SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Modification de l'ordre du jour (p. 2).
3. Questions orales (p. 3).
ATTRIBUTION
DE LA CROIX DU COMBATTANT VOLONTAIRE
AVEC AGRAFE « MISSION EXTÉRIEURE » (p. 4)
Question de M. Jean-Jacques Hyest. - Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense ; M. Jean-Jacques Hyest.
AMÉNAGEMENT DE LA RN 204
ENTRE LE PIÉMONT ET LA CÔTE D'AZUR (p. 5)
Question de M. José Balarello. - MM. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme ; Jean-Jacques Hyest, en remplacement de M. José Balarello.
INQUIÉTUDES DES AUTORITÉS PORTUAIRES
ET DES SALARIÉS DU PORT DE CALAIS (p. 6)
Question de M. Yves Coquelle. - MM. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme ; Yves Coquelle.
PROJET D'ORDONNANCE
SUR LE PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ (p. 7)
Question de M. Francis Grignon. - MM. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme ; Francis Grignon.
Suspension et reprise de la séance (p. 8)
RETRAITE COMPLÉMENTAIRE DES AGRICULTEURS (p. 9)
Question de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ; Roland Courteau, en remplacement de M. Jean-Claude Peyronnet.
RÉGIME DE RETRAITE AGRICOLE COMPLÉMENTAIRE (p. 10)
Question de M. Roland Courteau. - MM. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales ; Roland Courteau.
SANTÉ DES FEMMES (p. 11)
Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; Marie-Claude Beaudeau.
CONSTRUCTION
D'UN RÉACTEUR DE TROISIÈME GÉNÉRATION (p. 12)
Question de M. Jean Bizet. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. Jean Bizet.
ÉNERGIE ÉOLIENNE (p. 13)
Question de M. Michel Teston. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. Michel Teston.
DROITS ET OBLIGATIONS DES APPRENTIS (p. 14)
Question de M. Alain Gournac. - Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; M. Alain Gournac.
DIFFICULTÉS DES CENTRES D'HÉBERGEMENT
ET DE RÉINSERTION SOCIALE DE LA NIÈVRE (p. 15)
Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine ; René-Pierre Signé.
RETRAITE
DES MÉDECINS HOSPITALO-UNIVERSITAIRES (p. 16)
Question de M. André Boyer. - MM. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine ; André Boyer.
AIDES À L'EMBAUCHE
DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS (p. 17)
Question de M. Georges Mouly. - MM. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine ; Georges Mouly.
ÉVOLUTION DU MONTANT
DE LA DOTATION GLOBALE D'ÉQUIPEMENT
EN MEUSE (p. 18)
Question de M. Claude Biwer. - MM. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine ; Claude Biwer.
Suspension et reprise de la séance (p. 19)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
4. Désignation de sénateurs en mission (p. 20).
5. Rappel au règlement (p. 21).
Mme Nicole Borvo, M. le président.
6. Politique de santé publique. - Discussion d'un projet de loi (p. 22).
Discussion générale : M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
PRÉSIDENCE DE M. Daniel Hoeffel
MM. Francis Giraud, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Gilbert Barbier, Gilbert Chabroux, Mme Anne-Marie Payet.
Suspension et reprise de la séance (p. 23)
MM. Paul Blanc, Guy Fischer, Georges Othily, André Vantomme, Yves Coquelle.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Question préalable (p. 24)
Motion n° 256 de M. Guy Fischer. - MM. Roland Muzeau, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; le ministre. - Rejet par scrutin public.
Article 1er A. - Adoption (p. 25)
Articles additionnels avant l'article 1er (p. 26)
Amendement n° 178 de M. Gilbert Chabroux. - MM. Gilbert Chabroux, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 179 de M. Gilbert Chabroux. - MM. Gilbert Chabroux, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Article 1er (p. 27)
MM. François Autain, Claude Domeizel.
Amendement n° 180 de M. Gilbert Chabroux. - MM. Gilbert Chabroux, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 275 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, le ministre, François Autain. - Rejet.
Amendement n° 181 de M. Gilbert Chabroux. - Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 182 de M. Gilbert Chabroux. - MM. Gilbert Chabroux, le rapporteur, le ministre, Guy Fischer, le président de la commission. - Rejet.
Amendement n° 183 de M. Gilbert Chabroux. - MM. Gilbert Chabroux, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 278 de M. François Autain et 149 rectifié bis de M. Gilbert Barbier. - MM. François Autain, Gilbert Barbier, le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 278 ; adoption de l'amendement n° 149 rectifié bis.
Renvoi de la suite de la discussion.
7. Transmission d'un projet de loi (p. 28).
8. Dépôt d'une proposition de loi (p. 29).
9. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 30).
10. Ordre du jour (p. 31).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR
M. le président. J'informe le Sénat que les questions orales n° 382 de M. Joël Billard, n° 378 de M. Louis Souvet et n° 353 de M. Pierre Laffitte sont retirées, à la demande de leurs auteurs, de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.
QUESTIONS ORALES
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
ATTRIBUTION DE LA CROIX
DU COMBATTANT VOLONTAIRE
AVEC AGRAFE « MISSION EXTÉRIEURE »
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, auteur de la question n° 370, adressée à Mme la ministre de la défense.
M. Jean-Jacques Hyest. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur l'attribution de la croix du combattant volontaire avec agrafe « mission extérieure ».
Jusqu'à la suspension du service national et sur incitation du commandement, des appelés du contingent ont fait acte de volontariat pour participer, au sein d'unités semi-professionnelles, à des opérations militaires au titre des missions extérieures. Ce fut le cas pour tous les territoires donnant droit à la carte du combattant aujourd'hui répertoriés. Certains de ces combattants ont pu être cités avec attribution de la croix de guerre.
La carte du combattant volontaire, créée en 1935, est attribuée à tout titulaire d'une carte de combattant qui a été volontaire pour servir dans une unité combattante.
Les décrets du 8 septembre 1981 ont institué une croix du combattant volontaire avec des barrettes correspondant aux conflits successifs où nos forces ont été engagées ; ils ont été complétés par les instructions successives du 8 mai 1988 et du 27 septembre 1995, qui allaient dans le sens de l'assouplissement, mais ne tenaient pas compte de l'ensemble des personnes concernées.
C'est la raison pour laquelle la Fédération nationale des combattants volontaires constate que les conditions d'attribution ne sont pas satisfaisantes, tant sur le plan de l'équité entre les participants à un même conflit que sur le plan de l'égalité entre les générations du feu. Ces appelés volontaires demandent que leur spécificité soit reconnue, d'autant que leur qualification conditionnait parfois la capacité opérationnelle d'unités désignées pour intervenir d'urgence dans le cadre de missions extérieures.
C'est pourquoi, madame la ministre, je souhaiterais savoir quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce dossier. Au demeurant, celui-ci n'a aucune incidence budgétaire, ce qui est un point important.
De plus, j'aimerais obtenir quelques précisions sur les mesures qui pourraient être prises en matière de développement du volontariat, qui conditionne l'avenir des forces armées.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, la croix du combattant volontaire est une distinction militaire particulièrement symbolique. Conçue pour récompenser ceux qui ont librement choisi de rejoindre l'armée au combat, elle reflète la générosité, la solidarité et l'esprit de sacrifice qui ont fait, aux heures les plus sombres de notre histoire, la grandeur de notre pays.
Ses conditions d'attribution ont été périodiquement modifiées, afin de l'ouvrir davantage sur les conflits les plus récents sans pour autant modifier sa nature. Cette démarche illustre l'attention portée à la quatrième génération du feu, qui appartient pleinement à la grande famille du monde combattant.
Je rappellerai à ce propos que des représentants de la quatrième génération du feu siègent aujourd'hui au sein d'institutions aussi emblématiques que le Haut Conseil de la mémoire combattante ou le conseil d'administration de l'Office national des anciens combattants.
Je rappellerai également que, le 22 octobre dernier, au cours de la cérémonie qui a eu lieu à l'Arc de triomphe, nous avons rendu un hommage solennel aux victimes de l'attentat de l'immeuble Drakkar, à Beyrouth, et, à travers eux, à l'ensemble des militaires de la quatrième génération du feu tombés en opérations extérieures.
C'est dire, monsieur le sénateur, combien votre argumentation rejoint notre volonté de récompenser les appelés qui se sont portés volontaires pour servir sur des théâtres d'opérations extérieurs et qui, à ce titre, ont reçu la carte du combattant. Je suis donc tout à fait disposée à faire étudier, dans le respect de l'équité entre les générations du feu, la possibilité de leur décerner la croix du combattant volontaire.
Par ailleurs, vous m'avez interrogée sur l'incitation au volontariat. Aujourd'hui, dans le cadre d'une armée professionnelle, cette motivation essentielle est partagée par l'ensemble des jeunes générations ; je relève également qu'elle est fortement présente chez la plupart des réservistes, très souvent volontaires pour participer aux opérations extérieures que nous avons été conduits à mener au cours de ces dernières années et qui le seront assurément pour celles que nous serons probablement appelés à faire dans les années à venir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je souhaite l'égalité effective entre les générations du feu, compte tenu notamment des dernières missions extérieures pour lesquelles il a été fait appel à des contingents ou à des volontaires, afin que ceux-ci puissent avoir le plein bénéfice - honorifique, vous l'avez bien souligné - de la croix du combattant volontaire.
Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir poursuivre les études entreprises et de permettre à ces combattants volontaires d'être récompensés comme ils le méritent.
AMÉNAGEMENT DE LA RN 204
ENTRE LE PIÉMONT ET LA CÔTE D'AZUR
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, en remplacement de M. José Balarello, auteur de la question n° 363, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Jean-Jacques Hyest. Notre collègue M. José Balarello, empêché pour raisons de santé, m'a demandé de présenter sa question, à laquelle il attache beaucoup d'importance parce qu'il y a urgence.
La route nationale 204 reliant le Piémont à la Côte d'Azur est un axe vital pour l'économie des Alpes-Maritimes. En effet, il s'agit de la route la plus directe entre Nice et Turin, capitale du Piémont, distante de seulement 210 kilomètres.
Or, si des autoroutes existent sur cet axe à proximité de ces deux grandes villes, la liaison résiduelle, longue d'une soixantaine de kilomètres, entre Cueno et Vintimille, est assurée, en France, par la RN 204 et, en Italie, par la SS 20.
Cette route, qui traverse plusieurs gorges et franchit le col de Tende, nécessite des améliorations et des aménagements importants pour devenir un axe interrégional entre Piémont et PACA. Si, dans les parties italiennes, des améliorations nombreuses ont déjà été apportées, au nord et au sud, notamment avec six tunnels et trois ponts entre Vintimille et Fanghetto, des travaux importants restent à exécuter sur la partie sud de la SS 20, dans la province d'Imperia, où plusieurs tunnels doivent encore être réalisés.
Pour ce qui est de la partie française, sur la route de la Roya, où - sans parler du tunnel routier du col de Tende, qui ne fait pas l'objet de la présente question - ont été réalisés le tunnel aval des gorges de Saorge et le tunnel amont, financés dans le cadre du XIIe Plan, d'autres ouvrages doivent être réalisés rapidement, notamment la liaison, d'une centaine de mètres environ, entre ces deux tunnels, la construction du tunnel des gorges de Paganin et celle du tunnel permettant la déviation du village de Fontan.
M. Balarello insiste sur l'urgence du financement et de la réalisation de ces ouvrages et des études y afférentes, dans le cadre tant du XIIe Plan que de la clause dite de « revoyure » et du XIIIe Plan. Il souhaite donc connaître l'échéancier de la programmation de ces différents travaux ainsi que l'état d'avancement des projets sur la SS 20 italienne, dans la province d'Imperia, entre Fanghetto et l'autoroute Vintimille-Nice.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, vous connaissez parfaitement la route nationale 204, dont la particularité est de relier l'Italie « maritime » à l'Italie de « l'intérieur » mais c'est aussi la colonne vertébrale autour de laquelle s'organise la vie dans cette belle vallée de la Roya. L'Etat s'est fixé pour objectif d'améliorer cette voie, route de montagne et axe de vie.
D'importants travaux ont été engagés, notamment dans les gorges de Saorge. La première phase, qui comprend le tunnel « aval » et deux ponts sur la Roya, a été mise en service en juin 2001. La seconde phase, comprenant les travaux du tunnel « amont », est en cours de réalisation dans le cadre du présent contrat de plan. L'objectif pour la mise en service reste fixé à la fin de l'année 2004.
Pour ce qui concerne la déviation de Fontan et l'aménagement dans les gorges de Paganin, les études ont été engagées afin de mener les procédures d'enquête publique en 2005. Les travaux de ces opérations ne sont toutefois pas inscrits à l'actuel contrat de plan.
Gilles de Robien n'est naturellement pas opposé à ce que les montants consacrés à l'aménagement de la RN 204 soient augmentés lors de la révision du contrat. Celle-ci, pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, ne devrait intervenir qu'en 2004, dès lors que les projets seront aboutis et prêts. Compte tenu de l'enveloppe fixée, cet exercice sera cependant difficile, eu égard à l'importance des besoins à satisfaire dans la région, en particulier dans le département des Alpes-Maritimes.
Enfin, s'agissant de la SS 20, les autorités italiennes, que nous avons sollicitées, n'ont pas encore répondu sur les dispositions envisagées. Bien entendu, monsieur le sénateur, Gilles de Robien ne manquera pas de vous faire part de leur réponse.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. J'ai bien noté les engagements de M. le secrétaire d'Etat, qui a également souligné combien il était difficile de modifier les autres opérations inscrites, notamment pour les Alpes-Maritimes, à l'actuel contrat de plan. Toutefois, M. Balarello saura rappeler au Gouvernement les engagements qu'il a pris !
INQUIÉTUDES DES AUTORITÉS PORTUAIRES
ET DES SALARIÉS DU PORT DE CALAIS
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, auteur de la question n° 364, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Yves Coquelle. Je veux attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les graves et légitimes inquiétudes des autorités portuaires et des salariés de nombreux ports français, en particulier du port de Calais.
D'abord, nous notons avec intérêt l'abrogation de la directive européenne, votée le 30 septembre 2003, qui prévoyait la réintroduction dans les ports de l'auto-assistance, avec tous les risques qu'entraînait cette pratique sur les métiers portuaires, sur les emplois qualifiés et sur les statuts du personnel. Il n'en demeure pas moins que les salariés du port de Calais sont très inquiets des conséquences de la décentralisation. En effet, est-ce bien l'Etat qui reste l'autorité de tutelle des ports d'intérêt national ? Les concessions portuaires restent-elles assumées par les chambres de commerce et d'industrie maritimes ? Quelles garanties sont prévues pour que les emplois des travailleurs portuaires ainsi que les métiers portuaires, avec leur réglementation sociale, soient respectés ? Des questions extrêmement sensibles comme la sécurité, l'environnement, les qualifications indispensables ne risquent-elles pas d'être bradées par l'absence de contrôle de l'Etat ?
Enfin, la troisième inquiétude des salariés du port de Calais concerne les accords du Touquet, signés en février 2003 entre la France et le Royaume-Uni, qui portent sur les questions de l'immigration clandestine. Les mesures draconiennes prises pour le port de Calais, les multiples contrôles qui allongent les durées d'attente, ne semblent pas concerner les ports voisins, qu'ils soient français, belges ou hollandais. Cette disparité risque d'entraîner à très brève échéance une concurrence déloyale, notamment dans le traitement du fret, concurrence déloyale qui risque de mettre gravement en cause la pérennité de l'activité des travailleurs portuaires de la chambre de commerce de Calais, qui compte plus de 600 salariés. De plus, ces mesures qui sont appliquées au seul port de Calais et qui ne sont pas étendues à l'ensemble des ports européens commerçant avec le Royaume-Uni ne régleront en rien l'épineuse question de l'immigration clandestine.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les salariés et la chambre de commerce de Calais souhaitent que soient enfin apportées des réponses concrètes à leurs légitimes interrogations.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, vous avez soulevé des questions portant sur le projet de directive relative aux services portuaires, sur la décentralisation et sur l'application des accords du Touquet.
S'agissant du projet de directive relative aux services portuaires, le Parlement européen, lors de sa séance du 20 novembre dernier, a repoussé le compromis élaboré au mois de septembre entre le Conseil et une délégation du Parlement européen. Le Gouvernement prend acte du vote négatif du Parlement européen. Néanmoins, au niveau français, il est de toute façon nécessaire de clarifier la réglementation applicable aux services aux navires. Un avant-projet de décret sera soumis à concertation dans les semaines à venir sur ce sujet.
Mais au-delà de cette clarification réglementaire, il paraît indispensable que les partenaires sociaux jettent les bases de la reconnaissance des qualifications professionnelles requises pour exercer des métiers nécessitant, dans un contexte de compétition mondiale, une technicité de plus en plus affirmée, notamment dans la manutention, sans pénaliser le développement du cabotage maritime. La promotion de l'intermodalité et des autoroutes de la mer consacrée par le dernier CIADT, le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, est en effet un enjeu essentiel.
En ce qui concerne la décentralisation des ports maritimes, la Haute Assemblée a examiné voilà quelques jours un projet de loi et y a apporté des améliorations. Ainsi, les ports d'intérêt national seront décentralisés. Le rôle d'autorité concédante sera donc transféré aux collectivités territoriales, sans affecter le rôle de concessionnaire exercé aujourd'hui, très majoritairement, par les chambres de commerce et d'industrie. Cette évolution ne remet nullement en cause les dispositions du droit du travail, de l'environnement, de la sécurité, telles qu'elles ont été définies par le législateur.
Quant aux accords du Touquet, ils concernent tous les ports de la Manche et de mer du Nord. Calais, premier port en importance pour le trafic transmanche, a travaillé depuis longtemps avec les services de l'Etat pour mettre en oeuvre des mesures de sûreté pour les voyageurs et de lutte contre l'immigration clandestine. Au-delà de ces accords du Touquet, tous les ports maritimes d'Europe et du monde vont devoir mettre en oeuvre le code international de sûreté maritime et portuaire, le code ISPS, approuvé par l'Organisation maritime internationale en décembre 2002. Son application, prévue pour le 1er juillet 2004, soulève des questions de financement et d'organisation sur lesquelles une mission interministérielle nous fera des propositions au cours de ce trimestre.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne me satisfait qu'à moitié. En effet, concernant les accords du Touquet, ils s'appliquent au port de Calais alors qu'ils ne sont pas encore mis en oeuvre dans les ports voisins. Aussi, la concurrence déloyale que j'évoquais voilà quelques instants existe déjà et les salariés sont légitimement inquiets.
S'agissant de la décentralisation des ports aux collectivités territoriales, si je vous ai bien compris, monsieur le secrétaire d'Etat, elle n'affectera en rien le statut actuel des salariés du port de Calais. Est-ce bien cela ?
M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat. Oui, normalement !
M. Yves Coquelle. J'en prends acte.
PROJET D'ORDONNANCE
SUR LE PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 383, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
M. Francis Grignon. Monsieur le secrétaire d'Etat, mon interrogation concerne le projet d'ordonnance qui va définir les conditions de réalisation des contrats de partenariat public-privé, dits contrats PPP.
Je rappelle que cette ordonnance est déconnectée du code des marchés publics, dont les décrets viennent d'être publiés.
Il s'agit d'un dispositif tout à fait nouveau. Cela va permettre aux maîtres d'ouvrage publics de traiter des marchés globaux aussi bien dans l'espace, depuis la conception en passant par la réalisation et la maintenance, que dans le temps, puisque ces projets, dans la mesure où ils concernent aussi la maintenance, pourront s'étaler sur toute la durée d'amortissement de l'ouvrage.
Bien évidemment, cela nécessitera un haut niveau de qualification de la part de ces entreprises que j'appellerai « entreprises globales », par opposition aux entreprises générales que nous avons connues dans le passé. En effet, elles devront tout réaliser et répondre à des critères aussi bien de création que de bonne fonctionnalité ou de bonne gestion au sens large, gestion économique, bien sûr, mais aussi environnementale, voire sociale dans certains cas.
Je souhaite poser trois questions concernant ce projet d'ordonnance, visant bien sûr à assurer une bonne qualité de l'ensemble du dispositif.
Premièrement, les champs d'application seront-ils bien identifiés d'un point de vue tant qualitatif que quantitatif, les réponses n'étant bien sûr pas les mêmes en fonction de ces différents champs d'application ?
Deuxièmement - et cette question est le corollaire de la première -, une fois bien définis ces champs d'application, la maîtrise d'oeuvre architecturale et technique pourra-t-elle être bien identifiée par le maître d'ouvrage ? Selon moi, il est important que le maître d'ouvrage connaisse en particulier le potentiel et la qualification de l'ingénierie, pour lui donner confiance et lui permettre de réaliser les marchés.
La troisième et dernière question est tout aussi importante. Puisque nous avons affaire à une entreprise globale, il faudra devant elle un maître d'ouvrage qui sache faire face. Par conséquent, va-t-on demander au maître d'ouvrage soit d'intégrer des compétences, soit d'y faire appel pour lui permettre de bien juger le marché qu'il doit traiter ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme. Monsieur le sénateur, vous vous interrogez sur les limites d'emploi du futur contrat de partenariat public-privé.
Ces limites seront tout d'abord celles qu'a posées le Conseil constitutionnel puisque, vous le savez, celui-ci a estimé, par une décision en date du 26 juin 2003, que de tels contrats devraient correspondre « à des situations répondant à des motifs d'intérêt général tels que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé ».
Les futurs contrats de partenariat s'inscriront par conséquent dans ce cadre. J'ajoute que ces contrats n'auront évidemment aucun caractère obligatoire ; bien au contraire, les personnes publiques éventuellement intéressées par ce type de contrat devront procéder à une évaluation préalable et à une étude comparative pour établir la pertinence du recours à une telle formule.
Ainsi que le Gouvernement a déjà eu l'occasion de l'exprimer à plusieurs reprises, les contrats de partenariat public-privé n'ont nullement vocation à devenir le droit commun des constructions publiques ; ils seront en revanche adaptés à certaines opérations composites, de longue durée et comportant une implication financière lourde de l'opérateur privé.
S'agissant de l'intervention des professions de la maîtrise d'oeuvre, dans les contrats de partenariat public-privé, je peux vous donner l'assurance que le projet de texte s'entourera de toutes les précautions utiles à cet égard.
Dans son état actuel, le projet prévoit en effet que ces contrats devront clairement identifier les différents intervenants, leurs qualifications et leurs missions. Bien plus, il fait du choix des équipes de maîtrise d'oeuvre et de la qualité des ouvrages à réaliser des points importants de la négociation à mener avec les partenaires privés. Enfin, dans le cas de la réalisation de bâtiments, il préserve le principe d'un suivi de l'exécution par les concepteurs. Le cadre juridique envisagé réservera par conséquent le plein exercice de leurs missions aux différentes professions de la maîtrise d'oeuvre.
M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Monsieur le secrétaire d'Etat, en tant qu'ancien praticien de l'ingénierie et comme président du groupe d'études sur l'industrie du bâtiment et des travaux publics du Sénat, je voulais simplement souligner, à travers cette question, l'importance de la qualité qui ne cesse de croître depuis la maîtrise d'ouvrage jusqu'à la maintenance. Il est par conséquent important que le maître d'ouvrage soit aussi qualifié que ses interlocuteurs. Vous m'avez rassuré en indiquant que ce nouveau type de contrat prévoira bien que cette qualification sera visible tout au long du processus.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures cinquante-cinq, est reprise à dix heures.)
M. le président. La séance est reprise.
RETRAITE COMPLÉMENTAIRE DES AGRICULTEURS
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, en remplacement de M. Jean-Claude Peyronnet, auteur de la question n° 369, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, mon collègue Jean-Claude Peyronnet, retenu à la DATAR, m'a demandé de le suppléer, ce que je fais d'autant plus volontiers que je souhaite également attirer votre attention sur plusieurs des problèmes que soulève le système de retraite complémentaire obligatoire prévu par la loi n° 2002-308 du 4 mars 2002, confirmé par le décret d'application n° 2003-147 du 20 février 2003.
En premier lieu, nous considérons que les bénéficiaires du régime d'assurance vieillesse complémentaire sont définis trop strictement. Ne sont concernés, en effet, que les chefs d'exploitation. Nous désirons donc connaître quelles suites vous entendez réserver, monsieur le ministre, aux engagements pris d'étendre progressivement ce dispositif notamment aux conjoints et aux aides familiaux.
En second lieu, les dispositions réglementaires du décret n° 97-163 du 24 février 1997 empêchent toute revalorisation de la situation des titulaires de carrière incomplète et, surtout, consacrent le principe de la minoration pour le calcul des points supplémentaires. Ces dernières prescriptions ne sauraient être maintenues si l'on veut assurer une retraite décente à ces travailleurs.
Dès lors, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez des assurances quant à la volonté du Gouvernement de conduire une politique respectueuse des intérêts des retraités agricoles.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le sénateur, la situation des retraites agricoles constitue une priorité constante de l'action du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
Cette priorité s'est d'ores et déjà traduite dans les faits. Ainsi, en moins de deux ans, nous sommes parvenus, d'une part, à mettre en oeuvre la retraite complémentaire obligatoire des agriculteurs et, d'autre part, à mensualiser ces retraites agricoles.
La mise en place et le financement de la retraite complémentaire obligatoire des exploitants agricoles à hauteur de 142 millions d'euros pour 2004, contre 28 millions d'euros en 2003, apportent déjà un complément de revenus à plus de 450 000 retraités du régime agricole.
Les premiers versements sont intervenus à compter de la mensualité d'avril 2003, soit au début du mois de mai 2003. Le Gouvernement a ainsi transformé une avancée sociale virtuelle en une avancée sociale réelle.
La création de ce régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles constitue la traduction d'une demande forte de la profession agricole et s'inscrit dans la continuité de l'ensemble des mesures prises depuis 1994, sous des gouvernements différents, en faveur de la revalorisation des retraites agricoles.
L'extension du champ d'application du régime de retraite complémentaire au-delà des seuls chefs d'exploitation est, en l'état actuel, difficile à envisager à très court terme, et ce pour deux raisons.
D'une part, cela supposerait une augmentation de la cotisation annuelle, qui est aujourd'hui déjà jugée trop importante par les organisations professionnelles elles-mêmes. D'autre part, la RCO étant financée à la fois par une augmentation des cotisations et par une subvention du budget de l'Etat, les 142 millions d'euros de l'Etat constituent déjà, vous en conviendrez, un effort important qui devra être apprécié pour aller au-delà, dans le cadre des équilibres budgétaires ultérieurs.
C'est la première fois - il faut le relever, même si c'était légitime - que l'Etat intervient dans le financement d'un régime de retraite complémentaire. Jusqu'à présent, en effet, les financements de l'Etat s'étaient toujours limités aux seuls régimes de base.
Cela étant, je n'ignore pas, monsieur le sénateur, qu'un certain nombre de conjoints d'exploitants agricoles - des conjointes, le plus souvent - ou d'aides familiaux sont dans des situations difficiles. Aussi avons-nous constitué des groupes de travail, en liaison avec la Mutualité sociale agricole, pour examiner les moyens d'améliorer le sort de ces personnes de manière pragmatique.
De plus, la question spécifique de la retraite complémentaire obligatoire sera étudiée dans le cadre du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles. C'est dans le prolongement des travaux et des concertations en cours que, le moment venu, nous prendrons les décisions idoines.
S'agissant du décret du 24 février 1997, dit « décret Vasseur », il est utile de rappeler qu'il a d'ores et déjà été abrogé par l'article 15 du décret du 1er mars 2002. Ce dernier décret reprenait, en les modifiant, l'ensemble des dispositions sur les revalorisations. Cependant, il existe encore des seuils pour l'accès aux mesures de revalorisation des retraites agricoles. Les pouvoirs publics ont, en effet, privilégié, dans l'effort de revalorisation, l'augmentation des pensions correspondant à une carrière longue en agriculture.
Une réflexion peut être menée sur ces seuils, car des progrès sont toujours souhaitables en matière de protection sociale. Néanmoins, comme je le disais, toute avancée en la matière doit tenir compte des équilibres économiques et budgétaires de notre pays.
Monsieur le sénateur, on ne le répétera jamais assez, un certain nombre d'améliorations ont été apportées, sous des gouvernements différents, depuis dix ans, pour les retraites des agriculteurs.
Depuis dix-huit mois, la mensualisation et la retraite complémentaire ont permis un certain nombre d'avancées, mais je suis d'accord avec vous pour reconnaître qu'il reste encore à faire. Sachez que nous y travaillons. J'espère que nous pourrons inscrire notre action dans une démarche pluriannuelle pour permettre à nos agriculteurs de voir leur situation s'améliorer.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Concernant la mensualisation des pensions, nous sommes tout à fait d'accord, c'est un fait et nous en prenons acte.
En revanche, s'agissant des modalités de mise en oeuvre de la retraite complémentaire obligatoire, permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, qu'elles laissent à désirer. Et ce sera d'ailleurs l'objet, tout à l'heure, de ma propre question.
Quant à l'extension de cette mesure aux conjoints et aux aides familiaux, je ne suis pas tout à fait convaincu par votre réponse, monsieur le ministre, pas plus que ne le sera sans doute mon collègue et ami Jean-Claude Peyronnet.
Bref, je prends acte de la constitution de groupes de travail en vue d'améliorer la situation des conjoints et des aides familiaux : le plus tôt sera le mieux pour la mise en oeuvre de leurs propositions, monsieur le ministre !
RÉGIME DE RETRAITE AGRICOLE COMPLÉMENTAIRE
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 374, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention, en mon nom et au nom de mon ami Raymond Courrière, sur le profond mécontentement des anciens exploitants agricoles du département de l'Aude et, de manière générale, du Languedoc-Roussillon, à la suite de la mise en oeuvre du décret n° 2003-146 relatif, lui, aux conditions d'application et à l'organisation du régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles.
Force nous est, en effet, de constater, et nous le déplorons, que l'application de ce décret fait apparaître deux catégories de retraités non salariés agricoles : d'une part, ceux qui ont fait valoir leurs droits à la retraite avant le 1er janvier 1997, qui doivent justifier de 32,5 ans de cotisations en tant que non-salariés agricoles, dont 17,5 en tant que chef d'exploitation, et, d'autre part, ceux qui ont fait valoir leurs droits après le 1er janvier 1997 et qui devront, quant à eux, justifier de 37,5 ans de cotisation tous régimes confondus, dont 17,5 en tant que chef d'exploitation.
Il y a donc là deux régimes différents, dont l'un conduit à éliminer un très grand nombre de bénéficiaires de la retraite complémentaire. Légitimement, ceux-ci s'estiment particulièrement lésés, monsieur le ministre, et le président de la section FNSEA des anciens exploitants en Languedoc-Roussillon, M. Delpoux, vous l'a même écrit : pour lui, il s'agit là d'une injustice flagrante ! Voilà en effet des hommes et des femmes parmi les plus âgés des anciens exploitants, qui ont travaillé dur pendant toute leur vie et qui, de par la rédaction d'un décret « couperet », se trouvent écartés du bénéfice d'une loi que, nous, parlementaires, avions adoptée à l'unanimité parce que nous considérions précisément qu'il s'agissait d'une avancée sociale majeure et, à vrai dire, d'une simple mesure de justice et d'équité.
Aujourd'hui, nous ne retrouvons plus l'esprit de cette loi. Nous voulions que soit enfin assurée la parité avec les autres secteurs d'activité ; nous voulions que soit instaurée l'équité pour ces anciens exploitants, et nous sommes confrontés à une part d'arbitraire dans les règles d'application et, par voie de conséquence, à la création d'une distinction entre des bénéficiaires et des non-bénéficiaires. Nous, parlementaires qui avons adopté cette loi, nous ne reconnaissons plus notre enfant, monsieur le ministre !
Les responsables des anciens exploitants de mon département me rappelaient, il y a seulement quelques jours, une dure et injuste réalité : sur 15 5000 chefs d'exploitation, 1 067 bénéficient d'une retraite complémentaire obligatoire complète, soit 6,8 % seulement, tandis que 14 % perçoivent une retraite proratisée. Pour le département voisin des Pyrénées-Orientales, les chiffres ne sont guère meilleurs. Sur 15 000 chefs d'exploitation, 5,6 % bénéficiaient d'une retraite complémentaire obligatoire, et 11 % d'une retraite proratisée. A peu de chose près, nous retrouvons des pourcentages identiques pour les autres départements du Languedoc-Roussillon. Mes collègues MM. Peyronnet et Demerliat me signalaient une situation similaire dans le département de la Haute-Vienne.
En revanche, dans d'autres régions, où les grandes exploitations étaient plus nombreuses à l'époque, le pourcentage des bénéficiaires serait plus élevé, m'a-t-on dit, et se situerait entre 60 % et 70 %. Il est vrai que, dans nos régions, les exploitations étant de taille bien plus modeste, les jeunes, sur les conseils de la MSA, préféraient souvent passer d'abord par le stade de salarié avant d'accéder au statut de chef d'exploitation. Mais, aujourd'hui, les voilà pénalisés. Convenons, monsieur le ministre, que le décret suscite un sentiment d'injustice mêlé d'incompréhension. Tel agriculteur, par exemple, a travaillé vingt-quatre ans en qualité de chef d'exploitation et quinze ans comme salarié agricole : il n'a pas le droit à la retraite complémentaire. Son épouse n'a exercé en qualité de chef d'exploitation que durant sept ans, pourtant, elle perçoit la retraite complémentaire proratisée.
Mais je prends un autre exemple : tel ancien exploitant actuellement assujetti à l'impôt de solidarité sur la fortune et n'ayant jamais été, et pour cause, salarié agricole, perçoit actuellement la retraite complémentaire obligatoire, pendant que tel autre bénéficiant, quant à lui, d'une pension de retraite tout à fait modeste - 450 euros par mois environ - se la verra refuser.
Le président Delpoux m'a fait part d'un cas exemplaire dans l'Aude. Des jumeaux sont nés en 1938. L'un, Pierre, s'est engagé dans l'armée à vingt ans et a pris sa retraite quinze ans après, en 1973. Son frère Paul est, lui, resté salarié agricole du père pendant quinze ans, jusqu'en 1973, année au cours de laquelle le père partage l'exploitation : les deux fils deviennent chefs d'exploitation.
En 1996, Paul prend sa retraite. Il n'aura pas droit à la retraite complémentaire obligatoire, bien qu'il ait exercé pendant vingt-trois ans son activité d'exploitant agricole.
En 1997, Pierre fait valoir à son tour ses droits à la retraite, après avoir été vingt-quatre ans chef d'exploitation. Il aura droit, lui, à la retraite complémentaire obligatoire.
Comment voulez-vous, monsieur le ministre, que cela ne suscite pas incompréhension et colère ?
Non, ce qu'il faut, c'est modifier le décret, en proratisant la retraite, afin d'en rendre bénéficiaires tous les anciens exploitants, qu'ils aient été salariés agricoles ou non.
Monsieur le ministre, vous ai-je convaincu de le faire ?
M. René-Pierre Signé. Nous allons le voir !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le sénateur, notre gouvernement est pleinement conscient de la situation des retraites agricoles : nous nous attachons à les revaloriser.
La mise en place et le financement de la retraite complémentaire obligatoire des exploitants agricoles, à hauteur de 142 millions d'euros pour 2004, contre 28 millions d'euros en 2003, apporte déjà un complément de revenus à plus de 450 000 retraités du régime agricole.
Les premiers versements sont intervenus à compter de la mensualité d'avril 2003, soit au début du mois de mai 2003. La création de ce régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles constitue la traduction d'une forte demande de la profession agricole, et s'inscrit dans la continuité de l'ensemble des mesures prises depuis 1994, sous plusieurs gouvernements, en faveur de la revalorisation des retraitres agricoles.
Ainsi, les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles dont la retraite de base a pris effet avant le 1er janvier 1997 doivent justifier de 32,5 années, soit 130 trimestres, d'activité non-salariée agricole, dont 17,5 années - soit 70 trimestres - en qualité de chef d'exploitation à titre exclusif ou principal, pour bénéficier de points de retraite complémentaire sans contrepartie contributive.
Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricoles qui ont pris leur retraite à compter du 1er janvier 1997 doivent justifier de 37,5 années - soit 150 trimestres - d'assurance ou de période équivalente, tous régimes confondus, dont 17,5 années - 70 trimestres -, en qualité de chef d'exploitation à titre exclusif ou principal pour bénéficier également de points gratuits.
La différenciation des conditions d'accès au bénéfice de l'attribution de droits gratuits de retraite complémentaire pour les assurés retraités avant le 1er janvier 1997 et pour ceux dont la pension a pris effet après cette date est liée au maintien d'une certaine continuité et d'une certaine cohérence avec les conditions d'ouverture des droits à revalorisation des retraites de base, qui ont privilégié les personnes non salariées ayant effectué une carrière longue en agriculture.
Le décret auquel vous faites référence à cet égard, monsieur le sénateur, est donc la traduction de la loi de 2002, que vous avez également évoquée, et qui, je le rappelle, toute polémique mise à part, n'était pas du tout financée. Nous avons dû trouver ces financements, soit 28 millions d'euros pour 2003 et 142 millions d'euros pour 2004, afin de transformer une avancée sociale virtuelle en une avancée sociale réelle.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Hervé Gaymard, ministre. Quant à la modification des seuils permettant l'attribution de droits gratuits, elle entraînerait une dépense justifiée, certes, mais importante. Sur ce point, le Gouvernement reste ouvert à la discussion. Lors de l'élaboration de la loi de finances pour 2005, dans le cadre des arbitrages qui concerneront mon ministère, entre les crédits de l'agriculture au sens strict, de la pêche, de la protection sociale agricole et de l'enseignement agricole, nous pourrons tenter de résoudre les problèmes que vous avez illustrés de manière fort éclairante au moyens de cas individuels. Cela montre une fois de plus que, lorsqu'on met en place des règles, la situation individuelle des personnes peut faire apparaître la nécessité d'apporter un certain nombre d'améliorations.
Je souhaite, bien entendu, que nous puissions résoudre les problèmes que vous avez fort opportunément soulevés, monsieur le sénateur, mais, aujourd'hui, je ne peux pas vous apporter d'autre réponse que celle qui met en avant les choix budgétaires qui seront faits pour 2005.
Sachez que, s'agissant de la protection sociale agricole, notamment des retraites, mon ambition au sein de ce ministère est d'apporter, année après année, une amélioration constante. Ce qui a été fait depuis dix ans est important mais encore insuffisant. Il faut poursuivre dans cette voie.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Nous avons échangé nos arguments et nous verrons si les anciens exploitants auront été convaincus par les vôtres.
Concernant le précédent gouvernement, puisque vous avez vous-même évoqué son action, et cela, avez-vous dit, hors de toute polémique, il convient tout de même de rappeler qu'il est à l'origine d'un plan de revalorisation des pensions de l'ordre de 3,2 milliards d'euros.
Monsieur le ministre, je profite de votre présence à la Haute Assemblée ce matin pour vous signaler un problème bien précis dont je viens de prendre connaissance. Selon les informations dont je dispose, du fait de restrictions budgétaires, l'ONIVINS, l'Office national interprofessionnel des vins, vient de fermer son antenne de Narbonne. C'est un choc qui va susciter bien des turbulences. Alors que Narbonne est un véritable symbole pour la viticulture et le Languedoc-Roussillon, le plus grand vignoble du monde, cette décision de fermeture apparaît plus que surprenante : scandaleuse.
Elle sera vraisemblablement considérée comme un camouflet infligé à la viticulture méridionale au moment où tous les regards sont tournés vers l'avenir.
Monsieur le ministre, je vous demande de vous saisir personnellement de cette question afin que l'ONIVINS revienne d'urgence sur cette décision particulièrement regrettable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 381, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Mme Marie-Claude Beaudeau. A travers ma question, je souhaite me faire l'écho de l'angoisse vécue par dix millions de femmes ménopausées. Je signale que, en 2025, les femmes ménopausées représenteront près de 50 % de la population féminine française.
Pour l'instant, nous ne connaissons ni l'avis du ministre de la santé ni les décisions qui sont éventuellement en cours de préparation sur les traitements hormonaux substitutifs, ou THS, au regard des questions qui se posent quant à leurs avantages en matière de prévention de l'ostéoporose et aux risques qu'ils font peser, s'agissant notamment du cancer du sein.
Tout au long de l'année 2003, la presse a fait état de doutes, de troubles, alors que depuis vingt ans, dans le monde médical, cet « élixir de jouvence » était paré de toutes les vertus, qu'il constituait une aide incontestable pour passer le cap de la ménopause en agissant efficacement contre les troubles fonctionnels, si l'on en croit le docteur Henri Rozenbaum, président de l'Association française pour l'étude de la ménopause.
Il s'agit bien d'un problème de santé publique dans la mesure où une Française sur deux récemment ménopausée, entre cinquante et cinquante-cinq ans, suit un THS.
Ce traitement permet de contrôler des symptômes très pénibles et de prévenir l'ostéoporose. Or, la diminution de la densité osseuse et la fragilisation des os peuvent causer des fractures, en particulier celle, tant redoutée, du col du fémur.
Les THS ont été prodigués en 2002 à 2 millions de femmes.
C'est aussi un problème de santé publique étant donné la gravité des risques qui pourraient exister en matière cardio-vasculaire et d'apparition de cancer du sein.
Deux organismes semblent avoir pris position, en attendant une position officielle du Gouvernement.
Premièrement, l'Académie de médecine, sans remettre en cause les THS, a préconisé, en décembre 2002, un traitement aussi bref que possible et à de faibles doses.
Deuxièmement, sous la signature de son directeur général, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, a annoncé le 28 janvier 2003 que, désormais, l'autorisation de mise sur le marché, l'AMM, serait modifiée afin d'intégrer les nouvelles données concernant le risque cardio-vasculaire, mais sans évoquer le risque de cancer du sein.
L'AFSSAPS fonde sa décision sur deux études, l'une américaine, l'autre anglaise. L'étude américaine, publiée en juillet 2002, portant sur 16 000 patientes conclut, d'une part, que les THS ne seraient d'aucun bénéfice en terme de prévention cardio-vasculaire et, deuxièmement, qu'ils augmenteraient le risque de cancer du sein et de thrombose veineuse.
De nombreux articles de presse ont alors « brodé » sur ces conclusions, suscitant bien des interrogations et, je le disais, l'angoisse des femmes concernées : 32 % des femmes suivant un THS ont arrêté leur traitement entre septembre 2002 et juillet 2003.
De nombreux médecins, notamment des gynécologues, laissent leurs patientes libres de choisir.
Madame la secrétaire d'Etat, la position de l'AFSSAPS est-elle celle du Gouvernement ?
Confirmez-vous ce qu'affirmait M. le ministre de la santé, en décembre 2003, devant la commission des affaires sociales : « Lorsque l'on suspend le THS, on évite la possible survenue du cancer du sein » ? Compte tenu de nos connaissances en la matière, je considère cette affirmation comme bien hasardeuse.
Pourquoi n'a-t-on pas décidé de mener une étude sérieuse et d'envergure sur ces traitements et les pratiques médicales en France ? Les références américaines et anglaises ne sont pas suffisantes pour décider des conséquences d'un THS appliqué aux femmes de notre pays. Il ne faudrait pas que, sous prétexte du principe de balancier, après avoir encensé le THS, on le diabolise. Il ne faudrait pas non plus qu'à chaque avancée des femmes vers le mieux-vivre on assiste à une remise en cause et à un retour en arrière.
Premièrement, quels sont, d'après M. le ministre de la santé, les bienfaits ou les méfaits des THS utilisés actuellement en France ?
Deuxièmement, quelle étude épidémiologique est-il envisagé de conduire concernant les THS ?
Des décisions doivent être prises au plus vite. De nouveaux faux-fuyants accroîtraient encore l'angoisse des femmes.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Madame le sénateur, vous interrogez le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur les conséquences médicales des traitements hormonaux substitutifs chez les femmes ménopausées.
Les THS consistent à compenser l'arrêt de sécrétion ovarienne survenant chez la femme ménopausée par l'association d'un oestrogène et d'un progestatif administrés par voie générale, qui protège du risque du cancer de l'endomètre. Ils ont deux objectifs : le traitement des symptômes de carence en oestrogène lors de l'installation de la ménopause et, à plus long terme, le traitement à visée préventive de la perte osseuse post-ménopausique, pour éviter la survenue de fractures.
En 2001, dans le rapport de l'Académie de médecine sur la prévention, le problème du bilan des bénéfices du THS et de ses risques a été soulevé. En 2002, une étude américaine, Women's health initiative, considère que les risques sont supérieurs aux bénéfices du traitement : risques de cancer du sein, de thrombose veineuse, d'embolie pulmonaire, auxquels s'ajouterait un risque cardio-vasculaire artériel.
Le 28 janvier 2003, l'AFSSAPS, se fondant sur l'avis d'un groupe d'experts, diffuse des recommandations de bonnes pratiques qui s'alignent sur l'attitude américaine. Les conclusions principales portent sur le fait que le THS a un effet prouvé sur les symptômes de la ménopause et prévient bien les fractures ostéoporatiques. En revanche, il n'a pas d'effet préventif dans le domaine cardio-vasculaire et augmente la fréquence du cancer du sein, ce risque disparaissant avec l'arrêt du THS.
L'AFSSAPS recommande donc de n'utiliser le THS que pour le traitement des symptômes et d'en limiter l'utilisation.
Il me semble, madame le sénateur, qu'en l'état actuel de nos connaissances des études complémentaires s'imposent. C'est la raison pour laquelle, d'une part, plusieurs études épidémiologiques sont actuellement conduites par des équipes de l'INSERM et, d'autre part, le ministre a demandé que de nouvelles propositions viennent compléter ces premières études.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat, de votre réponse, mais j'avoue que je reste un peu sur ma faim. Je suis étonnée que l'on n'ait pas plus avancé sur la question.
Lors de la publication de l'étude américaine, des médecins et des chercheurs ont fait remarquer que, en matière de THS, les Américaines n'avaient pas recours aux mêmes produits que les Françaises et qu'elles n'avaient pas non plus les mêmes habitudes de vie, notamment en ce qui concerne l'alimentation. Ils ont également souligné que l'étude britannique était très partielle.
Par ailleurs, je tiens à signaler que la MGEN, la Mutuelle générale de l'éducation nationale, a réalisé une étude portant sur 100 000 de ses adhérentes. La responsable de cette étude, aujourd'hui achevée, m'a indiqué, en novembre dernier, que les résultats allaient faire l'objet d'une publication scientifique. Un article sur l'étude britannique est également en cours de préparation.
Pourquoi envisager de nouvelles études alors que nous disposons déjà, en France, de celle de la MGEN, qui peut d'ailleurs être contrôlée ?
M. Mattei avait annoncé qu'un groupe s'était réuni le 26 septembre dernier en liaison avec l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments et que ses premières conclusions nous seraient communiquées avant la fin de l'année 2003. Quelles sont-elles ?
Je ne comprends pas, dans ces conditions, madame la secrétaire d'Etat, que vous n'ayez pas fait état d'une prochaine prise de décision. Si les traitements hormonaux substitutifs ont des conséquences graves pour la santé des femmes, il faut les interdire. Si, au contraire, les risques sont inexistants ou très limités, il faut le démontrer.
Finalement, les femmes et les médecins se demandent à quel moment ils ont été trompés. Est-ce il y a vingt ans, lorsque les produits ont été mis sur le marché, lorsqu'on ne trouvait que des avantages aux THS ? Est-ce aujourd'hui, au moment où, tout à coup, on ne leur trouve que des défauts ?
CONSTRUCTION D'UN RÉACTEUR
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question n° 354, adressée à Mme la ministre délégué à l'industrie.
M. Jean Bizet. Madame la ministre, vous avez proposé à M. le Premier ministre la construction d'un réacteur de troisième génération EPR, ou European Pressurized Reactor, pour renouveler le parc des centrales à partir de 2020. Ce projet a été diversement accueilli, tant par les experts mandatés par le Gouvernement pour mener le débat national sur l'énergie que par l'opinion publique.
Compte tenu des réactions mitigées et des interrogations suscitées par une telle annonce, il me semble indispensable de faire preuve de la plus grande vigilance quant au choix d'une éventuelle implantation.
Puisque la construction se ferait a priori à côté d'une centrale déjà en fonctionnement, il paraît opportun de sélectionner un secteur géographique habitué psychologiquement depuis plusieurs années à la présence du nucléaire.
Dès lors, le département de la Manche semble digne de retenir l'attention en raison de la bonne acceptation par la population des différentes structures existantes ainsi que de l'avantage non négligeable que représente une implantation en zone côtière, eu égard aux contraintes liées à l'élévation du degré de température rencontrée en rivière et aux effets de la sécheresse, notamment la baisse du niveau des cours d'eau.
Madame la ministre, je souhaiterais donc que vous puissiez nous préciser l'état de la réflexion du Gouvernement à ce sujet et nous indiquer le type d'implantation qui pourrait être envisagé.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, vous l'avez rappelé, j'ai présenté au début du mois de novembre dernier un Livre blanc sur les énergies qui détaille les orientations énergétiques que nous proposons aux Français.
Outre la relance de la maîtrise de l'énergie et le développement des énergies renouvelables, c'est-à-dire la diversification de notre bouquet énergétique, le Gouvernement veut maintenir l'option nucléaire ouverte. Autrement dit, il souhaite disposer à l'horizon 2020, au moment où beaucoup de centrales nucléaires auront plus de quarante ans, de l'ensemble des solutions technologiques disponibles pour pouvoir remplacer dans les meilleures conditions le parc nucléaire actuel.
C'est dans ce contexte qu'est envisagée la construction du réacteur à eau pressurisée européen, l'EPR. Je précise bien qu'il s'agit non pas d'une décision du Gouvernement mais d'une proposition, actuellement soumise à une très large concertation, qui s'appuie sur de nombreux rapports, notamment celui de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Vous comprendrez, monsieur le sénateur, que, dans ces conditions, il soit encore un peu tôt pour réfléchir plus avant au site qui, parmi les centrales nucléaires actuelles, pourrait le mieux accueillir un éventuel EPR.
Je peux néanmoins vous indiquer que les avantages du département de la Manche, que vous avez à raison soulignés, font effectivement de ce département un site dont il faudra examiner avec attention, le moment venu, la candidature.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Je vous remercie, madame la ministre, de ces précisions.
Je prends bonne note de la proposition du Gouvernement et je souhaite qu'elle se concrétise prochainement. Je suis persuadé que le Parlement dans son ensemble appuiera la Gouvernement dans ce qui m'apparaît comme un bon choix au regard tant de la protection de l'environnement, en particulier de la lutte contre l'effet de serre, que de la couverture de nos besoins énergétiques.
Je relève aussi que vous avez souligné la pertinence de la candidature du département de la Manche. Je me permettrai d'insister sur le fait que le choix de ce département permettrait non seulement de conforter un pôle d'excellence existant, mais également d'assurer la mutation d'un bassin d'emploi confronté à la transformation de toute la filière de construction navale.
Madame la ministre, tous les parlementaires et tous les élus locaux de la Manche seront à vos côtés sur ce dossier difficile en ce qui concerne aussi bien la construction proprement dite d'un réacteur que les fameux couloirs de ligne.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 372, adressée à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
M. Michel Teston. Madame la ministre, un certain nombre d'élus et de citoyens ardéchois m'ont fait part de leurs inquiétudes au sujet de la mise en oeuvre des projets de parcs de production d'énergie éolienne.
Ils craignent, en particulier, une prolifération anarchique de ces installations, au détriment des sites naturels et des paysages et, plus généralement, de leur qualité de vie.
Ils ne sont pas opposés à la production d'énergie éolienne, mais dénoncent le manque d'information des populations concernées et l'absence apparente d'orientation politique cohérente.
Toutes les études indiquent que, si la France veut honorer les engagements fixés en matière de développement des énergies renouvelables, l'acceptation sociale des projets d'implantation est indispensable, ce qui impose l'organisation d'une large concertation et l'accès du public à l'information.
Aussi, je souhaite, madame la ministre, que vous m'indiquiez si vous entendez engager rapidement la procédure de transposition de la directive européenne du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement.
En outre, le Gouvernement n'affiche pas une démarche cohérente et lisible pour nos concitoyens en matière d'énergie éolienne.
Alors que plusieurs dispositions de la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés énergétiques et de la loi du 2 juillet 2003 vont dans le sens d'une meilleure information des populations et d'un encadrement régional du développement de ce mode d'énergie, la circulaire interministérielle d'application incite les préfets à accélérer la concrétisation des projets en cours.
En Ardèche, la préfecture a mis en oeuvre un document cadre du développement de l'éolien, qui constitue un outil intéressant pour les porteurs de projets. Toutefois, ce document ne lève pas totalement les inquiétudes des Ardéchois. De plus, un certain nombre de permis de construire ont été accordés avant même sa publication. On peut donc penser que les schémas régionaux éoliens constitueront surtout un inventaire des parcs éoliens déjà en fonctionnement !
Madame la ministre, pouvez-vous me préciser les véritables objectifs du Gouvernement en matière de politique de développement de l'énergie éolienne ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, comme je viens de l'indiquer à M. Jean Bizet, les orientations du Gouvernement en matière de politique énergétique sont contenues dans le Livre blanc sur les énergies que j'ai soumis très largement à la consultation du public.
Ces orientations reposent, je le rappelle, sur un triptyque indissociable : la maîtrise de la consommation d'énergie, le développement des énergies renouvelables et une option nucléaire ouverte, pour les raisons que je viens de préciser.
Le deuxième pilier de cette politique énergétique consiste donc, pour diversifier notre bouquet énergétique, à développer toutes les énergies renouvelables, au premier rang desquelles l'éolien, qui est la filière la plus mature.
L'inscription dans la loi de l'objectif ambitieux de 21 % d'énergie renouvelable dans nos ressources énergétiques, qui nous a été fixé par l'Union européenne, vous sera donc proposée.
S'agissant de l'énergie éolienne, j'ai d'ores et déjà fixé, par arrêté du 7 mars 2003, l'objectif de mise en service de centrales éoliennes à hauteur de 2 000 à 6 000 mégawatts d'ici à 2007.
Toutefois, ce développement ne saurait réussir sans une bonne acceptation des populations locales.
Monsieur le sénateur, je partage vos préoccupations quant à une prolifération anarchique de l'implantation des éoliennes. J'ai été saisie à maintes reprises par des élus qui me demandent de tenir compte de cette question. Je puis dire que j'y suis tout à fait attentive.
Il importait donc de donner de la clarté et de la transparence à l'ensemble des procédures conduisant à la réalisation de parcs éoliens et d'en faciliter l'implantation locale par une concertation approfondie.
C'est la raison pour laquelle Mme Bachelot-Narquin, M. de Robien et moi-même avons adressé aux préfets, le 10 septembre dernier, une circulaire donnant des directives en ce sens.
Il s'agit donc non pas d'accélérer le développement de l'éolien, mais de réaliser dans la sérénité et sans bureaucratie excessive les enquêtes publiques et les études d'impact nécessaires à la bonne information des parties prenantes.
Les services de l'Etat sont également invités à apporter leur concours aux régions qui souhaitent se doter d'un schéma régional de l'éolien afin d'en encadrer le développement.
Toutes ces idées seront d'ailleurs approfondies dans le cadre du futur projet de loi sur les énergies que je présenterai prochainement au Parlement.
La question de l'information des populations et du droit d'accès aux informations environnementales détenues par les autorités publiques est donc au coeur de cette circulaire. J'aurai d'ailleurs l'occasion de m'en entretenir très prochainement avec MM. les préfets.
Ce texte est donc bien conforme à la directive du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement et dont la transposition est conduite par les services de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je rappelle néanmoins que ma question portait sur deux points.
S'agissant tout d'abord de la transposition de la directive européenne concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, j'ai cru comprendre que votre collègue Mme Roselyne Bachelot s'en préoccupait. Je n'ai cependant pas obtenu de réponse précise quant à la date à laquelle pourrait intervenir cette transposition.
Le deuxième point de ma question était relatif au décalage que j'ai constaté, comme d'autres, entre, d'une part, la volonté affichée par le Gouvernement de veiller à la concertation avec la population et d'éviter le développement anarchique de l'éolien, et, d'autre part, la réalité des actes qui visent - vous avez vous-même fait état de votre circulaire interministérielle - à accélérer, quoi que vous en disiez, les projets sans que les schémas régionaux éoliens aient été arrêtés - ils ne le sont d'ailleurs toujours pas - et sans que des documents opposables aient été mis en place. A cet égard, madame la ministre, vous n'avez apporté aucune clarification et je continue à considérer qu'il n'y a pas de véritable cohérence dans la politique actuelle du Gouvernement en matière de développement de l'éolien.
DROITS ET OBLIGATIONS DES APPRENTIS
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, auteur de la question n° 365, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien souvent, les artisans, en plus de leur métier proprement dit, forment des apprentis. Cette formation, compte tenu des lacunes en matière d'acquis fondamentaux, suppose un engagement supplémentaire des maîtres d'apprentissage.
Or, lorsque l'inspection du travail vient opérer un contrôle, les questions posées à l'apprenti sont accompagnées de la remise d'une plaquette consacrée aux seuls droits de ce dernier. Il n'y est question ni des droits du maître d'apprentissage ni des devoirs de l'apprenti.
Je vous demande donc, madame la ministre, si les services de l'Etat doivent continuer à s'adresser à notre jeunesse, et de façon plus générale à nos concitoyens, en attirant leur attention sur leurs seuls droits et en passant ainsi régulièrement sous silence leurs devoirs.
Dans ce cas précis, l'inspection du travail ne devrait-elle pas, lorsqu'elle informe les apprentis sur leurs droits, saisir l'occasion de leur rappeler leurs devoirs ? Ce serait une façon de contribuer à la mise en place d'un dialogue social responsable - on en parle beaucoup - et adulte entre employés et employeurs, entre apprentis et maîtres d'apprentissage.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Votre question, monsieur le sénateur, porte sur la remise d'une plaquette consacrée aux seuls droits des apprentis, par les inspecteurs du travail, à l'occasion des contrôles en entreprise. Cette démarche paraît effectivement déséquilibrée en termes tant de devoirs des apprentis que de droits des maîtres d'apprentissage.
Les consultations menées dans le cadre de la mission pour relancer l'apprentissage, confiée par le Premier ministre au secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, ont effectivement fait apparaître un manque d'informations sur les droits et devoirs de chacun des partenaires d'un contrat d'apprentissage, auxquels il faut ajouter les formateurs des centres de formation d'apprentis.
L'une des mesures proposées dans le Livre blanc présenté le 16 octobre 2003 est l'institution, au moment de la signature du contrat, de la signature d'une charte tripartite explicitant les droits et devoirs de chacun. Cette charte élaborée par branche serait signée par l'apprenti, par l'employeur et par le centre de formation des apprentis, le CFA. Au-delà de l'aspect formel de cette charte, c'est la responsabilisation et la mobilisation accrues de l'ensemble des acteurs de l'apprentissage qui seront l'un des leviers du développement de cette voie efficace pour répondre aux besoins des entreprises de formation de main-d'oeuvre qualifiée.
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Madame la ministre, j'ai bien évidemment écouté votre réponse avec beaucoup d'intérêt, car il s'agit-là, selon moi, d'une anomalie incroyable. Lorsque j'ai pris connaissance du document, je n'en ai pas cru mes yeux !
Mais, madame la ministre, au-delà de la plaquette remise aux apprentis, il va falloir examiner de plus près l'ensemble des documents distribués aux administrés. Trop souvent, en effet, ces derniers nous interrogent quant à leurs droits, sans jamais songer à s'enquérir de leurs devoirs. Si, peu à peu, nous réussissions à revenir là-dessus et à établir un équilibre entre les droits et les devoirs de chacun, ce serait une belle évolution, souhaitée par nombre de nos concitoyens. Les jeunes y sont certainement prêts, mais encore faut-il le leur rappeler, car, lorsqu'on est jeune, on ne pense pas à tout cela.
Je vous remercie donc de votre réponse, madame la ministre, étant entendu que je serai très attentif à l'évolution de la plaquette que j'ai évoquée dans ma question.
DIFFICULTÉS DES CENTRES D'HÉBERGEMENT
ET DE RÉINSERTION SOCIALE DE LA NIÈVRE
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 343, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. René-Pierre Signé. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre sur les conditions de fonctionnement et de financement des centres d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, du département de la Nièvre, mais mes remarques vaudront peut-être pour d'autres départements.
Destinés à l'accueil, au soutien ou à l'accompagnement social de personnes ou de familles en détresse, les CHRS relèvent de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.
La loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions est venue compléter le dispositif en prenant en compte les nouvelles missions des CHRS sur l'urgence sociale et l'insertion.
Aujourd'hui, cette belle mission paraît compromise. Le niveau des moyens financiers existants, au titre de l'aide sociale de l'Etat, n'est pas suffisamment en phase avec la démarche de renforcement progressif des capacités de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Les associations gestionnaires de la Nièvre regrettent, en outre, certaines dispositions du décret d'application du 3 juillet 2001 qui sont en retrait par rapport à l'esprit de la loi du 29 juillet 1998. Ainsi, les CHRS du département de la Nièvre rencontrent un certain nombre de difficultés, notamment financières, qui les empêchent de remplir leur rôle.
En conséquence, monsieur le ministre, j'aimerais savoir quelles mesures vous comptez prendre afin que les associations de réinsertion sociale puissent poursuivre leurs missions au bénéfice des publics en difficulté sociale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de M. François Fillon.
Plusieurs mesures budgétaires ont été prises en 2003 afin de permettre aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale de jouer leur rôle au bénéfice des publics en difficulté sociale dans des conditions satisfaisantes.
La dotation de fonctionnement des CHRS, votée en loi de finances pour 2003, s'élève à 428,39 millions d'euros, contre 417,56 millions d'euros en 2002, soit une progression de 2,59 % permettant le financement de 33 000 places.
Cette hausse comprend, d'une part, une mesure d'ajustement de 4,4 millions d'euros destinée à prendre en compte l'évolution de la masse salariale et, d'autre part, la création de 500 places supplémentaires de CHRS pour un montant de 6,4 millions d'euros.
L'ensemble des crédits d'Etat relatifs aux CHRS est réparti au niveau régional entre les déparements. Pour 2003, l'allocation destinée aux CHRS s'élève à un total de 11 737 596 euros pour la région Bourgogne, dont 1 231 457 euros pour le département de la Nièvre.
Outre le taux d'actualisation, la région a bénéficié d'une enveloppe de mesures nouvelles de 122 380 euros qui ont permis la création de 13 places de CHRS supplémentaires, dont 3 pour le département de la Nièvre.
Par ailleurs, pour répondre aux besoins immédiats des centres d'hébergement, des crédits supplémentaires ont été obtenus et viennent s'ajouter aux dotations initialement déléguées aux services déconcentrés. A ce titre, une dotation complémentaire de 484 577 euros a été allouée au département de la Nièvre.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2004 prévoit 8,92 millions d'euros supplémentaires pour les CHRS dont la répartition permettra de revaloriser les budgets des établissements et leur donnera ainsi les moyens d'accueillir dans des conditions satisfaisantes les personnes en détresse sociale.
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, sans doute y a-t-il une disparité entre les mesures dont vous faites état et celles qui sont appliquées dans le département de la Nièvre, où nous n'avons pas conscience d'une augmentation des crédits.
Je souhaite faire deux remarques.
D'une part, il semble que les crédits aient été réduits. En conséquence, le budget alloué à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS, de la Nièvre ne permet pas d'assurer les dotations à hauteur des besoins.
D'autre part, l'interprétation par la DDASS de l'organisation générale des centres est parfois problématique. Ainsi, la DDASS a supprimé 0,5 ETP, ou équivalent temps plein, à deux centres, l'Anar et le Prado, au motif que les activités de chantier d'insertion de l'un et le restaurant social de l'autre n'étaient pas de son ressort.
Les difficultés financières des quatre CHRS de la Nièvre - l'Anar, le Bouqueau, le Prado et Nièvre Regain - existent depuis plusieurs années. La DDASS de la Nièvre ne régularisant pas les dossiers, chaque année, les CHRS intentent une action contentieuse. Chaque fois, le tribunal administratif s'est prononcé en leur faveur et les dotations complémentaires ont été versées ; mais ces dernières sont insuffisantes.
En 2003, le rattrapage n'a été que partiel.
Pour 2004, il y a une remise en cause de la loi sur les exclusions. L'Etat financera l'aide au logement mais se désengagera pour tout ce qui concerne le suivi social et l'accompagnement. Il s'agit donc d'une remise en cause de l'existence même des CHRS.
RETRAITE DES MÉDECINS HOSPITALO-UNIVERSITAIRES
M. le président. La parole est à M. André Boyer, auteur de la question n° 367, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. André Boyer. Monsieur le ministre, on se plaît à dire que notre médecine est l'une des meilleures du monde. Les médecins hospitalo-universitaires y contribuent largement, en formant les praticiens hospitaliers et libéraux, en exerçant la médecine dans les centres hospitaliers universitaires, les CHU, au sein de services spécialisés très performants dont ils assument souvent la direction, et ce pour une très large moitié de leur temps, qu'au demeurant ils ne comptent pas.
Ces praticiens enseignants et hospitaliers ne sont pas les mandarins que l'on croit. Ils se sont, notamment, alarmés du fait que le protocole d'accord de mai 2003 ne modifie en rien le triste privilège qui leur vaut de percevoir la plus faible retraite des médecins de notre pays. Cette retraite, en effet, calculée uniquement sur le salaire universitaire, ne tient aucun compte de leur activité hospitalière, qui comporte des sujétions importantes, sans bénéfice de la RTT, la réduction du temps de travail.
La difficulté d'animer les équipes hospitalières dont ils ont la charge au moment où l'hôpital public traverse une crise grave et la modicité de leur retraite expliquent largement la perte d'attractivité des carrières hospitalières universitaires, qui est sûrement, à terme, préjudiciable à la qualité de la formation des médecins et à la santé dans notre pays.
Monsieur le ministre, quelles sont les mesures de simple justice que vous pouvez envisager de prendre pour que la totalité des émoluments hospitaliers soient pris en compte dans le calcul de la retraite et pour assurer ainsi la pérennité d'un corps saisi par le doute mais dont dépendent la qualité des soins aux malades, la qualité de l'enseignement et de la recherche médicale et le rayonnement de la médecine française ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le sénateur, votre question porte sur la retraite des personnels enseignants et hospitaliers.
Leur activité professionnelle est double et elle comprend ainsi une double rémunération : une rémunération au regard de leur activité universitaire, qui donne droit à une retraite dans les conditions définies par le code des pensions civiles et militaires de retraite et une rémunération au regard de leur activité hospitalière, qui ne donne pas lieu à cotisation, et donc ne donne pas droit à retraite.
Fruit d'une histoire complexe, la situation décrite n'en demeure pas moins logique. Nos régimes de retraite reposent en effet sur un principe contributif. En tout état de cause, il paraît exclu d'accorder un montant de retraite pour une activité qui n'a pas donné lieu à cotisation.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, la question a été effectivement évoquée dans le protocole adopté au mois de mai dernier.
Un protocole d'accord, actant différentes mesures portant sur les champs hospitalier et universitaire, a en effet été signé le 16 mai 2003 par le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche et par le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées avec les organisations syndicales représentant les personnels enseignants et hospitaliers titulaires. Il réaffirme le rôle essentiel de la triple mission, de soins, d'enseignement et de recherche, impartie aux personnels hospitalo-universitaires, contribuant à la fois au rayonnement de la médecine française et à la qualité des soins prodigués aux patients, dans un contexte hospitalier marqué par de récentes évolutions statutaires pour différentes catégories de personnels.
Les signataires de ce protocole ont reconnu que la situation des médecins hospitalo-universitaires décrite, au regard de la retraite, représentait une préoccupation majeure pour ces personnels et qu'elle devra faire l'objet d'une étude et de négociations à la fois dans le cadre général de la réforme des retraites et dans le cadre particulier du comité de suivi du protocole mis en place.
Monsieur le sénateur, vous indiquez que rien n'a changé depuis la signature de ce protocole. Or M. Fillon, que je représente ce matin, ne partage pas cette conclusion. En effet, les médecins hospitalo-universitaires vont pouvoir bénéficier du dispositif prévu par l'article 76 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, à savoir le régime additionnel de retraite sur les éléments de rémunération non soumis à cotisation. Ce régime sera opérationnel au 1er janvier 2005.
Je peux vous garantir que les services des différents ministères se mobilisent pour que le décret d'application de l'article 76 puisse paraître avant la fin du premier semestre 2004.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse dont je souhaitais faire part au nom du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et je prends acte du rendez-vous que vous fixez aux praticiens hospitaliers dans le cadre de la réforme des retraites.
Néanmoins, je veux mettre l'accent sur les cris d'alarme lancés par les chefs de service des centres hospitalo-universitaires chargés des pôles d'excellence de la médecine française, qui estiment que la transmission d'un savoir de haut niveau est fortement compromise ; la presse s'en est fait largement l'écho ces derniers temps.
Ma question a pu vous paraître liée ponctuellement à un problème catégoriel, mais il s'agit en réalité d'un tout, dont par exemple la pénurie du nombre d'internes - le recrutement a chuté de 50 % en cinq ans - et le recours en masse à des praticiens étrangers sont des éléments révélateurs.
Alors que nous prenons acte, sur l'ensemble du territoire, de la disparition des hôpitaux de proximité, le désarroi que ressentent les médecins hospitalo-universitaires est très préoccupant. Ils constatent que la relève se tarit, notamment en raison de leur statut, qui est dissuasif.
Cette situation expose, à court terme, l'hôpital public à une détérioration de la qualité des soins et expose plus largement notre pays à renoncer au rayonnement de nos facultés de médecine en matière d'enseignement et de recherche.
AIDES À L'EMBAUCHE DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 380, adressée à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, l'insertion professionnelle des personnes handicapées est un objectif étroitement lié à l'évolution du regard de notre société sur le handicap.
L'avant-projet de loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées consacre cet état d'esprit, en soulignant la nécessaire valorisation du travail en centres d'aide par le travail, les CAT, et en réaffirmant la place du travail protégé comme un refuge et/ou un tremplin et en prônant le développement des dispositifs facilitant l'insertion professionnelle.
Déjà, la convention entre l'Etat et l'AGEFIPH, l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, avait arrêté un programme d'impulsion et d'accélération de la mobilisation des moyens financiers en vue de parvenir à une meilleure insertion professionnelle des travailleurs handicapés.
La formule de l'« abattement de salaire » permet aux travailleurs handicapés de bénéficier d'une rémunération conventionnelle et d'un véritable statut de salarié avec un contrat de travail relevant du droit commun. Aujourd'hui, cet outil performant permet à plus de 13 000 travailleurs handicapés d'occuper un emploi en milieu ordinaire.
Cependant, trop peu connue et peu promue par les directions départementales de l'emploi, cette formule reste encore marginale. Elle serait remise en question et sa disparition serait même prônée au motif qu'elle est peu utilisée, donc inutile, sans même que l'on s'interroge sur les causes de cette sous-utilisation. Il s'agit, je l'ai dit, d'un manque d'information et de souplesse administrative.
Des expériences de type EPMO, emploi protégé en milieu ordinaire, qui sont une « extension » de la formule « abattement de salaire », sur lesquelles aurait été donné un avis favorable, se sont développées en région Rhône-Alpes, en Ile-de-France et dans le Nord. Elles ont démontré l'efficacité de ce dispositif, tant d'un point de vue humain que d'un point de vue économique. Elles trouvent légitimement leur place parmi les passerelles, dont on parle souvent, entre le milieu protégé, tel que le CAT, et le milieu ordinaire.
Ce dispositif contribue par ailleurs à lever les réticences des employeurs, l'intégration se faisant progressivement sur trois ans avec un accompagnement social et professionnel du travailleur handicapé. L'EPMO est en effet reconnu par les professionnels du secteur comme étant un outil fiable, réclamé, on s'en doute, par les personnes handicapées qui peuvent tenter une intégration professionnelle lorsque celle-ci fait partie de leur projet de vie, sans rupture brutale avec leur établissement d'accueil. L'entreprise bénéficie de son côté d'une aide indispensable à la réussite du projet d'intégration.
Par ailleurs, des études mettent en avant des résultats concordants quant aux substantielles économies qui peuvent ainsi être réalisées sur les budgets de l'Etat. En effet, comparé à une place en CAT, le coût d'un EPMO est quatre fois inférieur ! Autre effet bénéfique, les EPMO libèrent des places dans les CAT et allègent les files d'attente. Ce dispositif est un échelon supplémentaire de la hiérarchisation des revenus entre les différents milieux de travail et contribue à la promotion du parcours professionnel d'un travail handicapé.
Ne pas développer cet instrument, voire tenter de le supprimer, semblerait - j'emploie à dessein le conditionnel - relever d'une simple logique comptable à court terme, qui est aux antipodes de la volonté politique, aujourd'hui affichée, de placer la personne handicapée au coeur de la cité, ce qui passe par une intégration sociale et donc, chaque fois que possible, par une intégration professionnelle.
Monsieur le ministre, parce cela intéresse les travailleurs handicapés, les familles, les professionnels du secteur, les employeurs potentiels, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour promouvoir le dispositif particulier des abattements de salaires et en assouplir l'utilisation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Le passage des travailleurs handicapés du milieu protégé vers le milieu ordinaire constitue une priorité du projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées.
L'actuel dispositif de la garantie de ressources en milieu ordinaire, qu'il s'agisse de l'abattement de salaire ou du travail protégé en milieu ordinaire, n'a pas fait ses preuves du moins quantitativement, quelles qu'en soient les explications : 11 250 bénéficiaires en 2002 pour environ 350 000 travailleurs handicapés employés dans le secteur privé.
En outre, son application n'est pas aisée puisqu'elle suppose une évaluation de la productivité des personnes handicapées, dont chacun reconnaît aujourd'hui la difficulté de la fonder objectivement. Par ailleurs, ce dispositif ne facilite pas la mobilité professionnelle des salariés handicapés et se révèle parfois stigmatisant pour les intéressés.
Cela a conduit les pouvoirs publics à s'interroger sur la pertinence de cette mesure et à réfléchir à sa réforme.
A cette fin, le projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées vise à prévoir que des aides spécifiques à l'emploi, plus lisibles pour les usagers - travailleurs handicapés et employeurs - et d'une application plus facile pour les opérateurs, devraient être mises en place dans les secteurs économiques où l'effet du dispositif apparaît utile, par exemple dans certaines activités agricoles et artisanales.
Les caractéristiques de ces nouvelles aides seront précisées rapidement, de sorte qu'il n'y ait pas de rupture de financement pour les bénéficiaires actuels du dispositif.
Le financement de ces nouvelles aides sera inscrit dans le cadre de la prochaine convention d'objectifs Etat-AGEFIPH, dans la continuité de ce qui est pratiqué actuellement pour le financement de la garantie de ressources en milieu ordinaire.
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et je me réjouis de constater que la passerelle entre le milieu protégé et le milieu ordinaire, dont l'importance est soulignée depuis longtemps, fait effectivement partie des priorités du futur projet de loi.
L'EPMO n'a pas fait ses preuves, me dites-vous, alors que certaines personnes, sur place, m'ont dit le contraire. Au demeurant, si son succès n'est que relatif, cela est dû à un manque d'informations et à quelques lourdeurs administratives, raisons qui ne sont pas propres à ce domaine-là.
Quoi qu'il en soit, l'essentiel est de mettre le cap sur les mesures qu'il est possible, en l'état actuel, de mettre en oeuvre rapidement. Vous avez parlé, en la matière, monsieur le ministre, d'une révision du contrat Etat-AGEFIPH et vous avez indiqué que les nouvelles aides prévues seraient mises en place rapidement, afin d'éviter toute interruption dans le versement. Je formule l'espoir que les choses se passent ainsi.
ÉVOLUTION DU MONTANT DE LA DOTATION GLOBALE D'ÉQUIPEMENT EN MEUSE
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 347, adressée à M. le ministre délégué aux libertés locales.
M. Claude Biwer. L'année 2004 sera consacrée à la réforme des concours de l'Etat aux collectivités territoriales. Celle-ci concernera au premier chef la DGF, la dotation globale de fonctionnement, mais j'ose espérer qu'elle s'étendra également à la DGE, la dotation globale d'équipement.
En effet, j'ai le privilège de présider, dans le département de la Meuse, la commission départementale chargée de fixer la liste des opérations subventionnables dans le cadre de la DGE communale.
La somme mise à la disposition de ce département, au titre de la DGE, à savoir environ 3 millions d'euros, est beaucoup trop faible pour pouvoir répondre aux sollicitations des communes et des EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale. Elle nous oblige, par ailleurs, à plafonner les dépenses subventionnables dans des limites qui ne correspondent pas toujours aux dépenses effectives de ces collectivités.
J'ajoute que, par trois fois, ici même, des membres du Gouvernement m'ont renvoyé vers la DGE lorsque je les interrogeais sur les conditions de prise en charge de dépenses exceptionnelles.
Il s'agissait, en premier lieu, de la reconstruction des ponts détruits pour faits de guerre en 1940 et non encore reconstruits à ce jour dans mon département, qui devaient être financés sur des crédits d'Etat. Mais les quatorze ponts qui restent actuellement à reconstruire auraient, semble-t-il, vocation à être financés par la DGE. C'est en tout cas ce qui m'a été répondu le 8 avril dernier. Or la réfection de ces ponts coûterait plusieurs millions d'euros, comme M. le préfet de la Meuse me le précisait, dès janvier 2003 : « Vous comprenez que le financement de ces ponts n'est pas à la mesure des crédits dont je dispose pour la DGE en Meuse. »
En deuxième lieu, quand j'ai interrogé le Gouvernement sur l'absence de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dans cinq communes de la Meuse sinistrées par de violents orages, il m'a été précisé le 11 mars 2003 que « ces collectivités sont toutes éligibles à la DGE et peuvent prétendre à ce titre à l'attribution de subventions ».
En troisième lieu, à une question écrite que j'avais adressée à M. le ministre de l'intérieur le 10 juillet 2003, il m'a été répondu que « sont désormais éligibles à la DGE des communes les opérations d'investissement permettant aux communes ou à leurs groupements d'apporter par convention leur concours au fonctionnement des services publics, notamment s'agissant de locaux entrant dans le patrimoine de la collectivité qui les met par convention à disposition des établissements ou organismes chargés d'un service public, parmi lesquels figure La Poste ».
Il apparaît ainsi très clairement que de plus en plus de dépenses peuvent être financées par la DGE, mais à quoi bon, dans la mesure où le montant de cette dotation n'augmente pas !
Dans ces conditions, il me semble indispensable de réformer les critères de répartition de la DGE, afin de tenir compte non seulement de la population des départements, mais également du nombre de communes concernées et de l'importance du territoire.
Monsieur le ministre, il m'a été également répondu que « les caisses de l'Etat n'étaient pas inépuisables », et j'en conviens bien volontiers. Vous avouerez tout de même qu'il est pour le moins singulier de supprimer les financements d'Etat, s'agissant par exemple de la reconstruction des ponts détruits pour faits de guerre, et de les renvoyer vers la DGE, les départements et les communes, ce qui constitue de facto un nouveau transfert de charges !
A la vérité, en dehors de ce cas spécifique, je sollicite non pas nécessairement une augmentation de la masse globale de la DGE, mais une autre répartition de celle-ci.
Puisqu'il est question d'appliquer à la DGF la nouvelle règle constitutionnelle de la péréquation, pourquoi ne pas l'appliquer également à la DGE ?
Les communes de départements ruraux comme la Meuse ont encore de très gros besoins en équipements de base. Il s'agit bien d'équipements de base, et non de dépenses superflues. Il faut donc absolument que le montant de l'enveloppe de la DGE qui est allouée à ce département soit suffisant pour satisfaire ces besoins. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour apporter une réponse favorable.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le sénateur, j'ai l'honneur de représenter M. Patrick Devedjian pour répondre à votre question sur ce sujet que vous connaissez d'autant mieux que vous présidez la communauté de communes du pays de Montmédy.
La dotation globale d'équipement des communes s'est élevée en 2003 à 406,703 millions d'euros pour les départements de métropole et d'outre-mer. Sur ce montant, l'enveloppe allouée au département de la Meuse représente 3,020 millions d'euros.
La détermination du montant des enveloppes départementales s'appuie sur des critères qui tiennent compte de la particularité de chacun des départements. Ainsi, pour la répartition du montant alloué aux communes et groupements de moins de 2 000 habitants, qui représente 58 % de cette dotation, les critères de répartition sont au nombre de quatre et portent sur le nombre de communes éligibles, l'importance de la population, la longueur de la voirie communale et l'écart du potentiel fiscal des communes du département par rapport au potentiel fiscal moyen de l'ensemble des communes. La superficie d'un département se trouve prise en compte au travers de l'importance de la longueur de voirie communale qui lui est liée. Le critère potentiel fiscal permet, lui, de prendre en compte la situation des départements défavorisés.
L'application de ces critères est d'ailleurs favorable au département de la Meuse : le montant de la dotation globale d'équipement qui lui a été allouée en 2003 représente ainsi une dotation par habitant de 17,12 euros alors que la moyenne nationale est de 11,31 euros.
Aucune modification n'est actuellement prévue concernant les modalités de répartition de la dotation globale d'équipement. Il convient toutefois de préciser que l'enveloppe nationale de cette dotation sera réactualisable en 2004 sur la base d'un taux d'évolution de 3,7 %.
S'agissant des investissements qui peuvent être subventionnés au titre de la dotation globale d'équipement, la réparation des dégâts résultant d'intempéries ou la reconstruction des ponts détruits par faits de guerre, sur lesquels portait l'essentiel de votre question, sont des investissements éligibles à cette dotation. Les catégories d'investissements prioritaires sont déterminées chaque année par la commission d'élus locaux, commission que vous connaissez bien et qui est placée auprès du préfet à cette fin, ainsi que le précise l'article L. 2334-35 du code général des collectivités territoriales.
Il reviendra à cette commission de privilégier, le cas échéant, ces investissements lors des prochaines répartitions de la dotation globale d'équipement.
J'attire toutefois votre attention sur le fait que d'autres dispositifs que la DGE peuvent également être mobilisés. Ainsi, une aide de l'Etat de 156 000 euros, financée par le budget du ministère de l'intérieur, a été allouée en 2003 aux communes du département de la Meuse touchées par les inondations de décembre 2001.
S'agissant des ponts détruits par faits de guerre, le financement de la reconstruction à l'identique du pont de Quincy-Landzécourt a fait l'objet, en 2002, d'une prise en charge intégrale par le budget du ministère de l'intérieur.
Les autres investissements éventuels relèvent, pour leur part, des aides de droit commun.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, vous me rappelez des réalités, j'en conviens.
Les ponts détruits par faits de guerre ont été reconstruits très progressivement, et j'en veux pour preuve, que, soixante ans après, certains sont encore en l'état. Il avait été annoncé que le pont de Quincy-Landzécourt serait le dernier dont la reconstruction serait intégralement financée par l'Etat puis que l'on passerait au système de DGE, mais, comme la base de la DGE n'a pas été modifiée, cela nous pose quelques problèmes !
S'agissant d'un dossier exceptionnel, je pensais qu'il pouvait y avoir des mesures exceptionnelles. Si la commission décide d'affecter les fonds à cette seule opération, cela signifie qu'il ne restera rien pour les communes.
Je sais bien, je l'ai dit, qu'il n'est pas toujours possible d'augmenter les masses, mais, pour ces dotations très spéciales, peut-être pourrions nous envisager des crédits particuliers qui entreraient dans le cadre de la péréquation.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET
M. le président. La séance est reprise.
DÉSIGNATION DE SÉNATEURS EN MISSION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre deux lettres en date du 12 janvier 2004 par lesquelles il a fait part au Sénat de sa décision de placer respectivement en mission temporaire :
- auprès du ministre délégué à la famille, M. Gérard Longuet, sénateur de la Meuse ;
- auprès du secrétaire d'Etat au tourisme, M. Bernard Plasait, sénateur de Paris.
Je leur adresse toutes mes félicitations et je suis persuadé que leurs travaux permettront d'éclairer la réflexion du Gouvernement.
Acte est donné de ces communications.
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement a trait à l'organisation de nos travaux parlementaires.
Nous avons appris, par voie de dépêches hier, et à la lecture des quotidiens ce matin, que le Gouvernement entendait réformer l'assurance maladie par voie d'ordonnances. Une loi d'habilitation serait présentée au Parlement en ce sens durant le mois de juillet.
Cette annonce me semble relever d'un profond mépris de l'institution parlementaire. Rappelons-le : cette pratique des ordonnances équivaut à signer un chèque en blanc au Gouvernement qui, en dehors de la confrontation pluraliste des différentes propositions, décidera du contenu de la réforme.
Le recours à cette pratique des ordonnances est dangereux pour la démocratie. Elle retire non seulement aux élus mais aussi à ceux qu'ils représentent les clés du débat. Elle prive les partenaires sociaux d'un moyen d'intervention.
Ce n'est pas la première fois que la droite majoritaire cherche à mettre à mal la sécurité sociale par le biais d'ordonnances. Rappelons-nous le célèbre plan Juppé et ce qu'il en advint ainsi que du gouvernement d'alors !
Monsieur le président, le Sénat doit prendre date en rappelant les prérogatives du législateur. Comment accepter, six mois à l'avance, d'être ainsi dessaisi ?
Le mépris du Parlement découle également de l'annonce, de sa convocation en session extraordinaire au mois de juillet, pour examiner ce projet de loi d'habilitation. Nul ici, j'en suis certaine, ne refusera de siéger le 15 août, s'il le faut, pour examiner des textes fondamentaux, et surtout pas les sénateurs de mon groupe qui, en juillet dernier, je vous le rappelle, sont restés jusqu'au bout pour s'opposer, quinze jours durant, au projet de réforme des retraites.
Comment ne pas voir, une nouvelle fois, la manifestation d'une volonté d'agir en période de congés pour débattre en catimini d'un projet de loi qui intéressera au plus haut point les Françaises et les Français si soucieux, à juste titre, de l'avenir de la protection sociale ?
Je tiens à attirer solennellement l'attention sur le caractère manoeuvrier de l'annonce d'hier qui laisse présager des mauvais coups d'une rare ampleur contre la sécurité sociale. Chacun sait, en effet, que c'est non pas une réforme de progrès qui se prépare mais une réforme libérale que les milieux financiers, les assureurs privés en premier lieu, appellent de leurs voeux. Soixante ans, exactement, après la création de la sécurité sociale, on en serait à la liquider par voie d'ordonnances au mois de juillet !
Monsieur le ministre, votre ministère, celui de la santé, est concerné au premier chef par la réforme annoncée. Je demande instamment au Gouvernement de renoncer, d'une part, aux ordonnances et, d'autre part, à cette surprenante convocation du Parlement en session extraordinaire qui intervient avant même qu'ait été engagée la large concertation annoncée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Acte est donné de ce rappel au règlement.
POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 19, 2003-2004) relatif à la politique de santé publique. [Rapport n° 138 (2003-2004).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux que nous puissions nous retrouver aujourd'hui pour débattre du texte de loi de santé publique. Avec le développement de la médecine moderne, notre système de santé s'est en effet constitué ces dernières années autour d'une démarche essentiellement curative. Malgré les progrès majeurs en matière d'hygiène et malgré une meilleure connaissance des déterminants de santé, la prévention occupe toujours une place secondaire dans notre pays avec les mauvais résultats que chacun d'entre vous connaît.
Il est grand temps de renforcer cette composante de notre système de santé et c'est précisément la responsabilité qui est la nôtre dans l'élaboration du texte dont nous allons débattre ces trois jours à venir. Je vous le redis, cette loi est fondatrice. Les événements de chaque jour montrent qu'elle répond à une nécessité, mais aussi qu'elle correspond à une attente forte de nos concitoyens qui refusent de plus en plus la fatalité dans le domaine sanitaire et réclament que l'Etat affiche sa responsabilité.
Le droit à la protection de la santé, c'est le devoir qu'ont les pouvoirs publics de protéger collectivement les populations contre les risques qui pourraient menacer leur santé. A ce droit, qui s'inscrit dans une longue tradition, celle de la police sanitaire, s'attachent aujourd'hui une signification, une demande et une urgence nouvelles.
Une signification nouvelle, tout d'abord.
La prévention fut très tôt une lutte acharnée contre les maladies contagieuses ; au Moyen Age, c'est à la lutte contre la lèpre que l'on doit les premières mesures de prévention collective : le lépreux était exclu de la communauté des fidèles et de toute vie sociétale. Au xive siècle, la grande épidémie de peste qui fit périr sept des vingt et un millions d'habitants que comptait la France ne fut vaincue que par des mesures d'hygiène individuelles et collectives rigoureuses.
Plus près de nous, qui se souvient que, sous Napoléon III, les grands travaux menés par le préfet Haussmann et qui ont donné à Paris son prestige architectural d'aujourd'hui avaient d'abord des motivations hygiénistes visant à « aérer » les quartiers insalubres ?
Enfin, comment pourrait-on passer sous silence le pas de géant que fit franchir l'approche scientifique de l'école pastorienne française avec la vaccination et dont les prolongements plus récents conduisirent à prévenir diphtérie, peste et tuberculose ?
Toutes ces dernières années, et du fait de l'allongement de la vie résultant des progrès de notre médecine curative, nos approches en matière de prévention se sont déplacées des maladies épidémiques aux affections chroniques ; c'est ce que l'on appelle la transition épidémiologique ! Parce que les alertes sanitaires nous y rappellent au quotidien, je vous le dis, gardons en mémoire les leçons de nos prestigieuses écoles hygiénistes françaises.
De nos jours, c'est surtout l'approche biomédicale de la prévention qui est mise en avant et insiste sur le moyen de traiter très en amont les déterminants des maladies, grâce à des politiques de dépistage précoce et à des thérapeutiques performantes. En faisant progresser l'éducation sanitaire de nos concitoyens, on peut espérer qu'ils évitent des conduites qui nuisent gravement à leur santé
Il est indispensable que la prévention en matière de santé soit aussi une politique globale prenant en considération l'environnement dans lequel évolue la personne au travail, dans son logement, dans son environnement naturel, mais aussi dans sa précarité sociale.
Enfin, les connaissances que la recherche biomédicale est en train d'accumuler pourraient donner naissance à une médecine prédictive qui, si l'on encadre ses dérives possibles, est une chance formidable pour la santé publique.
La politique de santé publique fait ensuite l'objet d'une demande nouvelle de la part de nos concitoyens.
Longtemps l'idée même de santé est restée incomprise. L'intervention de l'Etat en matière sanitaire n'échappait jamais au soupçon qui la dénonçait comme une tentative de moralisation et de redressement de comportements individuels jugés condamnables.
Mais, aujourd'hui, ces stigmates moralisateurs me semblent oubliés. La légitimité pour l'Etat d'intervenir dans les affaires de santé pour protéger la population n'est plus remise en question. Chaque fois que leur santé ou celle de leurs proches est menacée, c'est bien vers l'Etat et ses agents que les Français et les Françaises se tournent pour exiger une protection efficace.
Aujourd'hui, le rôle de l'Etat n'est plus contesté, il est réclamé. A raison. L'actualité le dit assez : seul l'Etat peut organiser efficacement la lutte contre les épidémies comme le syndrome respiratoire aigu sévère, la légionellose, les méningites, le sida, la grippe ou l'hépatite B.
Une urgence nouvelle s'attache enfin à la politique de santé publique car à cette demande de nos concitoyens nous répondons de manière insuffisante.
Deux constats jettent une lumière malheureusement éloquente sur les conséquences de cette négligence dans laquelle a été tenue la santé publique.
Premier constat : la mortalité prématurée, celle qui survient avant l'âge de soixante-cinq ans, reste en France à un niveau anormalement élevé alors que les causes en sont connues et que l'on sait qu'elle est évitable. D'autres pays développés comme l'Allemagne, l'Italie ou le Japon connaissent une mortalité aux âges adultes inférieure à la nôtre. Cette situation est choquante, d'autant qu'elle contraste avec la performance de nos professionnels et de nos établissements de santé.
L'Etat peut agir et les Français attendent qu'il le fasse.
Nous avons déclaré une guerre sans merci au tabac parce qu'il est la principale cause de cancer et qu'il faut protéger les plus jeunes des dégâts de sa consommation prolongée. La politique de prix élevé que nous avons engagée nous a d'ores et déjà permis d'atteindre des résultats jamais obtenus jusqu'alors. Ce sont des dizaines de milliers de décès prématurés que nous allons ainsi éviter.
Chacun comprend aussi qu'il faut agir contre la consommation de drogues, quand la France détient le record de la consommation de cannabis chez les jeunes : cinq millions, soit 50 % d'entre eux, ont fumé du cannabis et environ 10 % d'entre eux en feraient un usage régulier.
Second constat : l'inégalité des Français devant la maladie et la mort est grande. Selon qu'ils résident en Bretagne, en Alsace, dans le Pas-de-Calais ou en Midi-Pyrénées, mais aussi selon leur milieu social, nos concitoyens sont affectés différemment par la maladie et n'ont pas la même espérance de vie. Partout, les moins favorisés font les frais de l'absence de priorités de santé publique.
Un autre exemple heurte l'équité : j'ai découvert, en prenant mes fonctions, que seul un tiers des départements offraient des programmes de dépistage des cancers du sein chez les femmes. La généralisation de ce dépistage avait pourtant été annoncée par mes prédécesseurs. Tous les départements, sauf la Guyane - mais ce sera chose faite dans le courant de l'année -, sont désormais engagés dans ces programmes de dépistage ou sont prêts à les développer.
De telles inégalités ne peuvent que rappeler à l'Etat son rôle de garant de la santé de la population et de la solidarité nationale. Il y a donc fort à faire, et telle est la raison d'être de ce projet de loi.
Déposé dès le mois de mai 2003 sur le bureau de l'Assemblée, il a pour objet de donner à l'Etat les moyens de tenir son rôle de garant de la protection de la santé. Il fait justice d'une compréhension des faiblesses structurelles les plus graves de notre système de santé : profond déséquilibre entre le système de soin et la prévention, responsabilité de l'Etat mal affermie dans ce dernier domaine, cloisonnement des acteurs et dispersion des efforts.
Je m'attacherai, tout d'abord, au délaissement de la prévention. Les efforts que nous déployons pour soigner les malades ne trouvent pas leur équivalent lorsqu'il s'agit de chercher à prévenir, éduquer, dépister. Sur 150 milliards d'euros de dépenses de santé, seulement 3,6 milliards, soit 2,3 %, sont consacrés à la prévention définie strictement, une estimation très large, généreuse, nous permettant au maximum d'atteindre le taux de 7 %.
Je noterai ensuite que la responsabilité de l'Etat dans le domaine de la santé publique est mal définie et insuffisamment organisée.
C'est en effet à coups de catastrophes écologiques - le naufrage de l'Amoco Cadiz -, de « scandales » - la vache folle, le sang contaminé -, de craintes plus ou moins fondées scientifiquement - l'ozone - ou d'accidents hospitaliers, anesthésiques ou obstétricaux, que l'Etat a été trouvé pour ainsi dire acculé à trouver, à la hâte, de nouvelles formes d'intervention. La santé publique, en effet, n'a jamais été consacrée en tant que telle comme relevant de la responsabilité de l'Etat ni comme domaine prioritaire de l'action des pouvoirs publics.
Ainsi, en l'absence de politique d'ensemble, l'organisation actuelle est le résultat de réformes successives qui manquaient d'une vision globale et dont la prévention n'était pas l'objet principal.
Ce projet de loi vise à fonder en France une politique pérenne de santé publique.
Nous ne partons pas de rien, il est vrai. En 1998, notre pays s'est doté d'un premier ensemble complet d'outils destinés à garantir la sécurité sanitaire de notre environnement, de notre alimentation et des produits de santé, tels les médicaments, et à organiser un réseau de veille sanitaire ; la création, à cette époque, des agences sanitaires correspond à une première étape sur la voie d'une meilleure approche du devoir de santé publique, et le Parlement, singulièrement la Haute Assemblée, a, à ce moment déjà, joué un rôle prééminent.
Ce projet de loi se veut une nouvelle étape majeure, plus structurante et plus aboutie ; il affirme la responsabilité de l'Etat en matière de santé publique et s'attelle à une tâche difficile : tirer le meilleur parti possible de l'extraordinaire dispersion des acteurs et des efforts qui caractérise le monde de la prévention. Je vais en dire quelques mots.
L'Etat est le garant de la protection de la santé, mais il n'a pas vocation à être l'acteur unique de la politique de santé publique. Le rôle que nous entendons donner aux pouvoirs publics en ce domaine est conforme à ce que doit être celui d'un Etat moderne : garantir plutôt que gérer ; s'adresser à tous et partout ; s'inscrire dans la durée ; organiser, impulser, mais non pas agir à la place des autres ; tracer la direction à suivre et évaluer les résultats, mais non marcher sur les brisées des acteurs de la santé publique sur le terrain.
Ce rôle de garant et de responsable de la politique de santé publique que les Français demandent à l'Etat de tenir doit se traduire de deux façons.
Premièrement, c'est à l'Etat qu'il appartient, après une large concertation, d'arrêter les priorités qu'il faut s'assigner pour améliorer l'état de santé des Français.
Pour que chaque acteur puisse situer son rôle et comprendre le sens de son action, il doit pouvoir inscrire celle-ci dans un cadre de référence explicite : il faut qu'il soit mis en mesure de se référer à une série d'objectifs pour juger si l'action va dans le bon sens. La mise sous objectifs du système de santé à un horizon de cinq ans est ainsi le premier axe directeur de ce projet.
Jusqu'à présent, lorsque l'on parlait d'objectifs, on faisait référence aux dépenses d'assurance maladie, et ce n'est pas M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui me démentira sur l'objectif national des dépenses d'assurance maladie : quand on parlait d'objectifs, c'était bien en termes d'assurance maladie, et c'est logique !
Mais cette logique est non seulement inflationniste par nature, elle est encore appauvrissante. Car la vraie question est de savoir si les ressources consacrées au système de santé ont le meilleur impact possible sur l'état de santé de la population.
C'est pourquoi nous fixons à la politique de santé publique cinq grandes priorités, dont nous aurons à répondre dans cinq ans : la lutte contre le cancer ; la santé environnementale, incluant la santé au travail ; la violence et les comportements à risque ; les maladies rares, dites maladies orphelines ; enfin, la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques.
Par ailleurs, le projet de loi comporte un rapport annexé qui prévoit une centaine d'objectifs ayant vocation à constituer un tableau de bord pour améliorer le pilotage de notre système, pour mieux analyser ses forces et ses faiblesses, et pour évaluer sa performance. Qu'on ne s'y trompe pas : ces objectifs n'ont pas vocation à être exhaustivement réalisés. Ce sont des marqueurs, des indicateurs, destinés à permettre de faire périodiquement le point sur les évolutions de la situation sanitaire du pays, de repérer les progrès et les manques.
Deuxièmement, si l'Etat n'a évidemment pas le monopole de l'action en matière de santé publique, il lui revient d'organiser, sous son autorité, un partenariat associant les différents acteurs, publics et privés, qui sont nombreux à concourir à l'amélioration de la santé. Le projet de loi vise donc à organiser l'action sur le terrain, car c'est sur le terrain que se gagne la bataille de la santé : décloisonner, rapprocher les professionnels du soin, rapprocher les professionnels de l'action sociale, les soins de ville et les soins hospitaliers. Rapprocher : la nécessité pressentie dans l'élaboration de ce texte s'est dramatiquement confirmée cet été.
Certes, il n'est pas facile de prédire si cette meilleure coordination permettra de mieux maîtriser nos coûts ; mais il n'y a acun doute à garantir qu'elle permettra d'obtenir une meilleure efficience de nos actions.
A côté de ces grands acteurs que sont l'Etat, ses services, ses agences ainsi que l'assurance maladie et ses caisses, il existe aujourd'hui, selon les endroits, de nombreux organismes plus ou moins impliqués dans la prévention. Attardons-nous un instant sur leur liste : observatoires régionaux de la santé ; comités départementaux d'éducation pour la santé ; multiples associations spécialisées ; espaces santé jeunes ; centres d'éducation à la santé et à la citoyenneté en milieu scolaire ; observatoires de la santé au travail... Bref, la répartition des responsabilités est confuse.
Le projet de loi vise donc, sans exclure personne, à instituer un mécanisme permettant d'associer avec davantage de cohérence tous ceux qui souhaitent concourir à la politique de santé publique.
A l'échelon national, nous simplifions et nous rationalisons le paysage institutionnel en organisant trois niveaux.
D'abord un niveau de concertation, d'expertise et de coordination sera articulé autour de trois instances : la Conférence nationale de santé, instance permanente de débat entre les associations, les professionnels, les sociétés savantes ; le Haut Conseil de la santé publique, qui reprend les missions du Conseil supérieur d'hygiène publique de France et celles du Haut Comité de la santé publique - nous simplifions - ; enfin, le Comité national de la santé publique, instance de coordination interministérielle et de gestion politique.
Ensuite, au niveau politique, le Gouvernement, sur la base des travaux de ces instances, soumettra tous les cinq ans à l'approbation du Parlement un projet de loi fixant les priorités de la politique de santé publique, et le ministre de la santé arrêtera les plans nationaux de santé publique.
Enfin, le troisième niveau consistera dans la mise en oeuvre par les agences sanitaires, les organismes de recherche, les associations et l'assurance maladie. Ce faisant, je le répète, nous simplifions notablement le paysage institutionnel actuel.
On trouve un schéma similaire à l'échelon régional. Car la région apparaît bien comme le meilleur niveau pour mettre en oeuvre la politique de santé publique ! C'est à cette échelle que les objectifs nationaux doivent être déclinés, en tenant compte des spécificités locales, et que tous les acteurs de la santé publique peuvent et doivent travailler ensemble.
La concertation sera assurée au sein de la conférence régionale de santé, qui réunira tous les acteurs concernés - collectivités, professionnels, associations, assurance maladie - et qui proposera des objectifs pour le plan régional de santé publique, arrêté par le préfet de région après due concertation. La mise en oeuvre opérationnelle de ce plan, quant à elle, sera confiée à une structure partenariale, le « groupement régional de santé publique ».
Je sais que, parmi vous, d'aucuns s'inquiètent de voir la santé publique par trop étatisée.
Je tiens à les rassurer :...
M. Jean-François Mattei, ministre. ... mon souhait est au contraire de tout faire pour que les collectivités locales et l'assurance maladie affermissent leurs compétences et développent leurs interventions, et nous prévoyons que le conseil régional puisse développer des actions particulières en matière de santé publique auxquelles, à mon sens, les conseils généraux, les grandes communes et les syndicats d'agglomération devraient également pouvoir être associés. Je sais, monsieur le rapporteur, que des amendements en ce sens ont été déposés.
Je propose donc un mécanisme souple d'association, de partenariat, de coordination, au sein d'un GIP, un groupement d'intérêt public, instance opérationnelle chargée de la mise en oeuvre du plan régional de santé publique. Tout en respectant la personnalité et l'identité de chacun des acteurs, ce GIP doit permettre de mutualiser les financements à l'échelon régional. Il garantira la coordination des actions sur la base de priorités établies par son conseil d'administration, où siégeront, outre l'Etat, l'assurance maladie, les collectivités locales qui le voudront et l'agence régionale de l'hospitalisation.
De même qu'à l'Assemblée nationale ont été clarifiées ces questions institutionnelles, je compte sur le travail que nous ferons ensemble pour améliorer les conditions de fonctionnement et de pilotage de cette structure.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes orientations du projet de loi.
Avant d'en évoquer rapidement les cinq titres, je voudrais encore vous dire que je me suis aussi attaché, sur les plans international et européen, à porter le message français du caractère primordial de la santé publique. Au cours des derniers mois, grâce à l'intervention de la France, trois sujets ont pu déboucher ou progresser significativement : nous avons vaincu les dernières hésitations de nos partenaires, ce qui a permis, en décembre dernier, l'adoption d'une directive interdisant la publicité transfrontalière du tabac. Je souhaite que nous la transposions dans le projet de loi.
C'est encore sur l'initiative de la France que les ministres de la santé européens ont adopté, en mai dernier, un certain nombre de recommandations qui ont été décisives pour contrôler l'épidémie naissante du SRAS.
Enfin, depuis ma prise de fonctions, je me suis employé à ce que voie le jour un centre européen de contrôle des maladies transmissibles, sur le modèle du centre de contrôle des maladies d'Atlanta, aux Etats-Unis, afin de doter l'Europe d'une capacité opérationnelle pour répondre efficacement aux enjeux des grandes épidémies et des maladies transmissibles. Au début du mois de décembre, le conseil des ministres de la santé européens a décidé de créer en 2005 ce centre de contrôle des maladies transmissibles, dont le siège sera en Suède.
Le projet de loi comporte cinq titres, dont je vais vous faire une très rapide présentation.
Le titre Ier est relatif à la politique de santé publique. Il définit le périmètre de celle-ci, clarifie les responsabilités et simplifie les instances impliquées. Je n'y reviens pas, sinon pour souligner que le Gouvernement a été guidé par le souci de parvenir à une architecture efficace et beaucoup plus simple que celle que nous connaissons actuellement.
Le titre II concerne les outils d'intervention de l'Etat. Il précise les missions de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, institue des consultations de prévention et établit de nouvelles dispositions relatives à la politique vaccinale.
Dès la première lecture de ce texte à l'Assemblée nationale, nous avons proposé de nombreux amendements, regroupés dans le nouveau titre II bis, afin de tirer rapidement un certain nombre de conclusions de la canicule de cet été.
Le projet de loi initial comportait déjà des dispositions relatives à la prévention et à la gestion des crises sanitaires permettant d'améliorer notablement la mobilisation des moyens en cas de menace sanitaire. Il renforçait notamment les contrôles de la production et de l'utilisation de micro-organismes et de leurs toxines, en particulier dans le cadre de la lutte contre le bioterrorisme. Il permettait aussi de renforcer les systèmes d'information sanitaire en ménageant un équilibre entre la nécessité d'avoir accès à des données importantes pour la protection de la santé et celle de protéger la vie privée.
La première lecture à l'Assemblée nationale nous a permis de compléter ces dispositions dans trois directions.
D'abord, notre système de veille et d'alerte sanitaires, cinq ans après sa création, appelait des renforcements et des précisions. Sans en changer le périmètre, nous avons mieux précisé les différentes tâches de l'Institut de veille sanitaire, l'INVS, afin de poser clairement que cet organisme doit mener une réflexion prospective sur les facteurs de risque sanitaire non identifié, compléter son approche par pathologie par une approche par population à risque, bâtir des systèmes d'information lui permettant d'élaborer des indicateurs d'alerte.
Ainsi, à l'article 11, l'obligation faite aux médecins et aux établissements publics de signaler aux autorités sanitaires les risques dont ils auraient connaissance a été étendue à l'ensemble des professionnels de la sphère sanitaire et médico-sociale.
Ensuite, les moyens d'action des pouvoirs publics pour prévenir une menace sanitaire grave ou pour atténuer l'impact d'une crise sanitaire ont été nettement renforcés. L'article 10 donne ainsi au ministre de la santé la possibilité de prescrire les dispositions appropriées en cas de crise sanitaire grave et d'habiliter le préfet à mettre en oeuvre ces prescriptions en prenant, dans des conditions strictement encadrées, les mesures individuelles et collectives qui s'imposent.
Nous avons également donné une base légale au plan blanc hospitalier, précisé les conditions dans lesquelles ce plan peut être déclenché en cas d'afflux de victimes ou de situation sanitaire exceptionnelle, et donné au préfet la possibilité de recourir à des plans blancs « élargis ». Il s'agit de requérir, selon les besoins, le concours de la médecine de ville, des infirmières libérales, des transports sanitaires et des établissements médico-sociaux en cas de crise grave.
Enfin, nous avons amélioré le système de remontée des certificats de décès depuis le médecin qui constate le décès jusqu'au centre d'analyse des décès de l'INSERM. L'objectif est double : d'une part, simplifier le circuit afin de permettre son informatisation et, par là même, la remontée presque en temps réel des cas de décès constatés ; d'autre part, permettre à l'INVS de s'appuyer sur ce circuit pour construire un dispositif d'alerte et de mesure au jour le jour des décès constatés. Il n'est pas acceptable de devoir, comme c'est le cas aujourd'hui, attendre le mois de mars pour connaître les chiffres de la mortalité des mois d'octobre, novembre et décembre de l'année précédente.
Le titre III comporte les dispositions relatives aux cinq plans de santé publique nationaux, qui sont les priorités que le Gouvernement assigne à son action.
Dans le domaine du cancer, nous créons l'Institut national du cancer, conformément aux engagements pris le 24 mars dernier par le Président de la République. Il permettra de mieux coordonner les acteurs du cancer ; il sera en quelque sorte la « tour de contrôle » du dispositif de lutte contre le cancer, capable d'en embrasser tous les aspects et veillant à la mise en oeuvre et au bon déroulement du plan cancer - de la prévention au soin, de l'observation à l'organisation de la formation médicale, à la coordination et au financement des actions de recherche -, et ce dans le souci constant de développer les synergies européennes et internationales. Il sera la maison commune des patients, des soignants et des chercheurs.
En matière de recherche, cet organisme permettra - sans, évidemment, se substituer à elles - de renforcer le potentiel des institutions de recherche comme l'INSERM, le CNRS ou les structures hospitalo-universitaires en finançant des programmes d'action coordonnés à l'échelon national et en contribuant à la structuration régionale des cancéropôles.
Dans le domaine de l'environnement, comme l'a demandé le Président de la République, un plan national en santé-environnement sera élaboré ; il comportera un volet relatif aux situations météorologiques extrêmes. Par ailleurs, nous facilitons la surveillance épidémiologique en milieu de travail. Nous actualisons également les dispositions relatives à la préservation de la qualité de l'eau.
Devant la menace que représente le risque de prolifération de légionnelles, je vous propose de renforcer la législation. Ainsi, les pouvoirs du préfet seront renforcés en cas de contamination issue des réseaux d'eau des particuliers ou d'établissements recevant du public. Au regard de ce qui se passe dans le Pas-de-Calais, et parallèlement au renforcement de la réglementation relative aux installations classées annoncé par Mme Bachelot, je vous proposerai un amendement visant, d'une part, à assurer le recensement de toutes les tours aéroréfrigérantes qui ne sont pas des installations classées et, d'autre part, à permettre de réglementer très précisément leurs conditions de fonctionnement, d'entretien et de contrôle.
Enfin, le texte de loi prévoit de renforcer les mesures de lutte contre le saturnisme.
Les dispositions du titre IV ont trait à la recherche et à la formation en santé. Elles créent, en premier lieu, l'école des hautes études en santé publique.
Nous disposons actuellement des ressources des facultés de médecine et de celles de l'ENSP, l'Ecole nationale de la santé publique de Rennes. Cette dernière forme les agents de l'Etat et de la fonction publique hospitalière oeuvrant dans le domaine sanitaire et social, parmi lesquels les personnels de direction et d'encadrement des hôpitaux. Les facultés de médecine ne forment que les médecins, tandis que l'ENSP ne délivre pas de diplômes reconnus au niveau universitaire.
Le Gouvernement a donc choisi de créer un grand établissement d'enseignement supérieur permettant d'animer un réseau national de formation en santé publique, de mettre en commun les expériences et les compétences, et de hisser notre système de formation au meilleur niveau. Dans ce domaine, certains de nos partenaires sont extrêmement performants, Anglais et Nord-Américains notamment. Il faut que nous nous donnions les moyens de professionnaliser ce champ, de former des techniciens du bruit ou de la qualité des eaux et d'offrir aux professionnels de la santé, au sein d'un établissement disposant d'une visibilité internationale, une formation continue en matière de sécurité sanitaire.
La création de cette école profitera à l'ensemble des professionnels aujourd'hui formés à l'ENSP. Celle-ci ne sera atteinte ni dans sa mission ni dans sa localisation. Au contraire, elle gagnera en notoriété et en attrait en délivrant des diplômes nationaux et en étant adossée à un réseau performant d'enseignement universitaire en matière de santé publique.
En deuxième lieu, le projet de loi vise à actualiser le dispositif d'encadrement des recherches biomédicales, dû à la Haute Assemblée et issu de la loi du 20 décembre 1988, dite loi Huriet-Sérusclat.
Cette révision s'impose au regard non seulement de la nécessité de transposer en droit interne la directive 2001/20/CE relative aux essais cliniques de médicaments, mais aussi du besoin, exprimé précisément par tous les acteurs de la recherche en santé, d'adapter le dispositif existant.
La directive nous conduit sur le terrain des principes et des droits fondamentaux de la personne ; le Gouvernement a donc souhaité définir, au-delà du médicament, des règles et un cadre communs à toutes les recherches biomédicales.
Le projet de loi tend à procéder à trois modifications principales : il remplace l'actuel régime déclaratif par un régime d'autorisation ; il supprime la distinction entre recherche sans bénéfice individuel direct et recherche avec bénéfice individuel direct, souvent difficile à appréhender et trompeuse pour les personnes qui se prêtent à la recherche, au profit de l'appréciation plus fine d'un bilan bénéfice-risque ; il organise enfin la participation à la recherche des personnes vulnérables ou hors d'état d'exprimer leur consentement, afin qu'elles puissent bénéficier davantage qu'aujourd'hui du progrès scientifique et médical - je songe, en particulier, aux personnes atteintes d'affections neurodégénératives, comme la maladie d'Alzheimer.
En dernier lieu, ce projet de loi vise à simplifier le dispositif de formation médicale continue. La formation continue des médecins, comme celle de tous les autres professionnels de santé, est une des conditions du succès de la politique de qualité des soins que je souhaite enraciner au coeur de notre système de santé.
Les médecins perçoivent très bien la nécessité de se former pour continuer à délivrer des soins de la meilleure qualité possible et ils souscrivent de manière responsable à cette obligation. Je souhaite lier l'obligation de formation médicale continue à des mécanismes d'incitation et de valorisation professionnelle, qui devront se développer dans le cadre d'une politique conventionnelle bien comprise.
Ainsi, l'accès à certaines fonctions de responsabilité ou de représentation professionnelle pourrait être conditionné au respect de l'obligation de formation continue. Cela pourrait être le cas pour les fonctions électives au sein des commissions médicales d'établissement, les CME, des établissements de santé ou des unions de médecins libéraux ou pour certaines fonctions pédagogiques. Les primes d'assurances professionnelles pourraient être modulées dès lors que les praticiens s'engageraient à s'acquitter de l'obligation de formation. Des discussions préliminaires ont d'ores et déjà été ouvertes avec les assureurs dans ce sens.
Je conclurai en vous disant que je compte beaucoup sur le travail du Sénat pour poursuivre le débat sur certains points de ce texte - je songe à l'encadrement des psychothérapies, mais nous y reviendrons certainement lors de la discussion des articles (Marques d'approbation sur diverses travées) - ...
M. Gilbert Chabroux. Oh oui !
M. Jean-François Mattei, ministre. ... et que le Gouvernement soutiendra par ailleurs, en vue de régler une série de difficultés dans le champ de la santé publique, un certain nombre d'amendements dont l'utilité et la « maturité » se sont révélées récemment : ils sont relatifs à des modifications nécessaires à l'activation de l'agrément des associations de malades, à l'extension de l'obligation de formation continue à toutes les professions médicales ou paramédicales, à la simplification de l'organisation de certains ordres professionnels.
Mesdames, messieurs les sénateurs, s'investir dans le domaine de la santé publique et de la prévention est une aventure exaltante, qui nous oblige à dépasser les repères auxquels nous nous étions cantonnés jusqu'alors.
La démarche individuelle de soins si largement mise en oeuvre ces trois dernières décennies s'enrichit ainsi d'une démarche plus collective où la société nous interpelle sur nos capacités à couvrir les besoins.
Le concept de santé, qui dépasse considérablement celui de soin, nous oblige à prendre en compte notre environnement et ses déterminants externes, ce qui ouvre le champ à de nouveaux acteurs et à de nouveaux partenaires.
L'exigence légitime de nos concitoyens, qui refusent de plus en plus la fatalité, nous assigne une responsabilité accrue que nous ne devons pas redouter d'assumer.
Enfin, l'humilité que nous devons garder face à un domaine qui affecte aussi profondément les comportements doit nous inciter à inscrire notre action dans la durée et à la mener avec détermination.
Le Gouvernement vous invite aujourd'hui à prendre part à cette aventure, en écrivant une page de l'histoire de la santé publique qu'il veut structurante, à marquer une étape qui permettra de pallier les faiblesses structurelles de notre système et de donner à tous les acteurs de la santé publique les moyens d'améliorer significativement l'état de santé des Français.
Je voudrais remercier la commission des affaires sociales du Sénat, son président, Nicolas About, ses rapporteurs, Francis Giraud et Jean-Louis Lorrain, pour la qualité du travail accompli, ainsi que l'ensemble des sénateurs qui se sont impliqués dans la préparation de ce débat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'attends beaucoup du débat à la Haute Assemblée ; ce sera un moment fort, qui permettra de signifier l'engagement de la nation pour la protection et l'amélioration de la santé. Il s'ouvre, opportunément, quelques jours seulement avant la conclusion des travaux de diagnostic partagé du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.
Cette première lecture au Sénat est donc très importante. Le Gouvernement n'a d'ailleurs pas souhaité déclarer l'urgence pour ce texte,...
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Jean-François Mattei, ministre. ... ce qui signifie que deux lectures dans chaque assemblée précéderont la réunion de la commission mixte paritaire.
M. Adrien Gouteyron. C'est bien !
M. Jean-François Mattei, ministre. Le Gouvernement souhaite en effet que la loi soit le résultat du travail de tous, afin que nous nous approchions d'un consensus sur la santé publique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Daniel Hoeffel remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président
M. le président. La parole est à M. Francis Giraud, rapporteur.
M. Francis Giraud, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la politique de santé publique est le résultat d'un long travail préparatoire, engagé dès l'automne de 2002, sur l'initiative de Jean-François Mattei, qui nous avait alors annoncé son intention de présenter au Parlement un projet de loi quinquennale de santé publique.
Ce texte doit être inscrit dans le cadre d'une réforme plus vaste, qui concerne l'ensemble de notre système de santé. Il prolonge et amplifie les réformes structurelles entamées par le biais des ordonnances de 1996 sur l'organisation du système de santé et de la loi de 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.
Surtout, il constitue l'un des éléments essentiels des grandes innovations introduites respectivement par les dispositions sanitaires du projet de loi relatif aux responsabilités locales, par le plan « Hôpital 2007 » et par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2003 et pour 2004, en attendant les conclusions du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.
Ce texte est organisé autour de deux objectifs principaux : affirmer la responsabilité de l'Etat en matière de détermination de la politique de santé et accorder une place plus importante à la prévention dans notre système de santé, qui privilégie aujourd'hui encore le soin et le traitement.
L'intention est de clarifier enfin les rôles de chacun des intervenants en matière de santé publique, afin d'éviter la confusion des compétences et la dilution des responsabilités, dont nous mesurons bien les inconvénients.
L'une des originalités du projet de loi est de développer un échelon régional de santé publique, ce qui favorisera l'adaptation des priorités nationales aux particularités sanitaires locales, en rapprochant l'offre du besoin local.
Au total, ce texte rendra l'élaboration de la politique de santé publique plus simple et plus efficace.
La commission des affaires sociales a été heureuse de constater que son contenu répondait à plusieurs de ses préoccupations récurrentes tenant à la définition pluriannuelle des priorités en matière de santé et à une meilleure articulation entre ces priorités et les lois de financement de la sécurité sociale.
Le texte initial, déjà ambitieux, s'est trouvé enrichi d'une trentaine d'articles au cours du débat en première lecture à l'Assemblée nationale, à cause, d'une part, de l'intégration de dispositions faisant suite à la canicule de cet été - nous en reparlerons en évoquant les mesures relatives à la sécurité sanitaire -, d'autre part, de raisons plus prosaïques d'opportunité : la rareté des textes sanitaires conduit à insérer dans celui-ci diverses dispositions qui auraient pu faire l'objet de projets de loi spécifiques. Cette accumulation a d'ailleurs conduit certains à déplorer l'aspect de « catalogue » de mesures qu'il présente désormais. Je considère, pour ma part, que cette critique est quelque peu exagérée, et je me réjouis d'étudier aujourd'hui un texte réellement consacré à la santé publique, tel que le Parlement n'avait pas eu à en connaître depuis plusieurs décennies.
Le titre Ier définit les nouveaux principes et l'architecture de la future politique de santé publique.
Le texte s'attache d'abord à définir les objectifs de santé, parmi lesquels on trouve les éléments classiques relatifs à la surveillance et à l'observation de l'état de santé de la population, à la lutte contre les épidémies, à la qualité et à la sécurité des soins et des produits de santé.
Toutefois, la définition proposée des actions et des objectifs de santé publique dépasse cette conception traditionnelle, centrée autour des pathologies lourdes, pour intégrer d'autres déterminants tout aussi essentiels, tels que la réduction des inégalités de santé, la prise en compte des populations les plus fragiles, ainsi que les risques éventuels pour la santé causés par l'environnement, le travail, les transports ou l'alimentation.
L'un des apports principaux du texte consiste en la mise en oeuvre d'une loi d'orientation quinquennale de santé publique, complétée par un rapport annexé qui fixe des objectifs quantifiés et détermine les principaux plans d'action à exécuter pour les atteindre.
La commission des affaires sociales ne peut que se féliciter de cette mise sous objectifs du système de santé et de l'association du Parlement à ce débat. C'est là une réponse à nos demandes, formulées notamment lors de la discussion de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Il reste encore au Gouvernement, pour satisfaire à toutes nos recommandations, à établir un lien entre ces objectifs de santé publique, la politique d'assurance maladie et les lois de financement de la sécurité sociale.
M. René-Pierre Signé. Parlons-en !
M. Francis Giraud, rapporteur. Afin de préparer le rapport annexé, le Gouvernement a prévu de s'appuyer sur la Conférence nationale de santé, qui réunit tous les acteurs du système de santé et jouera un rôle de concertation indispensable. Un haut conseil de santé publique sera chargé d'analyser l'état de santé de la population. Je reviendrai, lors de la discussion des articles, sur l'action de ce haut conseil, qui sera un pivot stratégique de notre politique de santé.
Troisième innovation du texte : la création des objectifs et des plans régionaux de santé publique, qui visent à corriger le manque d'articulation entre les plans nationaux et régionaux institués par la loi du 4 mars 2002. Elle conforte l'attribution aux conseils régionaux d'une compétence sanitaire pour élaborer et atteindre les objectifs spécifiques des régions.
Le titre II détaille les instruments d'intervention. Il est déterminant pour la mise en oeuvre de la politique de prévention. Il prévoit notamment que l'INPES, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, apportera son concours à la mise en place des programmes régionaux de l'Etat, tout en conservant son rôle en matière d'éducation à la santé.
Comme l'accomplissement de cette tâche confiée à l'INPES ne peut représenter à lui seul le volet relatif à la prévention voulu par le ministre, le projet de loi innove encore en prévoyant la création de consultations de prévention et de dépistage de pathologies sur le modèle de celles qui sont instaurées dans le cadre du plan cancer.
Cependant, la disposition la plus importante du titre II tient à la création des groupements régionaux de santé publique, qui auront pour mission, aux côtés des préfets, de mettre en oeuvre les programmes régionaux de santé publique.
Comment ce schéma d'ensemble sera-t-il organisé ? Ces groupements seront composés de représentants de l'Etat, de l'INVS, l'Institut de veille sanitaire, de l'INPES, de l'agence régionale d'hospitalisation et des collectivités locales qui souhaiteront y participer, ainsi que de représentants de l'assurance maladie, pour assurer une représentationdes intervenants aussi large et complète que possible. Ce choix correspond à la volonté du Gouvernement de rapprocher les différents opérateurs en matière sanitaire et de créer des synergies plutôt que de promouvoir une action dispersée.
La commission des affaires sociales est satisfaite de l'esprit qui sous-tend cette mesure, laquelle consiste à rassembler, au sein d'une seule structure, les principaux acteurs de la santé publique afin de rationaliser les actions menées par les uns et les autres et de créer des effets de levier, à replacer dans le cadre des objectifs nationaux définis par la loi quinquennale.
Toutefois, nous avons considéré que des précisions pouvaient être utilement apportées sur le rôle de financeur que le Gouvernement souhaite confier à l'assurance maladie, de façon à clarifier les circuits financiers et à assurer le contrôle effectif du Parlement.
Le titre II bis ne figurait pas dans le projet de loi initial, mais l'examen du texte à l'Assemblée nationale a permis au Gouvernement d'apporter une première réponse aux dysfonctionnements constatés durant l'été, s'agissant notamment de la défaillance du système d'alerte.
La première mesure prise en ce sens consiste en la redéfinition des missions de l'Institut national de veille sanitaire.
Tout d'abord, l'Institut se voit confier une mission de surveillance des populations les plus fragiles, qui répond à une priorité en matière de santé publique. Cette mission est très différente, dans l'approche retenue, de la surveillance sanitaire que cette agence exerce traditionnellement par pathologie.
Ensuite, est aussi attribuée à l'INVS une mission de centralisation de toutes les données concernant les accidents du travail, pour tenir compte à la fois des dysfonctionnements constatés et des nouvelles priorités de santé publique.
Enfin, il est prévu une participation active de l'INVS à la gestion des crises, cela en lien direct avec les événements de l'été. Cette mesure illustre la volonté du Gouvernement de multiplier les systèmes d'alerte susceptibles de l'informer de toute menace sanitaire.
Par ailleurs, le texte valide un certain nombre de dispositions arrêtées par le Gouvernement au travers du plan Biotox, à l'automne de 2001, pour lutter contre l'apparition éventuelle d'un bioterrorisme ou la survenance de pathologies infectieuses virulentes du type du SRAS, le syndrome respiratoire aigu sévère, et pour permettre une action publique rapide et efficace en cas de crise pouvant engendrer des désastres sanitaires.
La dernière disposition du titre II bis est relative aux sociétés d'économie mixte.
Vous vous rappelez sans doute, mes chers collègues, que, à l'occasion de l'examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, le Sénat avait abrogé une disposition visant à autoriser les établissements de santé à participer au capital d'une société d'économie mixte. Nous avions alors estimé que cette mesure ferait courir des risques inconsidérés aux établissements publics de santé, dont l'objet social n'est pas de participer au financement d'infrastructures locales.
Le Gouvernement nous propose aujourd'hui de créer des sociétés d'économie mixtedédiées aux questions sanitaires, qui pourront accompagner l'exécution du plan « Hôpital 2007 ». Dans sa nouvelle formulation, cette suggestion paraît désormais utile, et nous pensons pouvoir la soutenir.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Francis Giraud, rapporteur. Le titre III, dont Jean-Louis Lorrain vous présentera les dispositions relatives à l'environnement, comporte plusieurs articles importants.
Le premier article tend à approuver le rapport annexé au projet de loi. Ce rapport ne se limite pas aux seules pathologies lourdes traditionnelles ; il traite plus largement des problèmes de santé liés à l'alimentation, à la situation sociale, à la santé mentale, aux pratiques addictives, ou bien encore de questions appelées à prendre de l'ampleur avec le vieillissement de la population, et fixe cent objectifs à atteindre en cinq ans.
Dans tous les cas, ces objectifs définissent les progrès attendus par la nation en contrepartie des ressources affectées.
Ce premier rapport prévoit, en regard, le développement de grands plans stratégiques dans cinq domaines : le cancer, la santé environnementale, la violence et les comportements à risque, les maladies rares et les maladies chroniques. A terme, toute l'action de santé publique sera ainsi organisée selon une logique de projets.
D'autres dispositions visent enfin à mettre en oeuvre le plan cancer annoncé par le Président de la République au mois de mars dernier, notamment par la création de l'Institut national du cancer et par la fourniture de médicaments anticancéreux par les pharmacies hospitalières. Il va de soi que cette démarche a recueilli notre entier soutien.
Le texte renforce aussi les moyens de lutte contre le tabac et l'alcool, qui, je le rappelle, sont à l'origine de plusieurs dizaines de milliers de décès chaque année. Tout cela découle d'un même souci de clarifier notre système sanitaire et de renforcer son efficacité.
Le dernier article sur lequel je souhaite m'arrêter concerne les psychothérapeutes. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
D'une manière un peu inattendue, au cours des débats, l'Assemblée nationale a choisi de réserver l'exercice de la psychothérapie aux médecins psychiatres, aux psychologues et aux médecins justifiant d'une formation professionnelle, les autres professionnels devant se soumettre à un examen de contrôle d'aptitude afin de pouvoir continuer à exercer.
Vous le savez, l'adoption de cet article a provoqué une intense mobilisation (M. Adrien Gouteyron s'exclame) de l'ensemble des professionnels exerçant la psychothérapie ainsi que des usagers, qu'ils soient d'ailleurs, les uns et les autres, hostiles ou favorables à l'organisation de ces pratiques.
L'élément le plus contesté tient à la fixation de règles pour pouvoir pratiquer des psychothérapies.
Les représentants des professionnels arguent du fait que les diplômes mentionnés dans la loi ne constituent pas une condition suffisante pour garantir la qualité du psychothérapeute et que celle-ci ignore les formations spécifiques assurées par des établissements privés non reconnus par l'Etat.
J'ai procédé à de nombreuses auditions des représentants des praticiens de la psychothérapie auxquelles tous les sénateurs étaient conviés.
Toutes les personnes auditionnées ont approuvé le principe d'une réglementation de la profession de psychothérapeute, pour rendre la psychothérapie plus lisible aux usagers, ou aux clients, suivant les deux terminologies utilisées. Toutes ont considéré qu'il fallait disposer de capacités spécifiques pour assurer un bon exercice de la psychothérapie.
Je crois que nous devons poursuivre la réflexion...
M. Adrien Gouteyron. En effet !
M. Francis Giraud, rapporteur. ... et trouver le moyen de protéger les personnes, notamment les plus fragiles, tout en laissant aux professionnels sérieux la possibilité d'exercer.
Je vous proposerai donc une nouvelle rédaction de cet article pour organiser la tenue d'une liste d'enregistrement des psychothérapeutes. Nous disposerons d'informations statistiques fiables et le Gouvernement se verra confier le soin d'apprécier, par voie réglementaire, les conditions souhaitables pour autoriser l'usage du titre de psychothérapeute.
M. René-Pierre Signé. Cela existe déjà !
M. Francis Giraud, rapporteur. Le titre IV, « Recherche et formation en santé », est moins homogène dans son contenu que son intitulé ne le laisse paraître. Il s'organise autour de trois types de mesures : renforcer la formation en santé publique, rénover la formation médicale continue et réformer les dispositions législatives relatives aux recherches biomédicales.
Le projet de loi prévoit d'engager une réflexion sur la situation de l'enseignement en santé publique et réaménage cet enseignement en créant une école des hautes études en santé publique. Cette nouvelle structure était devenue indispensable pour faire face aux besoins croissants du système de santé, aux échelons national et régional, évalués à 10 000 emplois, dont 2 500 en épidémiologie.
Le deuxième axe, c'est la formation médicale continue. Instituée en 1996,...
M. René-Pierre Signé. Qui était au pouvoir ?
M. Francis Giraud, rapporteur. ... réformée en 2002 mais jamais financée, ses modalités n'ont pas fait l'objet d'une franche approbation de la part des différents syndicats de médecins.
A partir d'une concertation engagée au mois de juillet 2002 avec l'ensemble des partenaires, le Gouvernement propose en l'occurrence un dispositif rénové, fondé sur le volontariat, en rappelant que la formation médicale continue constitue une obligation pour tout médecin.
Pour l'accompagner, des mécanismes d'incitation pourraient être mis en oeuvre, notamment l'accès à certaines fonctions de responsabilité ou de représentation professionnelle, ou encore la modulation des primes d'assurance professionnelle.
Le dernier axe de ce titre concerne la recherche biomédicale. Adoptée voilà plus de quinze ans, la loi du 20 décembre 1988, relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, était un texte incontestablement innovant.
L'évaluation de l'application de la loi menée par la commission des affaires sociales du Sénat en 2001 avait toutefois fait ressortir quelques difficultés. Je pense notamment à la délicate appréciation du bénéfice direct ou indirect pour le malade et aux difficultés de fonctionnement rencontrées par les comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale, les CCPPRB.
En l'occurrence, le texte saisit l'occasion de la transposition en droit français d'une directive européenne de 2001 relative aux essais cliniques de médicaments pour aménager la législation relative à la recherche biomédicale, tout en conservant son objectif initial, à savoir respecter et défendre le droit des personnes sans entraver la recherche.
Il nous est donc proposé de supprimer la distinction entre les recherches « avec » ou « sans » bénéfice individuel direct et de mieux définir les conditions de participation des personnes vulnérables aux recherches. Le Comité consultatif national d'éthique a d'ailleurs considéré que le projet de loi était plus protecteur des droits de la personne que ne l'exigeait la directive européenne, ce qui me semble être une mesure de sagesse.
Enfin, les CCPPRB deviennent des « comités de protection de la personne ». Ils délivreront l'avis favorable permettant le lancement de la recherche et se prononceront sur l'évaluation de la pertinence éthique et scientifique du projet. Ils définiront l'information et les modalités de recueil du consentement des participants. Ce système d'autorisation préalable est, lui aussi, considéré comme une avancée positive par le Comité consultatif national d'éthique, et nous nous fions à son appréciation.
La commission des affaires sociales du Sénat, qui était l'inspiratrice de la loi de 1988, considère ces évolutions comme positives et constructives. Elle constate avec satisfaction que le double souci de protection des personnes et d'organisation de la recherche, qui animait la loi Huriet-Sérusclat, inspire toujours les dispositions qui sont soumises à notre examen.
Le projet de loi s'achève par diverses dispositions, notamment en faveur des sages-femmes,...
M. René-Pierre Signé. Ils ont pensé à tout !
M. Francis Giraud, rapporteur. ... qui justifieront d'être plus amplement discutées au cours de nos débats.
Tels sont, mes chers collègues, les éléments principaux que je souhaitais porter à votre connaissance avant l'examen des articles.
Pour conclure, je soulignerai les apports très innovants de ce texte en matière d'objectifs de santé publique, qui nous ont conduits à adopter ce projet de loi, sous réserve des amendements que la commission des affaires sociales vous présentera. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales m'a confié le soin d'étudier, au sein du texte relatif à la politique de santé publique, le volet environnement, et l'on connaît aujourd'hui l'importance et les répercussions potentielles de l'environnement sur la santé de nos concitoyens. Si je me réfère à la Charte de l'environnement, qui dispose notamment que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et favorable à sa santé », je crois indispensable d'accroître nos efforts pour mieux connaître et mieux prévenir l'impact sur la santé des perturbations liées à l'environnement.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui constitue une avancée importante pour deux raisons : d'une part, il permettra de planifier les actions de recherche et de prévention en matière de sécurité sanitaire environnementale, d'autre part, il permettra d'être plus opérationnel, modernisant les dispositifs existants de gestion des risques dans les domaines où les connaissances scientifiques autorisent déjà la mise en oeuvre d'actions concrètes.
Conformément au souhait exprimé par le Président de la République, le projet de loi vise d'abord à créer un plan national « santé-environnement », qui fixera des priorités nationales à l'horizon de cinq ans. Sa mise en oeuvre fera l'objet de déclinaisons régionales et un dispositif d'évaluation des actions sera mis en place, afin de permettre la révision périodique des objectifs.
L'élaboration du contenu de ce plan a déjà commencé : une mission de prospective, entamée en septembre 2003, a abouti, le 15 décembre dernier, à l'identification de huit thématiques prioritaires et de six priorités d'ordre général. Lorsque les connaissances scientifiques et épidémiologiques l'autorisent, ces priorités donnent d'ores et déjà lieu à des objectifs quantifiés annexés au projet de loi.
Parmi l'ensemble des milieux de vie qui composent notre environnement quotidien, le milieu de travail fait l'objet d'une attention particulière. En effet, la santé au travail est restée, jusqu'à aujourd'hui, du domaine de l'entreprise, alors qu'elle devrait s'intégrer dans le cadre plus large de la politique de santé publique.
C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit de confier à l'Institut de veille sanitaire une mission générale de statistiques en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles et de lui donner un accès direct aux informations à caractère sanitaire détenues par les entreprises. En contrepartie, l'Institut contribuera à la mise en place de surveillances épidémiologiques en milieu de travail.
Le rapprochement entre santé au travail et santé environnementale reste cependant inachevé. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales vous proposera d'intégrer explicitement la santé au travail dans le champ du plan national « santé-environnement » et d'améliorer encore la collecte des informations relatives à la santé par l'Institut national de veille sanitaire, en organisant la confidentialité des informations transmises par les services de santé au travail.
Le projet de loi comporte ensuite des améliorations concrètes en matière de gestion des risques sanitaires liés à l'eau et à l'exposition au plomb.
Dans le domaine de l'eau, il étend tout d'abord l'obligation d'établir un périmètre de protection autour des points de prélèvement d'eau à tous les captages, y compris ceux qui sont antérieurs à 1964, lesquels bénéficient d'une protection naturelle. En contrepartie, et de façon à accélérer cette généralisation, il allège les formalités administratives liées à l'établissement de ces périmètres. Il donne également aux collectivités propriétaires de captages des moyens nouveaux d'assurer, dans les périmètres de protection, le maintien d'une activité agricole comptatible avec la protection de la ressource en eau.
Il renforce enfin les obligations de préservation, de surveillance et de contrôle de la qualité de l'eau, qu'il s'agisse d'eau potable en général ou d'eau minérale naturelle, afin de les rendre conformes aux exigences de la réglementation communautaire.
Les sanctions relatives aux infractions à la réglementation sanitaire sur l'eau sont par ailleurs modernisées.
Est créé un régime général et gradué de sanctions administratives en cas d'inobservation de la réglementation sanitaire sur la qualité de l'eau. Quatre nouvelles infractions pénales sont prévues et les peines encourues sont renforcées, passant de 4 500 euros à 15 000 euros d'amende. Enfin, il sera désormais possible de retenir, le cas échéant, la responsabilité pénale des personnes morales gestionnaires des installations exploitant l'eau destinée à la consommation.
Tout en approuvant l'esprit du dispositif prévu par le projet de loi, la commission des affaires sociales a souhaité y apporter plusieurs améliorations, qui concernent notamment l'information des propriétaires de parcelles situées à l'intérieur des périmètres de protection des captages d'eau et le renforcement du dispositif de répression des infractions sur l'eau. Nous y reviendrons lors de l'examen des articles.
Dans le domaine de la lutte contre le saturnisme, les mesures proposées doivent permettre d'atteindre l'objectif ambitieux fixé par le rapport annexé, à savoir réduire de 50 % la prévalence de la maladie d'ici à 2008.
La réalisation de cet objectif passe d'abord par une adaptation du dispositif d'urgence, afin de mieux repérer les sources d'exposition au plomb. A cet effet, une enquête globale sur l'environnement des enfants touchés par la maladie remplacera l'actuel diagnostic sur la présence de plomb dans les revêtements muraux. Il s'agissait de permettre une meilleure mise en oeuvre des travaux d'élimination du risque d'exposition au plomb.
Le projet de loi renforce par ailleurs le dispositif de prévention du risque d'exposition au plomb : l'obligation de présenter un constat de risque d'exposition au plomb lors de la vente d'un logement est étendue à l'ensemble du territoire national et sera également applicable, d'ici à quatre ans, aux contrats de location.
De même, avant 2010, l'ensemble des parties communes des immeubles d'habitation devra avoir subi une expertise d'accessibilité au plomb.
En cas de constat positif, les travaux devront être engagés par le propriétaire, sans attendre l'intervention du préfet. Enfin, ce dernier pourra prendre des dispositions de protection de la population contre les chantiers entraînant des risques d'exposition au plomb.
Il me paraît possible d'apporter des compléments à ce dispositif, afin de renforcer encore son efficacité. Je vous proposerai notamment de rétablir l'incitation à la visite médicale pour les autres enfants de l'immeuble, lorsque l'enquête environnementale fait apparaître un risque d'exposition au plomb, et de renforcer les compétences du service communal d'hygiène et de santé en matière de lutte contre le saturnisme.
Enfin, la commission des affaires sociales vous proposera d'ouvrir un nouveau chantier : celui des radiofréquences, encore appelées rayonnements non ionisants. Il s'agit de répondre aux demandes d'information de plus en plus pressantes des collectivités locales, d'une part, et du public, d'autre part, en matière d'implantation de stations radioélectriques.
En effet, même s'il n'existe pas, pour l'instant, d'éléments scientifiques incontestables sur les effets sanitaires de l'exposition aux champs électromagnétiques, il paraît nécessaire de disposer, au moins, d'outils permettant d'exercer un contrôle sur cette exposition. C'est d'ailleurs ce que recommandait le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques établi en novembre 2002, notamment avec notre collègue Daniel Raoul.
La commission des affaires sociales vous proposera donc de donner aux préfets la possibilité de procéder à des contrôles, pour vérifier que les niveaux d'exposition ne dépassent pas les valeurs limites adoptées à l'échelon communautaire, et d'assurer une meilleure information des maires concernant les installations radioélectriques présentes sur le territoire de leur commune.
La protection de la santé contre les atteintes liées aux facteurs environnementaux répond à une attente forte de nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a très largement souscrit aux objectifs et à l'économie générale de ce dispositif de réduction des risques. Ainsi que je vous l'ai indiqué, les amendements qu'elle vous proposera visent, sans modifier l'architecture du dispositif, à en préciser la portée et à en renforcer l'efficacité.
Sous ces réserves, elle vous demande d'adopter le volet « santé-environnement » de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire : 82 minutes ;
Groupe socialiste : 44 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 16 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 13 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Redonner droit de cité à la santé publique », telle était la conclusion du premier rapport du Haut Comité de la santé publique en 1994, qui stigmatisait les failles d'un système de santé « insuffisamment piloté », « déséquilibré », « cloisonné », « mal régulé » et « timidement évalué ».
Depuis ce constat, des efforts indiscutables ont été entrepris pour remédier à certains dysfonctionnements et faire émerger une politique de santé publique.
Des progrès ont ainsi été enregistrés en matière de pilotage et d'évaluation, bien que cette dernière reste insuffisante. La naissance des conférences de santé et des programmes de santé à la suite des ordonnances de 1996, la mise en oeuvre de programmes d'accès à la prévention et aux soins dans le cadre de la loi sur l'exclusion, ou encore les différents plans d'action élaborés par le ministère de la santé sur le diabète, la nutrition ou le cancer, témoignent d'une utilisation beaucoup plus large de la notion de « priorité de santé ».
D'ailleurs, les chiffres montrent de nombreuses évolutions positives : la baisse de la consommation d'alcool s'est poursuivie, la mortalité cardiovasculaire a continué à diminuer, pour ne citer que ces deux exemples.
Néanmoins, face à l'excellence reconnue de notre système de soins et aux moyens importants dévolus à la santé, certaines situations apparaissent paradoxales et même inacceptables.
La mortalité prématurée reste en France à un niveau anormalement élevé. Cette dernière s'accompagne également d'inégalités marquées devant la maladie et la mort entre les sexes, entre les catégories sociales ou encore entre les régions. La France se caractérise aussi par des taux de couverture vaccinale souvent peu satisfaisants et le taux d'interruptions volontaires de grossesse témoigne d'une pratique insuffisante de la contraception.
Le décalage entre les déterminants de santé et le caractère réducteur des stratégies mises en oeuvre, trop exclusivement axées sur les soins, expliquent sans doute en partie ces situations.
Par ailleurs, les modalités d'organisation et de fonctionnement du système de santé ne sont pas toujours en phase avec la situation épidémiologique. Les priorités se sont finalement multipliées et l'articulation entre priorités nationales et régionales s'effectue de façon relativement disjointe.
Enfin, les faiblesses structurelles persistent. Le système est géré dans le cadre d'une dualité entre le décideur - l'Etat - et le financeur - l'assurance maladie. Au fil des réformes, les structures nouvelles se sont ajoutées aux anciennes sans qu'une substitution soit envisagée. Les conséquences en sont une complexité de la répartition des compétences, ainsi que des chevauchements dans les champs d'intervention. Si l'orientation vers le niveau régional s'est trouvée légitimée par une volonté de gestion de proximité, les instances régionales n'en ont pas pour autant trouvé un véritable espace de responsabilité.
Tous ces constats plaident donc en faveur d'un remodelage de la politique de santé publique. Dès votre nomination, monsieur le ministre, vous avez fait part de votre intention de rationaliser un certain nombre d'actions, d'insérer une dimension préventive aujourd'hui quasi inexistante et de faire de la qualité un outil essentiel de régulation du système.
Je tiens tout d'abord à saluer votre détermination et votre action en ce sens. De grandes campagnes contre l'alcool et le tabac ont été lancées ces deux dernières années ; votre projet de budget pour 2004 contenait aussi des mesures fortes. Enfin, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui témoigne de votre volonté affirmée de donner dans notre pays toute sa place à la santé publique et de développer la prévention et l'éducation à la santé.
Ce projet de loi contient indiscutablement de bonnes choses.
D'abord, il réaffirme sans ambiguïté le rôle premier de l'Etat en matière de santé publique. Nous estimons en effet que c'est à l'Etat de définir les priorités de santé publique, de veiller à l'efficacité des mesures et de prévoir les besoins humains et financiers nécessaires. C'est également à lui de garantir l'égal accès de tous à des soins de qualité.
Ensuite, ce texte renforce la place de la région dans la mise en oeuvre des politiques de santé publique et redéfinit plus clairement les responsabilités des divers acteurs régionaux. Si l'on peut regretter l'omniprésence du représentant de l'Etat dans toutes les structures et procédures, on peut au moins se féliciter de n'avoir plus qu'un acteur unique, le groupement régional de santé publique, pour la mise en oeuvre du plan régional de santé publique. Cela permettra de coordonner les moyens sanitaires. (M. le président de la commission des affaires sociales acquiesce.)
Enfin, ce projet de loi fixe des objectifs prioritaires de santé publique, assortis de tableaux de bord permettant de suivre et d'évaluer les politiques relatives à ces objectifs. Jusqu'à présent, parler d'objectifs, c'était faire référence aux dépenses d'assurance maladie. Cette logique était appauvrissante. Il faut agir en amont sur les déterminants de santé, en somme prévenir plutôt que guérir.
Fixer des objectifs à cinq ans permettra de savoir si les ressources consacrées au système de santé ont le meilleur impact possible sur l'état de la santé de la population.
Au-delà de ces satisfecit, monsieur le ministre, je me dois de vous faire part de certaines critiques.
Tout d'abord, vous avez voulu, ou peut-être est-ce le fait de nos collègues de l'Assemblée nationale, qui ont adopté beaucoup d'amendements, traiter de trop de problèmes en un seul texte. On y trouve pêle-mêle les grands principes et objectifs de santé publique, le problème de l'eau, la recherche biomédicale, l'organisation des masseurs-kinésithérapeutes ou des sages-femmes... Il eût mieux valu une loi d'orientation avec des objectifs et des moyens.
Ensuite, l'énumération de cent objectifs en partie quantifiés suscite quelques interrogations. Leur lecture donne une impression de catalogue reprenant les problèmes recensés par des experts en diverses spécialités.
On peut comprendre votre désir d'affichage, mais cent priorités, c'est en quelque sorte plus de priorité du tout, même si vous en avez isolé quelques-unes, comme la lutte contre le cancer, la santé environnementale, les maladies rares ou les maladies chroniques.
Par ailleurs, si le fait de quantifier les objectifs accentue l'aspect volontariste du projet, n'est-ce pas aussi dangereux ? Certains de ces objectifs pourraient ne pas être atteints dans cinq ans, et cela vous sera certainement reproché dans l'avenir. Aurons-nous les moyens statistiques pour juger de l'évolution des critères quantifiés ? Plus important encore, affecterez-vous les moyens humains et financiers pour les atteindre ?
Je ferai une autre remarque : votre projet de loi ne prévoit pas les mesures de financement. Figureront-elles dans la loi de financement de la sécurité sociale ? Jusqu'à présent, la prévention a finalement été l'affaire de l'assurance maladie, qui payait. Je sais bien que vous vous y êtes attelé, mais pourquoi n'avoir pas réglé d'abord le problème de la gouvernance en clarifiant les rôles respectifs de l'Etat, de l'assurance maladie et des professionnels ?
En tout état de cause, il me paraît préférable de se fixer quatre ou cinq priorités et de concentrer les moyens sur celles-ci pour obtenir des résultats.
S'agissant de la décentralisation et de l'organisation à l'échelon régional, j'y suis favorable, bien sûr, mais cela pose tout de même quelques problèmes. Dans certaines grandes régions, comme l'Ile-de-France, qui ne compte pas moins de onze millions d'habitants, le groupement régional de santé publique sera pratiquement ingérable.
Par ailleurs, la région ne constitue pas le seul espace géographique où s'expriment actuellement des dynamiques de santé : certains départements, certaines agglomérations se sont engagés, souvent avec succès, dans des programmes de prévention. Rien n'est prévu à leur égard, de même qu'il n'est pas prévu d'inscrire les politiques de santé dans les nouvelles dynamiques territoriales que sont les pays et les communautés de communes.
Enfin, dernier point, lors de l'examen du projet de budget de votre ministère, dont j'étais le rapporteur, j'avais insisté sur la nécessité de regrouper les différentes structures et agences, notamment celles qui concourent à la politique de veille et de sécurité sanitaires. En effet, on ne sait plus qui fait quoi.
Les crises sanitaires récentes - le drame de la vague de chaleur sans précédent qui a traversé notre pays au mois d'août ou l'épidémie de légionellose qui sévit dans le Pas-de-Calais actuellement - montrent la nécessité de renforcer, dans sa cohérence et son efficacité, le système de sécurité et d'alerte sanitaires.
Malheureusement, avec le présent projet de loi, on rate l'occasion de simplifier le paysage institutionnel, même si un effort important est fait concernant l'Institut de veille sanitaire, l'INVS. On a le sentiment que les administrations et les divers organismes défendent leur pré carré.
Monsieur le ministre, vous rappeliez le 2 octobre dernier, à l'Assemblée nationale, que « chaque fois que leur santé ou celle de leurs proches est menacée, c'est bien vers l'Etat et ses agents que les Français se tournent pour exiger une protection efficace. Aujourd'hui, le rôle de l'Etat n'est plus contesté, il est réclamé ; on ne suspecte plus l'Etat de vouloir, sous couvert de santé publique, redresser les individus et, à travers eux, la nation. La santé publique fait bien l'objet d'une demande nouvelle et pressante ».
S'il est important de répondre à cette demande, il convient aussi de dire à nos concitoyens que le risque zéro n'existe pas.
Au-delà des critiques que j'ai formulées, ce projet de loi, monsieur le ministre, traduit, avec l'engagement que vous avez pris de réformer l'assurance maladie, une politique de santé ambitieuse. C'est pourquoi la majorité de mon groupe le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, vous aviez d'abord annoncé, au début de la législature, une grande loi de programmation de santé publique avec des objectifs chiffrés ambitieux et un financement pluriannuel à la hauteur de ces objectifs.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et Francis Giraud, rapporteur. Les voilà !
M. Gilbert Chabroux. Nous pensions que vous appliqueriez à la santé ce qui s'est fait dans d'autres domaines, et que le Gouvernement s'engagerait avec beaucoup de force et de détermination sur une programmation de cinq années, en mobilisant des moyens importants. Combien de fois avez-vous déclaré que la santé est une priorité pour le Gouvernement ?
Ne mériterait-elle pas autant de sollicitude et d'efforts que ceux qui sont consentis dans d'autres domaines, la défense, par exemple ?
M. Roland Muzeau. Ou la sécurité !
M. Gilbert Chabroux. Mais vous avez changé de perspective et avez annoncé une loi d'orientation. Il s'agissait plus de principe et d'organisation, mais la démarche pouvait encore revêtir une certaine force, à condition de bien définir les grandes orientations et de prévoir aussi un plan de financement.
M. Guy Fischer. Il n'y a rien dans ce texte !
M. Gilbert Chabroux. Aujourd'hui, il ne reste plus qu'un simple projet de loi sans les engagements financiers qui auraient pu lui donner un minimum de crédibilité. Après les effets d'annonce, c'est un recul grave, et cela signifie que la santé ne fait pas partie des priorités du Gouvernement.
M. Guy Fischer. Ce texte n'est qu'un écran de fumée !
M. Gilbert Chabroux. Et le calendrier n'est pas de nature à nous rassurer : nous discutons de ce texte après l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 et alors que le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie s'apprête à rendre ses premières conclusions et prépare vraisemblablement le terrain pour que vous puissiez procéder à la privatisation de l'assurance maladie juste après les échéances électorales !
M. François Autain. Très bien !
M. Henri Torre. N'importe quoi !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il ne manque plus que le MEDEF !
M. Guy Fischer. Ils ne veulent pas entendre !
M. Gilbert Chabroux. La discussion qui s'ouvre ici ne risque-t-elle pas d'être illusoire ? Il est vrai que vos engagements, dans ce texte de santé publique, manquent singulièrement de vigueur. Vous nous présentez un catalogue académique, avec sans doute de bonnes intentions ou des voeux pieux.
Vous faites un inventaire que vous dites non exhaustif et qui compte pourtant déjà cent objectifs aussi divers que disproportionnés les uns par rapport aux autres.
Des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale et, surtout, des développements médiatiques qui ont suivi, on pourrait croire que les problèmes relatifs à la profession de psychothérapeute sont plus importants que la lutte contre le cancer.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas du fait du ministre !
M. Gilbert Chabroux. Nous ne sous-estimons pas ce sujet, mais nous considérons qu'il ne peut pas être tranché par un amendement s'il n'y a pas eu préalablement un débat démocratique précédé d'une large concertation avec les professionnels concernés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pourquoi pas un référendum !
M. Claude Domeizel. Ils ne savent pas faire !
M. Gilbert Chabroux. Le groupe socialiste réitère donc sa demande de constitution d'une mission d'information parlementaire sur ce sujet.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Avec toutes les personnalités que nous avons auditionnées !
M. Gilbert Chabroux. Ce n'est pas du tout la même chose ! Des auditions, même si elles sont ouvertes à tous les sénateurs, ne constituent pas ce grand débat public, cette vaste concertation avec les professionnels concernés dont je parle ici.
M. Raymond Courrière. Ils n'en veulent pas, de la concertation !
M. Gilbert Chabroux. Quoi qu'il en soit et quelle que soit la place que nous accorderons dans nos débats aux psychothérapeutes, votre texte, monsieur le ministre, conduit à la dispersion et il en résulte un manque de lisibilité.
Est-ce le rôle d'une grande loi que d'énumérer autant d'objectifs sans dégager de cohérence entre eux, sans les hiérarchiser ? Déterminer cent priorités, n'est-ce pas aboutir à n'en déterminer aucune,...
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Gilbert Chabroux. ... et cela, je le redis, sans chiffrer les moyens nécessaires pour les atteindre ou, à tout le moins, pour pouvoir agir efficacement sur les objectifs les plus prioritaires ?
M. François Autain. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. Nous ne pouvons qu'exprimer notre déception !
Après l'étape importante qu'a été la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades, nous attendions une nouvelle avancée. Or ce texte n'apporte que peu de choses. Sur certains points, il marque même une régression. C'est le cas pour la démocratie sanitaire, alors qu'il faudrait aller vers une véritable appropriation du système de santé par la population. Notre rapporteur Francis Giraud s'est lui-même ému d'une évolution qui tendrait à concentrer les pouvoirs entre les mains du préfet au sein du groupement régional de santé publique, le GRSP, au détriment des aspects partenariaux d'une véritable politique de santé publique. C'est une question qu'a posée M. Giraud lors de l'audition de M. le ministre par la commission des affaires sociales.
La santé est pourtant, pour les Français, une priorité. Elle occupe une place de premier plan dans leurs préoccupations ; elle vient, d'ailleurs, en tête des voeux de bonne année : « La santé, d'abord ! »
Elle devrait l'être aussi pour le Gouvernement, qui se doit d'appliquer le Préambule de la Constitution de 1946 et le principe que la République y a inscrit : « La nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé. »
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La protection de la santé, effectivement, ce qui est différent de la santé !
M. Gilbert Chabroux. Ce principe conduit à définir le premier objectif d'une loi de santé publique, qu'il faudrait affirmer avec force : celui de réduire les inégalités face à la santé.
Malgré une espérance de vie élevée, la France est le pays d'Europe occidentale où les inégalités sont les plus importantes. L'espérance de vie n'est pas la même selon le milieu social et la profession exercée durant les années d'activité.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dans les autres pays aussi !
M. Gilbert Chabroux. Il faut le rappeler, à trente-cinq ans, l'espérance de vie est plus faible pour un ouvrier que pour un cadre ; un ouvrier sur quatre, mais un cadre sur dix, décéderont avant soixante-cinq ans.
Il s'ajoute à ces inégalités sociales de fortes disparités géographiques. L'encadrement médical et soignant est inégalement réparti : le Nord et le Nord-Est industriels ainsi que certains départements ruraux du Centre et de l'Ouest sont sous-médicalisés. Dans de nombreux départements, des zones géographiques très étendues ne disposent plus de médecin généraliste. Le constat est le même pour les professions paramédicales.
Il ne peut pas y avoir de fatalité à cette injustice criante. Le premier objectif de ce projet de loi devrait être, je le répète, de la combattre frontalement. Si vous ne le faites pas vous-même ou si vous vous contentez d'atermoiements, monsieur le ministre, nous ferons le maximum pour pallier une telle carence et nous présenterons des amendements reprenant la proposition de loi qui a été déposée par notre collègue Jean-Marc Pastor et le groupe socialiste. Il est nécessaire d'inscrire dans la loi dont nous discutons l'objectif prioritaire d'installation de médecins dans les zones médicalement dépeuplées et de se donner les moyens d'enclencher une démarche de solidarité nationale en matière d'accès à la santé afin que les inégalités existantes puissent se réduire.
Il s'agit bien de solidarité nationale, car, derrière les chiffres de la démographie médicale ou de l'espérance de vie, il y a la réalité de vies parfois faites de solitude, d'abandon, de détresse ou, tout simplement, de douleur et de maladie. L'épisode tragique de la canicule de l'été 2003 a révélé que notre société restait démunie face à ses populations les plus fragiles, en particulier les personnes âgées.
La santé doit être appréhendée comme un enjeu global. Elle ne se limite pas à la demande et à l'offre de soins : elle renvoie aux conditions de vie, de travail, d'environnement et, si l'on reprend la définition de l'Organisation mondiale de la santé, à un état de bien-être, moral comme physique. La demande de santé est une demande globale de cadre de vie, de logement, d'environnement, de conditions de travail et, je le répète, de bien-être moral. Or rien dans ce projet de loi ne permet de considérer que les Français ne sont pas seulement d'éventuels patiens, mais sont aussi des citoyens qui veulent que la société leur permette de vivre dans les meilleures conditions possibles.
Je m'arrêterai quelques instants sur les relations santé-travail et santé-environnement. Là aussi, il y a un problème de calendrier : nous attendons le plan national santé-environnement et son volet santé au travail. Nous redoutons surtout que vous ne preniez pas l'exacte mesure des problèmes qui sont posés et qui sont gravement préoccupants. Des retards seraient préjudiciables ; des remises en question, comme celle qui semble peser sur la médecine du travail, auraient de très lourdes conséquences.
Dans son rapport du mois de juin dernier intitulé « Santé, pour une politique durable de prévention », l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, estime qu'il est de la responsabilité de l'Etat de « faire de la santé au travail un objet de politique de santé publique et non une variable d'ajustement des relations sociales ».
Il est urgent d'agir lorsque l'on sait que le nombre de maladies professionnelles ne cesse de s'accroître. Le dernier rapport du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels fait état d'une progression de 24 % sur un an de ces maladies. Les décès qui leur sont liés ont connu une hausse de 46 %. L'INVS estime à plus de 10 000 le nombre de cancers d'origine professionnelle recensés chaque année, mais seuls 800 d'entre eux sont reconnus. Les médecins du travail estiment que un million de salariés seraient exposés à des risques cancérogènes. Nous avons évoqué, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, les risques très graves provoqués par les éthers de glycol de la série E. Vous avez annoncé une mesure très partielle d'interdiction pour les seuls consommateurs.
Dans un contexte si alarmant, il faudrait renforcer la médecine du travail, qui souffre d'un déficit de moyens et de reconnaissance. Il faudrait créer un véritable service public de santé au travail et valoriser les organismes d'hygiène et de sécurité. Or il semble que le Gouvernement prenne le chemin inverse et prépare un projet de loi ou un décret qui ne viserait rien de moins que le démantèlement de la médecine du travail.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Eh oui !
M. Gilbert Chabroux. Ainsi, le nombre de visites médicales des salariés serait réduit. Les visites obligatoires ne seraient plus annuelles mais auraient lieu tous les deux ans, y compris pour les personnels affectés à des postes à risques. Plus grave encore, on s'acheminerait vers une privatisation de la médecine du travail, les médecins pouvant être choisis par les employeurs. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des informations sur les intentions du Gouvernement et, nous l'espérons, dissiper nos inquiétudes ?
M. Guy Fischer. Et surtout nous rassurer !
M. Roland Muzeau. Ça ne risque pas !
M. Gilbert Chabroux. Autre problème, insuffisamment pris en compte dans votre projet de loi, celui de l'influence de l'environnement sur la santé.
Vous allez nous demander d'attendre le plan santé et environnement alors qu'il faudrait que ce dernier soit intégré au présent texte dans la mesure où il pourrait le compléter. Il y a là aussi urgence.
En 2000, on estimait à 32 000 le nombre de décès prématurés imputables à la pollution atmosphérique urbaine, parmi lesquels 18 000 décès dus à la pollution automobile. La canicule de cet été a encore montré l'impact direct de la pollution atmosphérique sur la santé. C'est un problème très important. Comment le traitez-vous, monsieur le ministre ?
Il existe une autre forme de pollution, certes moins grave mais néanmoins pénible, la pollution sonore à laquelle seraient exposées trois millions de personnes sur leur lieu de travail et sept millions de personnes en raison du trafic routier. Cette pollution engendre du stress et éloigne de la notion de bien-être physique et mental. Quelles mesures sont réellement envisagées pour lutter contre cette forme de pollution ?
En fait, on peut se poser la question de savoir s'il existe une réelle volonté de s'attaquer aux causes des risques sanitaires ou s'il ne s'agit que de se contenter d'annonces un peu vagues qui ne seront pas suivies d'effets.
Les facteurs d'exposition aux risques ne sont pas traités ou ne le sont que précautionneusement. C'est le cas, par exemple, des pesticides, dont certains sont cancérigènes, alors que notre pays en consomme 120 000 tonnes par an, ce qui le place au deuxième rang mondial. C'est le cas également de la dioxine, alors que la commission du ministère de l'environnement lui attribue prudemment entre 1 800 et 5 200 décès en 1998. J'ai évoqué les éthers de glycol et les agents cancérigènes et toxiques dans les milieux du travail. Il faut y ajouter l'abus de sucre, de sel, et d'acides gras saturés ou non saturés dans les produits alimentaires. La lutte contre le tabac et l'alcool souffre de graves insuffisances, même si des progrès ont été accomplis sur le plan du tabagisme.
On peut redouter les conséquences de tels comportements. Ainsi, l'augmentation du nombre d'enfants et d'adolescents souffrant d'obésité devrait constituer une préoccupation majeure, d'autant que cela sera de plus en plus coûteux pour notre système de soins : 20 % d'une classe d'âge, d'ici à cinq ou dix ans, en souffrira avec toutes les conséquences que cela implique en termes de diabète et de surmortalité. Des actions de prévention et d'éducation à la santé doivent être engagées dès l'enfance, des programmes de nutrition doivent être mis en place.
Cela suppose que la médecine scolaire soit sensiblement renforcée : alors que l'ensemble des enfants en bas âge font l'objet d'un suivi attentif grâce à la protection maternelle et infantile, la PMI, les enfants scolarisés sont très loin d'être tous pris en charge.
Monsieur le ministre, je vous ai fait part des interrogations du groupe socialiste. Elles portent sur des sujets importants : la médecine du travail, la médecine scolaire, la prise en compte des risques environnementaux, l'insuffisance de la démocratie sanitaire dans l'organisation que vous voulez mettre en place, la trop grande dispersion des objectifs et l'absence de moyens financiers.
Tout n'est pas négatif dans ce projet de loi - je pense particulièrement au plan « cancer » - mais ses insuffisances sont nombreuses et graves. Nous essaierons de l'améliorer en présentant un certain nombre d'amendements. Monsieur le ministre, il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre,...
M. Jean-François Mattei, ministre. Ni de réussir pour persévérer !
M. Gilbert Chabroux. ... mais nous attendrons avec intérêt les réponses que vous nous apporterez et nous mesurerons, s'il y en a, les progrès accomplis. C'est en fonction de ces derniers que nous déterminerons notre vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur celles du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la santé publique est un texte à la fois très attendu, novateur et sincèrement encourageant.
En effet, il est urgent de réformer la branche santé en raison de la crise financière alarmante dans laquelle elle est entrée cette année. Dans le contexte actuel, nul ne pourrait dire le contraire. Rappelons que le déficit cumulé de la branche maladie pourrait dépasser les 30 milliards d'euros. Nous nous trouvons donc face à un déficit abyssal et sans précédent qui pourrait menacer jusqu'à la pérennité du système. Face à une situation si dégradée, il fallait un signal fort. Or vous nous en avez donné deux.
D'une part, nous saluons l'engagement pris par le Gouvernement de mettre en oeuvre une grande réforme d'ici à l'été 2004 et d'avoir, pour ce faire, engagé un tour de table afin d'aboutir à un consensus qui soit le plus large possible.
D'autre part, nous voyons dans le projet de loi dont nous entamons aujourd'hui l'examen les prémices d'une réforme digne de ce nom dont notre pays a tant besoin en matière de santé.
Le projet de loi sur la politique de santé publique présente en premier lieu l'immense mérite de bien peser les enjeux et de correctement hiérarchiser les priorités, même si quelques options choisies par le Gouvernement nous paraissent problématiques.
Il est en effet nécessaire, comme le texte le prévoit, de développer la prévention, car l'une des insuffisances de notre système de santé est d'être aujourd'hui presque exclusivement tourné vers le curatif.
Or c'est précisément ce à quoi tend ce projet de loi en redéfinissant les missions de l'Institut national de veille sanitaire, en instituant un plan national de prévention des risques liés à l'environnement, en particulier les risques liés à la qualité de l'eau, en renforçant la surveillance épidémiologique dans les milieux du travail, en favorisant le dépistage du cancer au bénéfice des personnes les moins favorisées, en créant l'Institut national du cancer, en accentuant la lutte contre le tabagisme ou l'alcoolisme, contre le saturnisme, etc. L'inventaire n'est pas exhaustif.
Il est aussi impératif de mettre l'accent sur l'éducation à la santé. C'est ce que fait le présent texte par la création de l'école des hautes études de la santé publique ou par la mise en oeuvre d'un apprentissage des premiers gestes de secours au lycée et au collège et de plans d'information sur les toxicomanies dans ces mêmes établissements.
La promotion de la prévention et de l'éducation à la santé se fait dans le cadre d'une politique de la santé publique rénovée en profondeur. Cette rénovation s'appuie sur deux constats auxquels nous souscrivons.
D'une part, nos politiques de santé publique doivent se doter d'objectifs clairs et d'indicateurs précis permettant d'évaluer les performances. L'établissement de cent objectifs de santé publique nationaux, qui seront déclinés au plan régional, constitue une avancée significative. Il faudra surveiller de près leur réalisation.
La liste que vous nous proposez, monsieur le ministre, mériterait toutefois d'être complétée. C'est ce que nous proposerons de faire par le biais de quatre amendements visant à introduire des objectifs de lutte contre les pathologies auditives, parent pauvre du tableau annexé au projet de loi, ou contre les naissances prématurées.
D'autre part, les politiques de santé publique souffrent aujourd'hui d'une « crise de gouvernance », pour reprendre les mots du président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, Bertrand Fragonard.
La question de la gouvernance ne vous a, bien entendu, pas échappée puisque le présent projet de loi contient des réformes institutionnelles non négligeables.
Cependant, ces réformes nous paraissent parfois manquer de cohérence. En effet, ce projet de loi relatif à la politique de santé publique paraît s'inscrire dans la lignée des « ordonnances Juppé » de 1996, ce qui est une très bonne chose. Mais il ne parvient pas à dégager « un chef de file » clairement identifié, à l'échelon régional notamment, chef de file dont nos politiques de santé manquent cruellement.
L'un des grands apports des ordonnances de 1996 était la création des agences régionales d'hospitalisation, les ARH. Ces agences, qui ont bien rempli leur rôle, avaient pour vocation de devenir à terme des agences régionales de la santé et ne devait plus voir leur compétence cantonnée au domaine hospitalier.
Or, tout en étant censé s'inscrire dans cette logique, le texte dont nous allons débattre entérine deux évolutions parfaitement contradictoires.
D'un côté, il porte validation législative de l'ordonnance du 4 septembre 2003, prise sur le fondement de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. Conformément à l'esprit des textes de 1996, cette ordonnance organise le transfert de pouvoirs de police sanitaire, auparavant détenus par le ministre chargé de la santé, aux directeurs des agences régionales d'hospitalisation et supprime la carte sanitaire pour lui substituer une organisation plus souple placée sous la tutelle des ARH.
D'un autre côté, le texte renforce les pouvoirs du préfet en lui confiant le soin d'élaborer les plans régionaux de santé publique et, indirectement, de les mettre en oeuvre par l'intermédiaire des groupements régionaux de santé publique qu'il présidera.
Il y a là une incohérence regrettable. Il serait logique, dans le cadre d'une véritable régionalisation de la santé, que prévention et santé publique reviennent aux ARH.
A terme, ces agences devront se voir transformées en agences régionales de santé, car il n'y a aucune raison de séparer plus longtemps, d'une part, les secteurs de l'ambulatoire et de l'hospitalisation et, d'autre part, la prévention et l'éducation à la santé. Pour une gouvernance adéquate, il faut un responsable régional de tout le secteur de la santé.
Autre priorité identifiée avec pertinence par le projet de loi relatif à la santé publique : la formation continue des médecins. Cette formation, largement insuffisante, est indispensable, compte tenu de la rapidité d'évolution de la science et des techniques médicales. Vous-même, monsieur le ministre, avez fait remarquer que, au bout de cinq ans, la moitié des connaissances d'un médecin sont obsolètes. Encore une fois, nous rejoignons les ordonnances de 1996, qui avaient rendu obligatoire la formation continue.
Malheureusement, ces dispositions n'ont jamais été appliquées et la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades n'a rien changé à cet état de fait.
Nous nous sommes félicités, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, de l'inscription dans le rapport annexé du principe d'une formation continue obligatoire.
Or, si le présent projet de loi réaffirme ce principe, il risque de ne pas en permettre une mise en oeuvre véritable.
En effet, là aussi, tout en étant censé procéder des ordonnances de 1996, le texte s'en écarte singulièrement. Comment la formation médicale continue pourrait-elle être enfin rendue opérationnelle sur la base du volontariat ? Renoncer à l'idée d'imposer une sanction aux professionnels revient, une fois de plus, à enterrer la formation médicale continue.
De plus, au lieu d'abonder le fonds national de la formation médicale continue, qui ne l'a jamais été, vous le supprimez pour laisser place à un maquis inextricable. Dorénavant, le financement de la formation médicale continue proviendra des fonds de formation conventionnelle, du fonds pour l'amélioration de la qualité des soins de ville, de la dotation nationale pour le développement des réseaux et des fonds prévus par la loi de finances. Il est urgent de repenser le dispositif si nous ne voulons pas que la formation médicale reste lettre morte.
Malgré ces « bémols », le groupe de l'Union centriste salue les grandes lignes du présent projet de loi.
Au demeurant, si ce projet de loi est un bon texte, c'est aussi parce qu'il comporte une série d'avancées ponctuelles non négligeables. Vous me permettrez d'insister sur quatre points qui constituent incontestablement des progrès mais qui mériteraient des aménagements pour être pleinement bénéfiques.
Premièrement, nous approuvons la création, par l'article 55, d'un ordre national des masseurs-kinésithérapeutes. Dans un souci de sécurisation des relations entre patients et praticiens, il s'agit de reconnaître et d'encadrer cette profession.
Dans le même esprit, nous proposerons de préciser en quoi consiste l'activité de diététicien, activité qui s'est considérablement développée au cours des vingt dernières années.
Deuxièmement, s'agissant du fameux « amendement Accoyer », sur lequel se focalisent tous les regards, le groupe de l'Union centriste et moi-même reconnaissons qu'il était nécessaire que le législateur intervienne. C'était d'ailleurs ce que réclamaient, de longue date, les principaux intéressés.
En revanche, les modalités de cette intervention, telles qu'elles sont actuellement prévues, ne sont pas satisfaisantes.
Sur la forme, les psychothérapeutes ont la désagréable impression que la réforme a été adoptée à l'Assemblée nationale en catimini.
Sur le fond, le texte actuel de l'article 18 quater pose bien des problèmes. Il donne une définition par trop restrictive des psychothérapies, dont la mise en oeuvre ne pourrait par ailleurs plus relever que des seuls médecins. En outre, et c'est le plus grave, il contraindrait la grande majorité des 15 000 psychothérapeutes non psychiatres à abandonner leur activité. En effet, un jury, dont la composition demeure inconnue, serait chargé d'accréditer les psychothérapeutes exerçant depuis cinq ans ou plus, ce qui soulève un grand nombre d'interrogations. De surcroît, tous les psychothérapeutes exerçant depuis moins de cinq années se verraient condamnés à cesser leur activité. Que deviendraient alors les praticiens sérieux, ayant étudié leur discipline durant cinq ans et exerçant depuis quatre ans et demi ? Ils perdraient leur vocation et près de dix ans de leur vie seraient réduits à néant. Ce n'est pas acceptable.
C'est la raison pour laquelle le groupe de l'Union centriste soutient pleinement l'amendement de notre collègue le président Gouteyron. Le texte qu'il nous propose, équilibré et sage, satisfait pleinement psychanalystes et psychothérapeutes. Il vise à créer un office national de la psychothérapie, chargé de réguler la profession. C'est, selon nous, la meilleure solution possible, car elle implique un changement d'approche radical et salutaire. Il s'agit en effet non de réglementer l'exercice des psychothérapies, ce qui, en pratique, se révélerait quasiment impossible, mais de légiférer sur les conditions d'obtention du titre de psychothérapeute.
Troisièmement, les articles relatifs à la profession de sage-femme mettent la loi en adéquation avec la réalité de cette profession. Il était nécessaire que les compétences des sages-femmes soient précisées, s'agissant de l'accomplissement des examens de prévention durant et après la grossesse.
Cependant, le texte qui nous est proposé est, sur deux points, contestable.
D'abord, puisque est reconnu aux sages-femmes le droit de déclarer une grossesse, il paraîtrait normal qu'elles puissent également pratiquer le premier examen prénatal, faute de quoi la profession de sage-femme libérale pourrait se voir dans les faits vidée de sa substance.
Ensuite, il convient d'encadrer précisément la responsabilité des sages-femmes en cas de pathologie maternelle, foetale ou néonatale. Nous présenterons des amendements dans ce sens.
Le quatrième et dernier point me tient particulièrement à coeur. En tant qu'élue de la Réunion, je connais malheureusement bien les questions de santé publique liées à l'alcoolisme. Une loi sur la santé publique ne pouvait pas rester muette sur ce sujet. C'est pourquoi je me félicite que le présent texte renforce la politique de lutte contre l'alcoolisme.
Cependant, en matière d'information, beaucoup reste encore à faire. C'est la raison pour laquelle, au cours de l'examen des articles, je défendrai à titre individuel un amendement visant à introduire des messages informatifs sur les bouteilles et autres emballages de boissons alcoolisées. Avec cet amendement, il n'est pas question de stigmatiser les producteurs ni de pousser trop loin la comparaison entre le tabac et l'alcool. En effet, si la première cigarette nuit à la santé, toutes les études montrent qu'il n'en est pas de même du premier verre de vin. Mon amendement vise à mettre en garde les consommateurs contre les risques liés à une consommation excessive de boissons alcoolisées. Au regard des chiffres effrayants que nous enregistrons à la Réunion, mais aussi en Bretagne et dans le Nord - Pas-de-Calais, je crois pouvoir affirmer que l'information publicitaire ne suffit plus.
Avant de conclure, j'aimerais, monsieur le ministre, formuler une interrogation. Nous voyons mal comment ce texte s'articulera avec la loi sur les responsabilités locales. Quel sera, par exemple, le rôle du département en matière de santé publique ? Voilà un point important qui mériterait d'être précisé.
Il me reste à féliciter les rapporteurs, Jean-Louis Lorrain et Francis Giraud, pour l'excellence de leur travail, ainsi que la commission des affaires sociales et son président, Nicolas About.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, nous encourageons le Gouvernement à maintenir le train des réformes en matière de santé. C'est pourquoi le groupe de l'Union centriste votera ce projet de loi relatif à la santé publique.
M. le président. Mes chers collègues, pour nous permettre d'assister à la cérémonie des voeux du président du Sénat, je vous propose de suspendre nos travaux et de les reprendre à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 15 février 1902, relative à la protection de la santé publique, a posé les premiers fondements de notre politique de santé publique en France. Rédigée dans un but plus préventif que curatif, elle visait à favoriser une meilleure hygiène des Français, à poser les bases de la vaccination obligatoire, de la déclaration obligatoire de certaines maladies, du suivi épidémiologique, des mesures de police sanitaire, et à créer les instances chargées de leur mise en oeuvre.
Aujourd'hui, notre pays a évolué, nos comportements ont changé, et les progrès techniques ont modifié toutes les données. Notre système de soins s'est développé et est devenu de plus en plus performant, au détriment malheureusement de règles élémentaires d'hygiène puisque, en apparence, on peut désormais guérir plus facilement. Une loi ambitieuse, exhaustive, balayant l'ensemble de notre système de santé publique, de ses atouts comme de ses carences, s'imposait.
Elle s'imposait d'autant plus que le degré d'exigence de nos concitoyens est de plus en plus élevé. Face à une société de plus en plus industrialisée, qui ne se préoccupe que depuis peu, et encore de façon incomplète, de la prévention à l'égard des différentes contaminations industrielles, infectieuses, bactériennes, face aux crises de l'ESB, du SRAS, des maladies nosocomiales, de la légionellose, etc., nos concitoyens veulent, comme c'est légitime, que l'Etat prenne les mesures indispensables à la disparition du risque.
Quel bilan présentons-nous ?
Sans aucun doute avons-nous l'un des meilleurs systèmes de soins au monde. Mais la France figure aussi - vous l'avez d'ailleurs rappelé, monsieur le ministre - parmi les pays développés où la mortalité et la morbidité évitables sont les plus fortes.
La nécessité est donc grande de replacer la santé publique au coeur de la problématique « santé », en définissant des priorités et des objectifs pour améliorer l'état de santé de nos concitoyens. Il est urgent de nous approprier enfin une culture de santé publique qui est, pour l'heure, très insuffisante. Nous préparons ainsi dans les meilleures conditions la réforme de notre système de soins et d'assurance maladie.
Nous avons chacun un capital santé, et notre santé nous appartient. Nous pouvons éviter, voire prévenir, bon nombre de maladies simplement en prenant quelques précautions par notre comportement individuel ou collectif.
Je crois beaucoup à l'éducation à la santé, fortement négligée par nos progrès médicaux qui ont privilégié l'aspect curatif.
M. Jean-François Mattei, ministre. C'est exact !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Paul Blanc. C'est pour cette raison qu'une politique de santé publique se doit d'investir auprès des jeunes. Il faut ainsi, par exemple, apprendre à ces derniers, à manger équilibré : on a évoqué l'obésité qui est un facteur de risque important des maladies cardio-vasculaires.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est exact !
M. Paul Blanc. Les enfants, dès leur plus jeune âge, doivent y être sensibilisés. De plus, des études ont montré qu'à leur retour à la maison les conseils qu'ils avaient reçus portaient également leurs fruits.
Un autre comportement alimentaire dangereux qu'il nous faut combattre est la consommation excessive de sel, qui a des conséquences sur l'hypertension artérielle.
Les enfants doivent aussi être avertis des dangers des conduites addictives, telles que le tabagisme, la consommation excessive d'alcool, la toxicomanie. Vous nous avez prouvé votre détermination en la matière, monsieur le ministre, et nous comptons sur vous pour poursuivre votre action courageusement contre les tabous, l'indifférence et les intérêts catégoriels.
M. Francis Giraud, rapporteur. Très bien !
M. Paul Blanc. Nous savons que seuls fonctionnent les messages répétés, martelés. Toutes ces conduites ne sauraient en effet être banalisées, et notre vigilance ne doit jamais baisser.
Le sida en est un exemple dramatique. Selon plusieurs observatoires régionaux de la santé, les premiers signes d'un relâchement des comportements de protection sont constatés depuis bientôt quatre ans. A une perception plus floue du risque s'ajoute un désintérêt à l'égard de la maladie, en raison de l'arrivée des trithérapies et de la baisse des attitudes d'exclusion vis-à-vis des malades. Le renforcement des actions est indispensable, notamment auprès des personnes les plus exposées.
Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas ériger le sida « grande cause nationale » en 2005, comme certains le préconisent ?
Cet objectif du développement de la prévention est, selon moi, l'un des deux grands axes forts de ce projet de loi, le second étant la fixation des différents objectifs de santé publique qui doivent être notre priorité. Ceux-ci s'inscrivent dans la droite ligne des priorités définies par le Président de la République lors de son allocution du 14 juillet 2002 : la lutte contre le cancer, l'étude de l'impact des phénomènes de violence et de dépendance sur la santé, la santé et les phénomènes environnementaux, la recherche et la formation.
Ce double objectif se traduit très concrètement dans votre projet de loi, monsieur le ministre.
Ainsi, le titre Ier du texte réorganise notre système de définition et de gestion de la politique de santé publique nationale et régionale.
Le rôle régalien de l'Etat dans la politique de santé publique est réaffirmé solennellement. En outre, le texte procède à une simplification et à une clarification des rôles indispensables. Le chapitre Ier simplifie les instances nationales en créant le Haut Conseil de la santé publique et le Comité national de santé publique. Le chapitre II organise la santé publique à l'échelon régional.
Il s'agit simplement, pour être à la hauteur des enjeux dont nous avons mesuré l'importance, de définir clairement les responsabilités de chacun. Dans notre système républicain, l'Etat est le garant des grandes orientations, de l'unité nationale et de l'égalité de traitement entre les régions. Ces dernières se voient, quant à elles, confier la déclinaison régionale de la politique de santé définie au niveau national. Chacune des crises sanitaires de ces dernières années a illustré la nécessité d'une coordination au niveau de l'Etat dans les politiques de santé. Ce texte donne un cadre clair à cette répartition de responsabilité, condition indispensable à une décentralisation réussie.
Je me félicite de ce que le Parlement soit appelé à voter les objectifs de santé publique. Il sera tenu informé de leur suivi annuellement et s'assurera de leur évaluation tous les cinq ans.
Au sein des régions, les conférences régionales de santé deviendront le lieu du débat et de la définition de la politique de santé publique. Tous les acteurs concernés, qu'il s'agisse des professionnels de santé, des usagers des associations ou des unions régionales des caisses d'assurance maladie, les URCAM, ou encore, bien sûr, des collectivités locales engagées dans ce domaine, pourront s'y exprimer. Nous espérons que les conférences régionales de santé seront un lieu de transparence et de dialogue, afin que les décisions ne soient plus annoncées comme un fait accompli aux différents partenaires, notamment aux conseils régionaux, par une administration peu encline à la transparence.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour que ces conférences régionales de santé soient transformées en structures permanentes de concertation et de débat, où l'ensemble des acteurs de la santé apprendront à mieux se connaître, à appréhender en commun les besoins et les objectifs de santé, à s'entendre sur les moyens à mettre en oeuvre pour promouvoir un système de prévention et de soins plus efficace. Ce ne sera pas simple. De nombreux efforts seront nécessaires de part et d'autre afin de permettre la concrétisation efficace des plans régionaux de santé publique qui seront adaptés aux spécificités de chaque région.
Le titre II du projet de loi vise à renforcer et à adapter les instruments dont dispose l'Etat pour conduire efficacement sa politique de santé publique, qu'il s'agisse de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, des groupements d'intérêt public régionaux, de l'Institut national de veille sanitaire, l'INVS. Des adaptations sont prévues dans ce titre en matière tant de politiques de vaccination, de lutte contre le sida que de maladies sexuellement transmissibles, les MST.
Les groupements régionaux de santé publique auront pour mission de mettre en oeuvre les programmes régionaux de santé publique aux côtés des préfets. Leur rôle sera essentiel. Dans la rédaction actuelle du projet de loi, il est prévu que ces groupements se réuniront sous la présidence du représentant de l'Etat.
Nous avons tous bien compris - les événements récents l'ont démontré - l'absolue nécessité, en cas de crise, de disposer d'un responsable régional bien identifié. Cette instance sera au premier rang en cas d'alerte sanitaire et dans la gestion des situations d'urgence. Le débat sur la personnalité qui les présidera sera donc stratégique.
Le titre III du projet de loi concerne les objectifs de santé publique et la mise en oeuvre des grands plans nationaux. Sont soumis à l'approbation du Parlement des objectifs de santé publique pour 2004-2008 répondant à cinq plans stratégiques. Le titre III consacre la création, voulue par M. le Président de la République, de l'Institut national du cancer.
Le « plan cancer » montre, s'il en était besoin, que ce projet de loi est extrêmement concret. Une lutte acharnée doit être engagée contre le cancer, qui est la deuxième cause de mortalité en France. Nous nous en donnons les moyens à travers votre action, monsieur le ministre. Ce plan devrait nous permettre de rattraper notre retard en matière de prévention et de dépistage, mais également de faire disparaître les discriminations implicites dans l'accès aux soins selon la proximité géographique et la disponibilité des structures spécialisées de diagnostic comme de soins.
De même, ce projet de loi vise à améliorer le vaste domaine de la santé et de l'environnement, en particulier dans la réglementation de l'eau et du saturnisme.
Le titre IV concerne la recherche et la formation en santé. Il crée notamment une école des hautes études en santé publique sous forme d'un réseau, en partenariat avec les universités, tout en préservant la spécificité de l'actuelle école de Rennes.
Cette création est un investissement pour l'avenir. En effet, nous manquons cruellement d'experts en santé publique, une filière méconnue des jeunes en formation. Pourtant, un nombre plus important de diplômés serait certainement source d'une meilleure compréhension entre les acteurs de la santé publique.
Dans cet esprit, l'annonce de la réforme de la formation médicale continue, visant plus à motiver les acteurs qu'à les sanctionner, nous paraît particulièrement opportune. Quand on connaît la rapidité de l'évolution des connaissances et des pratiques - j'en parle en connaissance de cause -, l'obligation de se former imposée aux médecins voilà deux ans prend tout son sens, et les dispositions sur la formation médicale continue en facilitent la concrétisation.
S'agissant de la recherche biomédicale, un important travail de réforme a été accompli, afin de moderniser la loi Huriet-Sérusclat et de transposer la directive de 2001 relative à ces sujets. Je voudrais à cette occasion saluer le travail des rapporteurs sur l'ensemble du projet de loi et particulièrement sur ce chapitre, domaine qui a toujours beaucoup passionné notre Haute Assemblée.
Pour toutes ces raisons, qui ne sauraient être exhaustives, le groupe UMP considère que ce projet de loi représente un important progrès pour la santé publique, qu'il est un préalable indispensable à la réforme de l'assurance maladie à laquelle nous procéderons au cours de cette année. Nous le voterons bien entendu avec détermination, tel qu'amendé par notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, vous nous aviez annoncé une grande loi d'orientation,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est fait !
M. Guy Fischer. ... mais je veux exprimer aujourd'hui la déception de nombreux professionnels de santé.
Non seulement il ne s'agit pas de la loi de programmation que vous aviez promise mais, en plus, les orientations politiques sous-tendues par ce texte sont contestables. L'annonce de cent objectifs n'y change rien : nous déplorons le manque d'objectifs concrets, l'absence de moyens financiers, de même que les lacunes et les dangers que ce texte recèle.
Certes, quelques mesures y ont été intégrées. Ainsi vous avez ajouté le titre II bis consacré à la modernisation du système de veille, d'alerte et de gestion des situations d'urgence, pour faire oublier vos lourdes responsabilités dans le drame de la canicule de l'été passé.
Cinq mois après la première lecture de ce projet de loi par l'Assemblée nationale, nouveau contexte de crise sanitaire oblige, le Gouvernement tente d'ajouter à la hâte une disposition de nature, selon lui, à prévenir et à gérer le risque de prolifération de légionelles dans les tours aéroréfrigérantes !
Par ailleurs, vous créez une école des hautes études en santé publique et vous abordez le dispositif de lutte contre le saturnisme et les risques d'infection par l'eau.
Enfin, l'Assemblée nationale a rétabli les conférences régionales de santé, qui avaient été initialement supprimées.
Mais ces mesures ne peuvent suffire à masquer les lacunes de ce texte qui ne donne pas de véritables moyens ni ne fixe d'objectifs à long terme. J'en veux pour preuve supplémentaire les soixante-huit amendements que le Gouvernement a déposés au Sénat pour tenter ainsi de faire face aux critiques venant de toute part selon lesquelles ce texte manque d'ambition.
Conscients de cet état de fait, nos collègues députés se sont eux aussi employés à compléter le texte initial, de manière plus ou moins opportune si j'en juge le tollé général soulevé par l'amendement Accoyer encadrant la profession de psychothérapeute. Une large concertation des organismes représentatifs de la profession et un grand débat national sur la santé mentale dans notre pays constituaient un préalable que nous défendrons par le biais d'amendements.
Les orientations politiques qui sont les vôtres, monsieur le ministre, vont à l'encontre des objectifs que vous affichez et de la protection sanitaire de notre population.
Vous affirmez la responsabilité de l'Etat dans la gestion de notre système de santé, mais vous la concentrez en une structure pyramidale qui va à l'encontre de la nécessaire démocratie sanitaire et de la concertation avec tous les acteurs de terrain.
Vous prétendez vouloir mettre de l'ordre dans une « myriade de structures », source d'une confusion des responsabilités, mais vous fondez le Haut Conseil de la santé et le Conseil supérieur de santé publique qui conserve pour l'essentiel les missions de deux institutions supprimées. Vous regroupez le Comité national de sécurité sanitaire et le Comité technique national de prévention en un Comité national de santé publique, dont les attributions entremêlent, selon nous, coordination, conseil et contrôle financier. Vous déplacez la complexité du plan national au plan régional et vous créez une structure nouvelle, le groupement régional de santé publique.
En définitive, vous ajoutez de nouvelles strates administratives de décision pour brouiller un peu plus les responsabilités et permettre ainsi à l'Etat de se défausser.
Le préfet de région devient le garant du plan régional de santé publique, mais les circuits administratifs n'en sont pas pour autant simplifiés ni centralisés à son niveau, puisque chaque administration conserve son autonomie d'action.
De plus, vous aggravez les inégalités entre les régions en matière d'accès aux soins et vous concentrez les pouvoirs entre les mains de financeurs.
Par ailleurs, vous ne craignez pas la contradiction en faisant l'éloge de la prévention qui profiterait aux plus défavorisés, alors que, dans le même temps, vous restreignez notamment l'accès à l'aide médicale d'Etat.
Vous ne faites aucune allusion aux populations les plus défavorisées : comment permettre à dix millions de Français qui ne bénéficient pas de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU, d'accéder gratuitement aux soins ? Tout cela pénalise en réalité des populations qui sont déjà en grande difficulté.
Je pourrais évoquer aussi le témoignage du groupement des associations d'éducation pour la santé, qui s'inquiète du fait que ses missions auprès des professionnels et de la population ne sont pas reconnues dans ce projet de loi, et ce dans un contexte de restrictions budgétaires où l'activité de l'ensemble des associations de prévention est actuellement menacée.
Vous prétendez, monsieur le ministre, tirer les leçons - tardivement - de la catastrophe sanitaire liée à la canicule de cet été. Vous faites un mea culpa bien modeste, puisque, dans le même temps, vous prenez des mesures qui sont à l'opposé des besoins sanitaires des personnes âgées. Ainsi qu'en est-il du gel du plan de médicalisation des maisons de retraite, ou de la restriction des critères d'attribution de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA ?
Plus généralement, vous augmentez le forfait hospitalier, vous déremboursez des médicaments et vous faites la chasse aux affections de longue durée. Ce sont autant de mesures qui viennent contredire, à notre sens, votre volonté affichée d'adopter des dispositions en faveur de la santé des plus défavorisés.
A vouloir en présenter trop, il est très difficile de dire quels sont les objectifs concrets. Vous annoncez cent objectifs sans les hiérarchiser et sans qu'ils aient toujours donné lieu à concertation. Il ne s'agit ni plus ni moins que d'un catalogue de bonnes idées sans programme concret et sans moyens.
Votre projet de loi est muet sur un pan important, à savoir la prévention en matière de santé au travail et de santé environnementale - pour notre part, nous y insisterons -, bien que vous en ayez beaucoup parlé lors de votre intervention liminaire, monsieur le ministre.
Mon collègue Yves Coquelle reviendra sur cette question, mais je prendrai l'exemple d'un dossier que je suis de très près dans le département du Rhône : le combat pour la reconnaissance de sites amiantés, notamment chez Renault Trucks et Irisbus, des sociétés qui voient régulièrement leur demande rejetée alors que le nombre de cancers et de décès se multiplie et que la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a émis par deux fois un avis favorable.
Et si le temps ne m'était pas compté, je pourrais parler également de la prévention du suicide chez les jeunes. Ce sont là autant de grands problèmes de santé publique sur lesquels votre projet est plus que modeste, voire muet.
S'agissant des financements, nous regrettons qu'aucun financement spécifique n'ait été prévu. Certes, vous me direz qu'ils l'ont été dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et que des annonces ont été faites quant au plan cancer. Toutefois, admettez, monsieur le ministre, que ce projet de loi est totalement dépourvu d'engagements financiers. Vous refusez en réalité d'accroître les dépenses sociales pour vous conformer aux critères de Maastricht.
Quant à l'assurance maladie, elle souffre des effets conjugués de la hausse du chômage et d'une politique sans précédent d'exonération de charges patronales, accusant ainsi un déficit abyssal. Or, on annonce, durant les congés des Français, une réforme par voie d'ordonnance, reprenant ainsi la méthode qui a prévalu lors de la réforme des retraites, chère à M. Juppé.
Qui va donc payer ? Pour l'essentiel, comme pour les retraites, ce seront les assurés sociaux, déjà largement mis à contribution par vos précédentes mesures ! Allez-vous supprimer des actions, comme le laisse supposer votre plan « Hôpital 2007 », qui réduit de façon drastique les crédits des hôpitaux, lesquels sont déjà étranglés par des années de restrictions ? Allez-vous faire payer les régions, celles qui le pourront, accroissant les inégalités des citoyens devant des droits universels ?
En outre, ce texte contient des lacunes et présente des dangers. Ainsi, il n'aborde aucunement la question de la formation initiale des professionnels de santé. Vous savez pourtant combien le manque est criant.
S'agissant du plan cancer, vous créez l'institut national du cancer. Les scientifiques, les médecins, les cancérologues auraient voulu une discussion scientifique préalable.
On ignore encore les fonctions précises de cet institut, qui seront certes définies, et les articulations avec les organisations existantes, notamment avec l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM.
A propos de l'INSERM, je le souligne, vous réussissez une nouvelle fois à faire l'unanimité contre vous : une pétition signée par plus de 5 000 chercheurs français - et non des moindres ! - entend protester contre ce qu'ils n'hésitent pas à nommer une « destruction programmée de l'appareil de recherche français ».
En effet, tandis que vous multipliez les effets d'annonce sur le plan cancer et les nanotechnologies, vous vous gardez de dire que vous fermez le secteur de la recherche, à coup de baisse des crédits et des recrutements.
Ainsi, l'INSERM voit son recrutement passer de 95 postes en 2003 à 30 postes en 2004, et vous remplacez 550 emplois titulaires dans les établissements publics à caractère scientifique et technique par des contrats à durée déterminée de trois ans renouvelables.
Monsieur le ministre, à notre sens, vous menez une politique de poudre aux yeux.
Je vous ferai le même reproche que ceux que je vous ai adressés lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme lors de l'examen du volet santé du projet de loi relatif aux responsabilités locales, par le biais duquel vous aviez largement anticipé sur ce projet de loi : vous rendez à dessein illisible votre politique en émiettant les mesures dans une multitude de textes législatifs ou réglementaires.
Nous ne sommes pas dupes, et nous le disons haut et fort, notamment lorsque nous rencontrons les professionnels, très amers devant la politique que vous conduisez en matière de santé, et qui sont profondément choqués de n'avoir aucunement été consultés.
Sans être naïfs sur la portée de ce texte qui porte en germe de nombreux abandons et qui s'inscrit pleinement dans la logique gouvernementale visant à réduire l'accès aux soins, en faisant supporter des charges de plus en plus lourdes aux familles, nous avons tout de même fait le choix de nous inscrire dans le débat en proposant soixante amendements.
Il n'en demeure pas moins, monsieur le ministre, que nous restons totalement opposés à la vision qui est la vôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. En montant à cette tribune, je viens vous dire, monsieur le ministre, au nom de la population guyanaise, qu'il est temps, qu'il est grand temps que l'on se penche sur la santé en Guyane et sur la santé de la Guyane.
Aux grands maux les grands remèdes, et le texte que vous nous présentez aujourd'hui, enrichi des améliorations que les parlementaires apporteront, trouvera la plénitude de sa force et de son application dans la France hexagonale. Qu'en sera-t-il outre-mer et plus particulièrement en Guyane ?
En effet, vous le savez, les mesures que vous voulez prendre me semblent être compatibles avec la réalité socio-économique, médicale et culturelle de la France hexagonale.
Vous pouvez d'ores et déjà être assuré, monsieur le ministre, que nous soutiendrons votre action et, par voie de conséquence, vous pouvez espérer que nous émettrons un vote favorable sur votre projet de loi.
S'agissant de l'outre-mer, et singulièrement de la Guyane, les indicateurs de santé sont notoirement médiocres : l'espérance de vie y est inférieure de quatre ans à celle de la France hexagonale ; le taux de mortalité infantile est de 12,5 % en Guyane, contre 4,6 % en métropole ; le taux de mortalité périnatale est de 19,5 % en Guyane et de 7 % en France hexagonale ; enfin, le taux de mortalité, qui était de soixante-cinq décès pour cent mille naissances lors de la période 1987-1990, est passé à soixante-dix-neuf décès pour cent mille naissances entre 1993 et 1997, alors qu'il n'est que de neuf décès pour cent mille naissances en métropole. On observe ainsi en Guyane une « surmortalité » de 40 %.
Quant à la politique vaccinale, un récent rapport dénonce avec insistance son inexistence en Guyane. C'est injuste et insupportable.
Les affections cardiovasculaires sont la première cause de décès, les tumeurs la seconde. Les particularités notables sont, entre autres, la surmortalité par maladies infectieuses, la prévalence très forte du diabète et le taux d'accidents de la route.
Sur le plan des moyens humains, la situation est alarmante ! La démographie médicale est la plus faible de France, avec trois fois moins de généralistes et de spécialistes qu'en France hexagonale. Il faut résoudre cette faiblesse de la démographie médicale et, pourquoi pas, autoriser, comme cela se fait à Saint-Pierre-et-Miquelon, le préfet à recruter, par arrêté, des médecins de nationalité étrangère.
Sur le plan des moyens matériels, la Guyane ne disposant pas du plateau technique adapté à de nombreuses pathologies, les Guyanais sont contraints de prendre l'avion pour se faire soigner tant aux Antilles que dans l'Hexagone.
La commission des affaires sociales du Sénat avait relevé, dans la conclusion de son rapport sur la situation sanitaire et sociale en Guyane, deux conditions indispensables à l'amélioration de cette situation : la nécessité d'un accompagnement puissant de la croissance et l'indispensable adaptation des politiques publiques au contexte guyanais.
Cet état des lieux bien connu depuis plusieurs années ne peut être perpétuellement décrit et analysé passivement, en espérant une amélioration miraculeuse par l'usure du temps.
Le défi de la santé en Guyane est immense. Il constitue un challenge pour notre région, une obligation de résultats pour la population, mais aussi une formidable opportunité pour nos nouvelles générations qui cherchent des débouchés valorisants.
Il est grand temps de ne plus être que le spectateur fatigué de nos insuffisances et de faire place à des acteurs engagés, hautement qualifiés et reconnus pour conduire la mise à niveau du secteur de la santé de la Guyane.
Le secteur de la santé, pris au sens large, peut devenir l'un des vecteurs du développement économique de la Guyane, tout en répondant aux nécessités de prise en charge sanitaire de la population.
Le chapitre de la prévention qui figure dans votre projet de loi, monsieur le ministre, mérite un soutien indispensable.
Les actions de prévention contre le sida qui sont menées en Guyane doivent être accompagnées. C'est en effet en Guyane que l'on trouve le plus fort taux de sida, le plus fort taux de paludisme, le plus fort taux de n'importe quelle pathologie. Le déficit en matière de santé publique est donc extrêmement important et il convient de le combler.
Votre texte, monsieur le ministre, doit prévoir des adaptations particulières, afin que soient effacées ces mauvaises photographies de la situation sanitaire de ce pays.
Dans le domaine des soins, je sais que vous avez pris des engagements. Nous comptons fermement qu'au cours de cette année les autorisations d'équipements lourds en cours - imagerie par résonance magnétique à Cayenne et Saint-Laurent, scanners à Cayenne et Kourou et radiothérapie - se concrétiseront rapidement grâce à un soutien majeur et coordonné entre tous les porteurs de projets.
Un pôle de référence de cancérologie sur Cayenne - je sais que M. le Président de la République est très attentif à cette action - devra être fortement encouragé afin d'arrêter les traitements des patients à distance de leurs familles. Le rapprochement entre les secteurs public et privé doit être soutenu activement selon les directives du plan cancer 2003.
Le développement complet des nouvelles technologies de l'information et de la télécommunication est un préalable indispensable au rattrapage en matière de santé de la Guyane.
Les travaux de télédétection sont réalisés à Kourou avec des moyens extraordinaires et ils apportent des solutions rapides à certains problèmes. L'échange sécurisé de données médicales entre tous les acteurs de santé de la Guyane et en dehors de la Guyane permettra de pallier en partie les carences dans plusieurs secteurs géographiques de ce vaste pays.
La création d'une structure d'hébergement avec un projet thérapeutique pour toxicomanes en dehors d'un centre-ville est également nécessaire afin de compléter la chaîne de la prise en charge et commencer à assainir les grandes agglomérations.
Enfin, dans le domaine de la recherche, il faut mettre en place un système de santé performant qui s'adosse à des unités de recherche.
Le premier axe de recherche concerne l'épidémiologie en Guyane. Mieux connaître l'incidence des différentes pathologies me paraît extrêmement urgent.
Le déploiement d'unités de recherche se doit aussi d'être soutenu, notamment dans les secteurs des pathologies infectieuses tropicales tels que le paludisme, la dengue et le virus HTLV1.
Le secteur de la santé devient donc un véritable enjeu de développement économique. Un bon niveau de prise en charge des malades contribue fortement à l'attractivité d'une région pour tous les investisseurs, les touristes, et favorise la paix sociale.
La fierté d'une population se mesure aussi à sa capacité à soigner tous ses ressortissants. Au vu du niveau actuel des connaissances, la Guyane peut relever le défi.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande d'accéder au souhait de tous les acteurs de santé de la Guyane en créant une commission spéciale chargée d'apprécier les conditions de mise en oeuvre de la politique de santé publique en Guyane et de proposer, conformément à la Constitution française rénovée, les mesures d'adaptation nécessaires au projet de loi que vous présentez aujourd'hui devant la Haute Assemblée et qui, j'en suis persuadé, recueillera un avis favorable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans notre pays, des centaines de milliers de nos concitoyens oeuvrent chaque jour pour la santé publique, avec des responsabilités et des fonctions très diverses, des plus humbles aux plus nobles. Compétences, talents, dévouements, engagements sont mis au service de cette grande cause qu'est la santé publique. Par ailleurs, nombre d'élus locaux sont membres de conseils d'administration d'établissements hospitaliers.
N'avons-nous pas lu dans la presse nationale, voilà quelques semaines, que l'hôpital était au bord de l'implosion ? Inutile de dire, monsieur le ministre, l'intérêt que les acteurs de santé publique portent à nos discussions, d'autant que vous avez su faire rêver en annonçant une loi de programmation, puis une loi d'orientation, pour, finalement, nous présenter un simple projet de loi sans aucun engagement financier.
La santé est une formidable exigence sociale. Elle se manifeste tout au long de la vie, du tout début à l'extrême fin, avec des exigences de plus en plus fortes, de plus en plus jugées par nos concitoyens qui nous l'ont dit si souvent en ce début d'année : « D'abord la santé. »
L'activité humaine dispose aujourd'hui de moyens, de technologies de plus en plus efficaces, sophistiqués, parfois dangereux, capables du meilleur et du pire vis-à-vis d'une planète qu'on sollicite de plus en plus, et d'un être humain, résultat d'une lente évolution, mais dont le trait dominant reste la fragilité. Et pourtant, parce qu'il est fragile, c'est bien l'homme qui doit être au coeur de nos préoccupations, avec le souci de le protéger contre lui-même et contre la société, dans le respect de sa liberté individuelle, mais en y intégrant aussi des exigences sociétales.
La santé publique se doit, dans la mise en oeuvre de ses objectifs, de permettre à tout un chacun de bénéficier d'une manière durable d'un égal accès à la santé. C'est à l'Etat d'y veiller et c'est au législateur de le décider.
La santé est une exigence globale et ne saurait se limiter à la demande et à l'offre de soins. Elle est aussi une exigence individuelle qui ne saurait accepter, sans tenter d'y remédier, des disparités selon la condition sociale ou le lieu où l'on vit dans la République.
Doit-on en appeler à la devise de la République, et plus particulièrement à sa deuxième exigence : l'égalité ? Qu'en est-il, monsieur le ministre, de l'égalité au regard du milieu social en matière de santé publique ?
Les inégalités sociales devant la mort sont anciennes et relativement bien connues. Dans la vision d'une médecine curative toute-puissante, on a longtemps pensé que ces inégalités traduisaient les différences d'accès aux soins en fonction du milieu social ou des revenus.
Les inégalités sociales en ce qui concerne l'accès aux soins restent importantes. On peut affirmer qu'à la fin du xxe siècle, en France, les catégories sociales se distinguent entre elles par des durées de vie très inégales, que les progrès scientifiques et techniques de la médecine n'ont pas permis de réduire.
Ainsi, à trente-cinq ans, les hommes qui sont cadres de la fonction publique ou qui appartiennent à une profession intellectuelle ou artistique peuvent encore espérer vivre en moyenne quarante-six ans, soit une durée de vie totale de quatre-vingt-un ans. Toujours à trente-cinq ans les ouvriers non qualifiés n'ont une espérance de vie que de trente-sept ans, soit neuf ans de moins que les premiers, ce qui est considérable.
S'agissant des femmes, constat est fait que la mortalité des femmes mariées n'ayant pas d'activité professionnelle est influencée très fortement par la position sociale du mari : pour une mortalité de référence égale à un, les femmes de cadre ou de membre d'une profession libérale ont un indice de mortalité de 0,8, alors que cet indice est de 1,8 pour celles dont le mari est ouvrier.
Ce constat doit nous conduire politiquement à nous interroger sur la réalité de la solidarité pour réduire l'inégalité des chances constatées vis-à-vis du droit constitutionnel à la santé. Le faisons-nous vraiment dans ce projet de loi de santé publique ?
A l'écoute de l'excellent rapport qu'a fait à la commission des affaires sociales notre rapporteur Francis Giraud, je m'étais pris à rêver : « La définition proposée des actions et des objectifs de santé publique dépasse la conception traditionnelle centrée autour des pathologies lourdes pour intégrer d'autres déterminants tels que la réduction des inégalités de santé, la prise en compte des populations les plus fragiles ainsi que les risques éventuels pour la santé causés par l'environnement, le travail, les transports et l'alimentation. »
Cependant, l'émoi positif provoqué par ce discours que nous aurions pu écrire fut de courte durée. A ce moment de plaisir fugace s'est rapidement substituée la déception de ne pas entendre parler des moyens humains et financiers nécessaires pour concrétiser le propos.
Monsieur le ministre, votre démarche est conceptuellement séduisante, mais elle risque fort d'être inopérante au regard des situations rencontrées si vous ne disposez pas des moyens nécessaires.
Le précédent gouvernement avait tenté de remédier aux disparités régionales en mettant en place un système de péréquation. Le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale publié en septembre 2003 nous indique qu'au titre de la réduction des inégalités entre régions « un montant de 101 millions d'euros a été prélevé sur les régions contributrices au profit des régions défavorisées. Ce montant ne représente que 0,24 % des dotations finales, comme en 2000 et 2001 ».
La mise en oeuvre de la tarification à l'activité constituera-t-elle une réponse à ces problèmes ? Tel ne sera pas le cas pour les secteurs comme la psychiatrie, qui en sont exclus. N'oublions pas également que ce dispositif ne sera totalement opérationnel que dans dix ans.
Comment entendez-vous donner à la politique de santé publique tout son sens, monsieur le ministre, si vous renoncez à prendre ce problème à bras-le-corps ? Pourtant il est possible de remédier à cette situation. Notre collègue M. Pastor en témoigne au travers de sa proposition de loi sur la présence médicale en zone rurale. Des dispositifs incitatifs, notamment sous forme de bourses, mériteraient d'être étendus géographiquement pour faciliter l'installation ou le maintien de jeunes paramédicaux dans nos régions défavorisées.
M. Claude Domeizel. Très bien !
M. André Vantomme. Cela vous a déjà été demandé, monsieur le ministre. La discussion d'aujourd'hui est l'occasion de revenir de nouveau sur cette exigence forte d'égalité en matière de santé publique et de vous questionner, afin d'être informés des initiatives que vous envisagez de prendre s'agissant de ce problème à la fois majeur et récurrent.
Monsieur le ministre, le souci d'égalité n'est pas contraire à la définition de priorités et, parmi celles-ci, il nous semble majeur d'inscrire dans la loi toute l'attention que nous devons aux populations fragilisées. Cela va de soi, mais cela va mieux en le disant. Nous voudrions donc qu'il soit précisé que l'accès à la prévention et aux soins des populations fragilisées - les personnes âgées, les personnes incarcérées, les personnes démunies, les jeunes - constitue un objectif prioritaire de santé publique.
De même, pour nous, cette attention aux plus fragiles va également de pair avec notre souci de faire de la politique de santé publique l'affaire du plus grand nombre.
Nous souhaiterions vivement que les acteurs du système de santé, les usagers, les professionnels, les organismes d'assurance maladie, les mutuelles soient aussi mobilisés au côté de l'Etat.
M. Claude Domeizel. Il a raison !
M. André Vantomme. Nous serons très attentifs, monsieur le ministre, au respect d'un certain équilibre dans les organismes que vous souhaitez mettre en place. La politique de santé publique doit transparence et reconnaissance à l'ensemble de ses acteurs.
La loi du 4 mars 2002 allait dans ce sens. Oublier les associations de malades, les professionnels de santé, les mutuelles, constituerait une réelle régression pour la démocratie sanitaire.
Monsieur le ministre, il est également un domaine où nous devons mener une réflexion dans le cadre de la politique de santé publique : il s'agit de la médecine nucléaire.
Le tomographe à émission de positons oeuvre dans trois grands domaines médicaux : la cancérologie, la cardiologie et la neurologie. Ce matériel de haute technologie utilise la scintigraphie, technique médicale qui informe sur le fonctionnement d'un organe, et pas seulement sur sa forme. La scintigraphie permet d'approcher par l'image les anomalies biologiques et moléculaires caractéristiques d'un processus pathologique, et non plus seulement les déformations anatomiques tardives que la maladie fera subir à l'organe touché.
Inutile de dire que le corps médical trouve beaucoup de satisfactions et d'espoirs dans l'utilisation de cet équipement pour affronter les maladies.
Environ quatre cent cinquante machines sont actuellement opérationnelles aux Etats-Unis, quatre-vingt-cinq en Allemagne et vingt-cinq en Belgique.
Dans notre pays, les implantations de cet équipement sont déterminées par une carte sanitaire prévoyant l'autorisation de soixante équipements au total, soit une densité de un par million d'habitants, et treize appareils de ce type seraient actuellement opérationnels.
Le coût de cet appareil avoisine les 3 millions d'euros.
Monsieur le ministre, dans ce domaine d'avenir, notre pays semble en retard pour l'implantation de ce type d'appareil, qui laisse pourtant espérer des progrès majeurs dans la lutte contre le cancer, cause de mortalité précoce avant soixante-cinq ans, comme les accidents de la route et les suicides.
La politique volontariste menée par le Gouvernement en matière de sécurité routière donne d'excellents résultats, même si tout est toujours perfectible.
Qu'envisagez-vous, monsieur le ministre, pour accélérer l'équipement de notre pays en tomographes à émission de positons et réduire une cause de mortalité précoce qui peut tous nous frapper ?
En matière de santé publique, il est une catégorie de nos concitoyens qui mérite tout particulièrement notre attention ; vous avez évoqué leurs problèmes dans les préoccupations que vous avez exprimées : il s'agit des malades qui sont atteints de maladies rares. On compte parfois quelques cas par an dans notre pays.
Ces patients et leurs familles éprouvent souvent un sentiment de désespoir et d'abandon face au drame qu'ils vivent. Certes, par la mobilisation des associations qu'ils ont créées, par l'opiniâtreté et la motivation des équipes médicales qui tentent de trouver les thérapies salvatrices, des actions sont entreprises. Mais les progrès sont lents au regard du caractère évolutif de certaines maladies, qui sont d'autant plus cruelles qu'elles frappent des enfants à l'espérance de vie encore faible.
Monsieur le ministre, dans ce texte de politique de santé publique qui évoque bien peu la dimension européenne, la France ne devrait-elle pas être initiatrice de projets qui mettraient à l'appui de tout ce qui est actuellement entrepris les moyens humains et financiers de la communauté européenne, dans le cadre d'une collaboration spécifique et renforcée qui redonnerait espoir aux patients et à leurs familles ?
Enfin, monsieur le ministre, je ne voudrais pas conclure ce propos sur la politique de santé publique sans évoquer de nouveau la situation de la psychiatrie dans notre pays. Elle tient une place à part dans notre système de santé, comme en atteste le fait que, contrairement aux autres disciplines médicales, elle n'est pas comptatible avec le programme de médicalisation des systèmes d'information hospitaliers, le PMSI.
Il serait particulièrement regrettable que les discussions sur l'amendement Accoyer et la psychothérapie occultent totalement une discipline qui tente d'apporter des réponses diversifiées et de qualité aux souffrances d'un nombre important de nos concitoyens.
M. Francis Giraud, rapporteur. C'est parfaitement exact !
M. André Vantomme. La psychiatrie se voit de plus en plus sollicitée en toute occasion, mais les moyens mis à sa disposition ne sont généralement pas en rapport avec ceux qui lui seraient nécessaires : moyens humains, médicaux et paramédicaux bien sûr, avec de fortes disparités régionales ; moyens financiers pour conserver au patient sa place au coeur du dispositif de soins. La tâche est ardue.
Vous avez à votre disposition, monsieur le ministre, le rapport Cléry-Melin, vous pouvez engager avec les représentants médicaux et paramédicaux de la psychiatrie un dialogue qui vous permettra de hiérarchiser les priorités à mettre en oeuvre. C'est, je crois, une tâche urgente. Il ne saurait y avoir de bonne politique de santé publique si l'on néglige la santé mentale.
Monsieur le ministre, la discussion de ce projet de loi de santé publique sera, je l'espère, constructive. Puisse-t-elle permettre de dégager les lignes de force qui soit ront les réponses aux attentes des acteurs de santé publique. Souhaitons que ce projet de loi ne soit pas un catalogue, un fourre-tout de mesures disparates.
Tout au long du débat, par des amendements, le groupe socialiste tentera d'améliorer le texte que vous nous proposez. De l'écoute et de la compréhension à l'égard de nos propositions dépendra le jugement que nous porterons sur la manière dont vous mettrez en oeuvre la politique de santé publique avec les moyens appropriés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est un très bel exposé !
M. Francis Giraud, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la canicule de l'été et ses dramatiques conséquences sur la santé des personnes âgées ou fragiles, après les cas de maladies nosocomiales contractées par bon nombre de personnes hospitalisées, c'est maintenant une épidémie de légionellose sans précédent dans notre pays qui sévit depuis deux mois dans le Nord - Pas-de-Calais. Elle affecte plus de soixante-dix personnes et a déjà fait neuf victimes.
Cette crise sanitaire majeure agit comme le révélateur des graves insuffisances du système de santé dans ma région.
Je ne veux pas ici, monsieur le ministre, brosser un tableau plus noir qu'il ne faut ; je souhaite simplement vous faire part de la triste réalité d'une région qui ne cesse de prendre des coups.
L'espérance de vie dans le Nord - Pas-de-Calais est inférieure de six à sept ans à la moyenne nationale. Les raisons en sont multiples.
La pénibilité du travail des mineurs a marqué et marque encore notre région. Le taux de chômage élevé, la pauvreté de nombreux ménages, l'absence de médecine préventive à l'école, sur les lieux de travail et pour les nombreux demandeurs d'emploi font partie des causes de cette situation sanitaire difficile. Mais il en est bien d'autres, monsieur le ministre.
La région Nord - Pas-de-Calais, qui compte un peu plus de 4 millions d'habitants, dispose d'environ 110 professeurs de médecine et de chirurgie. La région d'Ile-de-France, quant à elle, avec 10 millions de personnes, dispose de plus de 1 000 professeurs. Si ceux-ci ne sont pas trop nombreux en Ile-de-France, ils sont notoirement insuffisants dans la région Nord - Pas-de-Calais.
Concernant les médecins spécialistes, là aussi, les carences sont flagrantes. Il n'est pas rare que les délais d'attente pour consulter un ophtalmologiste, un cardiologue, un rhumatologue, un pneumologue, voire un pédiatre, varient de plusieurs semaines à quelques mois.
Les trois hôpitaux construits lors de la glorieuse époque des houillères ont été restructurés en un seul hôpital, certes plus moderne et mieux équipé, mais le nombre de lits n'y est plus. Il en manque 150 par-ci, 200 par-là.
En 2004, le département du Pas-de-Calais, avec 1 400 000 habitants, n'a toujours pas de CHU.
Monsieur le ministre, je voudrais insister sur un autre phénomène, tout aussi grave : les rappels à l'ordre incessants du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie d'Arras auprès des médecins parce qu'ils accomplissent trop d'actes ou auprès des infirmiers et des kinésithérapeutes, qui sont amenés à fermer plusieurs jours par semaine parce qu'ils dépassent les quotas. Tout cela entraîne une dégradation flagrante du système de santé dans notre département.
Aujourd'hui, nous débattons de nouvelles propositions gouvernementales en matière de santé publique. Je sais que ces nouvelles mesures iront malheureusement encore dans le sens de nouvelles restrictions et qu'un véritable système de santé à deux vitesses va s'installer en France.
Dans notre bassin minier, nous en débattrons la semaine prochaine, les ayants droit mineurs qui bénéficient du système de la sécurité sociale minière craignent, selon moi avec raison, pour le devenir de cette institution. Sa disparition serait une véritable catastrophe pour les veuves de mineurs aux revenus modestes.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons admettre, d'une manière générale, ce système de santé à deux vitesses et encore moins dans une région qui souffre déjà des insuffisances notoires du système de santé publique.
Si nous voulons éviter à l'avenir les catastrophes que nous subissons depuis cet été, nous devons non pas réduire encore les prestations de la sécurité sociale en matière de santé mais au contraire les développer et les améliorer.
N'oublions pas que la France, au lendemain de la guerre, a instauré avec la sécurité sociale un système de santé qui garantissait à chacun la possibilité de profiter des bienfaits de la médecine et de se soigner.
Ce système, qui est remis en cause depuis des années, l'est tout particulièrement par l'actuel gouvernement.
Nous revendiquons pour le Pas-de-Calais la création d'un centre hospitalier universitaire, qui désengorgerait le centre hospitalier régional de Lille, largement saturé. Nous insistons afin qu'un effort important soit réalisé pour mettre davantage de lits à la disposition des malades. Nous pensons que la vie de l'hôpital ne peut se concevoir en termes de réductions drastiques des dépenses ni en termes de rentabilité. Il faut qu'en France les malades puissent bénéficier de la même qualité de soin, quelle que soit la région concernée. Il convient de favoriser la venue dans notre région, qui malgré tous ses handicaps demeure une belle région, de nombreux spécialistes pour répondre à l'attente des malades. Il est également nécessaire de mettre en place une véritable médecine scolaire et du travail.
Par ailleurs, il faut faire en sorte que les entreprises à risques soient plus étroitement surveillées par la DRIRE, la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, et par la DDASS, la direction départementales des affaires sanitaires et sociales, qui ne disposent malheureusement pas à ce jour des moyens nécessaires pour mener à bien leurs missions de contrôle.
En effet, selon les propos des représentants de la DRIRE, la visite et le contrôle des usines à risques, en l'état actuel des moyens dont dispose cet organisme, prendraient plus d'un an et demi. Cette situation n'est pas acceptable : la DRIRE et la DDASS doivent être dotées des moyens nécessaires pour effectuer leur travail dans les meilleures conditions.
Monsieur le ministre, tout cela a un coût, certes, mais rien n'est plus important que la santé de nos concitoyens, et ce quelle que soit la région où ils habitent.
Le devoir de l'Etat est de tout mettre en oeuvre pour protéger et soigner ses populations. Nous craignons fortement que votre projet de loi sur la politique de santé publique n'aille pas dans ce sens. En attendant, nous déposons aujourd'hui, monsieur le ministre, une demande de constitution de commission d'enquête sur la légionellose, en espérant que toutes les leçons seront tirées de ce dramatique événement qui risque sinon, demain, d'affecter d'autres régions et d'autres populations. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Tous les orateurs qui se sont succédé ont mis l'accent sur des points intéressants, même si, naturellement, certaines interventions, de mon point de vue, se sont révélées plus en adéquation avec la réalité que d'autres.
Monsieur Barbier, je veux vous remercier. Nous avons la même préoccupation, notamment en ce qui concerne le rôle de l'Etat, et vous avez bien voulu défendre les GRSP, les groupements régionaux de santé publique, en arguant de leur rôle de coordinateur.
Vous avez évoqué les cent objectifs en disant qu'ils faisaient un peu catalogue ; cette critique a été reprise par certains intervenants et j'y reviendrai dans un instant. Mais je répète qu'il s'agit d'un tableau de bord et il est clair que si, dans cinq ans, nous n'avons pas atteint ces objectifs, alors, nous pourrons dire que notre politique n'a pas été assez énergique, assez efficace.
Je reviendrai également plus en détail sur le problème financier qui est apparu comme une préoccupation centrale, notamment à travers la question : pourquoi ne pas prévoir une loi de programmation assortie des moyens financiers ?
Je reconnais qu'il y a des disparités entre régions en termes de populations et que la région d'Ile-de-France, avec ses quelque douze millions d'habitants, constitue naturellement un cas particulier au regard des régions dont le nombre d'habitants est égal ou légèrement inférieur à un million.
De fait, quand on regarde la composition du GRSP, on constate que sont représentées l'ARH, agence régionale de l'hospitalisation, la DRASS, direction régionale de l'action sanitaire et sociale, l'URCAM, union régionale des caisses d'assurance maladie, ainsi que l'URML, union régionale des médecins libéraux ; en réalité, chaque groupement représente une population plus importante qu'il n'y paraît, et le tout sera de savoir démultiplier les modes d'organisation de ces GRSP.
Vous avez eu raison d'insister sur la régionalisation en disant qu'il ne fallait pas pour autant oublier les départements, les pays ou les communautés de communes ; nous en parlerons au cours de la discussion des articles.
Vous avez évoqué, à juste titre, le regroupement des stuctures en soulignant la nécessité de les renforcer et en disant qu'il s'agissait d'une réelle simplification si l'on avait un mode d'emploi approprié.
Vous avez terminé en précisant, je vous en remercie, que le risque zéro n'existait pas dans notre société. Il fallait, à un moment ou à un autre, que ce soit dit.
Monsieur Chabroux, je vous remercie d'abord d'avoir dit de ce projet de loi qu'il était pavé de bonnes intentions, que c'était une accumulation de voeux pieux, car je prends ces qualificatifs comme des compliments. (Sourires.)
Mais votre raisonnement m'a semblé un peu étrange. En effet, vous nous avez d'abord reproché de nous disperser en disant : « Il y a cent objectifs, il y a cinq thématiques, donc naturellement la déception sera au rendez-vous. » Puis vous avez poursuivi votre intervention assez bizarrement en regrettant que nous n'ayons pas évoqué suffisamment dans ce projet de loi les objectifs liés à la médecine du travail, aux maladies professionnelles et à l'environnement. Vous nous avez parlé des statistiques, de la nutrition, de l'obésité, etc. Et, en définitive, j'ai été très étonné, parce j'avais cru comprendre, au départ, que vous refusiez ce catalogue. Votre raisonnement avait sa logique, que je pouvais entendre. Mais vous avez terminé sur l'environnement, et je vous renvoie aux objectifs 20 et 21 concernant la réduction de l'exposition de la population aux polluants atmosphériques. Vous avez parlé du bruit, et, sur ce sujet, je vous renvoie à l'objectif 24, qui vise à réduire les niveaux de bruits entraînant des nuisances. A propos de l'obésité que vous avez également mentionnée, je vous renvoie à l'objectif 5.
Par conséquent, monsieur Chabroux, ce curieux raisonnement circulaire par lequel vous déploriez la trop grande dispersion de ce projet de loi pour ensuite regretter que ne soient pas traités davantage de sujets ne visait probablement qu'à étayer votre critique. Je ne vous en veux donc pas. Toutefois, je vais plutôt m'attarder sur les problèmes de financement qu'ont également évoqués MM. Barbier, Fischer, Vantomme et d'autres.
La plupart d'entre vous sont des parlementaires avertis, chevronnés ; vous savez donc très bien qu'une loi de programmation est très différente d'un projet de loi qui repose sur un financement qui, lui, est déjà voté, que ce soit à travers la loi de financement de la sécurité sociale ou la loi de finances, comme l'ont d'ailleurs souligné plusieurs orateurs.
Je citerai quelques exemples très précis. A en croire certains, il n'y aurait pas de financement. Or, rien que pour le plan cancer, sur cinq ans, 1,5 milliard d'euros - pardonnez-moi du peu ! - sont prévus selon une progressivité qui est très simple : nous engageons 100 millions d'euros la première année puis 200 millions la deuxième année et ainsi de suite, jusqu'à 500 millions d'euros la cinquième année. Au total, on arrive à 1,5 milliard d'euros. Sans doute avez-vous oublié ces sommes quand vous dites qu'il n'y a pas de financement !
Le rapport définitif concernant le plan national santé-environnement, qui devrait être prêt à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février, sera connu dans le détail au printemps. Nous avons déjà arrêté dans la loi de financement de la sécurité sociale une provision de 8 millions d'euros qui viendra s'ajouter aux sommes déjà prévues.
Avant de répondre à M. Coquelle et, surtout, à M. Vantomme, qui ont évoqué la santé mentale, j'indique que, s'agissant de la prévention des suicides, nous avons augmenté les crédits de 25 % pour les porter à 6 millions d'euros. Vous ne pouvez donc pas dire, ni les uns ni les autres, que les moyens ne sont pas prévus.
Les GRSP seront financés à la fois par des crédits d'Etat aujourd'hui gérés de façon centralisée et par les ressources de l'assurance maladie consacrées à la prévention. Les crédits d'Etat représentent aujourd'hui 180 millions d'euros, dont les trois quarts sont déconcentrés. Quant aux crédits de l'assurance maladie, et principalement du FNPEIS, le fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaires, ils représentent plus de 200 millions d'euros hors centres de soins locaux.
Autrement dit, il est totalement faux de prétendre que ce projet de loi ne prévoit pas de financement. Certes, à l'exception du plan cancer, il ne s'agit pas d'une programmation, mais c'est un engagement annuel, répété, qui accompagnera ce projet de loi tout au long des cinq ans à venir.
Plusieurs d'entre vous se sont inquiétés de ne pas voir figurer les financements de manière précise. Vous avez voté la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, qui s'inscrit dans une autre logique puisqu'elle rend possible la gestion par objectif des dépenses de l'Etat. A cet égard, il me semble que le ministère de la santé est pilote, comme vous avez pu le constater et comme vous le constaterez encore mieux lors de l'examen du projet de budget pour 2005.
Madame Payet, vous avez pesé les enjeux, vous avez posé la question de la hiérarchisation des priorités, vous avez évoqué l'éducation à la santé, vous avez mentionné la déclinaison des objectifs au niveau régional : vous avez, en définitive, bien appréhendé la logique du texte, et je vous en remercie.
Vous avez souligné que pour la gouvernance il fallait un chef de file, en l'occurrence la DRASS, et vous vous êtes - je ne veux pas être désagréable avec vous, et encore moins vous blesser -, à mon avis, égarée dans une discussion qui ressemblait à celle que nous avons déjà eue à propos des agences régionales de la santé.
La pédagogie reposant sur la répétition, je redirai les choses très simplement. La santé, telle que nous la concevons aujourd'hui, est composée de trois domaines : le domaine hospitalier, le domaine ambulatoire et le domaine de la santé publique.
Nous avons, pour le moment, organisé l'hôpital à l'échelle régionale, avec les agences régionales d'hospitalisation.
Nous sommes en train d'organiser la santé publique de façon déconcentrée, grâce aux GRSP.
Il nous manque un maillon très important : la régionalisation du système de soins, du système ambulatoire. Mais, bien évidemment, celle-ci dépend de la réforme de l'assurance maladie, si bien que nous ne pouvons pas, pour le moment, compléter le puzzle.
Que ferons-nous si nous obtenons la régionalisation de l'ambulatoire ? Il nous semblerait cohérent, dans un premier temps, de marier l'hôpital et l'ambulatoire pour parvenir à une logique du soin, la santé publique restant à part. Nous verrons ensuite s'il faut fusionner l'ensemble formé par l'hôpital et l'ambulatoire avec la santé publique dans une seule agence régionale de la santé. Je n'en suis pas persuadé : autant cela me paraît indispensable pour le soin, autant je suis réservé quand il s'agit de la santé publique.
Pourquoi ? La raison vient de nous en être donnée avec l'exemple de la légionellose, qui relève nettement de la santé publique, de la sécurité sanitaire. Il est bien évident que la région Nord - Pas-de-Calais ne peut pas affronter seule une telle épidémie,...
Mme Hélène Luc. C'est clair !
M. Jean-François Mattei, ministre. ... et il est logique qu'en de telles circonstances elle s'adresse aux services déconcentrés de l'Etat, à la DRASS et à la DRIRE.
Il nous faudra donc probablement veiller à ne pas couper la santé publique et la sécurité sanitaire du cordon ombilical de l'Etat, vers lequel, malgré tout, se tourne la population dès qu'elle a besoin de secours et d'assistance, et je ne suis pas certain que la problématique de l'agence régionale de la santé, telle que vous l'avez posée, corresponde véritablement à la logique et à la cohérence de l'organisation de notre système de santé dans les régions. Mais le débat n'est pas fermé, et nous le reprendrons le moment venu.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela évoluera certainement !
M. Jean-François Mattei, ministre. J'en viens à la formation médicale continue : elle est obligatoire. Mais nous n'avons pas voulu mettre de sanction à la clé ; nous avons préféré - comme je le fais depuis mon arrivée à la tête de ce ministère - faire confiance et mettre en place les incitations que j'ai citées dans mon intervention liminaire.
Je vous remercie, madame Payet, d'avoir souligné les avancées réalisées en faveur de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs. Nous débattrons aussi des diététiciens. Je ne suis pas certain que la question soit tout à fait mûre, je sais en revanche qu'il faut probablement que nous prêtions davantage attention à ces deux professions, notamment aux diététiciens, qui, actuellement, ne figurent pas parmi les quatorze professions paramédicales que nous voudrions intégrer dans la première année commune de médecine. Or nous ne voudrions pas que les diététiciens en soient tenus écartés. Il faudra donc, si votre amendement ne nous permet pas de le faire au cours de cette discussion, régler le problème pendant la navette ; c'est en tout cas mon intention.
Je ne vais pas reprendre maintenant le débat sur la psychothérapie et les psychothérapeutes : nous le ferons le moment venu, lorsque votre amendement sera examiné.
Enfin, vous avez eu raison de rappeler le rôle du département en termes de santé publique.
Je vous remercie, madame la sénatrice, du soutien que vous avez annoncé au nom de votre groupe.
Monsieur Blanc, vous avez donné de la logique et de la cohérence du projet de loi une explication comme je n'aurais pu la faire. Vous avez parfaitement résumé l'organisation et ses deux niveaux, notamment à l'échelon régional, en mettant l'accent sur le niveau de concertation, qui est constitué par la conférence régionale de santé. Vous vous êtes demandé à voix haute si celle-ci serait une structure permanente de débat. Pour ma part, je souhaite que ce soit une structure, si ce n'est permanente, du moins consultable à tout moment, car je tiens à ce que prévalent le dialogue, la concertation et la transparence ; sinon, ce n'est pas la peine de réunir tous les acteurs autour d'une même table !
Vous avez également souligné l'intérêt du GRSP. La discussion des amendements nous permettra de constater, et j'en suis heureux, que l'idée de cette structure a cheminé dans les esprits et que chacun comprend désormais que les régions, ont besoin d'un chef d'orchestre qui donne la mesure tandis que chacun joue sa partition avec son instrument, avec ses moyens, avec sa compétence. Tel est très exactement le rôle du groupement régional de santé publique. Les collectivités territoriales garderont leur capacité d'intervention, de même que l'assurance maladie et les autres intervenants.
Enfin, monsieur Paul Blanc, je retiens votre proposition de faire du sida une grande cause nationale en 2005, car cette idée me convient. Il me faut cependant me renseigner sur les modalités pratiques de sa mise en oeuvre.
Monsieur Fischer, vous avez affirmé qu'avoir cent objectifs revenait à ne pas avoir d'objectif concret, et vous êtes tombé progressivement dans le même travers que M. Chabroux. Mais je ne vous en veux pas. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Nous parlons calmement, ma remarque n'est une agression à l'égard de personne !
M. Jack Ralite. C'est tout de même déplaisant !
M. Jean-François Mattei, ministre. Certains d'entre vous l'ont rappelé, nous avons souhaité consulter 140 spécialistes de santé publique en France, en Europe, et même au sein de l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS. Ceux-ci nous ont proposé des objectifs réalistes et, pour la plupart, quantifiés et répondant à une préoccupation majeure ; je ne les détaillerai pas, car cela ressemblerait à une litanie ou à un inventaire à la Prévert. Mais je ne peux pas vous laisser dire que retenir cent objectifs revient à ne s'en fixer aucun, j'y reviendrai dans un instant.
Monsieur Fischer, si, à l'instant, vous avez réagi lorsque j'ai parlé de « travers », c'est peut-être parce que vous êtes attentif à ce que je ne sois pas trop critique. Permettez-moi de vous dire pourtant que, à revenir sans cesse sur le problème de la canicule de cet été en adoptant le ton de la polémique politicienne, vous ne vous grandissez pas.
M. François Autain. Et ça, ce n'est pas de la polémique ?
M. Jean-François Mattei, ministre. J'ai été entendu par la mission d'information du Sénat, et l'ensemble des sénateurs qui étaient présents, parmi lesquels, d'ailleurs, M. Chabroux, ont fait preuve de beaucoup d'objectivité, d'attention et d'écoute.
M. Jean-Pierre Plancade. Comme toujours ! Vous devriez écouter plus souvent le sénateur Chabroux !
M. Jean-François Mattei, ministre. Ils n'ont pas, eux, déjà désigné les responsables, alors que, pour le moment, tout ce que l'on peut savoir ou déduire est que les informations ne sont pas remontées parce que, probablement, ceux à qui il incombait de les transmettre n'ont absolument pas soupçonné qu'il s'agissait d'un drame collectif.
M. Guy Fischer. Et voilà ! C'est la faute à personne !
M. Jean-François Mattei, ministre. Nous n'allons pas entrer maintenant dans le débat de fond, mais si certaines maisons de retraite ont enregistré 50 % de décès, je ne suis pas certain que l'on puisse l'expliquer par le seul fait que le ministre de la santé n'aurait pas tenu compte d'un bulletin météorologique et n'aurait pas annoncé sur TF1, un soir à vingt heures, qu'il fallait faire boire les personnes âgées !
M. Guy Fischer. Je n'ai pas dit cela !
Mme Hélène Luc. Pourquoi caricaturer ?
M. Jean-François Mattei, ministre. C'est à peu près ce que vous avez dit, monsieur le sénateur ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. François Autain. Un peu d'humilité !
M. Roland Muzeau. Vous êtes mal à l'aise, monsieur le ministre !
M. Jean-François Mattei, ministre. Pas du tout ! J'ai été mal à l'aise pendant quelques semaines, certes, le temps de comprendre ce qui s'était passé, et je crois que n'importe quel responsable, à ma place, aurait réagi de même.
M. Roland Muzeau. Absolument !
M. Guy Fischer. C'est exactement ce que nous avons voulu dire !
M. Jean-François Mattei, ministre. A partir du moment où des éléments d'explication sont apparus, où des données chiffrées concernant d'autres pays européens ont été connues, il en est allé autrement.
M. François Autain. Vous ne semblez pas avoir la conscience tranquille !
M. Jean-François Mattei, ministre. Ce n'est pas du tout que je veuille fuir telle ou telle explication, mais, monsieur le sénateur, revenir sans cesse sur ce qui est considéré comme une polémique politicienne ne vous grandit pas.
M. Guy Fischer. C'est le texte qui nous y oblige !
M. Jean-François Mattei, ministre. Cela montre, probablement, que vous manquez d'arguments de fond : car on ne se grandit jamais en rapetissant les autres. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous avez une bien curieuse conception du travail parlementaire ! (Mme Marie-Claude Beaudeau proteste.) Lorsqu'un texte est ouvert, cela démontre, selon vous, que le gouvernement ne sait pas où il va ; mais lorsqu'un projet de loi est verrouillé, vous reprochez à ce même gouvernement de confisquer le débat ! (M. le président de la commission des affaires sociales sourit.)
De même, lorsque le Gouvernement ne déclare pas l'urgence et, au contraire, laisse la navette se dérouler pour associer à son travail le Parlement, l'Assemblée nationale et le Sénat, parce que, dans un domaine aussi important que la santé publique, aucune intervention, aucune remarque ne peut être à ce point dénuée d'intérêt qu'il ne soit pas utile que le ministre l'entende et puisse éventuellement décider de la retenir, alors, vous lui reprochez de ne pas être ferme dans ses convictions !
Le ministre fait son travail, chaque assemblée fait le sien, et la discussion permet la mise en commun : c'est le travail d'amendement, et c'est ce que nous allons faire. Vous ne pouvez pas, parce que nous acceptons soixante, cent ou deux cents amendements, dire que le Gouvernement n'est pas ferme dans ses convictions ! (M. François Autain s'exclame.)
Le Gouvernement a des convictions, il a tracé des lignes, mais il reste ouvert à la discussion, et c'est ainsi que je conçois le débat démocratique et le travail parlementaire.
C'est si vrai, monsieur Fischer, que faute d'arguments, vous avez fini pas recourir au patchwork. Vous avez lancé le filet et vous avez remonté et mélangé à loisir l'AME, le forfait hospitalier, les médicaments...
Mme Hélène Luc. C'est logique !
M. Guy Fischer. Vous oubliez la CMU complémentaire, dont sont privés des millions de Français !
M. Jean-François Mattei, ministre. Autant de questions qui n'ont rien à voir avec le texte que nous examinons aujourd'hui !
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le constatez, vous nous avez fait quitter un terrain que vous connaissez moins bien et qui, d'ailleurs, est généralement mal appréhendé, un terrain sur lequel vous voyez bien que nous faisons preuve d'innovation, et vous nous avez ramenés sur le terrain du soin, sur lequel vous avez placé vos critiques. Mais croyez-vous réellement que c'est en dix-huit mois que les médecins et les infirmières ont déserté les campagnes ? Croyez-vous vraiment que c'est en dix-huit mois que les établissements hospitaliers sont devenus vieillissants, voire obsolètes ? Croyez-vous vraiment que c'est en dix-huit mois que l'on acquiert les TEP, les tomographes par émission de positons ? Vous déploriez tout à l'heure qu'il n'y en ait que treize mais pourquoi n'en a-t-il pas été acheté davantage avant ?
J'ai beaucoup aimé, au contraire, le ton de M. Vantomme (Approbation sur les travées du groupe socialiste), qui a soulevé de vraies questions. Je suis en mesure de lui indiquer aujourd'hui qu'à la fin de l'année 2007 nous disposerons de soixante-quinze tomographes à émission de positons. Ainsi, non seulement nous aurons rattrapé notre retard, mais nous serons allés au-delà des prévisions initiales, qui étaient de soixante. Ces appareils seront financés par le plan cancer. Un certain nombre d'achats ont déjà été réalisés cette année, d'autres sont en cours, et des machines seront mises en place dès 2004.
Monsieur Fischer, il y a un dernier point sur lequel je veux vous répondre : le suicide, que vous nous reprochez de ne pas aborder. Je vous renvoie à l'objectif 92 : « Réduire de 20 % le nombre des suicides en population générale d'ici à 2008 [...]. » Voilà un impératif chiffré ! Comme on le fait pour les accidents de la route - vous l'avez reconnu -, comme on le fait pour le cancer du poumon, par le biais de la diminution de la consommation de tabac, on doit aussi s'attaquer au suicide, et cela figure parmi les objectifs. Il est vrai qu'à vos yeux une liste d'objectifs aussi longue revient à ne pas avoir d'objectif du tout, et vous avez probablement pensé que le suicide n'y était pas inscrit !
Mme Hélène Luc. Vous êtes très négatif !
M. Jean-François Mattei, ministre. Monsieur Othily, je vous ai écouté avec une attention d'autant plus grande que je connais la Guyane, où je me suis rendu avant d'être ministre et où travaillent un certain nombre de mes anciens élèves, qui sont passionnés par le métier qu'ils y font.
Il faut avoir une connaissance particulière de ce terrain et, l'ayant évidemment bien plus que moi, vous savez parfaitement qu'en Guyane, du fait des moyens de communication, du fait de la géographie, du fait de la dispersion de la population, on ne peut pas recourir aux dispositifs prévus pour la métropole sans les transposer.
Cependant, je vous en veux un peu, monsieur le sénateur, parce que vous m'avez certes posé des questions, mais vous avez aussi donné les réponses ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Ainsi, vous avez rappelé l'absence d'équipements lourds et l'impossibilité de traiter le cancer en évoquant aussitôt, comme je m'apprêtais à le faire, la création prochaine d'un centre de traitement et de prise en charge du cancer en Guyane, avec notamment la participation de la Ligue nationale de lutte contre le cancer, ainsi que l'installation d'équipements lourds.
Vous avez souligné l'inégalité d'accès aux soins, c'est vrai, mais vous avez mentionné ensuite l'existence d'un programme expérimental de télémédecine en Guyane : je vous confirme que ce programme par satellite permet à la population en forêt de bénéficier à distance de consultations d'une équipe de Cayenne. Ce projet est d'ailleurs tellement à la pointe qu'il a été présenté au dernier sommet mondial pour la société de l'information, à Genève. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)
Le centre de traitement des cancers et la télémédecine sont deux réalisations importantes. Cela étant, vous avez raison, monsieur le sénateur : le défi de la santé en Guyane constitue, pour reprendre votre expression, un « enjeu de développement économique », et j'ajouterai même : un enjeu humain.
Enfin, j'ai bien entendu vos sollicitations à propos de la constitution d'une commission spéciale, j'y reviendrai.
Monsieur Vantomme, votre ton modéré et votre discours convaincu ont suscité mon attention.
M. Jean-Pierre Plancade. C'est un grand sage !
M. Jean-François Mattei, ministre. Car vous avez énoncé des vérités évidentes, à savoir que l'inégalité entre les uns et les autres, qu'elle dépende du niveau social ou de la résidence géographique, était absolument insupportable. D'ailleurs, monsieur le sénateur, votre formulation reprenait les termes exacts de l'objectif 34, puisque vous avez même souligné que « l'écart d'espérance de vie à 35 ans est actuellement de 9 ans ». Vous voyez que cela fait partie des sujets qui nous préoccupent !
Vous avez parlé de santé mentale, et vous avez bien travaillé votre question, puisque vous avez même mentionné le rapport Cléry-Melin, qui m'a été remis voilà quelques mois. Je veux vous rassurer : ce rapport est une base de travail et présente une série de recommandations, mais le ministre n'est pas tenu de s'y conformer absolument, certains points pouvant même être contestés.
Ce qui est certain, c'est que nous allons engager une concertation avec tous les acteurs et que, au nom du Gouvernement, je proposerai dans le courant du mois d'avril ou au mois de mai un plan « santé mentale » dont les financements sont par avance provisionnés. La santé mentale, préoccupation majeure, doit être réellement prise à bras-le-corps dans notre pays.
Monsieur Coquelle, je vous remercie de votre témoignage, qui est celui d'un homme de terrain, d'un homme qui connaît sa région, qui l'aime et qui souffre de la voir souffrir. Je partage votre sentiment : vous le savez, je me suis rendu à Lens le 1er janvier pour aller à la rencontre de cette population évidemment ébranlée, angoissée,...
Mme Hélène Luc. Traumatisée !
M. Jean-François Mattei, ministre. ... traumatisée par cette épidémie de légionellose.
Naturellement, tous les services déconcentrés de l'Etat, renforcés notamment par les meilleurs experts que nous ayons sur la question, sont sur le terrain.
Je vous proposerai un amendement à ce propos, car vous avez raison : on ne peut pas laisser la situation évoluer ainsi.
Vous avez insisté, même si ce n'est pas tout à fait l'objet du projet de loi, sur l'inégalité, notamment en matière de soins, en évoquant la création d'un CHU dans le Pas-de-Calais. Monsieur Coquelle, je vous comprends bien, et cette proposition m'a déjà été faite. Mais la France métropolitaine compte déjà 36 CHU pour 95 départements, et il ne peut pas y avoir un CHU dans chaque département, car c'est extrêmement coûteux ! Il faut des équipements et un personnel importants.
En revanche, il est désormais possible, via les groupements de coopération sanitaire, que des hôpitaux généraux passent des conventions avec les CHU. Certains spécialistes des CHU peuvent même venir consulter dans des centres hospitaliers généraux.
Par conséquent, il faut mobiliser les compétences, puisqu'il n'est pas envisageable d'installer un CHU dans tous les départements, ni même dans un département sur deux. Actuellement, nous essayons plutôt de rapprocher certains CHU au sein de réseaux, afin de couvrir l'ensemble des spécialités.
Enfin, monsieur Coquelle, vous avez évoqué une médecine « à deux vitesses ». Je l'affirme avec le sérieux et la conviction qui ont été les vôtres lors de votre intervention : le Gouvernement n'en veut pas. Nous n'avons nullement l'intention de privatiser le système public de santé, de le transformer en un système marchand. Le Gouvernement entend faire en sorte que l'argent soit dépensé avec la plus grande efficacité possible, ce qui n'a rien à voir avec une gestion visant à réaliser des bénéfices, ni même avec une logique véritablement entrepreneuriale. Il est inconcevable qu'un médecin, fût-il devenu ministre, puisse accepter que des populations soient moins bien soignées que d'autres ! Mes fonctions actuelles ne m'ont pas fait oublier le serment d'Hippocrate !
M. Guy Fischer. Il y a des déserts médicaux !
M. Jean-François Mattei, ministre. Ce serment est pleinement respecté dans ce projet de loi, et je vous prie de croire que je suis particulièrement attentif à la lutte contre les inégalités en matière de soins.
Que l'on me permette de dire, en conclusion, qu'il n'est pas de bonne politique, même si cela est traditionnel en période d'alternance, d'attribuer les torts au ministre en fonction (Protestations sur les travées du groupe CRC),...
M. François Autain. Cela ne vous est jamais arrivé, peut-être ?
M. Jean-François Mattei, ministre. ... alors même que l'on a exercé les responsabilités les années précédentes et que l'on se trouve largement à l'origine de la situation ! En effet, au cours de ces vingt-deux dernières années, la politique de santé publique a été conduite pendant quinze ans par des gouvernements que l'actuelle opposition soutenait et que nous combattions ; par conséquent, si l'on tient à répartir les responsabilités, nous n'apparaîtrons pas, me semble-t-il, comme les premiers en cause !
Cela étant, pour les deux jours à venir, une responsabilité commune s'impose à nous tous : celle de réorganiser notre système de santé publique. Je relève d'ailleurs que, à cet égard, les propos des uns et des autres ne témoignent d'aucun esprit de fermeture.
M. Guy Fischer. Non !
M. Jean-François Mattei, ministre. L'organisation actuelle de santé publique dans notre pays explique bien des retards, bien des inégalités, et il nous incombe de la redéfinir. Tel est notre devoir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. le président. Je suis saisi, par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 256, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la politique de santé publique (n° 19, 2003-2004). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Roland Muzeau, auteur de la motion.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de nombreux rapports ont souligné l'importance de la problématique de la prévention en matière de santé, leurs auteurs déplorant que l'éducation à la santé et la prévention soient restées les « parents pauvres » des politiques de santé en France.
Depuis quelques années déjà, nos concitoyens ont pris conscience du fait que l'amélioration de leur état de santé ne saurait tenir à la seule performance du système de soins.
Plus spécifiquement, la population française a exprimé ses inquiétudes devant les différentes crises sanitaires survenues, liées au sang contaminé, aux hormones de croissance, à l'amiante, à la « vache folle », à la canicule et, plus récemment, à la légionellose.
De manière globale, lorsque l'occasion leur en a été donnée au sein notamment de jurys citoyens, lors des états généraux de la santé organisés en 1998 et en 1999, les citoyens se sont emparés des questions de santé, abordant ces dernières selon une acception assez large : accès aux soins, bien sûr, prise en compte des risques liés aux facteurs comportementaux, tels que le tabagisme, la consommation d'alcool, l'alimentation, mais aussi des risques liés aux facteurs environnementaux, par exemple la pollution, le bruit, la qualité des milieux de vie et de travail...
Les attentes demeurent très fortes dans ce domaine essentiel touchant au respect de la personne humaine. Les exigences en termes de renforcement de la sécurité sont, elles aussi, toujours aussi prégnantes.
Or le présent projet de loi, qui manifeste une certaine volonté en matière de prévention, permet-il d'apporter une réponse à ces préoccupations majeures ? Constitue-t-il un socle solide et durable, « un continuum stratégique pour tous les âges de la vie, entre le préventif et le curatif et entre les différentes politiques sociales, notamment le sanitaire, le social et l'éducatif », comme l'a préconisé Guy Robert au nom de la section des affaires sociales du Conseil économique et social ?
Nous ne le pensons pas, et ce pour deux raisons majeures, qui ont motivé le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable.
En premier lieu, au-delà des effets d'affichage et de vos déclarations de bonnes intentions, monsieur le ministre, l'examen attentif des principales dispositions du projet de loi, mais aussi le silence de celui-ci sur les causes environnementales ou sociales des risques sanitaires et l'absence d'engagements financiers, révèlent bien que ce texte ne saurait tenir lieu de grande loi de santé publique.
En second lieu, et c'est peut-être là le point essentiel, le projet de loi est présenté dans une période de cruauté sociale sans précédent, où le Gouvernement s'évertue, par les réformes conduites à l'intérieur et hors du champ sanitaire, à mettre à mal notre système de protection sociale solidaire et à précariser les conditions d'existence du plus grand nombre de nos concitoyens, notamment des plus fragiles d'entre eux.
Votre intention, monsieur le ministre, était peut-être de présenter au Parlement un projet de loi quinquennale de santé publique ambitieux, englobant en l'occurrence de nombreux domaines, clarifiant les compétences des différents intervenants, privilégiant la prévention, assignant des objectifs à notre système de santé, établissant enfin un lien entre les priorités définies et les lois de financement de la sécurité sociale.
En réalité, et nous ne sommes pas les seuls à le déplorer - votre projet de loi est loin de faire l'unanimité, y compris sur les bancs de la droite, puisque les députés de l'UDF se sont abstenus -, la montagne a accouché d'une souris.
Il manque en effet une volonté politique suffisante. De plus, le Gouvernement adhère à la logique libérale, imposant la désocialisation des dépenses de santé, conduisant à transformer « le droit à la santé en un bien économique marchand soumis à la loi de l'offre et de la demande », comme l'a justement exposé Gérard Fonouni, professeur d'économie, dans un article intitulé : « La santé : l'Etat ou le marché ». Finalement, les dispositions qui nous sont présentées, assez habilement d'ailleurs, ne seront pas, tant s'en faut, de nature à lever les obstacles à la mise en oeuvre d'une véritable politique de prévention.
La question des moyens financiers et humains doit évidemment retenir notre attention. Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que ce texte n'est pas soutenu par un financement pluriannuel, pérenne, à hauteur des enjeux de santé publique. Dans ces conditions, comment ne pas craindre que les objectifs de santé publique énoncés dans le rapport annexé ne se résument à des voeux pieux ?
De façon d'ailleurs assez symptomatique, le texte initial se révélait peu explicite s'agissant de la médecine scolaire, de la médecine du travail ou de la médecine de santé publique. Les débats à l'Assemblée nationale n'ont pas réellement permis de développer ces points.
Il est tout aussi significatif que le Gouvernement ait pris l'initiative, au Sénat, de déposer un amendement visant à supprimer la seule mesure du projet de loi ayant précisément trait à la mise en place d'un contrôle médical et d'un dépistage au profit des élèves durant toute la scolarité obligatoire, au motif que cela entraînerait un surcroît de travail pour les médecins scolaires, en situation notoire de sous-effectif eu égard à l'objectif retenu ! La balance coût-avantage penche décidément toujours du même côté !
Dès qu'il s'agit de répondre aux exigences de santé publique, ces dernières ont une fâcheuse tendance à s'effacer devant les intérêts économiques.
A cet égard, je vous renvoie, mes chers collègues, aux propos tenus par certains députés contre l'édiction de normes « trop contraignantes » en matière de consommation d'alcool !
Certes, vous vous êtes employé fort opportunément, monsieur le ministre, à réaffirmer la responsabilité première de l'Etat en matière de politique de santé, ce qui n'allait pas de soi dans le contexte général de transfert des responsabilités de l'Etat aux collectivités territoriales.
Vous aviez commencé votre intervention devant les députés en rappelant un principe inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, à savoir le droit à la protection de la santé, ainsi que son pendant, c'est-à-dire le devoir qu'ont les pouvoirs publics de protéger collectivement les populations contre les risques pouvant menacer leur santé.
M. Jean-François Mattei, ministre. Je m'en souviens !
M. Roland Muzeau. Une délimitation élargie du champ de la politique de santé a été retenue à l'article 1er, intégrant la définition de la politique de prévention. Pour autant, alors même que « les facteurs professionnels sont une source importante d'inégalités sociales de santé » et qu'il est, par conséquent, de la responsabilité de l'Etat de « faire de la santé au travail un objet de politique de santé publique, et non une variable d'ajustement des relations sociales », vous avez manqué l'occasion de jeter les bases d'une politique nationale de santé au travail, comme vous y invitait l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, dans son rapport de juin 2003. La prévention continuera à s'arrêter aux portes des entreprises : le MEDEF l'exigeait, le Gouvernement l'a entendu !
Outre la présentation d'une définition, l'unique article traitant de la santé au travail vise à renforcer la surveillance épidémiologique au sein des entreprises via l'Institut de veille sanitaire. Il s'agit là, certes, d'une disposition non négligeable, mais permettez-moi tout de même, monsieur le ministre, de souligner la faiblesse des moyens humains dont dispose le département « santé au travail » de l'Institut de veille sanitaire.
Permettez-moi surtout de déplorer, à l'instar de la Fédération nationale des accidentés de la vie, anciennement la FNATH, qu'il ne soit pas précisé expressément que le plan national de prévention des risques pour la santé liés à l'environnement concerne aussi les risques professionnels ! Ainsi, les cancers professionnels ne seraient pas pris en compte dans le cadre du plan de lutte contre le cancer !
Les produits dangereux sont pourtant bien connus.
Des procès en cours concernent notamment l'utilisation des éthers de glycol. Qu'à cela ne tienne ! On pourrait croire que le précédent de l'amiante n'aura servi à rien, car le Gouvernement persiste à éluder cette question, comme celles, plus générales, d'une meilleure information des travailleurs exposés, du développement de la prévention ou du suivi post-professionnel...
Que dire alors de la réflexion, pourtant nécessaire, sur l'indépendance de la médecine du travail ou sur l'indemnisation des maladies professionnelles, qui devrait tendre vers l'indemnisation intégrale des victimes, si ce n'est qu'elle est, elle aussi, renvoyée à plus tard ?
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, la plupart des propositions formulées à cette fin par le groupe communiste républicain et citoyen, notamment par ma collègue Marie-Claude Beaudeau, n'ont pu être débattues, le Gouvernement ayant invoqué l'article 40 de la Constitution. J'espère ardemment que, cette fois, vous n'userez pas de tels artifices pour éviter le débat, monsieur le ministre.
Concernant maintenant la mise sous objectifs du système de santé publique à un horizon de cinq ans, je dois dire que, là encore, je fais miens les griefs qui vous ont été adressés par nos collègues du Palais-Bourbon, relatifs à une approche par pathologie et insuffisamment globale, ainsi qu'à la méthode suivie pour définir les cent objectifs.
Je tiens à ajouter qu'un tiers seulement de ces objectifs sont quantifiés, c'est-à-dire que leur réalisation passera par la mise en oeuvre effective des plans nationaux. Cette remarque relativise quelque peu la portée du dispositif.
Il convient également de relever des oublis, s'agissant des problèmes d'audition, du suicide, des troubles de la nutrition... Il faut regretter que le Gouvernement se satisfasse, concernant l'accès aux soins des personnes dont le revenu est tout juste supérieur au seuil d'éligibilité à la CMU, la couverture maladie universelle, de fixer un objectif en posant pour préalable « la production d'autres connaissances scientifiques ».
La question de la clarification des rôles des différents intervenants aurait, elle aussi, mérité d'autres réponses.
Nous reviendrons, au cours de la discussion des articles, sur le rôle renforcé qui sera dévolu à la région. En soi, ce renforcement pourrait être positif en termes d'évaluation des besoins sanitaires et sociaux des populations, à la double condition, bien sûr, que le lien soit fait avec l'offre de soins et que cela n'entraîne pas un désengagement de l'Etat préjudiciable à l'égalité d'accès pour tous aux soins et aux actions de prévention et de dépistage.
Ces conditions ne sont pas remplies dans la mesure, notamment, où les groupements régionaux de santé, par leur composition, permettent à l'Etat de capter les ressources de l'assurance maladie, alors même que le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie réfléchit sur le rôle, le champ d'intervention et la gouvernance de cette dernière !
Par ailleurs, votre projet de loi, monsieur le ministre, ne comporte pas d'innovations en vue d'assurer la participation de chacun au débat sur les choix de société liés aux questions de santé. A cet égard, M. Pierre Lascoumes, porte-parole d'associations de malades, a regretté que « les patients aient été à peine consultés » au cours de l'élaboration du texte. Dans la version initiale de ce dernier, le Gouvernement avait prévu la suppression des conférences nationale et régionale de santé ; vous aviez même négligé, monseur le ministre, de faire référence aux associations représentant les malades et les usagers au sein des comités de protection des personnes.
Or vous nous proposez maintenant de traiter de la question de l'agrément des associations !
Après avoir été contraint par l'actualité, en octobre dernier, d'ajouter un titre supplémentaire consacré à la modernisation du système de veille, d'alerte et de gestion des situations d'urgence sanitaire, vous envisagez aujourd'hui, pour faire face à l'épidémie de légionellose touchant durement une région sinistrée économiquement, dont les populations sont déjà fragilisées par la silicose, de soumettre à déclaration préalable les équipements concernés ! Cela témoigne, si besoin en était encore, que le présent projet de loi est un catalogue de dispositions de circonstance et que votre politique de santé publique se résume à une action au coup par coup.
La situation de demain ne devrait guère différer de celle d'aujourd'hui, puisque vous négligez, au travers de ce texte, la prise en compte de l'environnement de la personne.
Or, comme l'a souligné le Conseil économique et social dans son récent rapport, « la prévention en matière de santé ne peut être réellement efficace que si les conditions de vie offertes à la population lui permettent d'éviter d'être exposée à un certain nombre de risques et d'être en mesure de recevoir un message préventif ».
Toujours selon le Conseil économique et social, la prévention relève donc d'une politique globale, incluant tant l'amélioration des conditions de travail que les politiques du logement, de la ville, de l'environnement, des transports ou de lutte contre la précarité et l'exclusion : autant de dimensions transversales étrangères à ce gouvernement, qui mène une politique libérale, source d'insécurité économique et sociale, ce qui compromet gravement l'exercice par chacun de ses droits fondamentaux.
Dois-je insister, chers collègues de la majorité, sur les conséquences de votre décision de réduire les droits des chômeurs, de restreindre la durée de perception de l'allocation spécifique de solidarité, de contraindre, en matière d'emploi, les salariés à la précarité et au travail sous-payé, y compris pour les plus âgés d'entre eux, de laisser sur le carreau des familles entières ? Et ne nous dites pas, monsieur le ministre, que cela n'a rien à voir avec la politique de santé publique !
Toujours hors du champ sanitaire, est-il nécessaire que j'évoque la pétition signée par plus de 5 000 chercheurs afin d'obtenir des crédits pour la recherche publique ?
Enfin, dans le champ sanitaire à proprement parler, comment défendre un grand texte de santé publique tout en ne garantissant plus, dans le même temps, l'accès aux soins pour les plus démunis, notamment en revenant sur l'AME ou en restreignant la CMU ?
N'avez-vous pas déjà bien engagé la réforme, ou plutôt la dislocation, de notre système de protection sociale, hier avec les retraites, demain avec l'ouverture à la concurrence de l'assurance maladie ?
Le gouvernement que vous soutenez, mes chers collègues, n'en est décidément pas à une contradiction près ! Il faudrait le suivre les yeux fermés, croire au renouveau de la politique de santé publique, alors qu'il multiplie les obstacles, notamment financiers, en déremboursant les médicaments, en augmentant le forfait hospitalier, alors que sa réforme de la tarification et son plan « Hôpital 2007 » entraînent le service public hospitalier non pas vers un « sauvetage », mais vers un dynamitage.
Pour toutes ces raisons, nous invitons le Sénat à rejeter le présent texte et à signifier ainsi son refus de cautionner la politique de faux-semblants du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les rapporteurs se sont attachés à démontrer l'extrême richesse du projet de loi soumis à notre examen. Ce texte vise à refonder les objectifs et les moyens de la politique nationale de santé publique. Qu'il s'agisse d'éducation à la santé, de prévention ou de prise en compte des populations les plus fragiles, le Gouvernement apporte des réponses.
De même, au rebours des soupçons de désengagement de l'Etat qu'ont laissés planer nos collègues dans la présentation de leur motion tendant à opposer la question préalable, le texte, dès ses premiers articles, manifeste de manière éclatante la volonté du Gouvernement d'assumer toute sa responsabilité en matière de détermination de la politique de santé publique.
Au-delà de la définition de cette politique, le Gouvernement s'attache à organiser un partenariat entre les grands acteurs que sont l'Etat, l'assurance maladie et les collectivités locales, afin de coordonner leurs interventions et de créer des synergies favorables à une action sanitaire cohérente et convaincante.
Le dernier point sur lequel je voudrais répondre à nos collègues concerne la prétendue absence de financement.
Dans ce domaine, je crois pouvoir dire que le Gouvernement fait preuve de pragmatisme : plutôt que de nous proposer une sorte de financement « clés en mains » sur cinq ans, M. le ministre a choisi d'adapter sa présentation budgétaire aux nouveaux objectifs de santé publique, comme l'avait d'ailleurs souligné notre collègue Gilbert Barbier dans son rapport pour avis sur le projet de budget de la santé pour 2004.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, la commission a émis un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable. Du reste, en écoutant, à l'instant, M. Muzeau, j'avais le sentiment qu'il avait beaucoup de choses à dire. Par conséquent, je ne comprends pas pourquoi il souhaite écourter le débat. La cohérence de sa démarche m'échappe !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Je ne reprendrai pas les arguments que j'ai développés dans la discussion générale : le Gouvernement est défavorable à cette motion.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 256, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission, l'autre du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du
scrutin n° 125
:
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour | 112 |
Contre | 200 |
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE
Chapitre Ier
Champ d'application et conditions d'élaboration
Est autorisée la ratification de la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte anti-tabac, faite à Genève le 21 mai 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.
(L'article 1er A est adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 178, présenté par M. Chabroux, Mme Campion, MM. Cazeau et Godefroy, Mme Printz, M. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La première phrase de l'article L. 1110-1 du code de la santé publique est complétée par les mots : ", il inspire l'action de l'Etat dans ses différents domaines et se réalise grâce au concours de toutes ses administrations, autant que nécessaire". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Il s'agit, par cet amendement, d'affirmer la santé en tant que valeur et objet des politiques publiques transversales. Nous souhaitons que tous les services de l'Etat se mobilisent pour concourir à la réalisation de cet objectif.
Nous pensons que la santé doit inspirer l'action de l'Etat dans ses différents domaines et se réaliser grâce au concours de toutes ses administrations, autant que nécessaire.
Cet amendement complète un des grands principes des droits de la personne contenu dans le code de la santé publique : le droit fondamental à la protection de la santé.
Il s'agit donc de préciser que ce principe fondamental inspire les actions de l'Etat, quels que soient ses domaines d'intervention, et non pas seulement pour ce qui a trait aux soins, ni même pour ce qui relève de la politique de santé publique au sens traditionnel.
En effet, la protection de la santé dépend d'un certain nombre de conditions et de ressources préalables. La santé, ou son amélioration, dépend notamment de la possibilité pour les personnes d'accéder à un logement, d'accéder à l'éducation, de se nourrir convenablement, de disposer d'un certain revenu, de bénéficier d'un écosystème stable, d'avoir droit à la justice sociale et à un traitement équitable.
A la lumière de ce qui s'est passé cet été à la suite de la canicule, on voit bien à quel point le rôle joué par les conditions de vie et l'environnement peut être déterminant.
Il faudrait, à cet égard, s'interroger sur la façon dont sont construits les logements dans les grandes villes, et même sur la façon dont sont construites les grandes villes - béton, verre et bitume ! -, et ce non seulement pour l'été, mais aussi pour l'hiver.
Ce sont là autant de questions transversales qu'il faut soulever. Différents facteurs interviennent, tant politiques, économiques, sociaux, culturels qu'environnementaux, comportementaux et biologiques, pour favoriser la santé et sa protection ou, au contraire, leur porter atteinte.
Nous voudrions donc réaffirmer le caractère global de la santé, et préciser que l'Etat concourt dans tous ces domaines à la protection des droits de la personne en matière de santé.
A l'Assemblée nationale, ce débat n'a pas pu avoir lieu : il y a été dit que le projet de loi s'inspirait de ces notions de transversalité ou de globalité. C'est sans doute très bien, mais cela ne suffit pas, et il vaut mieux l'écrire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Cet amendement tend à compléter la rédaction de l'article L. 1110-1 du code de la santé publique, mais il est satisfait par la nouvelle rédaction de l'article L. 1411-1 du même code. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Le Gouvernement partage l'avis défavorable de la commission.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. Je répète qu'il vaudrait mieux voter cet amendement, car ce serait plus clair.
Nous sommes certainement d'accord sur le fait que la santé doit être appréhendée comme un enjeu global. Il ne s'agit pas uniquement de demande ou d'offre de soins, il faut prendre en compte, de manière globale, le cadre de vie, les conditions de travail, l'environnement. Il faut parvenir, ainsi que le prône l'OMS, à un état complet de bien-être physique, mental, moral et social. Voter cet amendement, c'est aller dans ce sens.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 178.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 179, présenté par M. Chabroux, Mme Campion, MM. Cazeau et Godefroy, Mme Printz, M. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la seconde phrase de l'article L. 1110-1 du code de la santé publique, après les mots "autres organismes participant à", sont insérés les mots : "la promotion de la santé,". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. J'espère que cet amendement sera mieux accueilli que le précédent et que nous pourrons ensemble faire oeuvre utile ce soir.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'espoir fait vivre !
M. Guy Fischer. Ils font de la politique politicienne !
M. Roland Muzeau. Ils sont de mauvaise foi !
M. Gilbert Chabroux. Nous voudrions, conformément à la charte d'Ottawa adoptée par l'OMS, faire reconnaître l'action spécifique de promotion de la santé en inscrivant les mots « la promotion de la santé » dans le texte, avant l'article 1er.
Les notions de promotion de la santé, d'éducation pour la santé ou encore de prévention ont été fixées au niveau international par l'OMS en 1986, dans un texte fondateur, la charte d'Ottawa ; je pense que nous devrions y faire référence.
La promotion de la santé est définie dans cette charte comme « le processus qui confère aux populations les moyens d'assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé et d'améliorer celle-ci ». Cette notion est extrêmement importante. Elle comporte deux dimensions que nous ne pouvons occulter : l'éducation pour la santé, qui vise, selon la charte, à motiver et aider une population à adopter des comportements favorables à la santé, et le fait que la santé résulte de la mobilisation de l'ensemble des acteurs sociaux, et non pas seulement de politiques ou de techniques mises en oeuvre par l'Etat. Sur ce point aussi, nous devrions être d'accord, car l'Etat doit faciliter cette mobilisation.
Compte tenu de l'importance que revêt cette notion et eu égard à la référence que constitue la charte d'Ottawa, il apparaît opportun d'insérer la promotion de la santé dans le code de la santé publique, à côté de la prévention et des soins.
Cette demande, qui n'a rien d'excessif, me paraît de nature à recueillir l'accord du Sénat, à moins que cette mention ne figure déjà dans le texte, mais je ne l'ai vue nulle part.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 179.
(L'amendement n'est pas adopté.)
I. - L'article L. 1411-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-1. - La nation définit sa politique de santé selon des objectifs pluriannuels.
« La détermination de ces objectifs, la conception des plans, des actions et des programmes de santé mis en oeuvre pour les atteindre ainsi que l'évaluation de cette politique relèvent de la responsabilité de l'Etat.
« La politique de santé publique concerne :
« 1° La surveillance et l'observation de l'état de santé de la population et de ses déterminants ;
« 2° La lutte contre les épidémies ;
« 3° La prévention des maladies, des traumatismes et des incapacités ;
« 4° L'amélioration de l'état de santé de la population et de la qualité de vie des personnes malades, handicapées et des personnes dépendantes ;
« 5° L'information et l'éducation à la santé de la population et l'organisation de débats publics sur les questions de santé et de risques sanitaires ;
« 6° La réduction des risques éventuels pour la santé liés aux multiples facteurs susceptibles de l'altérer tels l'environnement, le travail, les transports, l'alimentation ou la consommation de produits et de services ;
« 7° La réduction des inégalités de santé, par la promotion de la santé, par le développement de l'accès aux soins et aux diagnostics sur l'ensemble du territoire ;
« 8° La qualité et la sécurité des soins et des produits de santé ;
« 9° L'organisation du système de santé et sa capacité à répondre aux besoins de prévention et de prise en charge des maladies et handicaps. »
II. - L'article L. 1411-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-2. - La loi définit tous les cinq ans les objectifs de la politique de santé publique.
« A cette fin, le Gouvernement précise, dans un rapport annexé au projet de loi, les objectifs de sa politique et les principaux plans d'action qu'il entend mettre en oeuvre.
« Ce rapport s'appuie sur un rapport d'analyse des problèmes de santé de la population et des facteurs susceptibles de l'influencer, établi par le Haut Conseil de la santé publique, qui propose des objectifs quantifiés en vue d'améliorer l'état de santé de la population. Le rapport établi par le Haut Conseil de la santé publique dresse notamment un état des inégalités socioprofessionnelles et des disparités géographiques quant aux problèmes de santé.
« La mise en oeuvre de cette loi et des programmes de santé qui précisent son application est suivie annuellement et évaluée tous les cinq ans. Elle peut à tout moment faire l'objet d'une évaluation globale ou partielle par l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé. »
III. - L'article L. 1411-3 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-3. - La conférence nationale de santé, organisme consultatif placé auprès du ministre chargé de la santé, a pour objet de permettre la concertation sur les questions de santé. Elle est consultée par le Gouvernement lors de la préparation du projet de loi définissant les objectifs de la politique de santé publique mentionnés à l'article L. 1411-2. Elle formule des avis et propositions au Gouvernement sur les plans et programmes qu'il entend mettre en oeuvre. Elle formule également des avis ou propositions en vue d'améliorer le système de santé publique. Elle contribue à l'organisation de débats publics sur ces mêmes questions. Ses avis sont rendus publics.
« La conférence nationale de santé, dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret, comprend notamment des représentants des malades et des usagers du système de santé, des représentants des professionnels de santé et des établissements de santé ou d'autres structures de soins ou de prévention, des représentants des industries des produits de santé, des représentants des organismes d'assurance maladie, des représentants des conférences régionales de santé publique, des représentants d'organismes de recherche ainsi que des personnalités qualifiées. »
IV. - L'article L. 1411-4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-4. - Le Haut Conseil de la santé publique a pour missions :
« 1° De contribuer à la définition des objectifs pluriannuels de santé publique, en établissant notamment le rapport mentionné à l'article L. 1411-2 ;
« 2° D'assurer, en liaison avec les agences de sécurité sanitaire dans leurs domaines respectifs de compétence, une fonction générale d'expertise en matière d'évaluation et de gestion des risques sanitaires ;
« 3° D'exercer une fonction de veille prospective sur les tendances épidémiologiques et les évolutions technologiques propres à affecter l'état de santé de la population ;
« 4° D'évaluer la réalisation des objectifs nationaux de santé publique et de contribuer au suivi annuel de la mise en oeuvre de la loi.
« Il peut être consulté par les ministres intéressés, par les présidents des commissions compétentes du Parlement sur toute question relative à la prévention, à la sécurité sanitaire ou à la performance du système de santé et par le président de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé. »
V. - L'article L. 1411-5 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 1411-5. - Le Haut Conseil de la santé publique comprend des membres de droit et des personnalités qualifiées.
« Le président du Haut Conseil de la santé publique est élu par ses membres. »
VI. - L'article L. 1413-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 1413-1. - Il est institué un Comité national de santé publique. Ce comité a pour missions :
« 1° De coordonner l'action des différents départements ministériels en matière de sécurité sanitaire et de prévention ;
« 2° D'analyser les événements susceptibles d'affecter la santé de la population ;
« 3° De contribuer à l'élaboration de la politique du Gouvernement dans les domaines de la sécurité sanitaire et de la prévention et d'en examiner les conditions de financement.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »
M. le président. La parole est à M. François Autain, sur l'article.
M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 1er précise les conditions dans lesquelles la nation définit sa politique de santé et le rôle de l'Etat dans sa mise en oeuvre. Sur ce point, il n'y pas de divergence entre nous. La santé publique, au même titre que la sécurité intérieure ou la défense nationale, constitue l'une des fonctions régaliennes de l'Etat.
De même, on ne peut qu'adhérer, monsieur le ministre, à la méthode qui consiste à se donner des objectifs de santé subordonnés à la mise en oeuvre de plans d'action pluriannuels. J'ai d'autant moins de difficulté à vous suivre sur ce terrain, monsieur le ministre, que d'autres s'y sont engagés avant vous et que je les ai soutenus. Ainsi votre prédécesseur avait-il fait voter par le Parlement, il n'y a pas si longtemps, un projet de loi qui traitait de santé publique et qui visait, entre autres, à créer le comité technique national de prévention, dont je regrette que vous souhaitiez la suppression.
De même, l'idée des plans de santé publique n'est pas nouvelle : elle ne vous appartient pas. C'est au gouvernement précédent qu'en revient la paternité, puisqu'il en avait lancé une trentaine au début de l'année 2002. Il aurait été intéressant de savoir quel sort le gouvernement actuel leur a réservé, car ces plans, à l'inverse des vôtres, monsieur le ministre, avaient tous été inspirés par les états généraux de la santé qui furent, tout le monde s'en souvient, en 1998 et 1999, le premier exercice de démocratie sanitaire jamais réalisé en France.
Ce rappel historique permet de relativiser et la portée et la nouveauté de ce texte pour le ramener à de plus justes proportions, beaucoup plus modestes que celles que vous voulez lui accorder, mais aussi beaucoup plus conformes à la réalité.
Certes, je le reconnais aisément, vous simplifiez le paysage institutionnel - je vous en remercie - en supprimant le Conseil supérieur d'hygiène publique de France, mais cette noble institution, plus que centenaire, avait vu petit à petit ses attributions grignotées par la mise en place des diverses agences de sécurité sanitaire. L'idée d'en profiter pour élargir les fonctions du Haut Conseil de la santé publique me paraît aussi aller dans la bonne direction, à condition toutefois que cette nouvelle fonction d'expertise générale en matière de sécurité sanitaire qui lui est dévolue soit le prélude à la nécessaire mise en oeuvre d'un processus d'unification de l'ensemble de la sécurité sanitaire.
Cependant, vous le savez très bien, on ne construit pas une politique de santé publique avec des mots, même s'ils sont nombreux - je dois constater que vous n'en êtes pas avare - et on ne peut passer sous silence le problème des moyens. Il ne s'agit pas des moyens financiers, je vous rassure, j'y reviendrai d'ailleurs à l'article 14. On peut constater dès maintenant que cinq plans pour atteindre cent objectifs, c'est insuffisant : ou il n'y a pas assez de plans ou il y a trop d'objectifs !
Enfin, vous n'avez rien proposé pour remédier à la grande misère de l'administration qui gère notre santé publique : depuis le début de ce débat, je n'en ai pas entendu parler. En effet, 450 médecins inspecteurs de santé sur l'ensemble du territoire, c'est dérisoire, si l'on compare ce chiffre non seulement aux 200 000 médecins que compte notre pays, mais aussi aux 2 700 qui assurent le contrôle médical de la CNAM. La direction générale de la santé - je parle sous le contrôle de son directeur, ici présent - manque cruellement de moyens d'action pour répondre aux exigences en matière de santé publique et de sécurité sanitaire.
La recherche en santé publique est quasi inexistante. Ainsi, il a fallu renoncer à quantifier la moitié des cent objectifs faute d'informations scientifiques fiables et recourir, pour l'autre moitié, à des recherches étrangères. Nous sommes les derniers en Europe en matière de prévention. Nous sommes incapables d'évaluer les performances de notre système de santé, car l'épidémiologie est particulièrement sous-développée et l'épidémiologie d'évaluation est, quant à elle, pratiquement inexistante. Je ne trouve ni dans cet article ni dans vos diverses interventions matière à penser que le Gouvernement considère le redressement de cette situation comme un préalable à la réussite de ce projet de santé publique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. La santé est une préoccupation majeure des Français, aussi bien pour leurs élus que pour les pouvoirs publics.
S'il est vrai que l'OMS considère la France comme le pays possédant le système de santé le plus performant, la réalité est plus contrastée et cela ne doit pas nous dispenser de poursuivre nos efforts pour consolider le « droit à la santé », un droit qui impose de mieux répondre aux besoins et attentes de la population en la matière : besoin fondamental en termes d'accès aux soins, attente d'une vraie garantie de santé pour tous, exigence accrue de qualité.
Face à ces demandes fortes, la clarification des responsabilités de chacun des acteurs est une nécessité, car nous devons reconnaître que notre système est complexe : qui décide quoi et qui fait quoi ?
Répondre à ces questions, c'est d'abord réaffirmer la responsabilité générale de l'Etat en matière de politique de santé publique et nous sommes unanimes sur ce point.
Répondre à ces questions, c'est aussi satisfaire à une exigence de démocratie et de transparence. Et c'est là, monsieur le ministre, que commencent nos divergences.
L'article 1er, qui consacre la prééminence de l'Etat sur la politique de santé publique, tant dans sa définition que dans son organisation et sa mise en oeuvre, recèle à notre avis plusieurs erreurs ; l'Assemblée nationale a su en corriger quelques-unes, mais il en reste.
La première erreur a trait à la logique de cet article, en ce qu'il procède à une véritable étatisation du système de santé publique.
Nous refusons tout autant la privatisation que l'étatisation, par trop synonyme de rigidités et de cloisonnements. Loin de simplifier, ce projet de loi organise un retour en arrière par rapport à la loi du 4 mars 2002, en renforçant le rôle de l'Etat, omniprésent et omnipotent.
M. Paul Blanc. C'est le comble de vous entendre dire cela !
M. Claude Domeizel. Il s'agit là d'une conception très centralisée et technocratique de la santé, qui laisse peu de place aux divers acteurs de santé.
Une deuxième erreur porte sur les conditions de l'élaboration des objectifs de santé publique.
Depuis le vote de la loi du 4 mars 2002, nous savons, monsieur le ministre, que vous n'êtes pas un fervent partisan de la démocratie sanitaire. La loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a permis de réaliser des avancées considérables en plaçant l'usager au coeur de ce système et en privilégiant la concertation. Vous avez d'abord refusé de publier un certain nombre de décrets d'application de cette loi. Vous tentez aujourd'hui de revenir dessus. L'Assemblée nationale a su vous convaincre, en rétablissant à l'unanimité des groupes politiques les conférences nationales et régionales de santé, que, si la place des experts est légitime, elle ne doit pas être exclusive.
Il y a encore erreur sur le rôle attribué aux deux nouvelles instances d'expertise : d'une part, le Haut Conseil de santé publique, qui est issu de la fusion du Conseil supérieur de l'hygiène publique et du Haut Conseil pour la santé, créé par la loi Kouchner ; d'autre part, le comité national de santé publique, qui est issu de la fusion du comité national de la sécurité sanitaire et du comité technique national de la prévention.
Dans les deux cas, vous fusionnez des organismes d'expertise et de gestion travaillant avec des objectifs et dans des temps différents, et qui n'ont rien à voir les uns avec les autres. Je ne crois pas que ce soit une réelle simplification et, en tout cas, le risque est grand de voir certaines de leurs missions disparaître au passage.
M. le rapporteur partage d'ailleurs cet avis, considérant qu'au moins l'une de ces deux fusions nuit aux fonctions stratégiques de la nouvelle instance créée et aboutit à une confusion totale des missions.
Nous abordons l'examen des articles de ce texte dans un esprit constructif. Nous présenterons donc plusieurs amendements précisant le contenu et l'organisation de la politique nationale de santé publique.
M. le président. L'amendement n° 180, présenté par M. Chabroux, Mme Campion, MM. Cazeau et Godefroy, Mme Printz, M. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, par trois phrases ainsi rédigées : "Cette politique s'inspire de la charte de promotion de la santé dite « charte d'Ottawa ». Elle vise à concourir à l'amélioration de la santé aux plans national et international. Elle s'inscrit dans la mise en place d'une coordination des politiques de santé européenne." »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Je vais revenir à la charte d'Ottawa. J'espère que cet essai sera le bon ! (Sourires.)
La polique de santé publique devrait s'inspirer de la charte de promotion de la santé, dite « charte d'Ottawa », qui vise à concourir à l'amélioration de la santé aux échelons national et international. Elle s'inscrit dans la mise en place d'une coordination des politiques de santé européennes.
Il me semble que cette dimension européenne et internationale doit être présente dans ce texte. Or ce n'est pas le cas actuellement.
Aujourd'hui, surtout dans un domaine comme celui de la santé, il ne paraît guère concevable de ne pas tenir compte du travail international et européen dans la définition de notre politique de santé.
La charte d'Ottawa n'est pas un quelconque document, elle a constitué le premier engagement officiel de la communauté internationale en vue d'améliorer et de promouvoir la santé publique par la mise en place d'une stratégie déclinée en cinq actions essentielles : mettre en place des politiques saines, créer un environnement favorable, renforcer l'action communautaire, développer les compétences personnelles, orienter les services de santé.
Je souligne encore que cette charte continue d'inspirer les pratiques mondiales qui sont appliquées en matière de promotion de la santé.
Il nous semble donc cohérent de préciser dans ce texte que notre politique de santé publique se place dans un cadre plus large que celui de notre pays et tient compte de la dimension européenne et même de la dimension internationale.
A cet égard, votre projet de loi présente une lacune...
M. Roland Muzeau. Il y en a plus d'une !
M. Gilbert Chabroux. ... qu'il nous faut combler.
L'Europe ne cesse de s'affirmer en matière de santé publique, qu'il s'agisse des médicaments - l'Agence européenne du médicament délivre désormais toutes les autorisations -, de sécurité sanitaire, environnementale, alimentaire. Dans tous ces domaines, l'Europe essaie de trouver sa place. Or il n'en est pas dit un mot dans le projet de loi.
Il est pourtant évident, pour prendre l'exemple du plan cancer, auquel vous avez fait allusion et que nous approuvons, que la lutte contre le cancer doit revêtir un caractère international. En matière de recherche, même la dimension européenne est insuffisante, nous le savons bien. Hélas, le plan que vous présentez s'inscrit dans une perspective strictement nationale, peu ouverte sur la dimension internationale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, si nous continuons ainsi, nous ne pourrons guère avoir qu'un dialogue de sourds !
Mme Michelle Demessine. Nous sommes habitués !
M. Gilbert Chabroux. Vous ne répondez pas aux questions que nous vous posons ! C'est à se demander ce que nous faisons ici ! Je vois là un véritable déni de démocratie !
M. François Autain. Ils sont embarrassés ! Ils ne savent pas quoi dire !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 180.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 275, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, remplacer les mots : "mis en oeuvre pour les atteindre" par les mots : ", la mobilisation des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre". »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. On pourrait évidemment nous rétorquer, à l'examen de cet amendement, qu'il n'apporte qu'assez peu de chose aux termes du projet de loi.
Cependant, pour nous, en matière de santé publique, c'est l'Etat qui doit rester le concepteur et l'acteur de cette politique, dont il est le pivot essentiel, car la santé publique est une de ses fonctions régaliennes.
Nous disons oui à la définition des objectifs de santé publique par la puissance publique.
Nous disons oui à la détermination par l'Etat des plans, des actions et des programmes de santé, notamment dans le contexte de développement économique et social pour le moins contradictoire des dernières années, qui a conduit à la situation que nous connaissons.
Nous disposons sans doute, en bien des domaines, des outils et des moyens techniques permettant de répondre, dans des conditions économiquement acceptables, aux besoins sanitaires de notre pays.
Parce que nous avons fait le choix, voilà près de soixante ans, de la protection sociale solidaire intergénérationnelle et interprofessionnelle, nous avons la capacité de faire reculer les pandémies et de résoudre les problèmes posés par telle ou telle affection.
Nous avons aussi une exigence nouvelle liée à l'inégalité profonde dans l'accès aux soins, qui pèse lourdement et dangereusement sur la situation réelle de la population au regard de la santé. Des couches de plus en plus larges de la population sont aujourd'hui exclues du droit à la santé et, dans ces conditions, même les missions de prévention assignées par le présent projet de loi ne peuvent trouver application.
Nombre d'habitants de notre pays sont dépourvus de couverture maladie complémentaire et le recours à la couverture maladie universelle ne peut masquer le fait que bien des gens renoncent tout simplement à se soigner faute de moyens financiers.
Dès lors, la responsabilité publique est directement engagée.
Le recours aux services d'urgence, que choisissent beaucoup de familles modestes, n'a pas d'autre origine que l'absence de relation privilégiée avec un médecin d'exercice libéral.
Dans tous les cas de figure, ne serait-ce que parce l'Etat dispose des outils de mesure de la situation, ce ne peut être qu'au travers de la décision publique, au plus haut niveau, que l'on pourra répondre aux enjeux et aux défis posés.
La mobilisation des moyens, c'est la somme des mesures financières adaptées, des outils techniques, des intervenants, de leurs qualités, de leur compétences et de leur efficacité, c'est la « mise en perspective » de tous ces outils pour atteindre les objectifs de la politique de santé publique. Si tant est que le présent projet de loi décline un certain nombre d'objectifs de notre système de santé publique, il n'en demeure pas moins que l'on ne pourra les atteindre que s'il existe une volonté politique de dégager les moyens correspondants, faute de quoi tout cela ne serait que vaines intentions et simples velléités.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. La politique de santé est une politique partenariale. La mobilisation des moyens ne saurait être de la seule responsabilité de l'Etat.
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Même avis.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Les arguments développés à la fois par le rapporteur et par le ministre sont tellement détaillés (M. Roland Muzeau s'esclaffe) que je ne saurais me dispenser d'y répondre. Comment, en effet, rester sans voix après de telles explications ? (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
Lorsque nous parlons de moyens, il est bien évident qu'il ne s'agit pas seulement de moyens financiers. Dans sa très longue intervention, M. le ministre s'est employé à nous démontrer qu'il disposait largement des moyens lui permettant de financer tous les plans prévus et d'atteindre tous les objectifs qu'il s'est fixés pour 2007 et qui, je le rappelle, sont au nombre de cent. A cet égard, je ne me fais donc aucun souci !
En revanche, je me pose quelques questions en ce qui concerne certains préalables, qui peuvent être de nature scientifique, législative ou réglementaire. Vous le savez bien, monsieur le ministre, on a beau disposer des crédits nécessaires, il arrive que l'on ne parvienne pas à recruter suffisamment de médecins, tout simplement parce que la formation d'un médecin exige un certain nombre d'années.
M. Blanc. C'est pourquoi il faut augmenter le numerus clausus !
M. François Autain. Actuellement, dans les hôpitaux, 30 % des postes ne sont pas pourvus. Pourquoi ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Parce que rien n'a été fait pendant vingt ans !
M. François Autain. Non pas en raison du manque de crédits, mais du fait du nombre insuffisant de médecins qui sont formés. Nous allons même être obligés de faire appel à des médecins étrangers !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ne vous enfoncez pas !
M. François Autain. Par conséquent, je ne vois pas pour quel motif, monsieur le ministre, vous refusez que l'on inscrive ici le mot « moyens ». Du reste, dans l'amendement n° 12, que vous avez déposé il y a peu, vous ne vous gênez pas pour demander à la région de prévoir, elle, des « moyens ». Voici en effet ce que vous proposez d'inscrire à l'article 2 : « Dans le cadre des compétences qui lui sont reconnues par l'article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales, le conseil régional peut définir des objectifs particuliers à la région en matière de santé. Il élabore et met en oeuvre les actions régionales corespondantes. Il informe le représentant de l'Etat dans la région sur le contenu de ces actions et les moyens qu'il y consacre. »
Je ne comprends pas pourquoi, dès lors que vous demandez à la région de prévoir des moyens pour mettre en oeuvre un certain nombre d'actions, vous vous opposez à un amedement qui tend précisément à faire figurer le mot « moyens » à l'article 1er.
J'espère que vous parviendrez, grâce aux arguments que vous ne manquerez pas de développer, à me convaincre que j'ai tort ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 275.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 181, présenté par M. Chabroux, Mme Campion, MM. Cazeau et Godefroy, Mme Printz, M. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'application de la politique de santé est également évaluée annuellement par la conférence nationale de santé. »
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. La conférence nationale de santé a été réintroduite lors de la première lecture de ce projet de loi à l'Assemblée nationale. J'ai envie de dire « heureusement », compte tenu de son importance en matière de démocratie sanitaire et d'élaboration des politiques de santé aux niveaux national et régional.
Il n'en demeure pas moins indispensable, à nos yeux, de réintroduire l'esprit de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades.
En effet, il ne nous semble pas concevable que l'Etat, qui met en oeuvre la politique de santé publique, soit le seul à l'évaluer. En procédant de la sorte, celui-ci serait juge et partie, ce qui, au regard de la démocratie sanitaire - concept qui avait présidé à la rédaction et à l'adoption de la loi du 4 mars mais qui a été largement oublié dans le texte initial de ce projet de loi - n'est pas acceptable.
Il nous paraît essentiel de séparer l'évaluateur du concepteur, selon une démarche rationnelle du point de vue tant méthodologique que scientifique.
Ainsi, la concertation avec les usagers et les associations de malades pourra être assurée dans un cadre clair, à la fois à l'échelon national et à l'échelon régional. Cette dimension est nécessaire pour permettre l'émergence d'espaces de discussion entre les divers acteurs de notre système de santé, de manière qu'ils contribuent à l'analyse critique de la situation sanitaire de la population et à la satisfaction des besoins exprimés par celle-ci.
Aussi il paraît primordial que la conférence nationale de santé, qui n'est pas l'émanation de l'Etat, puisse procéder à cette lecture critique qu'effectuera le Parlement, mais seulement tous les cinq ans.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Des dispositifs d'évaluation sont déjà en place avec le Haut Conseil et l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Même avis que la commission, monsieur le président. La conférence est un organisme de concertation et non d'évaluation.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 181.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 182, présenté par M. Chabroux, Mme Campion, MM. Cazeau et Godefroy, Mme Printz, M. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Compléter le quatrième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique par les mots : ", en particulier des populations fragilisées". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Je souhaite évoquer le problème des populations fragilisées : on nous répondra peut-être de façon succincte, laconique, si même on nous répond !
M. Roland Muzeau. On nous dira que cela n'a rien à voir !
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement vise à préciser spécifiquement que la politique de santé publique prend en compte les populations les plus fragilisées. J'y insiste, car c'est très important.
Monsieur le ministre, vous avez reçu à ce sujet une lettre de Médecins du monde,...
Mme Michelle Demessine. Une excellente lettre !
M. Gilbert Chabroux. ... qui exprime l'étonnement de cette organisation de ne pas voir prises en compte par le projet de loi les populations fragilisées.
Nous pensons, comme Médecins du monde, qu'il est bien du rôle de l'Etat de protéger les populations les plus fragilisées par la maladie ou par la précarité économique en leur donnant accès aux droits élémentaires de se loger, de se nourrir dignement et d'accéder à des soins de qualité. Nous souhaiterions qu'une telle précision figure dans ce texte compte tenu de l'ambition que vous avez affichée pour ce projet de loi.
M. François Autain. C'est un affichage !
M. Gilbert Chabroux. C'est un affichage, c'est évident ! Néanmoins, par rapport aux cent objectifs dont vous avez parlé, monsieur le ministre, pour essayer de tourner en dérision notre propos - ces objectifs sont d'ailleurs disparates, sans cohérence les uns avec les autres, non hiérarchisés - ainsi que par rapport aux cinq axes prioritaires que vous avez fixés, ne serait-il pas possible de dire que la question centrale de l'accès aux soins des plus pauvres en France est prise en considération ? Cela ne pourrait-il pas constituer un axe prioritaire ? Oui, à notre avis. En effet, une politique de santé publique ne doit pas ête déconnectée de la réalité sociale.
En France, dix millions de personnes, soit 17 % de la population, vivent avec des ressources mensuelles inférieures à 700 euros. Moins de la moitié d'entre elles bénéficient de la CMU. Les autres, qui perçoivent des ressources tout juste supérieures au seuil de la CMU - 556 euros par mois -, sont trop pauvres pour pouvoir s'acquitter d'une couverture supplémentaire.
Que faisons-nous pour ces personnes dans ce projet de loi relatif à la politique de santé publique ? Nous nous permettons d'insister : le Gouvernement et les élus ont-ils, oui ou non, la volonté politique de permettre à ces dix millions de personnes vivant en France et n'ayant pas la capacité financière suffisante pour payer leurs soins de bénéficier d'un accès gratuit à ces derniers ? Vous avez choisi, me semble-t-il, d'emprunter le chemin inverse en arrêtant un certain nombre de mesures que nous ne connaissons que trop bien ici et sur lesquelles je reviendrai si vous ne nous répondez pas.
En tout cas, nous voudrions que vous répondiez aux besoins des populations fragilisées : au-delà des personnes marginalisées et des exclus, je pense aux personnes âgées, surtout après ce qui s'est passé l'été dernier, sur lequel je ne veux pas revenir.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais vous y revenez quand même !
M. Gilbert Chabroux. Des problèmes spécifiques se posant à certaines populations, l'approche épidémiologique ne suffit pas ; il faut aussi une approche « populationnelle », concernant les personnes âgées, les enfants, les exclus, sans oublier la population carcérale. Sur ce dernier point, j'ai déjà dit qu'il y avait des problèmes ; on nous a annoncé un rapport... que nous attendons toujours. Aujourd'hui, nous vous demandons des réponses.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Aux termes de l'alinéa 4 de l'article 1er du projet de loi, la politique de santé publique concerne « l'amélioration de l'état de santé de la population et de la qualité de vie des personnes malades, handicapées et des personnes dépendantes ».
Compte tenu des explications données par l'auteur de l'amendement, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. Je renverrai M. Chabroux au rapport d'objectifs de santé publique, annexé à l'article 1er du projet de loi, dans lequel on peut lire - encore faut-il se plonger dans le texte... (Protestations sur les travées du groupe CRC) - que les principes de la politique de santé publique sont au nombre de neuf : « principe de connaissance... principe de réduction des inégalités : principe selon lequel la définition des objectifs et l'élaboration des plans stratégiques doivent systématiquement prendre en compte les groupes les plus vulnérables en raison de leur exposition à des déterminants spécifiques... »
Je vous renvoie également aux « indicateurs d'importance », notamment aux données de mortalité : « Des taux de mortalité spécifiques peuvent être calculés en rapportant le nombre de décès observés dans une classe d'âge donnée à l'effectif de la population dans cette classe d'âge, et permettent ainsi d'identifier les principales causes de décès au sein de chaque classe d'âge. » Voilà qui renvoie aux personnes âgées.
Monsieur Chabroux, il y a le projet de loi lui-même, mais il y a également les documents annexés, l'ensemble formant l'intégralité de la loi. Nous n'allons pas reprendre phrase par phrase tout ce qui figure dans l'annexe pour l'inclure dans le projet de loi ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 182.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. Si j'ai bien compris, M. le ministre est d'accord pour revenir sur un certain nombre de mesures qui ont été prises ces derniers mois et que je vais rappeler.
En premier lieu, un délai d'un mois est imposé aux bénéficiaires de la CMU pour obtenir leurs droits, ces bénéficiaires étant des personnes françaises ou étrangères vivant régulièrement en France avec moins de 566 euros par mois. Revenons-nous là-dessus ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais cela ne concerne pas le texte en discussion !
M. Gilbert Chabroux. Oui, mais j'ai posé cette question ! Que va-t-on faire pour ces personnes démunies ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais que ne l'avez-vous fait !
M. Gilbert Chabroux. Mais justement, nous l'avions fait ! La CMU permettait une prise en charge immédiate, mais vous êtes revenus sur cette dernière disposition, différant d'un mois le délai nécessaire à l'ouverture des droits à la CMU ! Je demande donc que l'on en revienne aux dispositions précédentes.
J'en viens au ticket modérateur instauré pour les bénéficiaires de l'AME. Qui a fait cela ?
M. Guy Fischer. Le Gouvernement !
M. Gilbert Chabroux. Oui ! Cela concerne 153 000 étrangers en situation irrégulière vivant avec moins de 566 euros par mois. Allez-vous revenir sur cette disposition ? C'est la question que j'ai posée précédemment.
En troisième lieu, le forfait hospitalier pour tous augmente de 20 % non pris en charge pour les 5 millions de personnes dont les ressources sont supérieures au seuil de la CMU-AME, mais qui n'ont pas les moyens de s'acquitter d'une couverture complémentaire. Que faites-vous ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Qui a créé l'effet de seuil ?
M. Gilbert Chabroux. Mais nous avons créé la CMU !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, et l'effet de seuil avec !
M. Gilbert Chabroux. J'ai dit que nous pouvions améliorer les choses ensemble et que nous pouvions revoir le seuil.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas le sujet !
M. Gilbert Chabroux. Essayez de faire une proposition dans ce sens, et nous serons d'accord !
Par ailleurs, vous supprimez la prise en charge à 100 % de certains soins post-hospitalisation.
J'arrête là, mais vous ne répondez pas à nos questions !
M. Paul Blanc. C'est de la démagogie !
M. Jean-François Mattei, ministre. C'est hors sujet !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Qui a augmenté le forfait hospitalier de 20 %, rendant plus difficile l'accès aux soins pour les plus défavorisés et les populations fragilisées ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Qui l'a inventé ?
M. Guy Fischer. Qui a décidé la suppression de la prise en charge à 100 % de certains soins post-hospitalisation, l'exclusion de la CMU, à 22 euros près, des personnes vivant avec pour seules ressources le minimum vieillesse ou l'allocation adulte handicapé ?
Sur le fond, et comme l'affirment nombre de hautes personnalités ayant signé la lettre de Médecins du monde, dont le docteur Xavier Emmanuelli, « renoncer à la gratuité d'accès aux soins pour ces personnes et au principe d'immédiateté de leur prise en charge est donc une véritable erreur, à terme, de santé publique ». C'est pourtant ce qui a été décidé par le Gouvernement. Toutes ces mesures qui ont pour effet de restreindre l'accès aux soins et la qualité de ces derniers auront peut-être des effets immédiats en termes financiers, mais produiront très rapidement des effets contre-productifs. Voilà pourquoi nous soutiendrons l'amendement défendu par notre collègue Gilbert Chabroux.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois simplement que si le petit jeu, à propos d'un amendement déclaratif, est de reprendre l'ensemble de la politique, que vous n'avez d'ailleurs pas conduite pendant des années...
M. Gilbert Chabroux. Comment ? Et la CMU ?
M. Nicolas About. ... et que vous souhaitez maintenant voir menée par le Gouvernement, nous allons pouvoir y consacrer des journées ! En tout cas, nous ne ferons rien pour entraver ce débat, et nous y passerons donc autant de semaines que vous le souhaitez !
Il y a un débat de santé publique : nous pouvons en discuter, si vous le souhaitez, mais nous pouvons aussi nous arrêter sur chaque amendement déclaratif et perdre notre temps à cela ! Je vous indique donc simplement que, comme M. le ministre l'a dit, tout cela figure dans le rapport annexé et finalement je ne vois pas pourquoi notre assemblée adopterait cet amendement ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Mais M. le rapporteur s'en est remis à la sagesse du Sénat !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Claude Domeizel. Ils ne sont pas sages !
M. le président. L'amendement n° 183, présenté par M. Chabroux, Mme Campion, MM. Cazeau et Godefroy, Mme Printz, M. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Après le sixième alinéa (3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le dépistage précoce de toutes les maladies ; ».
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Je ne sais pas si j'aurai plus de succès,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais si, l'espoir fait vivre !
M. Gilbert Chabroux. ... mais je change de sujet !
Le dépistage précoce de toutes les maladies constitue un élément déterminant de la politique de prévention.
Le sixième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique fait de la prévention un objectif essentiel de la santé publique. L'amendement n° 183 a donc pour objet de faire de l'amélioration du dépistage un enjeu de santé publique, car seul le dépistage peut permettre une prise en charge précoce des malades, et j'insiste sur ce point.
Certains disent que le dépistage est un outil de santé publique et non pas un objectif de santé publique. Je crois qu'il faut en faire un objectif et le valoriser en tant que tel. Nous savons bien, en effet, quel rôle il peut jouer.
Si nous prenons l'exemple de la maladie d'Alzheimer, nous pouvons constater que celle-ci est, hélas ! de plus en plus répandue. En effet, de 15 à 20 % de la population âgée de 60 à 90 ans en souffrent à des degrés divers. En la matière, le dépistage précoce est crucial, car le traitement médicamenteux est particulièrement efficace au stade initial ou moyen de la maladie. S'il est impossible de la guérir, sa progression peut être ralentie, ce qui améliore notablement la vie du patient et de sa famille.
Le nombre de personnes souffrant de cette maladie a augmenté d'environ 30 % au cours des dix dernières années. A l'horizon 2010 - c'est demain ! -, chaque famille comptera dans ses rangs une personne atteinte de ce mal.
Hubert Falco a déclaré que la maladie d'Alzheimer menace de devenir un « calvaire collectif ». Peut-on mettre en place un dépistage précoce pour lutter contre cette maladie ?
Le cancer du sein représente 32 % des nouveaux cas de cancer ; il est responsable de 40 % des décès féminins prématurés avant 65 ans. Mais, alors que le nombre de nouveaux cas a augmenté de 60 % entre 1975 et 1995, le taux de mortalité n'a progressé, quant à lui, que de 8 % en raison d'un diagnostic plus précoce rendu possible par des campagnes de dépistage systématique qui ont joué un rôle important.
J'insiste donc : je demande que l'on fasse du dépistage précoce de toutes les maladies un objectif de santé publique. Nous entendons tirer les leçons des progrès effectués au cours des dernières décennies, espérant que ces progrès profiteront à l'ensemble de notre société.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. L'expression « dépistage précoce de toutes les maladies » n'a pas grand sens.
M. Gilbert Chabroux. Ah bon ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Eh non ! En revanche, et c'est beaucoup plus important, le Gouvernement va mettre en place des consultations de prévention qui sont de nature à satisfaire vos préoccupations.
Je le répète : l'expression « dépistage de toutes les maladies » n'a pas de sens. C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
M. Gilbert Chabroux. J'ai cité des exemples !
M. Francis Giraud, rapporteur. Mais cela ne correspondait pas à « toutes les maladies » !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous accusez le Gouvernement d'avoir trop d'objectifs, monsieur Chabroux ! C'est n'importe quoi !
M. Francis Giraud, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Je vais apporter une réponse très claire à M. Chabroux, mais je pense que nous nous engageons là sur une mauvaise piste.
Tout d'abord, monsieur Chabroux, un dépistage est toujours précoce, sinon il s'agit d'un diagnostic. Votre formulation constitue donc un pléonasme.
Ensuite, quelqu'un m'a demandé, lors de mon audition par la commission des affaires sociales, de préciser ce que j'entendais par « dépistage ». J'ai répondu qu'il s'agissait d'une prévention : il y a la prévention primaire, qui tend à éviter l'apparition de la maladie, la prévention secondaire, qui est le dépistage de la maladie, et la prévention tertiaire, qui vise au dépistage des complications afin d'empêcher que la maladie ne se développe.
Autrement dit, vous parlez de « dépistage précoce » - c'est un pléonasme - « de toutes les maladies » -, ce qui est impossible.
Enfin, le 3° du paragraphe I fait référence à « la prévention des maladies », ce qui inclut le dépistage.
Si vous n'avez que des arguments et des amendements de cette nature, ne vous étonnez pas qu'on ne vous réponde pas, monsieur Chabroux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gilbert Chabroux. Nous avons de très bonnes intentions, ce qui n'est peut-être pas le cas de tout le monde ! (M. le président de la commission s'exclame.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote sur l'amendement n° 183.
M. Gilbert Chabroux. Je suis mis en cause parce que j'ai de trop bonnes intentions ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
J'aimerais que nous ayons tous de très bonnes intentions.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Comme l'enfer, qui est pavé de bonnes intentions !
M. le président. Donnons acte aux uns et aux autres que les intentions réciproques sont bonnes ! (Sourires.)
M. Gilbert Chabroux. J'ai cité des exemples probants : peut-être ne peut-on pas faire ce dépistage pour toutes les maladies, mais qui peut le plus peut le moins.
Je souhaiterais tout de même que l'on puisse prendre en compte le dépistage dans la formulation de l'article 1er et que l'on vise un certain nombre de maladies qui font des ravages épouvantables. J'ai parlé de la maladie d'Alzheimer, à propos de laquelle des choses peuvent être faites, comme nous le savons bien : nous ne pouvons quand même pas rester sans rien faire !
J'ai parlé du cancer du sein : des campagnes de dépistage - on parle bien là de « dépistage » - sont mises en oeuvre par les départements, et vous voulez les généraliser, ce qui est très bien.
Je demande donc que l'on aille au bout de cette logique et que le dépistage fasse partie de nos objectifs.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 183.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 278, présenté par MM. Autain et Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le neuvième alinéa (6°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique :
« 6° L'identification et la réduction des risques éventuels pour la santé liés aux multiples facteurs susceptibles de l'altérer tels que l'environnement, le travail, les transports, l'alimentation ou la consommation de produits et de services y compris de santé ; ».
L'amendement n° 149 rectifié, présenté par MM. Barbier, A. Boyer, Demilly, Fortassin, Joly, Laffitte, de Montesquiou, Othily, Pelletier et Vallet, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le 6° du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique :
« 6° La réduction des risques éventuels pour la santé liés à des facteurs d'environnement et des conditions de travail, de transport, d'alimentation ou de consommation de produits et de services susceptibles de l'altérer. »
La parole est à M. François Autain, pour défendre l'amendement n° 278.
M. François Autain. Cet amendement vise à apporter deux modifications.
D'abord, je souhaiterais ajouter le mot « identification » avant les mots « réduction des risques ». En effet, avant de réduire un risque éventuel, encore faut-il le connaître.
Ensuite, j'aimerais ajouter à la fin de cet alinéa, s'agissant de l'alimentation ou de la consommation de produits et de services, les mots « y compris de santé ».
Parmi les produits et les services mentionnés, je veux souligner que sont concernés les produits de santé et les établissements de soins et, de manière sous-jacente, les maladies iatrogènes et nosocomiales dont l'actualité vient encore, malheureusement, de parler. Au cas où l'on aurait tendance à l'oublier, ces maladies sont très répandues : 18 000 personnes meurent chaque année des suites des effets secondaires d'un médicament et 3 % des 134 000 personnes hospitalisées le sont à cause d'une complication liée à la prise d'un médicament. Par ailleurs - mais c'est un lieu commun -, les Français consomment beaucoup trop de médicaments. Cela coûte chaque année, et c'est grave, 15 milliards d'euros à l'assurance maladie, dont 1 milliard d'euros pour les seuls médicaments anti-cholestérol.
S'il est un domaine où l'on recherche les risques éventuels, c'est bien celui des produits de santé, par le biais des essais cliniques et des nombreux tests réalisés pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, avant l'autorisation de mise sur le marché, l'AMM. Et pourtant, des risques subsistent lorsque ces produits sont commercialisés à une grande échelle. L'affaire des coupe-faim entraînant des hypertensions pulmonaires primitives, les troubles musculaires provoqués par certaines statines en témoignent ainsi que, plus récemment, les cancers du sein causés par le traitement hormonal post-ménopausique.
Il est donc nécessaire de mettre en oeuvre tous les moyens permettant de détecter les risques éventuels pour la santé, de les évaluer et de les combattre.
En matière de médicaments, un pas a été franchi récemment, je le reconnais, même s'il est tardif, et l'on doit s'en féliciter, avec la signature d'un accord-cadre entre le comité économique des produits de santé et les entreprises du médicament, visant à mettre en place des tests post-AMM pour recenser non seulement les risques, mais aussi l'efficience thérapeutique, afin de faire en sorte que les médicaments tiennent leurs promesses.
Cet ajout me semble donc souhaitable, afin de bien cibler les maladies qui peuvent être considérées comme de véritables fléaux. Je le répète, chaque année, 18 000 personnes meurent à cause d'un médicament et l'on chiffre le nombre des décès de personnes ayant contracté une maladie nosocomiale entre 4 000 et 10 000.
Sauf si vous en jugez autrement, monsieur le ministre, ces deux modifications me semblent empreintes de bon sens.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 149 rectifié.
M. Gilbert Barbier. Il s'agit également là d'un amendement de bon sens.
En effet, à la lecture du 6° du I de l'article 1er, on a nettement l'impression que travailler, se déplacer et manger présentent un risque pour la santé.
Or, à mon avis, ce sont simplement les conditions de travail, de transport et d'alimentation qui présentent éventuellement un risque. Ne soyons donc pas ridicules au point de préciser dans un texte de loi que travailler représente un danger réel ! D'ailleurs, pendant très longtemps, le travail, c'était la santé, selon la chanson. (Sourires.) Mais, tel qu'il est rédigé, ce paragraphe est plein d'ironie ; l'adoption de la modification que je propose nous ramènerait quand même à un peu plus de réalité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Cette nouvelle rédaction pourrait permettre de bien préciser les facteurs susceptibles d'altérer la santé.
La commission s'en remet donc à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Chacun des deux amendements apportant une précision intéressante, je ferai une proposition à M. Barbier et à M. Autain.
Dans l'ensemble, la rédaction proposée par M. Barbier est préférable. Néanmoins, M. Autain propose de préciser que la politique de santé publique concerne, avant la réduction des risques, leur identification : cette idée me convient.
Je souhaiterais donc que M. Barbier accepte de rectifier son amendement en incluant la proposition de M. Autain. Ce dernier verrait ainsi sa demande satisfaite.
M. François Autain. Partiellement !
M. Jean-François Mattei, ministre. Certes, mais avouez, monsieur Autain, que la notion de « conditions » est intéressante.
M. François Autain. Tout à fait !
M. Jean-François Mattei, ministre. Je propose donc de rédiger le 6° du I de l'article 1er dans les termes suivants : « L'identification et la réduction des risques éventuels pour la santé liés à des facteurs d'environnement et des conditions de travail, de transport, d'alimentation ou de consommation de produits et de services susceptibles de l'altérer. »
M. le président. Monsieur Barbier, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par M. le ministre ?
M. Gilbert Barbier. Tout à fait, monsieur le président !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 149 rectifié bis, présenté par MM. Barbier, A. Boyer, Demilly, Fortassin, Joly, Laffitte, de Montesquiou, Othily, Pelletier et Vallet, et ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le 6° du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1411-1 du code de la santé publique :
« 6° L'identification et la réduction des risques éventuels pour la santé liés à des facteurs d'environnement et des conditions de travail, de transport, d'alimentation ou de consommation de produits et de services susceptibles de l'altérer ; ».
Monsieur Autain, cette rédaction vous satisfait-elle et, par conséquent, acceptez-vous de retirer l'amendement n° 278 ?
M. François Autain. Monsieur le président, vous comprendrez que je ne sois qu'à moitié satisfait !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est déjà bien !
M. François Autain. En effet, on ne tient compte que d'une partie de mon amendement !
Toutefois, je le reconnais, l'expression « conditions de travail », est préférable à celle de « travail » et je suis donc totalement favorable à l'adoption de cet amendement rectifié.
En revanche, M. le ministre ne m'a pas donné d'explications très convaincantes sur les raisons pour lesquelles il ne veut pas retenir la dernière partie de mon amendement relative à la consommation de produits et de services, y compris de santé.
J'aimerais que M. le ministre me précise ce point avant de me prononcer.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Mattei, ministre. Le 8° du I de l'article Ier concerne « la qualité et la sécurité des soins et des produits de santé ».
De votre amendement, seul le mot « services » n'est pas retenu, monsieur Autain. On peut donc quand même estimer que votre demande est satisfaite.
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Monsieur le ministre, il faut faire des concessions ! (Sourires.) Je m'y résous et j'accepte le compromis.
Je retire donc l'amendement n° 278.
M. le président. L'amendement n° 278 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 149 rectifié bis ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, pour la confiance dans l'économie numérique.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 144, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan.
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de MM. Alain Vasselle, Paul Blanc, Jean-Paul Alduy, Pierre André, José Balarello, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Roger Besse, Laurent Béteille, Joël Billard, Jacques Blanc, Mmes Brigitte Bout et Paulette Brisepierre, MM. Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Auguste Cazalet, Gérard César, Jacques Chaumont, Jean Chérioux, Jean Clouet, Gérard Cornu, Robert Del Picchia, Christian Demuynck, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Yves Détraigne, Eric Doligé, Michel Doublet, Daniel Eckenspieller, Jean-Paul Émin, Michel Esneu, Jean Faure, Hilaire Flandre, Serge Franchis, Patrice Gélard, Alain Gérard, François Gerbaud, Francis Giraud, Daniel Goulet, Alain Gournac, Georges Gruillot, Charles Guené, Michel Guerry, Mme Françoise Henneron, MM. Christian de La Malène, Lucien Lanier, André Lardeux, Jean-René Lecerf, Dominique Leclerc, Jean-François Le Grand, Philippe Leroy, Gérard Longuet, Jean-Louis Lorrain, Mme Brigitte Luypaert, MM. Serge Mathieu, Georges Mouly, Bernard Murat, Paul Natali, Mme Nelly Olin, MM. Georges Ostermann, Jacques Oudin, Mme Anne-Marie Payet, MM. Jacques Peyrat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Charles Revet, Henri de Richemont, Philippe Richert, Bernard Saugey, Bernard Seiller, Louis Souvet et André Vallet une proposition relative à la création d'une assurance dépendance.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 145, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
textes soumis au sénat
en application de l'article 88-4
de la constitution
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2478 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux conditions d'accès aux réseaux de transport de gaz.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2479 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2480 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1257/1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds d'orientation et de garantie agricole (FEOGA).
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2481 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Livre vert. L'avenir des règles d'origine dans les régimes commerciaux préférentiels.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2482 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre de la Commission européenne du 9 décembre 2003, relative à une demande de dérogation présentée par l'Allemagne en application de l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA.
Ce texte sera imprimé sous le numéro E-2483 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 14 janvier 2004, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 19, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la politique de santé publique.
Rapport (n° 138, 2003-2004) fait par MM. Francis Giraud et Jean-Louis Lorrain, au nom de la commission des affaires sociales.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (n° 90, 2003-2004).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 19 janvier 2004, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 janvier 2004, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 14 janvier 2004, à zéro heure trente.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
QUESTIONS ORALES
REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
(Application des articles 76 à 78 du réglement)
Protection contre les inondations
391. - 12 janvier 2004. - M. Dominique Leclerc souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable à la suite des pluies importantes de décembre dernier et des crues qu'elles ont engendrées dans le bassin de la Loire, sur l'impérieuse nécessité de mettre en place une véritable politique de protection des populations concernées. Cela suppose qu'au delà des moyens de prévision et prévention existant déjà soient mis en oeuvre des moyens complémentaires de protection comme la construction de nouveaux barrages, le renforcement des digues ou une meilleure utilisation des déversoirs. Il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui faire savoir si elle envisage de prendre des mesures en ce sens.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 13 janvier 2004
SCRUTIN (n° 125)
sur la motion n° 256, présentée par M. Guy Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à opposer la question préalable au projet de loi relatif à la politique de santé publique.
Nombre de votants : 314
Nombre de
suffrages exprimés : 311
Pour : 111
Contre : 200
Le Sénat n'a pas
adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 23.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (29) :
Contre : 29.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Pour : 5. _ MM. Jean-Michel Baylet, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré et Dominique Larifla.
Contre : 9.
Abstentions : 3. _ MM. Nicolas Alfonsi, André Boyer et François Fortassin.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Pour : 83.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (164) :
Contre : 162.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
N'ont pas pris part au vote : 5.
Ont voté pour
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique
Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Rodolphe Désiré
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel
Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guerini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Trémel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vézinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles
Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Détraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian
de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François
Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette
Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri
de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Jacques Moulinier
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Yannick Texier
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
Nicolas Alfonsi, André Boyer et François Fortassin.
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Bernard Seillier et Alex Türk.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, et Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 315
Nombre de suffrages
exprimés : 312
Majorité absolue des suffrages exprimés : 157
Pour :
112
Contre : 200
Mais, après vérification, ces nombres ont été
rectifiés
conformément à la liste ci-dessus.