres !
M. Philippe Darniche. Elu d'un territoire rural comme bon nombre de mes collègues ici présents, je souhaite attirer particulièrement son attention sur les difficultés des communes rurales à la veille de la prochaine réforme des dotations de l'Etat.
Je salue avec enthousiasme l'initiative de la décentralisation, car elle est indispensable au futur équilibre de nos territoires. Cependant, après avoir soutenu les trois premiers textes qui nous ont été présentés, je m'inquiète - comme tous les maires ruraux - des orientations...
M. Roland Muzeau. Vous avez tort : tout va bien !
M. Philippe Darniche. ... qui pourraient intervenir dans le cadre de la prochaine loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, qui viendra prochainement en discussion au sein de notre Haute Assemblée.
Entre les deux derniers recensements démographiques de notre pays, un million de Français ont choisi de quitter le monde urbain en faveur du monde périurbain et rural pour y trouver une bonne qualité de vie.
Nous devons aujourd'hui répondre aux exigences accrues de nos populations en termes de service rendus. Les écarts de charges entre le monde urbain et le monde rural ne sont pas représentatifs des attentes des besoins de proximité des zones rurales.
C'est pourquoi, connaissant la volonté, réaffirmée récemment au congrès des maires et des présidents de communauté, du Premier ministre de soutenir un développement harmonieux de notre pays, je souhaite connaître les dispositions que le Gouvernement entend prendre pour réduire les écarts trop importants - notamment au regard de la dotation globale de fonctionnement - entre les communes urbaines et rurales.
Dans le cadre de l'intercommunalité, ensuite, comment envisagez-vous de réduire l'écart de dotation par habitant entre les communautés d'agglomération et les communautés de communes ? On sait en effet que les 143 communautés d'agglomération perçoivent en moyenne par habitant deux fois et demie plus que les 2 200 communautés de communes de France. (Applaudissment sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Robert Bret. C'est constitutionnel ! Il n'y a donc pas de souci à se faire !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre enthousiasme.
Mme Nicole Borvo. Il est bien le seul !
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est parce qu'il y a la télévision !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Les écarts entre collectivités ne peuvent se justifier que lorsqu'ils sont fondés sur l'équité,...
M. René-Pierre Signé. Vous ne savez pas ce que c'est !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... c'est-à-dire qu'à des situations différentes peuvent correspondre des dotations différentes. Mais, sur le fond, vous avez raison, car il existe en effet de grandes disparités, ...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... les plus grandes apparaissant surtout entre communautés urbaines et communautés de communes à fiscalité additionnelle.
Ainsi, dans les communautés urbaines, la moyenne de la dotation globale de fonctionnement est de 80,6 euros par habitant, alors que dans les communautés de communes à fiscalité additionnelle elle n'est que de 18,2 euros par habitant.
Il s'agit donc d'un écart considérable, auquel s'ajoute un grand écart entre les potentiels fiscaux puisque, pour les communautés urbaines, la moyenne est de 477 euros par habitant, alors que pour les communautés de communes à fiscalité additionnelle elle est de 77 euros par habitant.
M. Robert Bret. Il y a aussi des écarts en ce qui concerne les transferts de compétences !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il est donc clair que ce système, qui est le produit de l'histoire et de ce que l'on appelle les droits acquis, est inéquitable.
M. René-Pierre Signé. Mais non...
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement avait annoncé qu'il mettait la péréquation à son programme de l'année 2004 : sa mise en oeuvre est déjà engagée avec la réarchitecturation de la dotation globale de fonctionnement dans le projet de budget pour 2004.
M. Jean-Pierre Sueur. Les crédits de la péréquation sont en baisse dans le budget !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. On vous a déjà répondu, monsieur Sueur, sur ce point. Répéter comme un perroquet des erreurs n'en fait pas des vérités ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous êtes injurieux, monsieur le ministre !
Mme Nicole Borvo. Toujours des insultes !
M. René-Pierre Signé. Nous voulons des excuses !
Mme Hélène Luc. Drôle de respect pour la représentation nationale !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le comité des finances locales, à la demande du Gouvernement, a déjà constitué un groupe de travail sur la péréquation. Et le Sénat lui-même a produit un rapport, cosigné par MM. François-Poncet et Belot, sur les inégalités entre départements.
Donc, l'année prochaine, en 2004,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous vous répétez !
M. Robert Bret. C'est un perroquet !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... nous devrons choisir les critères qui permettront de faire enfin de cette obligation constitutionnelle une réalité, et non plus un thème pour vos discours. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jacques Mahéas. Minable !
M. René-Pierre Signé. Ils se croient tout permis !
DÉSINDUSTRIALISATION DANS LA RÉGION
DE CHÂTEAUBRIANT (LOIRE-ATLANTIQUE) :
M. le président. La parole est M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Ma question s'adresse au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Je suis préoccupé par la situation du pays castelbriantais, bassin de la Loire-Atlantique d'environ 30 000 personnes.
Actuellement, le total des suppressions d'emploi s'élève à 500. Une cellule de reclassement commune à l'ensemble des salariés concernés vient d'être réclamée. Or l'Etat semble se désengager de ce problème puisque, selon le projet de loi relatif aux responsabilités locales, cette compétence reviendrait aux collectivités territoriales, qui ne disposent que de très peu de moyens en ce domaine ; et quand bien même elles les auraient, l'Etat peut parfois jouer un rôle contraire aux nécessités locales.
Votre ministère a accepté, via le comité interministériel de restructuration industrielle, un moratoire d'une durée exceptionnelle de sept ans sur les dettes fiscales, d'un montant de 48 millions d'euros, pour le groupe Valfond, propriétaire de la société Focast à Châteaubriant. Dans le même temps, vous avez signé un protocole avec l'actionnaire principal, l'Union des banques suisses, et accepté le plan de restructuration présenté par Valfond, véritable vente par appartements. Ces ventes ont, pour la plupart, été effectuées en direction d'anciens cadres de Valfond qui, une fois les acquisitions effectuées, ont procédé à des plans de licenciements.
Les conséquence ont été les suivantes : des licenciements ont eu lieu à Argentan - 240 en juillet et 130 en novembre -, à Laval - 30 -, à Bléré - 120 -, à Saint-Dizier - 200 - et à Châteaubriant - 190.
Ces cas particuliers sont révélateurs d'un processus se généralisant dans les grands groupes industriels français Valfond, Metaleurop, General Trailers, etc.
Le ministère des affaires sociales aura-t-il autant d'attention pour les salariés que le ministère de l'industrie en a eu pour les actionnaires ?
Quand le président de la République fustigeait les « patrons voyous » au sujet de Metaleurop, était-ce de belles incantations, ou bien attendait-il de son gouvernement une réaction en faveur des salariés ?
L'Etat est-il dans son rôle en proposant une porte de sortie, à la charge du contribuable, permettant aux actionnaires de fuir leurs responsabilités ?
Mme Danièle Pourtaud. Eh oui !
M. Charles Gautier. Le Gouvernement ne peut-il pas revenir sur ses aides et consacrer ces sommes au reclassement des salariés et à la redynamisation des bassins d'emplois sinistrés ?
En bref, quelle action le Gouvernement entend-il mener contre les « patrons voyous » ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la situation douloureuse...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Exactement !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. ... des salariés de deux entreprises de la région nantaise, Focast à Châteaubriant et General Trailers à Nort-sur-Erdre, qui font l'objet d'un redressement judiciaire.
M. René-Pierre Signé. Et il y en a d'autres !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. L'Etat ne se désengage pas.
Je vous rappelle, monsieur Gautier - mais vous le savez parfaitement -, que, s'agissant de Focast, filiale de Valfond, l'Etat a jusqu'à présent permis grâce à un vaste plan la poursuite des activités sur le site de Châteaubriant.
Sur le plan général, je veux rappeler une vérité incontournable : l'activité industrielle de notre pays n'est pas en déclin. Elle demeure dynamique, avec un niveau de productivité élevé, mais j'ai bien conscience que ce constat ne saurait apaiser l'inquiétude légitime de ceux qui sont directement frappés par les mutations.
Vous avez parlé du rôle de l'Etat. La responsabilité première du Gouvernement est, en même temps qu'il prépare nos industries à saisir toutes les chances qu'offrira la reprise, d'accompagner les restructurations, sur le plan social comme sur le plan territorial.
Ainsi, sur le plan social, le redressement judiciaire s'accompagne d'une période de six mois d'observation, qui sera mise à profit afin d'envisager toutes les solutions, qu'il s'agisse de la poursuite des activités ou de leur cessation.
Je puis vous assurer que, si cette dernière hypothèse était retenue, avec François Fillon, nous serions particulièrement attentifs à ce que tous les salariés, sans exclusion, puissent bénéficier d'un reclassement équitable.
M. René-Pierre Signé. Merci de votre bon coeur ! Que de compassion !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Sur le plan territorial, je vous signale que, la semaine dernière, à l'occasion de la révision du contrat de plan Etat-région, des mesures importantes ont été prises pour assurer le désenclavement routier et ferroviaire de cette région. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
PUBLICATION DES DÉCRETS D'APPLICATION
DE LA LOI SUR L'ACTION SOCIALE ET MÉDICO-SOCIALE
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale appelle, pour sa mise en oeuvre, de nombreux décrets et arrêtés dont beaucoup tardent à paraître, même si certains sont parus récemment.
En tout état de cause, la parution du décret budgétaire et comptable a précédé de quelques jours seulement la date de dépôt des budgets des établissements et services auprès de leur tutelle. De ce fait, force est de constater que les possibilités de recours en cas de désaccord sont restreintes.
Pour ce qui concerne les établissements et les services sous compétence de l'Etat, la situation est particulièrement difficile eu égard aux enveloppes de crédits alloués.
Aujourd'hui, les établissements et les services ont déjà optimisé leur fonctionnement et leur budget. Ils ne disposent pas de marges de manoeuvre. En effet, aux augmentations réglementaires s'ajoutent les incidences budgétaires de la réduction du temps de travail, les travaux imposés à tous les niveaux par l'évolution de normes diverses et variées, les abattements appliqués aux dotations de 2003 du fait d'un taux d'évolution des enveloppes départementales insuffisant.
Par ailleurs, la loi du 2 janvier 2002 a entraîné de nouvelles charges - diagnostics, évaluations, mise en oeuvre de projets individuels de la charte d'accueil - et d'autres encore mais sans prévoir les moyens correspondants.
Avant que ne surgissent d'importantes difficultés qui ne pourraient que pénaliser la prise en charge des populations accueillies - ce qui serait paradoxal en cette année consacrée à la cause des personnes handicapées -, les crédits alloués ne pourraient-ils être accordés à la hauteur des besoins créés par l'application de dispositions législatives ou réglementaires qui ont, par ailleurs, fait l'objet d'un large consensus ?
Ne serait-il pas souhaitable d'aligner la préparation et la rédaction des décrets et arrêtés sur la réalité du fonctionnement des établissements concernés ? Ne faut-il pas autant que possible éviter une approche purement technique qui rendrait en pratique les dispositions inapplicables à la réalité du secteur social et médico-social ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Je vous sais gré, monsieur Mouly, de l'attention constante que vous portez à la cause des personnes handicapées.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comme nous tous !
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Les décrets d'application relatifs à la loi du 2 janvier 2002 ont nécessité, comme la loi elle-même, beaucoup de concertation, et donc beaucoup de temps. Mais les principaux, concernant les personnes handicapées et les établissements médico-sociaux, sont maintenant sortis, monsieur le sénateur.
Il s'agit d'abord du décret budgétaire et comptable, paru le 22 octobre dernier, qui vise à moderniser et à simplifier le régime comptable, tarifaire et financier.
Ce texte prévoit en outre, puisqu'il n'est sorti qu'au mois d'octobre, des dispositions transitoires qui vont permettre d'assurer le respect des droits liés à la procédure contradictoire en reportant d'un mois le délai de dépôt des propositions budgétaires.
D'autres textes importants sont parus au Journal officiel du 29 novembre dernier : les règles de fonctionnement des établissements, les droits des usagers, le régime d'autorisation.
Enfin, d'ici à janvier 2004, deux autres décrets très importants vont sortir. Il s'agit du décret relatif à l'accueil temporaire, qui est tant attendu et qui est à la signature, et du décret relatif aux services de soins infirmiers d'aide à domicile pour les personnes handicapées.
Par ailleurs, le Gouvernement est conscient des nouvelles charges entraînées par ces réformes.
Des mesures ont été prises pour en tenir compte : les accords de branche sur le travail de nuit, la rénovation, sur l'initiative des partenaires sociaux des conventions collectives, le taux d'évolution budgétaire, bien supérieur à l'inflation. Je rappelle en effet que, dans un contexte budgétaire difficile - et je parle sous le contrôle de M. le ministre des finances -, le budget des personnes handicapées a été sauvegardé, selon la volonté du Président de la République, puisqu'il augmente d'environ 6 % en 2003 et en 2004.
Enfin, l'application des indicateurs d'activité budgétaire et comptable permettra, à terme, d'atténuer, puis de résorber les disparités entre les établissements, les départements, les régions, et de mettre en place une allocation de ressources votée par le Parlement qui sera, j'en suis sûre, beaucoup plus équitable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.
Economie, finances et industrie (suite)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, ce matin, le Sénat a entamé l'examen des crédits concernant les charges communes et figurant au titre III.
Il en est parvenu aux explications de vote sur l'amendement n° II-8 rectifié, présenté par MM. Fréville et Braun, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
« Titre III : moins 592 234 960 euros.
« Augmenter cette réduction de 5 000 000 d'euros.
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 597 234 960 euros.»
La parole est à M. Simon Loueckhote, pour explication de vote.
M. Simon Loueckhote. J'ai beaucoup apprécié les observations formulées tout à l'heure tant par M. le président de la commission des finances que par M. le rapporteur général sur la justification que j'ai tenté de donner d'un éventuel retrait de l'amendement n° II-8 rectifié. J'aurais cependant préféré que la commission décide d'accepter ma suggestion !
Quoi qu'il en soit, l'adoption de cet amendement entraînerait un certain nombre d'injustices. Je pense notamment ici au cas de certains ressortissants de l'outre-mer qui travaillent aujourd'hui en métropole et qui, demain, quand ils prendront leur retraite, seront pénalisés à leur retour dans leur collectivité d'origine parce que, malheureusement, ils ne pourront peut-être pas justifier de cinq années de présence effective outre-mer auparavant.
En outre, je continue de penser également que, au-delà de notre volonté de moraliser les choses et de lutter contre les abus, nous n'avons pas suffisamment apprécié l'incidence de la mesure présentée sur l'économie outre-mer, particulièrement en Polynésie française.
Ainsi, notre collègue Gaston Flosse nous expliquait récemment que si, en Polynésie française, l'économie est fondée principalement sur le tourisme, il fallait aussi prendre en compte l'apport des retraités qui vivent sur place et qui participent à l'animation économique, notamment en consommant et en achetant.
Pour ces raisons, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur spécial, je maintiens ma demande de retrait de l'amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voudrais saluer, une fois encore, la lucidité et le courage de notre collègue Simon Loueckhote. Malheureusement, il me sera difficile d'exaucer son souhait en retirant l'amendement.
Toutefois, si le Sénat adopte ce dernier, je m'engage à ce que nous trouvions en commission mixte paritaire une rédaction répondant mieux aux préoccupations que M. Loueckhote a exprimées.
Cela m'amène à aborder par anticipation la présentation de l'amendement n° II-7 rectifié. Celui-ci est d'ailleurs lié à l'amendement n° II-8 rectifié, comme l'a souligné ce matin Mme la ministre.
L'amendement n° II-8 rectifié prévoit que, « dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi de finances, un décret précise que l'indemnité temporaire prévue aux décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et n° 54-1293 du 24 décembre 1954 est réservée aux agents mentionnés dans les décrets précités en poste dans une des collectivités concernées pendant les cinq dernières années qui précèdent la liquidation de leur retraite ».
Or il se pourrait fort bien qu'un agent fonctionnaire dans l'une des collectivités visées soit nommé en métropole quelque temps avant son départ à la retraite et perde ainsi le bénéfice de l'indemnité temporaire lorsque celui-ci intervient. Afin de prévenir une telle situation, je propose donc de rectifier l'amendement, pour prévoir que les agents visés devront avoir servi pendant au moins vingt ans dans l'une des collectivités concernées. Une telle rédaction me semble de nature à apaiser vos craintes légitimes, monsieur Loueckhote.
Sous le bénéfice de cette précision, je demande au Sénat d'adopter l'amendement n° II-8 rectifié, puis, en conséquence, de réserver le même sort à l'amendement que je viens d'évoquer.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Cette intervention vaudra à la fois pour les amendements n°s II-7 rectifié et II-8 rectifié.
Le débat qui nous occupe n'est pas nouveau, comme l'a rappelé ce matin M. le président de la commission des finances. Nous pouvons effectivement reconnaître une certaine constance aux auteurs de l'amendement, puisque ce n'est pas la première fois qu'une telle proposition est formulée.
Ainsi, la question des majorations de pensions pour les fonctionnaires résidant outre-mer avait déjà été soulevée lors de la discussion de la loi de programme pour l'outre-mer, par le biais d'un amendement similaire à celui que la commission des finances a déposé, qui serait la traduction d'une recommandation quasi impérative de la Cour des comptes.
Cela étant, pourquoi les fonctionnaires d'origine métropolitaine jouissent-ils, outre-mer, d'une majoration de pension en vertu de décrets datant des années cinquante ? Essentiellement parce que la vie outre-mer est chère, compte tenu de multiples paramètres. C'est bel et bien pour cette raison précise que la majoration des pensions des fonctionnaires résidant outre-mer a été décrétée en 1952.
La situation a-t-elle évolué depuis ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on est fort loin d'avoir constaté une réduction de l'écart avec la métropole en termes de coût de la vie. L'ensemble de la situation salariale et statutaire de la fonction publique outre-mer mériterait même, de notre point de vue, de faire l'objet d'autres dispositions que la suppression des décrets de 1952.
En effet, les conditions économiques générales prévalant outre-mer ont une telle incidence sur la formation des prix que de très nombreux produits, y compris de consommation courante, y sont très nettement plus chers qu'en métropole, en dépit de la réfaction des taux de TVA.
Il faudrait en fait se demander comment adapter les niveaux des rémunérations et des pensions à cette situation économique spécifique. Celle-ci impose manifestement qu'il soit procédé à un rattrapage en faveur de l'ensemble des fonctionnaires résidant outre-mer, qu'ils soient ou non originaires de métropole, afin de prévenir la fragilisation de l'économie. D'autres solutions que celles qui sont préconisées au travers des amendements n°s II-8 rectifié et II-7 rectifié doivent être envisagées.
Pour être plus claire encore, je dirai que, si le droit parlementaire s'y prêtait, nous aurions probablement proposé un tel rattrapage dans le cadre du projet de loi de finances.
La disparition programmée des majorations de pensions ne mettra fin ni à la vie chère outre-mer ni aux disparités de traitements entre fonctionnaires. Comme vient de le souligner notre collègue Simon Loueckhote, elle risque au contraire de créer de nouvelles injustices.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous voterons contre les amendements qui nous sont proposés.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je suis sensible aux arguments qui ont été avancés par M. le président de la commission des finances et par M. le rapporteur général. Sur le fond, on ne peut pas repousser des considérations de justice.
Pour autant, les craintes qui ont été évoquées de voir apparaître de nouvelles inégalités nous troublent quelque peu. C'est pourquoi nous nous abstiendrons.
Je voudrais revenir sur l'amendement « TVA ». Il s'agit bien du remboursement réel d'une TVA virtuelle.
Mme Odette Terrade. Effectivement !
M. Daniel Raoul. La Fédération des entreprises des départements d'outre-mer, la FEDOM, que j'ai rencontrée, n'est pas hostile à un toilettage, à condition que les fonds servent bien au développement économique des départements et territoires d'outre-mer. Il conviendra d'être clair sur ce point. Il faut non pas agir par le biais de « petits » amendements, mais procéder à une analyse au fond.
A ce stade, compte tenu des explications fournies par M. Arthuis, nous nous abstiendrons. Nous verrons ce qui résultera des travaux de la commission mixte paritaire. Pour ma part, je redoute la création de nouvelles inégalités.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-8 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 104
:
Nombre de votants | 301 |
Nombre de suffrages exprimés | 189 |
Majorité absolue des suffrages | 95 |
Pour | 181 |
Contre | 8 |
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III, modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 688 683 500 euros. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur les crédits du titre IV.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, à l'occasion de l'examen du titre IV du budget des charges communes, je souhaiterais revenir sur la ligne budgétaire relative au financement du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, par l'Etat au titre d'employeur.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 qui a crée ce fonds stipule qu'il est financé par une contribution de l'Etat et par une contribution de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, AT-MP.
Ce sont donc non seulement les employeurs du secteur privé mais également l'Etat qui financent le FIVA, instauré pour indemniser de façon intégrale les préjudices subis par les victimes de l'amiante.
Par cet abondement, l'Etat, à l'instar du secteur privé, a reconnu qu'il peut être directement responsable de la contamination de ses agents, tant dans la fonction publique nationale que dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière, ainsi que pour les ouvriers de l'Etat et les salariés des entreprises nationales.
Lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, nous avions notamment insisté sur la nécessité d'inscrire dans la loi une clé de répartition chiffrée des contributions annuelles de la branche AT-MP et de l'Etat au financement du FIVA.
La ministre des affaires sociales de l'époque avait affirmé que l'Etat en sa qualité d'employeur financerait un tiers du FIVA, mais avait refusé que cette proportion figure explicitement dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Le budget des charges communes pour 2004 nous montre malheureusement à quel point nous avions raison d'exiger cette référence dans la loi. En effet, l'Etat, pour l'année 2004, n'apporte tout simplement aucune contribution au FIVA ! Cette absence de financement soulève quelques questions essentielles.
Au total, l'abondement du FIVA par la branche AT-MP pour 2004 est de 100 millions d'euros, contre 190 millions d'euros en 2003.
Je note cependant qu'au 31 août 2003 le nombre de dossiers reçus par le FIVA s'élevait à 7 991, et que le rythme de dépôt de nouveaux dossiers était, en septembre et en octobre, de 550 à 600 par mois. Sachant qu'au 31 mai 2003 le rapport annuel du FIVA indiquait un montant moyen d'indemnisation, toutes pathologies confondues, de 50 763 euros par dossier, le calcul est simple. Pour les seuls dossiers déposés au 31 décembre 2003, soit environ 10 000 demandes, 500 millions d'euros seront nécessaires. Restera ensuite à indemniser, dans un délai de six mois après leur dépôt, les dossiers déposés au FIVA en 2004 : vous voyez donc bien que les réserves seront vite épuisées.
Si les réserves du FIVA devraient suffire, au vu du rythme de progression des nouveaux dossiers, à indemniser les victimes et leurs ayants droit en 2004, quelles garanties auront-ils pour 2005, lorsque le fonds aura largement puisé dans ses réserves ?
Cette gestion à vue est-elle, madame la ministre, de nature à assurer la pérennité de la réparation intégrale du préjudice subi par les victimes de l'amiante et leurs familles ?
De plus, comme l'indique le rapport d'activité du FIVA pour la période de juillet 2002 à juin 2003, « les fonds cumulés alloués au FIVA au titre des années 2001, 2002 et 2003 s'élèvent à 886 millions d'euros, dont 78 millions versés par l'Etat » : nous sommes bien loin du tiers initialement prévu. La contribution de l'Etat à hauteur du tiers doit être respectée.
Même si les réserves du FIVA sont suffisantes pour assurer l'indemnisation des victimes et des ayants droit en 2004, la contribution de la branche AT-MP pour 2004, certes baissée à 100 millions d'euros, montre tout de même que la continuité de financement du fonds est nécessaire.
Les barèmes votés en janvier dernier par le FIVA sont déjà bien en deçà des attentes et des besoins des victimes.
La prochaine étape, dans cette dégradation des objectifs initiaux du FIVA, serait-elle le désengagement financier progressif de l'Etat et la baisse répétée de la contribution de la branche AT-MP ?
Cette façon de procéder est dangereuse et suscite déjà la colère et l'incompréhension des victimes.
En toute objectivité, nous avons bien entendu, au cours du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, le ministre confirmer l'engagement de l'Etat d'abonder le fonds si ses réserves se révélaient insuffisantes. Nous serons vigilants à cet égard. Les victimes et leurs familles seront, quant à elles, particulièrement attentives à la préservation de la réparation intégrale pour toutes les victimes de l'amiante.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Madame Beaudeau, la trésorerie du FIVA est largement suffisante pour les besoins de 2004. Il va de soi que les crédits nécessaires seront apportés dès que les réserves seront épuisées.
M. le président. L'amendement n° II-9, présenté par M. Fréville au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Augmenter la réduction des crédits du titre IV de 2 300 000 euros.
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 690 983 500 euros. »
La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation pour les charges communes. Il s'agit d'un amendement de conséquence.
Lors de l'examen de la première partie du présent projet de loi de finances, nous avons transféré dans les prélèvements de l'Etat la compensation par l'Etat aux départements des réductions des taux de taxe de publicité foncière et de droits d'enregistrement en faveur des jeunes agriculteurs. Il est, bien sûr, logique de supprimer dans le budget des charges communes les crédits qui ont été rétablis en première partie dans l'état A.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Favorable. Il s'agit d'une disposition technique.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-9.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV, modifiés.
Mme Odette Terrade. Le groupe CRC vote contre.
M. Daniel Raoul. Le groupe socialiste s'abstient.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 151 000 000 euros ; « Crédits de paiement : 18 000 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
Mme Odette Terrade. Le groupe CRC vote contre.
M. Daniel Raoul. Le groupe socialiste s'abstient.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 74 bis, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés aux charges communes, ainsi que l'amendement n° II-7 rectifié de la commission des finances, tendant à insérer un article additionnel après l'article 74 bis.
Charges communes
Le huitième alinéa de l'article L. 421-1 du code des assurances est ainsi rédigé :
« Le fonds de garantie est également chargé de gérer et de financer, à compter de l'exercice 2003 les majorations de rentes prévues à l'article 1er de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974 relative à la revalorisation de certaines rentes allouées en réparation du préjudice causé par un véhicule terrestre à moteur et à l'article 1er de la loi n° 51-695 du 24 mai 1951 portant majoration de certaines rentes viagères, au titre des états justificatifs certifiés. Les créances relatives aux majorations de rentes visées au présent alinéa se prescrivent dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Le fonds peut contrôler sur pièces et sur place l'exactitude des renseignements fournis par les organismes débirentiers. » - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 74 bis
M. le président. L'amendement n° II-7 rectifié, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 74 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi de finances, un décret précise que l'indemnité temporaire prévue aux décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et n° 54-1293 du 24 décembre 1954 est réservée aux agents mentionnés dans les décrets précités en poste dans une des collectivités concernées pendant les cinq dernières années qui précèdent la liquidation de leur retraite.
« Ces dispositions ne s'appliqueront qu'aux personnes percevant leur pension à compter de la date de promulgation de la présente loi de finances. »
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'ai déjà eu l'occasion de motiver cet amendement. Peut-être n'est-il pas nécessaire de reprendre cette présentation ?
Je voudrais toutefois confirmer que la commission modifie cet amendement. L'article additionnel que nous proposons d'insérer serait ainsi libellé : « Dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi de finances, un décret précise que l'indemnité temporaire prévue aux décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et n° 54-1293 du 24 décembre 1954 est réservée aux agents mentionnés dans les décrets précités en poste dans une des collectivités concernées pendant vingt ans ou les cinq dernières années qui précèdent la liquidation de leur retraite. »
Autrement dit, un fonctionnaire qui aurait exercé dans un territoire pendant vingt ans mais qui serait venu, à la fin de sa carrière, exercer en métropole ne serait pas privé du bénéfice de ce supplément de retraite.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-7 rectifié bis, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission, et ainsi libellé :
« Après l'article 74 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi de finances, un décret précise que l'indemnité temporaire prévue aux décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et n° 54-1293 du 24 décembre 1954 est réservée aux agents mentionnés dans les décrets précités en poste dans une des collectivités concernées pendant vingt ans ou les cinq dernières années qui précèdent la liquidation de leur retraite.
« Ces dispositions ne s'appliqueront qu'aux personnes percevant leur pension à compter de la date de promulgation de la présente loi de finances. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. J'observe, tout d'abord, que le Sénat a déjà eu l'occasion d'examiner un amendement similaire lors de la discussion du projet de loi de programme pour l'outre-mer, le 22 mai dernier.
Le Gouvernement avait alors souligné une difficulté juridique liée au fait que la disposition proposé était d'ordre réglementaire. L'amendement avait d'ailleurs été retiré.
Quoi qu'il en soit, les questions de fond me semblent beaucoup plus importantes. Le complément de retraite prévu par le décret du 10 septembre 1952 doit être examiné au regard de certains éléments économiques tenant au coût de la vie élevé qui caractérise les territoires concernés, comme le disait Mme Terrade tout à l'heure, mais aussi au soutien au fonctionnement de l'économie locale...
Mme Odette Terrade. Bien sûr !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. ... que constitue la présence permanente de ces retraités de l'Etat, surtout en dehors des périodes fastes sur le plan touristique.
Le fait que l'amendement n° II-7 rectifié bis vise à maintenir l'octroi de ces indemnités aux agents en poste dans les collectivités concernées pendant les cinq années qui précèdent la liquidation de la retraite montre d'ailleurs que, ce qui pose problème, c'est moins le principe d'un complément de retraite que la définition du champ des bénéficiaires. Or celui qui est proposé ici engendrerait des difficultés considérables.
D'abord, l'amendement aurait pour effet d'écarter de la mesure des retraités ayant toute légitimité pour résider dans ces territoires, notamment ceux qui en sont originaires, dès lors qu'ils n'y auraient pas exercé d'activité professionnelle pendant vingt ans, puisque M. le président Arthuis a rectifié son amendement.
Ensuite, le critère d'octroi de l'indemnité prévu par l'amendement, à savoir une limitation aux agents en poste pendant vingt ans, paraît contraire à l'égalité de traitement due à des personnes placées dans une même situation.
La modification que vous proposez, monsieur le président de la commission des finances, n'infirme pas la position du Gouvernement, je dirai même qu'elle nous confirme que tout cela mérite une étude approfondie avant d'adopter une disposition aux conséquences importantes.
Mme Odette Terrade. Absolument !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Au total, nous ne pouvons accepter cet amendement. La suppression du dispositif ne peut en effet être envisagée sans une étude préalable visant à en mesurer toutes les conséquences sur les économies locales.
A cet effet, je puis vous dire que le Gouvernement va lancer une étude d'ensemble sur l'incidence économique et sociale des majorations de rémunération des fonctionnaires exerçant outre-mer et des fonctionnaires retraités qui y résident. Cette étude va être réalisée par l'INSEE. Elle sera disponible au 1er juillet 2004. C'est à la lumière de ses conclusions que le Gouvernement pourra débattre avec vous de ces sujets particulièrement délicats.
Dans l'immédiat, je vous demande, monsieur le président Arthuis, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, l'amendement n° II-7 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean Arthuis, président de la commission. Chacun est bien conscient du souhait qui est le mien d'aller vers le Gouvernement. Mais, madame la ministre, nous avons déjà échangé des arguments et le Sénat vient de se prononcer par scrutin public.
Par ailleurs, je rappelle que le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur un article identique, l'article 26, d'une loi d'orientation promulguée le 13 décembre 2000 et qui était ainsi rédigé : « Dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présentera un décret modifiant (...) »
Le Conseil constitutionnel a validé cette rédaction par sa décision du 7 décembre 2000, et l'ensemble de la loi en question a été promulguée le 13 décembre 2000. Vous me permettrez donc, madame la ministre, de réfuter votre critique sur le plan juridique.
Pour le reste, comme je l'ai dit ce matin, je prends l'engagement de recevoir, dès demain, le président du groupe d'études et d'amitié des élus de l'outre-mer. La commission des finances, en relation très étroite avec le Gouvernement, est à la disposition des élus de l'outre-mer pour mettre sur la table l'ensemble des problèmes.
Je rappelle qu'il s'agit de mettre fin à une pratique critiquable qui est largement décrite sur quelques sites Internet dont je me garderai de rappeler les adresses et qui consiste à bénéficier de cet avantage quand on est fonctionnaire métropolitain.
Ce n'est pas trahir les principes de la République que de voter cet amendement.
Madame la ministre, je ne suis pas habilité par la commission des finances à retirer l'amendement n° II-7 rectifié bis et je souhaite que le Sénat, tirant les conséquences du vote qui vient d'avoir lieu, adopte également le présent amendement, d'autant qu'il a été rectifié pour tenir compte des observations que vous avez formulées ce matin.
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour explication de vote.
M. Robert Laufoaulu. Ce matin, M. Louekhote a déjà présenté presque tous les arguments contre cet amendement. Je voudrais ajouter que les parlementaires de l'outre-mer auraient souhaité être associés un peu plus à ce débat, qui touche à un sujet important de la vie de l'outre-mer... et de la vie nationale, bien sûr.
Nous avons eu l'impression d'être mis à l'écart du processus de prise de conscience et de lutte contre certains abus. Nous avons même eu l'impression d'être montrés du doigt, voire accusés de ne pas faire ce qu'il faut pour corriger des situations qui ne sont pas justes, comme l'a dit ce matin M. le président de la commission des finances.
La grande majorité des parlementaires de l'outre-mer est tout à fait consciente qu'il y a des abus, des situations injustes. Mais procéder comme on le fait maintenant lui semble injuste à son égard. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. J'ai évidemment écouté avec beaucoup d'intérêt l'échange qui vient de s'engager.
Je suis très sensible aux arguments qui ont été développés par les uns et les autres, mais, n'étant pas un grand spécialiste de la question, je souhaite ardemment que le Sénat puisse trouver, grâce à son vote,...
Mme Odette Terrade. Le temps de la réflexion !
M. Henri de Raincourt. ... la réponse adaptée aux besoins et à la question qui se pose.
C'est la raison pour laquelle, au nom du groupe de l'UMP, je demande une suspension de séance de dix minutes.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à cette demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La suspension de séance a permis à la commission de se rapprocher de la position exprimée par le Gouvernement.
Elle a mis au point une proposition que je vous soumets, mes chers collègues.
Le Gouvernement pourrait déposer, dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la présente loi de finances, un rapport indiquant quelle suite il entend donner aux observations formulées par le rapport d'avril 2003 de la Cour des comptes. Le reste de l'amendement disparaîtrait. (Très bien ! sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Odette Terrade. Sage décision !
M. Roger Karoutchi. Voilà !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-7 rectifié ter, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la commission, et ainsi libellé :
« Après l'article 74 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la présente loi de finances, le Gouvernement présente un rapport indiquant dans quelle mesure il envisage de donner suite aux observations formulées par le rapport public particulier d'avril 2003 de la Cour des comptes au sujet de l'indemnité temporaire prévue aux décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et n° 54-1293 du 24 décembre 1954. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Je pense qu'un délai de trois mois est un peu court pour réunir toutes les informations nécessaires. Néanmoins, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. En fait, tous les principes qui ont été invoqués par le président de la commission des finances sont remis en cause.
Cela dit, madame la ministre, je suggérerais au Gouvernement de faire porter son étude non seulement sur les pensions, salaires ou indemnités des fonctionnaires, mais aussi de considérer l'impact de l'ensemble des interventions économiques sur les départements et territoires d'outre-mer.
En tout cas, nous sommes favorables au dépôt de ce rapport.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Notre groupe prend acte de l'évolution de la discussion.
Sans doute le délai de trois mois est-il trop court en effet pour établir un rapport suffisamment détaillé. De toute façon, comme vient de le suggérer notre collègue M. Raoul, ce rapport devrait prendre en compte l'impact de l'apport des versements en cause sur l'économie locale.
Quoi qu'il en soit, nous voterons pour cet amendement rectifié.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je me réjouis du consensus qui résulte de nos échanges. (Sourires.)
Mme Odette Terrade. Aux forceps !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais je voudrais que l'on ne se méprenne pas quant à la portée du texte que vient de nous proposer le rapporteur général. A ceux qui ont laissé entendre que les pensions pouvaient servir à soutenir l'économie, je répondrai qu'à ce moment-là il faudrait les inclure dans le budget de l'outre-mer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Evitons le mélange des genres, s'il vous plaît !
Il ne s'agira pas de s'apesantir sur les conséquences pour l'économie ; nous devrons nous en tenir à la référence du rapport de la Cour des comptes et en tirer les conclusions.
Ainsi, nous demandons au Gouvernement de nous faire des propositions dans les trois mois.
Je pense que chacun sera sensible à la position du Sénat. De toute façon, il faudra bien infléchir des pratiques que je persiste à qualifier de perversions, car nous ne pourrons en aucune façon continuer à être complices d'une telle dérive.
M. Henri de Raincourt. Il a raison !
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce serait offenser l'outre-mer que d'imaginer qu'il s'accommode de telles pratiques. Il est donc urgent d'y mettre un terme : il y va de la justice, du respect des principes républicains. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-7 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 74 bis.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les charges communes.
M. le président. Nous allons maintenant examiner les articles 50 à 56 du projet de loi de finances qui concernent les comptes spéciaux du Trésor.
C. - Opérations à caractère définitif
des comptes d'affectation spéciale
Le montant des crédits ouverts aux ministres, pour 2004, au titre des services votés des opérations définitives des comptes d'affectation spéciale, est fixé à la somme de 3 187 590 000 euros.
M. le président. L'amendement n° II-40, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A la fin de cet article, remplacer la somme : "3 187 590 000 euros" par la somme : "3 195 590 000 euros". »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Il s'agit d'un amendement de coordination qui tire les conséquences, d'une part, d'un amendement adopté en première partie affectant les ressources du compte n° 902-15, « compte d'emploi de la redevance audiovisuelle », et, d'autre part, de l'amendement n° II-23 rectifié à l'article 59 bis, que vous avez adopté vendredi dernier lors de l'examen des dispositions relatives à la communication, et qui précise la nouvelle répartition entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle.
Il est donc proposé de majorer de 8 millions d'euros les dépenses du chapitre 01, « versements aux organismes du secteur public de la radiodiffusion sonore et de la télévision », du compte d'emploi de la redevance audiovisuelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais, s'agissant d'un amendement de conséquence, à titre personnel, j'émets un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-40.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 50, modifié.
(L'article 50 est adopté.)
I. - Il est ouvert aux ministres, pour 2004, au titre des mesures nouvelles des opérations définitives des dépenses en capital des comptes d'affectation spéciale, des autorisations de programme s'élevant à la somme de 3 987 000 000 EUR.
II. - Il est ouvert aux ministres, pour 2004, au titre des mesures nouvelles des opérations définitives des comptes d'affectation spéciale, des crédits de paiement s'élevant à la somme de 4 441 256 800 EUR ainsi répartie :
Dépenses ordinaires civiles 454 256 800 EUR
Dépenses civiles en capital 3 987 000 000 EUR
Total 4 441 256 800 EUR
(Adopté.)
Article 52
Le dernier alinéa de l'article 71 de la loi de finances pour 1993 (n° 92-1376 du 30 décembre 1992) est ainsi rédigé :
« - en dépenses, les dépenses afférentes aux achats et aux ventes de titres, de parts ou de droits de sociétés, les dotations en capital, avances d'actionnaire et autres apports aux entreprises publiques et aux établissements publics, les dotations en capital aux fondations reconnues d'utilité publique du secteur de la recherche, les investissements réalisés directement ou indirectement par l'Etat dans des fonds de capital-investissement, les versements au fonds de réserve pour les retraites mentionné à l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale, les reversements au budget général et les versements à la caisse de la dette publique. » - (Adopté.)
Article 53
Le 2° de l'article 46 de la loi de finances pour 1995 (n° 94-1162 du 29 décembre 1994) est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - les dotations versées aux collectivités locales d'outre-mer au titre de la continuité territoriale. » - (Adopté.)
II. - OPÉRATIONS À CARACTÈRE TEMPORAIRE
Article 54
I. - Le montant des découverts applicables, en 2004, aux services votés des comptes de commerce est fixé à 1 936 967 800 EUR.
II. - Le montant des crédits ouverts au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour 2004, au titre des services votés des comptes d'avances du Trésor est fixé à la somme de 60 799 890 000 EUR.
III. - Le montant des crédits ouverts au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour 2004, au titre des services votés des comptes de prêts est fixé à la somme de 175 460 000 EUR. - (Adopté.)
Article 55
Il est ouvert aux ministres, pour 2004, au titre des mesures nouvelles des opérations temporaires des comptes d'affectation spéciale, un crédit de paiement de dépenses ordinaires de 2 542 700 EUR. - (Adopté.)
Article 56
Il est ouvert au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour 2004, au titre des mesures nouvelles des comptes de prêts, des crédits de paiement s'élevant à 1 145 970 000 EUR. - (Adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les comptes spéciaux du Trésor.
Budget annexe des Monnaies et médailles
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des Monnaies et médailles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne, en remplacement de M. Bertrand Auban, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de budget qui vous est aujourd'hui présenté est celui d'une institution en pleine mutation, parce que bien décidée à se battre.
La Monnaie de Paris est tombée dans la récession plus tôt et plus brutalement que prévu. A la suite d'une surestimation des besoins, trop de pièces d'euros lui ont été demandées et les monnayeurs devront attendre la résorption des stocks, qui interviendra au mieux en 2006, pour retrouver une charge significative de frappe.
Encore faudrait-il que, d'ici là, le billet de 1 euro, que certains réclament pour que notre monnaie rivalise avec le dollar, ou le porte-monnaie électronique, dont le coût pourrait finir par baisser, ne viennent pas trop menacer les pièces métalliques.
Bref, la mission régalienne de frappe de la monnaie est devenue structurellement secondaire. Après une prévision de 400 millions de pièces en 2003, réévaluée à 600 millions en cours d'année, la commande de l'Etat s'élève, pour 2004, à 760 millions de pièces, réparties sur les trois plus petites coupures. On demeure bien loin du pic de production de 2,7 milliards de pièces de l'an 2000 !
Face à cette situation critique, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a fixé un objectif primordial : sauver le savoir-faire et l'outil industriel de la Monnaie de Paris. Pour y parvenir, celle-ci a décidé de s'enraciner dans son métier - la gravure - mais en s'éloignant de la monnaie courante et en volant de ses propres ailes vers des marchés concurrentiels, sachant qu'il lui faut, pour cela, bousculer ses traditions.
Qui dit concurrence dit compétitivité, et donc maîtrise des coûts.
A hauteur de 86,9 millions d'euros, les dépenses diminuent de 6,5 %, alors que l'activité croît sensiblement. Ainsi, des décisions parfois douloureuses ont dû être prises. Certaines sont financièrement lourdes, comme la suppression de la prime d'horaires décalés avec l'arrêt du travail en équipe. D'autres révèlent un nouvel état d'esprit : la limitation des frais de publicité et de mission, la disparition de divers avantages qui s'apparentaient à des acquis. C'était le prix à payer pour préserver l'emploi.
Des progrès ont été réalisés en matière de lisibilité des crédits, mais quelques améliorations sont encore nécessaires. Si la suppression des postes vacants - quatre-vingt-deux en 2003 et cinquante-trois en 2004 - a rendu les effectifs budgétaires plus conformes à la situation observée sur le terrain, en revanche, la prise en charge par Bercy d'une soixantaine de fonctionnaires d'administration centrale en poste à la direction des Monnaies et médailles entraîne une opacité pour le moins malvenue.
Par ailleurs, si les reports de crédits du chapitre « Achats » ont été divisés par près de quatre en trois années, il faut examiner de près un report récurrent de l'ordre de 5 millions d'euros sur les investissements.
J'en viens aux recettes.
La recette de 24,6 millions d'euros provenant du Trésor pour la cession des pièces françaises progresse de 82 %, conséquence de l'effet mécanique de l'augmentation des quantités cédées conjuguée à la réévaluation des prix unitaires de cession, dans un but de vérité des prix entre les deux directions.
Les recettes commerciales, elles, devraient augmenter de 34 % pour atteindre le niveau exceptionnel de 59,6 millions d'euros, grâce à une envolée des ventes des monnaies de collection constatée dès le courant de l'année 2003. Une stratégie ciblée et audacieuse, misant sur le sérieux et la créativité de la Monnaie de Paris, permet d'afficher ces prévisions ambitieuses mais réalistes.
De tout cela, il faut surtout retenir que les recettes équilibreraient les dépenses et qu'aucune subvention de l'Etat n'est sollicitée alors que, l'an dernier, le Parlement a dû voter une aide de 26,5 millions d'euros.
La commission des finances du Sénat, qui n'a pas oublié que la direction des Monnaies et médailles avait, l'an dernier, contribué à hauteur de 3,5 millions d'euros à l'effort de réduction des dépenses qu'elle avait demandé, y voit la marque d'une réelle volonté de sortir au plus vite de la dépendance financière, d'autant que la subvention accordée en 2003 ne devrait être utilisée qu'à hauteur de 18 millions d'euros.
Si la Monnaie de Paris fait face à ses difficultés, c'est aussi grâce à la réactivité des personnels. Ceux-ci ont d'ores et déjà fait preuve de souplesse et de polyvalence en s'adaptant à l'impératif de développement des activités les plus prometteuses, au détriment des moins rentables, ainsi qu'à la nécessaire utilisation d'outils informatiques plus performants.
Par ailleurs, l'établissement girondin, où le rapporteur spécial s'est rendu la semaine dernière, fait tout pour pallier son surdimensionnement : il a internalisé des tâches d'entretien, pris en charge des activités administratives et assurera, en 2004, la fabrication de tous les produits « monétiformes ».
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial. Enfin, pour l'anecdote, je dirai que ce sont des agents pessacais qui ont déménagé d'un immense sous-sol de l'hôtel des Monnaies jusqu'à Pessac les « coins » de la Monnaie de Paris, ces sortes de moules qui représentent un véritable trésor historique et qu'une crue centennale de la Seine menaçait.
Il est impossible de conclure ce propos sans aborder les conséquences de la loi organique relative aux lois de finances. Ce budget annexe semble, en effet, appelé à disparaître, l'activité industrielle et commerciale de la Monnaie de Paris ne donnant pas lieu à un paiement de redevance.
Madame la ministre, cela me conduit à vous poser deux questions.
La commission des finances n'ignore pas la relative sévérité du récent constat de la Cour des comptes, qui demande qu'une réponse soit apportée à ce qu'elle préconise, à savoir un changement de statut pour la Monnaie de Paris pour un statut plus adapté à la nature de son activité. Quelle réponse lui avez-vous donnée ?
Par ailleurs, il est probable qu'à moyen terme la frappe de l'euro devra être rationalisée au sein de l'Europe. Comment s'organisera cette rationalisation et quels seront alors les atouts et les handicaps de la Monnaie de Paris face à ses concurrents européens ?
Sous réserve de ces observations, la commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe des Monnaies et médailles.
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l'on considère l'histoire et l'évolution des monnaies, on observe qu'un lien a existé depuis toujours entre monnaies et médailles, et cela aussi loin que l'on remonte dans le temps.
Au Moyen Age, les symboles chrétiens occupèrent une place centrale dans l'iconographie des monnaies carolingiennes, comme dans celle des monnaies égyptiennes. L'ange terrassant le dragon fut retenu sur la pièce de monnaie de Philippe VI. C'est un chef-d'oeuvre de l'art monétaire du Moyen Age.
Jusqu'en 1791, les monnaies royales conservèrent des références chrétiennes, dans un art décoratif parfois prestigieux.
En 1795, l'instauration d'un nouveau système monétaire républicain bouleversa l'histoire iconographique de notre monnaie. C'est à cette date qu'apparaît l'image de la « liberté au bonnet ».
En 1895, naquit l'image de la Semeuse, devenant la première représentation de la République par un personnage en pied et en action. Il n'y en aura d'ailleurs pas d'autre depuis.
Ainsi, se trouvent liés monnaie, art, médailles.
L'euro n'échappe pas à cette évolution. La pièce de 50 centimes d'euro représente une Semeuse au graphisme moderne et intemporel.
Il n'est pas étonnant de voir cohabiter monnaie, médailles, bijoux. Les séparer serait impossible. Leurs racines sont communes et leur histoire est caractérisée par une profonde continuité.
L'hôtel des Monnaies symbolise ces tâches de toujours. Les activités qui s'y déroulent expriment l'unité française, car même la Semeuse s'intégrant à l'Europe symbolise cette réalité nationale.
Utiliser les cinq minutes dont je dispose pour dire cela n'est pas superflu. Les deux activités, monnaies et médailles-bijoux, sont historiquement liées. Elles sont encore des réalités, complémentaires et efficaces.
Examinons cette complémentarité sur le plan financier, l'existence d'une mission de service public.
L'année 2001 a connu un excédent d'exploitation de 10,1 millions d'euros, dû aux résultats de frappe de l'établissement de Pessac.
L'année 2002 avait vu la baisse de la frappe. Mais médailles et bijoux ont rétabli l'équilibre, permettant même de dégager un excédent d'exploitation de 0,2 million d'euros.
En 2003, la brutale régression de l'activité de frappe laissait craindre le pire. Le Parlement avait admis une prévision de subvention de 26,6 millions d'euros. Surprise : le programme de l'année 2003 était atteint fin juin ! Une subvention de 18 millions se révélait suffisante.
Les prévisions pour 2004 sont intéressantes, car elles sont tournées vers un retour à l'équilibre sans subvention. L'établissement parisien pourrait alors réaliser un excédent permettant de compenser le déficit de l'établissement de frappe situé à Pessac. Le rapport de la commission spéciale le confirme. Il note la mise en place d'un plan triennal visant à fidéliser les clients des monnaies de collection et permettant d'attendre la reprise de la frappe après 2006.
Le rapport initial et le constat fait pour la période 2000-2005 nous confirment qu'il ne faut surtout pas compromettre cet équilibre par une réorganisation profonde de l'établissement. La Cour des comptes, en le souhaitant, n'avait pas en main les bilans 2002-2003. Elle prétend que le déficit réapparaîtrait avec une ampleur accrue. Ce qui ne correspond pas à la création de certains emplois envisagée par l'administration : huit en 2004.
Non, madame la ministre, nous ne sommes pas en présence d'un déficit prévisionnel, mais beaucoup plus en présence de résultats obtenus grâce à un travail acharné de la Monnaie de Paris et à la conquête de nouveaux marchés. La prévision de recettes exceptionnelles de 60 millions d'euros représenterait une progression de 34 % en 2004 par rapport aux prévisions 2003.
Quant aux avantages, qualifiés de déplacés, qui auraient pu être accordés au personnel, selon la Cour des comptes, il sont bien loin de la réalité. En effet, un certain nombre d'avantages et de primes ont été supprimés et, en 2003, quatre-vingt-deux postes d'ouvriers ont été supprimés.
Une réorganisation des responsabilités entre le quai Conti et l'usine de Pessac devrait permettre de rééquilibrer les dépenses et les recettes entre ces deux sites. Et je voudrais noter avec satisfaction la réorganisation de la gestion des stocks et la décision approuvée par le personnel d'un contrôle plus étroit des dépenses, y compris celles qui sont directement liées à la production de stocks, à l'examen critique de la production et à la mise en concurrence systématique.
On ne peut considérer la suppression d'emplois comme la contrepartie de la restructuration d'un service public qui doit certes se moderniser, mais dont la qualité et le savoir-faire de tous les personnels sont encore les meilleurs atouts pour développer ses activités.
Comme M. Michel Moreigne, je souhaiterais, en conclusion, vous demander, madame la ministre, d'être claire et de me répondre sans faux-fuyant - mais je suis persuadée que vous le ferez - sur une application éventuelle de l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances.
Les Monnaies et médailles font partie d'un service public reconnu, important. Il doit conserver son statut régalien. Si la Monnaie abandonnait son statut, que resterait-il des dépouilles d'un Etat qui, pour demeurer fort, doit conserver la totale responsabilité de la monnaie, à l'abri de décisions marchandes d'une éventuelle société anonyme ou d'un établissement public à caractère industriel ou commercial ?
La Monnaie, c'est l'Etat, et sans partage de responsabilité.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le rapporteur, vous avez fait observer que nous vous présentions le budget d'une administration bien décidée à se battre. En effet, les prévisions de charges et de produits fondées sur le recentrage des activités des Monnaies et médailles permettent de proposer un budget 2004 sans recours à une subvention de l'Etat, mais également marquant une évolution favorable à son avenir.
Le projet de budget présenté se traduit par la mise en application des décisions et des orientations définies, retenues depuis le mois d'août 2002. Il s'appuie tout à la fois sur la maîtrise des dépenses - le total des charges d'exploitation passant de 92,7 millions à 86,7 millions d'euros -, sur le développement du chiffre d'affaires dans le domaine concurrentiel, notamment en matière de monnaies de collection.
Après une phase excédentaire pour l'année 2001, correspondant à la fin de la période de frappe du stock d'euros, l'année 2002, grâce aux mesures d'économies mises en oeuvre, a donné lieu à un léger excédent, et ce malgré une chute très importante de la commande publique et un chiffre d'affaires ramené de 182 millions à 139 millions d'euros.
Pour 2003, il était envisagé de recourir à une subvention de plus de 26 millions d'euros ; l'objectif finalement retenu est de 18 millions d'euros, grâce à l'évolution très positive des recettes commerciales.
La réduction de l'activité industrielle institutionnelle impose la recherche de solutions aussi pérennes que possible, qui permettent, d'une part, le maintien de l'outil industriel et du savoir-faire et, d'autre part, le développement du secteur concurrentiel, qui représente désormais plus de 65 % du chiffre d'affaires.
Cette activité soutenue dans le domaine commercial démontre le bien-fondé de la stratégie adoptée depuis plus d'un an. Elle est à vos yeux, monsieur le rapporteur, « réfléchie et audacieuse » ; je vous remercie de ces appréciations. J'ajouterai qu'elle est pertinente et efficace.
Nous devons ici féliciter le directeur des Monnaies et les personnels des établissements de Paris et de Pessac des résultats déjà enregistrés, de leur réactivité et de leur créativité, dont témoigne le succès des monnaies de collection.
L'effort consenti n'est, en effet, pas resté vain. La situation de l'établissement est aujourd'hui en voie d'assainissement, et c'est donc dans un contexte beaucoup plus serein que nous pourrons, le moment venu, nous poser la question d'une évolution de son statut. Une réflexion approfondie est en cours, également sur la base du rapport de la Cour des comptes.
Effectivement, la prépondérance de l'activité industrielle et commerciale rend malaisé le maintien du budget annexe après 2005. Si les Monnaies et médailles restaient un service administratif, la LOLF conduirait à créer un compte de commerce pour retracer les activités commerciales du service.
Notre priorité, je le répète, est de parvenir à une situation d'équilibre, de sauver le savoir-faire et l'outil industriel et de maintenir l'emploi.
La direction des Monnaies et médailles s'est mise en mouvement sur la base de ces trois orientations. Elle a su renforcer ses atouts et atténuer ses handicaps. Je suis convaincue que la poursuite et le renforcement de ces actions devraient lui permettre d'affronter ses concurrents européens dans les meilleures conditions possibles.
Les succès obtenus dans le domaine de la qualité et de la lutte contre la contrefaçon, ainsi que la certification ISO 2001, obtenue en décembre 2002, constituent à ce titre des atouts non négligeables.
Je vous rappelle que les rapporteurs de la Banque centrale européenne ont salué l'activité de l'établissement dans leur audit annuel, la direction des Monnaies et médailles faisant partie, selon eux, dans le domaine du management du système qualité, des trois meilleurs instituts monétaires qui réalisent l'euro.
Tous ces éléments, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le rapporteur, doivent nous permettre d'envisager avec optimisme et détermination l'avenir des Monnaies et médailles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des Monnaies et médailles et figurant aux articles 48 et 49 du projet de loi.
Services votés
M. le président. « Crédits : 88 142 283 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 48, au titre des services votés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
M. le président. « I. - Autorisations de programme : 2 433 000 euros ;
« II. - Crédits : moins 1 237 681 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 49, au titre des mesures nouvelles.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe CRC vote contre.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des Monnaies et médailles.
Economie, finances et industrie (suite)
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'industrie.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Clouet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la situation en ce qui concerne les crédits de l'industrie ne s'est pas modifiée : il n'y a plus de ministère de l'industrie, il n'y a donc pas de budget du ministère de l'industrie et, pendant quelques semaines, on a même pu penser qu'il n'y aurait plus de ministre de l'industrie. (Sourires.)
Néanmoins, il en est venu un - ou plutôt une - qui a affirmé son existence de façon parfaitement claire. Toutefois, les effets de son action ne peuvent pas se faire sentir dans la structure des crédits pour 2004.
Le ministre délégué dispose donc des mêmes services et des mêmes agrégats que son prédécesseur.
Il dispose des mêmes services d'administration centrale, soit quatre directions et demie : la direction de l'énergie et des matières premières ; la direction de la sécurité nucléaire et de la radioprotection, créée en 2002 ; la direction générale de l'industrie, des techniques, de l'information et des postes ; la direction de l'action régionale et de la petite et moyenne entreprise. Ces deux dernières directions seraient sur le point de fusionner.
Sur le terrain, les DRIRE, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, sont, pour une partie importante de leurs activités, de la compétence du ministre délégué.
La structure des agrégats de crédits est identique : agrégat 18 pour les DRIRE, 21 pour l'énergie et les matières premières, 22 pour les PMI, la recherche et l'innovation, 23 pour l'environnement et la compétitivité et 24 pour les mutations. Le total de ces crédits est légèrement inférieur à 2,6 milliards d'euros.
Il est bien évident que cette somme ne représente pas la totalité de l'effort financier de l'Etat à l'égard de l'industrie. Je le souligne chaque année en souhaitant qu'il en aille autrement, mais ce n'est pas encore le cas.
Ces 2,6 milliards d'euros sont consacrés à assurer l'approvisionnement en énergie de l'économie et de la population dans les meilleures conditions de coût, d'indépendance et de respect de l'environnement ; à optimiser l'avenir industriel de la France, en veillant à la formation des personnels des entreprises et en favorisant leur développement à travers, notamment, leurs activités de recherche et d'innovation ; enfin, à aider aux restructurations ou à la reconversion des secteurs ou des zones géographiques les plus en difficulté.
Ces tâches appellent de très nombreuses attributions de crédits, d'importance très variable et qui constituent pour la plupart des crédits d'appoint.
Trois postes représentent 40 % du montant total des agrégats : les Charbonnages de France - 453,7 millions d'euros -, le CEA - 360,2 millions d'euros - et l'Institut français du pétrole - 200 millions d'euros. C'est le socle de votre compétence, madame le ministre.
A côté de ce socle, où l'on s'étonne du niveau élevé des Charbonnages de France, qui bénéficient cette année d'une progression - et vous nous direz probablement pourquoi -, on note des reculs, touchant notamment la procédure ATOUT, qui est destinée à aider les nouvelles entreprises, et les réseaux de recherche sur les technologies pétrolières et gazières.
On relève également des créations : l'aide aux jeunes entreprises innovantes et le groupement européen d'établissements d'enseignement supérieur, ce qui témoigne d'un double souci concernant la formation et la coopération européenne.
Par ailleurs, des changements d'intitulé affectent certains postes de la nomenclature budgétaire. Il s'agit de tenir compte, par exemple, du fait que la Commission de régulation de l'électricité n'est plus seulement chargée de l'électricité ; elle se nomme donc désormais « Commission de régulation de l'énergie ».
Toutes ces modifications privent de véritable signification une comparaison d'un exercice à l'autre. Il reste que le calcul strictement arithmétique fait apparaître une légère baisse par rapport à l'année dernière.
Je signalerai enfin que vous faites effectuer, madame le ministre, un audit du coût et de l'efficacité de vos services et que vous avez esquissé un programme, notamment en matière d'énergie, pour lequel il vous faut déployer des talents diplomatiques - mais vous n'en êtes certes pas dépourvue - afin de ne point froisser les échelons voisins ou supérieurs.
Peut-être l'exercice 2005 fera-t-il apparaître un vrai budget, c'est-à-dire les objectifs d'une politique et les moyens permettant de les atteindre. Mais ce n'est pas évident ! Fontenelle disait quelques jours avant de trépasser qu'il éprouvait « une grande difficulté d'être ». Il en va ainsi du ministère de l'industrie ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, rapporteur pour avis.
M. Francis Grignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'industrie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits proposés pour le budget de l'industrie ne reflètent pas à eux seuls l'action dynamique du Gouvernement en direction des entreprises.
En effet, un important volet fiscal est consacré au développement des entreprises innovantes. Je pense au statut de la jeune entreprise innovante, aux mesures pour encourager la prise de risque des « investisseurs providentiels », appelés business angels aux Etats-Unis, ou à l'élargissement du crédit d'impôt-recherche.
Par ailleurs, le rôle accru donné à l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, qui devient l'organisme payeur de l'ensemble des aides en faveur de la recherche industrielle, donne plus de cohérence et de lisibilité au système.
On se rend compte que ce sont plus de 260 millions d'euros qui sont injectés pour des programmes de recherche dans les entreprises.
A un autre niveau, plus technologique certes mais tout aussi important car, dans la mondialisation galopante, il faut à mon sens jouer la carte de la valeur ajoutée à tous les niveaux, permettez-moi de cautionner fortement l'appui budgétaire aux centres techniques industriels.
Toutefois, si la mesure est nécessaire, elle ne me paraît pas suffisante. En effet, l'augmentation de 27 % de son financement n'est que le résultat d'un effet mécanique de changement de système puisqu'il s'agit de compenser la suppression des taxes parafiscales.
Or les moyens de ces centres techniques industriels, qui mettent à la disposition des entreprises leurs infrastructures d'essais et d'évaluation ainsi que leurs compétences techniques, n'ont pas été réévalués depuis 1999.
Ces centres techniques industriels, vous l'avez compris, sont fondamentaux, autant pour l'attractivité de nos terroires que pour la compétitivité de nos entreprises. J'espère donc que l'on saura s'en souvenir lorsque reviendra le temps des vaches grasses.
Pour l'heure, M. le ministre délégué au budget nous a indiqué que le dispositif des taxes affectées était inscrit dans le projet de loi de finances rectificative pour 2003. J'espère que vous pourrez nous le confirmer, madame la ministre.
Pour conclure, je souhaite aborder les perspectives macro-économiques de l'industrie et le thème de la désindustrialisation.
Bien que la croissance de la valeur ajoutée industrielle en volume soit supérieure à celle de l'ensemble de l'économie et que les emplois tertiaires compensent les emplois industriels, il faut tout envisager pour arrêter l'hémorragie de ces derniers dans notre pays.
Je sais bien que les raisonnements aux limites sont absurdes. Mais quels services développerons-nous si la production industrielle régresse ? L'industrie textile va mal, et le démantèlement des accords multifibre prévu au 1er janvier 2005 n'arrange pas les choses. La filière électronique est en perdition et la mécanique souffre. Que faire ? La question est complexe et mérite une analyse précise.
C'est pourquoi la commission des affaires économiques a décidé de constituer un groupe de travail afin d'étudier l'ensemble des implications de ces phénomènes pour l'économie française.
Il n'est pas question, madame la ministre, de céder au pessimisme ambiant et d'ânonner les idées catastrophes émises par certains. Après tout, le textile va mal, mais la haute couture va bien. On nous dit, dans la filière électronique, que la recherche et la mise au point des produits avant la phase purement industrielle sont parfaitement de notre ressort. Pourquoi ne pas envisager des districts industriels à l'italienne pour nos sous-traitants de la mécanique ? Ce ne sont là que des exemples, voire des images.
Néanmoins, j'espère fortement, madame la ministre, que nous saurons vous transmettre un rapport positif, non pas sur la désindustrialisation, mais bien sur la réindustrialisation de notre pays, fût-elle différente de celle que nous connaissons, car je suis persuadé que nous avons toutes les qualités pour cela.
Quant au budget, eu égard aux conditions difficiles du moment, la commission a émis un avis favorable et vous propose d'adopter les crédits de l'industrie pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les technologies de l'information et La Poste. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'année 2003 restera sans doute une année charnière pour le secteur des postes et télécommunications dans notre pays, dans l'Union européenne et, plus globalement, dans le monde.
En effet, le Gouvernement a entrepris de mener de front les nécessaires réformes du secteur. Si le nouveau contrat de performances et de convergence entre l'Etat et La Poste est la traduction la plus récente de cette politique ambitieuse, le domaine des télécommunications n'a pas été en reste au cours de cette année, loin s'en faut. En effet, ce ne sont pas moins de trois projets de loi qui ont été déposés devant le Parlement.
De façon générale, ces trois projets de loi illustrent le poids très important du droit communautaire - nous y reviendrons prochainement au sujet du « paquet télécoms » - dans un secteur qui bouge énormément, pour assurer un service universel tout en restant compétitif sur le marché concurrentiel. Du reste, la construction du marché unique va de pair avec l'émergence de grands acteurs européens et le développement de la concurrence.
L'ensemble des crédits de La Poste et des télécommunications s'élève pour l'année 2004, à 440 millions d'euros, soit une hausse de 0,7 %. On peut se féliciter de ce que, dans un projet de budget extrêmement contraint et difficile, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, se voulant exemplaire, ait maintenu cette hausse.
Il convient d'y ajouter les crédits de fonctionnement de l'autorité de régulation des télécommunications, l'ART, qui s'élèvent à 17 millions d'euros, en hausse de 6 % en raison de l'extension des compétences de cette instance au secteur postal, prévue par le projet de loi relatif à la régulation des activités postales qui sera soumis à notre assemblée au début de l'année prochaine.
Je rappelle quelques éléments du contrat de performances et de convergence qui vient d'être adopté, le conseil d'administration de La Poste venant d'autoriser son président à le signer à vos côtés, madame la ministre.
Ce contrat est ambitieux dans ses objectifs. Il envisage la création d'un fonds postal national de péréquation territoriale alimenté par l'actuel abattement sur l'imposition aux taxes locales.
Il affirme son orientation en faveur de la mixité de la présence postale sur le territoire à travers les agences postales communales et intercommunales, les « points postes », aux côtés d'une nouvelle organisation modernisée des bureaux de poste.
Il vise également à introduire des mesures de modernisation de l'entreprise postale, notamment l'ouverture dans certaines conditions des services financiers, la clarification du régime de retraite afin de permettre à l'entreprise postale de supporter l'augmentation du coût des charges liées aux départs en retraite dans les années à venir.
Enfin, il prévoit l'éligibilité de La Poste aux allégements de charges sur les bas salaires. Je vous rappelle que cette entreprise, la principale entreprise de main-d'oeuvre en France, n'était pas éligible jusqu'à présent aux allégements de charges sociales, malgré la réduction et l'organisation du temps de travail qu'elle a dû mettre en oeuvre.
J'en viens aux résultats du groupe La Poste, qui m'apparaissent assez préoccupants puisque le résultat financier s'est dégradé entre 2001 et 2002 pour atteindre un déficit de 171 millions d'euros, le résultat net de l'exercice étant déficitaire de 185 millions d'euros. C'est à l'aune de ces résultats que se justifie la hausse du prix du timbre décidée au mois de février 2003, la première depuis sept ans.
Je confirme - et j'ai eu l'occasion de m'en entretenir notamment avec le président de la commission des affaires économiques, M. Gérard Larcher - que le fait de ne pas introduire de hausse tarifaire du timbre pendant sept années consécutives a été une véritable erreur degestion.
La commission des affaires économiques souhaite que les recettes dégagées soient utilisées, aujourd'hui comme demain, pour améliorer l'efficacité industrielle et l'outil que constitue La Poste.
Je souligne néanmoins que le prix du timbre français est encore inférieur de cinq centimes d'euros à celui du timbre allemand. Ne conviendrait-il pas, madame la ministre, d'envisager une harmonisation, voire un système d'indexation des prix de timbrage pour éviter les difficultés, voire les polémiques, au moment de définir les orientations dans ce domaine ?
S'agissant de l'évolution des différentes branches de l'activité de l'opérateur historique, j'insisterai sur deux points.
En premier lieu, il est nécessaire de renforcer la mécanisation du traitement du courrier grâce à des investissements impliquant des sommes importantes et qui sont autorisés dans le contrat de Plan tel qu'il a été finalisé. Ils permettront à l'entreprise postale d'atteindre une taille critique et d'être présente sur des marchés en forte croissance. Il s'agit de favoriser son développement à l'international sur les marchés du colis et de la logistique pour être compétitive avec les principales entreprises postales en Europe et dans le monde.
En second lieu, en matière de services financiers, la commission se félicite, madame la ministre, de l'avancée historique que constitue l'autorisation donnée à La Poste, même si elle comporte des termes de calendrier, d'étendre sa gamme financière à l'octroi de prêts immobiliers sans épargne préalable, et elle estime que cette prestation devrait, à terme, être complétée par une attribution de compétences dans le domaine du crédit à la consommation. En effet, 60 % des onze millions de personnes possédant un compte bancaire à La Poste souhaitent pouvoir contracter un crédit à la consommation avec cet opérateur.
En ce qui concerne la dimension territoriale et l'importance du réseau des bureaux de poste, je considère comme essentielle la perspective de la création d'un fonds de solidarité territoriale, qui s'inscrit dans l'esprit de ce que suggère le président de la commission des affaires économiques dans son rapport d'information.
Nous avons tous saisi l'importance de tous ces problèmes. L'entreprise postale, entreprise publique, doit améliorer ses comptes et tendre vers des équilibres économiques, sans toutefois rechercher exclusivement la rentabilité parce qu'il s'agit d'une entreprise qui assure des services publics.
En conclusion de ce qui précède, j'indique que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de La Poste et des technologies de l'information. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, rapporteur pour avis.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'énergie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a souhaité vous présenter, dans ce rapport budgétaire, outre les voies et moyens de la politique énergétique française, l'actualité de la libéralisation des marchés énergétiques, l'état des différents segments du marché et, enfin, les enjeux de la protection de l'environnement et des économies d'énergie.
Le grand sujet reste le débat national sur l'énergie et le Livre blanc qui en est tiré : leur principale conclusion est que nous ne pouvons ignorer aucune des filières de production énergétique.
La commission des affaires économiques se réjouit de l'initiative prise par le Gouvernement, même si, à titre personnel, je considère que le débat est loin d'être clos et qu'il faut se garder d'annonces prématurées, comme celle du lancement du projet EPR, European pressurised reactor.
Quant à la libéralisation des marchés énergétiques, force est de constater qu'en France l'ouverture est bien réelle. Toutefois, la question de l'effet de la libéralisation sur les prix demeure controversée.
En votant la loi sur l'ouverture du marché de l'électricité, nous avons créé un puissant mécanisme de financement du service public, que nous avons modifié par la loi du 3 janvier 2003. Constatant qu'eu égard aux charges prévisibles la commission de régulation de l'énergie, la CRE, considère qu'il pourrait être nécessaire d'accroître en 2005 le plafond du prélèvement opéré pour le financement - soit 7 % actuellement -, la commission des affaires économiques souhaite interroger le Gouvernement pour savoir s'il confirme ces prévisions.
Elle est également préoccupée par l'attitude de nos partenaires allemands, dont l'ouverture des marchés nous apparaît plutôt « virtuelle » et purement « juridique ». Or je vous rappelle, mes chers collègues, qu'au plus tard le 1er juillet 2004 nous devrons avoir transposé la directive sur l'ouverture des marchés aux professionnels. L'opinion publique française s'étonnerait que l'on poursuive la libéralisation sans obtenir de mouvement équivalent en Allemagne.
Dans le secteur de l'électricité, nous avons assisté à de graves crises enregistrées aux Etats-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne et en Italie, sans oublier les conséquences de la canicule dans notre pays et la pénurie électrique, que nous avons subie tout en évitant un écroulement général de notre réseau. Nous nous préoccupons donc tout particulièrement du problème de la sécurité de l'approvisionnement électrique.
Etant donné que plus de 80 % de notre électricité est produite par le nucléaire, nous nous interrogeons sur la construction d'un modèle de réacteur de nouvelle génération EPR qui, selon notre commission et si j'en crois le rapport de nos collègues députés Claude Birraux et Christian Bataille, serait nécessaire.
Après avoir exposé dans mon rapport les différentes positions sur ce dossier sensible, je considère, à titre personnel, que cette question ne peut être tranchée sans des compléments d'études allant au-delà des éléments fournis lors du débat national.
Toujours dans le domaine du nucléaire, et de la même manière qu'il m'apparaît nécessaire, à titre personnel, que nous légiférions en matière de sécurité et de transparence, notre commission a souhaité qu'une attention particulière soit portée à l'accroissement de la sécurité des centrales nucléaires des pays bénéficiaires de l'élargissement de l'Union européenne.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, je considère qu'il n'est pas souhaitable que la France reste « sous-développée ». Il m'apparaît, à titre personnel, qu'il faut encore lever nombre d'obstacles administratifs et qu'un coup d'accélérateur s'impose désormais.
M. Pierre-Yvon Trémel. Très bien !
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Au surplus, notre commission s'interroge sur le coût du financement de la filière éolienne, même si, à titre personnel, je le considère comme tout à fait justifié par la nécessité de développer cette énergie propre.
Si la puissance installée de la filière éolienne est de l'ordre de 234 mégawatts en France, contre 13 000 mégawatts en Allemagne, je me plais à souligner - et cela n'étonnera personne - que le département de l'Aude, à lui seul, représente 38 % de la puissance installée avec 90 mégawatts, l'ensemble du Languedoc-Roussillon en rassemblant 45 %.
Pour information, je précise que l'énergie éolienne représente 11 % de la consommation d'électricité dans le département de l'Aude. Au total, avec l'énergie hydraulique, l'électricité produite dans ce département à partir des énergies renouvelables représente 25 % de sa consommation. Ce chiffre me paraît devoir être rapproché de l'objectif de 21 % fixé sur le plan national à l'horizon de 2010.
Sur un plan général, à l'instar du comité des sages, je m'interroge : notre mode de développement actuel peut-il être durable quand on connaît le caractère limité à quelque trente ans des réserves mondiales de pétrole et de gaz et face à un avenir climatique inquiétant, comme le démontrent les phénomènes météorologiques extrêmes qui frappent en ce moment même le sud du pays ?
Mes chers collègues, ainsi que le soulignait l'ancien rapporteur pour avis de la commission des affaires économique pour le budget de l'énergie, M. Jean Besson, nous sommes dans l'attente, à l'horizon de 2030, voire de 2040, des solutions du futur, telles que l'ITER, l'International thermonuclear experimental reactor, l'hydrogène énergétique ou le gaz carbonique séquestré. Il nous faudra bien réaliser la « soudure énergétique » avec cette échéance lointaine.
La commission a repris quelques propositions sur le plan des innovations, en particulier dans un domaine où la tempérance énergétique paraît s'imposer le plus, le secteur résidentiel tertiaire, qui a enregistré une augmentation de 14 % des gaz à effet de serre, ou celui des transports, qui a connu une hausse de 22 % en dix ans.
Je note enfin que, pour respecter les engagements de Kyoto, notre pays envisage d'instituer un marché des « permis d'émission » de gaz à effet de serre. Notre commission se félicite de cette initiative, tout en constatant qu'elle pourrait bien avoir une incidence sur le prix de l'énergie.
Contrairement à l'avis que je lui proposais d'adopter, la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'énergie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004. (Applaudissements.)
M. Daniel Raoul. Excellent rapport !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 16 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social, européen, 5 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est dans une conjoncture industrielle particulièrement déprimée que nous discutons aujourd'hui du budget de l'industrie.
Une fois de plus, les prévisions de croissance sur lesquelles tablait le Gouvernement ont été démenties de manière flagrante.
On sait aujourd'hui que le taux de croissance révisé sera plus proche de 0 % que de 0,5 %, taux qui a pourtant été annoncé. Nous frôlons la récession !
Le taux de chômage augmente à nouveau de manière inquiétante, frisant la barre des 10 % de la population active, et, dans certains secteurs du pays, notamment dans mon département du Pas-de-Calais, ce chiffre peut être doublé.
Cette dégradation de la situation économique ne doit pas être ramenée au rang d'un simple incident conjonc-turel.
La quasi-stagnation de notre produit intérieur brut s'explique d'abord par une nette insuffisance de l'investissement productif, notamment l'investissement industriel.
Notre industrie est touchée de plein fouet par une vague de délocalisations ainsi que la multiplication de plans de licenciements et de plans sociaux de liquidation. En un an, elle aura encore perdu plusieurs dizaines de milliers d'emplois.
Ce n'est plus seulement notre « vieille industrie », par exemple celle du textile et de l'habillement, qui est touchée, ce sont également nos industries de pointe, de haute technologie.
Ce n'est plus seulement la main-d'oeuvre peu qualifiée qui sert de variable d'ajustement, c'est désormais l'ensemble des salariés, y compris ceux dont le niveau de qualification est élevé. La politique de diminution des charges sociales sur les bas salaires montre ici, de manière flagrante, toutes ses limites.
L'industrie est actuellement engagée dans un processus de rationalisation à tout crin, tandis que les services sont bien incapables de relancer l'activité économique et de jouer un rôle moteur dans la croissance. Ils ont jusqu'ici permis d'amortir la crise, l'industrie externalisant de plus en plus d'activités, développant la sous-traitance en réponse à ses propres difficultés. Ce processus constitue, madame la ministre, un véritable ajustement par le bas.
Au-delà du phénomène de désindustrialisation, certains économistes n'hésitent plus à parler de déclin de la France.
A cet égard, Nicolas Baverez, auteur de La France qui tombe, s'interroge sur le paradoxe d'une situation marquée, d'un côté, par une abondance de capitaux révélée par un taux d'épargne qui est le plus élevé de l'Union européenne et, de l'autre, par la faiblesse de l'investissement, par les délocalisations, les fermetures de site, autant de facteurs qui, à terme, desservent l'emploi et la croissance.
Devons-nous pour autant verser dans le catastrophisme ou la résignation ? Non ! il est au contraire urgent, madame la ministre, de mettre un terme à la course effrénée et sans fin à la baisse des coûts orchestrée par les multinationales avides de profits.
Dans cette logique de court terme, l'emploi en tant que masse salariale directement et rapidement compressible devient la variable privilégiée d'ajustement.
Force est de reconnaître aussi que le développement des marchés financiers, qui favorise la valse des droits de propriété, met l'industrie sous la coupe d'investisseurs qui ne connaissent pas leur industrie et ne se soucient pas des conséquences de leurs décisions sur l'emploi. A cet égard, le cas de Metaleurop est un exemple frappant.
Dans le même ordre d'idée, il devient également urgent de rendre transparentes les relations de sous-traitance afin de permettre d'identifier les donneurs d'ordre.
Lors de plans de licenciement et de fermetures de sites, les salariés et les syndicats sont souvent démunis face à l'absence d'interlocuteurs clairement identifiés. On voit de plus en plus d'activités cédées à des repreneurs qui, quelques mois après avoir touché des subventions afin de moderniser et maintenir l'entreprise, ferment le site sans respecter leurs engagements.
Rétablir la loi sur le contrôle des fonds publics, sanctionner financièrement et fiscalement les entreprises bénéficiaires qui licencient, instituer de nouveaux droits pour tous les salariés, telles devraient être les priorités d'un gouvernement soucieux de l'intérêt général !
Or que constatons-nous, si ce n'est l'absence de réel volontarisme politique et le triomphe du laisser-faire libéral ?
Qu'en est-il des mesures face aux licenciements massifs ? Depuis son arrivée au pouvoir, ce gouvernement s'évertue à faire sauter tous les garde-fous qui protègent les salariés contre des pratiques abusives de licenciement. Les dispositions de la loi de modernisation sociale ont ainsi été supprimées.
Aujourd'hui, il va encore plus loin dans la remise en cause du statut des salariés, de la précarisation de l'emploi, avec le RMA qui n'est rien d'autre qu'un contrat au rabais. Une telle politique ne satisfait que le MEDEF !
Bref, alors que deux économistes réputés libéraux, et qu'on ne peut en aucun cas soupçonner de sympathie envers le mouvement altermondialiste, prônent, dans leur dernier rapport pour le Conseil économique et social, l'idée de taxer les licenciements économiques, le Gouvernement abandonne toute politique de l'emploi et cède face à la toute-puissance des marchés financiers et des actionnaires.
Pour toutes ces raisons, parce que nous désapprouvons totalement la politique ultralibérale du Gouvernement, nous voterons contre ce budget ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de l'industrie tel qu'il nous est présenté aujourd'hui me semble être un budget cohérent, qui participe à l'effort nécessaire de maîtrise des dépenses publiques mais qui permet aussi d'accompagner l'économie française sur la voie de la croissance.
Cependant, je suis préoccupé par la situation de l'industrie dans notre pays, qui reste un secteur en crise.
Il est important de souligner que les crédits du ministère de l'industrie pour 2004 sont complétés par un volet fiscal très important destiné à favoriser l'innovation et à inciter les entreprises à réaliser des investissements de recherche et de développement.
De plus, notons qu'il est procédé à un renforcement des missions de l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche, l'ANVAR, qui se voit confier un rôle accru d'animation et de coordination et qui devient l'organisme payeur de l'ensemble des aides aux entreprises pour l'innovation.
Ce budget se situe donc clairement dans une démarche offensive en matière de recherche, seul moyen pour la France et pour l'Europe de rattraper le retard pris dans le domaine de l'innovation. C'est un avantage non négligeable sur un marché aussi concurrentiel que celui dans lequel nous évoluons aujourd'hui.
Tout d'abord, on ne peut que remarquer les efforts entrepris par le Gouvernement par le biais de ce budget pour renforcer le rôle de la direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes. Son rôle est en effet crucial et doit être soutenu en ce qu'elle contribue au développement de la compétitivité industrielle du territoire français et à la compétitivité internationale des entreprises françaises. Elle favorise l'innovation, le développement technologique et la société de l'information.
Avec le « fonds de compétitivité des entreprises » consacré à la recherche industrielle et le financement des dépenses assumées par les laboratoires publics dans le cadre des partenariats public-privé, les crédits publics en faveur des programmes de recherche industrielle s'élèveront à plus de 260 millions d'euros en 2004.
De ce fait, le budget du ministère de l'industrie en 2004 est recentré pour mieux soutenir la compétitivité des entreprises françaises. Les mesures de modernisation permettent de stabiliser les crédits budgétaires, tout en effectuant une mobilisation plus performante des ressources disponibles.
Par ailleurs, l'effort vise à stimuler la croissance industrielle en agissant sur les facteurs qui favorisent la compétitivité.
En outre, un important volet fiscal est prévu dans le projet de loi de finances pour susciter l'investissement en recherche et développement des entreprises, avec le renforcement du dispositif du crédit d'impôt-recherche, la création d'un statut de la « jeune entreprise innovante » et d'un cadre fiscal approprié pour favoriser le développement des investisseurs providentiels.
Enfin, il nous reste à espérer que la loi sur les responsabilités locales jouera un rôle dans la diffusion de la culture de l'innovation dans les petites et moyennes industries, dans la mesure où cette loi a permis de conforter la région dans ses missions de développement économique par sa gestion nouvelle des aides individuelles aux entreprises.
Néanmoins, malgré les qualités que l'on se doit de reconnaître à ce budget, notamment en ce qui concerne l'offensive en matière de recherche et d'innovation, certaines inquiétudes subsistent dans ce contexte difficile de désindustrialisation de notre pays, compte tenu de toutes les conséquences que ce processus est susceptible d'engendrer sur l'économie et l'emploi.
Ce sujet me tient particulièrement à coeur et c'est pourquoi j'ai tout récemment pris l'initiative de proposer au président de la commission des affaires économiques de constituer un groupe de travail sur ce problème.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Très bien !
M. Christian Gaudin. Sa réponse étant favorable, ce groupe est en cours de constitution.
Dans le projet de loi de finances pour 2004, les dépenses d'accompagnement des mutations industrielles s'élèvent à 657,3 millions d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement, en augmentation de 1 % par rapport à l'année précédente, et à 46,5 millions d'euros en autorisations de programme, en augmentation de 8 %. Plus spécifiquement, les crédits de restructuration industrielle atteignent 35 millions en crédits de paiement et 34 millions en autorisations de programme.
En valeur ajoutée, le poids de l'industrie manufacturière représente 15 % du produit intérieur brut. Néanmoins, cette part diminue assez régulièrement en raison de la croissance rapide, d'environ 4 % par an, de la productivité industrielle depuis vingt ans, mais surtout de l'externalisation accrue de certaines activités de production.
La baisse du nombre d'emplois industriels est préoccupante et doit faire l'objet d'une attention toute particulière. C'est bien l'objet de la réflexion que va conduire le groupe de travail que j'ai évoqué tout à l'heure. M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'industrie a également souligné ce point.
Notons que la majorité des crédits de restructuration industrielle est consacrée à la gestion et à l'accompagnement de la fin des exploitations minières.
Toutefois, on peut regretter que, malgré la situation plus que délicate dans laquelle se trouvent aujourd'hui notre industrie et notre économie, l'enveloppe des crédits du comité interministériel de restructuration industrielle ait été réduite.
Les moyens budgétaires sont orientés vers le financement d'aides à la restructuration d'entreprises en difficulté appartenant à des secteurs divers mais dont l'implantation dans des bassins fortement touchés par des suppressions d'emplois importantes impose un traitement particulier de la part des pouvoirs publics.
Une fois encore, il me semble plus que nécessaire de développer les avantages comparatifs de notre industrie en matière d'innovation, de recherche-développement et d'attractivité.
Il me reste à remercier les rapporteurs pour leur excellent travail et à vous dire, madame la ministre, que le groupe de l'Union centriste, que je représente, vous apporte son soutien. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe François.
M. Philippe François. Madame le ministre, à l'occasion de cette discussion budgétaire, je voudrais vous poser une question particulière qui s'inscrit dans la perspective de la question orale que je vous ai posée, le 5 novembre dernier, à propos des énergies renouvelables.
La loi du 10 février 2000 relative à la modernisation du service public de l'électricité a conféré à tout producteur et aux collectivités locales la possibilité de produire de l'électricité à partir d'installations de valorisation énergétique des déchets, des réseaux de chaleur, des énergies renouvelables et de la cogénération.
Ils peuvent dorénavant soit consommer en propre cette électricité soit la vendre ou ne vendre que le surplus à EDF ou à un distributeur non nationalisé, dans le cadre de l'obligation d'achat.
Presque tous les arrêtés tarifaires en fonction de l'origine de l'électricité produite ont été publiés au Journal officiel.
Ces tarifs sont adaptés à chaque source énergétique et sont calculés de façon à encourager les premières années de démarrage des installations produisant de l'électricité d'origine renouvelable ; ils sont financés par un fonds de service public de la production d'électricité.
Cette aide tarifaire est nécessaire et justifiée ; elle doit nous permettre de respecter nos engagements internationaux, notamment la directive du 27 septembre 2001, et de lever les contraintes qui pèsent sur les énergies renouvelables.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Philippe François. Celles-ci tiennent, en effet, à des questions de rentabilité, surtout par rapport à la production d'électricité d'origine nucléaire, et à des questions d'environnement qui concernent l'impact sur la faune, sur la flore, sur les paysages et, dans certains cas, les nuisances sonores. Il faut savoir par ailleurs que les frais d'équipement sont très importants.
Leur développement est donc fortement tributaire de l'obligation d'achat, des aides financières et d'une fiscalité favorable.
Dans ce cadre, ma question est plutôt d'ordre prospectif, mais il faut que la filière des énergies renouvelables dispose de perspectives claires : comment conjuguerons-nous efficacement, à terme, le processus de libéralisation progressif du marché de l'électricité avec le maintien des aides, notamment en matière de prix, pour les énergies renouvelables ? Je vous remercie de répondre à cette importante question, madame la ministre.
Par ailleurs, soyez assurée que je voterai votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Madame le ministre, le projet de budget que vous présentez à la Haute Assemblée mérite d'être voté et soutenu.
En effet, il comporte des évolutions positives telles que le soutien à la compétitivité des entreprises - en hausse de 19,7 % -, la création d'une ligne budgétaire de 25 millions d'euros pour l'aide aux jeunes entreprises innovantes et l'augmentation de 2,13 % de la subvention que vous allez accorder aux Charbonnages de France.
Ce projet de budget de l'industrie se stabilise et pourrait atteindre 2 446,6 millions d'euros. L'action que vous menez au sein de votre ministère est donc digne d'intérêt et nous saluons les stratégies que vous mettez en place.
Permettez-moi d'évoquer de manière plus précise un aspect qui me concerne, l'outre-mer.
Lorsque l'on se penche sur l'histoire de l'énergie électrique en Guyane, par exemple, pour comprendre la situation actuelle depuis la loi du 19 mars 1946 qui a érigé en départements les anciennes colonies françaises, on constate que les départements d'outre-mer se sont trouvés dans une situation de fait particulière, situation d'autant plus préjudiciable pour la Guyane qui dispose du réseau le moins développé de France. Il en résulte une électrification disparate.
En 1975, intervient la fameuse loi du 11 juillet sur la nationalisation de l'électricité dans les départements d'outre-mer. Elle institue, outre le principe de péréquation, le transfert des biens et obligations civiques, celui du personnel des entreprises de production, de transfert et de distribution à EDF.
La Guyane, où la croissance démographique est forte - 6,5 % par an - et la demande en électricité en constante progression, demeure un territoire où la desserte électrique est inégale.
C'est pourquoi, devant la Haute Assemblée, je tiens à vous remercier, madame le ministre, de l'accueil que vous avez réservé à la délégation guyanaise que j'ai accompagnée. Nous vous avons exposé les difficultés que rencontrent les communes de Guyane en matière d'énergie électrique pour satisfaire les élémentaires besoins d'une population.
EDF n'assure pas sa tâche de service public. L'industrialisation des régions de Guyane est impossible sans énergie et l'aménagement du territoire semble difficile à entreprendre.
Nous savons que vous pouvez influer sur les actions d'EDF dans chaque région de France et d'outre-mer. C'est pourquoi j'apprécierais que, devant la Haute Assemblée, vous puissiez me préciser si un expert, choisi par vous, pourrait se rendre en Guyane pour dresser un état des lieux et pour permettre que la Guyane figure dans le programme pluriannuel des investissements pour 2004 et que des actions soient engagées afin que plus de 20 000 habitants de l'ouest et de l'est guyanais bénéficient de l'énergie électrique.
Madame le ministre, la propriété intellectuelle et industrielle revêt une très grande importance dans notre droit français, cependant, cette filière de formation n'est pas suffisamment connue et enseignée.
Je me fais ici l'interprète de mon excellent collègue Pierre Laffitte, qui regrette de ne pouvoir assister à ce débat parce qu'il a dû retourner dans sa circonscription pour une très importante réunion de travail.
Si Pierre Laffitte avait été là, il vous aurait dit que l'initiative prise par votre ministère et l'Institut national de la propriété industrielle de lancer un appel d'offres pour créer un enseignement spécifique sur la propriété industrielle a suscité dans les milieux éducatifs un grand intérêt. Mais confier une fois encore à l'université de Strasbourg cet enseignement spécifique constitue à nos yeux un monopole et empêche notre jeunesse qui se trouve dans d'autres régions universitaires de bénéficier de cet enseignement juridique. Cette initiative aurait pu créer, à notre avis, une certaine émulation et permettre à d'autres régions universitaires de dispenser cet enseignement.
Par ailleurs, est-il exact que les crédits de l'Institut national de la propriété industrielle sont en passe d'être réduits de 10 millions d'euros, alors que cette institution mérite d'être soutenue ?
Enfin, il est envisagé de créer un brevet communautaire qui risque de se superposer au brevet européen. Qu'en est-il exactement ?
Madame le ministre, les réponses que vous voudrez bien nous apporter sur tous ces problèmes nous rassureraient.
Aussi, c'est avec la même assurance que, dans leur grande majorité, les sénateurs du groupe du Rassemblement démocratique et social européen voteront votre budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Le budget que vous nous présentez, madame la ministre, appelle trois observations préliminaires.
Il doit tout d'abord être replacé sous un double éclairage, celui des choix budgétaires - et force est de constater que le budget de l'industrie n'entre pas dans les priorités du Gouvernement - et celui de la situation économique de notre pays, pour prendre un sens. A ce sujet, l'INSEE observe que la France va connaître en 2003 sa troisième plus mauvaise année depuis cinquante ans, après 1974 et 1993.
Ensuite, les crédits dont vous avez la responsabilité embrassent large, même s'ils étreignent peu. Il est très difficile dès lors d'en faire une analyse complète en quelques minutes. Je suis donc contraint de n'aborder que quelques points essentiels.
Enfin, ce budget n'opère qu'une traduction partielle des orientations et des actions concernant votre champ d'intervention. Il faut donc élargir notre propos et nos échanges au « hors budget ».
Dans le contexte économique et budgétaire que nous connaissons, quelle lecture faisons-nous de vos propositions ?
Il vous faut vraiment faire preuve d'ingéniosité et d'imagination pour affirmer que, là où il y a clairement moins, il y aura quand même plus... Les crédits de votre budget pour 2004 diminuent en effet de 36,6 % en autorisations de programme et de 0,38 % pour les dépenses ordinaires et les crédits de paiement. A structure constante et après diverses corrections, les crédits des agrégats « industrie » ont diminué de 110 millions d'euros, soit de 4,3 % depuis 2001. Ils avaient augmenté de 5 % entre 1997 et 2001.
Malgré ce recul regrettable, je note avec satisfaction que vous maintenez votre effort en faveur des écoles d'ingénieurs et des reconversions industrielles, qui ont fait leurs preuves.
Je veux néanmoins relever des évolutions particulièrement négatives : la diminution des crédits d'intervention de l'ANVAR, même si je n'ignore pas le rôle renforcé dévolu à l'agence ni les possibilités ouvertes par les avances remboursables ; la diminution des crédits relatifs aux actions en faveur des PMI dans le cadre des contrats de plan ; surtout, le sort désastreux réservé à l'agrégat 22, les dotations allouées à la recherche industrielle, à l'innovation et au développement des PMI étant en recul de 10,4 % pour les dépenses ordinaires et les crédits de paiement, et de 41 % pour les autorisations de programme.
Cet agrégat devrait, au contraire, connaître une croissance annuelle constante, la recherche et l'innovation, comme nous l'affirmons tous, étant la clé de la croissance de demain et des emplois de l'avenir.
Vous ne manquerez pas d'affirmer, madame la ministre, à l'instar des rapporteurs à l'Assemblée nationale et au Sénat, que cette amputation est compensée par de nouveaux instruments fiscaux et sociaux. Nous verrons à l'usage.
Si nous sommes prêts à accepter le renforcement du dispositif du crédit d'impôt-recherche, nous émettons des doutes sur l'efficacité du statut de « jeune entreprise innovante », les critères proposés apparaissant difficiles à réunir.
J'attirerai à mon tour votre attention, madame la ministre, sur le devenir des centres techniques informatiques, les CTI, et sur les comités professionnels de développement économique, les CPDE. Pouvez-vous nous apporter des garanties sur la pérennité de leur financement ?
En outre, quel sera le rôle des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, qui perdent mission après mission ?
Quelle est votre vision de leur avenir ?
Le hasard du calendrier a voulu que notre commission des affaires économiques organise, dans une même journée, l'audition de l'auteur d'un livre qui a déjà été cité et dont le contenu appelle à la réflexion - même lorsqu'on n'en partage pas toutes les analyses - et la présentation de votre budget par notre rapporteur pour avis. Ce fut une dure journée !
Nous avons été secoués par des affirmations comme celle-ci : « La base industrielle de la France est particulièrement affectée au point d'être en voie de liquidation avec des effectifs passés de 5,6 millions à 3,7 millions depuis 1975, en raison de la multiplication des faillites, d'une part, des délocalisations vers l'Asie et l'Europe centrale, d'autre part. »
Notre rapporteur pour avis relevait devant notre commission la perte de 90 000 emplois dans l'industrie en 2002, la suppression de 60 000 emplois pour le seul premier semestre 2003. Il consacre d'ailleurs à la désindustrialisation une intéressante partie de son rapport.
Daniel Raoul reviendra plus en détail sur ce sujet important. Je souhaite donc poser la question suivante : devant une telle saignée, quelle politique industrielle doit-on adopter pour notre pays et pour l'Europe ?
Les crédits du budget de l'industrie doivent avoir un effet de levier plus fort. A nos yeux, les choix retenus et les moyens consacrés ne règlent pas les problèmes du présent et ne préparent pas suffisamment l'avenir. C'est pourquoi nous émettrons un vote défavorable.
En ce qui concerne l'énergie, nous entrons dans une année qui sera chaude, puisque nous avons à nous prononcer sur des choix déterminants : le statut d'EDF et de GDF, le projet de loi d'orientation sur l'énergie.
Le Livre blanc sur les énergies a été récemment publié. Le débat est désormais ouvert et Jean Besson exprimera son point de vue à ce sujet.
Les partis politiques et les groupes parlementaires auront à se prononcer sur un vrai choix stratégique national. Quel calendrier prévisionnel de travail vous donnez-vous, madame la ministre ?
Par ailleurs, estimez-vous que le budget contraint de l'ADEME lui permettra de tenir ses engagements envers les collectivités locales et de poursuivre ses efforts pour promouvoir les énergies renouvelables ?
Je serai bref sur La Poste et les technologies de l'information et de la communication.
Les crédits se résument à quelques lignes, pour un total de 440 millions d'euros, dont 290 millions pour les aides à la presse. L'essentiel est ailleurs puisque le marché français des télécommunications représente 34 milliards d'euros, et le monde français du courrier 10 milliards d'euros.
J'exprime donc le regret que nous ne disposions pas des crédits suffisants pour assurer un contrôle public dans le domaine de La Poste et des télécommunications, en renforçant, par exemple, les missions de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications, la CSSPPT. Je regrette, en outre, que les suggestions des parlementaires ne soient pas prises en compte dans le contrat de plan entre l'Etat et La Poste.
Madame la ministre, je m'interroge sur le réseau national de recherche en télécommunications ; qu'en est-il des crédits publics de recherche sur les télécommunications ? J'aimerais également savoir si le programme lancé en 1998 a fait l'objet d'une évaluation.
S'agissant de La Poste, nous vous donnons rendez-vous, nous en reparlerons dès le mois de janvier. Le contrat qui vient d'être approuvé présente de bonnes orientations, mais il souffre d'un manque de moyens et reporte de nombreuses mesures à demain.
Vous avez confié une mission à M. Henri Paul ; à quel moment vous présentera-t-il ses conclusions, une échéance ayant été fixée au 1er juillet 2004 ? Pour ce qui est de la modernisation du courrier, j'aimerais connaître précisément le montant des crédits d'investissement prévisionnels prévus par La Poste, des chiffres très divers circulant à ce sujet.
Enfin, plusieurs dates méritent d'être précisées sur les télécommunications. Quand allons-nous rediscuter du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique ? Quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de transposition du « paquet télécoms » ? Aurez-vous recours aux ordonnances ou choisirez-vous la voie législative ? Où en êtes-vous concernant le projet de loi annoncé sur la diffusion et l'appropriation des nouvelles technologies ?
Finalement, madame la ministre, qu'il s'agisse de l'industrie, de l'énergie, de La Poste ou des télécommunications, nous sommes confrontés à la même question : quel rôle l'Etat doit-il jouer ? C'est dans la réponse que nos divergences apparaissent. Nous voulons, en ce qui nous concerne, un Etat plus présent, plus ambitieux, plus volontaire, plus engagé et, de ce point de vue, votre projet de budget nous déçoit et ne peut recevoir notre approbation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. De manière liminaire, je souhaiterais aborder deux sujets qui méritent des éclaircissements : la gestion de l'après-mines, d'une part, et la décentralisation, d'autre part.
La gestion de l'après-mines est particulièrement sensible en Lorraine, où l'affaissement minier du 9 août dernier a montré l'importance de la réalisation rapide de la cartographie des risques miniers.
Vous avez annoncé, madame la ministre, une augmentation de crédits de 659 000 euros afin de ramener le délai d'élaboration de cette cartographie de douze à six ans. Pouvez-vous nous assurer que cette augmentation budgétaire est bien à la mesure de cet objectif ?
S'agissant de la décentralisation, je veux parler des grands oubliés de la loi, à savoir les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI. Vous avez consacré la région comme collectivité « tête de file » en matière de développement économique. Que deviennent les EPCI, auxquels leur statut attribue une compétence en matière de développement économique ? Or l'article 72 de la Constitution dispose qu'aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre. Je voudrais donc connaître la position du Gouvernement sur les rôles respectifs de la région et des EPCI concernant cette compétence.
L'industrie française connaît une situation particulièrement grave. Ce phénomène n'est pas nouveau concernant l'industrie lourde.
L'inquiétude grandit dans les secteurs touchés aujourd'hui par des vagues successives de délocalisations et de fermetures - les télécommunications, l'informatique, l'électronique.
Des bassins d'emplois entiers sont sinistrés dans nos régions et le Gouvernement ne peut se satisfaire d'un taux de chômage de 10 % à la fin de l'année 2003.
Pourtant, ne croyez pas que je me range parmi ceux qui voient la France en déclin : elle a des atouts, comme le soulignait l'un de nos collègues. La France est le deuxième pays d'accueil des investissements étrangers, le premier concernant l'attractivité du territoire. La France connaît également la deuxième productivité au monde. Sur trente ans, le PIB a cru de 73 % en France, contre 74 % aux USA. La France ne décline donc pas.
Néanmoins, la situation que nous connaissons aujourd'hui est très préoccupante. La mondialisation de l'économie met en concurrence les emplois des salariés peu qualifiés des pays occidentaux avec les bas salaires des pays en développement.
Le salut de notre industrie réside donc dans notre capacité à développer notre production à haute valeur ajoutée, la technologie de pointe et le service haut de gamme.
La rapidité des mutations technologiques nous impose d'appréhender l'effort d'innovation et de recherche comme la clé de voûte de notre développement économique futur. Nous serons compétitifs demain plus par la qualité que par le prix de production. Si la Chine peut devenir le premier atelier industriel du monde, elle ne maîtrise pas encore la totalité du processus industriel et reste soumise aux volontés des entreprises, qu'elles soient américaines ou européennes.
Certes, une part de l'innovation se trouve concentrée dans des gains de productivité. Néanmoins, le rapport des économistes Robert Boyer et Michel Didier consacré au lien entre innovation et croissance a montré de manière générale que plus le niveau d'innovation est élevé plus les entreprises exportatrices augmentent.
Dans ce secteur, c'est à la concurrence des pays développés que nous devons faire face. Nombreux sont ceux qui ont fait de l'investissement dans l'innovation et la recherche le coeur de leur politique industrielle : 2,82 % du PIB pour les Etats-Unis, 3 % pour le Japon, mais moins de 2 % pour l'Union européenne et 2,2 % pour la France.
C'est dans cette perspective que la France s'est fixé, avec l'ensemble des pays de l'Union européenne, l'objectif de hisser l'effort de recherche à 3 % du PIB. Belle perspective ! Encore faut-il se donner pleinement les moyens de son ambition.
Récemment, Daniel Garrigue a évoqué dans son rapport une situation « d'urgence », un « phénomène préoccupant » tant se creusent encore aujourd'hui les écarts dans les efforts de recherche entre les Etats-Unis et l'Union européenne, ils sont en augmentation respectivement de 3,5 % et de 1,9 % par an.
Notre collègue a raison. En réalité, en pariant sur une croissance moyenne de 2 % par an, il eût fallu augmenter le budget de la recherche de 7 % à 10 % par an pour respecter les promesses du candidat Jacques Chirac.
Pour autant, la volonté affichée du Gouvernement de promouvoir la recherche privée ne peut qu'être louée au regard, notamment, du constat selon lequel les PME européennes investissent jusqu'à huit fois moins en recherche-développement que les PME américaines, selon certaines études.
Mais, là où le bât blesse, c'est que le Gouvernement a clairement fait le choix de la recherche privée au détriment de la recherche publique. Or c'est précisément l'articulation, la complémentarité de la recherche publique et de la recherche privée qui offre les meilleurs résultats. Daniel Garrigue indique lui-même qu'une part de la solution réside dans le dépassement des clivages qui subsistent en France et en Europe entre recherche publique et privée. Loin d'un quelconque dépassement, le budget que vous proposez au pays, madame la ministre, renforce ce clivage.
Votre gouvernement asphyxie la recherche publique. C'est ainsi qu'en 2003 le budget supprimait déjà près de 150 postes de chercheurs au profit d'emplois précaires post-doctorat. Loin d'envisager leur remplacement, dès 2004, sur les 1 100 départs à la retraite prévus, seuls 550 postes seront pourvus de titulaires, les 550 autres ne se voyant attribués que des contrats précaires. Belle manière de garantir la pérennité de la recherche dans certains laboratoires !
De surcroît, de 2006 à 2012, de nombreux chercheurs vont partir à la retraite. Il faut prévoir leur remplacement. Pourtant, entre la précarisation des contrats de chercheurs et l'attractivité des filières scientifiques, toujours faible auprès des étudiants, l'avenir s'annonce mal.
Il faut donc trouver les moyens financiers et d'accueil de façon urgente, afin de stopper le brain drain.
C'est bien la recherche fondamentale qui se trouve fragilisée par le budget du Gouvernement.
C'est une erreur de vouloir opposer la recherche à l'innovation. Loin de les opposer, nous devons trouver des synergies entre innovation industrielle et recherche fondamentale. C'est toute la pertinence de la mise en place des fondations pour la recherche telles qu'elles ont été évoquées par nos collègues René Trégouët et Pierre Laffitte, ainsi que par le ministère de la recherche - dans des domaines comme la santé, les nanotechnologies, les sciences du vivant ou encore les ondes électromagnétiques. Elles permettent la mutualisation efficace et, pour reprendre une expression chère à notre collègue Pierre Laffitte, la « fertilisation croisée » des efforts publics et privés.
A cet égard, je souhaiterais que le Gouvernement nous dise quels moyens seront mis en place.
L'Union européenne doit de nouveau s'imaginer comme une réelle puissance industrielle face au bloc américain et au futur bloc asiatique. Qu'il s'agisse d'Ariane Espace ou d'Airbus, l'Europe a montré sa capacité à élaborer des projets industriels communs nécessitant des investissements considérables qui ne sont pas à la portée d'un seul pays. Ces pôles industriels ont su concurrencer la puissance américaine et le bloc asiatique. La seule initiative privée ne peut pas réunir l'énergie nécessaire à des projets d'une telle envergure. Il faut que les Etats et l'Union européenne servent de catalyseurs, sinon de porteurs de ces projets.
De telles initiatives demandent détermination et ténacité. Elles constituent une piste fondamentale du développement du tissu industriel européen, qui deviendra un tissu technologique et non plus un tissu de production, pour sauvegarder, par définition, l'emploi de chacun des pays de l'Union.
Madame la ministre, quelles sont les initiatives gouvernementales en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson. Madame la ministre, l'examen du projet de budget concernant l'énergie s'inscrit, cette année, dans un contexte beaucoup plus structurant, puisque, dans quelques semaines, nous serons appelés à débattre de votre projet de loi d'orientation sur les énergies.
A cet égard, je me réjouis de la continuité de la politique française dans le secteur de l'énergie, notamment sur les deux points suivants, auxquels j'attache une importance particulière : la confirmation de l'option nucléaire, seule garante de notre indépendance énergétique et qui participe au respect du protocole de Kyoto, et l'affirmation du droit d'accès pour tous nos concitoyens à une énergie de qualité sur l'ensemble du territoire.
Avant d'intervenir sur ces deux sujets, permettez-moi de souligner le travail de qualité accompli par notre rapporteur pour avis, Roland Courteau.
S'agissant du nucléaire, vous connaissez, madame la ministre, mon engagement en faveur du réacteur nouvelle génération EPR. Je ne reviendrai pas sur ses principales innovations. Nous avons été nombreux, en effet, à intervenir sur ce sujet qui traverse tous les courants de pensée au sein même des organisations politiques de notre pays.
Le vieillissement du parc des centrales nucléaires françaises est une réalité que personne ne peut ignorer. Il ne faut pas entrer dans un débat qui consiste à opposer énergie nucléaire et énergie renouvelable.
Elu du département de la Drôme, je peux témoigner qu'en vallée du Rhône nous avons su faire cohabiter les énergies nucléaire, hydraulique, éolienne et solaire. Car si nous sommes favorables au nucléaire, nous n'en sommes pas moins convaincus qu'il faut développer parallèlement les énergies renouvelables, que l'Etat doit continuer à favoriser.
Mais nous n'avons pas le droit de laisser croire aux Français que l'on remplacera le nucléaire par les énergies renouvelables. Je propose très solennellement, madame la ministre, avec la présidente du conseil régional de Rhône-Alpes et le président du conseil général de la Drôme, que le réacteur nucléaire EPR soit construit dans notre région Rhône-Alpes. Toutes les conditions sont réunies : une forte volonté politique des élus locaux, une culture industrielle et un savoir-faire de haut niveau sur l'ensemble de la filière.
Non, la France n'est pas isolée dans son choix pour le nucléaire. On dénombre aujourd'hui trente-deux réacteurs nucléaires en construction dans le monde. Nous connaissons, madame la ministre, votre position courageuse sur le sujet, mais nous souhaiterions connaître aujourd'hui les intentions exactes du Gouvernement.
S'agissant des prérogatives de service public, leur affirmation est la contrepartie nécessaire et indispensable de la libéralisation des marchés. Les collectivités locales, concédantes des réseaux d'électricité et de gaz, en sont des garanties déterminées. La fédération nationale des collectivités concédantes et des régies a, bien évidemment, consacré l'essentiel des travaux de son récent congrès à cette question.
Compte tenu de la brièveté du temps de parole qui m'est imparti, je résumerai nos préoccupations en deux points.
Tout d'abord, il convient de garantir la qualité technique et environnementale des réseaux de distribution d'électricité. Il est impératif que soient publiés, au cours de la prochaine étape d'ouverture des marchés, et surtout avant l'ouverture éventuelle du capital des entreprises publiques, les décrets fixant les normes techniques et environnementales à respecter et déterminant les modalités de calcul des pénalités à imposer aux contrevenants.
Ensuite, il importe de réussir l'ouverture à la concurrence pour les petits consommateurs. A cet effet, il est indispensable que la loi instaure une procédure adaptée, simple et rassurante. Nous proposons que les fournisseurs soient obligés de respecter un code de bonne conduite fixé par les pouvoirs publics, dont l'application effective pourra être contrôlée par les collectivités locales compétentes.
Enfin, s'agissant de l'achat d'énergie pour les consommations propres des collectivités, je soulignerai la nécessité d'adapter le code des marchés publics pour faciliter l'achat groupé et instaurer plus de souplesse dans les définitions des quantités à acheter. Je vous remercie, madame la ministre, de l'attention que vous voudrez bien accorder aux préoccupations des collectivités concédantes, préoccupations qui sont aussi celles de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout particulièrement à vous remercier de la qualité de vos travaux et de la pertinence de vos réflexions. J'espère que les réponses que je vous apporterai vous démontreront, monsieur Clouet, que la ministre de l'industrie n'est pas atteinte du mal d'être. (Sourires.)
Comme je m'y étais engagée l'année dernière auprès de vous, j'ai souhaité, dans la perspective de la mise en oeuvre de la loi organique sur les lois de finances, que le budget pour 2004 du ministère de l'industrie soit un budget recentré et modernisé.
Ce budget doit être modernisé dans le sens où les mesures de simplification et de plus grande transparence des circuits administratifs permettent de réduire de 0,33 % la dotation globale, tout en améliorant nos performances.
A titre d'exemple, j'ai demandé à l'inspection générale de l'industrie et du commerce un rapport exhaustif sur les crédits consacrés aux reconversions industrielles, soit 35 millions d'euros en 2003.
J'ai par ailleurs souhaité que tous les préfets en charge de bassins d'emplois fragilisés évaluent les résultats concrets des interventions du ministère en faveur du reclassement des salariés et de la réindustrialisation des sites. Comme vous avez pu le constater - puisque je vous les ai aussitôt communiqués -, les enseignements à tirer de ces investigations sont extrêmement intéressants.
Ainsi, huit mille emplois ont été créés chaque année sur la période 1996-2002 par les trois sociétés de conversion agissant pour le compte du ministère. Cela a permis d'aider, sur le moyen terme, la création d'un nombre d'emplois équivalant à celui qui a été supprimé dans les zones concernées.
Le taux de réalisation des objectifs de création d'emplois est de 80%. Le coût moyen par emploi créé, de l'ordre de 3 000 euros, est raisonnable et maîtrisé.
Sur la base de ces résultats concrets, précis et chiffrés, je vous demande la reconduction, en 2004, de ces crédits, soit 35 millions d'euros.
Par ailleurs, nos décisions en matière de réforme du ministère sont lourdes et importantes : fusion de deux des quatres directions d'administration centrale, avec réduction des effectifs ; externalisation de la mission de contrôle technique des poids lourds, entraînant la suppression, à terme, de 700 emplois en administration territoriale.
C'est avec ce même souci d'efficacité que j'ai voulu recentrer mon budget autour de trois priorités : faire face aux défis du présent, disposer d'une énergie propre, sûre et compétitive, préparer l'avenir.
Tout d'abord, pour relever les défis du présent, il faut accompagner les mutations industrielles, aider à la reconversion des salariés et à la réindustrialisation des bassins d'emplois fragilisés. La France ne saurait, en effet, se résigner à la désindustrialisation. Je me félicite d'ailleurs que votre commission des affaires économiques ait décidé de constituer un groupe de travail pour étudier toutes les implications de ces phénomènes sur notre économie.
Comme l'ont très bien dit MM. les rapporteurs Jean Clouet et Francis Grignon, ainsi que M. Christian Gaudin, en volume, l'activité industrielle de notre pays connaît une croissance aussi rapide que celle des services.
En réponse aux différentes questions posées par MM. Grignon, Gaudin, Trémel et Raoul, je puis vous dire que cette question de la désindustrialisation est complexe et qu'elle retient toute mon attention.
Je crois en la mise en oeuvre d'un dialogue partenarial et en la concertation pour bâtir, secteur par secteur, en fonction de leur spécificité propre, une vision partagée de l'avenir et de la stratégie industrielle à mettre en oeuvre.
Pour reprendre le secteur du textile, évoqué par M. Grignon, compte tenu de l'urgence des enjeux, nous avons pris les choses à bras-le-corps. J'ai donc réuni les industriels des biens d'équipement de la personne le 25 novembre dernier ; nous avons mis au point une feuille de route, que j'ai ensuite défendue, le 27 novembre, au Conseil européen.
Les avancées sont déjà significatives et la Commission devra proposer, avant la fin du mois de juillet 2004, les premières initiatives concrètes d'un plan d'action européen dans ce domaine.
Le rôle de l'Etat est aussi de libérer et de conforter le dynamisme de nos entreprises industrielles : le meilleur remède à la désindustrialisation, c'est bien la création de nouvelles activités industrielles, comme l'a très bien dit M. Christian Gaudin.
Nous menons donc une action de fond, afin de faciliter la création d'entreprises et de renforcer notre compétitivité.
C'est l'objet de la loi pour l'initiative économique, qui porte déjà ses fruits puisque les chiffres de la création d'entreprises sont repartis à la hausse depuis la rentrée 2002, après plus de deux ans de baisse régulière.
C'est aussi l'objet du plan en faveur de l'innovation, dont l'objectif est clair : encourager l'innovation, dont dépendra demain la moitié de notre croissance ; j'y reviendrai dans quelques instants.
Pour être efficaces, nous couplons cette action avec une initiative au niveau européen. Nous défendons, avec nos partenaires allemands, une démarche active pour renforcer l'investissement dans de grands projets de recherche et de développement dans des secteurs de pointe, comme les semi-conducteurs, les télécommunications, les logiciels et les biotechnologies.
Ainsi, une véritable politique industrielle européenne, que j'avais appelée de mes voeux, est en train d'émerger : elle considère la concurrence de l'Union avec le reste du monde, et pas seulement la concurrence des pays européens entre eux.
C'est pourquoi, malgré des contraintes budgétaires fortes, les crédits du ministère de l'industrie destinés à aider les entreprises à faire face aux évolutions de l'activité industrielle et à assumer les conséquences de la fermeture des sites miniers progresseront de 0,8 % en 2004.
En réponse aux questions de M. Raoul sur l'après-mines, je préciserai deux points. Tout d'abord, conformément aux engagements que j'avais pris à la suite de la survenance d'un fontis minier en août dernier dans la commune d'Ottange, en Moselle, le programme d'étude de risque mené par GEODERIS sera accéléré, afin de ramener de douze ans à six ans les délais d'investigation sur les risques de fontis en Lorraine.
Ensuite, pour traduire en actes cette priorité d'action, j'ai décidé que les moyens de GEODERIS seraient portés à 2,7 millions d'euros en 2004, contre 2 millions d'euros en 2003.
Le deuxième objectif consiste à disposer d'une énergie propre, sûre et compétitive.
Comme l'ont rappelé MM. Courteau et Besson, nous sommes en train de tirer les conclusions du grand débat national sur les énergies, qui s'est déroulé tout au long du premier semestre.
Naturellement, nous intégrons dans cette réflexion les conséquences de la canicule de cet été. A cet égard, je voudrais souligner que le dispositif énergétique français, sur les plans tant technique qu'administratif et politique, a correctement fonctionné : nous avons pu fournir à tout moment la quantité d'électricité dont les citoyens de ce pays avait besoin.
Actuellement, je prépare le projet de loi d'orientation sur les énergies, qui déterminera le cadre énergétique de notre pays pour les vingt à trente ans à venir ; je le présenterai au début de l'année prochaine au conseil des ministres. A ce stade, les principales orientations portent sur la maîtrise de l'énergie, la diversification du bouquet énergétique par le développement des efforts dans le domaine de la recherche et de l'innovation technologique.
Le projet de budget pour 2004 s'inscrit dans ces perspectives, qu'il s'agisse de la contribution de mon ministère aux subventions au Commissariat à l'énergie atomique ou à l'Institut français du pétrole, ou encore à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
Pour répondre plus particulièrement à MM. Courteau et Besson sur la question du Livre blanc sur les énergies et sur EPR, j'indique que le Gouvernement souhaite que l'option nucléaire reste ouverte, afin de disposer de toutes les technologies possibles en 2004 lorsque nous aurons à choisir de renouveler ou non le parc nucléaire dans de bonnes conditions à l'horizon 2020.
C'est la raison pour laquelle nous proposons, dans le cadre du Livre blanc sur les énergies, la construction d'un démonstrateur EPR, reprenant ainsi les conclusions du rapport Birraux-Bataille, largement soutenues par nombre d'entre vous.
En ce qui concerne l'effet de la libéralisation sur les prix, je puis vous dire, monsieur Courteau, que la montée récente des prix de l'électricité n'est pas une conséquence de la libéralisation. Elle résulte simplement de la conjonction d'une situation de court terme créée par la canicule et d'une tendance de long terme qui veut que le nécessaire renouvellement du parc de production européen s'accompagne d'une augmentation de prix.
Pour ce qui est des limites de la contribution au service public de l'électricité, je puis vous dire, monsieur le rapporteur pour avis, que les charges de service public sont en cours d'évaluation et que c'est sur cette base que le Gouvernement pourra apprécier si un relèvement du plafond est nécessaire ou non.
En réponse à M. Philippe François, je confirme que le Gouvernement est favorable au développement de toutes - je dis bien : « toutes » - les énergies renouvelables, pour des raisons de lutte contre le changement climatique et de développement des productions nationales.
Nous savons bien que la plupart de ces énergies ne sont pas compétitives et doivent donc être subventionnées. Aussi avons-nous prévu un mécanisme d'obligation de rachat de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables pour les projets d'une puissance inférieure à douze mégawatts. Les prix de rachat fixés en France sont comparables à ceux qui sont déterminés dans les autres pays.
Pour les projets d'une puissance plus élevée, où les économies d'échelle peuvent être importantes, le Gouvernement a par ailleurs prévu un mécanisme d'appel d'offres, qui incite les producteurs à proposer des prix inférieurs aux tarifs de l'obligation d'achat. Je rappelle, enfin, que le surcoût lié à l'obligation d'achat est réparti entre l'ensemble des producteurs, quel que soit le statut de ladite entreprise. Cela n'est donc pas lié au caractère public d'EDF.
En ce qui concerne l'énergie éolienne, il convient que tous les obstacles administratifs soient levés. C'est la raison pour laquelle nous avons adressé récemment aux préfets une circulaire sur ce sujet. Pour autant, il serait démagogique de rejeter uniquement la responsabilité sur l'administration : si les procédures sont longues, c'est que l'énergie éolienne ne rencontre pas toujours l'adhésion des populations locales et des élus concernés. Faut-il le regretter si cela peut permettre une meilleure acceptation des projets ? Je ne le crois pas !
Enfin, s'agissant de la reprise de la dette de Charbonnage de France, monsieur Clouet, cette société étant amenée à arrêter sa production en 2004, sa politique de refinancement pourrait effectivement être reprise par l'Etat. Ce sujet fait actuellement l'objet d'une étude par les services du ministère, notamment quant à ses aspects juridiques et budgétaires.
Le troisième objectif est de préparer l'avenir.
Nous le préparons d'abord par la formation. Le ministère de l'industrie mène une politique active de formation des ingénieurs, techniciens et cadres, directement à travers les écoles des mines et celles des télécommunications, et indirectement à travers toutes les écoles des chambres de commerce et d'industrie.
Il s'agit de miser sur la valeur ajoutée de l'intelligence, atout majeur de notre pays dans la compétition mondiale. Plus de 209 millions d'euros seront consacrés l'an prochain à cette action, soit une hausse de 4,71 % par rapport à 2003.
J'ai également souhaité donner une dimension européenne à notre politique de formation en favorisant le regroupement d'établissements d'enseignement supérieur installés dans différents pays européens. En s'inspirant du modèle Airbus, il s'agit d'offrir aux étudiants un cursus intégrant des enseignements dispensés, par exemple, la première année en Allemagne, la deuxième année en Grande-Bretagne et la dernière année en France, sur la base d'un programme pédagogique commun. Le premier de ces « Airbus universitaire » a été conclu tout récemment entre l'université de Mannheim et l'ESSEC.
MM. Grignon et Trémel ont évoqué, à juste titre, le devenir du financement des centres techniques industriels. Notre préoccupation première a été de maintenir le financement collectif de ces organismes, utiles à la cohérence et à la mutualisation des secteurs industriels.
L'article 32 du projet de loi de finances rectificative manifeste notre volonté de mettre en oeuvre une vraie relation partenariale, fondée sur la revitalisation du dialogue et de la concertation. Il prévoit la création d'impositions affectées pour les centres techniques de l'industrie et les comités professionnels de développement économique qui l'ont demandé.
Nous préparons aussi l'avenir en encourageant l'innovation et la recherche industrielle. Comme l'a si justement souligné M. Othily, au nom de M. Laffitte, c'est notre première priorité, car seule une politique ambitieuse de soutien public à l'innovation et à la recherche industrielle nous permettra de maintenir et de renforcer notre avantage comparatif, et donc notre rang de cinquième puissance industrielle mondiale.
C'est en encourageant ces investissements qui préparent l'avenir que nous luttons efficacement contre la désindustrialisation.
A cet égard, le budget pour 2004 connaîtra deux évolutions importantes.
La première consiste dans la clarification de l'usage des crédits consacrés à la recherche industrielle. J'ai en effet décidé de créer un nouveau chapitre budgétaire, intitulé « Recherche industrielle, innovation et compétitivité des entreprises », qui regroupe l'ensemble des crédits contribuant au financement des programmes de recherche industrielle stratégique.
Si l'on ajoute à ces crédits budgétaires du ministère de l'industrie les autres sources de financement public - fonds pour la recherche technologique du ministère de la recherche et fonds de concours gérés par l'ANVAR -, le soutien public sous forme d'aides financières s'élèvera en 2004 à près de 500 millions d'euros.
La seconde évolution consiste dans la décentralisation du programme ATOUT d'aide aux PME-PMI. Ce dispositif a fait ses preuves, mais il relève de l'aide aux entreprises, qui, en application des principes de la décentralisation, sera désormais exercée par les conseils régionaux. Ce type de soutien pourra ainsi être initié, financé et décidé au plus près du terrain.
Par ailleurs, l'ANVAR jouera un rôle accru d'animateur de réseau au niveau régional, comme l'ont souhaité les publics concernés lors de la consultation nationale que nous avions engagée sur l'innovation.
Toutefois, notre action en faveur de l'innovation et de la recherche industrielle ne se limite pas à ces seuls crédits budgétaires. Le projet de loi de finances crée également deux outils fiscaux originaux et réforme en profondeur le crédit d'impôt recherche : c'est la mise en oeuvre législative du plan « innovation » que j'ai lancé en début d'année et qui entrera en application, après que le Parlement l'aura définitivement voté, le 1er janvier 2004.
Le premier outil consiste en la mise en place d'un véritable cadre juridique et fiscal qui nous permettra de multiplier le nombre des investisseurs providentiels, ou business angels. Son coût est estimé à 100 millions d'euros. Le second prend la forme d'une exonération de charges sociales et fiscales pour les jeunes entreprises innovantes. Son coût est estimé à 25 millions d'euros par an.
Enfin, le régime du crédit d'impôt recherche est profondément modernisé et renforcé grâce à l'élargissement des dépenses éligibles - un exemple en serait la meilleure prise en compte des frais liés au dépôt et à la défense des brevets - et surtout grâce à l'intégration d'un critère lié au volume de recherche et de développement réalisé par l'entreprise et non pas simplement, comme c'est le cas actuellement, à son accroissement d'une année sur l'autre.
Ces mesures permettront de tripler le nombre d'entreprises qui pourront bénéficier de cet instrument, et donc de multiplier les programmes de recherche qui pourront être financés. En année pleine, le coût fiscal de ce nouveau dispositif est estimé à près de 850 millions d'euros, qu'il faut comparer aux 500 millions d'euros du dispositif précédent.
Ainsi, par la modernisation de notre système d'aide et par le renforcement très significatif de l'outil fiscal, c'est près de 1,4 milliard d'euros que le Gouvernement consacrera l'an prochain à la stimulation de l'innovation et de la recherche industrielle dans les entreprises.
Cette contribution majeure à l'accroissement de nos savoir-faire et à la valeur ajoutée de nos industries et de nos services nous permettra de tirer le meilleur parti de la reprise économique et formera la base d'une croissance durable.
Nous préparons l'avenir, enfin, en modernisant nos grands services publics.
S'agissant de La Poste, et plus précisément de la régulation des marchés postaux, monsieur Hérisson, après le contrat de plan que nous venons de finaliser, le projet de loi relatif à la régulation des activités postales, que le Sénat examinera à la fin du mois de janvier 2004, marquera une nouvelle étape de la modernisation et de l'adaptation de l'entreprise La Poste au nouveau contexte de compétitivité auquel elle doit faire face.
Il s'agit de concilier le plus harmonieusement possible l'ouverture progressive du secteur postal à la concurrence et le respect par La Poste du service universel postal.
Le régulateur sera indépendant, à l'instar de ce qu'ont déjà réalisé onze pays en Europe. Conformément à ce qui a été mis en oeuvre dans huit pays européens, et afin qu'il soit opérationnel le plus rapidement possible, nous avons choisi d'élargir au secteur postal le champ de compétences de l'Autorité de régulation des télécommunications, l'ART, et de mettre en place au sein de ce qui s'appellera l'« autorité de régulation des télécommunications et des postes », la future ARTP, un service dédié aux activités postales.
Le régulateur aura pour mission de s'assurer de la bonne fourniture par La Poste du service universel, en particulier dans le domaine de la qualité de service. Il sera aussi chargé de garantir la pérennité du service universel en veillant à son financement.
Pour permettre au régulateur d'exercer les nouvelles missions que la loi sur la régulation postale lui confiera, le projet de loi de finances pour 2004 prévoit de renforcer les moyens de l'ART dès 2004. Il s'agit d'une première étape, qui a vocation à être renouvelée en 2005. Il appartiendra au président de l'ARTP, le moment venu, de faire des propositions en ce sens.
S'agissant des tarifs du courrier, monsieur Hérisson, le contrat de plan que nous venons de finaliser avec le président de La Poste, M. Bailly, fait clairement état de la volonté de donner à cet établissement une position tarifaire comparable à celle des principaux opérateurs européens. Le contrat de plan indique également que les tarifs du service universel n'augmenteront pas plus que les prix durant la période 1998-2007.
En février 2003, le Gouvernement a accepté la demande de La Poste de porter le prix du timbre de 0,46 euro à 0,50 euro, ce qui nous situe dans la moyenne des pays européens. L'objectif de cette hausse est de financer l'ambitieux plan de modernisation du courrier.
Monsieur Trémel, les deux estimations financières que vous avez citées au sujet du plan de modernisation de La Poste sont exactes : ce sont bien 1 milliard d'euros qui seront consacrés, en quatre ans, aux investissements du courrier, et 3,4 milliards d'euros pour toutes les activités de La Poste en six ans.
Enfin, je souhaite vous rassurer, monsieur Trémel, quant à la pérennité du Réseau national de recherche en télécommunications, le RNRT. Ce réseau a été relancé en 2003, avec pour objectif le renforcement de la compétitivité de l'industrie française des télécommunications.
Le RNRT permet de structurer durablement le secteur de la recherche en matière de télécommunications en créant un tissu de relations entre des acteurs diversifiés, relations qui, il faut bien le dire, étaient jusqu'à présent largement inexistantes.
Un effort particulier a été engagé en 2003 et sera poursuivi en 2004 en faveur des PME, pour lesquelles une action de sensibilisation est entreprise. Si leur présence s'est renforcée, elles sont encore trop peu nombreuses à être à l'initiative de projets. L'articulation avec les actions régionales, notamment en Bretagne, sera aussi privilégiée.
En réponse à M. Othily, qui s'exprimait également au nom de M. Laffitte, je rappellerai que le développement de la formation et de la sensibilisation à la propriété industrielle constitue une priorité forte de l'action du Gouvernement. C'est pourquoi j'ai décidé la création d'un centre de formation à Strasbourg. D'autres devraient suivre, si j'en juge par la qualité des propositions que j'ai reçues.
En ce qui concerne le brevet communautaire, un accord pourrait intervenir dans les prochains jours sur la base du compromis qui a été négocié à Bruxelles lors du dernier Conseil des ministres européens de la compétitivité, le 27 novembre dernier.
Sur la seconde question que vous avez soulevée, monsieur Othily, j'ai déjà eu l'occasion de vous dire que j'attachais une grande importance à l'approvisionnement en électricité de l'ensemble de la population française, aussi bien sur le territoire métropolitain que dans les départements d'outre-mer. Je me félicite à cet égard des contacts que EDF a eus avec les élus locaux, parmi lesquels mon collègue Léon Bertrand, afin de trouver les meilleures solutions à ce problème. Mes services sont également en contact étroit avec les services compétents de EDF, et une mission du ministère se rendra sur place au début de 2004.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le constatez, le projet de budget de l'industrie est adapté aux nécessités - et aux contraintes, serais-je tentée de dire - du présent, tout en préparant l'avenir. C'est pourquoi je vous demande votre soutien, dont je vous remercie par avance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je remercie Mme Nicole Fontaine de la précision de ses réponses, qui apaiseront sans doute les inquiétudes qu'ont pu exprimer les sénateurs qui sont intervenus à propos du budget de l'industrie.
C'est vrai, nous devons, les uns et les autres, proclamer que la désindustrialisation et la détertiarisation ne constituent pas une fatalité. Nous devons prendre la mesure de ces risques et susciter, tant à l'échelon européen qu'à l'échelon national, les réponses appropriées, qui, sans doute, passent notamment par la réforme de la fiscalité et par l'allégement des charges sociales.
Naturellement, madame la ministre, la commission des finances vous apportera son soutien.
Je me permettrai cependant d'évoquer l'endettement de Charbonnages de France.
La dette de cet établissement s'élève approximativement à 4,5 milliards d'euros. J'avais constaté l'an passé que le différentiel d'intérêts entre les titres émis par l'Etat et les emprunts de Charbonnages de France représentait 300 points de base, c'est-à-dire 3 %, ce qui représente un supplément d'intérêts d'environ 135 millions d'euros par an.
Alors que l'Etat a vocation à reprendre l'endettement de Charbonnages de France, les banques prêtent à cette entreprise comme si elles ne savaient pas que l'Etat apportait, de fait, sa garantie. Or je suis persuadé que les prêteurs n'ont aucun doute sur l'issue de ces prêts ! Il s'agit donc là d'une forme de subvention aux prêteurs, au détriment des finances publiques.
Je me permets donc d'insister sur ce point, madame la ministre, et de souhaiter solennellement que votre ministère y mette bon ordre, car ce supplément de charges attaché à la dette de Charbonnages de France représentera chaque année, lorsque l'Etat la reprendra, un supplément d'intérêts de 130 millions ou 135 millions d'euros.
Je vous remercie, madame la ministre, de la suite que vous voudrez bien réserver à cette supplique, que je vous avais déjà adressée voilà un an. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'industrie seront mis aux voix aujourd'hui même, à la fin de l'examen des crédits affectés au commerce extérieur.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 38 779 003 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 34 020 317 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 521 030 000 euros ;
« Crédits de paiement : 137 184 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 846 253 000 euros ;
« Crédits de paiement : 181 526 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
J'appelle en discussion l'article 76 bis, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à l'industrie.
I. - Les gains et rémunérations, au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 741-10 du code rural, versés au cours d'un mois civil aux personnes mentionnées au II appartenant aux jeunes entreprises innovantes réalisant des projets de recherche et de développement sont exonérés des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des allocations familiales, des accidents du travail et des maladies professionnelles.
II. - Les cotisations exonérées sont celles qui sont dues au titre, d'une part, des salariés énumérés au III et au titre desquels l'employeur est soumis à l'obligation édictée par l'article L. 351-4 du code du travail et, d'autre part, des mandataires sociaux qui participent, à titre principal, au projet de recherche et de développement de l'entreprise.
III. - Les salariés mentionnés au II sont les chercheurs, les techniciens, les gestionnaires de projets de recherche et de développement, les juristes chargés de la protection industrielle et des accords de technologie liés au projet et les personnels chargés des tests préconcurrentiels.
IV. - L'avis exprès ou tacite délivré par l'administration fiscale, saisie par une entreprise dans les conditions prévues au 4° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction issue de la présente loi est opposable à l'organisme chargé du recouvrement des cotisations de sécurité sociale compétent.
V. - L'exonération prévue au I est applicable au plus jusqu'au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l'entreprise. Toutefois, si au cours d'une année l'entreprise ne satisfait plus à l'une des conditions requises au I pour bénéficier du statut de jeune entreprise innovante réalisant des projets de recherche et de développement, elle perd définitivement le bénéfice de l'exonération prévue au I.
VI. - Le bénéfice des dispositions du présent article ne peut être cumulé, pour l'emploi d'un même salarié, ni avec une aide d'Etat à l'emploi, ni avec une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales, ni avec l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations.
VII. - Le droit à l'exonération est subordonné à la condition que l'entreprise ait rempli ses obligations de déclaration et de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.
VIII. - Un décret détermine les modalités d'application du présent article. - (Adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'industrie.
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, je souhaite faire le point sur le déroulement de nos travaux.
Il est très vraisemblable que la discussion des budgets inscrits à l'ordre du jour de ce jeudi soit les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat, le commerce extérieur, les services du Premier ministre, qui recouvrent les services généraux, le Secrétariat général de la défense nationale, le Conseil économique et social et le Plan et enfin le budget annexe des Journaux officiels, nous occupera comme prévu, quatre heures trente, voire davantage.
La discussion du budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui était inscrite à l'ordre du jour de ce soir, ne va donc pas pouvoir être entamée avant minuit, peut-être même après. Or nous nous sommes fixé un principe : celui de ne pas commencer la discussion d'un budget au-delà de minuit.
Le ministre concerné, M. Jean-Paul Delevoye, doit venir au Sénat demain en fin de journée pour la discussion des crédits de l'aménagement du territoire. En accord avec le Gouvernement, je propose donc au Sénat de reporter à demain soir la discussion des crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Dans ces conditions, nous pourrions examiner successivement, le matin, à quinze heures et le soir, les dispositions du projet de loi de finances concernant l'écologie et le développement durable, puis la défense, puis l'aménagement du territoire, puis la fonction publique et la réforme de l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Avis favorable.
M. le président. Sur la proposition de la commission des finances et en accord avec le Gouvernement, la discussion des crédits affectés à la fonction publique et à la réforme de l'Etat, qui était inscrite à la fin de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui, est reportée à la fin de l'ordre du jour de la séance du vendredi 5 décembre 2003.
En conséquence, l'ordre du jour de la séance du vendredi 5 décembre s'établit comme suit :
A neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
- Projet de loi de finances pour 2004 :
- Ecologie et développement durable ;
- Défense ;
- Services du Premier ministre :
V. - Aménagement du territoire ;
- Fonction publique et réforme de l'Etat.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.
Economie, finances et industrie (suite)
PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES,
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je vous présenterai les crédits du projet de budget de l'économie, des finances et de l'industrie affectés aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
D'emblée, je rappellerai que ce projet de budget ne comprend aucun crédit de fonctionnement et que les subventions d'investissement n'y occupent plus qu'une place très marginale.
Ainsi, le budget du secrétariat d'Etat est avant tout composé de crédits d'intervention, qui se distribuent, depuis 2003, entre cinq grandes actions : l'aide à la formation professionnelle des commerçants et des artisans ; les actions économiques, renforcées depuis 2003 au travers de la dotation au fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC ; le financement des contrats de plan ; l'accès au crédit des PME ; avec les bonifications d'intérêts et, surtout, les garanties d'emprunt ; enfin, l'aide au départ des commerçants et des artisans, également transférée au secrétariat d'Etat en 2003.
Dans la plupart de ces actions, le secrétariat d'Etat intervient non pas seul, mais de concert avec divers organismes et collectivités.
Pour 2004, ce budget affiche une baisse notable : le montant des crédits, qui atteignait 183 millions d'euros pour 2003, s'élève à 171 millions d'euros pour 2004, connaissant donc une diminution de près de 7 %. Toutes les grandes actions financées par les crédits du secrétariat d'Etat sont touchées, sauf l'accès au crédit.
Je formulerai quelques observations.
Première observation, le Gouvernement ne souhaite plus faire passer l'affichage de ses priorités par la hausse des budgets. Or il est certain que les PME constituent un axe majeur de la politique du Gouvernement. Le budget des PME, du commerce et de l'artisanat s'inscrit donc parfaitement dans cette nouvelle logique, à laquelle il faut adhérer : il n'existe pas de lien mécanique entre dépense et résultat. Encore faut-il pouvoir établir et mesurer l'efficacité de la dépense !
Deuxième observation, le bilan de l'avancement de la réforme budgétaire est contrasté : faiblesse persistante des indicateurs de performance actuellement communiqués par Bercy, mais moindre recours aux instruments extrabudgétaires et annulation massive des reports ; définition satisfaisante du futur programme destiné aux PME, mais absence de réflexion simultanée sur les missions.
Je déplore que la définition des missions n'intervienne qu'après celle des programmes : l'idée qui présidait à la détermination des missions était de définir les attributions de l'Etat, et non d'en faire laborieusement l'inventaire.
En revanche, la définition restreinte du « programme support » commun aux services de Bercy doit nous satisfaire : dans la mesure du possible, tous les moyens sont distribués entre les différents programmes.
Troisième observation, si ce projet préfigure insuffisamment la réforme budgétaire, la réforme de l'Etat est bien au coeur des préoccupations du secrétariat d'Etat.
Cela se traduit d'abord par une amplification de l'effort de simplification administrative au profit des petites entreprises. En effet, les mesures qui avaient été prises sous l'impulsion de la défunte COSA, la commission pour les simplifications administratives, consistaient surtout à mettre des formulaires en réseau, ce qui n'est pas simplifier, ou à créer une interface permettant de gérer une complexité demeurée intacte, ce qui a un coût.
La loi pour l'initiative économique et, surtout, la loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit ont, fort heureusement, relancé le mouvement des simplifications tous azimuts.
Par ailleurs, s'agissant de la décentralisation, le projet de loi relatif aux responsabilités locales prévoit, en particulier, que l'Etat transfère aux régions le montant des ressources consacrées aux actions territorialisées du FISAC.
Ce transfert trouve déjà sa traduction budgétaire : une nouvelle ligne dotée de près de 50 millions d'euros et représentant 70 % des moyens du FISAC est allouée à ces actions territorialisées.
Enfin, l'inflexion de l'intervention étatique, que traduit la baisse des crédits, s'inscrit parfaitement dans la réforme de l'Etat. La baisse des charges est désormais le levier d'action privilégié en ce qui concerne les entreprises.
Quatrième observation, par construction, ce projet de budget reflète bien mal l'effort financier de l'Etat en faveur des PME, qui atteint 1,13 milliard d'euros hors dépenses fiscales, ces dernières étant proches de 3,5 milliards d'euros.
A titre d'illustration, les moins-values fiscales résultant de l'application des dispositions de la loi pour l'initiative économique dont vous avez été le promoteur, monsieur le secrétaire d'Etat, s'établiront à 176 millions d'euros pour 2004, soit un montant supérieur au budget du secrétariat d'Etat...
Cinquième observation, le mouvement de revalorisation de la ressource fiscale des chambres consulaires est confirmé.
S'agissant d'abord des chambres de commerce et d'industrie, le taux de progression maximal de l'IATP, l'imposition additionnelle à la taxe professionnelle, est fixé à 1,7 % pour 2004, ce qui conforte le fort mouvement de rattrapage autorisé en 2003.
S'agissant ensuite et surtout des chambres de métiers, le produit de la taxe pour frais de chambre de métiers est rehaussé de plus de 7 %. Cette hausse est compensée, pour les artisans, par une baisse de leurs cotisations aux fonds d'assurance formation, les FAF, ainsi appelés à une gestion plus rigoureuse. En outre, les ressources des différentes structures consulaires des métiers - chambres locales, chambres régionales, assemblée permanente nationale - sont sécurisées par une affectation directe du produit de la taxe précitée.
En conclusion, il faut apprendre à se réjouir de la baisse raisonnée des crédits inscrite dans le projet de budget, malgré une anticipation parfois insuffisante de la réforme budgétaire. Il faut bien comprendre que l'évolution de ces crédits n'est pas la grande affaire du secrétariat d'Etat. L'essentiel est ailleurs : dans la recherche des allégements de charges et dans la politique de simplification. J'ai la conviction qu'il faut approuver sans réserve cette préférence donnée aux améliorations structurelles sur les politiques de subvention. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen de ce projet de budget s'inscrit dans le contexte plus large des nombreuses mesures prises, depuis dix-huit mois, par le Gouvernement pour favoriser le développement des PME.
Les résultats sont là : nous n'avions pas connu depuis longtemps un tel engouement pour la création d'entreprise, en progression de 13 % par rapport à l'an passé. Il faut donc persévérer, monsieur le secrétaire d'Etat, et la majorité du Sénat soutiendra les projets que vous avez annoncés pour l'an prochain, comme elle a soutenu cette année votre projet de loi pour l'initiative économique.
Dans l'immédiat, la majorité de la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur vos crédits et sur les articles rattachés 75 et 76, sur le détail desquels je ne reviendrai pas après la brillante analyse qu'en a faite notre estimé collègue Auguste Cazalet.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est vrai !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Je souhaite en effet consacrer mon intervention aux principales observations qu'appelle l'étude que j'ai entreprise cette année, à la demande du bureau de la commission des affaires économiques, sur la mobilisation des moyens publics en faveur du commerce rural.
Il est patent que de nombreux territoires ruraux souffrent de la disparition de leurs commerces de proximité, dont le maintien conditionne directement la vie collective et la survie d'un certain nombre de communes. Il est donc indispensable de s'assurer que les dispositifs de soutien existants fonctionnent efficacement.
S'agissant du constat, il convient de distinguer les actions menées par l'Etat de celles qui sont engagées par les collectivités territoriales.
Si l'Etat dispose de nombreux outils, le plus important d'entre eux, et le plus structurant, reste cependant le FISAC. La réforme de février 2003 a eu pour objet d'améliorer ses modalités de fonctionnement : j'évoquerai notamment la réévaluation des plafonds d'intervention et du chiffre d'affaires en matière d'actions individuelles à destination des entreprises en milieu rural, et l'accroissement de 20 % à 30 % du taux de prise en charge des investissements consentis pour des actions collectives par les communes rurales.
En outre, l'examen des dossiers par la commission nationale a été supprimé et l'instruction se fait maintenant « au fil de l'eau ». Il est cependant encore trop tôt pour étudier comment ces modifications vont stimuler le recours au FISAC, d'autant que la loi de décentralisation va bientôt conduire à une implication plus grande encore des régions.
En ce qui concerne les fonds locaux d'adaptation du commerce rural, les FLACR, on peut être frappé par l'hétérogénéité des situations : certains départements n'ont jamais activé ces structures depuis leur création, voilà plus de dix ans, tandis que d'autres ont très bien su utiliser cet outil, même s'il ne dispose jamais de budgets très importants.
Quant au fonds d'aménagement des structures artisanales, le FASA, sa nouvelle mouture, issue d'une circulaire de 2000, n'a permis des engagements de crédits qu'à hauteur de 1,1 million d'euros jusqu'à présent, qui ont cependant profité à 90 % à des entreprises situées en zones rurales.
En ce qui concerne les collectivités territoriales, au-delà de l'extrême complexité de la situation actuelle, l'objectif affirmé, pour les communes et les départements, est bien d'assurer le maintien des services nécessaires à la population en milieu rural, lorsqu'il y a carence de l'initiative privée.
Toutefois, derrière ces dispositions législatives générales, c'est tout un ensemble complexe de projets qui est mis en oeuvre à l'échelon local, dont le foisonnement même explique les deux critiques qu'on peut lui faire : l'impossibilité de connaître exactement les sommes engagées et l'absence d'une réelle évaluation des effets de ces politiques.
Cela recoupe d'ailleurs, plus largement, les reproches adressés à l'ensemble des aides publiques aux entreprises par un tout récent rapport du Commissariat général du Plan qui leur est consacré. Aussi peut-on former le voeu que la loi de décentralisation permette tout à la fois de rationaliser certains dispositifs, de mieux cerner les priorités, de définir les responsabilités et d'améliorer la connaissance globale du système.
Il faut enfin mentionner l'action des chambres consulaires, qui constituent un maillon essentiel, et formidablement dynamique, du soutien au commerce rural. C'est grâce à l'implication de leurs réseaux, grâce à leur imagination et à leur excellente connaissance du terrain, grâce enfin aux moyens propres qu'elles consacrent à l'accompagnement des initiatives des collectivités publiques que fonctionnent les dispositifs élaborés à l'échelon national ou local.
Quelles sont les pistes de réflexion à explorer pour améliorer l'ensemble actuel ?
En premier lieu, je constate, tout comme les professionnels concernés d'ailleurs, qu'il n'est nul besoin de créer des outils nouveaux. Les dispositifs actuels sont suffisamment nombreux et, dans leur principe, ils correspondent bien aux objectifs qui leur sont assignés. Je pense toutefois qu'il est nécessaire de les simplifier, de les rationaliser et de mieux les faire connaître.
En second lieu, il conviendrait d'améliorer le fonctionnement de certains outils territorialisés. Je suggère, à la fin de mon rapport, diverses mesures de nature à renforcer les effets de levier du nouveau FISAC au profit du commerce rural. Je suis par ailleurs convaincu qu'il existe une réelle possibilité de valoriser les FLACR pour en faire les fonds locaux d'affectation du FISAC décentralisé. Je serais heureux, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous examiniez avec attention cette proposition dans le cadre de vos réflexions.
Au regard de l'actualité, j'ajouterai enfin deux observations, intimement liées au devenir de l'activité commerciale.
D'une part, l'échec du Conseil des ministres de l'Union européenne à parvenir à un consensus sur la réduction du taux de la TVA à 5,5 % pour la restauration traditionnelle est calamiteux. Le Premier ministre a reçu les représentants de cette profession avant-hier : pouvez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, la nature des propos qu'il leur a tenus et nous préciser les moyens dont dispose la France pour sortir de l'impasse actuelle et satisfaire à l'engagement qui avait été pris par le Président de la République ?
D'autre part, les réflexions menées actuellement sur les baux commerciaux inquiètent nombre de commerçants. Etes-vous à même, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous en dire un peu plus sur ce sujet, voire de rassurer les professionnels concernés ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 41 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 6 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il me semble inutile de reprendre les propos de nos excellents rapporteurs sur la structure et les engagements du projet de budget du secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
Certes, il y a diminution des crédits affectés. Toutefois, ce fléchissement tient pour beaucoup à l'abandon d'une politique interventionniste dans le secteur économique, au profit de mesures fiscales visant les entreprises et tendant à leur restituer des moyens financiers et à leur rendre leurs capacités à se développer. Il n'y a donc pas lieu de s'alarmer.
Ce tassement budgétaire est également dû, monsieur le secrétaire d'Etat, à une gestion rigoureuse des crédits d'intervention, car « partout où une diminution des crédits a été possible sans nuire à l'efficacité de mon action, nous l'avons faite ». Chacun aura compris que je ne fais que vous citer ! (Sourires.)
Néanmoins, certains ajustements me semblent indispensables.
Ainsi, je voudrais évoquer la situation extrêmement préoccupante du centre technique régional de la consommation, le CTRC, et de son antenne belfortaine. Le montant de la subvention de financement accuse une baisse de 32 %, et la suppression du financement des actions spécifiques de l'antenne menace l'existence même des deux entités. La dernière part de la subvention votée en 2002 a été versée le 20 décembre dernier, ce qui a contraint le président du CTRC à contracter des emprunts pour pouvoir assumer les charges de personnel. Pour l'année à venir, une situation de cessation de paiement dès le mois de juillet est prévisible.
L'utilité du centre et de son antenne appelle l'attribution de crédits leur permettant non seulement d'assurer leur fonctionnement, mais aussi de conduire des actions correspondant à leur raison d'être. M. le rapporteur spécial avait déjà, l'an passé, regretté la fermeture de certaines antennes départementales ; cette année, il déplore que ce mouvement se poursuive, alors que la présence sur le terrain de ces organismes est indispensable.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ce projet de budget autorisera-t-il, pour 2004, le CTRC à poursuivre l'accomplissement des missions qui lui sont attribuées ?
Dans le cadre de l'aide à la formation professionnelle, et compte tenu de l'importance accordée à la création d'entreprise, votre département ministériel, monsieur le secrétaire d'Etat, a décidé de soutenir davantage les stages de formation des créateurs et repreneurs d'entreprises commerciales. L'honnêteté veut que l'on souligne les effets très bénéfiques de la mise en oeuvre de la loi pour l'initiative économique, qui a stimulé fortement les initiatives dans le domaine. Les résultats enregistrés sont les meilleurs depuis près d'une décennie.
Avec un décalage par rapport aux Etats-Unis, commence à se développer en France la méthode du coaching individuel ou collectif, qui trouve aujourd'hui une légitimité de plus en plus grande au sein de l'entreprise, après avoir d'abord concerné, de façon plus classique et avec succès, le monde du sport. Elle s'adresse à des équipes regroupées autour d'un projet commun afin de capitaliser les points forts. La définition et le partage d'un nouveau socle de référence conduisent à créer un collectif fort qui fait gagner l'entreprise.
Ces techniques regroupées sous une terminologie anglo-saxonne mériteraient d'être incluses dans les formations pouvant faire l'objet des aides publiques lors de signatures de conventions ou à l'occasion d'un congé individuel de formation sous-tendu par une recherche d'amélioration professionnelle ou personnelle. S'il est prématuré d'espérer dès maintenant une réponse fondée à cet égard, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous puissions en parler très prochainement, car il ne conviendrait pas d'ignorer un outil performant.
Depuis trois années consécutives, vous voulez bien honorer de votre présence le colloque annuel que j'ai institué sur le thème central du tourisme et des métiers d'art. Je vous en remercie de nouveau bien vivement.
Cette année, la déclinaison portait sur la formation initiale, que vous soutenez d'une façon très dynamique à travers les actions menées grâce au Fonds national de promotion et de communication de l'artisanat, le FNPCA. En effet, mener une réflexion sur la formation initiale aux métiers d'art ne répond pas qu'au seul souci d'adapter les méthodes et les contenus aux nécessités du moment ; il s'agit aussi de se placer dans une perspective économique à moyen terme, pour répondre aux besoins de l'avenir.
Dès 2001, j'appelais de mes voeux l'organisation d'une journée des métiers d'art. Un an après, cet événement s'est tenu, le 29 novembre. Y ont participé cent cinquante professionnels et centres de formation spécialisés, qui ont ouvert leurs portes aux jeunes, nombreux à être intéressés.
Toujours grâce au FNPCA, une campagne radiophonique et de pressse a précédé la semaine nationale de l'artisanat. En dehors de ces actions ponctuelles, saluons un travail de fond pour la promotion de ces formations par une présence dans les établissements scolaires, matérialisée par des supports pédagogiques.
Depuis plus d'un an, je mûris le projet - qui a retenu l'attention de M. Christian Poncelet et obtenu son soutien - d'installer mille artisans dans les jardins du Luxembourg, au printemps prochain, pendant quarante-huit heures d'affilée. Vitrine du savoir-faire et du talent, cette manifestation sera l'occasion de découvrir, à travers un parcours présentant les régions, les défenseurs de notre culture séculaire, mais aussi les acteurs de son adaptation continue à la modernité. En effet, ces artistes et artisans savent subtilement associer les traditions héritées du passé aux techniques du présent, au service de la création et de la restauration.
Il me serait agréable de savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, si ce projet, qui allie promotion et communication, peut recevoir l'aide du FNCPA.
La majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous savons que les petites et moyennes entreprises sont, en termes d'emplois, d'aménagement du territoire et de développement économique local, une donnée essentielle.
Nous savons combien la petite entreprise artisanale, le petit commerce en zone rurale constituent un facteur de consolidation du tissu économique local, en même temps qu'il produit du lien social.
Dans bien des départements ruraux ou dans certaines zones périurbaines, les petites entreprises sont un rempart contre la désertification rurale et la marginalisation économique.
Nous avons ainsi pu observer que, dans les conjonctures déprimées, le tissu des PME pouvait jouer, en termes d'emplois, un rôle d'amortisseur.
Alors que nous venons de frôler dangereusement la récession et que tout militerait en faveur d'un budget important, nous constatons que tel n'est, hélas ! pas le cas. Le budget consacré aux PME, au commerce et à l'artisanat est modique : 170,8 millions d'euros. Qui plus est, il subit une baisse draconienne de près de 7 % par rapport à l'année dernière, cette baisse étant l'une des plus fortes de tous les ministères, même si nous avons pu noter que le périmètre de ces crédits a changé compte tenu de la budgétisation de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA, l'an passé.
Cette diminution pour 2004 ampute des aides essentielles à destination des plus petites de nos entreprises qui, dans le contexte récessif actuel, connaissent pourtant de graves difficultés.
Ce sont surtout, par ailleurs, les crédits affectés aux actions menées en faveur de la formation en général qui subissent des coupes importantes. Le financement de la formation professionnelle est ainsi réduit de plus de 26 %. Les aides destinées aux stages de longue durée, celles qui sont consacrées aux centres de formation et celles qui concernent la formation de ceux qui se lancent dans la création de leur propre entreprise, subissent de nettes diminutions, au total de l'ordre de 14 %.
Peut-être m'objecterez-vous que, comme notre collègue Cazalet l'écrit dans son rapport, cette baisse s'inscrit dans la ligne de conduite budgétaire privilégiée par M. le secrétaire d'Etat, qui consiste à favoriser l'initiative individuelle et collective et non la politique de subvention. Or nous savons que la formation est l'un des facteurs clés de la pérennisation des entreprises nouvellement créées. En effet, 40 % des entreprises créées disparaissent au bout de trois ans, dont près de la moitié quand le créateur était chômeur. Les aides à la formation sont donc essentielles pour le développement et la création des PME.
Il semble d'ailleurs que ces mesures provoquent déjà de vives inquiétudes chez de nombreux professionnels et artisans, qui ont recours à la formation en alternance et à l'apprentissage pour transmettre le savoir dans leurs professions et pour contribuer à la qualification de la main-d'oeuvre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, comment ne pas souligner que, une fois de plus, ce sont les petites entreprises, l'artisanat, qui sont sacrifiés dans votre budget, les crédits en leur faveur diminuant d'un tiers ? L'artisanat, qui représente pourtant 2,3 millions d'emplois, était déjà le laissé-pour-compte de votre loi pour l'initiative économique.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Oh ! C'est incroyable !
Mme Odette Terrade. Quel effet de levier attendre quand la ligne « Action économique » est diminuée de 33,5 % ?
Votre politique se limite, en vérité, à déréglementer plus encore le marché du travail, à faire sauter tout ce qui pouvait constituer une « rigidité », ces rigidités étant, bien entendu, toujours sociales.
Ainsi, nous apprenons que le « chèque emploi petite entreprise », qui a fait l'objet de vives contestations lors de l'examen de votre projet de loi pour l'initiative économique, devrait être mis en oeuvre par voie d'ordonnance en décembre.
Le nouveau dispositif « titre emploi simplifié entreprise », TESE, verra, qui plus est, son champ d'application étendu des entreprises de moins de trois salariés à celles qui comptent moins de dix salariés.
Comme nous l'avions souligné à l'époque, ce type de chèque en blanc permettra le retour d'une main-d'oeuvre de « tâcherons » et risque, dans le même temps, de favoriser le développement du travail clandestin.
Nous sommes donc au coeur de la régression sociale et de votre politique, qui, et je reprends vos propres termes, se résume ainsi : « moins d'aides, plus d'air », ce qui n'est guère de nature à revivifier le tissu des PME. La pérennité de celles-ci suppose des moyens de financement adaptés, que la logique actuelle de domination des marchés financiers ne permet pas. Les exonérations fiscales, si elles peuvent inciter à la création d'entreprises, ne sont certainement pas la clé de leur survie dans un contexte particulièrement déprimé. En revanche, elles ont pour effet immédiat de remettre en cause notre protection sociale.
La fragilité des PME est liée à la pression toujours plus forte concernant les coûts, les délais, les exigences de flexibilité et de malléabilité qu'exercent les donneurs d'ordre. En ce domaine, vous n'avez pas non plus apporté de solutions pour stabiliser l'environnement des PME.
Bref, la régression de ce budget est révélatrice de votre politique de laisser-faire, que nous ne pouvons cautionner. C'est la raison pour laquelle le groupe communiste républicain et citoyen votera contre le budget réservé aux PME, au commerce et à l'artisanat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Je le regrette !
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je m'exprime au nom de M. Serge Mathieu, qui a dû rejoindre son département.
Avec un montant de crédits de près de 171 millions d'euros pour 2004, le budget consacré à la politique en faveur des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat s'inscrit dans une démarche globale qui inclut notamment l'application de la loi pour l'initiative économique et ses mesures d'allégement de charges fiscales et sociales, dont le montant cumulé dépasse celui du secrétariat d'Etat.
Votre bilan, monsieur le secrétaire d'Etat, est déjà remarquable puisque vous êtes parvenu à redonner une impulsion forte à l'esprit d'entreprise, en allégeant les formalités qui alourdissaient la création d'une activité, en mettant en place un minimum de protection du patrimoine personnel de l'entrepreneur contre les revers du sort, et en ouvrant des canaux nouveaux de financement à ceux qui prennent le risque de lancer leur propre affaire.
Tous les efforts doivent désormais aller au comblement du déficit encore patent en matière de formation et de transmission.
L'enjeu consiste, d'une part, à permettre aux petites entreprises de trouver sur le marché du travail du personnel qualifié et, d'autre part, à encourager l'émergence de repreneurs lorsque l'âge de la retraite arrive pour le dirigeant.
Côté formation, nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en 2004 votre action en ce domaine mettra l'accent sur la réorganisation de l'apprentisage, et nous nous en félicitons. En effet, face à la crise que traverse actuellement l'apprentissage, vous venez de publier un Livre blanc contenant pas moins de cinquante mesures pour réformer ce dispositif de formation et pour le relancer.
Côté transmission, la situation est plus que préoccupante, car ce sont 500 000 entreprises qui devront changer de main dans les dix prochaines années. Cette vague générale des départs à la retraite des chefs d'entreprise traduit, dans l'univers de la vie des entreprises, l'effet de vieillissement démographique qui atteint toute la société française. Cette situation se combine à un problème d'une particulière acuité : la reprise des petits établissements de commerce et d'artisanat en milieu rural.
La couverture du monde rural en activités de services de nature commerciale ou artisanale se réduit d'année en année, ce qui accélère le cercle vicieux de la désertification des campagnes.
En trente ans, le petit commerce français a subi un bouleversement considérable résultant, pour l'essentiel, du développement de la grande distribution. Le nombre de petites entreprises de commerce a ainsi très fortement diminué, en particulier dans le domaine alimentaire, qui constitue le premier secteur du commerce de proximité.
Aujourd'hui, près d'une commune sur deux n'a aucun commerce de proximité. Avec la disparition de l'activité économique, ce sont aussi les services de proximité et le lien social qui disparaisent. Il faut donc mener une action toute particulière en faveur du commerce de proximité.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous comptons beaucoup sur votre intervention dans ce domaine, notamment dans le cadre du proje t de loi relatif au développement des territoires ruraux, que le Sénat examinera prochainement.
Cette évolution touche également les commerces de centre-ville, où les difficultés tiennent également à l'inflation du prix des fonds de commerce et de ceux du foncier.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. C'est vrai !
M. Joël Bourdin. Cette situation désavantage gravement les commerces de bouche, dont la rentabilité, nettement plus faible que celle des activités de service, ne leur permet pas de se maintenir au coeur des villes.
Ne convient-il pas, monsieur le secrétaire d'Etat, de définir de nouveaux outils d'intervention, tel le droit de préemption sur les fonds de commerce ?
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. J'y pense !
M. Joël Bourdin. Si la loi pour l'initiative économique vise à créer un contexte plus favorable pour la transmission, le maintien d'activités en milieu rural appelle cependant des mesures complémentaires spécifiques, au nombre desquelles figure l'accélération de la procédure d'attribution des aides du fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC.
Il faut donc se féliciter du maintien à 71 millions d'euros des dotations du FISAC dans le projet de budget pour 2004. La volonté de soutenir les artisans et les commerçants se traduit en effet dans les crédits du FISAC, dont le financement est pérennisé grâce à la budgétisation.
Comme pour le FISAC et le comité professionnel de la distribution du carburant, la budgétisation de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat a conduit à inscrire dans le budget du secrétariat d'Etat les crédits relatifs au versement de l'indemnité de départ accordée aux commerçants et aux artisans. Ces mesures d'aide sociale d'accompagnement au départ des commerçants et artisans sont inscrites dans le projet de budget pour 2004, pour 40 millions d'euros.
Enfin, nous nous félicitons de voir le taux de TVA de 5,5 % prolongé, peut-être même pérennisé, pour les travaux portant sur les logements et les services d'aide à la personne. Cette mesure a montré son efficacité en termes d'activité et de création d'emplois, et a permis de lutter contre le travail dissimulé.
Par ailleurs, nous savons que le Gouvernement tiendra scrupuleusement ses engagements en ce qui concerne l'application du taux de TVA unique à 5,5 % pour le secteur de la restauration. Depuis longtemps réclamée par la profession mais toujours repoussée, l'application du taux réduit dans l'ensemble du secteur de la restauration est aujourd'hui entrée dans une phase active, sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre. Cette mesure pourra entrer en vigueur dès que l'Union européenne l'aura autorisée. Mais, je crois savoir - peut-être nous donnerez-vous des indications à ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat - que les négociations sont en bonne voie.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que M. Serge Mathieu et moi-même, au nom du groupe UMP, continuerons de soutenir avec confiance l'action du Gouvernement dans le domaine de l'initiative économique, et nous voterons le budget du secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les dirigeants des petites et moyennes entreprises sont inquiets du contexte économique et budgétaire de la France. Ils savent ce que l'on attend d'eux au moment où les grandes entreprises continuent de licencier massivement.
Leurs entreprises, qui, sur le territoire métropolitain, comptent, pour près de 97 % d'entre elles, moins de vingt salariés, ont vu progresser le nombre de leurs salariés de près de 9 % au cours des dix dernières années, alors que l'emploi dans les grandes entreprises diminuait de 2 % et que les derniers chiffres du chômage sont désormais alarmants, puisque notre pays compte 9,7 % de demandeurs d'emploi.
Il y a tout juste un an, rappelant que, dans une situation économique délicate, l'artisanat demeure un moteur de l'emploi, le Premier ministre a proposé un contrat d'objectif : créer 500 000 emplois dans l'artisanat d'ici à 2007, soit 100 000 emplois par an.
Voilà dix jours, il a de nouveau repris cette idée visant la création de 500 000 postes de salariés avec le lancement du « chèque emploi petite entreprise », réservé aux entreprises de moins de dix salariés.
Certes, cette mesure de simplification est intéressante et nous attendons des précisions sur ses modalités d'application. Nos réserves proviennent cependant du fait que « lever les freins psychologiques », comme le dit le Premier ministre, sera insuffisant pour créer de l'emploi. Si ces entreprises, très petites pour la plupart, ont été des moteurs ces dix dernières années - et le Gouvernement fonde beaucoup d'espoir sur elles - elles ne créent plus d'emplois actuellement.
Selon l'INSEE, la croissance française sera, cette année, inférieure à celle de la zone euro, et se situera autour de 0,2 %, contre les 2,5 % prévus dans la loi de finances initiale pour 2003. Pour 2004, le Premier ministre prévoit une croissance de 1,7 % à 2 %, et nous savons désormais combien il est optimiste en la matière. Or nombre d'économistes estiment qu'une croissance supérieure à 3 % est nécessaire pour que soient créés les 500 000 emplois envisagés. Le problème est sans doute posé à l'envers : une entreprise crée de l'emploi si elle a de bonnes perspectives, ce qui n'est, pour l'instant, pas le cas.
Vous nous annoncez sans ciller, monsieur le secrétaire d'Etat, un budget de 170,8 millions d'euros, c'est-à-dire un budget qui accuse une baisse supérieure à 6,5 % par rapport à l'année dernière. Lors des différentes occasions qui vous ont été offertes pour présenter votre budget, vous avez systématiquement « botté en touche ». Vous êtes le tenant du titre pour la plus forte baisse de crédits, et à vous entendre ce serait le signe même d'une reconnaissance de bonne gestion et de bon travail, en quelque sorte une récompense.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Effectivement !
M. Bernard Dussaut. L'optimisme est décidément de rigueur au Gouvernement.
Les crédits d'intervention en faveur du commerce, de l'artisanat et des services poursuivent leur baisse et passent de 158 millions d'euros à 145 millions d'euros. Pour la deuxième année consécutive, ces crédits diminuent de 9 %.
Parmi eux, les crédits destinés à l'action économique sont de nouveau particulièrement touchés. Ils régressaient de 23 % l'année dernière, la régression continue. Vous leur consacrez 6,5 millions d'euros alors qu'ils s'élevaient à plus de 12 millions d'euros dans la loi de finances pour 2002 présentée par votre prédécesseur.
Pour le FISAC, 71 millions d'euros sont maintenus, mais nous savons tous que des crédits maintenus sont, en réalité, des crédits en baisse si l'on prend en compte l'inflation. C'est donc la première fois depuis près de cinq ans qu'ils n'augmentent pas. Je me permets de vous rappeler que la progression entre 1997 et 2002 a été de 46 % !
La répartition qui a été retenue, privilégiant pour 49,5 millions d'euros les actions territoriales, est une bonne chose dans un contexte préoccupant pour le maintien des activités de proximité.
Nous comprenons toutefois les inquiétudes du comité professionnel de distribution de carburants, qui voit les crédits qui lui sont destinés baisser de 16 %. Pourtant, ce comité permet de maintenir le maillage de la distribution de carburants, notamment en milieu rural. Il est essentiel de ne pas créer une situation dans laquelle nous serions complètement dépendants des grandes surfaces.
A ce propos, le décret du 7 octobre dernier ouvrant la publicité aux enseignes de grande distribution sera extrêmement préjudiciable à nos commerces de proximité. Il ne peut que favoriser encore les grandes surfaces, dont le réseau français est déjà le plus dense d'Europe.
Pourtant, les difficultés des commerçants sont bien réelles, et nous regrettons vivement que les aides au départ soient également en diminution.
A ce moment de mon intervention, je souhaite faire part de la réaction très réservée des artisans ruraux à l'égard du projet de loi sur le développement des territoires ruraux, déposé par M. Gaymard et qui sera examiné à la fin du mois de janvier prochain par nos collègues de l'Assemblée nationale.
Le monde artisanal est un moteur économique essentiel du monde rural. Il est le premier employeur en milieu rural et il est très concerné par l'effort de revitalisation des espaces ruraux, auquel il contribue. Le poids de l'artisanat en termes d'emplois est supérieur à celui des agriculteurs.
Il ne s'agit pas là de mettre dos à dos artisans et agriculteurs. En revanche, il me semble essentiel que cette réalité soit prise en compte, ce qui n'est pas le cas dans ce texte, et nous vous engageons, monsieur le secrétaire d'Etat, à le rappeler à M. le ministre de l'agriculture afin que le monde artisanal soit reconnu comme pilier majeur du monde rural.
Il faut que les inégalités qui perdurent selon qu'une activité est exercée par un agriculteur pluriactif ou par un artisan disparaissent.
Le profil ascendant de la création d'entreprise dans notre pays est réel, mais les reprises et les transmissions ralentissent. Tout le monde s'accorde à souligner l'importance de la continuation d'une activité ancienne. Cela a des incidences en termes d'aménagement du territoire, de vitalité économique et en termes d'emplois.
Pour aider ces repreneurs, les artisans suggèrent que tout actif en âge de faire valoir ses droits à la retraite puisse, s'il transmet son entreprise, continuer d'y intervenir pour faire part de son savoir et former le repreneur. Il faut, en outre, accompagner les transmissions d'entreprise par une aide systématique à la formation.
La pénurie de main-d'oeuvre dont souffrent certains secteurs et le déficit démographique qui s'annonce à l'horizon 2006 sont préoccupants et la formation est, bien entendu, au centre de toutes les réflexions.
Les crédits consacrés aux aides à la formation, qui représentent 24 % des crédits du secrétariat d'Etat, diminuent de 13,78 %. Ils avaient déjà régressé de 6,4 % l'année dernière. Les crédits réservés à la formation professionnelle dans le budget présenté par M. Fillon suivent la même courbe.
Au moment où un accord interprofessionnel a été signé et où la discussion d'un projet de loi relatif à la formation professionnelle va s'engager, nous regrettons vivement que le Gouvernement n'y consacre pas les moyens nécessaires.
L'artisanat est le premier formateur des apprentis. C'est un outil formidable d'insertion des jeunes par l'activité économique. Le Gouvernement s'attache à ce dossier de l'apprentissage, dossier vital pour l'avenir de nos petites et moyennes entreprises.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes chargé de piloter cette réforme. Nous attendons vos propositions, nous les étudierons avec attention.
Les femmes, qui sont très nombreuses à codiriger les entreprises artisanales, réclament un réel statut de codirigeant, un statut reconnaissant officiellement leur travail comme égal à celui du chef d'entreprise et qui tienne compte des responsabilités et des implications qu'elles assument. Le statut de conjoint collaborateur ne les satisfait pas, elles le trouvent peu valorisant et trop dépendant de l'époux ; quant au statut de conjoint salarié, il est également insuffisant.
Le 28 mars dernier, la Commission européenne, lors d'un forum sur l'esprit d'entreprise féminin, a présenté les résultats d'une étude sur les bonnes pratiques en matière de création d'entreprise par les femmes. Si celles-ci ne représentent que 28 % des chefs d'entreprise, leurs entreprises sont cependant plus durables.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous préparez une deuxième loi pour l'initiative économique. Qu'entendez-vous proposer aux conjoints collaborateurs ?
Vous avez annoncé que figureraient dans ce texte des dispositions tendant à faciliter l'accès des PME aux marchés publics. Face au tollé suscité par la dernière réforme du code des marchés publics et aux inquiétudes persistantes chez les artisans du bâtiment, nous attendons avec impatience des précisions.
Le seuil de 240 000 euros pour les passations de marchés sans formalités préalables, qui figure dans le projet de décret, inquiète. Les professionnels du bâtiment estiment qu'il aura les mêmes effets que le seuil de 6,2 millions prévu initialement.
Par ailleurs, où en sommes-nous s'agissant de la prorogation du taux réduit de TVA à 5,5 % sur les travaux de rénovation de l'habitat privé ? Il semblerait que l'optimisme qui prévalait à ce sujet il y a à peine un mois ne soit plus de mise, malgré la confirmation avant-hier par le Premier ministre d'une TVA à 5,5 % dans le bâtiment.
Quant à la baisse de la fiscalité indirecte dans l'hôtellerie-restauration, elle paraît elle aussi compromise. A trois semaines de la nouvelle année, dirigeants d'entreprise et particuliers doivent pouvoir savoir à quoi s'en tenir.
Pour reprendre mon propos liminaire relatif aux objectifs de création d'emplois fixés par le Premier ministre, je ne puis m'empêcher de penser que les conditions de la création d'emplois résulteront plus, dans un premier temps, des possibilités d'accès aux marchés que dans le chèque emploi-entreprise, même si celui-ci, en termes de simplification, demeure intéressant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les crédits proposés pour votre département ministériel ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés. S'assigner des missions est une chose, encore faut-il s'en donner les moyens.
Ce secteur économique dynamique dont vous avez la responsabilité ne se satisfera pas seulement des baisses de charges. Nous attendons votre deuxième projet de loi relatif à l'initiative économique, qui ne sera pas, nous l'espérons, l'occasion de faire passer d'autres dispositions profitant aux plus aisés. Il nous est difficile d'oublier l'ISF !
Pour l'heure, le groupe socialiste ne votera pas votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président. M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 4 décembre 2003, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.
LOI DE FINANCES POUR 2004
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.
Economie, finances et industrie (suite)
PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES,
M. le président. Dans la suite de l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat, la parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Malgré la modicité des crédits qui lui sont affectés, votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, recouvre un champ d'intervention très large. Il est en effet destiné à aider et à favoriser la création, la reprise et le développement des petites et moyennes entreprises, tout en assurant une bonne part de formation. Ses missions concernent par conséquent un domaine économique à la fois vaste et dynamique.
Pour compenser la modicité des moyens mis à votre disposition, vous avez eu le mérite d'engager une politique volontariste ayant pour objectif d'infléchir la conjoncture en améliorant l'environnement juridique et fiscal de ces entreprises. Cette politique était nécessaire, car, en ce qui concerne la création d'entreprises, la France accuse encore un net retard au regard de l'ensemble des pays européens.
Mais la loi pour l'initiative économique, dont un grand nombre de dispositifs se mettent actuellement en place, paraît avoir relancé la confiance, avec une augmentation de 5,4 % du nombre de créations au premier trimestre de l'année 2003. C'est tout à fait significatif.
En cette période de rigueur budgétaire et dans un monde où les grandes entreprises sont confrontées à une vive compétition, il me semble important de rappeler que les PME et les très petites entreprises forment un ensemble économique particulièrement favorable à l'emploi : en 2002, le secteur de l'artisanat a embauché 100 000 personnes alors que, dans le même temps, 140 000 emplois étaient supprimés.
Bien sûr, une partie de ces bons résultats doit beaucoup à l'application, depuis le 1er janvier 2000, du taux de TVA à 5,5 % sur les travaux du logement. C'est pourquoi nous espérons voir enfin appliquée l'instauration de la TVA à 5,5 % sur la restauration, mesure sur laquelle revient chaque année le groupe de l'Union centriste.
Est-il nécessaire de rappeler que la restauration, qui représente 800 000 actifs, constitue près de 4 % de la population active ?
Je dois vous faire part, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'inquiétude de nombreux élus de zones rurales concernant les conditions de reprise du dernier commerce. Dans les plus petites communes, notamment en zone de montagne - mon collègue et ami Jean Boyer, sénateur de Haute-Loire, connaît bien ce sujet -, il est souvent beaucoup demandé à la collectivité, qui, par définition, a très peu de moyens.
Vous avez amélioré l'intervention du FISAC pour les communes de moins de 2 000 habitants : c'est une très bonne chose. Ne serait-il pas possible d'y ajouter un couplet pour les petites communes situées en zone de revitalisation rurale ? Dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, que nous allons examiner au début de l'année 2004, il serait souhaitable de faire figurer la prise en compte de ces questions.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la compétence générale de votre secrétariat d'Etat porte sur l'artisanat, le commerce et les services. Je m'intéresserai toutefois plus particulièrement à l'artisanat, qui a l'intérêt d'être transversal par rapport aux secteurs économiques que sont l'industrie, le commerce, les services et le bâtiment.
Avec 840 000 entreprises, l'artisanat représente une entreprise sur trois et emploie 2,4 millions de personnes, soit 10 % de la population active.
Aujourd'hui, 60 % des artisans emploient des salariés : quatre salariés et demi en moyenne. Il s'agit par conséquent d'un gisement d'emplois non négligeable, qui n'attire toutefois pas suffisamment les jeunes, catégorie pourtant touchée par le chômage. De plus, avec l'allongement de l'espérance de vie, le secteur des entreprises de soins et services à la personne est appelé à un grand avenir. Enfin et surtout, avec le « papy boom », dans les dix années à venir, il y aura 400 000 entrepreneurs et 600 000 salariés, soit un million d'actifs, à remplacer. C'est considérable.
Ces données sont un message à la fois d'espoir et d'alerte.
En effet, comment former assez de personnel qualifié pour des secteurs et des métiers aussi divers, alors que certains d'entre eux manquent déjà de main-d'oeuvre ?
Deux objectifs se dégagent : mieux informer, mieux former les candidats entrepreneurs afin de réduire le nombre des échecs : 40 % d'entreprises qui disparaissent dans les cinq premières années, c'est beaucoup trop !
Il faut par ailleurs favoriser les transmissions d'entreprises, puisque, dans ce cas, il y a deux fois moins d'échecs.
Il faut également informer les jeunes sur les viviers d'emplois trop ignorés et améliorer la formation initiale et professionnelle.
En outre, une formation renouvelée tout au long de la vie professionnelle est devenue indispensable. L'évolution est très rapide dans la plupart des métiers. Les matériaux, les technologies évoluent, les demandes des clients également. Il faut s'adapter, se former. Or seulement 5 % des artisans suivent une formation durant leur vie active, contre 15 % pour les autres catégories socioprofessionnelles.
Dans le domaine de la formation professionnelle, d'énormes progrès doivent encore être réalisés. Les politiques menées ont toujours eu des objectifs à court terme, sans évaluation des besoins réels. De plus, la baisse de presque 7 % de vos crédits d'intervention pénalise principalement la formation. Nous aimerions avoir l'assurance que la formation constituera prochainement une priorité du Gouvernement.
J'aimerais souligner à ce sujet que le projet de loi de finances, placé sous le signe de la contrainte budgétaire, met en danger le fonctionnement d'instituts et d'organismes créés sur l'initiative de différents secteurs économiques comme, dans mon département, le textile et l'horticulture. Ces établissements, qui ont su tisser un réseau de compétences et assurer l'adaptation des métiers en facilitant l'accès à l'innovation, sont actuellement en grande difficulté.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la formation professionnelle mérite que vous y apportiez très vite tout le volontarisme et le pragmatisme que vous avez su mettre dans l'incitation à la création d'entreprises et la réorganisation de l'apprentissage, action que vous venez d'entreprendre.
Lorsque vous avez annoncé l'ouverture d'un « chantier sur l'apprentissage » fondé sur une large concertation, j'ai aussitôt souhaité faire partie du groupe de travail constitué de parlementaires volontaires. En prenant connaissance des propositions et des réflexions des chambres de commerce et de métiers et des organismes de mon département qui ont participé à la concertation, je me suis rendu compte de l'importance de la tâche.
Depuis quelques années, l'apprentissage en tant que filière de formation initiale connaît une désaffection certaine. Il souffre d'une mauvaise image. C'est une voie jugée dévalorisante, subie plus que choisie, et avant tout déterminée par un sentiment d'échec scolaire.
Chaque année, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme, dont 57 000 sans qualification. Dans le même temps, les artisans et les commerçants rencontrent des difficultés pour recruter, notamment dans le secteur du bâtiment, de la restauration et des métiers de bouche, mais aussi dans les métiers à haute technicité.
Rappelons que l'apprentissage est une formation qui favorise l'insertion professionnelle. C'est une filière diplômante débouchant sur des métiers qui non seulement garantissent l'emploi, mais aboutissent souvent sur une activité de chef d'entreprise.
Toutefois, une orientation scolaire, un métier, un projet professionnel demandent, pour se construire, un certain temps. Dès la classe de quatrième, les élèves doivent pouvoir choisir en ayant déjà une idée précise des filières et des métiers. Nous devons donc multiplier les conseils et les contacts en entreprise ou auprès des centres de formation des apprentis, les CFA.
Faisons progresser l'aide aux familles, multiplions les passerelles entre le monde de l'entreprise et le milieu scolaire afin que chacun puisse améliorer son information, sa formation et ses qualifications ! Avoir le choix, savoir que de nouvelles orientations ou formations sont toujours possibles change totalement chez le jeune la perception de sa future vie professionnelle !
Je conclurai sur cette note d'espoir, parce que je suis convaincu que l'ensemble des mesures que vous avez déjà fait adopter ou qui sont encore à l'étude va participer à améliorer encore le dynamisme économique d'un secteur vital à notre croissance.
Le groupe de l'Union centriste, monsieur le secrétaire d'Etat, vous apporte, bien entendu, tout son soutien.
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'occasion de l'une de vos premières allocutions en tant que secrétaire d'Etat, vous avez déclaré que les « petites entités économiques sont et demeureront la clé de voûte d'une activité économique à taille humaine, respectueuse de l'homme et de son environnement ». Je ne peux qu'approuver cette analyse.
Reste à savoir si vous offrez effectivement aux petites entreprises et aux artisans les moyens de subsister dans l'environnement économique très libéral qui s'annonce, au vu d'un certain nombre de propositions gouvernementales.
Lorsque vous avez présenté votre budget à nos collègues députés, vous avez, non sans une certaine fierté, annoncé : « Les crédits de mon ministère diminuent de 6,85 % grâce à une gestion rigoureuse, réservant les crédits à l'essentiel. »
Je dois avouer que, sur ce terrain, je vous suivrai moins volontiers car, concernant « l'essentiel », comme vous dites, il apparaît clairement que votre ministère peine à tenir ses promesses.
En ce sens, je souhaite insister sur l'un des volets de votre budget, celui de l'aide à la formation.
En effet, à partir de 2005, notre pays va subir un choc démographique sans précédent, puisque, en moyenne, 850 000 actifs par an partiront à la retraite, alors que les jeunes arrivant sur le marché du travail seront moins nombreux et ne disposeront pas forcément d'une formation adaptée aux besoins des entreprises.
De nombreux secteurs sont déjà touchés par une grave pénurie de main-d'oeuvre : l'artisanat en général, le secteur du bâtiment et des travaux publics - c'est bien connu - et les métiers de bouche.
Or que constate-t-on ? En 2003, les crédits d'aides à la formation ont accusé une baisse de plus de 6 %.
Pour 2004, les crédits affectés aux actions de formation des créateurs d'entreprise commerciale, l'aide au fonctionnement des stages de longue durée destinés à former cadres et futurs salariés du secteur du commerce et des services, de même que les subventions de fonctionnement à divers centres de formation, sont en baisse de près de 14 % : la chute est brutale.
La même baisse touche les crédits affectés aux contrats d'apprentissage et aux contrats de qualification. Le financement de la formation professionnelle diminue également de 26 %.
Comment préparer correctement l'avenir si l'on se refuse à mettre des moyens adéquats sur ce volet essentiel que constitue la formation ?
Ce raisonnement vaut aussi, bien entendu, pour ce qui a trait à la création d'entreprises. Vous tablez en effet, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la création d'un million d'entreprises en cinq ans, et pour cela, dans la loi pour l'initiative économique, vous avez multiplié les dispositions avantageuses. Certains les ont qualifiées de « cadeaux fiscaux. »
Or 40 % des entreprises nouvelles disparaissent au bout de trois ans. Dans ces conditions, augmenter les créations d'entreprises ne sert à rien. Mieux vaudrait, à notre sens, former les créateurs, les soutenir et les accompagner.
Nous éprouvons de grandes inquiétudes quant à la pérennité des entreprises créées et à la reprise de certaines autres. Sur ce plan, je suis convaincu que le sacrifice du volet formation aura de lourdes conséquences.
Vous avez déclaré souhaiter « donner de l'air aux entreprises plus que des aides » et vous affichez de grandes ambitions pour les PME françaises. Toutefois, pour soutenir ce pari, les incantations ne suffisent pas. Les pouvoirs publics doivent parvenir à réunir savamment plusieurs ingrédients : l'initiative, la formation, l'accompagnement et le soutien.
En ce qui concerne l'initiative, il est clair que le nombre de créateurs d'entreprises augmente. C'est une bonne chose, nous nous en réjouissons.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Merci !
M. François Marc. Les informations qui paraissent sur ce sujet dans les revues spécialisées, l'organisation de différents salons de la création, constituent autant d'incitations à ce que de telles initiatives prennent corps.
En ce qui concerne l'accompagnement et le soutien, nous n'avons pas non plus beaucoup d'inquiétudes. Les collectivités territoriales - régions, départements, notamment, mais aussi communautés urbaines, communautés d'agglomération ou communautés de communes - ont accompli, ces dernières années des efforts importants pour mettre en place des dispositifs d'accompagnement et de soutien. Et je n'évoquerai pas ici toutes les initiatives prises par les chambres de commerce et les chambres des métiers, qui, elles aussi, apportent un accompagnement et un soutien tout à fait actif aux créateurs.
Reste le volet formation à propos duquel nous sommes très inquiets. Nous connaissons la rapidité avec laquelle les connaissances et les technologies évoluent, mais nous connaissons aussi l'état d'impréparation d'un certain nombre de créateurs dans notre pays. Et, eu égard au taux d'échec que connaissent les entreprises créées depuis trois ans, il faut bien évidemment améliorer très sensiblement les efforts réalisés en matière de formation.
Incontestablement, monsieur le ministre, la formation ne vous semble pas un ingrédient essentiel dans cet acte de créations et de développement d'entreprise. Sur ce point, nous ne pouvons vous suivre.
Nous avons entendu, voilà quelques années, un ministre de l'industrie libéral nous dire qu'il se réjouirait le jour où son ministère n'aurait plus d'intérêt, puisque cela voudrait dire que sa mission avait pleinement réussi, le système libéral ayant pris corps dans le pays. Aussi, nous avons éprouvé une certaine inquiétude en entendant les propos qui ont été tenus ces dernières semaines relativement à la baisse des crédits du secrétariat d'Etat aux PME, parce qu'ils s'inscrivent dans la même logique libérale.
Pour nous, la formation est une exigence fondamentale face au taux d'échec que connaît la France, car ce taux est beaucoup plus élevé qu'ailleurs. Dans ces conditions, nous ne pouvons nous satifaire des crédits prévus dans ce budget. Aussi, nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'examen de ce projet de budget est pour moi l'occasion de revenir sur un certain nombre de points et de rappeler les quatre éléments fondamentaux de mon action.
Le premier, c'est bien évidemment la création et la transmission d'entreprise. Dans ce domaine, on ne peut que noter le remarquable succès du Gouvernement. Les chiffres le prouvent.
Il est assez étonnant de constater que, dans les années qui ont précédé le changement de gouvernement, alors que la croissance était forte, en 1998, en 1999 et en 2000, le nombre d'entreprises créées n'a pas varié. Il y a là une sorte d'anomalie que personne ne peut expliquer, sinon par une ambiance, une atmosphère peu favorable à la création d'entreprise.
Dieu merci, nous avons remédié à cela puisque, depuis une douzaine de mois, le nombre de créations d'entreprises a sensiblement augmenté. Les chiffres sont même de nature à nous conforter dans le sentiment que les Français ont l'esprit d'entreprise. Ce n'est pas l'envie de créer qui leur manque : bien souvent, c'est la possibilité pratique de le faire, de trouver le financement, de se faire accompagner, de se faire aider et sécuriser.
Nous disposons désormais d'un système législatif beaucoup plus favorable à la création et à la transmission d'entreprise.
A ceux que mes crédits inquiètent, je rappellerai que les dispositions contenues dans la loi pour l'initiative économique représentent à elles seules un apport aux entreprises, aux PME, créées ou transmises, équivalent à la totalité du budget du secrétariat d'Etat. Autrement dit, si l'on considérait l'évolution des crédits prévus pour 2004 en faveur des entreprises, on s'apercevrait qu'ils ont doublé, ce qui est sans précédent. En effet, les mesures fiscales prévues par la loi représentent 176 millions d'euros, alors que le budget de mon secrétariat d'Etat représente 170 millions d'euros.
Deuxième élément, la simplification. Sur ce sujet, nous allons bon train. Une ordonnance est en préparation et sera publiée avant la fin de l'année.
Troisième élément, l'apprentissage. C'est un élément essentiel pour assurer la transition d'une génération à une autre. En France, nous avons des métiers sans jeunes et des jeunes sans métier ; il faut donc moderniser l'apprentissage.
Enfin, quatrième élément, un projet de loi en préparation apportera des améliorations sur des points qui ont été évoqués par les différents orateurs.
Je vais maintenant répondre à chacun des intervenants.
Oui, monsieur Cazalet, on peut effectivement mieux gérer les crédits d'un ministère, c'est-à-dire dépenser moins et être plus efficace. L'économie repose, bien souvent, sur la capacité des acteurs à investir, à se développer, à avoir confiance. Or, aujourd'hui, nous constatons que, dans le monde de l'artisanat, du commerce et des PME, la confiance est en train de revenir. Nous aurons probablement de plus en plus d'indicateurs positifs sur le retour de la croissance.
En tout cas, je tiens à vous remercier d'avoir salué les objectifs que je poursuis et souligné qu'ils étaient en voie d'être atteints.
Je remercierai également Gérard Cornu, qui a insisté sur des points très concrets de mon action, et en particulier sur le FISAC.
C'est vrai, le FISAC doit être un levier pour le soutien au commerce et à l'artisanat rural, et nous souhaitons que la décentralisation soit l'occasion, pour cet organisme, de retrouver un nouveau dynamisme. Les aides économiques doivent être évaluées en permanence de façon que leur efficacité soit démontrée.
Gérard Cornu et d'autres orateurs ont insisté sur l'importance de la fixation du taux de TVA à 5,5 % pour deux grands secteurs.
Nous nous battons avec une détermination farouche pour que ce taux soit confirmé pour le secteur du bâtiment et pour qu'il soit enfin accordé au secteur de la restauration. Nous avons réussi à franchir successivement différentes étapes : convaincre le commissaire Bolkenstein, convaincre la Commission, veiller à ce que la présidence italienne inscrive ce sujet à l'ordre du jour du présent semestre. Nous sommes donc engagés dans une négociation et nous en saurons davantage dans quelque temps.
Gérard Cornu a rappelé l'inquiétude qui est née à propos des baux commerciaux. J'ai veillé - j'ai averti du problème mon collègue Dominique Perben - à ce que cette inquiétude soit immédiatement dissipée. Il n'est pas question que la valeur patrimoniale des commerces liée aux baux commerciaux soit mise en cause, à quelque titre que ce soit. S'il s'avère nécessaire de toiletter le droit, des groupes de travail créés à cet effet s'y attelleront, sans que cela puisse inquiéter les acteurs économiques du commerce.
Bernard Joly m'a saisi des difficultés du centre technique régional de la consommation, le CTRC, de Belfort. Je lui répondrai que nous avons obtenu récemment des dégels de crédits pour le soutien aux associations de consommateurs. Certes, les crédits affectés aux CTRC diminuent de 13 % par rapport à 2002, mais ils augmentent de 24 % par rapport à 2001. Il y a donc au total une amélioration de soutien qui est apporté aux CTRC ; je veillerai particulièrement à la situation du centre de Belfort.
En ce qui concerne le fonds national de promotion et de communication de l'artisanat, le FNPCA, nous veillons à ce qu'il apporte tout son soutien au développement de l'artisanat. Il est en effet indispensable de soutenir toutes les actions qui favorisent la communication sur le monde de l'artisanat.
A cet égard, je salue l'initiative qui consiste à réunir au printemps prochain, ici même au Sénat, un millier d'artisans ; cette maison a toujours été très ouverte au monde de l'entreprise, et notamment à celui des très petites entreprises.
Mme Terrade m'a interrogé sur les crédits de formation.
Il me semble que vous vous méprenez lorsque, les uns et les autres, vous évoquez des baisses fortes et inquiétantes des crédits de formation. En réalité, mon ministère ne contribue que pour une goutte d'eau à la formation de l'ensemble des acteurs de l'artisanat et du commerce. J'en veux comme seule preuve le fait que les fonds d'assurance formation, les FAF, qui financent la formation des artisans et des commerçants, ne sont pas inscrits au budget du secrétariat d'Etat aux PME.
J'en viens au TESE - le titre emploi simplifié entreprise - autrement dit le chèque emploi-entreprise qui est un élément très important de simplification. Là encore, ne nous méprenons pas : il ne s'agit nullement d'une modification du droit des salariés, il s'agit simplement d'une simplification des formalités.
Le chèque emploi-entreprise doit permettre aux employeurs, notamment aux plus petits d'entre eux, d'embaucher plus facilement grâce à une simplification des formalités : déclarations d'embauche, contrats de travail, bulletins de salaire, déclarations sociales et déclarations fiscales ; autant d'éléments qui compliquent l'acte d'embauche et qui, parfois, peuvent constituer un frein dissuasif.
M. Joël Bourdin m'a questionné sur les nouveaux outils qui permettraient de maintenir le commerce de centre-ville. C'est là une cause extrêmement importante. Il nous faut veiller à ce que nos centres-villes continuent à vivre et, pour cela, à ce que certains commerces soient soutenus.
Je pense en particulier aux commerces de bouche, qui sont la couleur de nos centres-villes. Nous avons des rues comportant uniquement des boutiques de services, notamment de téléphonie, d'assurance, ou des banques. C'est très bien, mais il importe aussi d'avoir des boulangers, des pâtissiers, des bouchers et, surtout, que ce commerce de bouche reste au coeur de nos villes.
C'est la raison pour laquelle j'ai entrepris une réflexion sur de nouveaux outils qui permettraient d'apporter un soutien, peut-être plus énergique encore, au maintien du commerce de proximité en centre-ville.
M. Bernard Dussaut m'a interrogé sur la croissance.
Nous sentons revenir la croissance.
M. Marc Massion. Je ne sens rien !
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Il est d'ailleurs parfois un peu étonnant de constater le décalage qui existe entre les éléments objectifs qui décrivent notre économie et le discours ambiant. Un certain nombre d'indicateurs, tels que la production de biens intermédiaires ou le développement des services aux entreprises, montrent bien que le moteur de l'économie française est en train de repartir. Aussi, plutôt que de broyer du noir ou d'inciter les acteurs économiques à la dépression, disons leur la vérité, à savoir que la croissance est aujourd'hui de retour en France. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Et, derrière la croissance ; se profilent inévitablement les créations d'emplois qui, vous le verrez bientôt, seront de nouveau nombreuses.
En ce qui concerne la baisse des crédits du CPDC, je redis qu'une gestion rigoureuse permet de mieux utiliser les crédits disponibles, le souci essentiel de mon secrétariat d'Etat étant de dépenser à bon escient et non d'inscrire des crédits pour les laisser dormir ensuite. Nous avons veillé à attribuer les crédits en fonction des vraies nécessités.
Je vous indique également, monsieur le sénateur, qu'une deuxième loi traitera du problème très important du statut d'artisans et de commerçants des conjoints. En effet, un certain nombre d'entreprises en France sont gérées par deux personnes, un homme, une femme, et, bien souvent, l'un bénéficie d'un statut, d'une couverture sociale et d'une protection patrimoniale, tandis que l'autre, souvent la femme, en est dépourvu. Il est important d'instaurer l'égalité entre eux, comme c'est le cas ailleurs.
M. Christian Gaudin a abordé la question de l'apprentissage. Il est membre du groupe de travail sur l'apprentissage et il sait à quel point cette cause est essentielle à mes yeux.
Nous allons avoir une mutation à organiser, en raison du départ de très nombreux artisans. La formation des nouvelles générations à leur métier devra inclure une préparation à la conduite d'une entreprise : nous avons besoin d'apprentis qui seront des chefs d'entreprise demain. Pour cela, il nous faut élargir leur recrutement afin d'attirer des jeunes de qualité qui puissent poursuivre leurs études.
L'image de l'apprentissage est déformée aujourd'hui. Les Français pensent qu'il est plutôt réservé aux jeunes en situation d'échec scolaire, qu'il est plutôt lié aux métiers pénibles et qu'il conduit à une formation niveau du certificat d'aptitude professionnelle, ou CAP. Or il n'en est rien : l'apprentissage conduit aujourd'hui à des formations poussées, allant jusqu'au niveau de la licence, de la maîtrise ; des diplômes d'ingénieur. Il ouvre à tous les métiers et il permet à des jeunes qualités et de toutes origines d'accéder très rapidement à une insertion professionnelle diplômante. L'apprentissage est une voie moderne et royale pour des jeunes qui souhaitent allier l'expérience professionnelle à la formation théorique.
François Marc m'a interrogé aussi sur les crédits destinés à la formation. Comme je l'ai indiqué ; mon budget ne comporte que 12 millions d'euros consacrés à la formation, ce qui est une part extrêmement faible des montants qui sont affectés par notre économie à la formation des chefs d'entreprise, notamment des plus petites entreprises. Il ne faut donc pas confondre les différentes lignes budgétaires de mon ministère avec l'effort qui est consenti en matière de formation des artisans.
Dans le souci d'améliorer l'efficacité du dispositif de formation des artisans - car ils ont besoin de se former - nous sommes en train de mettre en place une réforme des fonds d'assurance formation pour faire en sorte que les crédits soient mieux utilisés et à bon escient pour la formation des artisans.
Tels sont les quelques éléments que je souhaitais apporter en réponse aux nombreuses questions que vous m'avez posées.
J'ajouterai, pour conclure, qu'une action énergique a été conduite depuis plusieurs mois. Elle a été rendue possible grâce à une loi nouvelle qui me semble avoir opéré une bonne approche du problème de la création et de la transmission d'entreprise. Mais il convient de la poursuivre car notre économie a besoin du levier des très petites entreprises. C'est le renouvellement de notre économie qui en dépend.
Nous poursuivrons donc notre action avec, je le sais, le soutien du Sénat, qui a toujours manifesté, sur toutes les travées, un soutien constant à l'économie, dans tous les territoires - tant urbains que ruraux - pour toutes les formes d'activité, qu'elles soient artisanales, commerciales ou de service, sans oublier les professions commerciales, autre élément important de notre économie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certains travées du RDSE.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat seront mis aux voix aujourd'hui même, à la fin de l'examen des crédits affectés au commerce extérieur.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 38 779 003 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : 34 020 317 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 521 030 000 euros ;
« Crédits de paiement : 137 184 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 846 253 000 euros ;
« Crédits de paiement : 181 526 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
J'appelle en discussion les articles 75 et 76 qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
Economie, finances et industrie
Après le dix-neuvième alinéa du I de l'article 1600 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour 2004, le produit de la taxe est arrêté par les chambres de commerce et d'industrie sans pouvoir augmenter de plus de 1,7 % par rapport au montant décidé en 2003 conformément au dix-huitième alinéa. »
M. le président. L'amendement n° II-6, présenté par MM. Richert, Hoeffel, Grignon et Ostermann, est ainsi libellé :
« Compléter le texte proposé par cet article pour modifier le I de l'article 1600 du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les chambres de commerce et d'industrie de circonscription départementale en Alsace et en Moselle, assurant l'inspection de l'apprentissage et dont le rapport constaté au titre de l'année 2003 entre le produit de la taxe et le total des bases imposées est inférieur d'au moins 15 % au rapport moyen constaté en 2002 au niveau national, la limite de l'augmentation de la taxe est portée à 1,3 million d'euros à condition que le montant d'imposition additionnelle à la taxe professionnelle perçu en 2003 ne dépasse pas 15 millions d'euros. »
La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous venez de conclure votre intervention en soulignant l'importance de la formation. Précisément, l'amendement que je vous présente vise à garantir une meilleure qualité de formation.
L'intégration au fil de l'histoire du droit local de l'Alsace-Moselle dans le code du travail a eu dans le domaine de la formation, en particulier pour les apprentis, deux conséquences.
D'une part, le contrôle de la formation donnée aux apprentis dans les entreprises relevant des secteurs de l'industrie et du commerce est assuré par les inspecteurs de l'apprentissage qui relèvent des chambres de commerce et d'industrie de ces mêmes départements.
D'autre part, les inspecteurs de l'apprentissage des chambres de métiers et des chambres de commerce et d'industrie qui sont recrutés sont commissionnés par le ministre de l'éducation nationale pour une durée de trois ans renouvelables sans limitation de durée.
Cette mission, assurée par les chambres de commerce et d'industrie, est devenue particulièrement importante et, comme vous l'avez souligné, la formation en entreprise est aujourd'hui quasiment une voie royale, répondant à la fois aux exigences d'insertion professionnelle des jeunes et aux besoins des termes entreprises en termes qualification.
Les chambres de commerce et d'industrie d'Alsace-Moselle se trouvent toutefois confrontées à une situation paradoxale dans la mesure où, pour assurer cette mission de service public faisant appel à des compétences spécialisées, elles sont tenues de la financer par des produits relevant de leur exploitation commerciale. La raison tient au blocage drastique imposé aux CCI depuis 1998 en matière d'évolution de leurs ressources en impôt additionnel à la taxe professionnelle, l'IATP.
Le gouvernement actuel a pris conscience de la situation où se trouvaient les CCI en la corrigeant par deux décisions importantes : la première, en intégrant les décisions relatives à l'IATP dans la loi de finances, dès 2002 ; la seconde, en autorisant, dès 2003, une évolution positive de leurs ressources.
Or les CCI d'Alsace et de Moselle observent que le coût annuel du service de l'inspection de l'apprentissage équivaut au rattrapage dont elles auraient besoin pour leur permettre de maintenir la qualité de service et de poursuivre le développement de leur action en faveur de la formation et de l'emploi.
En chiffres précis, la chambre de commerce de Strasbourg et du Bas-Rhin, par exemple, utilise aujourd'hui 10 % de ses ressources en IATP pour financer l'inspection de l'apprentissage, et également 10 % de ses ressources, mais étalés sur trois ans, pour financer les liaisons aériennes dues à la présence du Parlement européen. Vous conviendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur spécial, qu'il s'agit bien là de deux spécificités de notre chambre.
Par ailleurs, le taux moyen de pression fiscale pour l'Alsace-Moselle se situe en général à vingt-cinq points du taux moyen national, alors que la région affiche le plus fort taux d'apprentis - 17 954 étaient recensés en 2000 -, et qu'elle a la volonté de le faire encore progresser, ne serait-ce que pour limiter les déçus de l'université.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de voter cet amendement spécifique à l'Alsace-Moselle, amendement qui ne coûte rien au budget de l'Etat et sur lequel les entreprises sont d'accord puisqu'elles ont, à Strasbourg notamment, d'ores et déjà voté l'augmentation... qui ne sera bien sûr effective que si la loi de finances pour 2004 le permet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas examiné cet amendement.
Il doit être souligné que les fortes hausses du produit de l'IATP qui ont été concédées pour 2003 ne pouvaient être poursuivies en raison de l'impérieuse nécessité de contenir les prélèvements obligatoires, sous toutes leurs formes.
En outre, l'argument qui soutient l'amendement d'une mission spécifique aux CCI d'Alsace-Moselle est difficilement recevable, car cette mission a toujours été exercée par ces chambres. Il ne s'agit donc pas d'une charge nouvelle qui justifierait des possibilités dérogatoires d'augmentation du produit de l'IATP.
Toutefois, compte tenu des difficultés qui sont rencontrées par ces chambres, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Je ménagerai moins le suspense concernant l'avis du Gouvernement sur cet amendement, en indiquant à son auteur que je suis tout à fait sensible aux problèmes spécifiques d'Alsace-Moselle.
Le Gouvernement sait à quel point, en Alsace, l'action des CCI en matière de soutien à l'apprentissage est un modèle que l'on peut observer avec beaucoup d'attention lorsque l'on souhaite réformer et dynamiser l'apprentissage. En outre, la modernisation du mode de financement des chambres de commerce est d'actualité, puisque c'est un sujet sur lequel nous réfléchissons dans la perspective d'une réforme plus vaste.
Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-6.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° II-53, présenté par MM. Fouché, Grignon et Ostermann, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... 1. Les quinzième à vingt-deuxième alinéas de l'article 1600 du même code constituent un II et les II, III et IV deviennent respectivement un III, IV et V ;
« 2. Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. - A compter de 2004, la différence constatée au titre d'une année entre le montant maximal du produit de la taxe résultant des dispositions du II et le montant du produit arrêté conformément à ces mêmes dispositions peut être ajoutée, partiellement ou totalement, au produit de la taxe arrêté au titre de l'une des trois années suivantes.
« En cas de dissolution de chambres de commerce et d'industrie et de création d'une nouvelle chambre de commerce et d'industrie, les différences constatées en application du premier alinéa par les chambres dissoutes ne peuvent pas être ajoutées au produit arrêté par la nouvelle chambre. Pendant la période de réduction des écarts de taux prévus au III, les différences constatées au titre d'une année en application du premier alinéa par la nouvelle chambre sont réparties entre les chambres dissoutes au prorata des bases imposées sur leur territoire.
« Les décisions relatives aux produits transmises aux services fiscaux dans les conditions prévues au I de l'article 1639 A doivent indiquer le montant à reporter conformément au premier alinéa ainsi que les modalités selon lesquelles le produit de l'année est majoré dans les conditions prévues audit alinéa. »
Le sous-amendement n° II-57, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Supprimer la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° II-53 pour le II bis de l'article 1600 du code général des impôts. »
La parole est à M. Francis Grignon, pour présenter l'amendement n° II-53.
M. Francis Grignon. Je profite de cette intervention pour remercier le Sénat de sa grande sagesse.
L'amendement n° II-53 traite également des problèmes de financement, à travers l'IATP, des chambres de commerce et d'industrie.
En effet, la taxe additionnelle à la taxe professionnelle est un impôt acquitté par les personnes physiques et morales inscrites au registre du commerce et des sociétés au bénéfice des chambres de commerce et d'industrie, pour le fonctionnement de ces dernières. Pour mémoire, son produit s'est élevé, en 2003, à 983 millions d'euros.
L'article 1600 du code général des impôts détermine les modalités selon lesquelles les chambres de commerce et d'industrie arrêtent le produit de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle perçue à leur profit, dans le taux de progression maximum est fixé chaque année par le Parlement. C'est le point dont nous venons de discuter.
Les CCI font valoir que l'absence de visibilité sur l'évolution de leurs ressources publiques est un handicap fort pour la construction d'une politique suivie en faveur des entreprises.
Ce manque de perspective peut les inciter par ailleurs à avoir la tentation de voter chaque année, pour constituer des réserves, le maximum de ce à quoi elles sont autorisées.
Le présent amendement a donc pour objet de permettre aux chambres de commerce et d'industrie qui n'ont pas utilisé la totalité de l'augmentation du produit de la taxe offerte au titre d'une année de pouvoir la reporter sur les trois années suivantes, ce qui permet de lisser en partie les augmentations d'IATP, et donc d'obtenir ainsi une meilleure adéquation entre la progression des charges et l'évolution des ressources des CCI.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter le sous-amendement n° II-57.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. La phrase que tend à supprimer le sous-amendement du Gouvernement vise à permettre aux CCI fusionnées, qui se trouvent en période de réduction des écarts de taux, de bénéficier de la possibilité de reporter les montants d'IATP dans les mêmes conditions que l'ensemble des CCI. Cette possibilité étant de droit, il est inutile d'introduire des dispositions spécifiques dans l'article 1600 du code général des impôts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Comme précédemment, la commission des finances n'a pas examiné cet amendement.
J'indique que, d'une part, les revalorisations autorisées en loi de finances ne sont pas toujours pleinement utilisées par les CCI. D'autre part, certaines CCI peuvent être incitées à pratiquer le taux maximum afin de constituer des réserves en prévision des besoins à venir.
Afin de ne pas pénaliser les premières et de ne pas encourager le comportement des secondes, le présent dispositif semble offrir toute la souplesse et la visibilité requises, mais sa mise en oeuvre paraît complexe.
Je m'en remets donc là encore à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil secrétaire d'Etat. On peut considérer qu'en permettant de reporter sur les exercices suivants la totalité ou une partie des augmentations de ressources qui étaient votées une année considérée, cet amendement devrait permettre une utilisation optimale des ressources des chambres et éviter que, systématiquement, la totalité des possibilités d'augmentation soient utilisées dans l'année du vote.
Je considère que, tel qu'il a été sous-amendé par le Gouvernement, cet amendement est un bon amendement, et le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-57.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° II-53 modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 75, modifié.
(L'article 75 est adopté.)
I. - L'article 1601 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa (a) est ainsi rédigé :
« a) D'un droit fixe par ressortissant, égal à la somme des droits fixes arrêtés par la chambre de métiers, la chambre régionale de métiers et l'Assemblée permanente des chambres de métiers dans la limite d'un montant maximum fixé respectivement à 93,50 EUR, 7 EUR et 12,50 EUR ; »
2° Au cinquième alinéa (b), après les mots : « du droit fixe », sont insérés les mots : « revenant aux chambres de métiers majoré d'un coefficient de 1,12 » ;
3° Au septième alinéa, les mots : « Le présent article n'est pas applicable » sont remplacés par les mots : « Les dispositions du présent article relatives aux chambres de métiers ne sont pas applicables ».
II. - Au premier alinéa de l'article 1601 A du même code, les mots : « du droit fixe tel qu'il est fixé à l'article 1601 » sont remplacés par les mots : « du droit fixe revenant aux chambres de métiers tel qu'il est fixé à l'article 1601 majoré d'un coefficient de 1,137 ».
III. - Au premier alinéa de l'article 1601 B du même code, le taux : « 0,29 % » est remplacé par le taux : « 0,24 % ».
IV. - Le deuxième alinéa de l'article 1602 A du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, les délibérations prises par les chambres de métiers s'appliquent à la part de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle pour frais de chambres de métiers revenant aux chambres régionales de métiers et à l'Assemblée permanente des chambres de métiers. »
M. le président. L'amendement, n° II-52 rectifié bis, présenté par MM. Gouteyron, Leclerc et Grignon est ainsi libellé :
« A la fin du 2° du I de cet article, remplacer le nombre : "1,12" par le nombre "1,137" ».
La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Cet amendement concerne les chambres de métiers.
Afin de tenir compte de la réduction de la part du droit fixe revenant directement aux chambres de métiers, dans la nouvelle répartition proposée par le Gouvernement et approuvée par l'Assemblée nationale, il est prévu d'appliquer un coefficient de majoration.
Celui-ci est de 1,12 pour le calcul du droit additionnel revenant directement aux chambres de métiers et de 1,137 pour le calcul de la contribution revenant au fonds national de promotion et de communication de l'artisanat, le FNPCA.
L'application de deux coefficients différents ne se justifie pas et aboutit à minorer, d'une année sur l'autre, les ressources des chambres de métiers.
Afin de maintenir à un niveau constant le produit du droit additionnel et dans un souci de simplification lors de l'application du nouveau dispositif, il convient d'aligner les deux coefficients.
Cet amendement a donc pour objet d'appliquer le même coefficient de 1,137 pour le calcul de la contribution revenant au fonds national de promotion et de communication de l'artisanat et pour celui du droit additionnel revenant aux chambres de métiers.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. La commission n'a pas non plus examiné cet amendement.
Dans le cadre de la réforme du régime de la taxe pour frais de chambres de métiers, le produit de cette taxe est substantiellement revalorisé à hauteur de 7,62 % pour 2004. Il ne semble donc pas nécessaire d'augmenter parallèlement le droit additionnel, qui représente, en général, entre 50 % et 85 % de la partie fixe. Une telle hausse risquerait de compromettre l'équilibre de la mesure, qui est gagée auprès des artisans par une baisse des cotisations au fonds d'assurance formation.
En outre, de nombreuses chambres ne perçoivent pas le plafond du produit de la taxe auquel elles ont droit et bénéficient ainsi de marges de manoeuvres supplémentaires.
Je souhaiterais, toutefois, connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, parce que les deux situations sont très différentes.
En ce qui concerne le FNPCA, le taux retenu de 1,137 permet à cet organisme de voir ses ressources progresser de 1,25 % compte tenu du changement de mode de calcul des frais de chambre, désormais répartis en trois niveaux. Mais la situation est très différente pour les chambres de métiers, qui sont beaucoup mieux servies, si j'ose dire, puisque leurs ressources vont passer, entre 2003 et 2004, avec les droits additionnels tels qu'ils sont définis, de 194,25 euros à 202,1 euros, soit une augmentation forte de 4 %.
Il n'est donc pas nécessaire d'augmenter encore ces droits additionnels, qui pèsent, je vous le rappelle, sur les entreprises artisanales. Le souhait du Gouvernement est de maintenir la pression fiscale sur les petites entreprises de l'artisanat à un niveau raisonnable dans une période où elles souhaitent consacrer l'essentiel de leurs ressources à l'embauche et à l'investissement.
M. le président. Monsieur Grignon, l'amendement est-il maintenu ?
M. Francis Grignon. Compte tenu des arguments de M. le rapporteur spécial et des chiffres très précis fournis par M. le secrétaire d'Etat, je retire l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-52 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'article 76.
(L'article 76 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat.
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le commerce extérieur.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le solde du commerce extérieur de la France n'est pas resté insensible aux aléas de la conjoncture mondiale, aléas qui ont en outre particulièrement affecté nos partenaires les plus importants, comme l'Allemagne.
En conséquence, les résultats connus pour l'année 2003 montrent que le repli des échanges s'est poursuivi par rapport à 2002. Si le solde de la balance commerciale reste positif, comme c'est le cas depuis maintenant dix ans, il convient de relever que les exportations ont baissé plus vite que les importations, ce qui explique la dégradation en 2003.
Les causes de cette situation sont connues : le commerce international n'est pas déconnecté de la situation économique mondiale ; il en tire les bénéfices en période de croissance et en souffre en période de crise.
Pour autant, je voudrais souligner les effets non négligeables de la forte hausse de l'euro par rapport au dollar.
La monnaie européenne a progressé de 15 % à 20 % en 2003. Cette appréciation de l'euro est, en fait, tout autant le résultat d'une défiance des investisseurs internationaux face aux déficits américains que d'une stratégie probablement délibérée des autorités américaines. D'une certaine manière, le propos de John Connoly, secrétaire au Trésor sous le président Nixon, est encore d'actualité : « Le dollar est notre monnaie, mais c'est votre problème. »
Dans ce contexte, et malgré ces inquiétudes liées à la conjoncture, la France n'est pas plus touchée que ses autres partenaires. La part de marché mondial de notre pays est stable en 2002, même si l'arrivée de pays émergents à fort potentiel comme la Chine a tendance à abaisser cette part sur le long terme, dans des proportions identiques à celles des pays développés.
L'événement le plus marquant de l'année 2003 a cependant été le sommet de Cancún, conclusion du cycle de Doha, qui a débouché sur un échec. La déclaration interministérielle qui a clos les débats et qui réaffirme la détermination des membres à conclure les négociations au 1er janvier 2005 ne doit pas dissimuler les graves incertitudes qui pèsent sur cette forme de multilatéralisme.
Cette conférence a notamment vu des prises de position très fermes de la part des pays émergents, rassemblés dans le G 21, qui n'ont pas cédé face aux pressions exercées par les négociateurs européens et américains.
Pour le futur, une nouvelle organisation des conférences, qui permettrait de rapprocher plus en amont les points de vue, sera vraisemblablement nécessaire.
J'en viens à l'examen du budget du commerce extérieur.
Les crédits pour 2004 sont globalement stables, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, les grandes entreprises sont de moins en moins consommatrices de financements bilatéraux, jugés trop lourds, et de nombreuses procédures gérées par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, ou par Natexis ne sont pas consommatrices de crédits : il s'agit soit de fonds dont la dotation initiale n'est pas épuisée, soit de procédures d'assurance et de garantie qui dégagent des excédents.
Ensuite, les crédits de fonctionnement des missions économiques et des directions régionales du commerce extérieur sont inscrits dans une dotation globale contractuelle, dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens conclu avec la direction du budget. Ce contrat prévoit l'absorption de la dérive des dépenses des services - y compris le glissement vieillesse technicité et la revalorisation du point « fonction publique » - en échange de l'exonération de toute régulation budgétaire. En vertu de cette contractualisation, les crédits de fonctionnement sont donc d'une grande stabilité.
Un dernier point explique la faible variation des crédits consacrés au soutien du commerce extérieur. Il s'agit de la stabilité, de la stagnation, devrais-je même dire, des subventions versées aux organismes de soutien au commerce extérieur.
Vous l'aurez compris, il y a dans ces facteurs d'explication des points que je considère comme positifs et d'autres qui me semblent moins satisfaisants.
Un des points positifs est la modernisation constante de la direction des relations économiques extérieures, la DREE, pour adapter son offre de produits et sa gestion.
La DREE a mis pleinement à profit les nouvelles technologies de l'information et de la communication pour faciliter l'accès des entreprises à l'information économique. Les sites Internet des missions économiques sont très complets. Ils sont réactualisés en temps réel et permettent d'accéder gratuitement à un nombre d'études beaucoup plus important que par le passé.
Dans le même esprit, le ministère a annoncé la création de vingt-cinq programmes spécifiques afin de concentrer l'action du ministère et de l'ensemble des acteurs sur vingt-cinq pays jugés prioritaires. Il a cependant tenu à préciser que ces actions ne se feraient en aucun cas au détriment de pays moins prioritaires.
La gestion de la DREE témoigne également d'une grande volonté d'aller de l'avant. Les dispositions du contrat d'objectifs et de moyens ont permis de réaliser d'importantes économies et de stabiliser les dépenses de fonctionnement, tout en responsabilisant les chefs de mission sur leur gestion.
Cette démarche se poursuit et vise désormais à préfigurer les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, qu'il s'agisse de la définition d'objectifs et d'indicateurs, de la mise en oeuvre progressive d'un suivi analytique des coûts ou du développement du contrôle de gestion.
Certes, tout n'est pas parfait, la définition des objectifs et des indicateurs n'est pas pleinement satisfaisante et la lisibilité des informations contenues dans le bleu budgétaire, y compris dans l'agrégat « relations économiques extérieures », ne l'est pas davantage.
Ces éléments soulignent l'importance et la difficulté des travaux que devront conduire les ministères pour s'approprier les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, mais le processus de tâtonnement de la DREE devrait lui permettre d'être prête en 2006.
En ce qui concerne la contractualisation, les négociations qui devaient aboutir à la signature d'un nouveau contrat pour la période 2003-2005 n'ont pu aboutir.
Sans entrer dans le détail, je soulignerai que ce retard est dommageable, notamment face à une administration qui, comme vous l'indique la note de présentation, présente des crédits en baisse de 5,22 % cette année.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il serait intéressant à ce propos de connaître les ambitions de votre collègue quant au contrat d'objectifs et de moyens en 2004. Il serait notamment bon de savoir si les négociations avec la direction du budget pourront aboutir pour que cette forme moderne et volontariste de maîtrise des dépenses puisse perdurer.
En ce qui concerne le soutien à l'internationalisation des PME et les dotations proposées pour les établissements de soutien, un pas en avant a été fait avec la fusion du Centre français du commerce extérieur, le CFCE, et d'UbiFrance. Comme je le soulignais l'année dernière, ces deux organismes ont déjà dans le passé developpé des synergies et ont fait des efforts importants afin de maîtriser leurs dépenses de fonctionnement et de resserrer leur offre de produits et de services. Ils sont néanmoins confrontés à une gestion très tendue, la baisse de leurs ressources propres n'étant pas compensée par une croissance de leur subvention. La fusion en un seul organisme sera probablement l'occasion d'améliorer l'efficacité du nouvel UbiFrance, mais j'observe que cette fusion se fait à moyens constants, voire en baisse, comme cela est prévu pour 2005.
Au risque de me répéter quelque peu d'une année sur l'autre, je rappellerai que les efforts de la France sont largement inférieurs à ceux des autres pays de l'Union européenne, et cela saute parfois aux yeux dans les salons à l'étranger.
Votre collègue, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avait assuré l'année dernière avoir pris conscience de ces faiblesses. Le nouvel organisme est certes une partie de la réponse, mais des miracles d'efficacité ne pourront pas compenser des moyens très nettement insuffisants mis à la disposition de l'organisme. Je rappelle que l'Espagne, la Grande-Bretagne et l'Allemagne consacrent sept à huit fois plus de subventions publiques que la France aux salons internationaux.
En conséquence, nous souhaiterions être éclairés sur les actions que vous envisagez de mener afin de développer la présence française dans les salons étrangers, et ce qu'il convient d'attendre de la fusion entre le CFCE et UbiFrance.
Enfin - et vous savez à quel point cette question intéresse la commission des finances -, en ce qui concerne la mise en place de la LOLF, les services de la DREE sont dépendants de la future architecture du ministère des finances. En tout état de cause, les services du commerce extérieur devraient faire l'objet d'un programme « action extérieure » au sein de la mission de « politique économique » du ministère des finances. L'application des dispositions de la LOLF, pour une administration qui, je le rappelle, a développé de manière précoce la mesure de la performance, n'est en fait qu'une question d'organisation. Certaines lignes budgétaires pourraient cependant être détachées de la DREE, comme les crédits consacrés aux dons aux Etats étrangers, qui pourraient rejoindre la mission interministérielle d'aide au développement.
Comme vous avez pu le constater, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le commerce extérieur est un domaine qui, en général, nous réunit et fait consensus. Je ne souhaite pas, pour ma part, freiner la volonté réformatrice de votre collègue, monsieur le secrétaire d'Etat, ni sa volonté d'améliorer les positions françaises sur la scène mondiale.
Enfin, la commission des finances a émis un avis favorable sur les crédits du commerce extérieur, comme sur l'ensemble des crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le contexte économique international apparaît aujourd'hui relativement incertain : d'une part, en raison du probable report de l'échéance finale du cycle de Doha, lié à l'échec récent du sommet de Cancún ; d'autre part, en raison de la relative faiblesse de la croissance du commerce international, qui ne devrait pas, selon l'OMC, dépasser 3 % en 2003.
Ce budget du commerce extérieur pour 2004 se voit donc assigner un objectif essentiel : accompagner le développement international de nos entreprises. Je relève à cet égard que les PME jouent un rôle encore trop limité, puisqu'elles réalisent moins de la moitié des exportations françaises, alors qu'elles représentent 88 % des opérateurs.
Le budget du commerce extérieur pour 2004 constitue tout d'abord un très bon exemple de l'effort de rationalisation de l'action publique menée par le Gouvernement : optimisation des dépenses de fonctionnement, avec la signature prochaine d'un contrat de performance entre les services de l'expansion économique et la direction du budget ; décentralisation des compétences et des moyens des vingt-trois directions régionales du commerce ; enfin, création d'une agence unique de développement international des entreprises, UbiFrance, qui garantira une meilleure utilisation des moyens publics et un accès plus simple et plus lisible pour les entreprises.
Je tiens ensuite à saluer l'effort mené pour améliorer l'efficacité des dispositifs d'aide aux entreprises.
D'abord, le choix de vingt-cinq pays cibles et l'élaboration de plans d'action commerciale par pays devraient permettre aux entreprises de mieux s'orienter sur les marchés extérieurs.
Ensuite, la procédure du volontariat en entreprise, qui permet à des jeunes d'être embauchés dans les entreprises travaillant à l'international, a été assouplie puisque les entreprises pourront désormais faire séjourner leurs volontaires en France jusqu'à cent trente-cinq jours par an. Je rappelle en effet que, au 17 octobre 2003, environ 2 200 jeunes étaient en poste à l'étranger, ce qui reste relativement insuffisant. Nous espérons donc que les initiatives prises permettront d'atteindre l'objectif assigné à Ubi France, c'est-à-dire le doublement de l'effectif de volontaires en poste d'ici à la fin de 2005.
Enfin, on constate une trop faible participation des entreprises aux salons internationaux. Les salons sont pourtant un outil essentiel de développement à l'international des entreprises. Là encore, l'objectif fixé à Ubi France est de doubler, d'ici à la fin de 2005, le programme d'opérations collectives françaises. Pour cela, une procédure de labellisation de salons pour les entreprises françaises a été inaugurée cette année et devrait recevoir un soutien des pouvoirs publics à hauteur de 7 millions d'euros par an pour la période 2004-2006.
Enfin, s'agissant des négociations commerciales internationales, comme vous le savez, les Etats ne sont pas parvenus à un accord au sommet de Cancún. Sur ce sujet, nous souhaiterions vous soumettre, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques-unes de nos interrogations.
Tout d'abord, que peut-on attendre de la réunion le 15 décembre du conseil général de l'OMC ?
Par ailleurs, ne devons-nous pas, à la suite du sommet de Cancún, nous interroger sur quelques points fondamentaux, notamment sur le système des préférences commerciales ? Les pays les plus pauvres, regroupés à Cancún dans le G 90, disposent en effet de préférences commerciales très importantes sur le marché européen. Ont-ils réellement un intérêt à un abaissement généralisé des tarifs douaniers, qui diminuerait l'avantage relatif que leur procure le système des préférences ? Ne vaudrait-il pas mieux différencier entre les pays du Sud au sein de l'OMC ?
En outre, que pensez-vous de la proposition de la Commission européenne de mettre en place une géométrie variable par pays au sein de l'OMC ? La Commision a en effet constaté que les négociations avaient bloqué, à Cancún, sur les sujets de Singapour, et a donc proposé de les extraire de l'accord final du paquet de Doha. Des négociations pourraient s'ouvrir sur ces dossiers entre les pays qui le souhaitent, d'autres pays pouvant s'y joindre ensuite.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, croyez-vous au risque d'une multiplication des contentieux à l'OMC ? Je pense à cet égard au dénouement récent de plusieurs affaires, notamment celle des surtaxes américaines sur les importations d'acier, récemment sanctionnées par l'OMC. Cela illustre bien la capacité de l'OMC à assurer le respect effectif de la réglementation internationale. Loin de toute « dérive onusienne », cette capacité doit donc être renforcée afin d'assurer le développement d'un commerce international régulé et équitable.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du commerce extérieur inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 20 minutes ;
Groupe socialiste, 7 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce projet de budget du commerce extérieur présente, comme cela est souvent le cas, une double caractéristique : il porte sur des engagements d'un montant pour le moins limité, à savoir 250 millions d'euros, mais il concerne l'un des éléments fondamentaux de l'activité économique.
Notre pays présente depuis plusieurs années, chacun le sait, un excédent commercial particulièrement significatif. Nous avons en effet enregistré, en 2002, un excédent commercial de 10 milliards d'euros, qui s'est quelque peu contracté en ce premier semestre 2003, pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas mais qui sont liées à la récession de l'activité économique internationale, notamment chez nos principaux partenaires économiques.
S'agissant de cet excédent, on ne peut toutefois oublier, sous peine de tomber dans un optimisme pour le moins excessif, qu'il procède en grande partie, d'une part, de la faiblesse relative du cours de certaines matières premières pour lesquelles nous sommes étroitement dépendants et, d'autre part, des exportations transitant par les représentations étrangères des grandes entreprises françaises.
De même, l'excédent de la balance agricole est en grande partie porté par les effets des aides européennes à l'exportation et par la présence privilégiée dont nous disposons sur le secteur des boissons.
Ainsi, on ne peut oublier que 80 % de notre excédent agricole procède de la vente à l'international de bouteilles de champagne, de cognac ou de grands crus de Bourgogne ou de Bordeaux.
M. Aymeri de Montesquiou. Ou d'Armagnac ! (Sourires.)
Mme Odette Terrade. Effectivement !
Cela étant, au-delà de ce panorama non exhaustif de nos forces et de nos positions commerciales internationales, l'actualité de l'année 2003 a évidemment été marquée par la négociation relative à l'Organisation mondiale du commerce et la conférence de Cancún.
La question est posée : doit-on parler d'échec ou de réussite de cette conférence, qui n'a pu, en dernière instance, s'accorder sur les points essentiels qui faisaient débat ? Pour notre part, nous pensons que la tenue de la conférence de Cancún marque la fin d'une Organisation mondiale du commerce fondée sur l'asservissement des pays dits du Sud aux seuls impératifs de la concurrence exacerbée des pays développés du Nord.
S'agissant de la conférence elle-même, comment ne pas regretter que l'Europe ait parlé d'une seule voix, par le biais de la Commission, mais d'une voix largement imprégnée de la conception libérale des échanges internationaux ?
Nous estimons, pour notre part, que la poursuite du cycle de Doha peut permettre d'affirmer en bien des domaines, contrairement à ce que promeuvent certains, notamment par le biais de l'accord général sur le commerce et les services, une « démarchandisation » de secteurs d'activité aussi divers que la santé, l'éducation, la culture ou la création intellectuelle.
Dans un autre ordre d'idées, la France doit jouer un rôle nouveau pour soutenir une véritable régulation des marchés agricoles et des matières premières, permettant à la fois d'assurer la satisfaction des besoins des populations du Sud qui les produisent et de nouer des relations commerciales équilibrées avec les pays développés.
Pour autant, rien ne peut se faire sur la durée sans que se pose la question du poids des grands groupes transnationaux dans les productions et les échanges internationaux. Par exemple, les grands groupes sucriers, surveillant de près la concurrence entre le Sud et le Nord ont de longue date investi dans la production sucrière des pays dits « émergents » pour être à peu près sûrs de dégager des bénéfices au cas où les règles changeraient.
Et que dire des domaines du café, du cacao, des fruits et légumes de contre-saison qui sont, de longue date, littéralement colonisés par les grands groupes de l'agro-alimentaire sans que la vie des paysans du Sud soit améliorée d'aucune manière ?
Mais, comme chacun le sait, l'essentiel des échanges de notre pays s'effectue avec les pays développés. En effet, 73 % de nos exportations et 71 % de nos importations se concluent soit avec nos partenaires de l'Union européenne, soit avec l'Amérique du Nord.
Aussi, vous me permettrez simplement de souligner, sur ces questions, la nécessité de rechercher en permanence la qualité de nos produits, laquelle passe non seulement par l'innovation technologique, mais également par l'amélioration des conditions de travail et de la formation de nos salariés.
Nous ne pourrons durablement jouer un rôle sur la scène commerciale internationale en persévérant dans la politique d'encouragement au travail sous-qualifié et sous-rémunéré, qui imprègne par trop notre politique économique.
Cela ne fait qu'une raison de plus, monsieur le secrétaire d'Etat, de ne pas voter les crédits de votre département ministériel.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le secrétaire d'État, quelles priorités allez-vous dégager avec les quelque 250 millions d'euros dont vous disposez ? Nous savons que, dans votre domaine encore plus que dans d'autres, ce sont la volonté et la méthode choisie qui priment et non les seuls crédits budgétaires qui vous sont octroyés, fussent-ils légèrement augmentés de 1,5 % à périmètre constant et complétés par plus de 185 millions d'euros provenant d'autres postes budgétaires.
Avec un souci d'efficacité de la dépense publique, lié à un contexte budgétaire tendu mais aussi à la culture propre au monde de l'entreprise avec lequel vous travaillez quotidiennement, vous voulez concentrer la politique de promotion du commerce extérieur sur le ciblage des agents économiques et le ciblage géographique. Le choix de cet axe est le bon.
Tout d'abord, s'agissant du ciblage des agents économiques, constatant que les trois quarts des exportations françaises demeurent réalisées par les grands groupes, vous choisissez avec raison de privilégier l'appui aux PME. En effet, celles-ci allient potentialités de développement et besoins réels de conseils techniques pour pénétrer les marchés étrangers.
Je me réjouis de cette impulsion donnée par le Premier ministre, car elle va dans le bon sens. Si ce n'est pas sa fonction première, ce ciblage permettra néanmoins un développement équilibré du territoire puisque les zones rurales comportent presque exclusivement des PME.
Je retiendrai trois initiatives en cours et un outil à développer. Pour ce qui est des initiatives, il s'agit, d'abord, de la création d'un guichet unique pour l'internationalisation des entreprises, UbiFrance, nouvel établissement public industriel et commercial ; ensuite, du projet de transférer la compétence des directions régionales du commerce extérieur aux conseils régionaux, projet particulièrement judicieux, car il confirme la volonté de rapprochement avec les acteurs locaux, enfin, de l'accroissement de 46 % entre 2002 et 2004 de la participation collective d'entreprises aux foires et salons face au retard français en matière de promotion.
Je suis heureux et honoré que François Loos, ministre délégué au commerce extérieur, ait repris mes suggestions de l'an dernier : cela prouve que vous êtes à l'écoute du Parlement.
De plus, et parallèlement, l'outil que constitue le dispositif du volontariat international en entreprise, ou VIE, doit impérativement être développé. Le chiffre de 2 200 jeunes est dérisoire au regard des besoins des PME et des 40 000 demandes exprimées depuis l'an 2000.
La rémunération est convenable, l'expérience instructive et j'insiste sur le fait que ce dispositif est ouvert aux jeunes femmes, contrairement au VSNE - volontariat du service national en entreprise antérieur. Cette première expérience à l'international facilitera sans aucun doute leur insertion dans la vie professionnelle et leur accès à des postes à haute responsabilité.
Cependant, ce dispositif n'est sans doute pas encore assez connu des étudiantes et des étudiants ni des sociétés. La campagne d'information que vous avez lancée cet été, monsieur le secrétaire d'Etat, à destination des entreprises, a été un succès. Quelles en ont été les retombées ? Pensez-vous atteindre votre objectif de doublement du nombre de VIE d'ici à la fin 2005 ?
Vous optez aussi pour un ciblage géographique. Constatant que nos plus grandes parts de marché se situent dans des zones qui connaissent une croissance économique inférieure à la croissance mondiale, vous choisissez de concentrer votre action sur vingt-cinq pays sélectionnés en fonction de leurs potentialités. Il faut se rappeler que, dès les années soixante, le Japon avait choisi le laser beaming, une stratégie de concentration d'actions qui a fait ses preuves.
Dans cette optique, et avec le souci de rationaliser le réseau de l'expansion économique, je vous invite à limiter, voire à supprimer, la présence des missions économiques dans l'Union européenne. Elles font trop souvent double emploi avec les directions régionales. Ainsi, a-t-on réellement besoin de cinquante-deux personnes en poste commercial en Espagne ?
Dans les autres régions du monde, le développement de postes à vocation consulaire et commerciale me paraît cohérent à l'heure où est également redessinée la carte de notre réseau diplomatique : un chef de poste, diplomate ou fonctionnaire de la direction des relations économiques extérieures, dirige deux équipes aux compétences complémentaires, avec un résultat immédiat, même s'il est modeste, et les visas présentés par les entreprises françaises sont traités avec plus de diligence. Cette nouvelle structure expérimentée dans sept postes sera-t-elle appelée à se développer ?
Je vous invite, parallèlement, à intervenir avec plus de pugnacité dans des régions encore trop peu prospectées, comme l'Asie centrale et le Kazakhstan en particulier, où la présence française est beaucoup trop timide et n'exploite guère des potentialités considérables.
Consciente des enjeux stratégiques et satisfaite des options que vous avez choisies, la majorité du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera les crédits du commerce extérieur, afin que nos entreprises développent avec succès le savoir-faire français. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en dépit des multiples effets d'annonce, ces derniers mois, alimentant le discours sur la « décadence française », je tenais, en premier lieu, à reprendre une évidence : la France, quatrième exportateur mondial, occupe une place de choix dans le commerce mondial. Nous bénéficions aujourd'hui d'atouts structurels grâce aux orientations valorisées depuis plus de vingt ans. La compétitivité des produits français en atteste : depuis dix ans, elle a sensiblement augmenté par rapport aux pays de l'OCDE et elle s'est améliorée eu égard aux pays émergents.
Pour autant, le contexte actuel est marqué par de profondes mutations dans les rapports entre les économies et, malgré quelques signes de reprise, la conjoncture mondiale demeure morose.
On a évoqué la croissance, la compétitivité monétaire de l'euro par rapport au dollar, les suites du sommet de Cancun, les discussions engagées au titre du commerce mondial ; je n'y reviens donc pas.
En tout état de cause, la France doit aujourd'hui relever un certain nombre de défis pour valoriser son potentiel économique et préserver son modèle social. Cela suppose d'y mettre les moyens adéquats.
Les crédits affectés par l'Etat au commerce extérieur sont au coeur de cette démarche : ils contribuent à développer et à orienter les positions françaises à l'étranger.
En 2004, les crédits consacrés à l'intervention de l'Etat dans le domaine du commerce extérieur devraient connaître une diminution de 3,8 % pour les moyens de paiement et de 5,2 % pour les moyens d'engagement par rapport à 2003.
Cette baisse des crédits est présentée comme une conséquence de la réussite du contrat d'objectifs et de moyens signé avec la direction du budget. Ce contrat, mis en place en 2000, à été institué pour freiner le développement des dépenses de services en échange d'une plus grande souplesse en matière de régulation budgétaire.
Si ce contrat est destiné à favoriser une meilleure utilisation des crédits, il ne peut en aucun cas justifier la réduction des moyens octroyés au commerce extérieur.
Le commerce extérieur concerne, en France, cinq millions d'emplois. Or le budget du commerce extérieur représente 0,1 % des dépenses de l'Etat.
On aurait pu espérer que l'intérêt économique de la France sur le long terme l'emporte sur le seul souci financier du moment pour préserver ces crédits qui jouent un rôle d'entraînement.
Mais, en fin de compte, soixante emplois sont supprimés, dont 10 % des effectifs des directions régionales du commerce extérieur, pourtant si utiles pour informer et encourager les PME. Cela est fort regrettable.
Au-delà, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, insister sur deux points concernant ce budget.
Le premier, d'ordre technique, concerne la lecture des crédits dont nous discutons aujourd'hui.
Les crédits consacrés à l'appui aux relations économiques extérieures sont en effet répartis dans trois fascicules budgétaires : celui de l'économie et des finances, celui des charges communes, et celui des comptes spéciaux du Trésor. Cette répartition rend difficile une appréhension globale des actions entreprises.
La LOLF offre en la matière des outils de rationalisation de nature à renforcer la lisibilité de ces crédits et à mieux en évaluer les effets. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez nous éclairer sur ce qui est envisagé en la matière.
Le second point concerne le contrôle effectué sur les crédits affectés au commerce extérieur, plus particulièrement dans le cadre des aides à l'exportation.
En ce qui concerne notamment les actions en faveur du commerce extérieur, il semble indispensable de s'assurer de la bonne utilisation de l'argent public consacré à l'aide aux exportations.
La France a pris des engagements internationaux en faveur du développement durable et de l'aide au développement. Il serait dès lors logique que les critères d'octroi des garanties de la compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, soient effectivement conformes à ces engagements et, dans un souci de transparence, soient rendus publics.
En outre, le collège de la commission interministérielle des garanties, qui donne un avis sur les informations fournies par la COFACE, gagnerait à être élargi à des représentants du Parlement et de la société civile.
Enfin, l'objectif de rationalisation confié à la loi organique doit, à nos yeux, s'accompagner d'une amélioration des conditions matérielles et institutionnelles du contrôle des dépenses par le Parlement, dont c'est le rôle premier.
En s'inspirant du rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur les activités financières internationales de la France institué par la loi de finances rectificative de 1998, ne serait-il pas envisageable d'instaurer un dispositif équivalent sur les engagements pris dans le secteur des aides à l'exploitation par le biais de la COFACE ?
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques-unes de nos interrogations concernant la transparence et le contrôle des aides accordées à l'exportation. Nous estimons que, pour ce qui est de la COFACE, des progrès peuvent être réalisés dans ce sens.
Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ces sujets qui, j'en conviens, dépassent le cadre de la seule discussion budgétaire. Ils n'en demeurent pas moins des sujets essentiels au regard des préoccupations de nos concitoyens s'agissant de l'aide au développement, en particulier, et des discussions de Cancún. En effet, l'ensemble de l'Europe s'interroge aujourd'hui sur les futures orientations en matière de commerce international. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Louis Moinard.
M. Louis Moinard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je tiens à rappeler le contexte particulier dans lequel s'inscrit le budget du commerce extérieur.
Trois points sont particulièrement importants : d'abord, le report prévisible de l'échéance finale du cycle de Doha ; ensuite, la conjoncture internationale plutôt morose, avec la faible croissance du commerce international, qui ne devrait pas dépasser les 3 % en 2003 ; enfin, la force relative de l'euro par rapport au dollar américain.
Les crédits du commerce extérieur pour l'année 2004 sont en baisse, aussi bien en autorisations de programme qu'en crédits de paiement, puisqu'ils diminuent respectivement de 3,80 % et de 5,22 %.
Cette baisse s'inscrit dans un mouvement de long terme poursuivi depuis une dizaine d'années. Il est indéniable qu'une politique de rationalisation et d'optimisation des dépenses de fonctionnement est nécessaire. Notons qu'elle doit d'abord profiter au maintien des crédits destinés aux organismes de promotion du commerce extérieur, dont la hausse prévue dans le budget est de 0,6 %.
Le budget que nous examinons en ce moment apparaît d'autant plus important lorsque l'on sait la place que tient le commerce extérieur dans notre économie. L'ouverture internationale de la France représente tout de même près de 28 % de la richesse annuelle produite par notre pays et permet d'employer directement cinq millions de personnes, soit 20 % des actifs du secteur privé !
Dans cette perspective, il semble nécessaire que le budget du commerce extérieur accompagne du mieux possible l'internationalisation de nos entreprises en renforçant leur compétitivité et en facilitant l'implantation de leurs produits sur les marchés étrangers.
En 2001, l'ensemble des entreprises de plus de 500 salariés, qui ne représentaient que 1,5 % des opérateurs, ont réalisé près de la moitié des exportations françaises de marchandises, soit 47 %. Les dix premières entreprises exportatrices ont assuré, à elles seules, 16 % des exportations de biens. Les PME, quant à elles, qui représentent 88 % des opérateurs, ont réalisé 43 % des exportations françaises. Il me semble donc nécessaire de favoriser les PME, afin que celles-ci développent au maximum leurs capacités d'exportation.
De ce point de vue, je tiens à souligner l'importance du rôle que doit tenir dans la réalisation de cet objectif précis la nouvelle agence créée grâce à la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, agence qui reprend les missions et les personnels d'UbiFrance et du CFCE et qui doit permettre en outre de développer le volontariat international en entreprise, mais aussi la présence des entreprises françaises sur les foires et salons à l'étranger, afin d'assurer une meilleure diffusion des produits et services des missions économiques.
Dans cette perspective, nous devons aussi renforcer l'action des collectivités locales en matière de commerce extérieur, celui-ci ayant connu un essor considérable au cours des dernières années. Ainsi, comme le ministre délégué au commerce extérieur l'a indiqué, il faudra veiller à transférer aux régions, qui ont reçu une compétence particulière en matière de développement économique, les compétences et les moyens des vingt-trois directions régionales du commerce extérieur, les DRCE.
En ce qui concerne le marché international, il s'agit de mieux cibler les priorités géographiques et sectorielles du commerce extérieur. Il faut intensifier la présence française sur les marchés à fort potentiel d'importation comme les Etats-Unis, la Chine, la Russie ou l'Inde, mais aussi le Brésil, la Thaïlande, Taiwan, la Corée et laHongrie.
Voilà dix jours, mon collègue André Ferrand et moi-même accompagnions à Bangkok M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Assistant à des contacts organisés avec les chefs d'entreprise, nous avons pu nous rendre compte combien de tels liens sont importants pour la présence de la France et pour la reconnaissance de la valeur de nos produits.
Enfin, il faut renforcer la présence des PME sur les trois grands marchés européens que sont l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Italie.
Il est évident que les aides et le soutien aux exportations sont nécessaires. Il faut donc les renforcer en favorisant le commerce courant et les marchés plus importants, et ce en recourant à des mécanismes classiques, que ce soient l'assurance prospection, le fonds d'aide aux études et au secteur privé, l'assurance crédit, le soutien à l'exportation ou les garanties de change.
Malgré toutes ces mesures, remarquons que, au premier semestre de 2003, le net repli des échanges français s'est poursuivi. Alors que les exportations ont pâti d'un sensible affaiblissement de la demande extérieure, les importations, faute d'une demande intérieure suffisamment robuste, ont également reculé.
De plus, en 2002, la part de marché mondial de la France dans les échanges de marchandises s'est établie, selon l'OMC, à 5,1 %. Depuis 2000, elle est stable, mais à un bas niveau.
Aussi est-il nécessaire, afin de pouvoir développer le commerce extérieur de la France - hors échanges intracommunautaires -, que les négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce aboutissent, nos entreprises ayant besoin d'un cadre juridique plus stable et de règles commerciales plus sûres pour être confortées dans leurs initiatives internationales.
En ce sens, monsieur le secrétaire d'Etat, pensez-vous qu'une réforme du processus de négociation à l'OMC soit envisageable, compte tenu de l'échec qu'il a récemment connu ?
Il me reste à remercier nos collègues Marc Massion, rapporteur spécial, et Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de leurs excellents travaux sur la question.
Pour conclure, je tiens à vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, combien j'apprécie l'importante mais difficile action qui est la vôtre, ainsi que celle de votre collègue M. Loos. Je puis vous assurer du soutien et du vote favorable du groupe auquel j'appartiens. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le secrétaire d'Etat, préparant mon intervention, j'avais imaginé m'adresser directement à votre collègue M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. J'espère donc que vous ne m'en voudrez pas d'exprimer ce qu'en fait je souhaitais lui dire, et je suis certain que le message lui sera transmis. Mais vous pourrez constater que mes préoccupations sont proches des vôtres également, puisque mon voeu est que nous travaillions ensemble à l'internationalisation des PME, chères à votre coeur.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Bravo !
M. André Ferrand. Voici donc mon message.
Ce projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, apporte la démonstration heureuse que l'importance d'une action ministérielle n'est pas obligatoirement liée aux montants qu'elle met en oeuvre.
En effet, si la part des dépenses de l'Etat directement ou indirectement affectées à votre département est modeste, les enjeux qui relèvent de votre responsabilité sont, nous le savons, d'une importance capitale pour notre pays.
Il ne s'agit pas seulement de gérer une balance commerciale et de promouvoir nos exportations et nos implantations à l'étranger - même si ces objectifs restent fondamentaux -, il s'agit aussi d'attirer chez nous investissements et centres de décision et de recherche, et de faire en sorte d'y garder les nôtres.
Le temps m'étant compté, je serai bref.
Je vous livrerai tout d'abord mon sentiment sur votre action. Je n'étonnerai personne, j'en suis certain, en disant ici, monsieur le secrétaire d'Etat, combien elle va dans le bon sens et combien elle mérite d'être soutenue et encouragée.
La façon dont vous relevez le défi récurrent qui consiste, dans le sillage de nos grandes entreprises, à tenter d'amener à l'international un nombre de plus en plus grand d'entreprises plus petites, mais capables elles aussi de s'y tailler une place, nous paraît la bonne.
Toutes les mesures que vous avez prises sont autant d'initiatives qui démontrent clairement qu'il existe à la fois une volonté, des objectifs et des moyens pour les atteindre. Je citerai la profonde réforme de notre dispositif d'appui au commerce extérieur, qui est en cours ; la promotion du système des VIE, en particulier par l'assouplissement de la procédure ; la présence accrue de nos PME dans un plus grand nombre de foires et salons professionnels ; la sélection de pays cibles auprès desquels notre action sera systématiquement planifiée ; enfin, les nombreuses missions que vous menez en compagnie de délégations d'entreprises.
Toutefois, outre les mesures, il y a - et c'est très important - la manière. Je me permets, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous encourager à garder la même proximité avec les entreprises et avec tous les acteurs venus des professions, des institutions ou des collectivités territoriales, qui sont partenaires dans le dispositif. Pour avoir vu fonctionner le système, je puis témoigner que c'est bien dans ce sens qu'il faut mobiliser ces acteurs : les associer en tirant le meilleur parti du potentiel qu'ils représentent.
Je ne les citerai évidemment pas tous, mais nul ne m'en voudra, j'en suis sûr, de souligner à quel point il est encourageant pour les conseillers du commerce extérieur de participer activement à vos côtés à des opérations qui sont autant de succès.
Permettez-moi maintenant de m'arrêter sur deux points.
D'abord, il y a la question traditionnelle de l'interministériel, dont on a beaucoup parlé ici même, au début de la semaine, lors de la discussion du budget du ministère des affaires étrangères.
Il est clair qu'en termes de lisibilité et d'efficacité il faut, à l'étranger, progresser dans ce sens, sans évidemment abandonner ce que chacun apporte de qualités spécifiques dans la réalisation des tâches et objectifs communs.
Je me risquerai à ce sujet à une remarque personnelle en exprimant le regret que, dans certains contextes où, comme j'ai pu le constater, leurs métiers sont très complémentaires, missions économiques et services d'action culturelle et de coopération ne soient pas suffisamment proches.
Il y a aussi le maillage, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est-à-dire la présence, l'occupation du terrain. J'ai par exemple beaucoup regretté, en son temps, notre quasi-retrait de villes aussi importantes que Melbourne ou Auckland. Je sais que la rigueur du moment interdit toute initiative coûteuse ; mais ne peut-on pas imaginer la création à moindre frais, dans les villes à fort potentiel où nous ne sommes pas présents, ou pas suffisamment - je pense à Calgary, ou encore à Edmonton -, de pôles à vocation économique s'appuyant sur un consul honoraire, des conseillers du commerce extérieur, un club d'affaires, voire sur l'Alliance française locale ? L'exemple de Seattle, où nous sommes organisés autour d'une chambre de commerce et d'un consul honoraire, me paraît montrer la voie d'un bon rapport entre efficacité et prix.
Si j'avais disposé de plus de temps, je vous aurais également dit combien je me réjouis de la présence d'UbiFrance à Marseille, qui nous poussera à donner toute sa place au partenariat euro-méditerranéen. Je vous aurais aussi encouragé à ne pas oublier l'Afrique subsaharienne, chère à notre coeur, qui, malgré la modicité de ses paramètres macroéconomiques, a besoin des efforts de tous. Je vous aurais encore appelé à aider toutes nos chambres de commerce à l'étranger à se mettre au niveau des meilleures, qui sont nombreuses et efficaces.
Et puis, je vous aurais dit tout le bien que je pense de l'Agence française pour les investissements internationaux, dont, vous le savez, la mission est stratégiquement essentielle et qui souffre particulièrement de l'actuelle rigueur budgétaire. Elle a grand besoin de compléter son maillage, précisément là où vous nous encouragez à accentuer nos efforts : en Chine, en Inde et en Russie. N'est-il pas possible, monsieur le secrétaire d'Etat, en particulier dans le cadre des plans d'action, de lui donner rapidement les moyens d'une présence potentiellement si prometteuse ?
C'est sur l'expression de ce voeu, dont je souhaite ardemment que vous puissiez l'exaucer, que je conclurai tout en vous assurant, monsieur le secrétaire d'Etat, de tout notre soutien. Avec le groupe UMP, je voterai bien entendu votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Auguste Cazalet.
M. Auguste Cazalet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je m'exprimerai au nom de mon collègue et ami Dominique Leclerc, qui a dû regagner sa mairie d'urgence.
Le budget du commerce extérieur, en hausse de 2,45 %, n'enregistre cette année qu'une légère augmentation.
La modestie de cette progression est due en grande partie aux efforts de rigueur et de rationalisation consentis par votre ministère, ce dont nous vous félicitons.
La présentation des crédits consacrés au commerce extérieur est imparfaite. Il convient en effet d'y ajouter les crédits alloués à l'assurance crédit à l'exportation, dont la gestion est confiée par l'Etat à la COFACE ; la dotation dont bénéficie le fonds d'études et d'aides au secteur privé, le FASEP ; la subvention à l'Agence française pour les investissements internationaux ; enfin, les prêts et dons du Trésor aux Etats étrangers. Ainsi, ce sont en réalité plus de 435 millions d'euros qui seront consacrés cette année au commerce extérieur.
M. le ministre délégué au commerce extérieur a souhaité consacrer l'essentiel de ces crédits au soutien à l'exportation des PME françaises. A raison !
Les PME produisent 24 % de notre richesse nationale et présentent un fort potentiel de développement. Elles constituent un véritable gisement d'emplois et de croissance pour notre pays.
Malheureusement, à l'heure actuelle, elles sont encore trop peu nombreuses à se tourner vers les marchés extérieurs. Elles sont en effet un peu moins de 120 000 à exporter et n'assurent que 32 % du commerce extérieur, alors qu'elles représentent 89 % des entreprises exportatrices. Cela s'explique notamment par le fait que les marchés concernés leur paraissent trop souvent lointains et complexes. C'est regrettable, car leur prospérité dépend aujourd'hui en grande partie de leurs prises de marchés à l'international.
Il convenait donc de susciter de nouvelles vocations exportatrices parmi ces entreprises en leur donnant confiance par la création d'un environnement favorable. Vous l'avez très bien compris, et tel est le sens de la politique que vous avez engagée.
Pour cela, vous tenez notamment à renforcer la présence des entreprises françaises dans les foires et les salons à l'étranger. Il est étonnant, en effet, de constater que la France présente encore un tel déficit dans la promotion commerciale de ses entreprises dans les pays étrangers, et ce parce qu'elle leur octroie moins de subventions publiques dans ce domaine que ses partenaires européens, l'Allemagne, la Grande-Bretagne ou l'Italie.
Certes, le programme national des actions de promotion collective à l'étranger pour 2004, assuré par UbiFrance, comprend 193 manifestations collectives dont l'agence assume directement l'organisation. Cela dénote une reprise du nombre des opérations soutenues par le dispositif public.
Cependant, cet effort ne permet pas de nous hausser au niveau de nos partenaires européens. C'est pourquoi vous avez décidé de redéployer certains crédits du FASEP-garantie et de les consacrer au soutien d'un programme additionnel d'opérations de promotion assurées par des opérateurs tiers agréés par UbiFrance dans le cadre d'une nouvelle procédure de labellisation.
Ainsi, quatre-vingts dossiers, établis par trente opérateurs distincts - CCI, organisations professionnelles... -, ont été déposés auprès d'UbiFrance. Plus de cinquante projets ont d'ores et déjà été validés.
Au total, le programme des opérations collectives pour 2004 pourrait donc compter environ deux cent cinquante opérations, soit une augmentation en volume de 46 % par rapport à l'exercice 2002.
La progression est appréciable et permet de penser que l'objectif de voir doubler l'offre globale d'opérations de promotion collective entre 2002 et 2005 est à notre portée.
En dehors de cet effort de promotion, vous avez décidé de définir des pays prioritaires ou « marchés cibles ». C'est ainsi qu'une liste de vingt-cinq pays en direction desquels le commerce extérieur bénéficiera d'un effort de relance et d'impulsion a été arrêtée. Elle comprend les dix-neuf marchés à fort potentiel d'importation où la France doit accroître sa présence, parmi lesquels les Etats-Unis, la Chine, la Russie et l'Inde ; trois grands marchés européens sur lesquels nos PME doivent intensifier leur action : l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Italie ; enfin, les pays du Maghreb, qui doivent être soutenus pour des raisons géopolitiques.
Cette démarche traduit bien votre volonté d'accorder une attention particulière aux grandes zones actuelles de croissance dans le monde.
Cependant, ne négligeons pas les petits pays ou les petits marchés. Ils sont parfois plus accessibles, notamment pour nos très petites entreprises, qui souvent redoutent de s'attaquer à de grands marchés comme la Russie ou la Chine.
Enfin, il me semble essentiel de simplifier et de moderniser le dispositif d'accompagnement de nos entreprises à l'exportation. La modernisation se traduit notamment par la création de l'agence UbiFrance, chargée de jouer le rôle de guichet unique indispensable aux PME.
Mais, dans le même temps, la simplification doit être réalisée à l'échelon des régions, où un interlocuteur unique doit être en mesure de sensibiliser les petites entreprises aux possibilités offertes par les marchés extérieurs. C'est pourquoi je souscris totalement au transfert des compétences des services des directions régionales du commerce extérieur vers les conseils régionaux, transfert qui est envisagé dans le cadre de la décentralisation voulue par le Premier ministre.
Cette décentralisation, j'en suis convaincu, permettra non seulement de rapprocher les entreprises et les acteurs locaux, mais aussi de répondre aux exigences des chefs d'entreprise, qui souhaitent aujourd'hui obtenir des informations pertinentes, fiables et personnalisées sur les marchés étrangers.
Toutefois, s'il est certain que les conseils régionaux doivent être les chefs de file, il ne faudra pas pour autant manquer d'associer à leurs actions les chambres de commerce et d'industrie ainsi que les fédérations professionnelles, qui jouent un rôle essentiel dans ce domaine.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avec ce budget, le ministère délégué au commerce extérieur se donne les moyens de réaliser une politique ambitieuse de soutien aux PME, qui représentent un véritable vivier d'exportations nouvelles, et donc de création d'emplois. C'est pourquoi je voterai, bien entendu, ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, un milliard d'euros d'exportations supplémentaires, cela représente 15 000 nouveaux emplois pour les Français. Le commerce extérieur est donc une clé de la croissance et de l'emploi.
Plus que d'aides, nos entreprises souhaitent bénéficier d'un environnement favorable au développement des affaires, d'informations pertinentes sur les marchés extérieurs et d'un accompagnement personnalisé, surtout quand elles débutent à l'exportation.
La mondialisation est un fait. Nous devons nous organiser pour en tirer le meilleur parti pour nos concitoyens et nos entreprises.
La vision française de la mondialisation gagne du terrain. Elle s'exprime à l'OMC et dans notre politique en faveur des pays en développement. Le Gouvernement souhaite que les négociations commerciales engagées à Doha et ayant pris du retard à Cancún en septembre puissent être relancées.
A cet égard, comme vous le savez, la conférence ministérielle de l'OMC n'a pas permis de relancer le cycle de négociations commerciales entamé à Doha et qui doit normalement se conclure par un accord avant le 1er janvier 2005. Le Gouvernement déplore ce retard.
Nous souhaitons progresser dans les domaines qui intéressent les pays en développement. En particulier, nous nous réjouissons qu'un accord ait été trouvé pour permettre l'accès aux médicaments des pays en développement frappés par de graves épidémies. Nous suivrons de près sa mise en oeuvre. Si nous souhaitons mieux insérer l'Afrique dans le commerce mondial, nous devons lui réserver des règles commerciales encore plus favorables.
Quatrième exportateur mondial, la France est un grand bénéficiaire de l'ouverture internationale.
Nos entreprises sont parties à la conquête du marché unique élargi, qui, avec 450 millions de consommateurs, est en train de devenir notre nouveau marché intérieur. C'est là un enjeu de taille, car, dans moins de six mois, dix nouveaux pays auront rejoint l'Union européenne. L'expérience de l'élargissement à l'Espagne et au Portugal a montré que l'enrichissement de ses membres se révèle une source de croissance pour notre économie.
Nos entreprises s'internationalisent. Les grandes sont maintenant largement présentes sur les marchés étrangers, mais ce n'est pas encore le cas des PME, puisque 122 000 entreprises françaises exportent, ce qui est trop peu. Il existe un vivier d'environ 50 000 entreprises qui peuvent, si elles sont bien informées et encouragées, devenir des entreprises exportatrices.
La réforme du dispositif d'appui au commerce extérieur, que M. François Loos vous avait annoncée voilà un an et que le Gouvernement a mise en place depuis, vise précisément cet objectif : encourager les PME à exporter.
La fusion du Centre français du commerce extérieur et d'UbiFrance a été réalisée. Elle repose sur deux principes : une démarche véritablement commerciale à destination des PME pour les informer et les accompagner à l'exportation, et un partenariat élargi. L'Etat ne peut tout faire. Nous devons donc faire confiance à des partenaires publics et privés pour travailler ensemble. C'est le sens de la réforme du commerce extérieur.
Il faut tout d'abord s'appuyer sur les régions, qui sont proches du tissu économique. C'est l'esprit de la décentralisation, et nous éviterons ainsi les doublons.
Comme vous le savez, les compétences et les services des directions régionales du commerce extérieur seront transférés aux conseils régionaux. A cet égard, trois expériences d'anticipation sont en cours.
Il faut ensuite labelliser de nouveaux salons professionnels à l'étranger. Comme M. le ministre délégué au commerce extérieur vous l'avait annoncé, le Gouvernement souhaite doubler le nombre des salons à l'étranger auxquels participent nos entreprises. M. François Loos a d'ailleurs demandé à UbiFrance d'atteindre cet objectif dès 2004, avec les 21 millions d'euros sur trois ans de crédits supplémentaires dégagés par redéploiement, en labellisant des salons qui répondront à des critères d'intérêt national et qui seront organisés par nos partenaires naturels : les régions, les fédérations professionnelles, les chambres de commerce et d'industrie, les opérateurs privés.
Dans le même esprit, une nouvelle méthode a été retenue pour atteindre l'objectif ambitieux que s'est fixé le Gouvernement concernant les jeunes à l'international.
Comme M. le ministre délégué au commerce extérieur s'y était engagé, le volontariat international en entreprise a été assoupli pour répondre aux besoins des PME et pour faire en sorte que les jeunes acquièrent une véritable expérience professionnelle à l'étranger, qui débouche ensuite sur un emploi stable. C'est désormais chose faite. Encore faut-il le faire savoir !
Là encore, la méthode retenue s'appuie sur nos partenaires, qui ont tous signé des conventions de mobilisation et d'intéressement, en présence du Premier ministre, afin de doubler le nombre de jeunes partant à l'étranger d'ici à 2005.
Le nouvel établissement public UbiFrance s'est vu confier trois missions principales qui devraient permettre de satisfaire les PME : mieux diffuser et vendre les prestations des 154 missions économiques à l'étranger, doubler le nombre de VIE grâce à la mise en place des partenariats et doubler le nombre des salons professionnels grâce à la labellisation.
Un comité pour l'exportation a été mis en place. Il regroupe l'ensemble des partenaires publics et privés qui s'intéressent au commerce extérieur. Le ministre délégué au commerce extérieur le préside régulièrement. Nous y examinons les plans d'action commerciale prioritaire qui ont été définis pour vingt-cinq pays cibles, correspondant aux principaux marchés extérieurs et à ceux qui connaissent la plus forte croissance.
Le projet de budget que j'ai l'honneur de vous présenter comporte les moyens de réaliser cette politique. Comme je vous l'ai dit, développer les exportations ne passe pas nécessairement par un accroissement des aides financières ; cela tient surtout à une meilleure information et à un meilleur accompagnement des entreprises.
Les gains de productivité réalisés par les services du commerce extérieur permettront d'offrir aux entreprises de meilleures prestations à moindre coût pour le contribuable.
Grâce au contrat triennal qui vient d'être signé entre la direction des relations économiques extérieures et l'administration du budget, grâce à la certification qualité ISO 9001, grâce à la fusion effective des services de la DREE et du Trésor à l'étranger, grâce à la réforme d'UbiFrance, grâce à ce partenariat avec les chambres de commerce, les fédérations professionnelles, nous mettons en place des synergies qui permettent d'offrir un meilleur service à nos entreprises.
Les moyens de fonctionnement du réseau, soit 162 millions d'euros, sont la conséquence de la fusion des services de la DREE et du Trésor à l'étranger.
Le redéploiement des effectifs vers les pays cibles et vers les fonctions commerciales se poursuit. La meilleure articulation avec le Trésor va permettre d'améliorer la production d'analyses pour le compte de l'Etat. La convention entre la DREE et UbiFrance permettra de mieux vendre et diffuser les productions des missions économiques en France.
Le troisième grand poste du projet de budget du commerce extérieur concerne les procédures financières de soutien aux entreprises. Les crédits affectés à cette fin s'élèvent à 168 millions d'euros. L'objectif est, là aussi, de mieux servir les PME.
Tout d'abord, je souhaite rappeler que la COFACE, groupe privé, gère, pour le compte de l'Etat, l'assurance crédit, qui dégage régulièrement un excédent depuis plusieurs années. Celui-ci a atteint 1 milliard d'euros en 2003. Aujourd'hui, l'encours porté par l'Etat est de 62 milliards d'euros, et 6 milliards d'euros de nouveaux engagements ont été pris ces neuf derniers mois. Le Gouvernement veille à ce que les prises de garanties soient le plus transparentes possible.
Comme M. le ministre délégué au commerce extérieur vous l'avait annoncé l'année dernière, l'effort en faveur des salons professionnels est triplé. Un fonds de garantie en faveur de l'investissement à l'étranger, le FASEP-garantie, qui n'a traité que quarante-quatre dossiers depuis sa création, a été redéployé par la loi de finances rectificative pour 2003 au profit de crédits de soutien aux PME désirant participer aux salons à l'étranger. Cet effort sera poursuivi pendant trois ans, à hauteur de 7 millions d'euros chaque année.
Une mondialisation maîtrisée, ouvrant de nouveaux marchés à nos entreprises et nous permettant d'assumer nos responsabilités à l'égard des pays du Sud, une priorité pour nos jeunes et nos PME, véritable vivier d'exportations nouvelles, une mobilisation sur les marchés de proximité et en forte croissance, une organisation décentralisée plus proche du terrain : voilà les axes d'une politique qui doit redonner confiance aux Français, créer de l'emploi, de la richesse, de la croissance et permettre de tirer le meilleur parti de l'ouverture des échanges.
Je voudrais enfin répondre à M. Michel Bécot, qui m'a interrogé tout d'abord sur ce que l'on peut attendre de la réunion du 15 décembre à l'OMC.
Compte tenu du fait qu'aucun des participants, qu'il s'agisse des pays en développement, des grands pays émergents ou des pays développés, ne s'est déclaré prêt à faire évoluer sa position, on ne peut escompter aucune avancée lors de cette réunion, ce qui est bien sûr regrettable.
La seconde question de M. Bécot concernait les pays en développement : faut-il établir des distinctions en leur sein plutôt que de réduire les avantages consentis aux pays les plus pauvres ?
L'OMC range dans une même catégorie des pays aux niveaux de développement très divers. Le mécanisme de la clause de la nation la plus favorisée, qui généralise à tous les membres le bénéfice d'avantages identiques, défavorise par là même les pays plus pauvres, qui perdent ainsi leurs avantages spécifiques. C'est pourquoi nous prônons une différenciation du traitement des pays les plus pauvres et de celui des grands pays émergents, qui, en réalité, ne sont plus des pays pauvres.
Enfin, monsieur Marc, s'agissant du contrôle effectué sur les dépenses, les aides à l'exportation passent par plusieurs voies : UbiFrance, les contrats de plan Etat-région, les assurances et garanties. Les décisions d'octroyer la garantie de l'Etat sont prises soit par la COFACE, pour les dossiers les moins importants, soit par l'Etat, dans le cadre de la commission des garanties, pour les autres dossiers.
Le contrôle du compte « Etat » de la COFACE est assuré par la direction du Trésor et par la DREE. Les prêts et dons aux Etats étrangers sont décidés par le ministre délégué, sur proposition d'un comité interministériel. Ils sont mis en oeuvre par Natexis et, dans certains cas, par l'Agence française de développement, qui gère ces opérations sous le contrôle de la DREE.
Le Gouvernement va renforcer le contrôle de l'efficacité des aides, par le biais d'indicateurs de résultats. Ils s'inscriront dans les futurs programmes annuels de performance dans le cadre de la LOLF, et permettront aux gestionnaires et au Parlement de contrôler l'efficacité de la dépense.
En ce qui concerne la LOLF, il est envisagé d'intégrer les crédits du commerce extérieur dans un seul programme portant sur les grands équilibres économiques. Un effort considérable est réalisé en matière de gestion de notre réseau à l'étranger. Une coopération étroite a été mise en oeuvre avec le ministère des affaires étrangères, dans le cadre du CIME, le Comité d'information et de mobilisation pour l'emploi, pour diffuser les bonnes pratiques de gestion dans le réseau diplomatique français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'économie, les finances et l'industrie.
Je rappelle au Sénat que les autres crédits concernant l'économie, les finances et l'industrie ont été examinés aujourd'hui même.
M. le président. « Titre III : 38 779 003 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 34 020 317 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 521 030 000 euros ;
« Crédits de paiement : 137 184 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 846 253 000 euros ;
« Crédits de paiement : 181 526 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'économie, les finances et l'industrie.
Services du Premier ministre
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux (à l'exclusion des crédits relatifs à la fonction publique, à la presse, à l'audiovisuel et au Conseil supérieur de l'audiovisuel).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. François Marc, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au cours de cette intervention, je vous présenterai les principales observations que m'a inspirées le projet de budget des services généraux du Premier ministre pour l'année 2004.
S'agissant de la présentation des grandes masses de ce projet de budget, je vous renvoie aux premières pages de mon rapport, qui dépeignent des crédits en légère augmentation, à hauteur de 0,9 %, mais loin d'avoir un poids négligeable, puisqu'ils atteignent plus de 1 milliard d'euros.
Je focaliserai mon propos sur deux points : d'abord, la mise en oeuvre de loi organique relative aux lois de finances ; ensuite, la mise en place de la commission de vérification des fonds spéciaux, à laquelle M. SergeVinçon et moi-même avons eu l'honneur d'être nommés par M. le président du Sénat.
La mise en oeuvre de la LOLF par les services généraux du Premier ministre semble se heurter à des difficultés particulières.
L'une de ces difficultés résulte du périmètre du budget des services généraux du Premier ministre. Ce budget est en effet à la fois trop petit et trop grand.
Il est trop petit, parce qu'il s'élève à seulement 1 milliard d'euros, voire deux fois moins si l'on exclut la compensation des exonérations de redevance télévisuelle. Il ne couvre pas la DATAR, la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, le Commissariat général du Plan, le Conseil économique et social et le secrétariat général de la défense nationale, qui font partie des services du Premier ministre mais pas de ses services généraux.
Cependant, même en incluant les crédits correspondants, comme cela est envisagé, ce budget serait de seulement 1,5 milliard d'euros. Cela rend difficile l'identification en son sein de programmes, dans la mesure où, si un programme est trop petit, il ne permet pas véritablement de bénéficier de la fongibilité des crédits. Ainsi, sur les quatre programmes actuellement envisagés, un seul serait supérieur au montant de 500 millions d'euros que la Cour des comptes considère comme un minimum.
Mais, en même temps, ce budget est trop grand, parce qu'il finance, par exemple, de nombreux organismes consultatifs dont le domaine de compétence correspond à celui d'un autre ministère. On peut aussi se demander s'il a réellement vocation à financer, à hauteur de la moitié de ses crédits, des dépenses sociales comme la compensation d'exonérations de redevance télévisuelle, ou ce que la loi de finances appelle les « actions en faveur des victimes des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation ». Cette hétérogénéité, que la Cour des comptes a jugée excessive, rend difficile la définition d'une mission cohérente.
Dans ces conditions, dans quelle mesure le présent projet de loi de finances contribue-t-il à rationaliser le périmètre des services généraux du Premier ministre ?
Bien qu'il reste beaucoup à faire, il me semble que ce projet de loi de finances va dans la bonne direction, parce qu'il introduit un peu de logique dans la nébuleuse d'organismes gravitant autour du Premier ministre.
Il vise en effet à transférer à d'autres budgets le financement de trois autorités administratives indépendantes et de quatre organismes consultatifs, ainsi qu'à supprimer un cinquième organisme, qui était tombé en désuétude.
Je me réjouis, bien entendu, de cette rationalisation. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2002, suivant en cela l'orientation définie par mon prédécesseur, notre collègue Roland du Luart, j'avais déploré « une augmentation quelque peu anarchique du nombre d'organismes rattachés » au Premier ministre. De même, M. le rapporteur général a récemment publié un article dans lequel, après avoir rappelé une célèbre formule deClemenceau, il dénonce « la République des Gustave et Théodule » ! (Sourires.)
Un autre progrès du présent projet de budget par rapport à celui de l'année dernière consiste en la mise en oeuvre de la disposition de la loi de finances rectificative du 6 août 2002 selon laquelle le « jaune » doit indiquer le coût et l'activité des organismes placés auprès du Premier ministre et des ministres.
On peut ainsi constater que la plupart des organismes coûtent moins de 400 000 euros par an et se réunissent assez peu souvent. Certains organismes se distinguent par un nombre de réunions très important, d'autres, au contraire, par un nombre de réunions très faible. Ces données ne prouvent rien, en elles-mêmes, sur l'activité de ces organismes, mais elles incitent à en examiner certains de plus près.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, vous poser trois questions au sujet de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances.
Tout d'abord, le projet de mission a-t-il été validé par le Premier ministre ?
Ensuite, la suppression ou le transfert de nouveaux organismes financés par le budget des services généraux du Premier ministre, ou rattachés aux services généraux du Premier ministre, est-il envisagé ?
Enfin, ne serait-il pas opportun, afin d'améliorer la lisibilité du budget des services généraux du Premier ministre, de transférer à un autre budget, comme celui de la culture et de la communication, la compensation des exonérations de redevance télévisuelle, qui représente la moitié de ses crédits, ainsi que les services chargés de la gérer ?
Je voudrais, en dernier lieu, faire brièvement le point sur la réforme des fonds spéciaux réalisée par la loi de finances initiale de 2002, qui a, en particulier, institué une « commission de vérification » chargée de contrôler chaque année que les crédits ont été utilisés conformément à leur destination.
La commission de vérification des fonds spéciaux est, je le rappelle, composée de six membres, dont deux députés et deux sénateurs, son président étant obligatoirement l'un des deux députés. Cette commission a commencé à siéger à compter du mois de juillet dernier.
Le présent projet de loi de finances prévoit de doter les fonds spéciaux de 37 millions d'euros, montant identique à celui qui était inscrit dans les lois de finances de 2002 et de 2003.
Il faut rappeler que les crédits demandés au titre des fonds spéciaux sont systématiquement sous-évalués, la DGSE, la Direction générale de la sûreté extérieure, principale intéressée, bénéficiant traditionnellement d'abondements en cours d'année. Une évaluation plus réaliste des besoins serait sans doute préférable, même si le respect du secret des opérations concernées n'est peut-être pas compatible avec une estimation précise à l'occasion de chaque loi de finances.
Je souhaiterais donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous indiquiez, de manière plus précise que l'année dernière, ce qui s'opposerait à ce que, dans le cadre des prochaines lois de finances, les crédits des fonds spéciaux soient évalués de manière plus réaliste.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les quelques observations que m'a inspirées ce budget.
Je rappelle que, compte tenu, notamment, de l'amélioration en cours de la transparence des informations relatives aux organismes financés par ce budget, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter le budget des services généraux du Premier ministre. (M. Michel Moreigne applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget des services généraux du Premier ministre pour 2004 est marqué par un effort sans précédent de rationalisation des services destiné à les recentrer sur leurs missions fondamentales et à préparer l'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique relative aux lois des finances.
Je voudrais saluer le travail du rapporteur spécial, M. François Marc, et l'en remercier. Vous avez d'ailleurs bien voulu, monsieur le rapporteur, souligner que nous allions dans la bonne direction avec un effort de rationalisation encore partiel, mais le cap est le bon.
Le Premier ministre a en effet, dans le cadre de la nouvelle constitution financière qui entrera en vigueur au plus tard en 2006, demandé aux ministres de procéder à un réexamen critique de leurs missions et de leurs structures dans le cadre des stratégies ministérielles de réforme, qui ont d'ailleurs donné lieu à des débats fort intéressants devant votre commission.
Une démarche identique s'est déroulée dans ses propres services ; elle a été lancée avec quelques mois d'avance, de sorte que sa première étape s'achève avec le projet de loi de finances pour 2004.
A cette occasion, le Premier ministre a souligné le caractère exceptionnel que doit avoir le fait qu'un service lui soit rattaché directement. En réalité, l'existence même des services du Premier ministre ne se justifie qu'au regard des missions que le Premier ministre tient de la Constitution : il « dirige l'action du Gouvernement », qui « détermine et conduit la politique de la nation » et qui « dispose de l'administration et de la force armée ». Il est en outre « responsable de la défense nationale » et il « assure l'exécution des lois et dispose du pouvoir réglementaire ». Ses services doivent donc donner au Premier ministre une vision stratégique, lui permettre de diriger l'action du Gouvernement, d'organiser et de moderniser l'administration, de coordonner l'action de l'Etat ainsi que tous les aspects de la défense nationale.
Les ministres sont chargés de mettre en oeuvre les politiques publiques qui relèvent de leur secteur d'activité. On voit bien, dès lors, que la légitimité des services du Premier ministre consiste à l'assister dans ses missions, et non à lui confier directement les outils nécessaires pour mettre en oeuvre des politiques publiques.
C'est donc sur l'unité de la mission constitutionnelle du Premier ministre que doivent reposer la cohérence et la légitimité de ses services : elle passe avant tout par une rationalisation des structures, que vous avez appelée de vos voeux.
C'est en raison de cette unité que le Gouvernement souhaite une présentation budgétaire ramassée de ces services : la réforme de l'Etat ne consiste certainement pas à confiner des budgets étroits, à partir d'éléments disparates, dans une sorte d'inventaire à la Prévert, elle doit au contraire tendre à simplifier les structures autour des attributions constitutionnelles du Premier ministre.
Cette réforme ne peut être que progressive - M. le rapporteur spécial vient de le rappeler -, et nous en sommes à la première étape dans le cadre du projet de nomenclature qui sera choisi pour la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique.
Les observations de M. le rapporteur tendant à concentrer encore plus les missions seront suivies d'effet, ce qui devrait conduire à retenir une nomenclature budgétaire plus concentrée, structurée en trois programmes : la direction de l'action du Gouvernement, l'aménagement du territoire ainsi que la communication et l'audiovisuel.
Au-delà de l'organisation générale du budget, les services du Premier ministre, ainsi que vous l'avez noté, monsieur le rapporteur, ont entamé un processus de rénovation de leur cadre de gestion, en particulier par la conclusion d'un protocole expérimental avec le contrôleur financier et la globalisation des crédits de rémunération. L'enrichissement par des indicateurs de la partie du « bleu » budgétaire relative aux agrégats participe de la même démarche et est, je crois, de nature à éclairer le contrôle de la représentation nationale.
Le projet de budget des services généraux du Premier ministre pour 2004 s'établit à 1,154 milliard d'euros, en augmentation de 0,85 % par rapport à l'année dernière, ce qui est très raisonnable.
Ce projet de budget témoigne d'un effort significatif, notamment en ce qui concerne la maîtrise du niveau des emplois. A structure constante, il prévoit en effet la suppression de dix emplois budgétaires. Si l'on prend en compte les mesures de transfert dans le cadre de la rationalisation des structures, le solde global s'établit à une diminution de trente-quatre emplois s'agissant de l'administration générale.
Grâce à la création, en 2003, des services interministériels de la réforme de l'Etat, que j'ai l'honneur de conduire - la délégation à la modernisation de la gestion publique et aux structures de l'Etat, la délégation aux usagers et aux simplifications administratives et l'Agence pour le développement de l'administration électronique, qui ont désormais pris leur rythme de croisière et atteint très rapidement un seuil de crédibilité -, le périmètre de ces services est, pour 2004, l'objet d'une rationalisation très importante, avec la suppression ou le transfert de vingt-huit organismes, missions ou commissions, dont cinq étaient dotés de structures permanentes et de crédits.
Cet agrégat comprend également des crédits d'actions concernant la communication gouvernementale, l'action en faveur des droits de l'homme et du développement de la citoyenneté et l'indemnisation des victimes de spoliations du fait des législations antisémites pendantl'Occupation.
Les très légères augmentations de crédits correspondent à quelques actions sur lesquelles je voudrais insister brièvement.
En ce qui concerne les moyens en personnels, a été privilégié le prolongement des moyens de l'Agence pour le développement de l'administration électronique, levier interministériel indispensable pour l'interopérabilité des systèmes informatiques et la mise en cohérence des actions visant à accélérer la numérisation des services publics, qui, vous le savez, sont l'un des leviers essentiels de la réforme de l'Etat.
Les moyens d'intervention de l'Agence sont doublés : ils passent de 4 millions d'euros à un peu plus de 8 millions d'euros. Il s'agit d'une augmentation très significative dans le contexte actuel.
J'insisterai également sur la consolidation et l'extension du dispositif du centre d'appel téléphonique visant à fournir les informations de base aux usagers de l'administration. Ce centre d'appel, qui est opérationnel dans la région Rhône-Alpes depuis un peu plus de deux semaines, permet, dans une première phase, la prise en charge de 10 % de la population. Le « 39 39 Allo service public » a d'ores et déjà rencontré un accueil extrêmement favorable dans les médias, mais aussi - et c'est l'essentiel - auprès des habitants de la région, puisque le taux de satisfaction est extrêmement élevé. Cela permet d'envisager de façon positive la progession de la desserte, les crédits ouverts au titre de 2004 correspondant à la desserte de 40 % de la population. Les crédits prévus permettront d'accompagner cette opération emblématique de la modernisation du service public et de la réforme de l'Etat.
Pour le titre IV, les moyens consacrés à l'indemnisation des victimes de spoliations du fait des législations antisémites pendant l'Occupation sont renforcés. L'augmentation de 10 millions d'euros des crédits ouverts permettra d'assurer le financement des indemnisations à verser.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003, le Parlement avait demandé au Gouvernement de lui présenter un rapport relatif à l'extension à l'ensemble des orphelins des victimes du nazisme des mesures de réparation prises pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites.
Le Premier ministre a donc informé le Parlement, le 2 septembre dernier, qu'à la suite d'un rapport remis au Gouvernement par M. Philippe Dechartre il a décidé de procéder à cette extension, qui fera, en 2004, l'objet d'un décret spécifique. Toutefois, la complexité de la question demande un travail préparatoire approfondi pour qu'aucune catégorie de victimes ne soit injustement exclue du nouveau dispositif. Une fois bien identifié le périmètre de cette mesure, il sera possible d'évaluer avec précision le coût de celle-ci et, si nécessaire, de procéder à un abondement de crédits.
Je voudrais répondre aux observations formulées par M. le rapporteur, et d'abord s'agissant du rattachement des crédits de remboursement d'exonération de redevance et des crédits d'indemnisation des victimes de spoliations du fait des législations antisémites pendant l'Occupation au budget des services du Premier ministre.
Vous vous êtes interrogé légitimement, monsieur le rapporteur, sur la pertinence de ce rattachement des crédits de remboursement d'exonération de redevance, ainsi que de ceux qui sont relatifs à la presse écrite. Ces derniers participent surtout de la politique de la communication, qui relève de la compétence de la direction du développement des médias, direction des services généraux du Premier ministre mise à disposition du ministre de la culture et de la communication.
On peut légitimement débattre du rattachement le plus pertinent. Toutefois, le rattachement à la direction du développement des médias n'est pas anormal ou choquant dans la mesure où elle est mise à disposition du ministre de la culture et de la communication.
Vous estimez également souhaitable, monsieur le rapporteur, dans un souci de lisibilité que bien entendu je partage, d'intégrer les crédits d'indemnisation des victimes de spoliations du fait des législations antisémites pendant l'Occupation au budget de la solidarité nationale ou au budget des anciens combattants.
Le Gouvernement reste, malgré tout, très attaché à l'inscription de ces crédits au budget des services du Premier ministre en raison de la solennité qu'il souhaite donner à la reconnaissance par la nation tout entière du préjudice incomparable subi par les victimes des horreurs nazies.
S'agissant de la sous-consommation des crédits, dont vous soulignez qu'elle caractérise le budget des services généraux du Premier ministre, il convient de préciser que le taux de consommation de ces crédits a connu, au cours de la période la plus récente, une augmentation très notable. Ainsi, entre 2000 et 2002, ce taux a progressé de plus de 15 %. Nous sommes donc sur la bonne voie.
En ce qui concerne plus particulièrement les crédits d'investissement, pour lesquels le taux de consommation est le plus faible, il convient de faire remarquer que, depuis 2002, le niveau des crédits de paiement inscrits en loi de finances a été fixé en prenant en compte les consommations constatées de l'exercice précédent et les prévisions de consommation de l'exercice en cours.
Ainsi, l'augmentation en 2004 qui vous est proposée fait suite à la résorption de l'essentiel des reports de crédits. C'est la marque de la volonté d'un contrat de bonne gestion, comme l'a souhaité le ministre du budget, à l'égard de la représentation nationale.
Enfin, j'évoquerai le niveau des crédits relatifs aux fonds spéciaux.
Monsieur le rapporteur spécial, vous êtes membre de la commission de surveillance, qui siège depuis le mois de juillet dernier. A ce titre, vous faites preuve d'une vigilance bienvenue. Nous attendons d'ailleurs beaucoup de la rigueur de cette commission. Vous vous demandez si les crédits prévus seront suffisants, en constatant, avec raison, que, chaque année, les crédits inscrits sur ce chapitre sont dépassés. Vous vous demandez s'il n'y aurait pas lieu d'anticiper ces dépassements. Le Gouvernement continue d'estimer que, dans le cadre de la gestion la plus étroite possible de ces fonds, il faut effectuer les abondements spécifiques en gestion quand une opération spéciale doit être financée. En effet, cette procédure garantit un contrôle très étroit de l'exécutif, au cas par cas, pour le financement des opérations spéciales. Vous conviendrez que, en la matière, on n'est jamais assez vigilant.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais dire dans le cadre de la présentation du budget des services généraux du Premier ministre.
M. le président. Je vous rappelle que les crédits inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix demain, vendredi 5 décembre, à la suite des crédits relatifs à la fonction publique.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 17 301 740 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : moins 14 093 406 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 29 400 000 EUR ;
« Crédits de paiement : 11 421 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les services généraux du Premier ministre.
II. - SECRÉTARIAT GÉNÉRAL
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : II. - Secrétariat général de la défense nationale.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits du secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, pour 2004, qui s'élèvent à 50,15 millions d'euros, augmentent de 3,8 %. A périmètre constant, ils ne s'accroissent que de 1,2 %. Cette évolution, pour les dépenses ordinaires, résulte principalement de transferts d'emplois auparavant mis à disposition et de mesures nouvelles concernant les réseaux de communication sécurisés.
Après l'intégration de vingt et une personnes en provenance des ministères de la défense et de l'intérieur, le SGDN disposera en 2004 d'un effectif de 301 emplois.
Pour ce qui est des dépenses en capital, les crédits de paiement restent stables et leur répartition est également orientée vers une nouvelle impulsion pour les transmissions gouvernementales sécurisées. Toutefois, l'effort en direction du programme civil de défense n'est pas relâché pour autant.
Les autorisations de programme augmentent de 8,5 millions d'euros, dont 7,7 millions d'euros pour les capacités techniques interministérielles. Ces dotations sont destinées à garantir les services de l'Etat contre les intrusions informatiques.
Le SGDN, instrument privilégié du Premier ministre en matière de direction générale de la défense, travaille également en liaison avec la présidence de la République. En poste depuis 1998, le secrétaire général s'est attaché à centrer l'activité prioritaire du SGDN dans des tâches de conception et d'impulsion, tout en dynamisant la coordination interministérielle relevant de sa compétence. Ses équipes sont souvent sollicitées à la demande.
Le SGDN assure la synthèse, l'évaluation et la mise en valeur du renseignement à la disposition des plus hautes autorités de l'Etat. Si la coordination du renseignement semble s'améliorer, peut-être devrait-on aller jusqu'à créer un conseil sur le modèle du conseil de sécurité intérieure ?
Les transmissions gouvernementales restent aussi une des priorités du SGDN, notamment la valorisation du réseau « Rimbaud ».
La mission de contrôle des matériels de guerre dispose désormais de moyens suffisants, confirmés par la mise en oeuvre d'un nouveau système d'information. Son activité est d'ailleurs en progression.
Les chantiers nécessaires à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances sont en bonne voie au SGDN avec l'utilisation, depuis janvier 2002, du progiciel ACCORD - application coordonnée de comptabilisation, d'ordonnancement et de règlement de la défense de l'Etat - et la mise en place d'un plan pluriannuel d'application du contrôle de gestion et de suivi de la masse salariale. Je complimente l'administration du SGDN pour la présentation de sa masse salariale globale dans un chapitre unique : le chapitre 37-10.
L'Institut des hautes études de défense nationale, sous tutelle du SGDN, est devenu un établissement public administratif. Mais sa dotation propre, même si elle est portée à 2 millions d'euros pour 2004, grâce à un nouveau transfert d'emplois, ne lui assure toujours pas une véritable autonomie financière. En effet, avec les moyens mis à disposition par d'autres administrations, le coût réel de l'Institut atteindra 10,7 millions d'euros en 2004. Compte tenu de « la fuite des effectifs » d'encadrement que connaît l'Institut depuis une année et à l'heure où la création d'un futur collège européen de sécurité et de défense est envisagée, il devient urgent d'achever la réforme de cet établissement, notamment dans la perspective de l'application de la LOLF.
Cependant, je regrette, comme l'an dernier, qu'aucun compte rendu, même provisoire, de l'activité du premier semestre de 2003 ne m'ait été adressé. L'Institut devrait à tout le moins rendre compte du déroulement de la dernière session nationale, d'autant qu'elle se termine en avril.
Les fonctions du SGDN recouvrent également la coordination de la protection des populations. Dans un contexte international incertain, je m'inquiète donc tout particulièrement des risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques.
Concernant nos procédures d'urgence, dans le cas d'une catastrophe étendue à une grande partie du territoire, le SGDN améliore l'efficacité du renseignement, de la surveillance et de la détection, mais également les moyens d'alerte, d'évacuation, de protection et de décontamination des populations. Les capacités coordonnées de gestion de crise au plus haut niveau de l'Etat sont développées, pour maintenir au niveau opérationnel des équipements qui avaient pris du retard jusqu'en 1999. Enfin, les menaces liées aux nouvelles technologies de l'information sont prises en compte par d'importants crédits pour des capacités interministérielles.
J'apprécie que les responsabilités de chacun aient été redéfinies, notamment dans le cadre des zones de défense. Il convient cependant que l'effort en faveur d'une politique civile de défense protégeant efficacement la population française tout en l'impliquant davantage soit poursuivi.
J'apprécie donc le rôle confié au SGDN au sein du conseil de sécurité intérieure et je renouvelle le souhait qu'il puisse continuer à s'affirmer comme un instrument majeur de la refondation de notre défense non militaire.
Compte tenu de l'effort fait en faveur des missions du SGDN dans ce budget, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits du secrétariat général de la défense nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur celles de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Après l'excellent rapport de notre collègue Michel Moreigne, je ne reviendrai pas sur les crédits et sur le rôle du SGDN. Je dirai simplement un mot pour souligner que la transformation de l'Institut des hautes études de défense nationale, l'IHEDN, déjà bien entamée, doit se poursuivre tout en donnant à cet institut les moyens de ses ambitions. En effet, il serait opportun que l'IHEDN puisse avoir un rôle de premier plan dans la construction d'un futur collège européen de sécurité et de défense. Pour favoriser son internationalisation tout en gardant son rôle éminent en France, il est nécessaire de lui donner les moyens budgétaires indispensables.
J'en viens au thème central de ma brève intervention : les services de renseignements. Il me semble important de parler de ce sujet ici et maintenant, non pas parce que les sommes budgétaires aujourd'hui en discussion ont une incidence directe dans la marche des différents services de renseignements, civils et militaires, mais parce que le SGDN a une mission essentielle de coordination interministérielle en matière de défense et de sécurité, une mission qui recouvre notamment la préparation du comité interministériel du renseignement, le CIR.
Les réformes et adaptations concrétisées depuis 1999 ont confirmé le rôle du SGDN en matière de synthèse et de mise en valeur du renseignement. Le SGDN est à l'heure actuelle un instrument privilégié des plus hautes autorités de l'Etat en la matière. Voilà pourquoi j'ai souhaité m'exprimer à cette tribune.
Les menaces contemporaines auxquelles notre pays doit faire face ont souvent une connotation militaire, mais celle-ci n'est pas exclusive. Les formes prises par les menaces peuvent être diverses. Nos ripostes doivent l'être aussi et toutes les menaces ne demandent pas une réponse militaire.
Dans la lutte contre le terrorisme, l'objectif prioritaire est de prévenir les actions terroristes. Cela nécessite de disposer de renseignements fiables pour tenter de prévoir l'origine, la nature et le moment de l'agression. La fonction stratégique du renseignement doit être réaffirmée. Les moyens de lutte pour faire face au terrorisme reposent essentiellement sur les services de renseignements.
L'Union européenne tente actuellement de définir et de mettre en place une politique de sécurité commune avec le développement d'un concept de diplomatie préventive destinée à arrêter les conflits avant qu'ils ne dégénèrent. Certes, la violence ne peut pas toujours être vaincue avec la diplomatie et l'usage des armes doit rester l'ultime recours. Notre engagement dans la construction de l'Europe de la défense doit prendre en compte cette réalité.
Toutefois, qu'il s'agisse de diplomative préventive - et non pas de frappes préventives - ou de l'usage de la force dans le respect du droit international, il y a un élément commun : la qualité du renseignement, la finesse des informations dont disposent les décideurs, civils ou militaires, conditionnent la réussite de l'action.
Cela va de soi, c'est le bon sens même, mais il semble que nos amis américains l'aient quelque peu perdu en chemin puisqu'ils en sont encore à chercher des armes de destruction massive dans le désert irakien. Avaient-ils les bons renseignements ?
On peut sans doute avancer que la suite catastrophique de la guerre en Irak, une fois que les grandes opérations militaires ont « pris fin », est due en très grande partie à la mauvaise qualité des informations, des renseignements dont disposaient les autorités américaines.
Ce simple rappel permet d'affirmer, encore une fois, l'importance que nous devons accorder au renseignement. S'offrir les meilleurs moyens techniques et donner aux femmes et aux hommes des services de renseignement les meilleures conditions de travail constituent pour notre pays une clé essentielle pour ses succès civils et militaires. Il est donc question d'élaborer une politique de renseignement adaptée aux défis à venir.
L'idée d'un regard spécifique du Parlement sur les services de renseignement semble ne pas être au goût du jour, au goût de la majorité, au goût du Gouvernement. Et pourtant ! Il y a près de quatre ans, à l'Assemblée nationale, le rapport Paecht-Quilès, adopté par la commission de la défense nationale et des forces armées, avait conclu à la nécessaire création d'une délégation parlementaire pour les affaires de renseignement. Ses conclusions furent étouffées dans l'oeuf afin de ne pas susciter un affrontement de plus entre Matignon et l'Elysée. Cohabitation obligeait !
En effet, en matière de renseignement, quelle est aujourd'hui la compétence du Parlement ? Aux yeux de la procédure actuelle, rien, ou presque rien ! Nous sommes d'ailleurs l'un des rares parlements de pays démocratiques à se voir confisquer l'information en matière de renseignement. Nous en débattons une fois l'an, pendant quelques minutes, dans l'océan de la discussion budgétaire. Est-ce suffisant ?
Nous ne le croyons pas : au moment où les frontières entre sécurité intérieure et sécurité extérieure tendent à s'effacer, où les moyens d'action de l'Etat, de l'Europe demain, doivent avoir la capacité de savoir en amont pour mieux assurer la protection des populations en aval, nous pensons qu'il est nécessaire d'avoir une approche démocratique de la politique de renseignement.
Je souhaite insister - est-ce bien nécessaire ? - sur le fait que le renseignement d'aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir avec celui qui était pratiqué jusqu'à la fin des années quatre-vingt. Les espions venus du froid sont bien loin !
Le Parlement doit-il être absent du débat sur la politique du renseignement pour le XXIe siècle ? Est-il juste bon pour voter en aveugle des crédits qu'on lui propose sans jamais débattre de la politique qui les sous-tend ?
Nous devrions nous interroger sur les conditions de fonctionnement des services de renseignement.
Nous devrions pouvoir nous pencher sur leurs missions, sur les possibilités de coopération européenne, sur les nouvelles technologies à mettre en oeuvre.
Nous devrions nous préoccuper dans cette enceinte de la situation du recrutement, en qualité et en quantité. Il apparaît certes indispensable de renforcer, à l'avenir, l'effort de recrutement. Nous devons aussi nous interroger sur le type d'agents nécessaires aujourd'hui et demain. Avons-nous les mêmes besoins que lors de la guerre froide ? Quel statut doivent avoir ces personnels chargés de missions très spécifiques ? Doit-on garder des structures, civiles et/ou militaires, héritées d'un passé révolu ?
Est-il bon que les diverses directions des services de renseignement demeurent le champ clos des affrontements feutrés des nombreuses officines gouvernementales ?
J'ajoute qu'il existe déjà une cellule renseignement auprès du Haut Représentant de l'Union européenne, dont le but est la coopération et les échanges entre les services européens.
Tels sont, brièvement exposés, quelques sujets qui devraient intéresser notre Parlement.
On dit - c'est même devenu une tarte à la crème dans certains milieux - qu'il n'existe pas dans notre pays de « culture de renseignement ». Je ne sais pas exactement ce que peut être une telle culture, mais il est évident que l'on ne pourra pas construire dans notre pays une véritable politique du renseignement en tournant encore le dos au Parlement et aux élus.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les services de renseignement, civils et militaires, constituent un bouclier essentiel pour notre sécurité, en France et en Europe. Nous formons le voeu que, dans un avenir proche, le Parlement prenne toute sa place dans le nécessaire débat sur la politique du renseignement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. S'agissant du budget du secrétariat général de la défense nationale, comme l'a souligné le rapporteur spécial, M. le sénateur Moreigne, dont je souligne la qualité du travail, l'année 2003 a été marquée par beaucoup d'événements majeurs : le suivi des grands rendez-vous internationaux et des grandes négociations, l'Europe de la défense et le G8 ; le suivi du conflit en Irak et de ses suites ; une forte réactivité du comité interministériel du renseignement, dont le SGDN assure le secrétariat.
Vous avez eu raison, monsieur Boulaud, de souligner que le renseignement était plus que jamais un bouclier vital face à l'accroissement des risques de prolifération d'armes de destruction massive, et qu'il fallait donc renforcer cette fonction.
Par ailleurs, la modernisation de la planification de la sécurité nationale a été lancée dès juillet 2002 par le Gouvernement et a été approuvée cette année par le Président de la République.
Je rappelle également que le secrétariat général de la défense nationale est partie prenante du conseil de sécurité intérieure créé le 15 mai 2002.
Enfin, nous avons assisté au lancement d'une nouvelle phase des efforts de l'Etat en matière de télécommunications sécurisées et de sécurité des systèmes d'information.
Il était légitime que le Gouvernement, malgré des contraintes budgétaires fortes, fasse un effort en faveur du secrétariat général de la défense nationale au titre du projet de loi de finances pour 2004 dont nous débattons. Cet effort se traduit par une stabilisation d'un budget qui s'élève à 50 millions d'euros et marque un effort particulier en matière de transmissions.
Le budget d'investissement du centre de transmissions gouvernementales augmente de manière significative et les capacités du secrétariat général, dans le domaine des communications sécurisées, sont renforcées. Par ailleurs un effort particulier est réalisé en matière de prévention des risques nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques. Là encore, on ne saurait trop insiter, comme vous l'avez fait, monsieur Boulaud, sur la fonction stratégique du renseignement, qui mérite très certainement d'être davantage débattu au Parlement.
M. le Premier ministre en a conscience puisqu'il vient de décider de nommer auprès de lui un spécialiste de l'intelligence économique, ce qui est un signe de l'intérêt qu'il porte personnellement à ce dossier fondamental.
Comme l'a évoqué M. le rapporteur spécial, le Premier ministre a chargé le secrétariat général de la défense national de l'élaboration d'un plan interministériel pour renforcer les réactions aux agressions informatiques. Ce plan vient d'être remis au Premier ministre et il donnera prochainement lieu à des décisions.
Enfin, dans la ligne des voeux que vous avez exprimés, monsieur le rapporteur spécial, il faut que l'IHEDN, auquel vous avez bien voulu rendre hommage pour sa fonction irremplaçable dans ce domaine, veille à l'avenir à remettre un compte rendu plus régulier sur la session nationale en cours au moment de la préparation du budget. Le Gouvernement y veillera. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le secrétariat général de la défense nationale et figurant aux états B et C.
M. le président. « Titre III : 1 907 928 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 17 972 000 euros ;
« Crédits de paiement : 9 870 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions de projet de loi de finances concernant le secrétariat général de la défense nationale.
III. - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi des finances concernant les services du Premier ministre : III. - Conseil économique et social.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne, en remplacement de M. Claude Lise, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Du fait d'un petit accident qui le retient dans son département, mon collègue Claude Lise, rapporteur spécial des crédits du Conseil économique et social, m'a transmis le texte de son intervention.
Le projet de budget du Conseil économique et social est modeste - 32,6 millions d'euros - et son augmentation est de 1,4 %. C'est aussi un projet de budget peu détaillé, signe d'une relative autonomie de gestion laissée au bureau du Conseil. C'est, enfin, un projet de budget contraint, 90 % des dépenses étant liées aux ressources humaines, dont les effectifs sont stables depuis 2001.
Un seul facteur d'augmentation significative doit être signalé : le renouvellement du Conseil le 1er septembre 2004, qui entraînera automatiquement le versement de nouvelles pensions. En revanche, les dépenses de matériel et les investissements régressent.
A propos des investissements, les importants reports de crédits signalés l'an dernier ont fini par être consommés, le décalage n'étant dû qu'à des procédures nécessairement longues d'approbation des travaux sur le palais d'Iéna, classé monument historique.
Comme vous le constatez, l'examen des crédits du Conseil économique et social n'appelle que peu d'observations.
Il n'en va pas de même du devenir de ce projet de budget dans le cadre de l'application de la loi organique relative aux lois de finances, et ce en raison de l'incontestable spécificité du Conseil économique et social.
De multiples questions se posent. Quelle est la nature de la troisième assemblée constitutionnelle de la République ? Quel degré d'indépendance le constituant de 1958 a-t-il voulu lui donner ? Où convient-il de la situer ? Relève-t-elle d'un programme ou d'une mission ? Quel sens pourraient avoir des indicateurs de coûts, d'activité, de performance ?
Le Conseil économique et social est en contact plus ou moins étroit avec trois interlocuteurs : le Gouvernement, qu'il conseille ; le Parlement, dont il a adopté le mode de fonctionnement et qu'il peut informer ; et la société civile, qu'il représente.
Il pourrait être décidé de le laisser dans la sphère budgétaire du Premier ministre où il se trouve actuellement. On ne peut cependant nier le caractère restrictif d'un rattachement étroit à l'exécutif : à l'évidence, le Conseil ne peut pas être assimilé à une administration.
Une autre solution consisterait à le regrouper avec d'autres organes assurant une mission d'expertise et de conseil. Ce serait toutefois oublier sa dimension de représentant des forces économiques et sociales que lui a donnée la Constitution.
Pressentant des difficultés juridiques, mais aussi politiques, son président, M. Jacques Dermagne, a fait connaître au Premier ministre sa position, en se prononçant, comme on pouvait s'y attendre, pour un rattachement aux « pouvoirs publics », avec l'octroi d'une « dotation ».
Le rapporteur spécial relève, bien entendu, que le CES n'a pas la capacité de décision qui caractérise les actuelles composantes des « pouvoirs publics » et ne procède pas du suffrage universel. Il peut néanmoins comprendre les motivations de son président, qui réaffirme le souhait de tous ses prédécesseurs de voir cette institution traitée comme une assemblée parce qu'elle en a l'organisation et le mode de fonctionnement.
Quoi qu'il en soit et s'il fallait se contenter d'une solution « par défaut », aucune option ne semblant totalement satisfaisante, la commission des finances veillera à ce que la décision prise tienne compte de la spécificité de cette institution et soit empreinte de pragmatisme. A ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, elle apprécierait que vous fassiez part au Sénat de l'état de la réflexion du Gouvernement sur cette question.
S'agissant des activités et des travaux du Conseil, il importe de signaler deux faits nouveaux.
Tout d'abord, en juillet dernier, M. Jacques Dermagne, qui, depuis 1999, poursuit sans relâche une politique d'ouverture à l'international, a été élu président de l'Association internationale des conseils économiques et sociaux et institutions similaires, qui oeuvre à la représentation de la société civile auprès des institutions internationales. Son élection servira, sans aucun doute, les missions de cette association internationale.
Par ailleurs, pour la première fois depuis 1998, le Conseil s'est vu consulté par le Gouvernement sur deux avant-projets de loi, en l'occurrence les textes relatifs à l'outre-mer, à la ville et à la rénovation urbaine. Il a ainsi participé plus directement au processus législatif. Cependant, il souhaite vivement, sachons-le, travailler plus étroitement avec le Parlement, afin de mieux l'informer en jouant pleinement un rôle « d'assemblée du premier mot ».
Pour l'heure, mes chers collègues, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits pour 2004 du Conseil économique et social. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole et à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'utilité du Conseil économique et social n'a jamais été contestée en raison de l'importance et de la qualité de ses travaux en ce qui concerne tant ses réflexions que ses analyses et ses propositions.
C'est ainsi, par exemple, que, de janvier 2002 à octobre 2003, le Conseil économique et social a réalisé quarante-deux rapports et études qui ont été publiés au Journal officiel.
A regarder d'un peu plus près ces quarante-deux rapports, je note qu'ils traitent tous de problèmes examinés par le Parlement, notamment par le Sénat, sous une forme ou une autre.
La plupart concernent des problèmes économiques et financiers du moment, d'autres des problèmes sociaux, certains des problèmes de société et d'avenir.
J'ai également noté des rapports intitulés Favoriser la réussite scolaire, L'impact des nouvelles technologies sur les sciences financières, L'insertion des jeunes d'origine étrangère, La régulation financière de la concurrence, ou encore Un programme pour l'outre-mer. Comme vous, mes chers collègues, je m'en suis souvent inspirée pour intervenir au cours de nos débats.
D'autres rapports seront publiés dans les prochains mois, sur la prévention en matière de santé, la conjoncture ou la recherche publique, l'aménagement du territoire et les établissements de santé, le logement ou la coopération internationale et l'outre-mer, les échanges électroniques, le rééquilibrage des structures d'âge en France, les contrats de plan Etat-région, les technologies du futur.
Le Sénat ne peut pas se priver de ces études et avis. Le Conseil économique et social se montre sur certains points aussi performant que nos commissions dans leurs rapports.
A deux reprises, des représentants du Conseil économique et social sont venus en séance publique exprimer au Sénat le point de vue de leur assemblée : une fois sur le projet relatif à l'outre-mer, une autre fois sur le projet de loi pour la ville et la rénovation urbaine.
Le Gouvernement lui-même a saisi le Conseil économique et social sur des thèmes essentiels comme le SMIC ou la Constitution européenne. Le Conseil économique et social a travaillé de plus près au processus législatif.
Je rappelle qu'en d'autres temps certains avaient envisagés d'en faire la troisième assemblée du Parlement pour instituer un lien fort entre société civile et assemblées parlementaires ; c'était en 1958. Depuis, le Conseil économique et social a réorienté sa communication vers de nombreux autres interlocuteurs : conseils généraux, administrations centrales et territoriales, organisations professionnelles, presse et grand public avec, dans la dernière période, des efforts nouveaux sur le plan international.
Le Conseil économique et social est devenu une structure des pouvoirs publics reconnue et efficace. L'alinéa 2 de l'article 69 de la Constitution reconnaît à l'un de ses membres la possibilité de s'exprimer devant le Parlement.
Pourquoi ce rappel ?
Tout d'abord, il faut bien justifier le budget que notre rapporteur qualifie de « marqué d'une continuité nécessaire », en croissance de 1,4 %, permettant de rémunérer les 231 conseillers, les 72 experts extérieurs désignés par le Gouvernement et les 171 personnes travaillant dans les services législatifs, économiques et administratifs.
En revanche, nous comprenons plus difficilement la diminution de 1,9 % des crédits affectés aux dépenses de matériel, celle des crédits affectés à l'informatique, de 486 000 euros, et celle de 10 % des autorisations de programmes et crédits de paiement.
Pour permettre la reconnaissance de notre attachement au CES comme liaison directe, vivante, avec la société qui travaille, investit, entreprend, nous aurions pu voter les crédits du CES pour lui permettre de poursuivre ses tâches et, peut-être, de devenir un jour la troisième assemblée dont le pays a besoin.
Malheureusement, l'application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 menace la vie, la richesse, la structure de pouvoir public du CES au point d'en compromettre la vie propre.
La discussion est ouverte. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les hypothèses du devenir du CES avec cette loi que nous n'avons pas approuvée, et dont nous retrouverons les effets pour la Légion d'honneur et les Monnaies et médailles.
La première hypothèse consiste à rattacher le CES aux pouvoirs publics. Mais il faudrait alors lui donner un pouvoir de décision comme le Parlement, ce que n'a pas voulu le législateur en faisant du CES une assemblée simplement consultative.
La deuxième hypothèse tend à le rapprocher d'autres structures dont la mission est similaire, telles que le Commissariat général du Plan ou le Conseil d'analyse économique. Ce serait alors lui donner un rôle réducteur au service du seul Gouvernement, niant son rôle de représentant des forces économiques et sociales.
Dans la troisième hypothèse, une application stricte de la LOLF conduirait à lui définir des concepts de missions ou de programmes dignes d'un simple bureau d'études. S'il en était ainsi, ne serait-ce pas le condamner à une mort lente ou brutale, programmée ou non ? Le CES est une assemblée consultative de représentants de la société civile.
La quatrième hypothèse serait de suivre l'avis du CES, et de son président, qui rejette toute évolution vers une administration centrale ou un établissement public. Il considère qu'il a plus de points communs avec le Parlement et ses deux assemblées qu'avec une administration centrale appliquant des choix décidés ou qu'avec un établissement public faisant intervenir des forces, là encore d'application, ne permettant pas de juger au niveau de l'Etat les évolutions ou les prévisions de notre société.
Nous attendons votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la définition de la place que vous entendez reconnaître au Conseil économique et social. Peut-être retiendrez-vous l'avis de son président, qui souhaite que son assemblée soit reconnue comme une institution constitutionnelle, au sein de laquelle sont représentées les principales organisations et forces vives de la société civile.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. M. le rapporteur spécial ainsi que Mme Marie-Claude Beaudeau ont bien voulu souligner que le Gouvernement avait tenu à stabiliser le budget du Conseil économique et social eu égard au caractère tout à fait essentiel de cette assemblée, à laquelle le Premier ministre est personnellement attaché et où il s'est rendu récemment.
Le Conseil économique et social joue en effet - vous avez raison, madame la sénatrice - un rôle déterminant pour associer les forces vives de la nation et l'ensemble des partenaires sociaux à l'élaboration des politiques publiques.
Il publie, sous l'impulsion de son président, Jacques Dermagne, des rapports d'une très grande qualité.
Vous avez eu raison également, monsieur le rapporteur spécial, de souligner l'élection du président Dermagne à la présidence de l'Association internationale des conseils économiques et sociaux : nul doute que cela renforcera encore le rayonnement de cette institution.
Vous avez soulevé la délicate question de savoir à quel programme ou mission rattacher le budget du Conseil économique et social dans la perspective de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.
Il faut reconnaître, en effet, la spécificité du Conseil économique et social, dont l'existence est prévue par la Constitution et qui joue un rôle éminent dans la consultation des partenaires sociaux sur l'élaboration des textes relatifs à la vie économique, sociale ou administrative de notre pays.
Je tiens à vous rassurer : il n'est nullement dans les intentions du Gouvernement de porter atteinte à l'autonomie budgétaire du Conseil économique et social, qui est rattaché aux services généraux du Premier ministre.
Comme vous l'avez dit vous-même, dans l'état actuel de la Constitution, ce n'est pas une troisième assemblée. On ne peut donc pas imaginer de le rattacher aux pouvoirs publics, au sens que la Constitution donne à cette expression.
Les membres du Conseil économique et social, à la différence des membres de la Haute Assemblée, ne sont pas élus au suffrage universel. Ils ont cependant un rôle majeur à jouer.
Quelle que soit la formule retenue, le Gouvernement veillera - je tiens à l'affirmer ce soir pour éviter tout malentendu - à préserver la spécificité du budget qui garantit le fonctionnement normal du Conseil économique et social.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Conseil économique et social et figurant aux états B et C.
M. le président. « Titre III. - 691 862 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 900 000 euros ;
« Crédits de paiement : 900 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le Conseil économique et social.
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : IV. - Plan.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le commissaire au Plan, mes chers collègues, les crédits affectés en 2004 au Plan et aux organismes qui lui sont rattachés s'élèvent à 24,1 millions d'euros, soit une diminution de 5 % environ.
Au-delà de ce constat purement budgétaire, je souhaiterai formuler quelques observations et poser quelques questions.
Le Plan est actuellement en pleine mutation. En effet, suivant la lettre de mission du Premier ministre du 16 avril 2003, le Plan a commencé à se recentrer sur la prospective, celle-ci étant entendue dans une conception plus politique que purement macro-économique.
Une trentaine de groupes de projet ont été créés. Ces groupes, transversaux, ont la caractéristique d'être plus légers et périssables si leurs travaux évalués tous les trois mois ne donnent pas satisfaction.
Le Premier ministre vient, par lettre du 21 novembre 2003, de définir les quatre priorités qu'il souhaite voir explorées par le Plan.
La première priorité est la définition des institutions et des politiques dont a besoin une société qui souhaite répondre aux défis de la mondialisation et du développement durable.
La deuxième priorité concerne une prospective des métiers et des emplois pour répondre aux modifications de fonctionnement du marché de l'emploi, du fait à la fois du vieillissement de la population, du progrès technique et de l'insertion de nouveaux pays industrialisés dans le commerce international.
La troisième priorité est l'intégration scolaire.
Enfin, la quatrième priorité concerne les problèmes relatifs aux différents aspects de la santé publique.
Ce recentrage devrait se traduire par l'abandon de la mission d'évaluation des politiques publiques et par une refonte des liens avec certains organismes subventionnés.
Je tiens à signaler toutefois que le budget pour 2004 ne prend pas en compte ces changements programmés. Les crédits d'évaluation restent inscrits à ce budget alors qu'il est annoncé que le Plan ne remplirait plus cette mission.
Je formulerai une autre observation relative aux contrats de plan Etat-région.
Comme je le faisais remarquer l'année dernière, cette évaluation présente toujours des faiblesses.
Les programmes les plus coûteux des contrats de plan - routes et universités par exemple - sont assez rarement évalués. Par ailleurs, l'utilisation des résultats des évaluations n'est pas aussi avancée que l'activité d'évaluation elle-même. Enfin, il semblerait que les conclusions et les recommandations des évaluations conçues et mises en oeuvre au niveau régional ne soient pas toujours utilisables au niveau central à l'heure actuelle.
Pour terminer sur ce sujet, je note que tous les projets d'évaluation présentés par les préfets de région ont été financés en 2002, mais que tel n'a pas été le cas en 2003.
Dernière observation technique : la mise en oeuvre du progiciel ACCORD - application coordonnée de comptabilisation, d'ordonnancement et de règlement de la dépense de l'Etat - ne s'est pas révélée concluante, bien que présentée comme une application devant harmoniser et révolutionner la maîtrise de la dépense de l'administration.
Je note toutefois que le Plan a rencontré des difficultés sérieuses au cours de l'année 2002, ce qui révèle la grande complexité de cette application.
Pour terminer, je ferai part de quelques interrogations.
La mission d'évaluation doit être abandonnée par le Plan mais, pour l'instant, aucune instance nouvelle n'a été créée. L'évaluation reste un instrument majeur pour nos politiques publiques particulièrement utile à la prospective.
Il serait souhaitable que le Gouvernement précise ses intentions dans ce domaine, comme d'ailleurs dans celui des relations entre le Plan et certains organismes rattachés, le Centre d'études prospectives d'économie mathématique appliquées à la planification, le CEPREMAP, l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, ou le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC.
Enfin, dans le cadre de la loi organique du 1er août 2001, une mission unique doit être instituée pour tous les services du Premier ministre.
Dans quel programme se situera le Plan et, surtout, quelles relations et quels objectifs seront définis entre le Commissariat général du Plan et certains organismes, comme le Conseil d'analyse économique ou le Conseil de prospective de la DATAR, par exemple ?
En conclusion, je dirai simplement que la commission des finances, dans sa majorité, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits affectés au Plan pour 2004. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à cette heure tardive et après l'excellent rapport de mon collègue Claude Haut, je vais centrer mon propos sur quelques interrogations.
A l'évidence, le budget du Plan pour 2004 se présente comme un budget intermédiaire, à mi-chemin entre la continuité avec le passé et la réforme en profondeur qu'a engagée le nouveau commissaire, M. Alain Etchegoyen, réforme qui n'est pas achevée et qui va se poursuivre en 2004.
Il en résulte une présentation des crédits du Commissariat qui ne « colle plus à la réalité », puisque les crédits consacrés à l'évaluation des politiques publiques y figurent encore alors même qu'il est désormais acté que le Commissariat doit se recentrer sur la prospective. Je suis dès lors perplexe sur le devenir de ce volet « évaluation », qui est pourtant, de mon point de vue, particulièrement nécessaire dans la période de réformes qui s'ouvre, avec notamment la décentralisation et la rénovation du fonctionnement de l'Etat.
S'agissant des nouvelles orientations définies par M. Alain Etchegoyen en plein accord avec M. le Premier ministre, je vous renvoie à ce que vient de dire mon collègue Claude Haut.
J'indiquerai simplement que l'identité rénovée du Commissariat se définit autour de trois principes : le Plan doit être « l'éclaireur de l'Etat » en se recentrant sur une mission de prospective ; le Plan a pour objet l'Etat, et l'Etat seulement, c'est-à-dire son intervention dans la sphère économique et sociale ; le Plan doit, enfin, être un lieu de dialogue entre les acteurs économiques, les acteurs sociaux, les experts scientifiques et les administrations, au service de la prospective de cet Etat stratège.
Pour privilégier la souplesse et la réactivité du Commissariat général du Plan, outre la réduction du nombre de services de six à quatre et la suppression du cabinet du commissaire au Plan, trente groupes de projets fonctionnant en réseau ont été mis en place, dont les travaux seront régulièrement évalués, réorientés, voire interrompus.
En outre, et il faut s'en féliciter, dans sa lettre de cadrage du 21 novembre 2003, le Premier ministre a fixé quatre priorités : la valorisation des ressources humaines et du potentiel technologique, à travers la recherche et l'innovation ; le fonctionnement des marchés de l'emploi, avec la définition des emplois, des métiers et des qualifications ; l'intégration sociale ; enfin, les questions de santé publique.
Tout en souscrivant à l'intérêt de promouvoir une réflexion prospective qui éclaire sur le rôle de l'Etat, réflexion qui doit nécessairement être libre, dégagée du court terme et des contingences politiques, je considère néanmoins qu'il convient de veiller à « l'ancrage » du commissariat général du Plan dans le processus de préparation de la décision administrative, au risque sinon de lui faire perdre toute crédibilité.
Je tiens à rappeler, cette année encore, qu'il serait judicieux que le Parlement soit mieux associé aux travaux du Plan.
Je souhaite également qu'à l'occasion de la réforme du Plan la réflexion se poursuive sur la nécessaire rationalisation de la nébuleuse des organismes de prospective. Je pense en particulier à un éventuel rapprochement avec la cellule prospective territoriale de la DATAR, tant certains des sujets traités par ces deux organismes présentent de similitudes.
La prospective du développement économique et social des territoires doit se nourrir des travaux du Plan et réciproquement. Je pense même que les périmètres du Plan, et de la DATAR doivent être recomposés ; je dirai même que le titre de Commissariat général du Plan me paraît renvoyer à une période révolue.
S'agissant de l'évaluation des politiques publiques, à laquelle j'attache une importance toute particulière et dans laquelle le Commissariat jouait un rôle central, je ne peux que vous faire part de mes inquiétudes, puisque nous n'avons aucune information sur son devenir à compter du 1er janvier 2004.
On peut aussi regretter que le Conseil national de l'évaluation n'ait plus de président depuis 2002, ce qui fera bientôt deux ans.
En tout état de cause, et quel que soit l'outil qui sera mis en place et sur lequel j'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous pourrez nous apporter des informations précises, je recommande que cet organe d'évaluation soit au service de l'exécutif, mais aussi du Parlement. Il faut en effet veiller à ce que les erreurs commises lors de la création du Conseil national d'évaluation ne se renouvellent pas. C'est d'autant plus nécessaire que la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances accroît sensiblement le pouvoir de contrôle budgétaire du Parlement. Cela appelle nécessairement le renforcement de la capacité parlementaire d'évaluation des politiques conduites par le Gouvernement. Pour ce faire, le Parlement doit pouvoir s'appuyer sur une instance d'évaluation spécialisée.
En conclusion, l'Etat stratège a besoin d'un outil de prospective à l'écoute des mutations économiques, technologiques, sociales, culturelles, géopolitiques, dans un monde où, plus que jamais, prévoir, c'est réussir.
Mais, si le Plan ne participe plus à l'évaluation des politiques, il risque de se couper d'analyses qui éclairent les directions dans lesquelles il faut engager les travaux de prospective.
En tout état de cause, la réforme de l'Etat doit redéfinir le périmètre et les missions des services qui font de la prospective et de l'évaluation. L'année 2004 sera pour le Plan l'année décisive.
L'avis favorable de la commission des affaires économiques et du Plan doit être compris comme la confiance apportée au Gouvernement dans sa mission de réforme de l'Etat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, prenant la parole en ma qualité de président de la délégation du Sénat pour la planification, en ce dernier mois de l'année, je ne peux m'empêcher de vous confier que c'est avec une certaine morosité que j'aborde nos débats.
L'année 2003 fut une année grise pour le Commissariat général du Plan et les missions qu'il exerce ! Et, si je n'avais foi en notre capacité collective à retrouver le chemin du bon sens, je craindrais l'année 2004.
Mes craintes ne résultent pas tant du projet de budget que nous examinons ce soir que des nombreuses inconnues persistant sur la conception même du rôle du Commissariat général du Plan et des approximations qui ont, jusqu'à présent, entouré son évolution.
Le budget du Plan pour 2004 est en baisse, ce qui ne suffit pas à en faire un mauvais budget. D'ailleurs, la situation aurait pu être bien pire si l'amendement adopté par la commission des finances de l'Assemblée nationale avait été défendu en séance publique. Il ne l'a pas été, ce qui donne la mesure des difficultés rencontrées par la commission pour se faire une idée solide du rôle du Plan. Le Gouvernement et les parlementaires présents ayant eu la sagesse de ne pas le reprendre, nous en sommes restés à l'effet d'annonce qui était probablement recherché.
En revanche, deux points me semblent particulièrement inquiétants dans ce projet de budget.
Le premier réside dans la nouvelle diminution des possibilités offertes par le budget de soutenir les instituts indépendants de réflexion économique. Il est le revers de la concentration des moyens au profit des administrations de l'exécutif. Comparer les moyens publics alloués aux services ministériels et ceux qui sont consacrés à soutenir l'expertise indépendante du Gouvernement, c'est faire le constat du « monopole du Gouvernement et du désert de l'indépendance ». Si l'on ajoute la quasi-désertion par les universités du champ de la réflexion économique et sociale appliquée, on comprend mieux la pauvreté du débat public dans ces domaines, l'incompréhension par nos compatriotes d'enjeux pourtant essentiels, et l'on finit par s'inquiéter pour la vivacité de notre démocratie.
Précisément, l'examen du projet de loi de finances est, théoriquement, un grand moment démocratique, mais encore faut-il - et c'est le second point que je voudrais aborder - que les différents projets de budget exposent un choix clair et précis. Or je suis quelque peu décontenancé sur ce point par le contraste existant entre ce projet de budget, qui ne contient que des inflexions, et le bouleversement annoncé des missions du Commissariat général du Plan et des conditions de fonctionnement de cet organisme.
Dans sa lettre de mission adressée au Commissariat général du Plan le 16 avril dernier, le Premier ministre a précisé que le Commissariat deviendra une instance prospective. Comment a-t-il fonctionné à compter de cette année ?
Le commissaire au Plan a indiqué qu'il souhaitait mettre en place une série de groupes de projets - nos deux excellents collègues l'ont indiqué - afin de labourer le champ de la « prospective de l'Etat stratège ». Soit ! mais plusieurs questions se posent.
La première porte sur la composition de ces groupes de travail. A quelles règles obéira-t-elle ? Ces règles permettront-elles de préserver les particularités fortes du Plan, administration de concertation sociale, mais aussi de coordination interministérielle ? Le Parlement peut-il espérer être associé, d'une manière ou d'une autre, à ces groupes, ou bien sera-t-il écarté de l'élan ainsi donné à la « prospective de l'Etat stratège » ?
La deuxième question porte sur les objectifs de ces groupes. Il est dit que leur durée de vie sera limitée et qu'ils seront soumis à l'examen fréquent d'un comité d'évaluation. Fort bien ! Mais quels sont leurs mandats ? Rendront-ils des rapports, des notes ? Ceux-ci seront-ils publics ? Le comité d'évaluation restreint mis en place est-il réellement armé et légitime pour juger de la qualité de travaux dont le champ est extrêmement vaste ? Dispose-t-il d'un référentiel précis ? Ses évaluations seront-elles publiques ?
Enfin, dernière interrogation, quels sont les liens entre la constellation des groupes de travail et les services du Commissariat général du Plan ?
Le Plan avait gagné assez naturellement le rôle de point d'ancrage institutionnel de l'évaluation interministérielle des politiques publiques. C'était un point fort dans l'évolution de ses caractéristiques. Or il semble que le Commissariat général du Plan se désengage de ce domaine, contrairement à ce qui était prévu par le décret qui lui attribue des compétences. Il faut déplorer cette mise en jachère de l'évaluation interministérielle des politiques publiques à laquelle nous assistons depuis quelques mois.
Le Conseil national de l'évaluation réduit à l'état de fantôme, le Commissariat général du Plan se désengageant, qui prendra le relais ?
J'ai bien observé que votre ministère était désormais doté d'une délégation, héritière de la direction à la réforme de l'Etat, dont une des compétences est de développer l'évaluation des politiques publiques.
Les travaux que je conduis actuellement au sein de la délégation sénatoriale avec deux de nos collègues et qui seront rendus publics au cours du mois prochain insistent sur l'importance des enjeux qui s'attachent à l'évaluation des politiques publiques. Ces enjeux sont au moins de même niveau que ceux de la réforme de l'ordonnance organique de 1959, que le Parlement a su mener à bien.
Jusqu'à présent, l'évaluation n'a connu qu'un demi-succès ; le bilan est plutôt négatif, en dépit d'avancées très positives dues à l'implication personnelle de certains de ses acteurs.
L'un des déterminants majeurs des progrès, qu'il faut espérer, tient dans notre capacité à réussir l'institutionnalisation de l'évaluation. Les configurations retenues jusqu'alors ont présenté, à côté d'une multitude de petits défauts, deux faiblesses majeures.
D'une part, les organismes en charge de l'évaluation ont pris l'allure de conclaves. En bref, ils ont été insuffisamment ouverts ; en particulier, cet acteur essentiel de la décision publique qu'est le Parlement a été tenu à l'écart alors qu'il doit être au centre de l'évaluation des politiques publiques.
D'autre part, l'évaluation a été institutionnalisée au sein de « cathédrales », c'est-à-dire d'organismes très éloignés des responsables de la décision publique. Il faut faire le contraire : placer l'évaluation dans l'église du village et mettre ces églises au centre du village.
Cela veut dire, pour ceux qui se fixent pour objectif de développer l'évaluation, que deux modes d'organisation sont à récuser : celui où l'évaluation des politiques publiques ne serait que l'affaire d'une administration de l'exécutif ; celui où elle serait confiée à une autorité placée sur une sorte d'Aventin, quand bien même cette autorité serait totalement indépendante.
On peut estimer que le Commissariat général du Plan n'a pas un avenir particulier dans le système d'évaluation pluraliste et décentralisé des politiques publiques qu'il faut mettre en place. Il reste que, dans un tel système, des besoins de synthèse subsisteront. Chaque Premier ministre est évidemment entièrement fondé à développer sa propre conception de son rôle et des moyens qu'il implique. Il est cependant fort surprenant qu'un Premier ministre se prive d'un outil de pilotage des politiques publiques qui, bien que perfectible, devrait être particulièrement soigné.
Si le Commissariat général du Plan ne peut être la solution ultime aux difficultés d'acclimatation que rencontre l'évaluation, il est difficilement envisageable que, dans sa fonction de « prospective de l'Etat stratège », il abandonne totalement le champ de l'évaluation de politiques dans lesquelles il s'incarne au quotidien.
En dépit de ces réserves et de ces réflexions, le groupe de l'UMP votera les crédits du Plan. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Je veux d'abord souligner la qualité et le sérieux des réflexions du rapporteur spécial de la commission des finances, M. Haut, du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Alduy, et du président de la délégation du Sénat pour la planification, M. Bourdin, qui nous ont permis d'avoir un débat intéressant et éclairant.
Cette année sera une année de transition, pour reprendre l'expression de M. Alduy. Ce n'est pas choquant, puisque le Premier ministre a voulu une réforme en profondeur du Commissariat général du Plan et en a choisi le concepteur et l'animateur en la personne du commissaire, qui a tenu à être présent au Sénat à cette heure avancée de la nuit, ce qui mérite d'être salué.
Dans une lettre en date du 16 avril dernier, vous l'avez rappelé, le Premier ministre a en effet écrit à M. Alain Etchegoyen, le nouveau commissaire, qu'il lui confiait les fonctions de commissaire au Plan, afin de réfléchir aux moyens qui permettront de transformer le Commissariat en instance de prospective, dont la mission serait redéfinie au regard des évolutions de l'Etat et des problèmes auxquels seront confrontés notre société et notre économie dans les années à venir.
C'est dire si le Premier ministre est attaché à la fonction d'Etat stratège, pour laquelle le Commissariat général du Plan joue un rôle irremplaçable.
Bien entendu, cela implique de rendre public le diagnostic partagé dont nous avons besoin si nous voulons convaincre les Français de la nécessité de mettre en oeuvre des réformes pour faire face aux défis qui sont les nôtres dans les années à venir.
Le nouveau commissaire au Plan, qui a pris ses fonctions à la fin du mois d'avril, n'a pas perdu de temps pour décider des premières mesures de réorganisation internes. En effet, quatre mois après sa nomination, il a informé le Premier ministre qu'il ne souhaitait plus assurer l'évaluation des politiques publiques, et qu'il convenait de détacher au moins trois organismes de l'orbite du Plan.
Il s'agit des organismes évoqués par M. Bourdin, à savoir l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC, et le Centre d'études prospectives d'économie mathématique appliquées, le CEPREMAP. Ces organismes représentent un montant total de 5,5 millions d'euros, soit 22 % du budget total du Plan. Naturellement, ce détachement se fera progressivement et n'affectera pas l'année 2004.
Il est prévu par ailleurs la suppression, qui est louable, du cabinet du commissaire, ainsi que la mise en place d'une trentaine de groupes de projets souples et réactifs pour faire de la prospective sur les problématiques fondamentales.
Je tiens à dire à M. Bourdin que ces groupes doivent, en effet, être transversaux, ouverts aux partenaires sociaux. Ils doivent travailler en relation étroite avec les parlementaires et, tout particulièrement, avec la délégation du Sénat pour la planification, qui assure depuis longtemps le contact avec le Commissariat général du Plan, avec vigilance et peut-être davantage de stabilité et de continuité que son homologue de l'Assemblée nationale, je le reconnais.
Je ne m'étendrai pas sur les réductions d'effectifs, certes modestes pour l'année à venir, mais qui seront supérieures en 2005.
En revanche, j'aborderai le point essentiel de votre intervention, celui qui a trait à la grande question de l'évaluation des politiques publiques.
Vous avez absolument raison sur ce point, monsieur le sénateur, et ce n'est pas le secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat qui vous dira le contraire ! Je ne cesse de dénoncer les graves carences dans la culture au sein de l'Etat en France en matière d'évaluation des politiques publiques. J'attends d'ailleurs beaucoup de votre rapport à cet égard.
L'évaluation doit être intégrée dans le quotidien des services publics et, puisque vous avez, en guise de métaphore, émis le souhait que la cathédrale de l'évaluation soit au coeur du village de l'Etat, je peux vous assurer que j'en serai un paroissien assidu ! (Sourires.)
L'évaluation doit être une des dimensions permanentes de la réforme de l'Etat et je souhaite, pour ma part, que les moyens affectés à la délégation à la modernisation de la gestion publique, s'agissant de l'évaluation, soient nettement renforcés.
Le commissaire a suggéré la création d'une autorité indépendante. Sur ce point, je vous propose, au nom du Gouvernement, de tenir un débat sérieux, approfondi et, je n'en doute pas, éclairé par vos différentes contributions et le rapport de votre délégation. Ce débat, indispensable, pourrait avoir lieu dans de bonnes conditions au cours du premier trimestre de l'année 2004.
Vous avez également évoqué, monsieur le rapporteur spécial, la question de l'évaluation des contrats de Plan, en estimant que cette dernière était insuffisante. Là encore, le Gouvernement partage ce constat. C'est l'une des préoccupations majeures de Jean-Paul Delevoye, qui dresse actuellement le bilan à mi-parcours des contrats de plan Etat-régions. Il est évident que, pour tirer des conclusions opérationnelles sur ce que doit être la prochaine génération des contrats de plan, il faudra renforcer la culture d'évaluation.
M. Alduy a évoqué le « serpent de mer » des relations entre la DATAR et le Commissariat général du Plan. Vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur, de souligner que, à l'heure de l'accélération de la décentralisation et de l'affirmation des régions dans l'Europe de demain, il convient de renforcer la prospective territoriale. Faut-il pour autant envisager un mariage entre les deux institutions ? En tout cas, il importe que la DATAR se recentre sur la prospective territoriale et qu'elle contribue à renforcer le contrôle et l'évaluation des contrats de plan Etat-région.
Tels sont les éléments dont je tenais à vous faire part au nom du Gouvernement.
Le Plan a commencé sa mutation. Irréversible, elle s'inscrit pleinement dans la modernisation de l'Etat. De toute évidence, pour être éclairé dans ses choix, le Premier ministre a besoin d'une vision prospective en temps réel et qui doit être partagée par l'ensemble des acteurs sociaux.
De ce point de vue, l'institution qu'est le Commissariat général du Plan conserve toute sa pertinence. C'est d'ailleurs une évolution commune à tous les Etats occidentaux que de redécouvrir le besoin de prospective et d'anticipation dans nos sociétés libérales, et seul l'Etat peut assumer cette fonction. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le Plan et figurant aux états B et C.
M. le président. « Titre III : moins 764 312 euros. »
La parole est à Mme Evelyne Didier, sur les crédits du titre III.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'heure où les difficultés économiques se font plus que jamais sentir et où l'Etat dit vouloir jouer le rôle d'Etat « stratège », le présent projet de loi de finances peut laisser dubitatif, en raison des baisses sur lesquelles je ne reviens pas.
S'il est facile d'identifier la volonté du Gouvernement de réduire les dépenses, il est plus difficile de cerner ce qui le guide actuellement.
Le Plan est aujourd'hui à la veille d'une profonde mutation, nous dit-on, mais, au fond, on n'en sait pas beaucoup plus.
Le gouvernement précédent avait pourtant, à juste titre, relancé son action et donné une impulsion nouvelle à l'évaluation des politiques publiques qui, selon nous, va de pair avec une volonté de donner toute sa place à l'intervention publique.
De deux choses l'une : ou bien le Gouvernement veut arrêter l'évaluation - ce qui est en contradiction avec les principes d'efficacité et de transparence -, ce qu'il nie ; ou bien il a décidé de ne plus conduire de politiques publiques ; en tout cas, on peut se poser des questions.
En réalité, nous savons qu'il veut diminuer la dépense, réduire le nombre de fonctionnaires, accroître le recours aux vacataires et augmenter la part du secteur privé. Les recettes sont connues.
Mais alors que devient l'Etat stratège ? Il semblerait qu'il s'applique à observer les tendances du marché pour mieux les accompagner.
Pour notre part, nous estimons qu'une véritable politique prospective exige un outil fiable et permanent, constitué de fonctionnaires indépendants au service exclusif de l'Etat.
La question ne se limite pas seulement à une précarisation de l'emploi public, ce qui est déjà un problème en soi ; une telle politique concourt également à amoindrir le suivi de la situation, car seul un organisme permanent est à même d'assurer cet objectif.
Des « groupes qui bougent », tels que vous les concevez, monsieur le secrétaire d'Etat, ne me semblent pas propices à une véritable réflexion continue et approfondie. Cela me semble également contradictoire avec la déclaration du Premier ministre qui affirmait avoir besoin d'un éclairage sur le long terme.
La planification doit permettre, selon moi, d'anticiper les mutations économiques pour mieux corriger les effets négatifs qu'elles induisent, tels que les fermetures de sites sidérurgiques dont les conséquences sont catastrophiques pour les populations et les territoires concernés.
Pour l'instant, nous savons seulement qu'une trentaine de groupes de projets ont été créés, groupes qui pourront être supprimés s'ils ne donnent pas satisfaction. Ils remettraient des notes et non plus des rapports, la nuance est importante. Que d'incertitudes !
Au fond, par rapport aux propos que vous avez tenus, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai presque envie de dire que nous ne sommes plus dans la prospective. Nous sommes dans la politique, et ces groupes qui sont autour de vous ressemblent à des cabinets de communication.
L'évaluation ? En 2002, oui. En 2003, ce n'est pas financé ; en 2004, gel ou suppression ? Je vous pose à nouveau la question. En tout cas, vous imaginez bien qu'avec le peu de renseignements que vous nous avez apportés, ce que nos rapporteurs ont souligné, nous ne pourrons donner notre aval à votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV : 500 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 908 000 euros ;
« Crédits de paiement : 454 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le Plan.
Budget annexe des Journaux officiels
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des Journaux officiels.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget annexe des Journaux officiels qui nous est présenté pour 2004 s'établit à 169 millions d'euros, en baisse de 13,5 % par rapport à 2003.
Cette baisse est liée à la réforme en cours du code des marchés publics, qui laisse entrevoir une diminution d'environ 26 millions d'euros sur les recettes d'annonces des marchés publics.
Ce budget 2004 se caractérise également par l'engagement de lourds investissements de modernisation qu'exigent le vieillissement des bâtiments, l'usure d'équipements de production lourds et la modernisation des outils informatiques.
J'en viens aux principales observations que m'inspire ce budget.
La direction des Journaux officiels a relevé le défi de l'Internet et mis en oeuvre avec succès les nouvelles missions qui lui ont été confiées.
Le Sénat milite depuis plusieurs années en faveur de cette avancée, et nous nous réjouissons que le succès soit au rendez-vous. Les normes nationales, dont la publication détermine l'entrée en vigueur et l'opposabilité au citoyen, sont désormais diffusées à la fois par voies imprimée et électronique. Bientôt, comme le prévoit la loi de simplification du droit, les mêmes effets seront reconnus à l'édition papier et à l'édition électronique.
La qualité et la fiabilité de la diffusion sur Internet revêtiront une importance cruciale. Et c'est là que je me permets d'apporter un petit bémol à ce satisfecit On ne peut que regretter, en effet, que le site Légifrance ait été et doive rester confié à un opérateur privé. De fait, le marché, qui venait à échéance en 2004, est en cours de renouvellement. Les candidats ne se bousculent d'ailleurs pas, et peu d'opérateurs privés semblent prêts à assumer les contraintes de service public qui lui sont attachées.
La Direction des Journaux officiels m'a très clairement indiqué que les capacités de son pôle informatique ne lui permettaient pas de réintégrer ces tâches en son sein et, de fait, le faible taux d'engagement des autorisations de programme et l'importance des reports de crédits sur les chapitres du fonctionnement et de l'investissement informatique montrent que des difficultés se posent...
Alors que la diffusion électronique devient un élément essentiel de notre architecture juridique, il me paraît plus que jamais nécessaire de conforter les Journaux officiels dans leur rôle global d'éditeur et de diffuseur des normes juridiques.
Cela m'amène à vous poser, monsieur le secrétaire d'Etat, quelques questions sur les intentions du Gouvernement.
L'exposé des motifs de la loi de simplification du droit indique que la diffusion en ligne des lois et décrets, condition nouvelle de leur entrée en vigueur, se fera « par un site unique placé sous l'autorité du Premier ministre ». La responsabilité de ce site sera-t-elle confiée aux Journaux officiels ? Et de quel site s'agira-t-il ?
Le Journal officiel des lois et décrets est aujourd'hui stocké et diffusé sur le site Légifrance, géré par un opérateur privé, qui, soit dit en passant, est en train de changer d'actionnaire, pour la deuxième fois en moins de trois ans. La publication électronique de la loi sera-t-elle confiée à un opérateur privé ? Ou bien entendez-vous créer un autre site dont la puissance publique assumera pleinement la charge ? Mais un tel éclatement garantira-t-il alors, pour nos concitoyens, la lisibilité du système ? Comment entendez-vous garantir, monsieur le secrétaire d'Etat, que la publication électronique de la norme juridique restera guidée par des principes de fiabilité, de continuité et de lisibilité pour le citoyen ?
J'en viens à ma seconde observation.
La diffusion sur Internet a des conséquences sur l'activité des Journaux officiels : elle appelle une réflexion en profondeur sur les emplois et compétences, pour assurer l'adaptation des personnels à l'évolution des technologies.
Elle entraîne une érosion significative de la production papier : une baisse de 40 % sur les abonnements est attendue en 2004.
Toutefois, cette baisse d'activité marchande ne s'accompagne pas d'une baisse de la production éditoriale. Le nombre de pages publiées a augmenté de près de 20 % entre 1999 et octobre 2003. Les Journaux officiels, ce sont aujourd'hui plus de 700 éditions, et il faut saluer la politique volontariste que mène la direction pour améliorer l'information des professionnels comme des particuliers.
Vos services, monsieur le secrétaire d'Etat, indiquaient, en réponse à une question posée en 2003 par ma collègue et amie Marie-Claude Beaudeau, que la diffusion électronique serait l'occasion de donner une publicité à des textes qui, en raison de leur longueur ou de leur caractère technique, ne font actuellement l'objet que d'une mention aux Journaux officiels.
Il est vrai que les évolutions technologiques permettent le développement de la saisie à la source, mais l'édition de textes dont la publication exige rapidité, exactitude et fiabilité suppose un travail lourd de photocomposition pour la mise en page des textes et une relecture attentive pour leur correction. Alors que le travail éditorial s'accroît, les effectifs affectés à l'édition pré-presse stagnent. Le prix n'en est-il pas une détérioration de la qualité et des délais de publication ? Nous avons tous pu constater, mes chers collègues, les erreurs et les retards qui affectent les Journaux officiels des débats et des questions parlementaires...
La direction des Journaux officiels m'a indiqué que des solutions seraient recherchées dans le cadre de la convention qui lie la DJO et la SACI-JO, la Société anonyme de composition et d'impression des Journaux officiels. Pouvez-vous confirmer, monsieur le secrétaire d'Etat, cette information ?
Si des évolutions s'imposent, elles devraient s'appuyer sur le savoir-faire des personnels administratifs et techniques de la SACI-JO comme de la DJO pour que la qualité du service public reste la référence de l'édition de la norme nationale, quel qu'en soit le support.
Sous réserve de ces observations, la majorité de la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter le budget annexe des Journaux officiels. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, je tiens d'abord à féliciter mon collègue et ami Thierry Foucaud pour son excellent rapport. Il nous permet de bien cerner la situation des Journaux officiels et de mesurer les incertitudes qui pèsent sur leur avenir. Ce projet de budget pour 2004 ne les lève malheureusement pas, ce qui nous conduira à ne pas le voter.
Ces incertitudes, sinon ces menaces, sont d'ordre statutaire, alors que le Gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat, poursuit méthodiquement son programme de démantèlement et de privatisation des services publics. Elles se placent aussi dans un contexte de profonde évolution technologique, avec l'extension de la communication électronique.
En juin de cette année, vous vous êtes fait octroyer par le Parlement l'habilitation à prendre par ordonnance des mesures pour « simplifier les conditions de publication et d'entrée en vigueur des textes officiels ». Vous aviez annoncé votre intention d'abroger le décret du 5 novembre 1870, texte fondamental dans la définition de la mission de service public des Journaux officiels, qui dispose que « la promulgation des lois et décrets résultera de leur insertion au Journal officiel de la République française ».
Quel nouveau décret comptez-vous prendre ? S'il s'agissait de reconnaître à la publication par Internet des Journaux officiels la même valeur juridique que leur version imprimée, nous n'y verrions qu'une adaptation légitime aux nouvelles technologies, mais vous n'avez toujours pas établi que les Journaux officiels se verraient confier la responsabilité « du site Internet unique placé sous l'autorité du Premier ministre » que vous annoncez.
Il est indispensable, pour les raisons d'unité et de fiabilité du service public que M. le rapporteur spécial a rappelées, que les Journaux officiels en soient non seulement le maître d'oeuvre, mais aussi les exécutants en propre.
Or, pour l'instant, le site Légifrance reste sous-traité au privé et ce budget ne prépare pas la relève par les Journaux officiels pour 2004. Les crédits affectés à la modernisation de l'outil informatique sont insuffisants. Ils le seront d'autant plus si, comme en 2003, ils ne sont pas consommés à hauteur de 88 %.
Des moyens humains devraient également être dégagés pour remplacer l'opérateur privé, et ce n'est pas le cas. Voilà qui entretient notre inquiétude pour l'avenir.
Le fait le plus apparent du budget annexe pour 2004, c'est la forte baisse du bénéfice d'exploitation attendu, de 26,9 millions à 3,9 millions d'euros. Il résulte principalement de l'effet prévisible du relèvement des seuils de passation d'appels d'offres de marché public.
Cette dégradation du résultat d'exploitation ne traduit en rien une dégradation des services rendus par les Journaux officiels.
L'extension de l'utilisation d'Internet entraîne une érosion logique, mais qui reste modérée, de la diffusion des éditions imprimées. L'application du principe de gratuité pour la consultation des sites en ligne est incontestable, mais ne doit-on pas envisager à terme une forme de redevance de l'Etat pour les publications par Internet ?
De par leur mission même de service public, il est absurde de raisonner en termes de rentabilité financière à propos des Journaux officiels. Certains services sont gratuits, il en est d'autres dont la valeur n'est pas quantifiable.
Aussi les objectifs de l'agrégat 11, figurant pour la première fois dans ce projet de budget nous paraissent-ils injustifiés. Ce n'est pas en calculant le ratio du nombre de pages publiées par salarié que l'on mesurera la qualité et la fiabilité, qui sont indéniables, du travail des ouvriers des Journaux officiels. Augmenter le ratio du nombre de pages revues par les correcteurs menace directement la qualité de leur prestation.
L'augmentation, ces dernières années, de certains indices retenus par l'agrégat 11 traduit un phénomène : la charge de travail des Journaux officiels, notamment en nombre de pages publiées, a augmenté sans que les effectifs permanents correspondants, notamment à la SACI-JO, aient été affectés.
N'est-ce pas la cause des retards de ces derniers mois, aujourd'hui heureusement résorbés, dans la publication du compte rendu intégral des débats parlementaires ? La cause en est peut-être aussi la priorité éventuelle accordée par la Direction des Journaux officiels à la publication des bulletins d'annonces, jugée d'un meilleur rapport financier.
Je rappelle que la publication au Journal officiel des débats parlementaires est inscrite à l'article 33 de notre Constitution.
Ces dérives vers une gestion privée nous inquiètent également.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, nous exigeons enfin des réponses fermes et claires sur deux questions.
La première porte sur l'avenir du budget annexe. La loi organique relative aux lois de finances a restreint la possibilité d'ouvrir un budget annexe, mais les Journaux officiels restent parfaitement dans ce nouveau cadre en tant que « services de l'Etat non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestations de services donnant lieu au paiement de redevances lorsqu'elles sont effectuées à titre principal par lesdits services », pour reprendre le texte exact de l'article 18.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous ce soir nous confirmer le maintien du budget annexe des Journaux officiels après 2006 ?
La deuxième question concerne le maintien de la structure originale des Journaux officiels incluant la SACI-JO, chargée de la saisie, de la composition, de la correction et de l'impression des Journaux officiels, liée par convention avec l'Etat depuis 1881.
Plusieurs expertises juridiques ont contredit formellement le rapport Bergeal qui estimait, au vu du droit européen, que les relations entre la Direction des Journaux officiels et la SACI-JO devaient être soumises au code des marchés publics. Par son histoire, ses relations exclusives avec la direction des Journaux officiels, la SACI-JO n'entre pas dans ce cadre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous, ce soir, le reconnaître et lever définitivement l'hypothèque pesant sur l'avenir statutaire de la SACI-JO et sur l'ensemble des Journaux officiels, pôle d'excellence public à maintenir à tout prix ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Je souhaite d'abord saluer, monsieur Foucaud, la qualité de votre rapport. Comme vous l'avez souligné, ainsi d'ailleurs que Mme Beaudeau, les Journaux officiels sont un service public en mutation rapide, ce qui est, me semble-t-il, à l'honneur de leur personnel et de leur direction.
Pour la première fois, l'an passé, le nombre de pages imprimées a commencé à diminuer en raison du succès des sites Internet « Journal officiel » et « Légifrance ». Toutefois, soyez rassurés : Légifrance n'a vocation qu'à être un portail documentaire et n'a pas, bien entendu, la valeur juridique que seul le Journal officiel de la République française a une valeur juridique.
Au demeurant, le succès prodigieux de Légifrance est à l'honneur du service public.
M. Joël Bourdin. Eh oui !
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat. Ce site Internet est une première mondiale pour ce qui est de l'ampleur donnée à l'accessibilité au droit de tous les citoyens, et cela gratuitement. Légifrance s'inscrit pleinement dans l'idéal des Lumières et de la démocratie, qui doit, tous, nous rassembler.
Cela a été rendu possible par les gains de productivité qu'offrent les nouvelles technologies. Comme vous l'avez souligné, la politique de formation professionnelle continue des agents est à l'honneur du service public. Je ne cesse de répéter, dans le cadre de mes fonctions, que le numérique représente effectivement un levier essentiel pour la modernisation du service public et qu'il doit s'accompagner de l'investissement nécessaire pour la formation des hommes et des femmes de la fonction publique.
La productivité a augmenté de 18 % en trois ans. Bravo ! Cependant, un tel effort ne pourra être soutenu à l'avenir sans tirer pleinement parti des capacités d'automatisation que procurent les nouvelles technologies de communication.
C'est pourquoi le budget annexe des Journaux officiels, excédentaire depuis une dizaine d'années, je le rappelle, doit accélérer son programme d'investissement. C'est ce qui est prévu pour 2004. En effet, la réforme du code des marchés publics minorera les recettes, jusqu'ici confortables, des annonces des marchés publics. Par conséquent, je me réjouis de voir un service public anticiper les défis et les mutations.
Pour ce qui est des annonces des marchés publics transmises par les administrations de l'Etat et les collectivités locales, le taux d'utilisation de la téléprocédure est passé, en un an, de 11 % à 20 %. Tous les élus locaux ne peuvent évidemment que s'en réjouir.
Je me félicite également que les progrès, qui étaient jusqu'ici très lents, en ce qui concerne la transmission numérisée des débats parlementaires, essentielle pour la démocratie, s'accélèrent depuis le début de l'automne. Je tiens à saluer les efforts accomplis à cet égard par les services de la présidence de la Haute Assemblée.
Vous vous êtes inquiétée, madame la sénatrice, de la spécificité des problèmes juridiques posés par la convention existant depuis 1945 entre l'Etat et la SACI-JO. Cette spécificité devra être examinée à la lumière du nouveau code des marchés publics, qui fait droit, je tiens à vous le dire, au moins en partie, à la théorie jurisprudentielle initiée par la Cour européenne de justice pour les prestations procurées par une entité dont le donneur d'ordre possède le contrôle. Par conséquent, nous devrions pouvoir parvenir à une solution équilibrée répondant à votre préoccupation.
Vous m'avez demandé si j'étais en mesure de vous confirmer que les Journaux officiels resteraient bien le site unique. La réponse est clairement « oui », et pour les raisons que vous avez évoquées. Il en va, bien entendu, de l'unité du droit, du maintien de la transparence et de l'accessibilité au droit de tous nos concitoyens.
Vous m'avez également demandé si le budget annexe des Journaux officiels serait maintenu au-delà de 2006, c'est-à-dire à partir de la mise en place de la nouvelle loi organique relative aux finances. La réponse est « oui », car, de toute évidence, les Journaux officiels revêtent un caractère spécifique.
Enfin, vous m'avez interrogé sur les conséquences de la loi du 2 juillet 2003 autorisant le Gouvernement à simplifier le droit, que j'ai eu l'honneur de défendre devant le Parlement.
Le Gouvernement est en effet habilité à modifier par ordonnance les règles relatives au régime de publicité des lois et des actes administratifs, ainsi que les modalités de leur diffusion au public, en prenant en compte les possibilités offertes par les technologies de l'information et de la communication.
Cette habilitation, que le Parlement a votée, permettra d'instaurer la règle selon laquelle la diffusion en ligne des lois et décrets, parallèlement à leur publication papier, est une obligation juridique, c'est-à-dire une condition nécessaire pour l'entrée en vigueur de ces textes. Il s'agit, me semble-t-il, d'un élément de modernisation dont nous ne pouvons tous que nous réjouir.
Par ailleurs, il est prévu que certains textes techniques énumérés par décret, qui, jusque-là, faisaient seulement l'objet d'une mention au Journal officiel, pourront être diffusés en ligne. Tel pourra être le cas, notamment, de certains actes des autorités administratives indépendantes.
Enfin, la diffusion sur Internet de certains actes trop lourds pour une édition papier sera de nature à leur garantir une publicité solennelle qui leur fait actuellement défaut.
Dans ce cas, loin d'affaiblir la mission des Journaux officiel, les mesures prévues sont au contraire, de toute évidence, de nature à clarifier et à renforcer le rôle de la direction des Journaux officiel en matière de publication et de diffusion des actes de l'autorité publique et à améliorer et renforcer la sécurité juridique de notre droit.
Cette ordonnance est donc l'une de celles qui contribueront à la fois à simplifier les démarches et à rendre le droit plus accessible à nos concitoyens. A ce titre, elle est emblématique de ce que j'ai voulu en présentant au Parlement cette loi autorisant le Gouvernement à simplifier le droit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe des Journaux officiels et figurant aux articles 48 et 49 du projet de loi.
Services votés
M. le président. « Crédits : 162 378 448 euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 48, au titre des services votés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
M. le président. « I. - Autorisations de programme : 21 000 000 d'euros ;
« II. - Crédits : 6 696 552 en euros. »
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 49, au titre des mesures nouvelles.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le budget annexe des Journaux officiels.
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. François Marc, Mme Yolande Boyer, MM. Louis Le Pensec, Yves Dauge, Claude Domeizel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Jean-Pierre Plancade et les membres du groupe socialiste et rattachée une proposition de loi relative aux nuisances sonores provoquées par les aérodromes militaires.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 103, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, vendredi 5 décembre 2003, à onze heures quinze, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 72 et 73, 2003-2004) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Ecologie et développement durable (1) :
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial (rapport n° 73, annexe n° 9) ;
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 75, tome XVII) ;
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 74, tome III).
Défense (1) (articles 46 et 47) :
1. Rapporteurs spéciaux :
Exposé d'ensemble et dépenses en capital : M. Maurice Blin (rapport n° 73, annexe n° 41) ; dépenses ordinaires : M. François Trucy (rapport n° 73, annexe n° 42).
2. Rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :
Nucléaire, espace et services communs : M. Jean Faure (avis n° 76, tome IV) ; section gendarmerie : M. Philippe François (avis n° 76, tome V) ; section forces terrestres : M. Serge Vinçon (avis n° 76, tome VI) ; section air : M. Xavier Pintat (avis n° 76, tome VII) ; section marine : M. André Boyer (avis n° 76, tome VIII).
Services du Premier ministre :
V. - Aménagement du territoire :
M. Roger Besse, rapporteur spécial (rapport n° 73, annexe n° 33) ;
M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 75, tome XI).
Fonction publique et réforme de l'Etat :
M. Gérard Braun, rapporteur spécial (rapport n° 73, annexe n° 21) ;
M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 78, tome IX).
(1) Procédure de questions et de réponses avec un droit de réplique des sénateurs.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2004
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2004 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2004
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés à l'examen des créditsdu projet de loi de finances pour 2004 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 5 décembre 2003, à deux heures cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
ERRATUM
au compte rendu intégral
de la séance du samedi 22 novembre 2003
Page 8554, 1re colonne, à la cinquième ligne, sous la rubrique :
QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
(Application des articles 76 à 78 du règlement)
Au lieu de : « Conséquences de la restructuration des services des douanes, 381. - 21 novembre 2003. - M. Claude Biwer attire... »,
Lire : « Conséquences de la restructuration des services des douanes", 371. - 21 novembre 2003 - M. Claude Biwer attire... »
Nomination d'un rapporteur
COMMISSION DES FINANCES
M. Philippe Marini a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 62 (2003-2004) de M. Robert Del Picchia relative au système d'imposition des transmissions à titre gratuit des patrimoines des Français établis hors de France.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 4 décembre 2003
SCRUTIN (n° 104)
sur l'amendement N° II-8 rectifié présenté par M. Yves Fréville au nom de la commission des finances tendant à réduire les crédits du titre III de l'état B du projet de loi de finances pour 2004 (budget des charges communes).
Nombre de votants : 318
Nombre de suffrages
exprimés : 205
Pour : 195
Contre : 10
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 1. _ M. Paul Loridant.
Abstention : 22.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (29) :
Pour : 27.
Contre : 2. _ M. Marcel Henry et Mme Anne-Marie Payet.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17):
Pour : 9.
Abstentions : 8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Abstention : 83.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (164) :
Pour : 153.
Contre : 8. _ MM. Gaston Flosse, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Victor Reux, Jean-Pierre Schosteck, Alain Vasselle et Jean-Paul Virapoullé.
N'ont pas pris part au vote : 3. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, M. Serge Vinçon, qui présidait la séance, et M. Roger Romani.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Pour : 5.
Ont voté pour
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles
Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Détraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian
de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François
Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Paul Loridant
Jean-Louis Lorrain
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri
de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Jacques Moulinier
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Janine Rozier
Bernard Saugey
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Yannick Texier
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
François Zocchetto
Ont voté contre
Gaston Flosse
Marcel Henry
Robert Laufoaulu
Simon Loueckhote
Lucette
Michaux-Chevry
Anne-Marie Payet
Victor Reux
Jean-Pierre Schosteck
Alain Vasselle
Jean-Paul Virapoullé
Abstentions
Nicolas Alfonsi
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique
Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel
Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Trémel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vézinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
N'a pas pris part au vote
Roger Romani.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance. A délégué son droit de vote, (en application de l'ordonnance n° 58-1066) du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote) Nicolas Alfonsi à Pierre André.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 301
Nombre de suffrages
exprimés : 189
Majorité absolue des suffrages exprimés : 95
Pour :
181
Contre : 8
Mais, après vérification, ces nombres ont été
rectifiés conformément à la liste ci-dessus.