Les dispositions de l'article 17 de la présente loi entreront en vigueur le 1er janvier 2006. - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 48
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par M. P. Blanc, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« Après l'article 48, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions du V de l'article 6 entreront en vigueur le 1er janvier 2006. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc, rapporteur. Il s'agit de reporter au 1er janvier 2006 l'entrée en vigueur de l'obligation, pour le ministère de l'éducation nationale, d'adapter les règlements des concours et des examens pour les candidats présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant. La révision de l'ensemble des règlements applicables aux différents concours et examens nécessite en effet un toilettage minutieux des textes. A cette fin, un délai apparaît nécessaire. De plus, il faut faire coïncider l'année scolaire avec l'année civile.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 48.
M. le président. L'amendement n° 170, présenté par MM. Godefroy, Chabroux, Cazeau et Domeizel, Mmes Printz et San Vicente, M. Vantomme, Mme Blandin, MM. Dauge, Le Pensec, Raoul et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« A la fin de l'intitulé du projet de loi, remplacer le mot : "handicapées" par les mots "en situation de handicap". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. A l'occasion de la défense de cet amendement, je souhaite revenir sur la définition du handicap, celle-là même par laquelle nous avions ouvert notre discussion.
Madame la secrétaire d'Etat, nous nous sommes longtemps interrogés. Le projet de loi est-il bien ce texte novateur que vous nous présentiez, un texte susceptible d'être amélioré, enrichi, complété, voire corrigé à la marge pour éviter tel ou tel effet collatéral de mauvais aloi ? N'est-ce pas plutôt, une fois de plus, un dispositif qui ne répondra pas fondamentalement, même si d'aucuns mettent quelques années à le reconnaître, aux attentes des personnes en situation de handicap, qu'il s'agisse d'accès au droit, de citoyenneté, d'intégration, d'autonomie et de participation sociale ? Telle est la question qu'il faut trancher.
Qu'on nous comprenne bien : nous ne disons pas que le projet de loi ne comporte pas ici ou là des aspects positifs. Des améliorations sensibles, importantes même, ont été apportées, nous le reconnaissons. Mais nous persistons à considérer que la perception de la personne qu'il véhicule est erronée et que, partant, il passe à côté de l'essentiel.
Vous affirmez, en contradiction avec les conclusions de travaux internationaux reconnus par la France, que le handicap est consubstantiel à la personne et non le produit d'une déficience et d'un environnement. Nous, nous approuvons la définition qui ressort de la classification internationale et des travaux de l'OMS, selon lesquels le handicap est le résultat de l'interaction dynamique entre un problème personnel de santé et des facteurs environnementaux.
Les travaux de l'OMS font effectivement apparaître qu'il existe des barrières environnementales, et ce sont elles qu'il faut essayer de lever. Voilà pourquoi nous pensons qu'il convient dereprendre la définition de l'OMS.
Il ne s'agit pas de dire qu'est en situation de handicap celui qui enlève ses lunettes ou celui qui a perdu le sens du goût. Il ne faut pas traiter cela par la dérision : ce serait mépriser les personnes qui sont en situation de handicap. Or nous avons pour elles le plus profond respect.
Il y a eu, au cours de ce débat, des moments émouvants. Je pense en particulier à ce qu'a dit M. About avec des accents de sincérité qui ne trompent pas. Nous aimerions que, de la même manière, vous cherchiez à comprendre ce que nous voulons dire.
Comme l'expliquait une sportive de haut niveau, Thérèse Lemoine, connue pour ses exploits Handisport, il faut abattre en particulier les barrières qui sont dans la tête des valides.
Les personnes handicapées doivent trouver pleinement leur place dans la société et non aux confins de celle-ci. Leur épanouissement dépend de la qualité de leur vie, c'est-à-dire des possibilités offertes ou conquises de réaliser leurs aspirations.
Je me permets donc de revenir à ce que nous avons dit tout au long de la discussion et que vous avez balayé d'un revers de la main : la situation de handicap est une situation qui est créée.
Il s'agit là, non d'une question de sémantique, mais bien d'un problème de fond. En dépendent non seulement l'ensemble des actions politiques à mener, mais aussi la perception même du handicap dans notre société.
Nous souhaiterions que le regard de la société change, que soient levées ces barrières qui sont dans la tête des valides.
Pour essayer de vous convaincre de la pertinence de cette définition qui a été admise par toutes les instances internationales, je me référerai aux propos d'une sociologue, Catherine Barral. Celle-ci, évoquant le processus de révision de la classification internationale engagée par l'OMS depuis 1995, explique que cette révision a abouti non plus à améliorer les conséquences sur les maladies ou l'objectif de quantification des seules conséquences néfastes des maladies en vue de prévoir la compensation la mieux adaptée, mais à viser la compréhension et la description du processus de production du handicap, qui intègre variables individuelles et variables environnementales dans un modèle que ses auteurs appellent « bio-psycho-social ».
Impulsée par le mouvement social international des personnes handicapées, cette approche nouvelle tente de résoudre la dichotomie entre modèle individuel et modèle social par une conception interactive individu-société du processus de production des situations de handicap.
Nous ne faisons pas une loi pour les quelques années à venir, mais pour les dix, vingt, voire trente prochaines années. Nous devons donc tenir compte des évolutions des mentalités et de la société dans son ensemble. Par conséquent, on ne saurait reprendre une définition médicale qui date du siècle dernier et même du milieu du siècle dernier. Il faut adopter une définition qui soit adaptée à la société dans laquelle nous vivons et aux évolutions qui vont encore se produire, en particulier du fait des progrès scientifiques et techniques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Blanc, rapporteur. Il est évident que l'appréciation du handicap est indissociable du contexte concret dans lequel il se manifeste. La société porte sa part de responsabilité s'agissant des conséquences du handicap sur la vie quotidienne et sur la participation à la vie sociale de la personne atteinte d'une déficience.
Au-delà de la querelle de vocabulaire, qui me paraît finalement relever du détail, je voudrais tout de même souligner le danger d'une approche uniquement environnementale du handicap...
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas le nôtre !
M. Paul Blanc, rapporteur. ... qui donnerait à penser que, si tout était pour le mieux dans le meilleur des mondes et si la société faisait son travail, le handicap n'existerait plus !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne disons pas cela !
M. Paul Blanc, rapporteur. Il s'agit là, à mon sens, d'une utopie.
En revanche, il importe que nous nous attachions aux « personnes handicapées », qualificatif qui ne saurait résumer l'être de quelqu'un.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. En 1975, la loi s'intitulait « loi d'orientation en faveur des personnes hadicapées ». Le projet de loi que je vous présente vise l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ce texte promeut ainsi une approche personnaliste, parce que le handicap est une déficience - c'est un problème de santé, monsieur Chabroux ! - avec un certain nombre de facteurs personnels.
Bien sûr, des facteurs environnementaux peuvent compliquer encore plus la vie en société d'une personne handicapée, nous ne l'avons jamais nié et nous avons pris ce fait en considération article après article.
Je ne m'en tiens pas du tout à la définition « traditionnelle » du handicap, mais je considère que le handicap résulte de l'interaction entre une déficience et des obstacles de nature environnementale.
Pour le reste, je pense que nous ne faisons pas la même lecture, monsieur Chabroux. Pour ma part, je reprends la définition adoptées par l'OMS, selon laquelle le handicap est un terme générique désignant les déficiences, les limitations d'activité et les restrictions de la participation. Il désigne les aspects négatifs de l'interaction entre un individu qui a un problème de santé et les facteurs contextuels dans lesquels il évolue, facteurs personnels et facteurs environnementaux.
La classification de l'OMS, monsieur Chabroux, n'utilise à aucun moment la terminologie « personnes en situation de handicap ».
Vous nous dites que parler de personnes handicapées relève d'une conception qui remonte au milieu du siècle dernier. Je crains que, décidément, nous ne parlions pas la même langue !
Dans la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, que vous avez votée, il est question des personnes handicapées.
La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 fait, elle aussi, mention des personnes handicapées.
La loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades parle également des personnes handicapées.
Et il en va de même dans la déclaration de Madrid de mars 2002, dans la loi fédérale suisse du 13 décembre 2002, qui traite de l'élimination des inégalités frappant les personnes handicapées, ou encore dans la loi belge du 1er juillet 2003.
Vous pouvez le constater, monsieur Chabroux, il ne s'agit pas du milieu du siècle dernier !
Si nous avons fait le choix d'employer la terminologie « personne handicapée », c'est, bien sûr, avec un infini respect envers les personnes considérées. Le respect suppose d'abord de reconnaître la réalité, à savoir celle d'une déficience physique, qu'il faut essayer de prévenir - d'où le rôle de la recherche - et de compenser. Dans la mesure où cette déficience physique peut être amplifiée par des données environnementales, il faut aussi, à l'évidence, traiter les aspects environnementaux.
Je le redis, la formule « personne handicapée » me paraît à la fois adéquate et plus respectueuse des personnes concernées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nelly Olin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.
M. Jean Chérioux. Notre collègue Gilbert Chabroux a raison : il y a des barrières à lever. Mais ce ne sont pas celles qu'il a évoquées, ce sont celles de l'intolérance et du sectarisme.
Tout au long de ce débat, il est apparu tout à fait clairement que nos collègues du groupe socialiste et du groupe CRC ne pouvaient accepter ce texte, qui va pourtant représenter un immense progrès pour les personnes handicapées, tout simplement parce qu'il est présenté par ce gouvernement.
On a bien senti combien vous étiez gênés, chers collègues. Vous n'avez cessé d'ergoter sur tel ou tel détail, mais, au fond, vous aviez du mal à vous opposer à ce texte.
En vérité, votre philosophie politique veut que la droite ne puisse être à l'origine d'un progrès social. A vos yeux, elle n'en est tout simplement pas capable ! Vous seuls êtes susceptibles de réaliser un progrès social !
M. Roland Muzeau. Il parle d'or !
M. Jean Chérioux. D'ailleurs, si vous étiez amenés à voter ce texte, vous seriez extrêmement gênés dans le débat qui va avoir lieu sur la motion de censure que vous avez présentée.
M. Jean-Pierre Sueur. La motion de censure, c'est à l'Assemblée nationale !
M. Jean Chérioux. Comment, en effet, pourriez-vous voter ce texte alors que vous osez dire que la réforme et le progrès sont devenus synonymes de rigueur et de régression ? En quoi ce texte signifie-t-il rigueur et régression pour les handicapés ? C'est tout le contraire ! Mais, bien entendu, vous vous gardez d'en parler dans votre inventaire de toutes les fautes prétendument commises par le gouvernement actuel !
Comment pourriez-vous aussi voter ce texte alors que vous dites aux Français que les choix qui sont opérés sont désastreux pour eux, qu'ils suppriment tout ce qui permet d'améliorer leur vie quotidienne et contribue à leur donner confiance dans l'avenir ?
Au cours de ces derniers jours, qu'avons-nous fait d'autre que de prendre des mesures pour améliorer la vie de ceux de nos concitoyens qui sont parmi les plus défavorisés parce qu'ils sont handicapés ? Comme, en vertu de votre logique, vous ne pouvez pas l'admettre, vous cherchez les raisons les plus obscures de ne pas voter ce texte ! Ce faisant, vous allez perdre une belle occasion de vous honorer.
En votant ce projet de loi, vous pourriez montrer que l'ensemble des parlementaires peuvent oublier un moment les différences partisanes pour approuver des dispositions qui sont manifestement conformes à l'intérêt de la France et des Français, et surtout des personnes handicapées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je dois le dire, j'ai longtemps cru qu'il était préférable de parler de « personnes en situation de handicap ». Mais j'ai finalement compris qu'une telle formulation revenait à considérer que, en dehors de cette situation, la personne concernée n'est plus handicapée.
En effet, nous le savons bien, dans les cas de déficience grave, au-delà de l'absence de réponse de la société, c'est la profondeur de cette déficience qui crée le handicap, et rien d'autre que cette déficience ne fait obstacle à une solution.
Même si, ponctuellement, on peut dire que telle personne se trouve à tel instant en situation de handicap, nous sommes donc obligés de parler de « personnes handicapées ».
Suivre la proposition de nos collègues socialistes, ce serait aussi prendre le risque de ne plus avoir à répondre aux demandes des autres, de ceux pour lesquels le handicap n'est en rien créé par l'environnement social.
Ainsi, monsieur Chabroux, votre définition exclut tous ceux qui souffrent d'une déficience très lourde et à laquelle la société n'a aucune réponse à apporter, aucune solution à proposer.
J'ai longtemps cru, moi aussi, que, s'il y avait une réponse possible, qu'elle soit médicale, chirurgicale, sociale, sociétale, etc, la déficience se voyait tout à coup allégée, compensée et donc que le handicap n'apparaissait pas.
J'ai longtemps cru que le handicap naissait du manque de solution dans la confrontation à un environnement inadapté. Mais, après réflexion, limiter le handicap à cela m'apparaît comme une grossière erreur.
Même si j'ai pensé que, dans beaucoup de circonstances, on pouvait parler de constitution de handicap, je ne crois pas que cela règle l'ensemble des problèmes. C'est pourquoi il me paraît sage de s'en tenir à la formulation « personnes handicapées ».
Mme Nelly Olin Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux Les propos de M. Chérioux sont excessifs !
M. Jean Chérioux Ah bon ? J'ai pourtant été bien modéré ! Vous auriez mérité pire !
M. Gilbert Chabroux Le débat s'est déroulé dans de bonnes conditions et nous y avons participé de manière constructive.
M. Jean Chérioux Avec dépit !
M. Gilbert Chabroux Pourquoi, alors, faites-vous preuve d'une telle hargne ?
M. Jean Chérioux Par tristesse, par déception !
M. Gilbert Chabroux Qu'est-ce qui vous irrite tant ? Pourquoi, en fin de compte, ne pouvez-vous pas accepter que l'on discute, que l'on exprime des points de vue différents ?
Il est vrai que, dans des textes récents, on a parlé de personnes handicapées : c'est le cas dans la loi de modernisation sociale, dans la loi sur les droits des malades. Mais je pense qu'il faut maintenant prendre un tournant et se mettre en conformité avec la classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé. C'est l'orientation qu'il convient désormais de prendre.
Je l'ai dit, nous ne légiférons pas pour les mois qui viennent, mais pour les décennies futures. Il nous faut donc tenir compte des évolutions de la société.
Vous avez mentionné la déclaration de Madrid de mars 2002, madame la secrétaire d'Etat. Or, aux termes de celle-ci, il convient d'abandonner l'idée préconçue de la déficience comme seule caractéristique de la personne...
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Je n'ai rien dit d'autre !
bat.M. Gilbert Chabroux. ... pour en venir à la nécessité d'éliminer les barrières, de réviser les normes sociales, politiques et culturelles, ainsi qu'à la promotion d'un environnement accessible et accueillant ». C'est bien ce que nous disons ! Et nous voulons trouver un bon équilibre entre les facteurs personnels et les facteurs environnementaux.
Voilà pourquoi nous vous proposons de retenir la formule « personnes en situation de handicap », car elle exprime mieux l'interaction entre les facteurs individuels et les facteurs sociaux, culturels et environnementaux. Cette proposition nous semble constructive et elle mérite bien un débat !
Je le répète, il ne s'agit pas seulement d'un problème de terminologie : votre interprétation privilégie une logique d'assistanat au détriment de la reconnaissance de droits pleins et entiers. (Exclamations dans les travées de l'UMP.)
Oui, mes chers collègues, nos logiques divergent !
Qu'ont répondu les associations lorsque vous vous réjouissiez, madame la secrétaire d'Etat, de la logique d'intégration promue par le projet de loi ?
« L'intégration, c'est dépassé ; aujourd'hui, ce n'est plus à nous de faire des efforts pour nous intégrer, mais c'est à la société de nous accepter ». Cela mérite débat !
Peut-être nous faut-il aussi remettre en question la société au lieu de remettre d'abord en question les personnes handicapées, et nous ne vous proposons rien d'autre que de rechercher un équilibre entre les personnes handicapées et la société. C'est une demande légitime, qui mérite mieux que les réponses qu'a pu faire, à sa manière, notre collègue Jean Chérioux.
M. Jean Chérioux. Et j'en suis fier !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Chérioux, vous nous faites un procès - le mot ne me paraît pas excessif - en affirmant que, ce texte étant présenté par un gouvernement de droite, nous ne pouvons qu'y être défavorables, puisque nous sommes dogmatiques et sectaires.
M. Jean Chérioux. Eh oui, hélas !
M. Jean-Pierre Sueur. J'estime, quant à moi, que le fait de présenter les choses ainsi pourrait relever d'une vision un peu simpliste.
M. Jean Chérioux. Allez-y, cela ne me dérange pas !
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne sais pas si je vais qualifier cette vision de dogmatique ou de sectaire, mais j'invite M. Chérioux - et je suis sûr qu'il le fera, comme à son habitude - à suivre avec attention la suite des débats ; si, en effet, lors de l'examen du prochain texte qui nous a été annoncé au Sénat, il s'avérait que tel ou tel groupe de l'opposition vote tel ou tel texte présenté par la majorité et le gouvernement de droite, son raisonnement ne tiendrait plus !
M. Jean Chérioux. Si, parce que le présent texte est un texte majeur !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce qui suppose donc, monsieur Chérioux, si je vous suis bien, que le prochain texte que nous serons appelés à examiner serait mineur ! C'est votre position,...
M. Jean Chérioux. Absolument pas !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et je la respecte.
Quoi qu'il en soit, au fil du débat, vous avez aussi évoqué la motion de censure, mais nous n'aurons pas l'honneur d'en discuter.
M. Jean Chérioux. Ce n'est pas la question !
M. Jean-Pierre Sueur. En tout cas, la manière dont il a été répondu - et vous y avez participé, madame la secrétaire d'Etat - à M. Chabroux a quelque chose d'un peu simplificateur.
Si j'ai bien compris votre raisonnement et votre discours, selon vous, on ne pourrait pas réduire le problème du handicap aux données environnementales, puisque la déficience existe objectivement, qu'elle soit physique ou psychique. Nous ne l'avons jamais nié,...
M. Paul Blanc, rapporteur. Heureusement !
M. Jean-Pierre Sueur. ... et ce serait vraiment nous caricaturer que de considérer que, pour nous, tout est matière d'environnement, en quelque sorte. Que certaines données tiennent à la déficience dont souffre l'intéressé, c'est tout à fait évident, et elles ne sont pas réductibles à l'environnement !
Par ailleurs, quand on parle du contexte et de l'environnement, comme vient de le faire M. Chabroux, on ne cite pas seulement les conditions matérielles de vie, mais aussi les conditions sociales ! Or, qu'est-ce que l'environnement social ? Ce sont les autres êtres humains, et si certains d'entre eux vivent douloureusement cette situation dans leur chair, d'autres n'ont pas du tout la même attitude par leur regard et la manière dont ils prennent en compte les personnes en situation de handicap.
Tout cela n'a aucun sens, sauf à en revenir à des théories extrêmement primaires qui consisteraient à dire que tout est déterminé par la situation. Mais c'est une régression intellectuelle à laquelle nous n'adhérons pas.
On ne peut pas non plus dire que l'être humain handicapé serait une essence abstraite, que l'on pourrait isoler de son contexte matériel ou social. Cela n'a pas de sens non plus.
Donc, la seule manière cohérente d'approcher le problème, c'est de considérer la dialectique, l'interaction entre l'être humain handicapé et les autres être humains, ainsi que les conditions sociales et matérielles de la vie.
Nous savons bien que là réside la vérité et, finalement, nous avons quand même quelques scrupules à rappeler ici de telles évidences.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 170.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de quelques instants.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'indique, monsieur le président, que la commission va se réunir pendant cette suspension de séance.
M. le président. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures dix, est reprise à vingt-trois heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
M. le président. J'ai été saisi par MM. Michel Mercier et Jean-Pierre Vial d'une demande de seconde délibération sur l'article 27.
Je vous rappelle que, en aplication de l'article 43, alinéa 4, du règlement, une demande de seconde délibération doit être formulée ou acceptée par le Gouvernement.
Le Gouvernement accepte-t-il d'inclure l'article 27 dans une éventuelle seconde délibération ?
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Il ne le souhaite pas.
M. le président. En application de l'article 43, alinéa 4, du règlement, la demande de seconde délibération sur l'article 27 n'est pas acceptée.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. En application de l'article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande qu'il soit procédé, avant le vote sur l'ensemble, à une seconde délibération des articles 2 et 3.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur la demande de seconde délibération ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La commission y est favorable.
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, acceptée par la commission.
La seconde délibération est ordonnée.
La parole est à M. Claude Domeizel pour un rappel au règlement.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, nous venons d'assister à une suspension de séance. En réalité, c'est une façon de parler parce que nous n'avons assisté à rien du tout. Nous avons simplement attendu dans la salle des conférences. La question va vous surprendre, mais pouvons-nous continuer à siégeralors que nous n'avons pas siégé à la réunion de la commission qui vient d'avoir lieu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Le président de la commission a dit qu'il réunissait la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je pense que vous ne vous êtes pas rendu compte que vous étiez réunis en commission ! Qui d'entre vous n'était pas à la réunion ?
M. Claude Domeizel. Vous nous en avez donné les conclusions !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.
M. Roland Muzeau. J'interviens simplement pour que le Journal officiel transcrive la réalité. Oui, au bout de trente minutes, les membres de la commission des affaires sociales de l'opposition ont pu écouter le président leur indiquer que quatre amendements devaient faire l'objet d'une seconde délibération. Nous pouvons comprendre les modifications apportées, mais il est des questions plus importantes que nous n'avons pas eu le droit de connaître, ce qui est tout à fait regrettable. On ne sait pas quel est le désaccord entre la majorité de droite de la commission des affaires sociales et le Gouvernement sur des sujets probablement très importants, qui ont donné lieu à cette réunion en nombre très restreint pendant près d'une demi-heure.
Je regrette cette situation. Peut-être allons-nous être informés par les débats qui vont suivre, ce dont je doute fortement. J'observe une sorte d'affolement du Gouvernement sur un texte qui a été examiné sereinement pendant de nombreux jours, mais sans que le fond des problèmes et les exigences portées par nos concitoyens soient traités. Ainsi, nous terminons beaucoup plus mal que nous n'avons commencé et poursuivi ce débat. Et c'est bien dommage !
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour un rappel au règlement.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, je demande simplement que le règlement soit appliqué. Je suis prêt à accepter beaucoup de choses, mais à condition de les comprendre et d'y être associé.
Comme ce n'est pas le cas depuis trente-cinq minutes, en application du règlement, monsieur le président, je vous demande une suspension de séance d'un quart d'heure pour réunir mon groupe.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est le bon sens !
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous allons procéder à la seconde délibération.
Je rappelle au Sénat les termes de l'article 43, alinéa 6 du règlement :
« Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d'amendements et sur les sous-amendements s'appliquant à ces amendements. »
I. - Le chapitre V du titre IV du livre II du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Prestation de compensation
« Art. L. 245-1. - I. - Toute personne handicapée remplissant les conditions prévues par l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale, dont l'âge est inférieur à une limite fixée par décret et dont le handicap répond à des critères définis par décret prenant notamment en compte l'âge ainsi que la nature et l'importance des besoins de compensation, a droit à une prestation de compensation, qui a le caractère d'une prestation en nature. Toutefois, pour les personnes handicapées relevant de l'allocation mentionnée à l'article L. 541-1 du même code, l'attribution de la prestation de compensation est subordonnée au versement préalable de ladite allocation majorée du complément le plus élevé.
« Lorsque le bénéficiaire de la prestation de compensation dispose d'un droit ouvert de même nature au titre d'un régime de sécurité sociale ou lorsqu'il ouvre droit à l'allocation mentionnée à l'article L. 541-1 dudit code, les sommes versées à ce titre viennent en déduction du montant de la prestation de compensation dans des conditions fixées par décret.
« II. - Peuvent également prétendre au bénéfice de cette prestation les personnes d'un âge supérieur à la limite mentionnée au I, mais dont le handicap répondait, avant cet âge limite, aux critères également mentionnés audit I, sous réserve de solliciter cette prestation avant un âge fixé par décret.
« Art. L. 245-2. - La prestation de compensation peut être affectée, dans des conditions définies par décret, à des charges :
« 1° Liées à un besoin d'aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux ;
« 2° Liées à un besoin d'aides techniques, notamment aux frais laissés à la charge de l'assuré lorsque ces aides techniques relèvent des prestations prévues au 1° de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale ;
« 3° Liées à l'aménagement du logement et du véhicule de la personne handicapée ;
« 4° Spécifiques ou exceptionnelles, comme celles relatives à l'acquisition ou l'entretien de produits liés au handicap ou aux aides animalières.
« Art. L. 245-3. - L'élément de la prestation relevant du 1° de l'article L. 245-2 est accordé à toute personne handicapée soit lorsque son état nécessite l'aide effective d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence ou requiert une surveillance régulière, soit lorsque l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une fonction élective lui impose des frais supplémentaires.
« Lorsque la personne handicapée dispose d'un droit ouvert de même nature au titre d'un régime de sécurité sociale, celui-ci vient en déduction des sommes versées au titre de la prestation de compensation.
« Le service de cette prestation peut être suspendu ou interrompu lorsqu'il est établi, dans des conditions fixées par décret, que son bénéficiaire ne reçoit pas l'aide effective pour laquelle cette allocation lui a été attribuée, la charge de la preuve incombant au débiteur de l'élément de la prestation.
« Art. L. 245-4. - La prestation de compensation est accordée sur la base de tarifs et de montants fixés par nature de dépense, dans la limite de taux de prise en charge qui peuvent varier selon les ressources du bénéficiaire. Les tarifs et taux de prise en charge susmentionnés, ainsi que le montant maximum de chaque élément mentionné à l'article L. 245-2, sont déterminés par voie réglementaire. Les modalités et la durée d'attribution de cette prestation sont définies par décret.
« Les ressources retenues pour la détermination du taux de prise en charge mentionné à l'alinéa précédent sont les ressources personnelles de l'intéressé, à l'exclusion de celles de son conjoint. En sont également exclus les revenus d'activité professionnelle, dans la limite d'un plafond fixé par décret en Conseil d'Etat, les rentes viagères mentionnées au 2° du I de l'article 199 septies du code général des impôts, lorsqu'elles ont été constituées par la personne handicapée pour elle-même ou, en sa faveur, par ses parents ou son représentant légal, ses grands-parents, ses frères et soeurs ou ses enfants, et certaines prestations sociales à objet spécialisé dont la liste est fixée par voie réglementaire.
« Les frais de compensation restant à la charge du bénéficiaire, en application des règles prévues au premier alinéa ne peuvent excéder 10 % de ses ressources annuelles.
« Art. L. 245-5. - L'attribution de la prestation de compensation n'est pas subordonnée à la mise en oeuvre de l'obligation alimentaire définie par les articles 205 à 211 du code civil.
« Il n'est exercé aucun recours en récupération de cette prestation ni à l'encontre de la succession du bénéficiaire décédé, ni sur le légataire ou le donataire.
« Les sommes versées au titre de cette prestation ne font pas l'objet d'un recouvrement à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune.
« Art. L. 245-6. - La prestation de compensation est incessible en tant qu'elle est versée directement au bénéficiaire et insaisissable, sauf pour le paiement des frais de compensation de la personne handicapée relevant du 1° de l'article L. 245-2. En cas de non-paiement de ces frais, la personne physique ou morale ou l'organisme qui en assume la charge peut obtenir du président du conseil général que l'élément de la prestation relevant du 1° de l'article L. 245-2 lui soit versé directement.
« L'action du bénéficiaire pour le paiement de la prestation se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable à l'action intentée par le président du conseil général en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.
« La tutelle aux prestations sociales prévue aux articles L. 167-1 à L. 167-5 du code de la sécurité sociale s'applique également à la prestation de compensation.
« Art. L. 245-7. - Toute personne qui a obtenu le bénéfice d'une prestation de compensation avant l'âge mentionné à l'article L. 245-1 et qui remplit les conditions prévues par l'article L. 232-1 peut choisir, dans des conditions fixées par décret, lorsqu'elle atteint cet âge et à chaque renouvellement de l'attribution de cette prestation, le maintien de celle-ci ou le bénéfice de l'allocation personnalisée d'autonomie.
« Art. L. 245-8. - Les dispositions de l'article L. 134-3 sont applicables aux dépenses résultant du versement de la prestation prévue à l'article L. 245-1.
« Art. L. 245-9. - Les personnes handicapées hébergées dans un établissement social ou médico-social ou hospitalisées dans un établissement de santé ont droit à la prestation de compensation. Un décret fixe les conditions de son attribution et précise la réduction qui peut lui être appliquée pendant la durée de l'hospitalisation ou de l'hébergement, ou les modalités de sa suspension.
« Art. L. 245-9-1. - L'élément mentionné au 1° de l'article L. 245-2 peut être employé à rémunérer un ou plusieurs salariés ou un service d'auxiliaire de vie ou d'aide à domicile, ainsi qu'à dédommager un aidant familial.
« La personne handicapée peut employer ou un plusieurs membres de sa famille, y compris son conjoint, son concubin ou la personne avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité dans des conditions fixées par décret.
« Elle peut choisir de désigner tout organisme agréé à cet effet par le président du conseil général, notamment un centre communal d'action sociale, comme mandataire de l'élément mentionné au 1° de l'article L. 245-2. L'organisme agréé assure, pour le compte du bénéficiaire, l'accomplissement des formalités administratives et des déclarations sociales liées à l'emploi de ses aides à domicile. La personne handicapée reste l'employeur légal.
« Art. L. 245-9-2. - Les éléments mentionnés aux 2°, 3° et 4° de l'article L. 245-2 peuvent être constitués sous la forme d'un capital, lors de la décision d'attribution de la prestation de compensation par la commission mentionnée à l'article L. 146-5.
« Préalablement à l'acquisition d'une aide technique ou à la réalisation de travaux d'aménagements du domicile, le bénéficiaire soumet pour avis les devis d'acquisition ou de travaux à la commission. L'avis favorable de celle-ci vaut accord pour la prise en charge de ces dépenses dans le cadre de la prestation de compensation, dans les limites de taux de prise en charge et de montant prévus par la décision d'attribution visée à l'alinéa précédent.
« La commission est tenue de prendre une décision dans un délai de trois mois à compter de la date de dépôt du dossier complet. A défaut, elle est réputée favorable pour le devis le moins disant répondant aux besoins de la personne.
« Les conditions d'application du présent article sont prévues par décret en Conseil d'Etat.
« Art. L. 245-10. - Sauf disposition contraire, les modalités d'application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »
II. - Le neuvième alinéa (3°) de l'article L. 131-2 du même code est ainsi rédigé :
« 3° De l'attribution de l'élément de la prestation relevant du 1° de l'article L. 245-2, dans les conditions prévues par les articles L. 245-3 à L. 245-9 ; ».
III. - A l'article L. 232-23 du même code, les mots : « l'allocation compensatrice » sont remplacés par les mots : « la prestation de compensation ».
M. le président. L'amendement n° A-6 présenté par M. Paul Blanc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« I. - Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 245-9-2 (nouveau), remplacer les mots : "prendre une décision" par les mots : "rendre son avis".
« II. - En conséquence, dans la seconde phrase du même alinéa, remplacer les mots : "elle est réputée" par les mots : "il est réputé". »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Blanc, rapporteur. Il s'agit d'un simple amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° A-6.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)